FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 13 mai 1999
Le coprésident (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Je déclare ouverte la séance mixte du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants et du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Général Henault et monsieur Wright, ainsi que monsieur LeBane et monsieur Bassett, je vous souhaite à nouveau la bienvenue.
La fin de la session approche. Je sais que vous devez être extrêmement occupés. Nous vous savons donc gré d'être venus nous rencontrer deux fois par semaine comme vous l'avez fait. Naturellement, nous avons annoncé que, la semaine prochaine, il n'y aurait pas de séance d'information. Je suis sûr que le Général, M. Wright et les autres peuvent faire bon usage de la pause que cela représentera pour eux, bien que je sois conscient qu'ils s'occupent d'autres affaires également. Nous ne nous réunirons donc pas la semaine prochaine, à moins qu'un fait nouveau extrêmement important ne survienne, auquel cas une réunion spéciale sera convoquée.
Cela étant dit, je cède la parole aux témoins.
Général, serez-vous le premier à prendre la parole aujourd'hui?
Le lieutenant-général Raymond R. Henault (sous-chef d'état-major de la Défense, ministère de la Défense nationale): Oui, monsieur le président, si vous me le permettez.
Mesdames et messieurs, je serai le premier à vous parler, suivi de M. Wright, puis de M. LeBane qui vous fera également une brève mise à jour sur la situation des réfugiés.
[Français]
Bon après-midi, mesdames et messieurs.
[Traduction]
Comme nous le savons tous fort bien, l'OTAN poursuit son opération militaire en République yougoslave. Ainsi, les ponts, les grandes routes et les voies ferrées, les raffineries de pétrole, les dépôts de carburant et de munitions, les stations-relais et les forces terrestres déployées au Kosovo—soit la liste habituelle de cibles dont nous avons déjà parlé—sont bombardés jour et nuit.
[Français]
Les attaques de l'OTAN continuent de porter sur des objectifs variés et leur but consiste principalement à isoler, déranger et détruire les forces qui perpètrent la purification ethnique au Kosovo.
[Traduction]
Cinquante jours après le début de la campagne aérienne, l'OTAN a effectué 20 000 sorties environ, dont 5 000 ou 6 000, c'est-à-dire environ le tiers, étaient des sorties de frappe.
Le général Wesley Clark, commandant suprême des Forces alliées, a fait une évaluation de la guerre aérienne au Conseil de l'Atlantique Nord, mardi dernier. On peut dégager plusieurs conclusions de cette évaluation.
Pour ce qui est des cibles stratégiques, les sorties de frappe ont causé des dommages modérés ou élevés aux trois quarts de l'équipement de guerre électronique, des missiles, de l'artillerie anti-aérienne, des installations de commandement et de contrôle, des pistes d'atterrissage, des forces déployées, des installations industrielles, des dépôts de produits pétroliers et des installations utilisées par les dirigeants serbes.
Les raids aériens donnent des résultats sur les plans tant stratégique que tactique, le plus fort taux de succès étant enregistré au niveau stratégique—les installations de commandement et de contrôle, de communication, et ainsi de suite. Comme vous le savez grâce à nos rencontres précédentes, il s'est avéré plus difficile de causer des dommages aux forces déployées au sol et au matériel militaire connexe. Le fait que l'on continue de vouloir réduire au minimum les dommages collatéraux n'aide pas.
[Français]
Les forces terrestres sont des cibles encore plus difficiles à atteindre que les cibles stratégiques en raison de leur mobilité, de leur recours à toutes sortes de techniques de camouflage et de leur utilisation, dans certains cas, de boucliers humains. Néanmoins, nos attaques constantes les ont sans aucun doute affaiblies et ont certainement affecté le moral des troupes au sol.
Je vous rappelle qu'on estime que de 15 à 20 p. 100 des véhicules blindés au Kosovo ont été touchés et que ce pourcentage atteint peut-être même 25 p. 100.
[Traduction]
En dépit des allégations contraires des Serbes, nous n'avons toujours pas la preuve d'un retrait important des forces militaires et policières serbes. Il y a bien eu un certain repositionnement. On a déplacé par autocars des personnes et ainsi de suite, mais l'équipement lourd, c'est-à-dire le matériel de combat qui indiquerait un retrait d'importance, n'a pas été déplacé.
Les raids aériens comme tels n'ont pas encore culminé en intensité et n'ont pas encore eu l'effet voulu sur le président Milosevic et ses forces. Une amélioration des conditions météorologiques et l'ajout d'appareils—à nouveau, SACEUR a demandé l'envoi d'autres appareils—donneront au cours des prochaines semaines des résultats de plus en plus importants, croyons-nous. Les conditions météorologiques commencent à s'améliorer là-bas.
Il devient chaque jour plus difficile d'équilibrer les exigences de la campagne aérienne et de faciliter les secours humanitaires—les deux vont de pair—à mesure qu'augmente le nombre de convois menés sous l'égide d'ONG avec le risque correspondant de dommages collatéraux. Tous les alliés de l'OTAN font preuve d'une grande prudence, conscients que des convois organisés par les ONG se déplacent au Kosovo. La dernière chose que nous souhaiterions serait de frapper un convoi de cette nature.
Nous avons souvent recours au processus d'identification des cibles et le révisons très fréquemment afin d'éliminer toute erreur semblable à celle qui été commise à l'ambassade chinoise.
[Traduction]
La mission de SACEUR sera de plus en plus difficile à mesure que seront éliminées ou frappées à nouveau les cibles stationnaires relativement—j'hésite à dire qu'elles sont faciles, mais elles sont plus faciles à atteindre—et à mesure que les opérations prendront de l'ampleur et qu'on insistera davantage sur les cibles tactiques connues au Kosovo.
Quant à la dimension navale et au régime de visites et d'inspections—nous en avons discuté déjà ici, et je sais que vous êtes très conscients de ses nombreuses répercussions—le Conseil de l'Atlantique Nord continue de l'étudier. S'il approuve le régime de visites et d'inspections, cependant, les autorités de l'OTAN ont avalisé le déploiement de la Force navale permanente de l'Atlantique relevant du commodore canadien David Morse en vue de confier le commandement des opérations au Commandant suprême des Forces alliées en Europe, plutôt qu'au Commandant suprême allié de l'Atlantique.
[Français]
Les forces de l'OTAN continuent aussi à fournir un soutien important aux organisations non gouvernementales et aux institutions gouvernementales de la Macédoine et de l'Albanie.
[Traduction]
Brièvement, j'aimerais passer en revue la contribution canadienne. Nos CF-18 stationnés à Aviano—je vous rappelle qu'il y en a 18 et qu'ils se trouvent toujours sur le théâtre d'opération—continuent d'effectuer des missions d'interdiction aérienne du champ de bataille, d'appui aérien du combat et de patrouilles aériennes de combat, le taux moyen de sorties étant d'environ 16 par jour.
[Français]
Ce taux a augmenté il y a quelques jours à 20 sorties par jour; le taux normal est d'environ 16 sorties.
[Traduction]
Pour vous donner une idée ou un point repère, étant donné surtout que nous ne nous verrons pas la semaine prochaine, jusqu'ici, le groupe de travail d'Aviano a effectué approximativement 400 sorties. En fait, ce nombre est plus élevé. Cela représente 1 500 heures de vol environ pour les CF-18. Une centaine de ces sorties ont permis de larguer environ quatre cent bombes à guidage précis et à guidage non précis sur des cibles.
[Français]
Nous sommes généralement très satisfaits et très fiers de la façon très professionnelle dont nos pilotes des CF-18 et nos préposés à l'entretien se sont acquittés des opérations en théâtre et de leurs missions. Nous sommes également très fiers que des Canadiens soient appelés à servir dans toutes les zones d'opérations, y compris dans les avions AWACS, qui continuent à appuyer les opérations en effectuant plusieurs vols par jour.
[Traduction]
J'aimerais aussi vous souligner que le commandement du groupe de travail d'Aviano est passé cette semaine du colonel Dwight Davies, que vous avez peut-être entendu à la radio ou vu à la télévision au cours des dernières semaines, au colonel André Viens. Celui-ci a pris la relève hier seulement.
J'ajoute que le colonel Viens est un pilote de CF-18 chevronné. Il a déjà commandé un escadron. Il s'est rendu sur le théâtre des opérations, fort conscient de ses responsabilités. Il est très respecté, et nous sommes tout à fait confiants qu'il fera de l'excellent travail, tout comme le colonel Davies l'a fait avant lui.
En fait, nous n'avons que des éloges pour le colonel Davies qui a fait un travail exceptionnel depuis qu'il est là-bas, soit depuis le début de l'opération. Le colonel Davies arrivera à Ottawa demain et fera rapport à la haute direction de la Défense nationale. On s'attend aussi qu'il sera présent au point de presse habituel qui aura lieu à l'heure du déjeuner, demain.
Enfin, nous continuons de préparer le déploiement de nos forces terrestres de maintien de la paix. Les hélicoptères sont en route; ils transiteront par Ottawa aujourd'hui à destination de Montréal. Comme nous l'avons déjà signalé, ils seront embarqués sur le navire avec le reste de l'équipement et devraient quitter le port de Montréal, avec un peu de chance, aux alentours du 25 mai.
• 1530
Avant de terminer, j'aimerais vous faire une mise à jour des
coûts d'opération. Je ferai simplement remarquer que le coût
marginal total, au 7 mai, c'est-à-dire il y a quelques jours
seulement, était de 40,3 millions de dollars, dont 19,8 millions,
c'est-à-dire 20 millions à peu près, ont été dépensés depuis le
début des raids aériens, le 24 mars. Nous révisons constamment le
total, naturellement, et nous vous ferons rapport périodiquement
des montants dépensés.
Monsieur le président, voilà qui met fin à mon exposé.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Général, je vous remercie.
Monsieur Wright.
M. Jim Wright (directeur général de l'Europe centrale, de l'Est et du Sud, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Je vous remercie beaucoup.
Les efforts diplomatiques se poursuivent. Le ministre Axworthy a eu un dialogue constructif hier, lors d'une rencontre avec le ministre des Affaires étrangères de la Russie, M. Ivanov, et la Secrétaire d'État des États-Unis, Mme Albright.
Le coprésident (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Vous voulez dire l'ex-ministre des Affaires étrangères, n'est-ce pas?
M. Jim Wright: Non. Il est toujours ministre des Affaires étrangères. C'est lui qui assure l'intérimat.
Le coprésident (M. Bill Graham): D'accord.
M. Jim Wright: Nous espérons qu'il pourra demeurer en fonction. En fait, c'est l'un des premiers points au sujet desquels nous l'avons interrogé, à savoir s'il était toujours ministre des Affaires étrangères. Il a rassuré M. Axworthy à cet égard.
Cette décision appartiendra au premier ministre, lorsqu'il aura été confirmé par le Parlement russe. En fait, celui-ci a eu à se prononcer concernant la nomination faite par le président Eltsine qui a choisi M. Stephashin. Il faudra que le Parlement se prononce à cet égard d'ici mercredi prochain.
Le processus de vote est légèrement compliqué du fait que la Douma doit se prononcer sur cinq articles de destitution d'ici à samedi, je crois. Donc, comme on dit dans les médias, demeurez à l'écoute pour connaître la suite. Entre-temps, toutefois, M. Ivanov est là et il fait de son mieux pour garder le dialogue sur la crise du Kosovo ouvert avec ses homologues du G-8.
[Français]
Les discussions ont essentiellement pris la forme de suivis à la suite de la rencontre des ministres des Affaires étrangères du G-8 qui a eu lieu la semaine dernière M. Axworthy a également obtenu de nouvelles précisions sur la visite à Moscou du secrétaire d'État américain, M. Strobe Talbott. Les ministres ont convenu d'analyser soigneusement les résultats des discussions en cours afin de voir où ils doivent se diriger à partir de là.
[Traduction]
Le président de la France, M. Chirac, rencontre aujourd'hui, à Moscou, le président Eltsine. Le chancelier de l'Allemagne, M. Schroeder, se trouvait à Beijing. L'OTAN et le G-8 maintiennent leur engagement ferme auprès de la Russie et de la Chine qui doivent toutes deux jouer un rôle important dans le règlement de la crise du Kosovo.
Après avoir rencontré le ministre des Affaires étrangères d'Allemagne, Joschka Fischer, hier, le dirigeant kosovar Ibrahim Rugova a annoncé qu'il appuie le plan de paix du G-8. Il a également répété qu'il faudra que les forces serbes se retirent et qu'une forte présence internationale, incluant des troupes de l'OTAN, soit déployée au Kosovo pour garantir la sécurité des réfugiés qui retournent chez eux.
Le ministre Axworthy se rendra en Norvège, la semaine prochaine, afin d'y rencontrer des ministres des Affaires étrangères dans le cadre du Partenariat de sécurité humaine. Cette rencontre portera sur toute la gamme des questions figurant au programme de la sécurité humaine. Nous savons toutefois que M. Axworthy consacrera une grande partie de son temps là-bas à discuter de la crise du Kosovo.
Je ferai seulement remarquer que nombre de ses homologues du G-8, de l'OTAN et du Conseil de sécurité seront là-bas, notamment les ministres des Affaires étrangères des Pays-Bas, de la Norvège et de la Slovénie. La Slovénie est membre, bien sûr, du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le ministre des Affaires étrangères Vollebaeck, de Norvège, est également président en fonction de l'OSCE, de sorte qu'il joue un rôle important dans les efforts diplomatiques déployés actuellement au sujet du Kosovo.
Le Haut Commissaire aux réfugiés des Nations Unies, Mme Sadako Ogata, prendra la parole durant la rencontre en Norvège, et M. Axworthy la rencontrera ensuite en privé pour discuter de la crise humanitaire et de la crise des réfugiés au Kosovo et dans les pays limitrophes.
En route pour la Norvège, M. Axworthy fera escale à Paris afin d'y rencontrer le ministre des Affaires étrangères Védrine. Le Kosovo sera le principal objet de la rencontre. M. Védrine était bien sûr à Moscou pour préparer la visite de M. Chirac. Il sera donc beaucoup question de l'humeur à Moscou, de l'engagement de M. Tchernomyrdine et de l'engagement de M. Ivanov.
[Français]
Notre but commun est toujours d'utiliser le plan du G-8 comme point de départ de l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité qui ferait avancer un processus de paix. Cependant, pour que tout soit mené à bien, il faut un signe révélateur de la part de Belgrade.
Comme vous l'a dit le général, on nous signale des retraits modestes des troupes serbes du Kosovo. Leur nombre n'est cependant très grand. L'OTAN a besoin d'en avoir la preuve définitive pour vérifier la validité de ces rapports et pour déterminer aussi l'importance du retrait dont il est question. Jusqu'ici, il a l'air très modeste.
[Français]
Rien n'indique encore que quelque mouvement en cours soit lié à l'acceptation par les dirigeants serbes des cinq conditions posées par la communauté internationale. Des demi-mesures ne suffisent pas.
[Traduction]
Il faudrait aussi prendre note que, bien que Belgrade prétende retirer les troupes, nous avons également été témoins, hier et aujourd'hui, d'incursions plutôt massives des forces serbes en Albanie. Ce n'est pas exactement le genre de retrait que nous souhaitons.
Nous avons discuté au début de la semaine de la cause qui se trouve actuellement devant la Cour internationale de justice de La Haye. Les plaidoyers de la Yougoslavie et des 10 alliés de l'OTAN cités dans l'affaire sont maintenant terminés.
[Français]
Notre conclusion est que cette poursuite ne rend absolument pas justice à la cour, à la cause de la paix ou à la règle de droit.
Au chapitre des mesures provisoires recherchées par la Yougoslavie, la fin de la campagne de frappes aériennes de l'OTAN causerait un préjudice irrémédiable et ne ferait que repousser le moment où cessera la tragédie du Kosovo. Les actions du régime yougoslave sont la cause réelle du conflit. Seule la fin de la campagne de nettoyage ethnique et des attaques délibérées contre des civils ouvrira la voie à un règlement durable de la crise du Kosovo.
[Traduction]
La cour pourrait statuer sur les mesures provisoires dès la semaine prochaine, mais nous n'avons pas plus de précisions quant à la date exacte.
Enfin, en ce qui concerne le Conseil de sécurité des Nations Unies, il a été informé aujourd'hui par le secrétariat des Nations Unies, c'est-à-dire le bureau qui coordonne les affaires humanitaires, de la situation au Kosovo et dans les pays limitrophes.
Dernier point, le Haut Commissaire aux droits de la personne des Nations Unies, Mary Robinson, ex-présidente de l'Irlande, se trouve à Belgrade aujourd'hui. La rencontre qu'elle a demandée avec le président Milosevic lui a été refusée. Cela représente, à nos yeux, une autre preuve qu'il n'est pas disposé à assumer la responsabilité de sa campagne d'épuration ethnique.
Voilà qui met fin à mon exposé.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Je vous remercie.
Monsieur LeBane.
M. Jeff LeBane (directeur général, Relations internationales, Citoyenneté et Immigration Canada): Monsieur le président et membres du comité, j'aimerais vous faire une mise à jour concernant le déroulement de l'évacuation des réfugiés.
Vous vous rappellerez que, le 30 avril, Mme Ogata a demandé aux pays ne faisant pas partie de l'Europe d'offrir un refuge sûr du mieux qu'ils le pouvaient, ce que le Canada a fait. Il a accepté d'en accueillir 5 000 et, jusqu'ici, en a accueillis 2 252. Chaque jour, des vols arrivent à destination, en alternance, de nos bases militaires de Trenton et de Greenwood. Chaque vol compte approximativement 260 réfugiés.
Hier, Mme Robillard a visité la base militaire de Greenwood afin d'inspecter les installations d'accueil et de rencontrer certains réfugiés. Bon nombre lui ont dit à quel point ils étaient reconnaissants au Canada de ce qu'il faisait pour eux, mais qu'ils avaient l'intention de retourner chez eux à un moment donné, lorsque la situation le permettrait.
Ce soir, un autre avion plein de réfugiés—environ 260—se posera à Greenwood. Le Canada aura alors accueilli la moitié des 5 000 réfugiés. Il se classe maintenant au cinquième rang mondial des pays qui ont répondu à l'appel lancé par Mme Ogata le 30 avril; il est surpassé par l'Allemagne, la Turquie, la France et la Norvège.
Il existe un autre programme secondaire, soit le programme de réunification des familles, pour les Canadiens qui ont des proches en Albanie ou en Macédoine. Ils nous ont fourni les noms et coordonnées d'approximativement 1 700 membres de leur famille qui se trouvent dans ces deux pays.
• 1540
Le Canada a maintenant accueilli, en tant que réfugiés qui
souhaitent s'installer ici en permanence, 295 personnes, dont les
trois quarts venaient de la Macédoine et l'autre quart de
l'Albanie. Je vous ai fait distribuer à ce sujet un document vous
fournissant des données statistiques.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Bassett, aviez-vous quelque chose à ajouter?
M. Charles Bassett (vice-président, Direction générale de l'Europe centrale et de l'Est, Agence canadienne de développement international): J'aurais simplement une petite mise à jour à vous faire au sujet du financement du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies.
C'est simple: il affiche un déficit. Il n'a plus d'argent.
[Français]
Une quote-part normale pour le Canada pour le financement des activités de l'UNHCR nous classerait au dixième rang.
[Traduction]
Nous nous classons déjà au cinquième, peut-être même au quatrième rang, pour ce qui est des contributions.
Le problème avec lequel Mme Ogata est aux prises concerne en fait les pays européens qui promettent et ont promis des montants considérables, mais qui n'ont rien versé. Le Canada a donc versé plus qu'il ne l'aurait fait habituellement et, en fait, bien plus que d'autres qui devraient contribuer beaucoup plus que nous.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Nous envoyons les chèques, eux pas.
M. Charles Bassett: C'est cela.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Je vous remercie beaucoup d'avoir fait ces observations.
Nous allons commencer avec M. Graham, qui doit nous quitter dans quelques minutes parce qu'il a un autre engagement.
Monsieur Graham.
Le coprésident (M. Bill Graham): Monsieur Wright, pourriez-vous revenir à votre analyse de la situation russe? Plus particulièrement, j'aimerais savoir dans quelle mesure la mission particulière confiée à l'ex-premier ministre, M. Tchernomyrdine, est touchée par la crise relative à la formation du cabinet? Cela signifie-t-il qu'il devra mettre toutes ses activités en veilleuse jusqu'à ce que la Douma du nouveau premier ministre donne son approbation, improbable, ou a-t-il tous les pouvoirs voulus pour poursuivre au nom du gouvernement de la Russie son travail en vue d'engager la Russie dans le processus? S'il a tous les pouvoirs, croyez-vous que la nouvelle situation entravera sérieusement le processus?
M. Jim Wright: Je pourrais vous fournir quelques réponses. La première, c'est que M. Tchernomyrdine a été nommé par le président, de sorte que son travail comme envoyé spécial au Kosovo se poursuit. Il n'est pas directement touché par la décision de M. Eltsine de limoger le gouvernement de M. Primakov.
Cela étant dit, il serait également juste de dire que les événements constitutionnels des derniers jours compliquent davantage l'engagement russe dans le processus de paix du Kosovo. Je me contenterai de dire qu'il se passe beaucoup de choses sur la scène politique intérieure de Russie, actuellement.
Comme je l'ai dit au tout début, plusieurs votes très importants auront lieu au cours des prochains jours dans la Douma, c'est-à-dire au Parlement russe, concernant des articles de destitution. La presse rapporte qu'il est très possible qu'un de ces articles soit adopté, particulièrement celui qui a trait à l'engagement du président dans la crise en Tchétchènie. Manifestement, il faudra patienter avant de connaître la suite.
La nomination proposée de M. Stepashin envoie, je soupçonne, un message très clair à la Douma, puisque M. Stepashin est l'un des véritables partisans de la ligne dure dans la crise qui est survenue en Tchétchènie il y a plusieurs années. Il faudra donc attendre de voir comment la Douma règle la question.
Si l'un des articles de destitution était adopté, la question sera-t-elle alors renvoyée à la Cour constitutionnelle de Russie. En théorie, en vertu de la nouvelle Constitution russe, M. Eltsine ne peut pas limoger la Douma après qu'un article de destitution a été adopté par le Parlement russe. Sur le plan de la nouvelle Constitution russe de 1991, c'est là un terrain vierge.
• 1545
La Douma a jusqu'à mercredi prochain pour confirmer le choix
de M. Stepashin. M. Eltsine a eu l'occasion, aux termes de la
Constitution de la Russie, de soumettre jusqu'à trois fois le nom
d'un candidat. Si la Douma le rejette trois fois, quel que soit le
candidat ou la succession de candidats proposés par M. Eltsine, le
président a alors le droit, en théorie, de congédier la Douma, sauf
si des articles de destitution ont été adoptés. Sur le plan
constitutionnel, il ne peut alors pas le faire. Il faudra donc
attendre de connaître la suite.
Des élections parlementaires sont également prévues en Russie en décembre prochain. Par conséquent, la Douma serait peut-être plus réticente à approuver le choix du président. Enfin, des élections présidentielles sont prévues en Russie en juin 2000.
Il ne serait donc que juste de faire remarquer au comité qu'une grande partie des événements auxquels nous assistons actuellement, y compris de certaines déclarations faites au sujet du Kosovo, doit être vue à travers le prisme de la politique intérieure russe.
Le coprésident (M. Bill Graham): Je vous remercie.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Graham, merci.
Monsieur Clouthier.
M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Jim, Bill a posé une de mes questions concernant les faits nouveaux survenus en Russie. Pouvez-vous nous faire une mise à jour concernant la situation de la Chine au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies.
M. Jim Wright: Je puis vous dire que plusieurs pourparlers sont en cours au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies. La Chine tente d'établir s'il est possible d'obtenir ce qu'on appelle une déclaration présidentielle diffusée par le Conseil de sécurité concernant le bombardement de son ambassade à Belgrade. Le Canada travaille en très étroite collaboration avec les Chinois, tout comme d'autres membres de l'OTAN, en vue d'aboutir à une formule acceptable.
Sur un autre plan, plusieurs pays tentent de promouvoir depuis quelque temps maintenant l'adoption d'une résolution concernant les secours humanitaires au Kosovo et dans les pays limitrophes. Quelle que soit l'opinion que l'on a du processus diplomatique, de nombreux pays reconnaissent qu'il existe une crise humanitaire urgente au Kosovo et dans les pays limitrophes. Nous essayons de voir s'il y a moyen de dégager un consensus au sein du Conseil de sécurité à ce sujet.
J'aimerais de nouveau souligner que l'attitude de la Chine s'explique certainement par les événements des derniers jours—le bombardement de son ambassade. Les dirigeants des pays de l'OTAN se sont donnés du mal pour s'excuser et expliquer les circonstances. Le Commandant suprême des Forces alliées de l'OTAN a rencontré les représentants de Conseil de l'Atlantique Nord hier soir pour expliquer en détail ce qui s'est produit et pour indiquer certains des changements mis en place en matière d'objectifs afin de s'assurer que tous les efforts seront déployés pour que ce genre d'erreur ne se reproduise plus jamais.
Tout cela a été expliqué très soigneusement aux Chinois, y compris, pas plus tard qu'aujourd'hui, par le chancelier allemand, M. Schroeder. Nous faisons de notre mieux pour essayer de poursuivre les négociations diplomatiques. Nous accordons la plus haute importance à la diplomatie en même temps que l'OTAN poursuit ses opérations militaires.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Clouthier.
Monsieur Turp et ensuite, Mme Finestone.
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Merci, monsieur le président. J'aimerais poser trois questions.
Monsieur Henault, on disait que les déplacements de troupes en Yougoslavie ou au Kosovo par l'armée serbe étaient un tactical redeployment. Pourriez-vous commenter et nous dire si telle est l'appréciation de l'OTAN?
Monsieur Bassett, hier en Chambre, j'ai demandé à la ministre si le Canada avait versé les 5 millions de dollars au Haut-Commissariat. La réponse a été oui, et je crois que c'est la bonne réponse. Mais je lui ai aussi demandé si le Canada serait disposé à attribuer au Haut-Commissariat une autre portion des 20 millions de dollars qui ont été promis pour l'aide, compte tenu des difficultés très très sérieuses que connaît le Haut-Commissariat. Il n'a plus d'argent, et on laisse entendre que d'ici la fin du mois de mai, il lui manquera 41 millions de dollars, et plus encore d'ici le mois de juin. On faisait même allusion à une somme de 150 millions de dollars, sans tenir compte des contributions qui n'ont pas été versées par les Européens, si j'ai bien compris. Est-ce que le Canada est disposé à faire un effort supplémentaire pour aider le Haut-Commissariat à passer à travers cette situation difficile?
• 1550
Monsieur Wright, j'ai été surpris de la
plaidoirie du Canada devant la Cour internationale de
justice. Il s'est limité à dire que la cour
n'avait pas compétence et que la demande devait
être considérée comme irrecevable parce que la
Yougoslavie avait la main impropre, the clean
hands theory. C'est peut-être un argument plus
convaincant que le premier. Je ne sais pas si
vous le savez, mais dans l'affaire Bosnie-Herzégovine
contre Yougoslavie, le fait que la Yougoslavie ne soit
pas membre des Nations Unies n'a pas empêché la cour de
rendre une ordonnance pour mesures provisoires.
Si la cour devait
ordonner que les frappes cessent, quelle serait la
position du Canada?
Lgén Raymond Henault: Monsieur Turp, les images aériennes que captent nos airborne sensors et les rapports que nous recevons de plusieurs sources, y compris du UCK, nous portent à croire que les opérations de contre-insurrection se poursuivent à l'intérieur du Kosovo, même si les Serbes nous ont indiqué qu'une opération de retrait avait été entamée. Nous savons que les opérations continuent et que, comme le mentionnait M. Wright, c'est le cas dans toutes les régions. On voit encore des engagements mineurs le long de la frontière albanaise, ce qui nous porte à croire qu'ils ne se sont certainement pas retirés de la zone la plus contestée, celle qui longe les frontières.
D'après nos indicateurs aériens et nos sources, les mouvements de troupes sont assez mineurs. D'ailleurs, comme on pouvait le voir à la télévision, il ne s'agissait que de mouvements de troupes par autobus ou de mouvements de ce genre-là. Ces mouvements ne correspondaient pas à notre définition d'un retrait significatif, laquelle sous-entend une cessation des mesures d'emploi maximales au niveau de l'artillerie, des chars blindés, etc. Pour nous, un retrait significatif est un tactical bound, comme nous disons. Si les troupes se retiraient d'un endroit où elles sont bien cantonnées, d'une ligne de montagnes ou d'une zone qu'elles ont érigée et fortifiée, dans bien des cas, en vue de se défendre, on pourrait dire qu'elles effectuent une retraite significative, mais cela n'est pas le cas.
Nous disons donc pour l'instant qu'il s'agit de retraits tactiques, de retraits de renforcement ou de renouvellement de troupes. On a continuellement agi de la sorte à l'intérieur du Kosovo, bien qu'à l'extérieur du Kovoso, il n'y ait jamais eu de renforcements majeurs. À l'intérieur du Kosovo, il y a toujours eu des mouvements de troupes de la part des Serbes pour satisfaire à leurs besoins opérationnels. Rien ne nous indique pour l'instant qu'un retrait que l'OTAN jugerait significatif a été entrepris par les Serbes.
M. Charles Bassett: En réponse à votre deuxième question, comme vous le savez, le Canada a toujours été l'un des pays donnant le plus grand appui au système des Nations Unies et aux organisations telles le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Lorsque nous avons versé cette deuxième contribution, nous avons démontré que nous ne n'étions pas prisonniers de notre quote-part normale lors de situations exceptionnelles. Il faut évidemment tenir compte d'autres facteurs, dont le fait que les sommes dont nous disposons sont limitées. D'autres possibilités de financement existent par l'entremise de la Croix-Rouge internationale. Il y a trois ou quatre ONG canadiennes sur place, dont CARE Canada, le CCCI et Médecins Sans Frontières. Il faut chercher à atteindre un équilibre entre tous les mécanismes possibles en respectant les limites de notre budget. Nous communiquons continuellement avec Mme Ogata, qui sait bien qu'elle peut compter sur notre aide. Je pourrais répondre brièvement à votre question en vous disant que le Canada répondrait oui à Mme Ogata si elle lui demandait de l'aider, parce qu'il ne lui reste plus rien.
Nous essayons également d'exercer des pressions sur nos partenaires européens. Nous comprenons bien leurs problèmes de procédure, mais dans des situations exceptionnelles, il n'est pas utile de se retrancher derrière les procédures. Nous avons pour notre part laissé tomber certaines de nos procédures afin de pouvoir donner une réponse beaucoup plus rapide, et nos partenaires peuvent faire la même chose. Nous exerçons donc des pressions sur eux afin qu'ils versent une aide financière.
M. Daniel Turp: J'ai cru comprendre que les Américains n'avaient pas versé toutes les sommes prévues.
M. Charles Bassett: Les Américains, qui sont actuellement le deuxième plus grand donateur, ont versé leur deuxième contribution hier. Le Japon et les États-Unis sont les plus importants donateurs et ils ont déjà déboursé les sommes promises.
M. Jim Wright: Vous m'avez posé une très bonne question. Heureusement, c'est une question hypothétique.
Des voix: Ah, ah!
M. Daniel Turp: Je le savais.
M. Jim Wright: L'avocat de mon ministère m'a conseillé d'être sans commentaires parce que cette cause a été portée devant la Cour internationale et que le jugement n'a pas encore été rendu. J'espère qu'au cours des prochains jours, lorsque le jugement sera connu, je pourrai vous donner une réponse très claire. M. Kirsch, notre agent, m'a conseillé de ne faire aucune spéculation avant la décision préliminaire de la Cour internationale. Je dois convenir que vous avez posé une très bonne question.
M. Daniel Turp: Ce sera une décision très difficile.
[Traduction]
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Madame Finestone.
L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup.
Ma première question s'adresse à M. LeBane. Les Américains n'accueillent-ils pas de réfugiés? Vous avez parlé de l'Allemagne, de la Turquie, de la France, de la Norvège et du Canada. Je me demande où se situent les États-Unis dans ce dossier. J'aimerais le savoir.
Ma deuxième question s'adresse à Jim. Peut-être est-ce également une question hypothétique, je ne le sais pas. Comme M. Axworthy se rend à la réunion du Partenariat pour la sécurité humaine où l'on examine le plan de paix, j'aimerais savoir si dans le cadre du plan de paix, l'obligation de déminage est prévue. Si l'on s'inquiète des réfugiés et du secours humanitaire, il ne faut pas oublier que le fait de se rendre sur les lieux posera un grave problème. Il semblerait que si les Yougoslaves ont posé ces mines, ils devraient participer au déminage et j'espère que cela sera prévu.
Ma troisième question doit s'adresser, je crois, au lieutenant-général Henault. Je ne sais pas si vous avez reçu un rapport sur l'émission spéciale de deux heures de la CBC—hier soir—où si vous l'avez écoutée. Orchestrée par Michael Enright à Toronto, Michael Bliss, John Crispo, Anna Maria Tremonti, Mark Starowicz et d'autres journalistes y ont participé. Je dois dire que cette émission m'a beaucoup découragée.
Premièrement, le fait qu'Anna Maria Tremonti ait à défendre ce qu'elle fait dans des circonstances aussi difficiles... Il est vraiment très malheureux que le public ne se rende pas compte de la situation et ignore les faits.
Deuxièmement, John Crispo a été le seul à avoir le courage de dire exactement ce qu'il pense des mesures prises par le Canada et par les autres pays de l'OTAN, et le seul qui ait eu le courage de parler également des Nations Unies et du Conseil de sécurité.
• 1600
Mark Starowicz a débattu de la question, mais, j'ai vraiment
eu l'impression que la propagande, monsieur—c'est pourquoi je
m'adresse à vous—l'a vraiment emporté sur la présentation des
faits réels. On ne peut s'empêcher d'éprouver un certain
scepticisme face aux communiqués dirigés qui nous sont donnés, sans
compter le manque de crédibilité de ceux qui tiennent des
conférences de presse et de certains des journalistes. Cela me
paraît extrêmement décourageant.
Si la société civile réagit de cette manière... J'espère que ce n'est pas le cas au Canada, et je ne le pense pas, mais par contre, cela doit servir d'avertissement pour ce qui est de vos conférence de presse, de la crédibilité de ceux qui transmettent le message et de la clarté de la position du Canada, position indépendante de celle des États-Unis et des pays de l'OTAN. J'aimerais donc connaître votre impression.
M. Jeff LeBane: Pour répondre à la première question, les États-Unis ont accepté d'accueillir près de 20 000 réfugiés du Kosovo. Ils ont changé leur façon de penser; en effet, ils avaient envisagé de les accueillir à l'extérieur des États-Unis continentaux. Ils suivent maintenant notre modèle: les réfugiés arrivent aux États-Unis dans une base militaire avant d'être répartis entre plusieurs destinations, comme nous le faisons au Canada. Ils ont donc suivi notre modèle.
Nous avons été sur le terrain en Macédoine et en Albanie beaucoup plus tôt et beaucoup plus rapidement que les Américains. Jusqu'à présent, les États-Unis ont accueilli près de 1 500 réfugiés, sans qu'il n'y ait de vol quotidien, comme ici; en effet, seulement trois vols sont prévus par semaine avec près de 480 personnes à bord de chaque avion. Ils sont donc pour l'instant en retard par rapport à nous.
Mme Sheila Finestone: Merci.
M. Jim Wright: Pour ce qui est des mines terrestres, madame Finestone, il s'agit d'une priorité très élevée pour le gouvernement canadien. Nous avons fait en sorte dans le processus de Rambouillet, et si vous lisez...
Mme Sheila Finestone: Excusez-moi, Jim, j'ai lu le document de Rambouillet et je n'ai pas vu un seul mot qui prévoit l'obligation d'inclure la question des mines terrestres dans le plan de paix ainsi que l'obligation de participer au déminage. Ai-je mal lu le document? C'est possible.
M. Jim Wright: J'ai l'impression—et je me trompe peut-être, mais je ne le pense pas—qu'en fait, il est question dans ce document des mines terrestres et de la nécessité du déminage. Il n'est pas fait mention du Traité d'Ottawa. En fait...
Mme Sheila Finestone: Je me soucie peu du Traité d'Ottawa.
M. Jim Wright: Contrairement à nous, de toute évidence.
Mme Sheila Finestone: Ce qui m'intéresse, c'est le principe.
M. Jim Wright: Le texte de Rambouillet fait mention du déminage. Je n'ai pas le texte ici pour l'instant. Oh, en fait, je l'ai peut-être. Je vais y jeter un coup d'oeil tout de suite après.
[Français]
M. Daniel Turp: On pourrait aller le chercher à mon bureau.
[Traduction]
Mme Sheila Finestone: Cela ferait donc partie d'un traité de paix?
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Pourriez-vous terminer, s'il vous plaît? D'autres membres du comité attendent.
Mme Sheila Finestone: D'accord; désolée.
M. Jim Wright: Dans le cas de la Bosnie, les armées qui avaient posé ces mines terrestres ont eu la responsabilité de les retirer du sol par la suite. Cela faisait partie du processus de paix de Dayton et je sais que c'est ce qui est également prévu par la communauté internationale à propos de la Yougoslavie.
C'est une bonne question, que nous posons d'ailleurs dès le début. Je sais que lorsque M. Axworthy se trouvait en Macédoine, il a tenu à rencontrer plusieurs organisations non gouvernementales qui s'intéressent aux mines terrestres. Je crois qu'il s'agit de Handicap International, qui se trouve sur le terrain en Macédoine.
Nous nous intéressons donc à cette question et nous allons continuer de faire en sorte que la communauté internationale en tienne compte dans le processus de paix qui est en voie de préparation.
Je crains ne pas avoir pu écouter tout le débat de la CBC hier soir, puisque je suis resté très tard au bureau. J'en ai entendu quelques éléments et j'ai été découragé par ce qui a été dit. J'ai été surpris de la réaction à l'égard d'Anna Maria Tremonti, que je connais très bien, et dont je connais le travail qu'elle effectue dans des circonstances extrêmement difficiles.
• 1605
Au sujet du scepticisme dont vous faites mention à propos des
communiqués dirigés, je ne peux pas vraiment en parler si ce n'est
pour dire que nous essayons, quotidiennement et
hebdomadairement—et je ne veux pas parler simplement des
représentants officiels, mais aussi des ministres—d'éveiller
l'attention du Parlement, des comités parlementaires et des médias
canadiens pour faire passer nos messages. Nous essayons du mieux
possible de le faire et d'expliquer aux médias canadiens ce que
font exactement nos ministres et le gouvernement canadien au jour
le jour.
Nous ne pouvons pas donner énormément de détails sur certains points, puisqu'il s'agit de diplomatie discrète, qualifiée ainsi pour de bonnes raisons. Dès que l'on propose une résolution du Conseil de sécurité des NU et que l'on en parle aux médias, il y a toujours 200 personnes qui viennent dire: «Cela ne va pas, cela ne va pas marcher».
Nous essayons le mieux possible de transmettre l'information ici et par d'autres moyens. Nous sommes tous entravés par le fait que la Yougoslavie refuse à beaucoup de journalistes—dont Anna Maria Tremonti fait partie—d'entrer sur son territoire.
J'ai débattu de la question à de nombreuses occasions avec l'ambassadeur de Yougoslavie auquel j'ai demandé: «Pourquoi refusez-vous aux journalistes canadiens l'entrée dans votre pays? Tout ce qu'ils veulent c'est faire des reportages sur ce qui se passe sur le terrain, que ce soit en faveur de la Yougoslavie ou en faveur de l'OTAN.»
En ce qui me concerne, l'absence de nouvelles précises en provenance de la Yougoslavie est le plus gros problème à l'heure actuelle et c'est le gouvernement yougoslave qui en porte la responsabilité.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, madame Finestone.
Mme Sheila Finestone: Puis-je simplement recommander à M. Wright de rencontrer M. Michael Bliss?
Le coprésident (M. Pat O'Brien): D'accord, c'est noté.
Monsieur Pratt et ensuite, M. Laurin.
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Il y a quelque temps, lieutenant-général, il a été question de l'approvisionnement en munitions. Sait-on si l'OTAN est à court de munitions ou non et si cela peut entraver les opérations?
Par ailleurs, j'aimerais savoir si vous disposez de chiffres récents sur l'afflux quotidien des réfugiés en Macédoine et en Albanie.
J'imagine que ma dernière question s'adresse à vous, monsieur Wright. Observe-t-on actuellement des signes d'affaiblissement du régime Milosevic? M. Vuk Draskovic a été destitué il y a quelques semaines et je me demande les répercussions que cela a pu entraîner. A-t-on remarqué une diminution de l'appui dont bénéficie ce régime?
Lgén Raymond Henault: Je crois que je peux répondre aux deux premières questions et céder ensuite la parole à Jim à ce sujet après avoir fait mes commentaires sur la dernière.
J'ajouterais une chose au sujet des mines terrestres. Nous participons au déminage, si vous voulez, dans plusieurs parties du globe, comme le Cambodge, la Bosnie et d'autres pays. Nous avons pour politique de former les démineurs au lieu de procéder nous-mêmes au déminage. Cela s'applique à toutes les factions en conflit. C'est comme cela que nous procédons au Cambodge, en Bosnie. C'est notre politique et elle est très efficace; la formation se fait très bien, le déminage se poursuit, mais cela prend beaucoup de temps et c'est en plus un processus très fastidieux et bien sûr, très dangereux.
Pour ce qui est des munitions, nous avons été très bien appuyés par les États-Unis qui renflouent nos stocks. Nous avons ainsi obtenu des GBU-10, les bombes de 2 000 livres, à Aviano. Nous avons suffisamment de stocks pour pas mal de temps. Nous avons également des stocks supplémentaires de GBU-12.
Rien n'indique pour l'instant que nous allons avoir des pénuries d'armes. Bien sûr, les niveaux de stocks suffisent parfaitement pour nos opérations actuelles. Nous utilisons des armes en fonction des objectifs qui nous sont attribués. Pour l'instant, tout va très bien.
• 1610
Je ne peux pas parler pour les autres pays et je ne peux pas
vous dire ce qu'il en est des Américains. Bien sûr, comme ce sont
eux qui nous approvisionnent, j'imagine qu'ils peuvent se permettre
de le faire grâce à leur capacité—tout à fait suffisante—en ce
qui concerne les bombes à guidage laser ou les bombes
conventionnelles.
L'afflux de réfugiés a connu des hauts et des bas. Je ne voudrais surtout pas dire ce qu'il en est actuellement, car il change constamment et considérablement. Ainsi, certains jours, on dénombre 60 ou 70 réfugiés au total, alors que le jour suivant, il y en a des milliers. C'est donc très difficile à prévoir.
Pour l'instant toutefois, l'afflux des réfugiés est peu important. Nous savons que plusieurs personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays se trouvent toujours de l'autre côté de la frontière. N'importe quoi peut arriver à cet égard, si bien que c'est peu prévisible. Pour l'instant toutefois, les frontières, à moins que Jeff ne dispose d'informations différentes des miennes, ne sont pas congestionnées à cause des réfugiés. L'afflux a été relativement peu important ces derniers temps.
Je ne pense pas être en mesure de dire s'il y a affaiblissement du régime ou non. Comme l'a dit Mme Finestone un peu plus tôt, la propagande qui nous arrive de Serbie n'est rien d'autre que de la propagande, et nous ne pouvons pas vraiment nous y fier. Rien toutefois n'indique pour l'instant, d'un point de vue militaire dans tous les cas, que le régime va s'effondrer ou que l'on va assister à un coup d'état ou autre chose du genre. Le président Milosevic semble tenir le pays bien en main.
M. Jim Wright: D'après certains renseignements, il y aurait un certain mécontentement chez les militaires, pas énormément mais quand même un peu.
Sur le plan politique, c'est difficile à dire. Milosevic ne supporte pas l'opposition, si bien que c'est extrêmement difficile. Ceux qui occupent des postes politiques sont soit pour lui soit contre lui et s'ils sont contre lui, ils ont des problèmes.
Cela s'applique également aux médias. Plusieurs médias indépendants très efficaces existaient avant le début des bombardements de l'OTAN. Ils n'existent plus. Les habitants de Yougoslavie n'entendent en fait que ce que Milosevic veut bien qu'ils entendent. Dans un certain sens, ils ne connaissent pas vraiment l'étendue des dommages subis par leurs militaires ni celle des dégâts causés à l'infrastructure civile et militaire du pays.
Je dirais également qu'ils ne savent pas vraiment ce qui s'est passé au Kosovo. Je ne pense pas qu'ils se rendent compte de l'étendue de la purification ethnique. Ce qui est un peu inquiétant, c'est que ceux qui comprennent ce qui se passe affichent une attitude suffisante; ils ont été préparés à ne rien faire. Toutes les séquences télévisées que nous avons vues au départ, les wagons remplis de Kosovars et de personnes que l'on faisait sortir de force du pays, proviennent de la télévision serbe. Ces images ont créé une forte impression en Europe et en Amérique du Nord, mais pas trop en Serbie. C'est ce qui est décourageant.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Pratt.
Nous avons dépassé le temps dont nous disposions; plusieurs d'entre nous ont d'autres engagements et je vais donc céder la parole au dernier intervenant.
[Français]
mon ami, monsieur Laurin.
M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur Wright, il y a quelque chose que j'ai de la difficulté à saisir dans la stratégie de l'OTAN. J'imagine que ce qu'a fait Milosevic avant les frappes aériennes est plus grave que ce que l'OTAN est en train de faire au Kosovo, puisque ce sont les actions de l'un qui ont entraîné les actions de l'autre. Et pourtant, c'est Milosevic qui lance des accusations et porte la cause devant la Cour internationale de justice, nous forçant encore une fois à être sur la défensive devant un jugement éventuel de la Cour internationale. C'est nous qui devrons démontrer si nous sommes prêts à respecter la décision de la cour ou pas.
Si ce qu'a fait Milosevic est plus grave que ce que fait actuellement l'OTAN, pourquoi n'avons-nous pas amené Milosevic devant la Cour internationale pour l'obliger à faire face aux conséquences de sa décision de respecter ou non un jugement de cette cour? Étant donné ce qu'on connaît à son sujet, on n'est pas porté à croire qu'il aurait respecté une décision de la Cour internationale. Mais il n'aura pas à le démontrer; c'est nous qui devrons porter l'odieux du respect ou du non-respect d'une décision de la cour, alors qu'il me semble qu'on avait de bonnes raisons de l'amener devant la Cour internationale. Nous aurions pu démontrer que puisqu'il n'avait pas respecté la décision de la cour, nos démarches en vue de sa poursuite étaient justifiées. Pourquoi cette stratégie n'a-t-elle pas été exploitée?
M. Daniel Turp: On vous l'avait d'ailleurs proposée.
[Traduction]
M. Jim Wright: C'est une très bonne question. Je répondrais en disant tout d'abord que nous savons tous très bien comment M. Milosevic respecte le droit international. À plusieurs reprises, le Conseil de sécurité des NU a adopté des résolutions obligeant le gouvernement yougoslave à coopérer avec le tribunal pénal international de la Haye et obligeant la Yougoslavie à respecter ses obligations en vertu du droit international. La Yougoslavie n'en a jamais tenu compte.
Deuxièmement, jusqu'à tout récemment, la Yougoslavie n'avait absolument aucune qualité de comparaître devant ce tribunal. Je ne suis pas toutefois avocat et je suis sûr que M. Turp est plus en mesure de vous renseigner à cet égard.
M. Daniel Turp: La Yougoslavie avait qualité de comparaître aux termes de la Convention sur le génocide.
M. Jim Wright: Pour répondre à votre question, il se peut bien que M. Milosevic ait déclenché ce processus, mais je ne crois pas que ce soit lui qui va y mettre un terme. Une fois cette porte ouverte, il faut s'attendre à ce que la communauté internationale, les dix pays qui comparaissent devant le tribunal, en profitent pour dénoncer de manière agressive les pratiques du gouvernement yougoslave.
Je le répète, je ne suis pas avocat si bien qu'il vaudrait peut-être mieux s'adresser directement à Philippe Kirsch, notre représentant à cet égard. À mon avis toutefois, même si c'est Milosevic et son gouvernement qui ont déclenché ce processus—et effectivement, nous devons défendre ce que nous avons fait, c'est normal; c'est pour cela qu'existe le droit international—je crois que les dix pays en question contesteront les pratiques de M. Milosevic et que le gouvernement yougoslave devra rendre des comptes à ce sujet.
Je ne pense donc pas que nous nous sentions particulièrement sur la défensive, sans doute parce que le processus en question a été déclenché par la Yougoslavie, mais je ne pense pas que la Yougoslavie y mettra un terme.
[Français]
M. René Laurin: Monsieur Wright, ne croyez-vous pas que ce serait terrible si, en raison de la décision de la Cour internationale de justice, nous sortions perdants de ce conflit?
M. Jim Wright: Je garde toujours confiance.
M. René Laurin: Je comprends votre point de vue, mais lorsqu'une cause est portée devant une cour, on ne connaît jamais à l'avance le jugement. Si on nous imposait l'arrêt des frappes, ou bien Milosevic aurait gain de cause sur toute la ligne, ou bien nous serions forcés de porter, devant la communauté internationale, l'odieux de notre non-respect d'un jugement d'une cour internationale à laquelle nous avons accordé notre faveur.
M. Jim Wright: Vous avez raison d'être très inquiet concernant cette question très importante. C'est pour cette raison que le Canada a demandé au meilleur avocat du ministère des Affaires étrangères de faire la plaidoirie du Canada devant la cour de La Haye. Je peux seulement dire que vous avez raison de poser cette question. Je n'ai malheureusement pas toutes les réponses, mais j'ai confiance que la réponse du Canada et des neuf autres pays de l'OTAN saura convaincre les juges de la Cour internationale, qui feront connaître leur réponse provisoire la semaine prochaine. J'espère que lorsque cette décision aura été rendue, nous pourrons en discuter ici de façon plus approfondie et connaître le lieu où se déroulera le processus au cours des prochains mois. Ce processus risque d'être assez long, comme tous les causes qui ont été portées devant la Cour internationale.
M. René Laurin: Est-ce que les neuf pays présentent une défense commune ou si chaque pays doit se défendre individuellement?
M. Jim Wright: Je crois que chaque pays va se défendre individuellement parce que chaque pays a un statut différent devant la Cour internationale.
M. Daniel Turp: Ce n'est pas tout à fait le cas. Vous devriez vérifier cela auprès de mon stagiaire parlementaire, qui a lu toutes les plaidoiries qui ont été présentées au cours des derniers jours.
M. Jim Wright: Les 10 pays de l'OTAN ont toutefois décidé de faire leurs plaidoiries individuellement.
[Traduction]
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Laurin.
Messieurs, je vous remercie de nouveau de venir aussi régulièrement à nos séances de comité.
À moins qu'il y ait de grands changements, les comités se réunissent de nouveau la semaine prochaine et je pense que nous reprendrons les sessions d'information le mardi 25 mai.
Merci beaucoup. La séance est levée.