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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 28 avril 1999

• 0900

[Traduction]

Le président suppléant (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)): Bonjour mesdames et messieurs. Je vais ouvrir la séance afin que nous puissions démarrer sans délai. Nous examinons l'ordre du jour afin de présenter au ministre des recommandations concernant le programme de l'Organisation mondiale du commerce.

Nous sommes heureux d'accueillir la Chambre de commerce ce matin. Nancy Hughes Anthony sera notre premier témoin ce matin. Nancy, plutôt que d'y aller d'une longue introduction, je vous cède tout simplement la parole. J'imagine qu'un exposé d'une dizaine de minutes devrait convenir. Cela nous donnera suffisamment de temps pour que chacun puisse présenter son exposé et pour permettre une période de questions à la fin.

Mme Nancy Hughes Anthony (présidente et chef de la direction, Chambre de commerce du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Comme c'est indiqué, je suis présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce du Canada. Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui pour discuter des priorités en matière de politique commerciale pour les entreprises canadiennes.

Monsieur le président, nous avons déposé un mémoire devant le comité, que vous avez reçu, je crois. On y trouve les points de vue combinés de la Chambre de commerce du Canada et du Conseil canadien pour le commerce international, qui est une organisation à laquelle nous sommes affiliés.

[Français]

Je tiens à souligner que la Chambre de commerce du Canada est l'association commerciale la plus importante et la plus représentative du pays. Nous représentons quelque 170 000 membres par l'entremise de 500 chambres de commerce locales situées dans toutes les provinces et territoires, et dans toutes les circonscriptions fédérales.

[Traduction]

J'aimerais vous présenter Milos Barutciski, associé du cabinet juridique Davies Ward & Beck. Il est vice-président du Comité sur les politiques commerciales du CCCI. Pour ceux qui ne connaîtraient pas le CCCI, il s'agit du porte-parole du milieu des affaires à la Chambre de commerce du Canada ainsi qu'au Comité consultatif économique et industriel de l'OCDE.

En raison des contraintes de temps, je serai brève. Je ferai l'exposé au nom de la Chambre de commerce et du CCCI. M. Barutciski participera à la période de questions qui suivra.

Monsieur le président, bonjour. J'aimerais commencer par quelques remarques. La prochaine conférence ministérielle de l'OMC et, en fait, tout l'ordre du jour de l'OMC, revêt, comme nous le savons tous, une importance cruciale pour le Canada et pour les entreprises canadiennes. Le Canada dépend du commerce et de l'interaction avec ses partenaires internationaux. Nous sommes une économie qui a besoin de frontières ouvertes et d'un système solide de règles à l'échelle internationale. Le régime de l'OMC de même que les nombreuses relations commerciales régionales et bilatérales sont essentiels pour améliorer l'accès aux biens, aux services et aux investissements.

Les entreprises canadiennes sont confiantes en leur capacité concurrentielle à l'échelle mondiale en cette ère d'ouverture des frontières. Pour nous, la mondialisation est un mot qui représente des possibilités. Nous savons que pour certains Canadiens cette confiance n'a pas la même vigueur, car ils ont la phobie de la mondialisation. Cependant, nous, de la Chambre, croyons que nous ne pouvons nous cacher derrière le mur du protectionnisme. On ne peut arrêter le monde et en descendre, comme certaines personnes veulent le faire. Nous croyons qu'un programme prospectif en matière de commerce et d'investissement est impératif pour la poursuite du succès de nos membres et pour la prospérité du Canada.

Monsieur le président, nous vous félicitons pour le processus dans lequel votre comité est engagé—participer à l'approche transparente du Canada en vue d'élaborer une politique commerciale. Dans certains pays, ce genre d'audience ne pourrait pas avoir lieu, et nous félicitons le gouvernement pour cette initiative.

Nous croyons qu'il est assurément essentiel que tous les Canadiens s'intéressent aux questions commerciales et soient consultés, parce qu'il s'agit là d'une activité fondamentale pour notre bien-être économique, et que plus grand est le nombre de Canadiens qui l'apprécient, mieux c'est.

Toutefois, pendant ces consultations et au cours de ce processus, j'aimerais insister sur le fait que le milieu des affaires ne doit pas être considéré comme un autre groupe non gouvernemental qu'il faut écouter. Les affaires sont le moteur de l'économie. Nos activités et notre performance déterminent la vigueur économique d'un pays. C'est la somme des entreprises et des activités qui constituent la balance commerciale et la balance des investissements.

Les entreprises ont un intérêt direct pour les résultats de ces négociations parce que les activités de nos membres sont régies directement par les cadres régulateurs découlant des accords sur le commerce et sur les investissements.

• 0905

Je m'explique, monsieur le président. Le milieu des affaires ne demande pas de statut spécial, mais nous faisons remarquer que dans toute négociation commerciale, le gouvernement a besoin des meilleurs renseignements disponibles pour réussir. Cette information ne peut provenir que du milieu des affaires, et nous vous encourageons à vous adresser au milieu des affaires à cette fin.

Si nous examinons la position du Canada pour les négociations à venir, il est essentiel de faire remarquer que l'unique division claire entre les questions d'ordre national et d'ordre international est maintenant très floue. Le résultat des négociations touche non seulement le commerce international ou le milieu des investissements, mais dicte aussi nos réponses sur le plan national. Comme nous le savons, les accords commerciaux modernes comprennent beaucoup plus que des tarifs douaniers, des modalités douanières et des mesures relatives aux frontières.

Dans le contexte canadien, la mise en oeuvre des résultats des travaux de l'OMC sur les questions non tarifaires relève souvent des provinces. En ce sens, il est impératif que les ministres du Commerce des provinces et des territoires soient d'accord avec les positions canadiennes à l'échelle internationale. Le Canada ne peut négocier de façon efficace internationalement si nos approches sont reconsidérées au plan national ou si des instances infranationales se concurrencent entre elles.

J'aimerais regarder très brièvement quelques-unes des principales recommandations de notre mémoire. Je ne les aborderai pas toutes. Certaines de nos recommandations ont trait au processus, d'autres concernent plus particulièrement le contenu des négociations.

En premier lieu, j'aimerais aborder la question de la portée des négociations de l'OMC. Il y a actuellement un débat sur la question de savoir si les négociations devraient porter uniquement sur l'ordre du jour intégré sur les services et l'agriculture ou s'il faudrait entreprendre un cycle de négociations global. De notre côté, nous appuyons la deuxième possibilité à la condition qu'une ronde globale n'empêche par les membres de l'OMC de prendre certaines décisions hâtives et de les mettre en oeuvre, dans la mesure du possible.

L'approche du cycle de l'Uruguay, du genre il faut tout garder—rien n'est accepté tant que tout n'est pas accepté—a conduit à un calendrier qui a traîné en longueur. Nous espérons qu'il y aura des façons de procéder sur les éléments convenus au fur et à mesure que des ententes particulières seront conclues.

En deuxième lieu, le progrès au chapitre de la libéralisation du commerce et des services est primordial. Les services sont l'un des éléments de l'économie canadienne qui connaît la croissance la plus forte. L'actuel Accord général sur le commerce des services constitue un cadre permettant une libéralisation progressive quant au commerce des services. Les nouvelles négociations qui doivent commencer en janvier dans le cadre de l'ordre du jour intégré de l'OMC constitueront une opportunité intéressante de renforcer l'engagement relatif à l'accès aux marchés et au traitement national.

En troisième lieu, notre mémoire explique en détail le danger d'utiliser le commerce dans le but de réaliser des objectifs non commerciaux. Le milieu des affaires demeure très préoccupé par l'introduction de mesures qui comportent la possibilité de dénaturer le commerce, moyen qui permettrait d'atteindre des objectifs non commerciaux. De fortes pressions sont exercées sur les gouvernements pour que l'OMC et les accords commerciaux incorporent des mesures dans des secteurs tels que l'environnement et la main-d'oeuvre.

On ne peut faire porter à un accord commercial tous les facteurs externes si l'on veut qu'il fonctionne de façon efficace à titre de mécanisme de régulation du commerce. Ces autres éléments ne sont pas du ressort de l'OMC et devraient être laissées aux organisations multinationales qui existent précisément pour traiter de ceux-ci.

Quatrièmement, il y a un certain nombre de questions nouvelles sur lesquelles l'OMC doit établir un consensus. Manifestement, le programme de l'OMC représentera en lui-même une négociation substantielle dans quelques secteurs difficiles et parfois délicats. Mais il y a un certain nombre de nouvelles questions qui représentent vraiment un défi de taille pour l'OMC alors qu'elle est à établir sa capacité de traiter d'un éventail plus large de problèmes commerciaux. Je veux attirer l'attention sur deux d'entre eux.

Le premier a trait à la façon de définir un cadre de travail multilatéral sur l'investissement dans le contexte de l'OMC. Évidemment, un cadre de travail multilatéral sur l'investissement qui prévoit la libéralisation, la non-discrimination, la protection et le règlement des différends demeure un objectif très important. Nous appuyons ce travail permanent qui constitue une façon d'atteindre un consensus au sein de l'OMC sur la façon d'en venir à incorporer un cadre de travail sur l'investissement qui impose des normes élevées dans les disciplines qui concernent l'OMC.

• 0910

Le deuxième problème concerne l'interaction entre le commerce et la politique de la concurrence. Nous sommes heureux d'apprendre qu'un groupe de travail spécial de l'OMC continuera son travail dans ce domaine pour examiner cette interface extrêmement complexe. Tout comme pour l'investissement, monsieur le président, nous espérons que l'OMC puisse travailler à l'atteinte d'un consensus et d'une interprétation générale sur la façon dont l'OMC négociera éventuellement les règles dans ce domaine important.

Monsieur le président, voici quelques propositions que nous vous soumettons à titre de députés fédéraux. Les entreprises canadiennes ne peuvent être concurrentielles sur le plan international si elles ne le sont pas sur le plan national. Le meilleur des accords commerciaux n'aidera pas une entreprise à être concurrentielle si, par ailleurs, des restrictions sont imposées à l'échelle nationale, En outre, les gains que nous permettent de meilleures règles commerciales ou un accès libéralisé n'auront pas d'importance s'ils ne sont pas assortis d'une meilleure productivité nationale et d'un environnement adéquat et structuré en regard de la politique nationale. Je fais référence ici à des questions telles que la taxation, le régime fiscal et le fardeau réglementaire.

J'aimerais aussi mentionner que nous ne pouvons pas commercer efficacement de façon ouverte avec d'autres pays, si nous ne pouvons commercer efficacement entre provinces. Je sais que les questions relatives au commerce interne ne sont pas du ressort du comité—je comprends cela—mais il est difficile pour le Canada de parler de libéralisation sur le plan international lorsque les échanges sont souvent bloqués entre nos propres frontières.

Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir donné la possibilité de comparaître devant le comité. Mes collègues et moi serons heureux de partager nos points de vue avec vous. Merci beaucoup.

Le président (M. Bill Graham (Toronto Centre—Rosedale, Lib.)): Merci beaucoup, madame Anthony. Veuillez m'excuser d'être un peu en retard. M. Pickard est toujours prêt à prendre la relève.

Mme Nancy Hughes Anthony: Vous arrivez juste à temps, monsieur.

Le président: J'ai quelques questions de toute façon. Il est temps de passer aux questions.

Nous allons céder la parole à la Canadian Drug Manufacturers Association. Monsieur Keon.

M. Jim Keon (président, Canadian Drug Manufacturers Association): Merci, monsieur le président, et bonjour mesdames et messieurs.

La Canadian Drug Manufacturers Association est très heureuse d'être ici aujourd'hui pour vous faire part de ses réflexions sur ce que nous considérons comme des aspects importants des prochaines négociations de l'Organisation mondiale du commerce. Je m'appelle Jim Keon. Je suis président de la CDMA. M'accompagnent aujourd'hui Michael Weingarten, qui est vice-président des ventes et du marketing pour Apotex International, et Ed Hore, de Hazzard & Hore, qui est le conseiller juridique de la CDMA.

Comme le groupe précédent, nous avons aussi produit un mémoire, qui explique de façon détaillée les problèmes que nous aborderons devant le comité.

La CDMA représente les fabricants canadiens de produits pharmaceutiques génériques ainsi que les fabricants et les distributeurs de produits chimiques fins. Nous avons des entreprises partout au Canada, dans presque toutes les régions. La liste de nos membres figure à la fin de notre mémoire. Nous croyons que les prochaines négociations pourraient être très importantes pour l'industrie canadienne des médicaments génériques ainsi qu'au chapitre des coûts du système de soins de santé. Nous allons en exposer les raisons.

L'industrie canadienne des médicaments génériques est une histoire à succès à l'échelle nationale. L'industrie est reconnue dans le monde entier pour la haute qualité de ses produits et leurs prix abordables. En 1998, les ventes de médicaments génériques sous ordonnance ont totalisé 1,1 milliard de dollars, ce qui équivaut à 14 p. 100 du marché canadien des médicaments d'ordonnance. Néanmoins, nous avons rempli environ 41 p. 100 de toutes les ordonnances. La différence, bien entendu, entre le montant en dollars et le montant en volume tient du très bas prix auquel sont vendus les médicaments génériques.

Les entreprises canadiennes de médicaments génériques ont aussi considérablement augmenté leurs exportations, qui sont maintenant de l'ordre de 300 millions de dollars par année. Malheureusement toutefois, pour l'ensemble de l'industrie, et en particulier du côté des médicaments de marque, la situation est beaucoup moins bonne. Le déficit commercial global du Canada en matière de produits pharmaceutiques a atteint 2,7 milliards de dollars l'an dernier. Nous ferons remarquer que même si depuis plus de 10 ans la protection conférée par un brevet au Canada a été renforcée, soit depuis l'époque du projet de loi C-22 en 1987, les entreprises étrangères, avec les filiales qui composent le secteur des médicaments de marque au Canada, continuent de fermer les opérations de fabrication canadiennes et comptent plus que jamais sur les importations pour approvisionner le marché canadien. Conséquemment, le déficit commercial augmente plus que jamais, ce qui est exposé dans notre mémoire avec des statistiques provenant de Statistique Canada.

• 0915

Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait être très préoccupé par le déséquilibre commercial dans ce secteur important et qu'il devrait utiliser les prochaines négociations de l'OMC pour améliorer la position du Canada.

Même si l'industrie des médicaments génériques réussit bien au Canada, le Canada ne constitue qu'une part infime du marché mondial. Pour croître et se développer, cette industrie doit avoir accès non seulement au marché canadien, mais aussi aux marchés mondiaux au moment opportun.

J'aimerais interrompre mes commentaires pour demander à Michael Weingarten de décrire brièvement les initiatives entreprises par Apotex dans le marché des exportations. Comme vous le savez, Apotex est le plus important fabricant de médicaments génériques au Canada. Lorsque Michael aura terminé, je reviendrai avec quelques remarques pour conclure sur certains des problèmes que nous considérons comme importants.

Le président: Monsieur Weingarten.

M. Michael Weingarten (vice-président, Ventes et marketing, Apotex International Inc.): Merci, monsieur le président.

Apotex Incorporated est le plus important fabricant de médicaments génériques de propriété canadienne qui participe à l'exportation de produits pharmaceutiques génériques depuis le début des années 80. Nous exportons actuellement vers 115 pays dans le monde. Nos principaux marchés d'exportation sont actuellement le Mexique, la Jamaïque, le Vietnam et la République tchèque.

Sur le plan international, notre entreprise est constituée d'un réseau d'agents et de distributeurs, de même que de 15 filiales et de deux entreprises conjointes. Tous ces clients dépendent du pipeline du développement de produits par Apotex Incorporated pour édifier leur commerce.

Dans bien des cas, en raison des restrictions aux exportations au Canada, nous ne sommes pas en mesure de fournir des produits dont les brevets sont expirés dans les pays cibles. Ceci nous oblige soit à regarder à l'extérieur du Canada pour produire ailleurs, ou à nous tourner vers d'autres pays ou d'autres entreprises pour obtenir ces marchandises là où ces restrictions n'existent pas.

En 1998, Apotex International a réalisé des ventes prix départ chez le fabricant d'environ 60 millions de dollars. Nous projetons une croissance en 1999 pour atteindre 80 millions de dollars et des ventes de 115 millions de dollars pour l'an 2000. Même si les ventes internationales ne représentent qu'une petite portion des ventes totales d'Apotex, le marché international consomme autour de 1,63 milliard de capsules et de comprimés, ce qui se traduit par une proportion d'environ 38 p. 100 de notre production totale. Au cours des deux prochaines années, nous prévoyons que ces chiffres atteindront 51 p. 100, et 60 p. 100 du total des unités produites par notre entreprise.

Ces chiffres sont importants pour les raisons suivantes. Apotex Incorporated a complété récemment l'agrandissement de ses installations à Toronto au coût de 100 millions de dollars. Comme le nombre d'unités vendues sur le marché international augmente, il est manifeste que notre entreprise est de plus en plus dépendante du marché international. Pour continuer de développer notre entreprise, nous avons aussi alloué 85 millions de dollars en revenu d'investissement pour cette année et 100 millions de dollars pour les deux prochaines années dans le but de développer notre entreprise dans le monde. Les chiffres présentés précédemment montrent de façon évidente que le nombre des emplois qui dépendent de la croissance d'Apotex Incorporated au Canada est énorme.

Nous croyons fermement que, dans le cadre des négociations de l'OMC, le gouvernement canadien devrait adopter la position voulant qu'on soit allé assez loin au chapitre de la protection de la propriété intellectuelle des brevets pharmaceutiques et qu'il faut dorénavant travailler à amener des changements progressifs qui favoriseront les entreprises internationales de propriété canadienne.

Merci.

M. Jim Keon: De façon générale, les entreprises membres de la Canadian Drug Manufacturers Association croient que les puissants lobbys des produits pharmaceutiques brevetés dans le monde tenteront vraisemblablement d'utiliser la renégociation de l'Organisation mondiale du commerce pour imposer des changements à l'ADPIC, l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, et par le fait même, aux lois canadiennes favorisant les droits de propriété intellectuelle pour les produits pharmaceutiques. La possible renégociation de l'ADPIC pourrait avoir des répercussions sur les entreprises membres de la CDMA plus directement que sur la plupart des industries canadiennes. Cette renégociation touchera aussi le prix des médicaments au Canada ainsi que la viabilité du système public de soins de santé du Canada.

Il est essentiel que la CDMA soit informée au fur et à mesure que le processus avance, et nous serions, il va de soi, heureux d'assister le gouvernement sur ces sujets complexes. Nous sommes évidemment très heureux de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui et ce processus nous plaît beaucoup.

Au chapitre des renégociations de l'ADPIC, nous croyons que le Canada devrait s'opposer vigoureusement à tout accroissement des droits de propriété intellectuelle couverts par l'ADPIC, spécialement si les changements proposés avaient pour effet de rendre non conformes les lois canadiennes actuelles sur les produits pharmaceutiques.

Les problèmes qui peuvent survenir incluent la clause d'exception générale de l'ADPIC, l'article 30, et la CDMA croit que la position du Canada doit être de considérer que cet article permet une exception en matière d'exportation à la loi canadienne sur les brevets qui, comme l'a mentionné Michael, permettrait à un fabricant de médicaments génériques d'exporter son produit vers des pays où la protection des brevets n'est pas en vigueur. L'absence d'une exception en matière d'exportation coûte des emplois au Canada, des investissements et des gains à l'exportation.

• 0920

De plus, nous croyons que la position du Canada devrait être qu'une proposition de règlement, ou exception de Bolar, qui fait d'ailleurs déjà partie de la Loi sur les brevets du Canada, permettant à un fabricant de médicaments génériques de travailler sur un brevet, si ce travail est raisonnablement lié au dépôt d'une proposition de règlement, devrait continuer d'être permise.

Une exception connexe, appelée exception pour constitution de réserves, qui elle aussi existe dans la Loi sur les brevets du Canada, permet à une entreprise de médicaments génériques de fabriquer et de stocker un produit pendant les six derniers mois du brevet. La proposition de règlement et l'exception pour constitution de réserves font, comme vous le savez sûrement, l'objet d'un conflit commercial actuellement soulevé par l'Union européenne. La conséquence de ces mesures, si le Canada échoue, sera un retard de plusieurs années pour ce qui est de l'entrée de médicaments génériques dans le marché canadien, une réduction importante des effectifs de l'industrie canadienne des médicaments génériques et une augmentation des coûts.

Un autre article de l'ADPIC qui sera probablement remis en question dans le domaine pharmaceutique est l'article 39 3) de l'ADPIC, qui a trait aux données réglementaires sur les produits pharmaceutiques, Ici encore, sans aller dans les détails, notre point de vue est que le Canada devrait résister aux pressions l'enjoignant d'aller plus loin et d'apporter un changement à cet article qui favoriserait davantage les grosses entreprises pharmaceutiques multinationales.

Les prochaines négociations soulèvent des questions délicates pour le Canada, qui a un déficit commercial en termes de produits pharmaceutiques et qui doit soutenir un système public de soins de santé. Le Canada doit se présenter aux renégociations bien résolu à se battre contre les changements à l'ADPIC qui feraient augmenter les prix des médicaments pour les Canadiens et qui mineraient le système de soins de santé. Le Canada doit aussi rechercher des changements à certains articles, lorsque c'est nécessaire, pour la sauvegarde de ses intérêts vitaux en matière d'accès aux médicaments et de soins de santé pour les Canadiens de même que pour assurer la viabilité et la croissance de l'industrie des médicaments génériques.

Merci de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Keon.

Nous passons maintenant à Alcan Aluminium limitée.

[Français]

M. Daniel Gagnier (vice-président, Services généraux, groupe Alcan Métal primaire): Merci, monsieur le président.

Le président: Il semble que tous les Québécois, y compris les représentants de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, ont voulu venir chez nous, à Toronto. Je ne sais pas pourquoi. Madame Debien, des gens fuient la belle province pour venir profiter de la belle ville de Toronto.

M. Dan Gagnier: Je suis un Québécois, mais il y a une différence: j'ai été sous-ministre en Ontario ainsi qu'en Saskatchewan.

Le président: Vous êtes un homme pancanadien.

M. Dan Gagnier: En effet.

Monsieur le président, nous vous soumettrons bientôt un document que nous présenterons sous peu aux ministres des Affaires étrangères et du Commerce international au sujet des positions de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs.

Aujourd'hui, nous vous présenterons nos commentaires sur les trois enjeux du commerce international qui nous intéressent le plus et qui auront des répercussions sur l'industrie de l'aluminium au Canada. Ces enjeux particuliers touchent l'accès aux marchés, qui est pour nous primordial parce que nous sommes une entreprise multinationale oeuvrant dans 30 pays, la propriété intellectuelle, les investissements et la protection de l'environnement.

[Traduction]

Tout d'abord, une des préoccupations majeures d'Alcan, qui connaît le commerce d'exportation et la fabrication à l'échelle internationale depuis près de 100 ans, est la question de l'accès au marché et ce que nous appelons les «normes éthiques». Nous avons un code de conduite, et vous verrez dans notre présentation que nous insistons sur ce qui est important pour nous en regard de notre expérience au cours de ces 100 années.

Nous sommes une industrie transnationale. Nous venons tout juste de procéder à une réorganisation en deux entreprises transnationales, une pour le métal de première fusion et une pour la fabrication globale. Lorsque vous jetez un coup d'oeil à Alcan, vous avez environ 160 usines dans le monde. Nous sommes le deuxième producteur primaire en importance de produits laminés et nous employons près de 40 000 personnes.

Alors que plus de 50 p. 100 de nos actifs se trouvent au Canada, nous avons des matières premières, des actifs dans les domaines de l'électricité, de la fusion, de la fabrication et du recyclage ainsi que des bureaux de vente dans 30 pays. Notre premier lingot a été fabriqué à Shawinigan et il a été exporté au Japon en 1902. Nous avons donc commencé sur le plan international.

De 1982 à 1997, nous avons investi plus de 9 milliards de dollars au Canada pour construire de nouvelles usines. De ce montant, près de 10 p. 100 est attribué à la protection de l'environnement. Dans notre usine de fusion à Alma, qui est en construction, un investissement de 2,2 milliards de dollars... le volet environnemental est l'un des plus importants, représentant près de 22 p. 100 de l'investissement. Nous produisons 2,3 millions de tonnes d'aluminium au Canada, nous sommes le troisième producteur primaire en importance d'aluminium et nous détenons 10 p. 100 de la capacité mondiale de production.

• 0925

Vous pouvez voir dans notre mémoire où nous exportons. Mais ce que je veux faire ressortir, c'est que nous générons dans ce pays 4 milliards de dollars de contenu à valeur ajoutée et que nous maintenons 41 500 emplois permanents. La plus large part de nos exportations se fait vers les États-Unis, l'Union européenne et le Japon, où la consommation d'aluminium représente environ 70 p. 100.

L'Union européenne est un importateur net de métal de première fusion. Elle importe à ce jour près de 60 p. 100 de tous ses besoins.

Entre 1985 et 1988, les importations d'aluminium sont passées de 1 million de tonnes à 2,9 millions de tonnes par année dans l'Union européenne. Pourtant l'Union européenne, entre tous, demeure un des rares pays à maintenir un tarif douanier sur l'aluminium brut, et vous devez vous demander pourquoi. Les pays en développement ont des tarifs douaniers—Chine, Inde et Brésil—et nous en sommes conscients et nous savons pourquoi ils les maintiennent: pour développer leur industrie. Mais ce n'est pas le cas de l'Union européenne.

Les tenants d'un tarif douanier prétendent que celui-ci protège les emplois en Europe. En fait, seulement 6 p. 100 des Européens sont employés dans l'industrie primaire. Le tarif douanier permet aux producteurs européens d'imposer une prime du marché qui ne tient pas compte de l'existence possible d'un droit de douane. Ce que cela signifie pour nous, c'est qu'il y a un excédent de 445 millions de dollars américains, dont 305 millions ont été retenus à titre de gains de conjoncture par les producteurs européens. Vous pouvez dire, et puis après? Nous, au Canada, avec un milliard de dollars d'investissement dans les usines de laminage, nous ne sommes pas en position d'approvisionner nos propres usines parce que chaque fois que nous importons une tonne d'aluminium, notre coût est augmenté de 32 $. Nous sommes ainsi moins concurrentiels pour ce qui est de répondre à nos propres besoins en Europe. C'est un cas particulier, mais je voulais l'utiliser pour vous démontrer l'importance des questions d'accès au marché.

Je vais maintenant passer à un certain nombre d'autres questions. Les droits de propriété intellectuelle sont importants pour nous. Nous sommes aussi un acheteur et un exportateur majeur de technologie. Nous sommes préoccupés par la question des droits de propriété intellectuelle parce que nous savons que nous avons besoin que les mesures relatives à la protection et à l'application de ceux-ci dans la prochaine ronde soient aussi clairs et transparents que possible. Une amélioration de la protection contre les violations et le recours à des solutions adéquates sont nécessaires. De bonnes pratiques devraient être encouragées par le truchement de règles internationales plus efficaces et les brevets devraient être plus faciles à obtenir. Le coût de l'obtention et du maintien d'un brevet dans l'Union européenne est de trois à quatre fois plus élevé qu'aux États-unis. C'est un désavantage important pour nous.

• 0930

Le commerce et l'environnement constitue un autre domaine où nous nous engageons de plus en plus, et dans ce cas, il s'agit d'un dialogue difficile. C'est un dialogue difficile parce que pour une entreprise comme Alcan, qui croit au développement intégré, nous devons de plus en plus tenir compte de trois E: environnement; énergie, avec ses conséquences sociales; économie.

Dans le débat qui a cours, le troisième E est bien souvent escamoté ou mis de côté, et je veux être aussi clair que possible pour dire que la question économique la plus importante que nous devrons affronter selon moi, et qu'Alcan croit que nous devrons affronter d'ici quatre ou cinq ans, est la question du changement climatique et des conséquences qu'il aura sur les questions environnementales et économiques.

Tout le monde est concerné. Tout le monde est concerné parce que, à juste titre, la population entière est de plus en plus préoccupée. Il y a les problèmes Nord-Sud; il y a les problèmes de croissance; il y a les problèmes environnementaux; il y a aussi quelques politiques très pointues.

Certaines personnes utilisent les méthodologies comme l'analyse du cycle de vie d'une façon adéquate, d'autres les utilisent d'une façon qui laisse à désirer. Parmi les lois qui ont été promulguées, certaines sont discriminatoires à l'égard de divers matériaux. Dans notre propre pays, certaines réglementations provinciales sont discriminatoires à l'égard de l'aluminium pour... bref, je dirais que je les considère comme des barrières non tarifaires.

J'en mentionnerai deux. D'abord, l'impôt perçu seulement sur la canette en aluminium en Ontario, mesure qui a été introduite sous le prétexte de la protection de l'environnement, il y a un certain temps. Cette mesure a entraîné une baisse de la part du marché, qui est passée de 22 p. 100 à 9 p. 100. Il s'agit d'une baisse radicale de l'usage de la canette.

L'autre est un quota imposé sur les canettes dans la province de Québec. Le plus gros producteur d'aluminium au Canada maintient un quota limitant l'expansion de la canette. Ce sont des arguments très utiles pour nous lorsque nous faisons la promotion de la consommation d'aluminium dans les pays en développement.

J'utilise ces deux exemples pour montrer que des obstacles au commerce sont créés en vertu d'autres politiques à des fins très légitimes, mais qu'ils entraînent une distorsion en ce qui regarde les répercussions sur notre produit en particulier, et il y a de nombreux exemples de la façon dont ces mesures se répercutent sur d'autres produits.

Je pense que l'une des choses les plus importantes que nous puissions faire lors des prochains cycles, c'est de clarifier les règles concernant les prélèvements à l'exportation, les crédits aux exportations, tous les instruments réglementaires, et vraiment essayer de comprendre comment nous pouvons renforcer notre capacité de réussir sur le marché des exportations, d'être des citoyens du monde responsables, de participer au dialogue concernant le développement durable et de reconnaître qu'il y a ici des questions et des préoccupations légitimes, et qu'il y a aussi des politiques très pointues, je dirais, en ne fermant pas les yeux sur les marges de tolérance quant à la façon de mesurer le succès.

• 0935

Le Canada bénéficierait d'un régime commercial multilatéral plus ouvert et plus étendu. Un de nos principaux défis, je pense, en tant que pays, dans les prochaines négociations multilatérales, consistera à élargir l'accès du Canada aux marchés, dans notre cas, l'Europe. Quant à la communauté internationale, elle devrait lutter pour maintenir des prix corrects en décourageant les subventions, les tarifs douaniers, les barrières non tarifaires, qui ne servent qu'à conférer un avantage concurrentiel inéquitable.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passerons maintenant à Stelco, monsieur Belch. Vous auriez dû être ici hier; nous avons reçu le syndicat des métallurgistes. Vous auriez pu être avec eux plutôt que seul avec tous ces gens d'affaires. Vous vous seriez senti chez vous.

M. Donald Belch (directeur, Relations gouvernementales, Stelco inc.): Je pensais que c'était planifié de votre part monsieur le président, que je me retrouve dans le coin opposé à Alcan aujourd'hui.

Le président: Ne vous en faites pas avec cela. Il n'y a pas d'impôt provincial perçu sur les contenants en acier, alors vous êtes bien assis avec un grand sourire.

M. Donald Belch: C'est exact.

C'est très intéressant de suivre une présentation d'Alcan parce que l'industrie sidérurgique dans le monde est passablement différente de l'industrie de l'aluminium. Elle n'est pas aussi oligopolistique, je dirais. Stelco est certainement la plus importante entreprise sidérurgique du Canada, et nous ne sommes qu'au 35e rang dans le monde. Aussi, lorsque nous parlons de questions relatives à la politique commerciale, assez souvent, il semble que les entreprises sidérurgiques du Canada sont grosses comparativement aux fournisseurs qui se situent du côté opposé de la table, mais nous sommes très petits à l'échelle mondiale.

L'an dernier, la production de Posco South Korea, le plus grand producteur au monde, équivalait à cinq fois celle de Stelco.

Les entreprises sidérurgiques canadiennes, comparativement aux alumineries, se concentrent sur le marché intérieur. En bonne partie en raison de la valeur de l'acier, on a construit pour répondre à la demande du marché national. Le coût à la tonne de l'acier est relativement bas comparativement au coût du transport. Il répond très bien aux besoins d'un marché très local et c'est pourquoi il demeure le matériau privilégié dans la fabrication des automobiles, des appareils ménagers, de la construction commerciale—ce genre de choses. Le marché naturel pour l'acier canadien ainsi que pour l'acier américain se trouve dans un rayon de 500 à 750 milles de l'usine. Il n'est donc pas étonnant que les industries consommatrices d'acier en Amérique du Nord se situent entre le sud de l'Ontario et Chicago, pour s'étendre vers le sud en Ohio et en Pennsylvanie.

Dans bien d'autres parties du monde, la capacité de production dépasse substantiellement la demande. La propriété des installations dans plusieurs pays d'Europe et d'Amérique du Sud étaient à l'origine gouvernementale. Au cours des 15 dernières années, ces gouvernements ont compris que les entreprises pouvaient exploiter ces usines plus efficacement si elles étaient privatisées; ils ont aussi compris le fait que ces entreprises étaient établies tant pour procurer des emplois que pour survivre grâce aux exportations, et qu'elles continueraient de compter sur les exportations pour maintenir une utilisation élevée.

En 1998, par exemple, les exportations d'acier de l'Union européenne ont diminué de 15 millions de tonnes. M. Gagnier a parlé du genre de restrictions au commerce connues dans l'Union européenne. Si un secteur géographique du monde peut connaître une telle baisse de ses exportations, cela peut donner une idée de la crise qui a sévi en Asie, en Amérique du Sud et au Moyen-Orient. Le volume de cette baisse représente le total de la production canadienne de l'an dernier.

Stelco, Dofasco et IPSCO sont des entreprises sidérurgiques assez différentes et elles sont régulièrement parmi les plus rentables en Amérique du Nord. Les ventes de chacune d'entre elles se font surtout dans ce que j'appellerais un marché local, bien que canadien et américain. En 1997 et en 1998, le Canada a connu un excédent commercial au chapitre de l'acier avec un seul pays, les États-Unis. Les déficits avec le reste du monde dépassent cette situation d'excédent. Ce n'est pas que les entreprises ne sont pas concurrentielles. Le commerce qui existe, existe en raison d'une offre excédentaire dans le reste du monde. Le présent comité a, je crois, entendu M. Peter Clark l'an dernier, qui souvent, à Ottawa, se trouve du côté opposé de la table par rapport à moi. Il a indiqué qu'il n'est pas possible d'exporter de l'acier dans le monde sans pratiquer le dumping.

• 0940

Ce long prologue ne servait qu'à planter le décor avant de faire quelques commentaires sur le processus du commerce international, parce que l'équité dans le commerce est très importante pour Stelco ainsi que pour les entreprises sidérurgiques canadiennes. Il est impossible de vendre de la tôle à chaud 250 $ la tonne, ce que faisaient les Russes l'an dernier. La seule façon de protéger les emplois et les investissements canadiens est d'appliquer de façon sensée les lois du loyal commerce. Mais les lois du loyal commerce n'entrent en action qu'une fois les pratiques commerciales déloyales constatées, comme on l'a vu l'an dernier. Revenu Canada a enquêté rapidement à la suite de la plainte déposée par Stelco concernant la tôle à chaud provenant de France, de Roumanie, de Russie et de Slovaquie. Toutefois, le processus complet visant à prouver le préjudice au Tribunal canadien du commerce extérieur est long et peut devenir lourd lorsque les avocats de l'autre partie demandent des montagnes de documents pour prouver la moindre parcelle de préjudice. À l'opposé, aux États-Unis, le fardeau de la preuve repose sur l'exportateur qui doit prouver que ses expéditions n'ont pas causé un préjudice.

Lors du dernier cycle des négociations en Uruguay, les tarifs douaniers sur l'acier ont été négociés en échange d'un accord multilatéral sur l'acier. C'était pour résoudre les problèmes de l'industrie de l'acier auxquels nous sommes toujours confrontés. En tant que personne à qui le gouvernement canadien a assuré que la protection tarifaire serait abandonnée seulement si les MSA étaient réalisés, je suis plutôt cynique quant à l'habileté d'un négociateur lorsqu'il ne reste plus beaucoup de temps et qu'il y a un désir d'en venir à un bon accord. Comme nous le savons, nous avons renoncé à la protection tarifaire, mais nous n'avons pas résolu les questions qui continuent de nous importuner.

En ce moment, la protection tarifaire pour l'industrie sidérurgique canadienne diminue rapidement sur les importations provenant du reste du monde. Cela ne serait pas grave si la réduction tarifaire était réciproque, mais seulement le Canada, les États-Unis, l'Union européenne, le Japon et la Corée ont participé à cette réduction. Les autres pays ne se sont pas engagés à réduire en retour d'une MSA, ils n'ont donc aucune raison de suivre volontairement l'initiative du Canada et des États-Unis. Il sera donc difficile pour le Canada de négocier un changement significatif lors de la prochaine ronde de l'OMC pour le secteur de l'acier, maintenant qu'il a épuisé son atout.

Un effet secondaire de la dépendance à une loi sur le loyal commerce pour traiter de la question de la sous-évaluation des importations est aussi la nécessité de recourir à un mécanisme de règlement des différends si l'interprétation du préjudice mène à une confrontation. Les entreprises sidérurgiques canadiennes, y compris Stelco, n'ont pas eu à utiliser le mécanisme de résolution des différends de l'OMC, mais elles sont parmi les plus exposées en regard de l'ALENA par les groupes d'experts nationaux. De tels groupes sont prévus pour accélérer le règlement des conflits. À l'occasion, ils y arrivent. Cependant, notre expérience, même actuellement, est que le processus de sélection des membres de ces groupes peut être long et en arriver à ce que le recours à ce processus soit plus long que le recours aux tribunaux. Il sera important pour le Canada de veiller à ce que le processus de règlement des conflits de l'OMC ne soit pas entravé comme ce fut le cas pour l'ALENA.

Les marchés publics constituent une autre question importante pour les producteurs d'acier. Ce n'est pas que les producteurs d'acier vendent aux gouvernements; nous ne le faisons pas. Toutefois, les dépenses en capital des gouvernements sont importantes pour nos clients dans bien des endroits. Malgré l'ouverture des marchés publics tant dans le cycle de l'Uruguay de l'OMC que dans l'ALENA, les producteurs d'acier du Canada voient leur produit exclus de bon nombre des principaux marchés américains, notamment les dépenses fédérales en matière de construction de routes. La réglementation du Département américain du transport interdit même l'usage de boulettes de minerai de fer étrangères dans l'acier qui est utilisé dans les autoroutes financées en vertu de l'International Surface Transportation Efficiency Act, connue sous la forme abrégée ISTEA. Et vous pouvez constater jusqu'à quel point les Américains font suivre l'ISTEA partout où ils vont.

Pour cette raison, il n'y a pas d'exportations de barres d'armature du Canada vers les États-Unis, alors que les États-Unis sont la source la plus importante d'importation de barres d'armature au Canada. Ces barres sont un produit de base fabriqués par au moins cinq producteurs au Canada, de Montréal à Edmonton. L'absence d'exportations reflète le fait que les distributeurs américains ne veulent pas maintenir un double inventaire, les barres permises pour les projets d'autoroutes et celles qui peuvent être utilisées pour les projets commerciaux. Le résultat concret est une interdiction sur les importations provenant du Canada.

• 0945

En conclusion, monsieur le président, le simple aspect économique dicte que la plupart des marchés de l'acier doivent être locaux. Les coûts du transport peuvent être significatifs relativement à la valeur de la vente. Il n'est pas logique d'expédier de l'acier ordinaire sur de longues distances. En raison du marché nord-américain, qui est si ouvert de part et d'autre de la frontière canado-américaine et qui peut être durement touché par la surcapacité dans le monde, les lois sur le commerce déloyal doivent être adaptées aux besoins, mais ne doivent pas constituer un fardeau.

Plus important encore pour les producteurs du Canada, l'approvisionnement en acier du marché local Canada-États-Unis doit être libéré de la restriction qui limite actuellement l'accès au marché des dépenses liées aux routes et aux ponts aux États-Unis.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Belch. J'ai une question technique. L'ISTEA, est-ce une loi fédérale.

M. Donald Belch: Oui, ce l'est.

Le président: Y a-t-il au niveau des États des restrictions aussi importantes, ou est-ce que la plupart de celles dont vous parlez dans votre mémoire sont fédérales?

M. Donald Belch: C'est une restriction fédérale.

Le président: Oui, je comprends, mais y a-t-il...

M. Donald Belch: C'est de là que vient tout le financement des routes.

Le président: Merci beaucoup. Donc, c'est fédéral.

[Français]

Je donne maintenant la parole à l'Association des manufacturiers de bois de sciage de Québec, qui se trouve parmi nous en touriste.

M. Jacques Robitaille (président-directeur général, Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec): Pour très peu de temps, malheureusement.

Permettez-moi de me présenter. Je m'appelle Jacques Robitaille et je suis président-directeur général de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec. J'aimerais vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent: Mme Brenda Swick-Martin, notre conseillère juridique en matière de commerce international, et M. Jean-Pierre Grenon de la compagnie Donohue, qui est aussi membre de notre conseil d'administration.

Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous présenter le point de vue de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec.

L'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec est la principale association de producteurs de bois au Québec. Nos membres produisent plus de 90 p. 100 de tout le bois de sciage résineux au Québec. Nous représentons 165 usines réparties dans toutes les régions du Québec. L'économie d'environ 200 communautés réparties un peu partout sur le territoire du Québec dépend directement et principalement de cette industrie. Nous comptons 128 membres réguliers et 220 membres associés, qui peuvent être de très grandes sociétés intégrées de pâtes et papier et de sciage, ou de petits producteurs.

Notre industrie est très importante pour l'économie du Québec. Je crois que seuls l'agriculture et le tourisme sont aussi bien répartis sur le territoire québécois. Cinquante mille emplois dans les scieries ou en forêt dépendent directement de cette industrie-là.

Cette industrie est en pleine croissance au Québec. Au cours des 10 dernières années, nous avons presque doublé notre production, qui s'élève maintenant à 7,3 milliards de pieds mesure de planche. Lorsqu'on compare notre production aux quotas qui sont actuellement attribués dans le cadre de l'entente avec les Américains, on peut dire qu'environ la moitié de notre production est couverte par les quotas.

La production du Québec représente 26 p. 100 de la production canadienne et a une valeur de 4 milliards de dollars par année. Nous exportations s'élèvent à plus de 2 milliards de dollars. Évidemment, les États-Unis sont notre principal marché puisque 72 p. 100 de l'ensemble de notre production est destinée au marché américain.

Au cours des cinq dernières années, notre industrie a fait des investissements importants, soit de l'ordre de 1 milliard de dollars, en vue d'accroître sa production, d'augmenter nettement sa productivité et de maintenir sa capacité à conserver ses marchés.

• 0950

[Traduction]

Le succès de l'industrie québécoise du bois de sciage dépend largement de sa capacité à exporter du bois et des produits du bois. L'industrie canadienne du bois de sciage à elle seule représente 13 milliards d'échanges commerciaux par année.

Près des trois quarts de la production québécoise de bois de sciage résineux est destinée à l'exportation, principalement vers les États-Unis. Les exportations vers les États-Unis sont soumises à un accord canado-américain sur le bois de sciage résineux, qui réglemente le volume d'exportation du bois de sciage résineux vers le marché américain. Les autres marchés d'exportation incluent l'Europe, le Japon, le Moyen-Orient et l'Asie de l'Est.

L'industrie connaît aussi une augmentation de sa production et des exportations de produits à valeur ajoutée, tout particulièrement depuis les cinq dernières années.

Le Canada doit continuer de se préoccuper du commerce des marchandises, ce qui inclut le bois et les produits du bois; de l'accès aux marchés; des normes, qui peuvent constituer des barrières techniques au commerce, et des mesures sanitaires ou phytosanitaires; des recours commerciaux tels que les mesures antidumping, les mesures compensatoires et les mesures de sauvegarde.

Pour ce qui est du commerce du bois et des produits du bois, nous demandons instamment au gouvernement de poursuivre la réduction des tarifs douaniers selon un calendrier défini.

Un nombre de plus en plus grand de cas de règlement des différends soumis à l'OMC concerne les normes ou les questions relatives à la santé. L'industrie québécoise du bois de sciage résineux est directement concernée dans un cas où le gouvernement du Canada cherche à contrer l'imposition par la Communauté européenne de restrictions sur le traitement thermique sur les importations de bois séché artificiellement provenant du Canada. L'AMBSQ continue de demander instamment au gouvernement du Canada de travailler à alléger le fardeau de la certification en matière de traitement thermique, certification imposée pour les exportations de bois séché artificiellement vers l'Europe.

Pour mettre en relief les conséquences de cette mesure, au début des années 90, le niveau d'exportation des producteurs du Québec vers les marchés européens représentait environ 6 p. 100 de la production. Actuellement, il est de moins de 1 p. 100.

Pour ce qui est des recours commerciaux, préoccupation historique de notre industrie puisque nous avons été l'objet de nombreuses enquêtes relativement aux mesures compensatoires par les États-Unis, le Canada devrait continuer de rechercher une amélioration des règles et des procédures relatives à l'antidumping et aux subventions afin d'atténuer les conséquences négatives sur l'accès de nos exportations aux marchés étrangers.

L'AMBSQ appuie un mécanisme de règlement des différends fort et efficace de la part de l'OMC. Même si notre industrie n'a pas été directement impliquée dans un différend relevant de l'OMC, nous avons été indirectement touchés par le conflit périodique entre le Canada et les États-Unis. Notre industrie a été menacée de mesures de rétorsion par les États-Unis, et nous avons écrit au gouvernement du Canada en indiquant clairement que ce conflit périodique ne devait pas porter préjudice à l'industrie québécoise du bois de sciage résineux.

Nous croyons que le mécanisme de règlement des différends de l'OMC doit être transparent et donner éventuellement la possibilité aux intérêts privés commerciaux de faire des représentations devant les groupes d'experts de l'OMC. Les questions qui font l'objet du processus de règlement des différends deviennent trop importantes et les ramifications trop nombreuses pour que les entreprises ne cherchent pas à participer activement au processus.

Il pourrait s'écouler un certain temps avant qu'une telle participation directe ne soit possible, mais entre-temps, les intérêts privés commerciaux devraient au moins se voir accorder la possibilité de présenter officiellement une requête auprès du gouvernement du Canada afin qu'il entame les procédures relatives au règlement des différends et qu'une réponse officielle soit donnée par le gouvernement, assortie des motifs si le gouvernement décide de ne pas entreprendre les procédures. Les intérêts privés commerciaux aux États-Unis et en Europe ont maintenant la capacité de demander à leur gouvernement d'entamer les procédures en vue du règlement d'un différend devant l'OMC.

• 0955

La Chine offre un vaste marché potentiel pour le Québec et l'AMBSQ croit que la Chine doit pouvoir adhérer à l'OMC aux mêmes conditions que les autres pays. L'adhésion de la Chine pourrait avoir des conséquences importantes et ses exportations vers le Canada pourraient être substantielles. Ceci montre bien qu'il est nécessaire que la Chine soit obligée d'adhérer aux règles et aux obligations de l'OMC en ce qui a trait à l'ouverture de son propre marché et relativement aux exportations de ses biens et services à l'étranger.

En ce qui concerne le commerce et l'environnement, la position du Canada dans les négociations à venir ne doit en aucune façon entacher la souveraineté des nations en regard de la gestion de leurs propres ressources naturelles, y compris la gestion de la forêt. L'industrie québécoise du bois de sciage a une éthique de l'environnement bien établie et est engagée dans des pratiques responsables de gestion de la forêt. Les mesures environnementales ne doivent pas servir à imposer des obstacles non tarifaires injustifiables tels que des règles techniques qui prévoient un traitement discriminatoire parmi les produits importés ou entre les biens importés et les biens nationaux.

Actuellement, l'industrie québécoise achemine un faible pourcentage de son bois de sciage résineux vers l'Amérique du Sud. Nous croyons toutefois qu'il s'agira d'un marché de plus en plus important pour le Québec dans le futur, que ce soit pour l'exportation ou une augmentation des importations ou encore des entreprises conjointes. Pour ces raisons, l'AMBSQ demande que soit mis sur pied un groupe consultatif sectoriel pour l'industrie du bois de sciage. Ce comité aiderait le gouvernement du Canada à atteindre les objectifs de l'industrie pour ce marché dans la décision à venir concernant la zone de libre-échange des Amériques.

En conclusion, même si l'OMC est un instrument important pour le commerce international, elle n'est pas très bien connue de bon nombre d'intérêts commerciaux privés. Pour cette raison, il est impératif que le Canada adopte une stratégie solide en matière de communication et de consultation afin de définir les priorités et les objectifs du Canada, alors que vont s'engager les prochaines négociation de l'OMC.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions.

Auparavant, je peux peut-être poser une question générique à Mme Hughes Anthony. C'est quelque chose...

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Faites attention au sens que vous donnez au mot «générique».

Le président: C'est vrai, Je serai prudent sur la façon d'utiliser le mot «générique». Peut-être que je pourrais poser une question brevetée à Mme Hughes Anthony.

Vous dites dans votre mémoire que vous reconnaissez qu'il est nécessaire d'aborder les questions relatives au commerce et à l'environnement... d'aborder les droits de la personne et les questions relatives à la main-d'oeuvre sur un plan environnemental—ne les lions pas nécessairement au commerce. Mais vous ne voulez pas en faire porter le fardeau aux accords commerciaux. C'est ce que vous nous avez expliqué.

Hier, M. White a fait un exposé très éloquent, qui je crois en a beaucoup appris à plusieurs d'entre nous. Il a dit que c'était très bien que les entreprises disent cela, mais les entreprises vont à l'OIT, s'engagent dans différents accords, puis s'en vont et font des choses partout dans le monde qui n'ont rien à voir avec ces accords, et en fait n'adhèrent même pas à ceux-ci.

Pour ma part, personnellement, mais aussi pour d'autres membres du comité je crois, la question la plus grave avec laquelle nous serons aux prises dans ces audiences est de déterminer quelles sont les relations entre ces autres éléments et l'accord commercial et comment nous pouvons avoir un monde ordonné dans lequel ils fonctionnent? Il ne sert à rien de dire que vous aurez un accord commercial qui n'en tienne pas compte si vous ne tenez pas compte de l'environnement, des droits de la personne et de la main-d'oeuvre. En fait, le nouvel accord commercial s'effondrera parce que les gens n'en auront que faire. C'est très clair.

• 1000

Donc, si vous dites ne surchargez pas l'accord commercial, quelle est la réponse des entreprises? Voulez-vous dire que nous devons avoir une OIT qui est fonctionnelle, un accord sur l'environnement qui est fonctionnel, un code sur les droits de la personne qui est fonctionnel, et en quelque sorte des dispositions institutionnelles obligatoires qui serviront à mettre de l'ordre lors de conflits entre ces différents éléments et à imposer une certaine logique entre eux, ou quoi?

C'est un peu comme si les entreprises essaient de s'en tirer en disant: «Hé! nous voulons un bel accord commercial, et le monde va continuer de tourner comme il l'a toujours fait». Je ne pense pas, selon ce que j'ai entendu jusqu'ici pendant les audiences publiques, que le public canadien soit d'accord avec cela, et je soupçonne fortement qu'il en sera de même un peu partout dans le monde.

Je prends un peu le pas sur mes collèges pour ce qui est de la possibilité de poser des questions, mais je crois qu'il s'agit d'une question qui tracasse un grand nombre d'entre nous, je peux donc peut-être la poser en premier.

Mme Nancy Hughes Anthony: Je n'ai certes pas voulu laisser cette impression par mes remarques. Si c'est le cas, je vais m'employer à corriger cette impression.

Le président: Vous ne m'avez pas donné cette impression.

Mme Nancy Hughes Anthony: Je sais. Ce sont des questions très complexes. Je pense que vous avez tout à fait raison de dire qu'il doit y avoir une reconnaissance par le public de la façon dont tout ce système fonctionnera, et une confiance du public envers ce système.

Je me demande si je peux me tourner vers mon collègue, M. Barutciski, pour quelques commentaires sur la façon dont le tout pourrait fonctionner.

• 1005

M. Milos Barutciski (associé, Davies Ward & Beck; vice-président, Comité sur la politique commerciale, Conseil canadien pour le commerce international): Merci, Nancy. Merci, monsieur le président. C'est toujours avec plaisir que je prends la parole devant mon propre député et devant le président de ce comité.

Des voix: Oh, oh!

M. Milos Barutciski: Je vous poserai une question sur les travaux publics plus tard.

Nancy montre correctement—et si vous regardez le texte qu'elle a préparé, vous verrez la remarque—que si nous voulons composer avec ces questions importantes, que ce soit la main-d'oeuvre, l'environnement ou d'autres questions sociales, la présence d'institutions fortes s'impose, par exemple pour renforcer les procédures de l'OIT et d'autres institutions semblables. Traitons de ces questions dans le forum qui a la capacité institutionnelle, les antécédents institutionnels et la compétence technique pour aborder les questions dont nous parlons—les questions relatives à la main-d'oeuvre et à l'environnement, et d'autres du même genre.

L'OMC est un organisme hautement spécialisé dans son domaine, beaucoup plus que l'OIT. Cependant, avec un effectif de 500 employés et en raison de ses tendances et de ses penchants, ce n'est tout simplement pas le bon organisme pour régler ce genre de questions complexes qui mettent en jeu une multitude d'autres objectifs en matière de politiques publiques, qui ont certes une incidence sur le commerce, mais qui sont sans rapport au sens strict.

En voulant introduire les objectifs politiques ainsi que les préoccupations qui ont trait à ces autres éléments dans une institution dont le but premier n'est pas de s'occuper de ces aspects, le risque c'est qu'en quelque sorte... vous brouillerez les pistes et rendrez le processus de prise de décision beaucoup plus difficile. Vous provoquerez des distorsions imprévisibles du côté du commerce. Tant les gouvernements que les entreprises ne sauront comment fonctionneront ces éléments par la suite. En les traitant au bon endroit et peut-être en négociant quelque chose de global qui règle les interfaces, vous pouvez concentrer.

Le président: Je ne veux pas vous interrompre, mais nous avons entendu cet argument. Nous comprenons cela. Mais le problème est, qui l'emportera sur qui lorsqu'il y aura un différend. Voilà le problème.

Si M. White persuade les membres de l'OIT d'adopter une règle qui dit qu'un gouvernement ou un pays qui ne se conforme pas aux principales normes du travail ne pourra pas bénéficier d'un accord commercial, accepteriez-vous que cela l'emporte sur l'accord commercial, ou reculeriez-vous?

• 1010

M. Milos Barutciski: Je comprends un peu mieux votre question.

Le président: Pour l'environnement et les droits de la personne, c'est la même chose. Qu'est-ce qui aura préséance? Il n'y a pas de problème pour ce qui est de comprendre la surcharge de l'institution. Nous avons tous compris cela. Qui l'emportera et qui va régler le différend?

M. Milos Barutciski: Je pense que je comprends mieux votre question. Ce problème ne relève probablement ni de l'OIT ni de tout autre organisme international spécialisé. Le comité international devra s'occuper directement de la façon dont un mécanisme institutionnel et un processus de prise de décision peuvent être élaborés pour que lorsqu'une décision est prise sur le plan international, on puisse donner la préséance aux objectifs des politiques publiques, à savoir que les préoccupations en matière d'environnement l'emportent sur les préoccupations commerciales. Ainsi, on procède de façon transparente et tout le monde sait pourquoi cette décision a été prise, plutôt que, comme je l'ai indiqué plus tôt, d'essayer d'introduire des éléments dans un contexte où nous ne sommes pas suffisamment sûrs de nous.

Le président: D'accord. De toute façon, c'est le genre de problème que nous avons tous.

[Français]

Excusez-moi, madame Debien, de m'être approprié votre question.

[Traduction]

Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Merci.

Merci d'être venus. Je m'excuse d'être un peu en retard, mais j'avais une affaire urgente à régler à la maison.

Je suppose qu'en tant que président du comité il a volé ma question. Nous avons tous des problèmes, comme vous le dites, et c'est pourquoi nous sommes ici. Nous avons entendu tous les exposés, et je veux voir comment fonctionnent nos affaires.

Jacques a fait allusion au point qu'a soulevé M. Graham en référence au code de conduite en matière d'environnement. C'est bien, au Canada, nous avons un code d'éthique. Mais lorsque vous commencez à vous déplacer vers d'autres régions du monde et à participer aux travaux de l'OMC, vous vous trouvez dans un secteur où le libre accès aux affaires commence à avoir de très lourdes conséquences, comme l'a dit M. Graham. Voilà le problème que nous avons.

Stelco et les gens de l'aluminium ont très bien expliqué la présence de barrières commerciales, problème dont il faut s'occuper, mais je pense que ce qui entre en jeu découle du mécanisme de règlement des différends de l'OMC, qui est un outil efficace dont disposent maintenant d'autres organisations. Tout le monde se tourne vers l'OMC pour utiliser ce mécanisme pour régler bon nombre de problèmes sociaux.

Donc la question qui nous occupe est de savoir si l'OMC aura les coudées franches pour poursuivre plus loin ou pour faire face à quelque chose comme l'a dit Jacques, qui ne soit pas une atteinte à la souveraineté.

M. Milos Barutciski: Je comprends le problème, et il s'agit d'un problème complexe. Par ailleurs, vous ne trouverez pas la réponse, dans notre mémoire à tout le moins, en introduisant ces préoccupations très importantes dans un organisme... Le président l'a fait remarquer. Le défi consiste à imaginer un mécanisme de règlement des différends qui a) achemine le problème au point où une décision doit être prise et b) intègre la décision multilatérale en rapport avec l'environnement, la main-d'oeuvre ou les questions sociales avec les autres aspects. Une décision en matière de main-d'oeuvre peut facilement avoir des conséquences sur l'environnement et vice versa.

Si vous imposez des mesures environnementales strictes et que vous causez ensuite avec le représentant du gouvernement d'un pays en développement au sujet des conséquences que ces mesures peuvent avoir sur le coût de la main-d'oeuvre dans son pays, vous obtiendrez une réponse peu équivoque. Il faut donc un mécanisme qui se situe légèrement au-dessus de l'OMC et de l'OIT et peut-être...

• 1015

M. Deepak Obhrai: Laissez-moi faire un scénario. Lorsqu'une entreprise canadienne comme Stelco—et je ne veux pas faire de cas particulier—s'installe dans un autre pays qui a des règles plus strictes en matière de contrôle de l'environnement, probablement que l'entreprise canadienne dira qu'il s'agit d'un obstacle au commerce. Où cela nous mène-t-il?

M. Milos Barutciski: Vous avez ouvert la porte à un problème quelque peu différent. C'est un aspect de la même chose...

M. Deepak Obhrai: J'en utilise simplement un à titre de généralisation.

M. Milos Barutciski: Laissez-moi prendre cet exemple. Les problèmes environnementaux ont été abordés constamment dans le contexte de l'OMC, du GATT, et en fait de l'ALE et de l'ALENA en utilisant l'article XX g) du GATT portant sur une exception qui a trait à la conservation. Au tout début, lorsqu'on a publié la décision concernant le thon et le dauphin à la suite d'une plainte formulée par le Mexique contre les États-Unis, les ONG intéressées par la protection de l'environnement, presque immédiatement, je pense, ont soulevé une foule de préoccupations concernant le contenu de cette décision à propos de la capacité des gouvernements à réglementer à des fins environnementales.

Si vous regardez la jurisprudence avant et après cette décision en 1990 ou en 1991, vous verrez que cette décision était un peu irrégulière. En fait, le dernier groupe d'experts qui a traité de ce point, l'environnement en vertu de XX g) dans la plus récente cause concernant les tortues et les crevettes, a posé un geste tout à fait inhabituel pour un groupe du GATT. Après avoir rendu sa décision, il a dit: arrêtons-nous un moment et précisons nos intentions; nous ne disons pas que les gouvernements ne devraient pas réglementer à des fins environnementales—et je cite presque littéralement ici. À l'évidence, ils peuvent le faire, ils devraient le faire et ils le font. Nous ne disons pas qu'ils ne devraient par le faire unilatéralement, bilatéralement ou multilatéralement. À l'évidence, ils peuvent et ils devraient le faire.

Ces problèmes surviennent dans des domaines autres que ceux de l'environnement et du commerce, et j'ai remarqué une certaine frustration parmi les membres des groupes spéciaux du GATT. En ce qui a trait aux mesures réglementaires qui ont des conséquences sur le commerce, ce que le groupe en question faisait ressortir, c'était que des huit ou neuf cas pour lesquels on avait considéré cet aspect, l'article XX g) sur l'environnement dans ce cas, chacun des cas était contesté, non pas en raison d'une mesure environnementale légitime mais en raison d'une mesure créant des distorsions pour le commerce ou d'une mesure protectionniste que l'on faisait passer pour un problème de nature environnementale.

Un parfait exemple est le tout premier différend en rapport avec le chapitre 18 de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis portant sur les exigences en matière de réception du saumon et du hareng de la côte Ouest. Le groupe spécial a dit, nous comprenons la justification sur le plan environnemental, mais vous ne procédez pas à la réception, au comptage et à la pesée de chacun des poissons dans aucune autre pêcherie du pays, alors pourquoi dites-vous que cela doit être fait pour un marché d'exportation? Au fond, le groupe spécial disait: vous pouvez régler cela. La jurisprudence est assez solide, mais ne le faites pas d'une façon déguisée. Présentez-nous un type de restriction qui a réellement trait à l'environnement, à la santé, à la sécurité ou à la main-d'oeuvre.

M. Deepak Obhrai: Cela a été fait par l'OMC.

M. Milos Barutciski: Le cas dont je parle concerne un groupe canado-américain. Il avait été précédé d'un groupe spécial du GATT qui était identique quant aux problèmes. C'était la décision de 1997 ou 1998 alors que l'instance d'appel de l'OMC avait dit, arrêtez une seconde, voici ce que nous ne disons pas.

M. Deepak Obhrai: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Debien.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Je veux d'abord m'adresser à vous, monsieur le président, et vous dire que si nos invités québécois sont ici aujourd'hui, c'est parce que le Québec est un pays ouvert sur le monde. Cela dit...

Le président: Cela dit, madame Debien, je me souviens que les gens de Montréal me disaient toujours qu'ils n'allaient jamais à Toronto parce que c'était la Ville-Reine, etc.

Mme Maud Debien: Ma première question s'adresse à la Chambre de commerce du Canada et s'inscrit dans la foulée de celles de M. le président et de M. Obhrai. Vous allez constater que le lien entre le commerce et l'environnement nous préoccupe beaucoup, et j'ajouterai les questions touchant au respect des droits de la personne et les clauses sociales. Vous me direz si j'ai bien compris l'intervention de votre collègue, madame. Il a dit, me semble-t-il, qu'il devrait y avoir un organisme supranational ou indépendant de l'OMC pour s'occuper de ces questions.

• 1020

Il y a actuellement de grands organismes internationaux de l'ONU qui se préoccupent de toutes ces questions, mais vous savez comme moi qu'ils n'ont aucun pouvoir de réglementation et de sanction. L'OMC est la seule institution internationale à posséder ce pouvoir de sanction.

Serait-il possible et réaliste que le Bureau international du travail ou l'Organisation internationale du travail devienne une espèce de bras exécutif de l'OMC? Je sais qu'on ne peut pas demander à l'OMC de s'occuper de tout, à moins qu'elle ne décide elle-même de créer en son sein une structure permettant l'étude de ces dossiers. Serait-il réaliste, selon vous, que l'OIT devienne le bras exécutif de l'OMC?

Ma deuxième question a trait aux investissements. Vous avez vu comme moi tout ce qui s'est passé dans le cas de l'AMI. Vous avez parlé d'une structure efficace à l'OMC pour traiter des questions d'investissement. Proposez-vous une nouvelle structure à l'intérieur de l'OMC pour s'occuper directement de ces questions d'investissement?

Ma troisième question s'adresse à M. Keon de l'Association des manufacturiers de produits pharmaceutiques. Vous avez mentionné avoir des difficultés d'approvisionnement à cause de certaines restrictions. Pourriez-vous nous donner des exemples? Vous avez entre autres donné l'exemple des six mois de stockage avant l'expiration des brevets, qui étaient contestés par l'OMC. J'aimerais que vous encadriez un peu cet énoncé parce qu'il n'est pas très clair pour moi.

Ma quatrième question concerne, évidemment, les tarifs sur l'acier. Vous avez dit, monsieur Belch, que le Canada avait abandonné très tôt la partie concernant les tarifs sur l'acier. Cela me fait penser à ce que beaucoup de producteurs agricoles sont venus nous dire, à savoir que le Canada avait respecté les normes dans ce domaine, notamment pour toutes les questions de subventions et de quotas, et avait fait ses devoirs, alors que l'Union européenne et les États-Unis en particulier ne les avaient pas faits. Ce que vous me dites, finalement, c'est que le Canada, tout comme dans la question de la production agricole, a fait ses devoirs alors que les autres ne les ont pas faits. Si j'ai bien compris, c'est ce que vous me dites.

Ma dernière question s'adresse à M. Robitaille.

Le président: Madame Debien....

Mme Maud Debien: Oui, oui, c'est la dernière.

Le président: Vos cinq minutes sont presque déjà écoulées; les témoins n'auront jamais le temps de répondre à vos questions.

Mme Maud Debien: Monsieur Robitaille, le problème du traitement par la chaleur du bois de sciage a-t-il été porté devant l'OMC? C'est ma dernière question. Je m'excuse, mais c'est important et il faut prendre le temps nécessaire.

Le président: C'est très important, mais les autres ont aussi des questions importantes.

Mme Nancy Hughes Anthony: Je vais commencer.

[Traduction]

Le président: les réponses devront être assez brèves parce que...

[Français]

Mme Nancy Hughes Anthony: Je vais essayer d'être brève.

Sur la première question, je ne pense pas que nous ayons nécessairement suggéré une nouvelle structure. Nous avons dit—et je vais demander à mon collègue de compléter ma réponse—qu'il était nécessaire d'avoir à l'échelle internationale un mécanisme pouvant faire le lien entre tout le travail fait par les différents organismes. Est-ce qu'il y a suffisamment de consensus à l'OMC pour que ce soit elle qui le fasse? Il n'est peut-être pas nécessaire de créer une autre structure ou un autre mécanisme.

Sur la question des investissements, on a voulu souligner le fait qu'il y a actuellement un groupe de travail à l'OMC qui se penche sur le commerce et l'investissement. À notre avis, il faut l'encourager.

• 1025

Il s'est aussi fait beaucoup de travail à l'OCDE, qui fait partie de ce travail qui se fait à l'OMC. À notre avis, il est très important que le travail de ce groupe se poursuive. Il n'est pas nécessaire d'avoir une autre structure.

M. Milos Barutciski: Comme le président l'a souligné au départ, la question des institutions structurelles pour prendre des décisions lors de conflits entre différentes politiques préoccupe tout le monde. Votre suggestion est intéressante, mais je ne crois pas qu'elle va pas satisfaire ceux qui s'intéressent à l'environnement, aux droits de la personne, etc. La première raison, c'est que si le droit du travail et les questions environnementales faisaient partie du travail de l'OMC, ces questions seraient secondaires à la préoccupation principale de l'OMC, qui est le commerce. Donc, on pourrait dire que c'est moins important que le commerce. C'est une des raisons principales pour lesquelles je ne suis pas d'accord sur cette suggestion.

Deuxièmement, si on décide de le faire, des modifications à la structure ou au mécanisme de l'OMC seront absolument nécessaires. Cela va changer complètement l'organisme. La ronde de négociations du millénaire sera tout à fait différente de ce que les parties sont prêtes à faire aujourd'hui. C'est donc une tâche que je crois pratiquement impossible.

[Traduction]

Le président: Je crains de devoir vraiment arrêter à ce moment-ci. Nous sommes à huit minutes et trois personnes ont encore des questions à poser. Nous allons donner la chance à quelqu'un d'autre de poser ces mêmes questions.

Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Je n'ai que quelques commentaires auxquels les gens pourront répondre s'ils le désirent. D'abord, je dirais en toute justice envers la Chambre de commerce et envers les commentaires de M. White qu'il était aussi critique envers le gouvernement canadien relativement à la signature d'ententes à l'OIT dont il ne tient pas compte. Il n'a pas fait un cas particulier du milieu des affaires.

Je pense qu'une des choses qui est importante dans l'ensemble de ce débat entourant l'OMC, la mondialisation, le libre-échange, c'est que nous ne caricaturons pas les arguments des autres, et qu'en ce sens, j'étais un peu préoccupé par vos remarques préalables, madame Hughes Anthony, lorsque vous avez parlé de la phobie de la mondialisation et que vous avez établi ce que je considère comme une fausse dichotomie entre vous les gens qui êtes dans le vrai monde et ces gens qui veulent se réfugier derrière les murs du protectionnisme. Je pense qu'il s'agit d'une sorte de caricature de ce qui se passe réellement dans le débat, parce que comme vous l'avez vous-même admis, la distinction entre les lois et les politiques nationales et internationales est de plus en plus floue pour l'OMC. Il y a beaucoup de choses qui étaient autrefois l'apanage exclusif des gouvernements démocratiquement élus qui sont aujourd'hui réglementées par des accords commerciaux internationaux. Certaines choses qui étaient possibles ne le sont plus maintenant, comme la législation sur les brevets pour les médicaments, etc., dont certaines formes sont exclues.

Ce n'est pas toujours le cas que si vous avez... bien, comment disait-on autrefois? Parfois lorsque vous êtes paranoïaque, c'est parce que quelqu'un vous en veut. Et il y a des choses ici dont nous devons nous inquiéter. Il y a des choses dont nous devons tous nous inquiéter, si nous croyons en la capacité de nos propres gouvernements d'intervenir dans l'intérêt du public, du bien commun, selon le cas. Je voulais donc simplement vous mettre en garde contre ce genre d'argument stéréotypé.

Personne ne suggère, même les critiques les plus sévères de l'OMC et du modèle actuel de mondialisation, que nous devrions revenir en arrière. Il ne s'agit pas d'essayer d'éviter un régime d'échanges commerciaux basé sur des règles. Il s'agit plutôt de savoir quelles sont ces règles, qui les rédige, quel est le processus d'établissement de ces règles, quel genre d'équilibre devrait être adopté dans l'application de ces règles entre l'environnement, les droits de la personne, le commerce, et autres choses du même genre, quelles devraient être les priorités et, en dernier lieu, le caractère exécutoire, qui je pense est l'aspect primordial.

• 1030

Évidemment, le problème pour nombre de critiques du modèle actuel, c'est que le caractère exécutoire se limite à un secteur. Je ne pense pas que vous affirmeriez, du moins j'espère que non, au niveau national ce que vous semblez affirmer au niveau international, que les lois sur la main-d'oeuvre à l'échelle nationale devraient relever d'un quelconque organisme canadien sur la main-d'oeuvre qui se prononce sur ce qui serait bien, mais qui n'a pas de caractère exécutoire. Car c'est ce qui se passe sur le plan international. Nous avons l'OIT qui dit ce qui serait bien, ce qui serait bon, ce qui serait vrai, ce qui serait merveilleux, mais elle n'a pas de caractère exécutoire. Nous n'accepterions pas cela au niveau national. Et si nous avons une économie mondiale, alors il faut reproduire au niveau mondial ce que nous avons réalisé au niveau national de façon à veiller à ce que notre économie soit humaine.

Je ne pense pas que ce soit des formes de phobie: je crois que ce sont des préoccupations légitimes. Aussi, je vous demanderais simplement de ne pas dépeindre les critiques de cette façon.

Mme Nancy Hughes Anthony: Si je puis seulement commenter, monsieur le président, je n'avais aucunement l'intention d'être irrespectueuse. Je pense—et l'organisation des chambre de commerce le reconnaîtra certainement—qu'avec plus de 520, 530 chambres de commerce membres, dans chaque ville nous avons des gens qui comprennent leur collectivité et qui nous disent qu'il est parfois difficile dans leur milieu de dialoguer avec des personnes qui craignent la mondialisation et ne voient pas nécessairement le lien entre la libéralisation des échanges, les emplois et la prospérité. En ce sens, il est manifeste que la Chambre considère qu'elle a la responsabilité de poursuivre ce dialogue et d'essayer de réconcilier ces points de vue différents, et je n'avais aucunement l'intention d'être irrespectueuse.

Je dis tout simplement que je pense que beaucoup de personnes disent qu'il y a du travail à faire pour établir les règles de l'OIT, qu'il y a des choses à faire pour apporter des améliorations à l'OIT internationalement. Ce peut être un travail distinct, et je ne crois pas que je doive prendre le temps du comité pour parler de ce sujet aujourd'hui.

Le président: Je pense, pour être juste, monsieur Blaikie, vous vous souviendrez—et cela m'a frappé hier—que Joan Grant-Cumm du Comité canadien d'action sur le statut de la femme, nous a dit que l'OMC était responsable du viol et de la mort de femmes et, qu'en fait nous devrions nous débarrasser de l'OMC. Nous débarrasser de l'OMC! C'étaient ses mots. Elle a dit qu'elle se débarrasserait de l'OMC. Ce sont donc des choses qui se disent. Que ce soit ou non de la phobie, je pense que c'est un aspect auquel nous devons nous intéresser sérieusement, parce que je ne crois pas que vous soyez d'accord avec cette idée. Je pense que vous croyez en un système responsable, et nous essayons tous de nous battre pour cela. Je pense donc qu'il existe un problème hors d'ici qui est plus profond peut-être que quiconque le réalise. Certes, c'est ce que je retiens de ces audiences.

J'aimerais céder la parole à Mme Augustine, puis à M. Pickard.

Mme Jean Augustine: Merci.

Ma question englobe une partie de la discussion qui a lieu autour de la table. Je pense à certaines des orientations fondées sur les faits que nous pouvons tirer de votre mémoire. Mais je suis toujours aux prises avec le contexte de l'OMC dans son ensemble. On nous a dit que c'est inaccessible et insensible à la société civile et que cela crée une certaine hostilité envers cette organisation. La critique qui nous a été offerte... hier nous avons entendu des affirmations catégoriques à l'effet que l'OMC n'avait aucune valeur pour aucun pays, aucun citoyen; elle n'avait pas les moyens d'améliorer la situation des citoyens et de leur pays, financièrement ou autrement.

Je suis intriguée par le début de la présentation faite par Alcan, où l'on dit assez fermement que selon leur longue expérience sur le plan international, la libéralisation permet de créer des emplois chez nous et à l'étranger, favorise le transfert de la technologie et enrichit la communauté internationale.

• 1035

Les arguments que nous avons entendus hier d'un bon nombre de personnes de la société civile, comme les ONG et d'autres, affirmaient presque le contraire. Ils critiquaient l'ALE, l'ALENA et l'OMC, et comme le président vient de le dire, en termes de sa responsabilité envers la vie des femmes et d'un ensemble de questions sociales...

Il y avait un groupe qui se réunissait dans le comté de Northumberland. Ils nous ont parlé pour les penseurs qui se rassemblent dans un forum quelconque, et ils avaient trois ou quatre questions générales. Je vais peut-être vous les livrer pour voir quelles seront les réponses autour de la table.

Une de ces questions était celle-ci. Comment le gouvernement, seul ou collectivement, contrôle-t-il les entreprises multinationales? Vous pouvez critiquer la question elle-même quant à sa légitimité. C'est une des questions qu'ils nous ont posées. La deuxième, comment le libre-échange influencera-t-il les régimes sociaux que les Canadiens considèrent comme importants? La troisième, quel prix devrions-nous payer pour être un marché seul?

• 1040

Je réfléchis toujours aux réponses à ces questions, et je me demande, avec l'expérience et la réflexion que vous avez dans ce domaine, si vous pouvez faire certaines interventions qui m'aideraient dans mon processus de réflexion.

En passant, je suis heureuse de vous voir ici M. Keon et Apotex. Je connais le travail que vous faites dans ce domaine.

M. Dan Gagnier: Je vais m'essayer parce qu'en écoutant cela, j'essaie de faire la quadrature du cercle, si je puis m'exprimer ainsi. Ces questions ne sont pas faciles, mais dans ce cas, la réponse réside, je pense, dans les politiques individuelles et les structures de l'autorité des grosses multinationales.

Je suis allé à l'OMC, je suis allé à des rencontres, des rencontres dites de consultation avec la population civile, tout comme 250 à 300 participants. L'OMC se bat pour trouver comment s'attaquer aux choses qu'elle connaît et qu'elle a élaborées au fil des ans et qui fonctionnent en ce qui regarde les questions commerciales de même qu'avec l'ordre du jour global sur les questions sociales et environnementales, où les intérêts sont très différents et où il n'y a pas de mécanisme parallèle qui possède la même capacité d'exécution des décisions. D'ici à ce que nous en trouvions un, nous allons continuer de nous battre avec cette question.

Une suggestion a été faite par le directeur général de l'OMC, je pense, à savoir que ce dont nous avons besoin, c'est d'une organisation mondiale responsable de la protection de l'environnement. Je ne sais pas si c'est la réponse. Si je reviens à vos trois questions, le prix que nous payons c'est la cohérence. Nous avons appris cela d'une centaine d'années d'expérience dans ces pays. Cela signifie que vous ne pouvez pas avoir deux normes. Vous ne pouvez pas avoir une norme pour le Québec, une pour l'Allemagne, une pour la Colombie-Britannique et une autre pour l'Inde.

Si nous allons vraiment vers la mondialisation, les normes doivent être appliquées mondialement. Ce n'est pas facile lorsque nous considérons un investissement commercial en Chine et que les Chinois nous disent qu'ils ne veulent pas faire—ou payer pour—une étude sur l'air ambiant du milieu environnant, la réponse d'Alcan est, bien, nous n'avons pas de projet. Ce n'est pas facile. Cela signifie soit que vous croyez aux politiques sociales et environnementales qui font partie des valeurs fondamentales de votre organisation—même si c'est une organisation commerciale—soit que vous n'y croyez pas.

Là où l'industrie est prise en défaut si ses représentants parlent mais n'empruntent pas le même chemin. Nous avons tous vécu cette expérience. Alcan n'est pas parfaite; nous avons dérapé à quelques endroits. Mais je peux vous dire une chose: nous l'avons écrit. Nous avons un code. Il est utilisé avec tous les employés qui se joignent à Alcan. La performance de nos usines—qu'elles soient ici ou n'importe où ailleurs—en ce qui a trait à la main-d'oeuvre, aux questions communautaires et aux questions environnementales est directement liée à leurs primes, en d'autres mots, à la rémunération des gens qui dirigent ces entreprises. S'ils ne le font pas, s'ils ne se conforment pas, s'ils ne peuvent pas se conformer, s'ils ne prennent pas les mesures pour se conformer, s'ils sont découverts, nous avons une politique de tolérance zéro. Bref, on peut faire des erreurs, mais il faut apprendre de ces erreurs, mais si un certain comportement persiste, les règles sont claires.

• 1045

Nous avons eu des cas où cela est arrivé. D'excellents ingénieurs, d'excellents spécialistes du marketing, d'excellents vendeurs ont été convoqués dans un bureau et on leur a dit: «Nous sommes désolés, nous allons travailler avec quelqu'un d'autre». Mais le prix, c'est la cohérence et le prix est vraiment difficile à mettre en pratique.

Les autres questions ont trait à l'exécution des politiques et à l'exercice de l'autorité. Je n'ai pas besoin d'aller à l'OIT pour m'inquiéter de savoir si Alcan se conforme aux ententes relatives à la main-d'oeuvre. Mon conseil me convoque avant que cela n'arrive, deux fois par année, afin que je leur fasse rapport sur ce sujet. Si nous ne respectons pas certaines ententes—permettez-moi de m'exprimer ainsi. Je ne pense que je voudrais aller à une réunion du conseil si tel était le cas et essayer d'en expliquer les raisons.

Cela commence avec ce que j'appelle l'éthique commerciale de l'industrie, dans ce cas d'une multinationale, et se déplace dans le genre de structures institutionnelles internationales dont vous avez besoin. Si votre code d'éthique est bon et si vos codes de conduite sont bien compris, s'ils font partie du système de valeurs de votre entreprise, si l'OIT veut examiner la situation, ou l'OMC, peu importe, nous nous présenterons devant eux et nous défendrons nous-mêmes avec succès.

Le président: Merci.

Nous allons passer à M. Pickard.

M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bien franchement, je pense que le problème majeur se résume au fait de savoir où nous allons avec toutes ces négociations commerciales. On a affirmé clairement hier que le développement durable des programmes—l'environnement, la prospérité des gens et l'avancement de notre propre programme économique sont très importants. Ce sont là les trois principaux aspects dont il faut tenir compte.

J'ai été très surpris d'entendre de la part du monde de l'enseignement que le problème empirait plutôt que de s'améliorer. J'ai été très surpris de voir qu'un grand nombre de groupes d'intérêts se sont présentés et ont laissé entendre eux aussi que nous avions des problèmes majeurs et que ces problèmes devaient être considérés très sérieusement par ce comité. C'est donc quelque chose dont nous devrons nous occuper.

Je suggère que le monde des affaires nous achemine des faits et de l'information en regard de ces problèmes—comment se traduisent les conséquences positives dans nos collectivités. C'est vraiment important. C'est le conseil que je vous donnerais.

Deuxièmement, j'entends que les lois nationales américaines sont vraiment dominantes, et dans certains cas, comme l'a fait remarquer Alcan, les lois nationales européennes sont aussi dominantes. Plus la structure semble grosse plus grandes semblent être les possibilités de contrecarrer les affaires canadiennes et les intérêts canadiens. C'est le message que j'entends de la part du gouvernement. Nous l'avons entendu à propos de la question du MM-éthyle, le gouvernement canadien y perdant sa souveraineté. Mais au même moment, j'ai entendu ce matin que les lois nationales américaines relatives aux barres d'armature et à d'autres questions nous causent un problème majeur.

Deuxièmement, je me tournerais vers votre collectivité et je dirais voici les problèmes. J'imagine que vous devriez donner des détails sur tous ces problèmes et faire des recommandations très précises sur la façon dont les Canadiens peuvent régler ces problèmes. Bien franchement, je ne suis pas un spécialiste de l'industrie sidérurgique, et vous devez nous faire des recommandations nous expliquant comment la question des barres d'armature a non seulement des répercussions dans le domaine des contrats gouvernementaux pour la construction des autoroutes mais aussi dans la construction d'immeubles, parce qu'on ne veut pas entreposer en double, comme vous l'avez expliqué précédemment. Que pouvons-nous faire dans ce cas?

Il y a la question européenne que vous avez soulevée à propos d'Alcan. Cela est probablement vrai aussi pour l'industrie des médicaments génériques et les règles que nous avons concernant la protection des brevets. Que pouvons-nous faire, parce que ces règles sur les brevets ont été mises en place de façon à assurer la cohérence avec l'OMC? Elles ont généralement été appuyées par l'ensemble du monde des affaires lors des négociations. Donc, comment pouvons-nous résoudre ce genre de problème?

• 1050

Je vous renvoie la balle et vous demande de nous signaler les problèmes. Mais vous devrez aussi franchir une autre étape et nous indiquer les solutions à ces problèmes et de quelle façon nous pouvons nous y attaquer en tant que gouvernement canadien. Nous ne sommes pas une superpuissance. Nous négocions avec plus de cent autres pays, et nous ne pouvons qu'entrer, leur dire quel est notre problème et leur demander de le corriger. Comment faisons-nous cela?

Peut-être que je vous renverrai la balle. Ce sont des questions très générales, mais je pense que c'est là que des réponses sont nécessaires.

Mme Nancy Hughes Anthony: Je poserai peut-être seulement une petite question. Avez-vous dit la productivité des gens?

M. Jerry Pickard: Non, j'ai mentionné le développement durable. J'ai signalé trois domaines. L'un de ceux-ci était le développement durable et l'environnement; le second était la prospérité des gens—les emplois, ce que les gens gagnent, le monde agricole, la main-d'oeuvre et ainsi de suite; et le troisième avait trait aux avantages économiques que les relations commerciales procurent au pays. Ce sont les trois secteurs qui me semblent cruciaux, qui ont été mentionnés par un bon nombre de personnes hier.

Mme Nancy Hughes Anthony: Je crois que vous avez tout à fait raison. Je pense qu'une organisation comme la Chambre de Commerce du Canada, à titre d'exemple, se trouve dans une position idéale pour indiquer quels sont ces avantages. Je dirais, à propos de mes remarques de ce matin, que le programme commercial et le programme fiscal national que le gouvernement a envisagés, tout cela aboutit au résultat financier ou dans les poches des contribuables canadiens à la maison dans la collectivité. Nos membres sont extrêmement préoccupés par le niveau global d'impôt personnel.

Aussi, lorsque vous parlez des avantages du commerce, etc. vous devez aussi tenir compte de certaines problèmes intérieurs. Vous devez parler des détails relatifs à des problèmes comme le niveau d'imposition. Je veux seulement indiquer que c'est un problème auquel les conversations aboutissent souvent avec les membres de la Chambre de commerce.

C'est un problème très aigu pour nous, le fait que les Canadiens aient de la difficulté à garder de l'argent dans leurs poches. Ils ont l'impression que le niveau de taxation nuit à la compétitivité, en particulier par rapport aux perspectives qu'ont les gens aux États-Unis. La comparaison est très souvent donnée quant aux perspectives qui s'offrent aux jeunes qui peuvent choisir de quitter notre pays, après avoir été bien instruits par notre bon système d'éducation, et s'en aller au sud de la frontière.

M. Jerry Pickard: Le gouvernement canadien aimerait beaucoup ne pas avoir une dette de 600 milliards de dollars. C'est un aspect dont il faut tenir compte.

Mme Nancy Hughes Anthony: Exactement.

M. Jerry Pickard: Nous parlons du point où nous en sommes parce que nous avons trop dépensé et dépensé des sommes d'argent énormes, ce qui dans bien des cas a servi à financer la main-d'oeuvre et les affaires au fil des ans.

Mme Nancy Hughes Anthony: Nous pourrions dire qu'il est certes temps de remettre de l'ordre dans la fiscalité en ce qui concerne la réduction de la dette et les niveaux de taxation. Je sais qu'un autre comité se penchera sur les problèmes relatifs à la productivité. Nous nous adresserons aussi à ce comité. Certains d'entre vous sont peut-être membres de ce comité.

Le président: Je pense qu'il y a une préoccupation, comme l'a dit M. Pickard. Nous avons beaucoup entendu parler de la croissance des inégalités salariales, des inégalités au plan de la prospérité, des inégalités en matière de richesse et de distribution de la richesse, ce sont tous des problèmes importants qu'il nous faudra étudier avec soin. Mais nous apprécions que vous soyez ici ce matin.

Il est temps de mettre fin à cette période de questions, nous empiétons sur le temps prévu pour le prochain groupe. Merci beaucoup d'être venus. Nous apprécions votre aide et nous vous souhaitons bonne chance.

[Français]

Je souhaite à nos visiteurs un bon retour dans la belle ville de Montréal. Restez à Toronto et dépensez un peu d'argent ici.

• 1055

[Traduction]

Notre prochain invité est le Conseil canadien pour le commerce international. Pardon, nous allons commencer avec IBM.

Mme Shirley-Ann George (directrice des programmes gouvernementaux, IBM Canada): Bonjour.

Au nom d'IBM Canada et de nos 18 000 employés au Canada, j'aimerais vous remercier de l'intérêt que vous manifestez envers notre point de vue sur le commerce électronique et le commerce international.

Notre expertise dans ce domaine se mesure aux revenus de 20 milliards de dollars que nous prévoyons tirer du commerce électronique en 1999 ainsi que par notre utilisation considérable du commerce électronique pour réduire nos structures internes de coût.

Afin de bien utiliser le temps, qui est limité, mes commentaires seront brefs et se concentreront sur l'environnement propice au commerce électronique, et mes collègues parleront des aspects techniques de la libéralisation du commerce à l'OMC.

Le terme «commerce électronique» est relativement nouveau, mais nous faisons tous du commerce électronique depuis des années. Je pense qu'il est juste de dire que chacun d'entre nous démontre son expertise chaque fois que nous réussissons à retirer de l'argent au guichet bancaire. Les systèmes nécessaires pour des services comme les guichets automatiques sont très coûteux à construire et à entretenir et nécessitent de l'équipement dédié et des communications.

Aujourd'hui, nous disposons d'une forme de communication que tous ceux qui ont un PC et une ligne téléphonique peuvent utiliser pour se relier à l'un des 111 millions d'utilisateurs d'Internet. En une nuit presque, le Web a relié des millions de réseaux d'ordinateurs isolés et a changé le monde, comme nous le savons.

Nos enfants ont cessé d'utiliser des encyclopédies périmées et ont commencé à surfer sur le Web et à accéder à plus de renseignements de plus de sources que tout ce que les professeurs avaient pu rêver de demander. Mais ce qu'on oublie souvent dans tout le battage publicitaire sur Internet, c'est que la plus grande partie du trafic est constitué d'entreprises, non pas de jeunes enfants cherchant sur le web la plus récente information sur leur groupe rap favori.

Lorsque vous combinez les communications entre entreprises et les transactions entre entreprises et consommateurs, vous constatez une croissance extraordinaire du commerce électronique de presque zéro dollar en 1995 à 1 trillion de dollars d'ici 2002, juste au coin de la rue.

La réalité souvent cachée c'est qu'une bonne partie de ces revenus proviendra d'entreprises qui ont pris le virage électronique et se sont éloignées de l'entreprise traditionnelle. L'autre réalité, c'est que les conséquences se répercutent dans tous les secteurs de l'industrie en même temps: vente au détail, services bancaires, éducations, voyage, radio, télévision, services postaux, distribution, fabrication—la liste n'a pas de limites. Je crois que le terme qu'utilisent les économistes pour décrire ce phénomène est la destruction créative du capitalisme.

Grâce au commerce électronique, les entreprises peuvent atteindre des milliers de nouveaux clients sans que ceux-ci aient à sortir de leur maison. Par la même occasion, elles peuvent accroître leur rentabilité en réduisant la structure de coûts. Il ne s'agit pas de promesses en l'air. L'an dernier, IBM avait cinq millions de factures papier. Cette année, ce sera zéro; une économie de 240 millions de dollars.

Nous économisons 100 millions de dollars en réalisant un tiers de notre formation au moyen de l'enseignement à distance. Des sites web libre-service, ouverts 24 heures sur 24, 365 jours par année, répondront aux 14 millions de demandes provenant de clients, ce qui permettra à IBM d'économiser 300 millions de dollars. Nous achèterons 12 milliards de biens et services de nos fournisseurs alors que nous vendrons 10 milliards de produits à nos partenaires commerciaux et à nos clients—et je pourrais continuer cette liste.

• 1100

Chez IBM, nous sommes tout à fait au courant que, si nous ne repensons pas nos systèmes et si nous ne réussissons pas à faire ce genre d'économies, nos concurrents nous écraseront. C'est une réalité pour toutes les entreprises, peu importe leur taille. La troisième plus grande librairie au Canada est Amazon.com, une entreprise qui ne détient aucun immeuble où travaillent des employés canadiens. Les magasins de disques sont leur prochaine cible. Travelocity.com vous permet d'acheter des billets d'avion à très bon marché sans même avoir à visiter un agent de voyage. Là encore, il s'agit d'une société dont le siège social est à l'étranger, qui a pénétré le marché canadien par la publicité locale dans Internet.

Qu'est-ce à dire pour les entreprises dans votre circonscription? Deux choses: soit qu'elles vendent à des milliers de nouveaux clients en rationalisant leur structure de coût, soit qu'elles se battent contre des centaines de nouveaux concurrents, canadiens et étrangers, qui n'ont d'autre but que de leur voler leurs loyaux clients en leur offrant des services 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. En raison de leur structure de coût inférieure, elles réussiront à leur garantir des prix moins élevés.

Il faut agir rapidement afin que les sociétés canadiennes puissent prendre la marche du courrier électronique et rester concurrentielles. J'attire votre attention sur la diapositive qui aborde le thème de l'hypercroissance des Américains. Au Canada, où la grande majorité des entreprises sont des PME, nous devons relever nos manches et trouver des moyens pour combler le délai de 12 à 18 mois entre le Canada et les États-Unis en ce qui a trait à l'exploitation du commerce électronique. J'ai voulu tracer ce portrait parce que, en votre qualité de membres du Comité permanent sur les affaires internationales et le commerce international, votre travail est de trouver des moyens de faire en sorte que le Canada, un pays où un emploi sur trois dépend du commerce, ait accès à un marché réglementé, ouvert et mondial. La prochaine série de négociations de l'OMC comportera diverses discussions techniques détaillées sur des éléments dont mes collègues du CCCI et d'AT&T vous entretiendront, et dont je pourrai parler plus en détail durant la période de questions.

Nous vous encourageons à prendre très au sérieux cette partie des discussions à l'OMC qui porte sur l'électronique, parce que le commerce électronique changera ni plus ni moins notre monde. Nous pensons aussi que le Canada doit faire preuve de vigilance et qu'il doit revoir ses structures internes afin que le pays attire les entreprises électroniques, tant les sociétés canadiennes que les multinationales. Nous tenons à dire que nous devons être tous très fiers du travail accompli par le Canada pour relier les Canadiens à Internet. C'est une réalisation importante. Le pays doit maintenant gravir un autre échelon pour permettre aux entreprises canadiennes de participer activement au marché mondial.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame George.

Nous entendrons maintenant M. Hecnar, au nom du Conseil canadien pour le commerce international.

M. David Hecnar (directeur, Politiques internationales, Chambre de Commerce du Canada, Conseil canadien pour le commerce international): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité de me donner l'occasion de vous entretenir aujourd'hui d'un sujet très important et de plus en plus présent, le commerce électronique. Je me nomme Dave Hecnar et je suis directeur des politiques internationales à la Chambre de Commerce du Canada et au Conseil canadien pour le commerce internationale (CCCI). Je suis accompagné de Eric Iankelevic, notre conseiller en matière de politiques sur les questions touchant le commerce électronique. Je lui passerai la parole dans quelques minutes, mais j'aimerais tout d'abord parler brièvement de notre travail et du commerce électronique.

La Chambre et le CCCI ont fait des efforts considérables pour élaborer des politiques commerciales en matière de commerce électronique. Il est de plus en plus accepté que le commerce électronique a un énorme potentiel, ce qui devrait inciter les gouvernements et les entreprises à reconnaître la nécessité d'établir un cadre de travail approprié afin de régir les méthodes de travail. Nous avons mis l'accent sur la nécessité d'assurer une utilisation responsable du commerce électronique, qui permette son développement dans un cadre concurrentiel et fondé sur le marché qui, j'ajoute, favorise les innovations et le développement technologique.

Comme certains d'entre vous le savent déjà sûrement, la question du commerce électronique a déjà transcendé plusieurs domaines de politique importants. Nous avons travaillé directement avec certains de nos partenaires internationaux, tels que le CCI et le CCEI, de même qu'avec des organisations multilatérales comme l'OCDE, pour favoriser l'établissement d'objectifs clairs en vue de l'élaboration d'un cadre de travail réglementaire et juridique qui régirait et servirait d'assises au domaine du commerce électronique en croissance.

Nous aimerions aujourd'hui vous entretenir particulièrement du plan de travail de l'OMC sur le commerce électronique. Comme certains d'entre vous le savent peut-être déjà, l'an dernier, en septembre, les ministres de l'OMC ont adopté une déclaration sur le commerce électronique mondial. Dans cette déclaration, le conseil général demandait aux membres de l'OMC d'établir un programme de travail complet visant l'examen des aspects commerciaux que pourrait faire surgir le commerce électronique. Notre présentation ce matin portera donc principalement sur ces éléments du programme de travail de l'OMC. Plus précisément, Eric abordera la libéralisation des télécommunications, la propriété intellectuelle, les droits de douane et la classification.

• 1105

J'aimerais ajouter que nous avons déposé un document formel, un document de discussion, qui contient un traitement plus approfondi de certaines de ces questions. Je passe maintenant la parole à M. Iankelevic, qui abordera le sujet plus en détail.

Le président: Je suis content d'entendre que vous parlerez pendant quatre ou cinq minutes et qu'il abordera toutes ces questions en cinq minutes. Nous aurons certainement tous des maux de tête carabinés. Nous nous y faisons tranquillement.

M. Eric Iankelevic (consultant principal, Politiques, Conseil canadien pour le commerce international): Merci, monsieur le président.

Les services de télécommunications sont un élément clé de l'élaboration d'une infrastructure mondiale de l'information. Comme c'est le cas pour le commerce traditionnel, le commerce électronique doit s'appuyer sur une infrastructure importante. La libéralisation des télécommunications crée les conditions essentielles pour attirer les capitaux, la technologie et l'expertise nécessaires pour construire l'infrastructure appropriée au commerce électronique. Pour ces raisons, nous croyons qu'il est primordial que le gouvernement canadien incite les gouvernements qui participent aux négociations de l'OMC et de la ZLEA à mettre en oeuvre les engagements énoncés dans l'accord sur les télécommunications de base et dans le document de référence. Nous exhortons aussi les gouvernements qui n'ont pas encore formulé de tels engagements à le faire. Enfin, nous recommandons au gouvernement canadien d'envisager une libéralisation encore plus importante des restrictions relatives à la propriété étrangère.

La protection des droits de propriété intellectuelle dans le cyberespace doit constituer une priorité absolue pour le gouvernement canadien. La protection de la propriété intellectuelle dans le domaine du commerce électronique devrait s'appuyer sur le régime existant des droits d'auteur et autres droits de propriété intellectuelle. Il faut traiter ces questions avec le plus grand soin afin de ne pas mettre en péril un équilibre atteint après des efforts acharnés pour arriver au régime actuel des droits de propriété intellectuelle. Nous estimons qu'une protection accrue de ces droits à l'échelon international sera grandement favorisée par la ratification et la mise en oeuvre prompte de deux traités internationaux adoptés par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l'OMPI, en décembre 1996. Ces traités portent sur les droits d'auteur, ainsi que sur les droits des artistes interprètes et exécutants et ceux des producteurs de phonogrammes.

Il est crucial de faire une réflexion profonde sur la protection des droits d'auteur à l'intérieur d'un âge nouveau du numérique. Nous demandons au gouvernement du Canada et aux gouvernements membres de l'OMC d'adopter, de ratifier et de mettre en oeuvre rapidement ces traités. Cela permettra d'assurer aux marques de commerce canadiennes la protection requise, à l'échelon national et à l'échelon international. En outre, le gouvernement canadien devrait reconnaître que la protection des bases de données est primordiale dans une société de l'information mondiale, et continuer à travailler en collaboration avec l'OMPI et l'OMC pour établir des outils de protection efficaces des droits de propriété intellectuelle et des investissements associés aux bases de données.

La réduction ou l'élimination des tarifs excessifs ou dupliqués à l'importation, ainsi que des taxes sur les biens et services associés au commerce électronique représente un but important pour la communauté des affaires. Nous souscrivons tout à fait à la décision des gouvernements membres de l'OMC de continuer leur pratique actuelle de ne pas imposer des droits de douane pour les transactions électroniques. Nous encourageons le gouvernement canadien à appuyer ces efforts de l'OMC afin que cette pratique devienne permanente. En raison des capacités offertes par les transmissions électroniques, certains produits numériques peuvent éventuellement être impossibles à classer parmi les catégories traditionnelles des biens et services tangibles et intangibles.

Bien qu'il soit tentant de délimiter des catégories claires, un tel exercice à ce moment-ci pourrait s'avérer inutile. Beaucoup craignent les conséquences néfaste d'une classification prématurée qui pourrait entraver le mode de distribution choisi par une industrie encore à ses débuts. Le moyen de distribution choisi devrait être établi en vertu des forces techniques et celles du marché, et non de règlements. En ce sens, nous exhortons le gouvernement du Canada à approfondir sa compréhension de ces questions en consultant les entreprises avant de tirer quelque conclusion que ce soit. Il importe que les gouvernements de l'OMC et de la ZLEA déterminent la classification adéquate pour certains produits numériques transmis par voie électronique ou physique.

Les développements technologiques ont eu, et continueront d'avoir, une incidence très marquée sur la culture canadienne. Nous savons qu'il est important de favoriser la création de contenu canadien unique et que le gouvernement canadien est confronté à des défis importants en ce qui a trait à la présence de contenu culturel canadien dans l'Internet. Cependant, il faut trouver un équilibre entre les objectifs culturels, les objectifs du commerce international et les innovations technologiques en émergence.

• 1110

Nous estimons que l'expression de la culture canadienne est très bien desservie par l'Internet. Sous la pression de la demande des consommateurs canadiens, le contenu canadien est diffusé à très large échelle dans les sites Web canadiens.

Par conséquent, nous encourageons le gouvernement canadien à reconnaître l'importance d'assurer la diversité du contenu dans l'Internet, mais nous le mettons en garde de ne pas s'appuyer sur ce principe pour imposer des mesures qui restreindront inévitablement le commerce international et le développement du commerce électronique mondial.

• 1115

J'aimerais maintenant parler brièvement du commerce électronique dans les négociations sur la zone de libre-échange des Amériques, la ZLEA. Selon le Computer Industry Almanac, 148 millions d'internautes habitent un pays des Amériques, et comptent pour 60 p. 100 environ de tous les internautes. Le Canada et les États-Unis sont actuellement au premier rang en ce qui a trait à l'utilisation d'Internet; cependant, les économies latino-américaines se dotent très rapidement d'infrastructures Internet pour satisfaire à des demandes de plus en plus importantes. D'ici l'an 2000, on prévoit que l'utilisation d'Internet en Amérique latine aura augmenté de plus de 35 p. 100, ce qui fera de l'hémisphère occidentale la région la région la plus branchée du monde.

Nous continuons de collaborer activement avec le gouvernement canadien et le comité d'experts de la ZLEA sur le commerce électronique. Ce comité d'experts a pour mandat d'étudier les incidences du commerce international sur les économies des Amériques. Le comité formulera des recommandations sur le commerce électronique et présentera les résultats de ses recherches aux ministres du Commerce lors de la prochaine réunion des ministres de la ZLEA, qui aura lieu à Toronto les 3 et 4 novembre prochains.

À titre de participants actifs à cette tribune et en notre qualité d'organisations fondatrices de l'Alliance commerciale des Amériques sur le commerce électronique, nous enjoignons le gouvernement canadien à continuer son travail de collaboration avec le secteur privé du pays afin de permettre aux Amériques d'optimiser le potentiel du commerce électronique. Nous sommes très heureux d'avoir eu cette occasion de témoigner devant ce comité et de livrer les opinions de nos deux organisations relativement au programme de travail de l'OMC et aux aspects commerciaux du commerce électronique.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Ces commentaires sont très utiles, très intéressants.

Monsieur Barnes.

M. Peter Barnes (vice-président, Affaires publiques, AT&T Canada Enterprises Inc.): Merci, monsieur le président, et bonjour.

Mesdames et messieurs les membres, merci de m'avoir invité ici aujourd'hui. J'aimerais vous féliciter ainsi que le ministre de vous être engagés dans ces consultations visant à obtenir des commentaires éclairés sur une politique publique touchant des éléments très importants.

Je m'appelle Peter Barnes et je suis vice-président des affaires publiques chez AT&T Canada. Je suis accompagné aujourd'hui de Brian Kelly, conseiller en matière de politique publique.

AT&T Canada offre des services interurbains pour les clients résidentiels et les entreprises, des services sans fil et de téléavertissement par le biais de notre partenaire Rogers Cantel, des services Internet et, dépendant de l'autorisation de la fusion proposée avec MetroNet Communications, des services téléphoniques locaux en concurrence avec les compagnies de téléphone établies. Lorsque cela arrivera, nous serons le seul fournisseur national d'installations de télécommunications à offrir une gamme de services complète. À ce moment-là, les parts d'AT&T Canada seront inscrites aux bourses de Montréal et de Toronto.

Comme l'expertise d'AT&T Canada est en rapport avec le secteur des télécommunications, nos remarques ici porteront principalement sur cet aspect. Nous présenterons des arguments dans le présent exposé qui montrent que les règles actuelles qui limitent l'investissement étranger dans les services de télécommunications conviennent mal aux besoins, présents et futurs, du Canada et qu'elles risquent de faire que les Canadiens renoncent à des avantages importants de l'économie qui reposent sur l'information globale.

[Français]

Nous espérons non seulement que le gouvernement du Canada conviendra qu'il y a un besoin pressant de libéraliser les règles qui restreignent l'investissement de l'industrie des télécommunications, mais aussi qu'il s'engagera à remédier à ce désavantage qu'il s'est imposé le plus tôt possible plutôt qu'à l'intérieur d'un échéancier de plusieurs années, comme c'est généralement le cas dans les ententes internationales.

Un ronde de négociations commerciales multilatérales dure typiquement sept ans. C'est une longue période de temps, particulièrement dans une économie numérique qui évolue rapidement. Attendre aussi longtemps pour agir pourrait donner au Canada un sérieux désavantage par rapport à ses concurrents internationaux. AT&T Canada recommande fortement des récoltes dès les premières heures dans des domaines comme le commerce électronique et la technologie de l'information, de façon à apporter au pays les fruits de la libéralisation au plus tôt dans lesdits domaines, où l'élan de la libéralisation est très fort.

[Traduction]

Si nécessaire, le gouvernement du Canada devrait entreprendre la libéralisation des restrictions relatives à la propriété étrangère, de lui-même, dans le secteur des télécommunications, en raison des avantages pour les Canadiens qui découleront d'une telle mesure. Les pays concurrents ont fait des concessions majeures sur la propriété étrangère dans la dernière ronde de négociations de l'OMC, alors que l'offre du Canada était tout au plus modeste à ce chapitre.

• 1120

Une position de négociateur en contrepartie pour modifier les règles de l'investissement étranger peut déboucher sur des manchettes impressionnantes; toutefois, le dossier économique d'un virage comme celui-là est tel que le Canada se pénaliserait lui-même, en ne profitant pas de cette opportunité. À la lumière de ces faits, AT&T Canada recommande que le Canada laisse tomber les restrictions quant à l'investissement étranger dans les services de télécommunications de façon à respecter ses propres objectifs de politiques gouvernementales de leadership en matière de technologie de l'information et de la création d'une industrie de télécommunications pleinement concurrentielle au pays.

[Français]

Le ministre de l'Industrie, John Manley, a élaboré sur les avantages de l'investissement étranger direct dans un document récent d'Industrie Canada:

    L'investissement étranger est vital pour l'avenir du Canada. Il lie les entreprises canadiennes, les consommateurs et les travailleurs à la nouvelle économie globale basée sur le savoir. Il améliore la compétitivité du Canada en revitalisant l'industrie au pays et en accroissant le courant des biens et des services entre le Canada et ses partenaires commerciaux. L'investissement étranger ne fait pas que créer des emplois, mais lance de nouvelles technologies, de nouvelles techniques de gestion et de nouveaux accès aux marchés.

[Traduction]

Il y a 119 ans, la National Telephone Company of Boston achetait les droits de brevet du téléphone de la famille d'Alexander Graham Bell et, plus tard dans la même année, 1880, incorporait la Compagnie de téléphone Bell du Canada par une Loi du Parlement. La National Telephone Company existe toujours et est connue sous le nom d'AT&T. Ceci est un des plus anciens exemples d'investissement étranger qui a livré au Canada une technologie avancée. AT&T a conservé ses avoirs dans Bell Canada jusque dans la moitié du présent siècle.

Plus de cent ans plus tard, le Comité consultatif sur l'autoroute de l'information (CCAI) se penchait sur la question du contrôle canadien et des limites sur la propriété étrangère, et recommandait dans son rapport initial de 1995:

    Il devient de plus en plus difficile de déterminer l'appartenance nationale d'entreprises dispersées à travers le monde et la pertinence de cette question est moindre dans le contexte de l'économie mondiale. Le comportement des capitaux et non leur source constitue le plus important enjeu au chapitre de la politique. Le comité recommande donc que la politique sur la propriété étrangère soit révisée.

[Français]

En plus du rôle précité d'AT&T Canada dans l'édification de la capacité des télécommunications canadiennes, il y a quelques exemples notoires de propriété étrangère dans les temps modernes. Ainsi l'ancienne BCTel, qui fait maintenant partie de BCT.TELUS, était majoritairement détenue jusqu'à tout récemment, par une entreprise de télécommunications américaine régionale la GTE, qui jouit toujours d'une participation minoritaire. QuébecTel, basée à Rimouski, est aussi une entreprise détenue majoritairement par GTE. Les deux arrangements sont en place depuis plusieurs décennies en vertu d'une clause de droits acquis qui, tout compte fait, s'est révélée grandement bénéfique pour la Colombie-Britannique, le Québec et le Canada.

[Traduction]

Il est on ne peut plus clair que la globalisation sera un thème qui reviendra dans cet exposé et dans les autres. Que l'on soit d'accord ou non, la globalisation de l'économie est là et le Canada a besoin de reconnaître les tendances ainsi que de se positionner pour en retirer le maximum d'avantages.

Si l'on regarde la toile de fond de plusieurs grandes fusions et acquisitions au niveau international, les transactions relatives aux télécommunications globales ont totalisé, en 1997, 11,6 milliards de dollars américains, soit une augmentation de plus de 186 p. 100 sur l'année précédente. En fait, la plus grande fusion dans l'histoire des entreprises se déroule maintenant en Europe, et justement dans le secteur des télécommunications. Si cela est approuvé, la Deutsche Telekom et Telecom Italia se fusionneront et la transaction est évaluée à 81,5 milliards de dollars américains. Cette même tendance s'est manifestée au Canada avec la fusion que se proposent AT&T Canada et MetroNet Communications, tout comme avec les regroupements entre les anciens membres de l'alliance des compagnies de Stentor.

Avec les deux tiers de son produit intérieur brut qui reposent sur le commerce dans les services, un emploi sur trois qui dépend du commerce et 39 p. 100 de son PIB qui comptent sur les exportations, le Canada a clairement besoin de règles sur l'investissement qui reflètent son besoin de croissance dans les industries et services à valeur grandement rajoutée, basées sur le savoir, qui dirigent maintenant son économie.

Les opposants à de telles transactions doivent aussi se rappeler les dizaines de milliers de Canadiens qui dépendent d'investissements étrangers pour leur gagne-pain et que selon le MAECI, chaque milliard de dollars d'investissement direct étranger est estimé créer jusqu'à 45 000 emplois sur une période de 5 ans.

Toutefois, une tendance inquiétante pour le Canada a commencé à se manifester. Les chiffres d'Industrie Canada nous indiquent qu'entre 1985 et 1995, notre part de la valeur de placement global a chuté de moitié. Nous avons perdu 6 p. 100 de notre part limitée d'investissements de l'Amérique du Nord alors que les États-unis et le Mexique augmentaient la leur. Le Canada a investi beaucoup de temps et d'énergie pour améliorer ses liens commerciaux internationaux. Toutefois, les pleins avantages de ces efforts ne seront pas atteints si le climat de l'investissement au pays n'est pas rendu plus attrayant, par rapport à ceux des concurrents internationaux, notamment pour ce qui est des restrictions relatives à l'investissement et de l'environnement réglementaire.

• 1125

Le PDG de Bell Canada, Jean Monty, faisait remarquer récemment relativement à ce dilemme canadien lié à l'investissement et à l'attraction des investisseurs:

    Nous sommes irresponsables de penser que nous pouvons nous fermer à l'idée que d'autres puissent investir au Canada. Malheureusement, certaines personnes pensent que ça devrait aller dans un seul sens. Cela va dans les deux sens.

[Français]

La dernière ronde des négociations de l'OMC sur les télécommunications de base a débouché sur une percée majeure qui a vu 69 pays prendre des engagements spécifiques quant à l'accès aux marchés. Ce ne sont pas tous les échéanciers qui ont été créés de façon égale.

[Traduction]

Je vous invite à cet égard à examiner le tableau qui est annexé à notre document, pour connaître la position du Canada parmi les partenaires concurrents.

Les fonctionnaires du gouvernement ont certainement dû dire toutes les bonnes choses, dans les toutes dernières années, sur l'importance stratégique des télécommunications pour le développement économique du Canada. Toutefois, lorsqu'on en vient à l'environnement réglementaire, les règles des télécommunications au Canada continuent indûment à favoriser les sociétés de télécommunications établies, en rendant les conditions d'investissement beaucoup moins attrayantes pour les nouveaux concurrents, malgré le refus de beaucoup de le reconnaître. Le CRTC a exprimé, dans sa décision historique sur la concurrence dans le service local, une solide préférence pour la mise sur pied d'installations reposant sur la concurrence, un choix grandement capital. Permettre l'entrée de capitaux étrangers stimulerait les investissements dans le service local et améliorerait la concurrence dans tous les services de télécommunications.

Une firme canadienne de courtage remettait récemment cette évaluation:

    Bien que la révolution numérique devrait grandement inciter l'économie du Canada à progresser, nous croyons que les restrictions relatives à la propriété étrangère limiteront la possibilité d'être un chef de file. Le Canada ne peut être à la tête du peloton, tant et aussi longtemps que les capitaux étrangers stratégiques seront tenus loin de l'investissement dans son potentiel [...]

    Le manque d'investissements étrangers stratégiques dans ce secteur fera de plus en plus du Canada un joueur secondaire dans l'univers en ligne par opposition au leader qu'il aspire à être.

Et, à mon sens, c'est ce qu'il devrait être.

La libéralisation des règles sur les investissements pour les télécommunications au Canada revêt une dimension d'urgence encore plus grande, avec l'industrie qui se joint massivement aux réseaux sur l'Internet. Cette transformation exigera des sommes énormes de capitaux qui sont à la disposition du Canada. Encore faudrait-il qu'on leur permette d'entrer!

[Français]

Ainsi, nous avons tenté de démontrer qu'il y a une brèche importante qui sépare les ambitions du Canada en matière de technologie de l'information et les mesures qu'il a mises en place pour les réaliser. Le Canada doit faire plus que dire au monde que son secteur des télécommunications est ouvert pour les affaires.

[Traduction]

Dans leur dernière ronde de négociations de l'OMC, le Canada a été à la fois heureux et malheureux, façon de parler. Il a résisté à la pression de permettre un plus grand accès à son propre marché pendant que les sociétés canadiennes dans le secteur des télécommunications comme Téléglobe, Réseaux Nortel et Bell Canada ont fait des percées importantes sur les marchés d'autres pays signataires.

Toutefois, les nouvelles ne sont pas toutes bonnes, bien au contraire. Comme résultat de son marché relativement fermé, le Canada reçoit une part diminuée de l'investissement étranger international alors que des pays dotés de règles plus ouvertes sont en train de bénéficier du conservatisme du Canada.

Avec tout notre respect, nous affirmons que le gouvernement du Canada doit poser un regard sévère sur l'effet de sa politique d'investissement quant à la réalisation de ses objectifs en matière de technologie de l'information et a besoin de le faire rapidement, étant donné qu'il est déjà en train de jouer à rejoindre plusieurs autres pays.

Merci beaucoup de l'attention que vous m'avez accordée. Nous serons très heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai: Merci d'avoir accepté de témoigner. Votre allocution était des plus intéressantes, surtout en ce qui concerne le commerce électronique. Vous nous avez remis un document de discussion, que nous lirons avant d'aller plus loin. Vous avez parlé des accords et autres sujets liés. Quel est le genre de problèmes entourant le commerce électronique dans le contexte du commerce international? Vous n'avez pas dit quelle était la position de votre organisation par rapport à l'OMC, et j'aimerais vous entendre à ce sujet.

M. Eric Iankelevic: Je vais commencer. Certains problèmes liés au commerce électronique sont difficiles à concilier. Le premier touche les compétences: qui serait responsable par exemple de la protection du consommateur et qui prélèverait les taxes? Le premier problème serait donc celui des compétences.

• 1130

Le deuxième touche la classification: comment se définit un bien et comment se définit un service? Pour ce qui est de la transmission électronique par réseaux, à quel moment les données transmises deviennent-elles un bien qui sera par la suite assujetti aux dispositions du GATT? Si c'est un service, ces données seront visées par les accords du GATT. Cela pose un problème énorme. Dans nos recommandations, nous demandons au gouvernement du Canada et aux gouvernements membres de l'OMC de collaborer avec le secteur privé afin d'établir un schéma d'évaluation des produits qui permettrait de délimiter les biens et les services, selon les moyens de transmission dans l'Internet.

C'est relativement simple pour ce qui est d'un livre. Si vous commandez un livre par l'Internet, il est livré et doit passer par les douanes. Mais qu'advient-il du dernier succès d'un chanteur qui ne se trouve pas sur un disque compact? Cette chanson n'a jamais été enregistrée sur disque. S'agit-il d'un bien ou d'un service? Elle n'est pas enregistrée sur un disque compact mais, une fois qu'elle a été téléchargée, vous pouvez créer un bien à partir du fichier.

Ce sont quelques exemples de problèmes avec lesquels la communauté des affaires internationales est aux prises actuellement et auxquels elle cherche des solutions. Il faudra beaucoup de temps avant de régler cette question, mais ce sont quelques points qui touchent le commerce électronique.

Shirley-Ann ou Peter ont peut-être quelque chose à ajouter.

Mme Shirley-Ann George: La plupart de ces questions sont nouvelles, et nous ne cessons d'apprendre. Certaines questions, par exemple la propriété étrangère dans le domaine des télécommunications, sont sur la sellette dans beaucoup de parties du monde. On a baptisé ces questions les «problèmes du dernier mille». Pour que le commerce électronique fonctionne, les bandes doivent être très larges pour que les résidences et les commerces y aient accès. Ainsi, les graphiques audio et vidéo, de même que les graphiques à très haute définition, doivent pouvoir être transmis très rapidement par l'Internet. Sans investissement majeur dans les télécommunications, il sera impossible de franchir le dernier mille. Au Canada, beaucoup d'entreprises déménagent leurs serveurs vers les États-Unis parce que le coût de la largeur de bande y est moindre.

Certains de ces enjeux concernent directement l'OMC, mais d'autres sont d'envergure nationale. Par exemple, au Canada, une petite entreprise qui veut se doter d'un site Web avec des capacités de commerce électronique doit parfois se soumettre à une exigence de la banque locale de faire un dépôt initial de 50 000 $ si elle veut faire des transactions par carte de crédit dans le Web. En fait, 50 000 $ ou 50 millions de dollars, ça n'a pas d'importance, parce que la plupart des entreprises n'ont pas cet argent. Il faut donc trouver des solutions à ce genre de problème.

M. Deepak Obhrai: Étant donné que le commerce électronique est en expansion, comme vous l'avez dit, croyez-vous que des pays pourraient s'insurger contre le fait qu'on usurpe leur souveraineté parce que les échanges sont si libres maintenant? Envisagez-vous une telle difficulté? Pensez-vous que des pays pourraient s'insurger contre le fait que le commerce électronique contrevient à leurs compétences souveraines? Est-ce là l'un des problèmes que vous craignez?

Mme Shirley-Ann George: Je n'ai pas entendu parler jusqu'à maintenant d'un pays qui a officiellement formulé de telles craintes, mais c'est certainement une question à laquelle tous les pays devront s'attaquer. Le meilleur exemple serait probablement le domaine des taxes. Il est difficile de protéger les droits de votre pays s'il vous est impossible de prélever des taxes. Si vous faites une transaction auprès d'une société située en Europe mais dont le site Web est logé aux Bahamas, alors que l'un de ses serveurs se trouve à Chicago, qui prélève les taxes pour cette transaction?

Voilà certains des problèmes soulevés, et le Canada est certes l'un des chefs de file dans ce débat. Le ministre du Revenu national a diffusé un document fort à propos sur ce thème, qui a été traduit en 10 ou 15 langues je crois.

• 1135

Le président: Merci.

[Français]

Madame Debien, avez-vous des questions? Il faut absolument qu'on termine vers 11 h 35.

Mme Maud Debien: J'ai deux petites questions.

Actuellement, la plupart des pays réfléchissent à la structure réglementaire de l'Internet en particulier, surtout en termes de contenu. Je pense par exemple à toutes les questions relatives à la protection des renseignements personnels ainsi qu'au contenu dit inacceptable. Nous avons rencontré hier un organisme qui s'occupe de la violence dans les médias. Selon vous, est-ce qu'il devrait y avoir une réglementation et, dans l'affirmative, quelle forme devrait-elle prendre?

J'ai une autre question qui s'adresse à M. Barnes et à Mme George, étant donné qu'ils représentent de grandes compagnies multinationales. Comment peut-on faire bénéficier les pays en voie de développement des avantages du commerce électronique? Avez-vous des exemples de ce que font vos entreprises pour faciliter l'accès des pays en voie de développement au commerce électronique?

M. Peter Barnes: Merci, madame Debien.

En ce qui a trait à la nécessité de ce qu'on peut appeler une réglementation sociale qui porterait sur les questions de contenu et de violence, vous savez probablement que le CRTC a tenu l'an dernier une audience sur la réglementation de ce qu'il appelle les nouveaux médias, qui comprend en gros l'Internet. On attend toujours la décision du conseil, qui devrait sortir incessamment.

Notre position était et est toujours qu'il n'est probablement pas nécessaire qu'il y ait une nouvelle réglementation qui soit spécifique à l'Internet, mais qu'il faut s'assurer que les règlements rattachés au Code criminel ou à toute autre loi qui existe puissent s'appliquer à des mesures ou à des contenus électroniques. Dans bien des cas, c'est ce qui se passe. Il faudra probablement une adaptation, mais on est d'avis que les mesures réglementaires ou législatives doivent être neutres quant à la technologie. Si on essaie d'établir une série de règlements ou de lois adaptés à une technologie, il y aura une nouvelle technologie dans 6 ou 18 mois et tout cela sera dépassé.

C'est pour cela que des fondements législatifs ou réglementaires génériques, qui traitent de la substance de l'acte ou du non-acte, sont préférables à des choses plus spécifiques à une technologie.

En ce qui a trait aux pays en voie de développement, je n'ai pas d'exemples à vous donner. Malheureusement, mon expérience est plutôt intérieure. Mme George a peut-être quelque chose à dire à ce sujet.

[Traduction]

Mme Shirley-Ann George: En ce qui a trait au contenu et aux éléments essentiels tels que la confidentialité et l'illégalité du contenu, il s'agit d'enjeux importants qui méritent que l'on en discute publiquement, un débat déjà amorcé qui n'est certes pas terminé. Faut-il adopter des règlements pour interdire le contenu illégal? Bien entendu. Ces règlements existent déjà. Il est très important de donner à la Gendarmerie royale et à d'autres organes juridiques les ressources dont ils ont besoin pour contrôler l'application de ces règlements.

D'autres discussions très énergiques sont en cours au sein du G-8, qui visent l'habilitation des pays à échanger de l'information pour accélérer l'exécution des mandats de perquisition.

On oublie souvent un élément important: si on utilise l'Internet, dans la majorité des cas on laisse ce qu'on appelle une empreinte électronique. Il est en fait plus facile de retracer une personne qui commet des activités illégales comme la diffusion de pornographie dans l'Internet que si elle commettait ses méfaits par la poste.

Nous enjoignons le gouvernement du Canada à poursuivre activement tous ceux qui sont impliqués dans ce genre d'activités.

• 1140

Le commissaire à la vie privée du Canada est actuellement à adopter une loi sur la confidentialité qui englobera les activités dans L'Internet et autres. Une fois encore, le débat généré par de nombreuses interactions entre des ONG, des entreprises et le gouvernement est des plus importants.

En ce qui a trait à l'aide que peut apporter l'Internet aux pays moins développés, je ne suis pas vraiment une experte, mais je sais que les choses bougent très rapidement dans ce domaine. Pour vous donner un exemple d'une technologie—il ne s'agit pas d'une technologie actuelle—qui a été d'une grande aide, rappelons que le télécopieur a été extrêmement important dans beaucoup de discussions avec la Chine voilà quelques années, qui s'ouvrait alors à la démocratie.

L'Internet est beaucoup utilisé par de nombreux pays pour des discussions de ce type, et c'est un aspect qui intéresse beaucoup les pays moins développés. Ironiquement, parce que nous sommes tellement favorisés en matière de télécommunications, nos infrastructures terrestres sont extrêmement lourdes, alors que les pays en émergence sont en train d'installer des systèmes sans fil, qui comportent de nombreux avantages par rapport aux systèmes terrestres. Beaucoup de ces pays en voie de développement pourraient très bien nous damer le pion dans ce domaine!

M. Eric Iankelevic: Si je peux...

Le président: Vous avez 20 secondes. Je m'excuse, mais...

M. Eric Iankelevic: À titre de participant au comité d'experts de l'ALE—il y a seulement trois pays développés qui participent à cette tribune. Pour les pays en voie de développement, il s'agit en fait d'une tribune éducative. En gros, notre message est le suivant: la libéralisation des télécommunications est la clé et le reste suivra d'emblée.

Le président: Merci. C'est très intéressant.

Monsieur Pickard.

M. Jerry Pickard: Si on considère l'incidence du commerce électronique sur les petites entreprises canadiennes dans nos petites communautés, on doit dire que leurs affaires aussi sont déplacées vers d'autres pays. Je viens d'une communauté rurale, et je vois beaucoup de petits magasins qui disparaissent, au profit de plus grands magasins situés dans les grandes communautés. Je vois la population qui change ses habitudes d'achat—les habitudes de vente varient considérablement. À mes yeux, le commerce électronique est une menace énorme pour les entreprises de nos communautés rurales et nos petites communautés.

Qu'avez-vous trouvé comme solution pour aider ou soutenir ces petites communautés et assurer leur survie? Je me rends compte qu'un nombre très important de personnes ont maintenant sauté dans le train du commerce électronique, mais beaucoup ne le font pas et beaucoup ne le feront jamais. Je parle des aînés. Je constate que dans le groupe des témoins qui sont ici aujourd'hui, la moyenne d'âge est de beaucoup inférieure à celle de nombreux autres groupes. J'en déduis que notre société est dominée par les jeunes et qu'elle change très rapidement.

Mais l'équilibre de la société est nécessaire dans nos communautés rurales pour qu'elles survivent. J'associe ces difficultés à celles que nous avons vécues à l'avènement de la fibre optique. C'est une technologie extraordinaire, mais avez-vous pensé aux pertes subies par ceux qui jadis installaient les fils et qui faisaient le travail sur le terrain? Je m'inquiète de ce qui arrivera à la dynamique de la population en général.

Je sais que certaines entreprises connaîtront un fabuleux essor et que beaucoup survivront. Nous devons tirer au clair de nombreuses questions, comme vous l'avez souligné mais, au pays, qu'arrive-t-il? Que faites-vous pour aider nos marchés nationaux dans les petites communautés et les petites entreprises?

Le président: Je viens d'une communauté rurale... À vrai dire, je viens tout juste de me mettre à l'ordinateur, et je me sens comme Jerry—je me sens délaissé par tous ces jeunes.

M. Eric Iankelevic: Pour me porter à la défense d'une génération plus jeune... Sur ce point, il est intéressant, parce que c'est un phénomène qui s'est abattu sur de plus grandes sociétés aussi—nous essayons de concilier l'aspect physique et l'aspect virtuel. Je crois que c'est la clé de la stratégie.

• 1145

À titre d'exemple, je citerai un reportage que j'ai vu sur la chaîne CNN voilà environ une semaine et demie. On y parlait du eBay, un site d'enchères en ligne. On donnait l'exemple d'une boutique d'antiquités, et je crois que c'était une idée très brillante. Auparavant, la boutique d'antiquités pouvait vendre 400 livres tout au plus sur une période de deux ans mais, grâce à eBay, elle a pu vendre en ligne toute sa sélection de livres antiques ou de livres à collectionner. L'entrepreneur d'une petite ville aux États-Unis a pu vendre 900 livres en un mois environ. Il a pu attirer l'achalandage et vendre ses livres.

Je crois que l'élément essentiel est l'aide gouvernementale. Si le gouvernement met sur pied des programmes pour faire la publicité de la communauté des PME et avec un peu de créativité, le commerce électronique pourra vraiment prendre son envol dans les parties rurales du Canada. Je partage votre point de vue, mais je crois par ailleurs que, grâce à l'éducation—avec l'aide des sociétés—sur les moyens de faire des affaires dans l'Internet, ce domaine d'activité pourrait prendre de l'essor. Les parties rurales du Canada en tireront probablement des profits incroyables, si elles obtiennent l'aide des sociétés, des gouvernements et des ONG.

• 1150

Le président: Notre travail vise à donner aux Canadiens l'accès à ce potentiel. En fait, les zones rurales peuvent pénétrer des marchés plus importants si elles exploitent l'Internet, mais il faut faire en sorte qu'elles y aient accès.

M. Peter Barnes: Si je peux...

Le président: Allez-vous nous traiter de vieux schnocks? Que faites-vous de nous?

M. Peter Barnes: A vrai dire, je suis très flatté que l'on m'associe aux jeunes. Cela ne m'est pas arrivé depuis un certain temps, et je vous en remercie.

J'espère que, et je ne veux surtout pas que l'on m'accuse de voir tout en rose, comme Eric l'a souligné, il y a aussi des possibilités pour les communautés qui ont été frustrées, peut-être en raison des systèmes routiers et des distances, de la capacité concurrentielle. De nouvelles possibilités leurs sont maintenant offertes, dans la mesure où elles peuvent avoir accès aux télécommunications de pointe.

Plus les régimes réglementaires et ceux liés à l'investissement seront libéraux et permettront aux entreprises de se rendre dans vos communautés, de mousser la concurrence et d'investir, de créer des services et, j'espère, d'obtenir un rendement intéressant sur cet investissement, plus les gens voudront profiter des occasions qui se présentent. Ils pourront avoir accès à des services qui leur permettront d'offrir à leur tour leurs propres services dans le marché. Ils bénéficieront probablement de nombreux avantages concurrentiels distincts et solides qu'ils n'auraient jamais eus autrement dans le marché. Ils pourraient par exemple commercialiser une marque particulière de moutarde.

Un article dans le Globe and Mail de ce matin traitait d'une sorte de moutarde dont je n'avais jamais entendu parler, mais qui semblait très intéressante. Je suis sûr que d'autres produits du genre sont populaires dans vos circonscriptions, des produits locaux—vous pouvez les appeler les produits artisanaux si vous voulez—et que, s'ils étaient plus connus et annoncés sur le Web... C'est facile de trouver un produit dans le Web. Vous entrez le mot «moutarde» et tous les sites Web qui traitent de la moutarde se déroulent sous vos yeux. C'est un exemple, bien entendu.

Je crois donc que les occasions sont là. Il y a aussi des menaces. Il faut s'assurer de donner un traitement équilibré à ce nouveau domaine, mais il faut aussi voir que le verre est à moitié plein et que de nouvelles possibilités se présentent. Il faut travailler en ce sens. Nous devons faire des efforts. Nous devons faire des investissements et planifier les investissements, mais je crois qu'il y a déjà des possibilités.

Le président: Madame Augustine.

Mme Jean Augustine: Merci. Ma question, monsieur le président, s'adresse à M. Barnes.

J'ai beau retourner dans tous les sens la question de Mme Debien, d'essayer de comprendre à la page 8—la liste à l'endos. Pourriez-vous m'expliquer brièvement pourquoi le pays est un groupe? Pour des raisons historiques? Parlez-vous des installations avec fils ou des installations sans fil par rapport à d'autres? Pouvez-vous nous expliquer un peu?

M. Peter Barnes: Avec plaisir. La colonne à l'extrême gauche nécessite effectivement un peu d'explication. Elle signifie essentiellement «sans restriction». Vous pouvez décider que vous investissez dans une société de téléphone au Chili. Vous pouvez acheter des parts des sociétés qui offrent des systèmes avec ou sans fil—20 p. 100 ou 40 p. 100 de cette société. Nous avons tout juste vu, par exemple, Bell BCI dans un consortium au Brésil, qu'elle avait acheté ou obtenu une licence brésilienne. À mesure que vous envisagez le spectre vers la droite, les raisons peuvent être historiques ou liées à la technologie. Certaines des raisons historiques s'expliquent par la propriété de sociétés de communications par le gouvernement.

• 1155

En Europe, par exemple, la plupart des sociétés de télécommunications depuis fort longtemps ont été les PTT, les sociétés des postes, des télécommunications et du téléphone. Cela a changé. Ces sociétés sont de plus en plus privatisées. Dans certains cas, les gouvernements ont décidé de conserver une part—en Nouvelle-Zélande, par exemple, on parle de la «part du kiwi»—et détiennent un segment particulier de l'entreprise, pour garantir un certain contrôle.

D'autres pays, l'Allemagne et la plupart des pays européens entre autres, ont décidé d'ouvrir complètement le marché. La fusion de la Deutsche Telekom et de Telecom Italia est un signe des temps, parce que chacun des pays, si la fusion est réalisée, investira dans l'autre pays. En France, c'est un peu différent parce qu'un débat sur la privatisation fait rage actuellement. Au Canada, les restrictions stipulent que les non-Canadiens peuvent posséder 20 p. 100 d'une entreprise de télécommunications, avec ou sans fil, s'il s'agit d'une société en exploitation et 33 1/3 p. 100 s'il s'agit d'une société de portefeuille. C'est donc une propriété indirecte, et on interdit le contrôle par des non-Canadiens.

Voilà le spectre. À notre avis, le Canada se situe malheureusement du mauvais côté. Ce n'est un secret pour personne, le capital est très volatile et il va là où il est le mieux accueilli. Je pense vraiment que le Canada rate des occasions intéressantes.

Mme Jean Augustine: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

J'aurais une question sur le commerce électronique. Pourquoi plupart des messages électroniques non sollicités sont-ils de la sollicitation pornographique, et semblent circuler dans le réseau à un rythme effarent? Et pourquoi obtenons-nous aussi d'autres types de sollicitation non sollicitée? L'industrie fait-elle des efforts pour contrôler la circulation de ce courrier électronique non sollicité et d'autres formes de sollicitation de commerce électronique, qui à mon avis étoufferont le système?

Je peux de moins en moins utiliser mon courrier électronique pour lire les messages sérieux parce que je me retrouve toujours sous une masse de courrier bidon que quelqu'un a parachuté dans ma boîte postale par le truchement de la machine magique que vous avez inventée. On a réussi à rendre inutile un outil pourtant utile parce qu'il est sous la coupe de personnes qui essaient d'en tirer le plus de profits possible, sans commune mesure. Qu'avez-vous l'intention de faire à ce sujet, en ce qui concerne la pollution de votre système? Que devrions-nous faire à ce sujet? Pouvons-nous énoncer des lois? Nous devons sans contredit établir des lois internationales, mais comment pouvons-nous faire quoi que ce soit à ce sujet?

Mme Shirley-Ann George: Une partie de ce dont vous parlez est baptisée «inondation»: quelqu'un envoie un message électronique à 100 000 ou 100 millions d'adresses en même temps. Des discussions à ce sujet ont été entamées à l'OMPI et on devrait arriver à des politiques internationales. C'est aussi un sujet qui fait l'objet de poursuites judiciaires aux États-Unis actuellement. Certains individus ont été poursuivis et accusés parce qu'ils avaient commis ce genre d'activité.

C'est un problème, de plus en plus important, et l'industrie travaille activement à trouver une solution.

Le président: Sinon, le système sera détruit.

Mme Shirley-Ann George: C'est un problème.

Le président: Oui.

Mme Shirley-Ann George: Il existe aussi des systèmes qui vous permettent d'éradiquer ces messages sans qu'ils ne reviennent jamais.

Le président: Vous m'en enverrez une liste.

Merci beaucoup. Nous avons été très heureux de vous accueillir. Je suis désolé de couper court, mais un autre témoignage très important suivra de la part d'une association environnementale.

M. Peter Barnes: Merci.

Le président: J'aimerais demander à Mme Elwell et à M. Swenarchuk de s'avancer.

Merci beaucoup d'être venus, merci à tous. Cela a été très intéressant et très utile.

• 1200

Nous devons maintenant passer au quatrième groupe. L'Association canadienne du droit de l'environnement et le Sierra Club du Canada sont avec nous. Si j'ai bien compris, vous présenterez tous deux un autre témoignage à Ottawa sur la ZLEA. Vous ferez bien un témoignage sur la ZLEA aussi. C'est très bien.

Je demanderais à l'Association canadienne du droit de l'environnement de témoigner en premier, puis nous passerons au Sierra Club. Merci de votre visite.

Mme Michelle Swenarchuk (directrice des programmes internationaux et du counselling, Association canadienne du droit de l'environnement): Merci, monsieur le président.

Je vous ai soumis deux mémoires. Je ne sais pas si j'aurai beaucoup de temps pour parler de chacun, mais vous pourrez en prendre connaissance. Le premier donne un aperçu du traitement de l'environnement dans la politique commerciale canadienne à l'OMC dont je parlerai. Le deuxième porte sur la libéralisation des investissements.

Nous vous présentons ces mémoires, bien entendu, en raison des nombreuses propositions dans le monde entier d'entamer un débat sur l'investissement à l'OMC, après un échec à l'OCDE. J'ai préparé ce mémoire sur l'investissement la semaine dernière et je l'ai présenté à Miami aux négociateurs sur les questions afférentes à l'investissement dans la ZLEA. J'aimerais attirer votre attention sur les éléments qu'il comporte, parce que j'ai vraiment l'impression que vous devrez discuter de la question de l'investissement à l'OMC.

Dans le mémoire, je résume au début les diverses demandes d'expropriation en vertu du onzième chapitre qui ont été déposées contre le Canada et le Mexique. Je voulais démontrer aux négociateurs à quel point la formulation des éléments liés à l'expropriation dans le chapitre 11 de l'ALENA, qui aurait été repris dans une large mesure dans l'AMI, représentait une menace pour les gouvernements. Le Canada a été le premier pays à le constater depuis les poursuites intentées lui. La première partie du document donne une liste de certaines des poursuites les plus importantes.

La deuxième partie dresse le sommaire des évaluations menées actuellement par les gouvernements dans différentes parties du monde relativement à l'AMI proposé, qui portent notamment sur la poursuite des États par les investisseurs. Ce sommaire vise à démontrer aux négociateurs des pays de la ZLEA que d'autres gouvernements ont émis des réserves relativement à l'incidence éventuelle des poursuites des États par les investisseurs. Bien entendu, je veux avant tout les exhorter à ne pas négocier ce genre de clause. N'allons pas plus loin. Et je tiens à répéter cette demande en ce qui a trait à l'OMC.

Cette partie du document contient des extraits de la résolution du Parlement européen sur l'AMI; des citations du gouvernement français ainsi que de son premier ministre; de Jan Huner, un diplomate et fonctionnaire hollandais qui a été secrétaire du président du groupe de négociations de l'OCDE; du Comité spécial sur l'AMI du gouvernement de la Colombie-Britannique, qui a aussi commenté les poursuites des États par les investisseurs et énoncé des recommandations à cet effet; enfin, de notre gouvernement, le gouvernement fédéral canadien qui, comme vous le savez, tente actuellement de limiter la portée des poursuites juridiques des États par les investisseurs en négociant l'ajout d'une note explicative avec les gouvernements américain et mexicain. Le succès de ces négociations semble actuellement en péril. En passant, je suis membre du Comité consultatif du MAECI en ce qui a trait à ce processus.

Si, comme cela semble être le cas, Ottawa ne peut agir sur les incidences des poursuites des États par les investisseurs, les futurs négociateurs devraient y voir un signal d'alarme. Ne signons pas ce genre d'accord tronqué, parce que nous aurons beaucoup de difficulté à nous en débarrasser plus tard.

• 1205

Je ploie sous le poids de milliers de pages d'accords et de décisions de comités de résolution des conflits, et sous dix années d'histoire.

Le président: Vous avez fait un très bon travail.

Mme Michelle Swenarchuk: En ce qui a trait à l'Organisation mondiale du commerce et à la politique canadienne en matière d'environnement, j'ai intitulé le mémoire «Only Dollars Matter», parce que je crois que cela résume tout à fait l'attitude du MAECI à l'égard de l'environnement à l'OMC.

Comme certains d'entre nous le répètent depuis dix ans maintenant, l'un des buts essentiels des accords de libre-échange est de mettre des barrières aux règlements, y compris aux règlements en matière d'environnement et de santé. Je donne le détail sur de telles barrières dans l'accord de l'OMC, dans le chapitre sur les barrières techniques au commerce et le chapitre sur les normes sanitaires et phytosanitaires, de même que dans le chapitre sur la propriété intellectuelle. J'examine ensuite la façon dont l'OMC a abordé la question de l'environnement: pour résumer, disons qu'aucun comité de résolution des conflits qui a arbitré des plaintes contre les lois environnementales nationales d'un pays donné n'a maintenu ces lois. Dans chaque cas, la loi a été déclarée incompatible avec le GATT.

Je résume ensuite comment les diplomates canadiens ont agi à Genève au sein des comités de l'OMC en ce qui a trait à l'environnement. Je conclus que depuis l'établissement de l'OMC, la politique du Canada en matière de commerce à Genève a été, pour dire le moins, anti-environnement. Le Canada a toujours abondé dans le même sens que l'OMC, qui a favorisé les profits économiques accrus au détriment de lois environnementales solides dans tous les pays du monde. Pire encore, cette politique a été diffusée à la face du monde entier, un sujet que j'aborde à page 6 du mémoire, dans la paragraphe traitant du protocole de biosécurité.

Une fois encore, j'ai été membre d'un comité consultatif du MAECI et d'Environnement Canada sur ce protocole, et j'ai été membre de la délégation canadienne qui a négocié ce protocole au cours de diverses sessions. Pour résumer très brièvement une très longue histoire, je dirai que ce traité international sur le commerce et l'environnement était des plus importants. Il abordait explicitement les deux questions, parce qu'il visait à réglementer le commerce des organismes génétiquement modifiés en vue de protéger la biodiversité à l'échelle internationale. Lors de la dernière série de négociations, qui a eu lieu en Colombie en février, le Canada, se liguant avec 5 autres pays agricoles contre 164 pays qui voulaient signer un protocole solide, a pris une position très ferme visant à éliminer les marchandises canadiennes du protocole. Résultat: le protocole n'a pas été signé. C'est à mon sens l'une des pires prestations du Canada sur l'échiquier internationale, qui démontre fort bien l'attitude du gouvernement canadien envers l'environnement et les relations commerciales. Les facteurs économiques ont toujours la primauté.

Pour conclure, j'ai félicité le gouvernement d'avoir donné aux parlementaires la possibilité d'examiner les politiques en matière de commerce. C'est une initiative attendue depuis longtemps. Je dois dire que c'est assez amusant parfois de voir comment les gestionnaires du MAECI se comportent par rapport au processus de consultation, parce que c'est un domaine tout à fait nouveau pour eux. Mais je n'ai aucun doute que vous pourrez les former. J'espère que c'est le début d'un mouvement d'ouverture réelle sur la politique du Canada en matière de commerce, parce que c'est une question qui est vastement discutée en privé avec l'industrie. Essentiellement, je crois que c'est important de se rappeler que l'industrie jouit d'un libre accès permanent à la politique commerciale, y compris lors des négociations qui se déroulent à huis clos pour le reste d'entre nous, y compris les travaux du Comité de résolution des conflits. En gros, nous sommes ici à titre de citoyens qui demandent le même accès que les entreprises à ces processus.

• 1210

Je fournis enfin un énoncé de membres de la société civile internationale s'opposant aux négociations du millénaire, ou à la tenue d'une nouvelle série de négociations sur le commerce. Cet énoncé, qui apparaît dans la dernière partie du mémoire, a été mis à jour le 23 avril, voilà 5 jours donc. Il a été adopté par plus de 450 organisations dans le monde qui s'intéressent aux droits de la personne, à la justice sociale, à l'environnement et au développement international. Il s'agit à mon avis d'un consensus qui illustre comment les critiques de la société civile envisagent une nouvelle série de négociations. J'ai apporté une liste de tous les groupes qui ont signé cet énoncé, que je remettrai au greffier. Cette liste comporte des groupes de tous les continents du monde.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Merci de nous avoir aidés en faisant un survol de vos mémoires. Nous les lirons sûrement.

Madame Elwell.

Mme Christine Elwell (analyste principale des politiques, Sierra Club du Canada): Merci beaucoup.

Bonjour. Merci de me donner l'occasion de témoigner devant le comité. Elizabeth May, la directrice exécutive du Sierra Club, témoignera à Ottawa la semaine prochaine; elle se concentrera principalement sur la ZLEA.

J'ai pour mission aujourd'hui de donner un aperçu, dans le court laps de temps que je passerai avec vous, de certaines des questions que le Sierra Club du Canada présentera aux Canadiens dans notre document lié à l'OMC, et qui traitera aussi de l'ALENA et de la ZLEA.

En résumé, la position que notre organisme présente au public canadien se divise en trois volets. Premièrement, aucun nouvel accord ne doit être négocié lors des séries du millénaire en raison de l'expérience des cinq dernières années. Cette position tient aussi pour les nouvelles négociations sur l'agriculture et les services, ainsi que sur pour les points afférents tels que les droits de propriété intellectuelle. Si on en décide autrement, le Canada devra entreprendre une évaluation complète de l'incidence environnementale et sociale, y compris dans les communautés culturelles et rurales, et les institutions internationales visées devront en faire autant bien avant de rédiger une version provisoire d'une entente ou une autre interprétation. Incidemment, j'ai remarqué les inquiétudes des membres relativement aux communautés rurales.

Deuxièmement, plutôt que de négocier de nouveaux engagements commerciaux, les Canadiens devraient entreprendre un processus de révision des incidences liées à la libéralisation du commerce depuis la dernière série de négociations, le cycle de l'Uruguay. Avant d'aller plus loin, il faut absolument analyser ce qui s'est déjà passé.

La plupart des Canadiens—et je partage les inquiétudes de ma collègue, Michelle Swenarchuk—seraient choqués d'apprendre que l'OMC entend stipuler un règlement forçant les États-Unis à importer des produits dérivés des crevettes qui tuent inutilement des tortues de mer en voie de disparition. Je signale en passant que le Tribunal américain sur le commerce international a décidé de ne pas mettre en oeuvre immédiatement cette décision de l'OMC. Il leur faudra retourner devant le Congrès américain pour lui demander de cesser de demander la permission d'utiliser des gréements de pêche à la crevette qui tuent les tortues de mer avant que les États-Unis n'adoptent cette décision. Cette décision sur les tortues de mer donnera lieu à une réelle course de démolition.

Les Canadiens seraient aussi très surpris d'apprendre que les gouvernement américain et canadien peuvent gaver les boeufs européens avec des hormones de croissance ou d'autres organismes modifiés génétiquement, tels que les huiles de cuisson ou des pommes de terre. La seule idée qu'un accord commercial sape les lois adoptées par voie démocratique est tout simplement irrecevable par la plupart des gens. Ils seraient aussi choqués de savoir que le gouvernement canadien peut déposer une plainte contre le gouvernement français relativement à l'embargo récent sur les produits de l'amiante, qui présente des dangers connus pour la santé.

Les Canadiens seraient aussi choqués d'apprendre que les délégations commerciales qui les représentent, comme Michelle l'a indiqué, se battent pour ne pas avoir à apposer des étiquettes plus informatives qui permettraient aux consommateurs de choisir des produits selon le processus et les méthodes de production utilisés.

Une revue des pratiques de l'OMC au cours des cinq dernières années nous indiquerait qu'il faut assurer la protection environnementale, comme le promet le préambule de l'OMC, dans toutes les parties des travaux de l'OMC. Parmi les nombreux enjeux, rappelons que les accords sanitaire et phytosanitaire et les barrières techniques à l'accord commercial sont particulièrement fragiles en ce qui a trait à l'approche préventive de l'évaluation des risques et de l'étiquetage.

Les tarifs progressifs ont été reconnus comme faisant obstacle à la valeur ajoutée des ressources naturelles locales. Ces tarifs les mettent dans une mauvaise position. Les tarifs augmentent avec l'augmentation de la valeur ajoutée de sorte que, pour les pays développés, y compris le Canada, les ressources naturelles sont perdantes en raison de ces pratiques courantes de progressivité des tarifs.

• 1215

Il faut aussi réduire encore les tarifs pour les produits et les services sans danger pour l'environnement, pour inciter les pays à se conformer aux accords multilatéraux et autres accords environnementaux.

Il faut aussi se pencher sur le processus de règlement des conflits. Malgré des promesses d'amélioration énoncées à Rio et au cycle de l'Uruguay, l'OMC continue de prendre des décisions en secret contre toutes les restrictions au commerce débusquées dans les lois sur l'environnement ou sur la santé publique qui ont fait l'objet de plaintes en vertu du GATT ou de l'OMC. Pas une de ces restrictions, mesdames et messieurs, n'a survécu.

Les exceptions générales de l'article XX du GATT et le niveau de sensibilité environnementale quand on considère les intérêts publics dans ces conflits sont complètement en porte-à-faux. Les offres actuelles de l'OMC relativement à de meilleures pratiques en matière d'avis de plainte et de diffusion plus hâtive des documents ne suffisent tout simplement pas à assurer l'expertise requise. Les organisations intergouvernementales internationales, telles que le PNUE et l'OMS, de même que les parlementaires et les ONG intéressés, doivent avoir la possibilité d'intervenir dans les conflits commerciaux liés à l'environnement.

Par ailleurs, nous voulons dire aux Canadiens que, si on analysait les résultats du cycle de l'Uruguay avant de prendre de nouveaux engagements, nous constaterions que l'OMC n'a pas terminé ses devoirs d'établissement d'un lien entre la libéralisation des échanges et la protection de l'environnement, le respect des travailleurs et autres droits fondamentaux de la personne. Le comité a entériné, à l'instar du gouvernement canadien et d'autres membres de l'OMC, la création d'un comité sur les normes du travail. Aucun progrès n'a été fait dans ce dossier malgré l'observation énoncée à l'issue du sommet social mondial de 1996 à l'effet que les méthodes de production et de consommation non durables aggravaient la pauvreté dans le monde.

Sur le plan des prescriptions, le Sierra Club du Canada, conjointement à d'autres personnes et groupes, mène actuellement une campagne pour que les méthodes et les processus de négociation à l'OMC soient ouverts à l'examen public et au débat. À notre avis, contrairement à ce qui a été dit hier par le Centre des études internationales de l'Université de Toronto, représenté par John Kirton et Julie Soloway, la solution ne réside pas dans la duplication des accords parallèles de l'ALENA touchant l'environnement et la main-d'oeuvre à l'échelle mondiale et régionale. Nous en sommes encore à élaborer des perspectives sur les avantages de créer un organisme environnemental mondial ou une assemblée parlementaire à l'OMC ou à l'OEA, qui servirait de contrepoids et qui pourrait mieux informer les délégations commerciales relativement à leurs responsabilités environnementales et sociales.

Une chose est sûre, nous savons ce que nous ne voulons pas. C'est souvent plus facile, non? Nous savons que nous ne voulons pas qu'un régime d'investissement du style de celui de l'ALENA soit imposé aux membres de l'OMC.

On a demandé au Sierra Club et à trois autres organismes nationaux du Canada de demander à la CCE, la Commission de coopération environnementale, de mener une enquête publique, en vertu de l'article 10(6) de l'accord parallèle sur l'environnement, sur les conflits récents relatifs aux investisseurs dans les causes S.D. Myers, Sun Belt Water et Pope & Talbot. On veut réclamer des milliards de dollars afin de protéger et de garantir les lois canadiennes en matière de déchets dangereux, d'interdictions d'exportation de l'eau, et les quotas sur les produits de bois d'oeuvre.

Pour terminer, nous reconnaissons que le comité, qui doit élaborer des recommandations sur la position du gouvernement canadien lors de la prochaine réunion ministérielle à Seattle, se trouve devant un réel défi. Nous serons très heureux de vous fournir ainsi qu'à votre personnel de l'information supplémentaire sur le rôle du gouvernement canadien dans les conflits sur le commerce et l'environnement, et sur le rôle très important des parlementaires relativement à l'établissement d'orientations mondiales qui permettront d'atteindre un équilibre plus sain entre la libéralisation du commerce et la protection de l'environnement. L'urgence de notre travail n'est plus à démontrer.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. C'était très intéressant.

Rapidement, la période de questions.

• 1220

M. Deepak Obhrai: Merci beaucoup de ce témoignage et de votre visite.

Dans votre mémoire, les problèmes sont très clairement décrits. Il s'agit d'un bon document de recherche. Mais j'aimerais revenir à votre dernier paragraphe, où vous affirmez que vous avez hâte de collaborer avec le gouvernement canadien, une attitude juste à mon avis. Vous avez cerné des problèmes, mais vous demandez que l'on arrête les négociations. J'aurais plutôt pensé que vous seriez les premiers à défendre une approche équilibrée. D'un côté, il y a les problèmes qu'il faut régler. Nous venons d'entendre parler de l'avènement du commerce électronique dans le monde, et des difficultés soulevées qu'il faut régler. D'ici l'an 2000, il représentera 1 milliard de milliards de dollars. Les choses bougent d'un côté. Pourquoi alors ne pas se dire, oui, des négociations sont en cours et, vous l'avez dit, des problèmes se posent, auxquels il faut trouver des solutions?

• 1225

Mme Christine Elwell: Merci. J'aimerais vous rappeler que vous devriez utiliser le levier qui est à votre disposition pour donner à l'industrie ce qu'elle veut à l'OMC afin d'obtenir cet équilibre souhaitable. Si vous entreprenez des négociations sur le commerce électronique, peut-être est-il temps de soulever la question des moyens de rechange. Vous devez utiliser les leviers que vous avez.

M. Deepak Obhrai: Dans votre groupe, y a-t-il quelqu'un qui s'oppose à l'OMC—qui ne veut rien savoir de l'OMC?

Mme Michelle Swenarchuk: À qui posez-vous cette question?

M. Deepak Obhrai: À vous deux.

Mme Michelle Swenarchuk: L'OMC n'est pas le problème. Ce sont les règles en matière de commerce qui sont le problème. L'OMC est tout simplement l'institution au sein de laquelle les règles en matière de commerce sont mises en jeu, négociées et jugées. Est-ce que mon organisation soutient les règles commerciales actuelles? Non.

En ce qui a trait à votre question précédente, l'énoncé des ONG demande simplement que l'on interrompe les négociations tant que l'incidence globale de la dernière série de négociations n'aura pas été évaluée sur les plans social, économique et environnemental. Quand nous connaîtrons les bénéfices et les difficultés qui ont découlé de ces accords, nous serons en meilleure position pour réfléchir aux changements nécessaires aux règles commerciales.

Personne ne prétend que le régime commercial doit être statique et qu'il ne faudra jamais rien y changer. Devant les événements de 1994, qui ont engendré l'extension extraordinaire des règles commerciales qui prévalaient auparavant, il nous apparaît tout à fait normal 5 années plus tard d'évaluer les incidences avant de poursuivre tête baissée sur la même voie.

Mme Christine Elwell: Cela résume très bien notre point de vue.

Le président: Pour l'instant, on ne bouge plus?

Mme Michelle Swenarchuk: C'est exact.

Mme Christine Elwell: Évaluons où nous en sommes avant d'aller plus loin.

[Français]

Le président: Madame Debien, avez-vous des questions?

Mme Maud Debien: Mesdames, je vous remercie beaucoup de votre présentation. Nous avons rencontré jusqu'à maintenant de nombreux organismes de la société civile qui partagent pour la plupart vos préoccupations et votre questionnement concernant l'Organisation mondiale du commerce et ses effets dans nos communautés. Je n'ai pas de questions précises. Je veux simplement vous transmettre de l'information.

Au Québec, le Parti québécois, qui forme le gouvernement, et le Bloc québécois ont entrepris en janvier une vaste consultation auprès de tous les Québécois sous forme de colloques, de forums et de tribunes par Internet pour connaître l'avis des Québécoises et des Québécois concernant l'Organisation mondiale du commerce et la mondialisation en général, ainsi que ses effets et ses impacts sur les communautés québécoises. Je vous invite à suivre ces débats. Nous espérons, tout comme vous, pouvoir apporter une réflexion positive, des solutions et des prises de position quant à la globalisation ou à la mondialisation.

[Traduction]

M. Bill Blaikie: J'aimerais faire un commentaire ou deux, et je poserai ensuite une question.

Michelle, comme vous avez appuyé la tenue de ces audiences, vous serez sûrement d'accord sur le fait que des audiences sont mieux que pas d'audience du tout. Mais je crois que ce serait une erreur, et je ne dis pas que c'est ce que vous avez dit, de penser que c'est un processus nouveau. Je me souviens que voilà 12 ans je siégeais sur ce même comité, qui voyageait dans tout le pays pour écouter les commentaires de la population sur l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, ou à ce moment sur les éléments de l'accord proposé.

• 1230

Actuellement, le plus navrant est de constater que, alors que l'on disposait d'un certain délai, les travaux sur l'AMI n'ont comporté aucune audience. Je crois donc que cette absence a découlé du régime actuel, et qu'ils ont finalement compris la nécessité des audiences au milieu du débat sur l'AMI, ce qui a donné lieu au Sous-comité sur l'AMI.

J'aimerais certes me rallier à votre position très justifiable concernant l'interruption des négociations pour faire une évaluation. Nous avons été engagés sur un rouleau compresseur, je crois, et j'étais présent durant tout le processus, pour l'ALE et l'ALENA. Et il s'en est fallu de peu que l'on adopte l'AMI sans débat public, qui aurait repris le chapitre 11 de l'ALENA alors que celui-ci a été mis à l'essai pendant trois ou quatre années seulement.

L'un des avantages de bloquer l'AMI est que, s'il y a des négociations sur l'investissement ou si une partie des négociations du millénaire est consacrée à ce sujet—si nous ne pas votre recommandation—nous bénéficierons au moins de cinq ou six, voire sept ou huit années d'expérimentation avec le chapitre 11, selon la durée des travaux. C'est tout à fait sensé. Je crois que c'est de la folie pure de prétendre que, même si nous ne savons pas du tout comment ce chapitre 11 se comporte, parce que nous disposons de une ou deux études de cas seulement, nous pouvons aller de l'avant et l'enchâsser dans une entente qui scelle notre relation avec 29 autres pays. Cet argument est tout à fait brillant, que c'est vrai pour le cycle de l'Uruguay.

Je m'aperçois que le chapitre 11 n'était pas à l'ordre du jour du cycle de l'Uruguay, mais qu'il faut se donner du temps avant d'entériner ces nouvelles modalités. Nous pourrons ainsi mettre les choses en perspective et voir ce qui a fonctionné, ce qui a eu des conséquences inattendues, etc. Je voulais tout juste donner du poids à cet argument.

Puis-je vous poser une question directe? En ma qualité de critique en matière de commerce pour le NPD, on me demande souvent quelle est la position de notre parti relativement à la création d'une organisation environnementale mondiale. Si vous vous êtes déjà prononcée à cet effet et que j'ai manqué cette partie, je m'en excuse, mais avez-vous une position arrêtée sur la création d'un organisme environnemental mondial, qui aurait plus de mordant que l'OIT, un organisme qui aurait un pouvoir réel? Je me demande si vous avez réfléchi à cette question.

Mme Michelle Swenarchuk: Ce n'est pas une question simple. À vrai dire, c'est pour moi une question simple, mais en fait elle est très complexe.

Dans mon document, j'affirme que le gouvernement canadien, par exemple, est extrêmement unidirectionnel en ce qui a trait à ses politiques commerciales. Sa politique commerciale donne la préséance quasi exclusive aux intérêts économiques, une approche chère à l'OMC pour les politiques commerciales.

M. Bill Blaikie: C'est leur mentalité, c'est vrai.

Mme Michelle Swenarchuk: La question fondamentale en ce qui a trait à un organisme environnemental mondial est donc de nature politique. Comment penser que les gouvernements qui ont créé cette institution commerciale très puissante sur le plan économique, l'OMC, ont aussi la volonté politique de mettre sur pied une contrepartie aussi puissante, que ce soit dans le domaine de l'environnement ou du travail?

Je ne vois absolument pas comment un organisme environnemental mondial pourrait avoir la puissance suffisante pour servir de contrepoids valable dans les relations économiques mondiales. Beaucoup de traités et de secrétariats environnementaux ont été mis sur pied à l'échelle internationale, et la plupart sont affiliés aux Nations Unies—le Programme des Nations Unies pour l'environnement en est un exemple. Dans tous les cas, ils sont trop faibles. Nous avons l'accord parallèle de l'ALENA et la commission, qui à mon avis n'ont jamais eu aucun pouvoir, et auxquels on n'a jamais voulu en donner. En passant, certains des défenseurs d'un soi-disant organisme environnemental mondial étaient aussi des défenseurs de l'accord parallèle et de la commission de l'ALENA. Je ne crois donc tout simplement pas que c'est une possibilité réelle sur le plan politique.

• 1235

Il importe aussi de rappeler que, pour établir un nouvel organisme international de quelque nature que ce soit, il faut entreprendre des négociations très étendues, et pouvoir compter sur des ressources et autres considérations du même genre.

Si les gouvernements sont plus intéressés par la protection environnementale que les relations internationales ne le laissent croire, je crois que d'autres stratégies pourraient être plus efficaces. Dans mon esprit, le premier élément et le plus important serait de donner plus de poids aux activités entourant les changements climatiques. Les changements climatiques me font énormément peur. Cet héritage que nous laissons à nos enfants est absolument déraisonnable et il est extrêmement néfaste pour la planète. Alors, que l'on donne aux instruments internationaux déjà en place une réelle marge de manoeuvre.

Une autre point à considérer est la convention sur la protection de la biodiversité. Très peu d'actions ont été entreprises relativement à ce problème d'une urgence phénoménale. On parle de diminution des stocks de poisson, de la diminution des forêts: le spectre des crises environnementales est extrêmement large et les actions gouvernementales efficaces sont extrêmement rares.

Si la communauté mondiale faisait volte-face, à commencer par notre propre gouvernement, devant ces problèmes environnementaux des plus importants, alors je commencerai à penser que nous sommes sur la bonne voie pour créer un organisme environnemental mondial qui aura le pouvoir réel lui permettant de poser des gestes significatifs. Malheureusement, je ne vois vraiment pas que nous soyons engagés sur ce chemin.

M. Bill Blaikie: Autrement dit, il pourrait tout simplement s'agir d'une réaffectation des ressources, de même que...

Mme Michelle Swenarchuk: Oui.

Mme Christine Elwell: Puis-je faire un commentaire? J'ai eu le plaisir d'assister au symposium sur le commerce et l'environnement de l'OMC, à Genève le mois dernier, où des ONG s'intéressant à l'environnement ont rencontré des représentants du PNUE et d'autres organismes intergouvernementaux internationaux. On y a discuté—je dirais même qu'on est arrivé à un consensus—des avantages d'un organisme environnemental international.

Tous s'entendaient cependant sur la nécessité fondamentale de rassembler l'expertise disséminée tous azimuts, soit dans les secrétariats du PNUE, de la FAO ou de l'OMS. Cette information est très dispersée et personne ne parvient à publiciser cette expertise et à faire en sorte d'en tirer une plainte formelle en matière de commerce. Il y a donc un défaut de communication. Pour commencer, nous avons besoin d'une meilleure coordination, c'est le moins qu'on puisse dire.

Le président: Monsieur Pickard.

M. Jerry Pickard: Je trouve votre témoignage et vos objectifs admirables. Il n'y a aucun doute que nous devrons intégrer ce qui est arrivé auparavant avant d'aller plus loin. Je crois que c'est ce que vous suggérez, clairement, sans équivoque.

L'une des difficultés que j'y vois provient des intérêts divergents, comme vous le dites. Nous nous sommes concentrés surtout sur les échanges commerciaux, sur notre capacité à faire du commerce avec d'autres pays. Vous n'êtes pas le seul groupe, il y en a eu beaucoup d'autres, qui nous ont dit au cours des deux derniers jours que les résultats que nous avons annoncés n'étaient probablement pas aussi positifs qu'il n'y paraît de prime abord. J'ai un peu de difficulté moi-même à déterminer la direction à prendre par le gouvernement canadien parce que le problème ne touche pas uniquement notre pays: c'est un problème mondial, et la plupart des pays se sont engagés sur une même voie.

Force nous est de reconnaître que la plupart des pays, nos principaux partenaires commerciaux, ont pris le même chemin. Comment pouvons-nous appliquer les freins, réaliser les examens requis et rester dans la course par rapport aux autres pays et concurrents? J'essaie de voir comment on pourrait y arriver.

Mme Michelle Swenarchuk: Premièrement, en ce qui a trait à l'évaluation nécessaire des résultats du cycle de l'Uruguay avant d'aller plus loin, j'ai aussi participé au symposium de l'Organisation mondiale du commerce sur le commerce et l'environnement. Des discussions sont en cours en Europe sur la possibilité d'évaluer les incidences des accords commerciaux. Même aux États-Unis, on voit poindre une certaine volonté, et je crois qu'Ottawa suit la marche, d'évaluer les suites des négociations du millénaire. Ainsi, l'interruption des travaux en vue d'évaluer l'état d'avancement avant d'entreprendre une autre série de négociations, n'est pas un concept si radical. Je crois que l'on voit partout dans le monde s'ouvrir des brèches qui pointent dans cette direction.

• 1240

Deuxièmement, bien entendu, le commerce continuera, et les échanges commerciaux se poursuivront, que l'on modifie immédiatement ou non les règles commerciales en vigueur. De plus, de nombreux économistes très en vue, au sujet desquels je pourrais vous remettre du matériel si cela vous intéresse, reconnaissent que les crises asiatique et brésilienne nous indiquent très clairement que la libéralisation est peut-être allée trop loin, trop rapidement, et qu'il faut envisager de nouvelles stratégies en matière d'investissement et de commerce afin d'empêcher ce genre d'effondrements qui ont eu des effets dévastateurs pour des dizaines de millions de personnes dans le monde. Des recommandations sont formulées qui suggèrent de ralentir le mouvement pour prendre le temps d'évaluer, avec la participation du public, les résultats avant d'aller plus loin. Le Canada contribuerait énormément aux relations internationales s'il défendait ce genre d'évaluation avant d'entreprendre une prochaine série de négociations.

M. Jerry Pickard: Pourrais-je poser une autre question? En ce qui a trait à l'article 11...

Mme Michelle Swenarchuk: Le chapitre 11 de l'ALENA, oui.

M. Jerry Pickard: ...nous avons entendu un tollé de critiques, qui portaient particulièrement sur le MMT, mais d'autres critiques portent sur le fait que les gouvernements—vous avez présenté plusieurs cas dans votre mémoire—perdent leur souveraineté relativement à des problèmes qu'ils pressentent comme étant très importants, en particulier le domaine de l'environnement. Comment traitons-nous ce genre d'accord? Que suggérez-vous?

Mme Michelle Swenarchuk: N'intégrez pas le droit de poursuite d'un État par un investisseur dans vos futurs accords. Ne le mettez pas dans l'OMC. Faites tout votre possible pour réduire les dégâts engendrés par l'ALENA. Ne l'intégrez pas dans la ZLEA et cessez de signer des accords bilatéraux avec des pays où le Canada impose ses vues aux autres pays.

M. Jerry Pickard: Le chapitre 11 est déjà en vigueur. Pensez-vous que nous pourrions l'éliminer?

Mme Michelle Swenarchuk: Nous avons été très échaudé relativement à la politique commerciale américaine lors des négociations sur le chapitre 11. À mon avis, les États-unis ne bougeront pas. Mais le Canada a défendu des dispositions du type du chapitre 11 devant d'autres tribunes, lors des négociations sur l'AMI par exemple, en amorçant une discussion sur l'AMI à l'OMC, dans la ZLEA et d'autres accords bilatéraux. Dans tous ces domaines, nous pouvons dire «Non, nous ne ferons pas ce que vous nous demandez». Il faut faire tout en notre pouvoir par rapport aux États-Unis et au Mexique. Évitons tout simplement de répéter notre erreur.

Si vous examinez les citations d'autres gouvernements que j'ai intégrées au document, il est clair que ces derniers ont appris de nos erreurs. Pourquoi ne pourrions-nous pas tirer profit nous-mêmes de cette leçon?

M. Jerry Pickard: Merci.

Mme Christine Elwell: Je peux donner une réponse rapide.

Le président: Très rapide.

Mme Christine Elwell: Pour ce qui est de l'évaluation des résultats, je crois que nous savons tous les difficultés que cela entraîne. Je ne crois pas que ce serait une tâche si commensurable de dresser une courte liste et de s'atteler à trouver des solutions.

Je crois que vous devriez savoir, mesdames et messieurs, que toute la communauté de l'OMC n'est pas en faveur—comme Michelle l'a dit—d'une position anti-environnement. Vous devriez voir comment se comporte la délégation commerciale du Canada à ces tribunes. Peut-être que, si une assemblée de parlementaires était constituée, vous auriez l'occasion de prendre connaissance des positions prises par le Canada à l'échelle internationale, et peut-être seriez-vous à même de les modifier.

Enfin, en ce qui a trait au chapitre 11, je crois qu'il sera impossible de le découper. Si une clause restreignait la définition de l'expropriation de sorte qu'elle ne comprendrait pas les règlements généraux des gouvernements, je ne crois pas qu'on obtiendrait quelque résultat. Nous avons essayé de découper les éléments culturels, nous avons essayé de découper beaucoup de choses et, pour une raison quelconque, cela ne marche jamais.

Je souscris donc à ce que Michelle a dit: tentons à tout le moins de ne pas perpétuer les problèmes et essayons de régler les litiges, très peu nombreux, qui ont surgi de ne pas en créer d'autres.

Le président: Madame Augustine.

• 1245

Mme Jean Augustine: Monsieur le président, cela me rappelle une histoire racontée durant les audiences sur les normes. C'est l'histoire d'un chat qui mangeait toutes les souris du voisinage. Les souris ont tenu une grande réunion et ont décidé ensemble de se débarrasser du chat. Elles ont donc établi des stratégies, et finalement l'une d'entre elles a émis l'idée que la meilleure chose à faire était de lui mettre une cloche autour du cou, de sorte qu'elles l'entendraient quand il s'approcherait. Toutes les souris pourraient alors se disperser. Une vieille souris très sage a posé la question suivante: «Et qui posera la cloche autour du cou du chat?»

J'aimerais donc vous demander: «Qui fera cette évaluation?» J'apprécie la proposition signée par 450 groupes, mais où cet exercice se déroulera-t-il? Où se fera cette évaluation? Qui fera l'évaluation? Se fera-t-elle à l'intérieur des frontières nationales? Ou s'agira-t-il d'un exercice international...? Qui fera cette évaluation, et comment pensez-vous qu'elle se déroulera?

Mme Michelle Swenarchuk: C'est une perspective vraiment intéressante. Le gouvernement canadien a effectué ce qu'il décrit comme étant une évaluation de l'ALENA et aussi, je crois, de la ZLEA. Selon bon nombre d'entre nous, ces évaluations ne sont pas assez exhaustives. En Europe, depuis un certain temps maintenant, des gens de la commission travaillent à élaborer une méthodologie d'évaluation des résultats des accords commerciaux. À vrai dire, diverses institutions dans le monde se sont penchées sur de telles méthodologies.

Je crois qu'il serait donc approprié que l'on confère à une organisation, peut-être par le truchement de l'ONU, le rôle de supervision globale. Je crois cependant que les pays, y compris le Canada, devraient effectuer des évaluations honnêtes, en ne faisant pas uniquement appel aux personnes qui ont des intérêts économiques mais à tous ceux d'entre nous qui peuvent y contribuer. C'est un élément fondamental des évaluations environnementales que nous faisons ici. Nous donnons le droit à toutes les parties, à tous les individus et à tous les intérêts touchés par un projet proposé d'être entendus sur le sujet. Et je crois que c'est ce que nous devrions faire en ce qui a trait à l'évaluation commerciale.

Le président: Merci beaucoup à vous deux. Ces témoignages ont été très éloquents. Nous lirons vos mémoires, parce que nous croyons aussi qu'il s'agit d'un sujet très important. En ce qui a trait à la ZLEA, si j'ai bien compris, vous allez vous pencher plus avant sur ce point. Nous vous en sommes reconnaissants aussi.

Nous allons ajourner jusqu'à 13 heures, mesdames et messieurs. Nous prendrons une pause dîner rapide et nous serons de retour après.

• 1248




• 1344

Le président: À l'ordre.

Merci à tous d'être venus. Je ne vous ferai pas de boniment sur nos activités. Je crois que toutes les personnes présentes connaissent le but des audiences du comité.

Même si quelques membres sont absents, je vais ouvrir la séance. Ils seront ici sous peu.

Comme le greffier me l'a mentionné, le groupe de témoins'est multiplié comme par enchantement. En règle générale, nous n'essayons pas d'entendre neuf témoins dans une session d'une heure et demie. Si vous pouviez vous en tenir à des présentations de cinq minutes chacun, j'imagine qu'on pourra s'en sortir. Nous aurons ainsi le temps pour les questions. Nous dépassons toujours un peu le temps imparti, mais nous n'aurons peut-être pas de temps pour les questions.

• 1345

Je vais appeler les témoins dans l'ordre qui apparaît à l'ordre du jour, en commençant par le Conseil canadien des éditeurs.

Mme Jacqueline Hushion (directrice générale, Conseil canadien des éditeurs): Bonne après-midi. Je vous remercie d'avoir invité le Canadian Publishers' Council à partager son point de vue sur les priorités à l'ordre du jour du Canada lors de la prochaine rencontre de l'OMC et des autres négociations commerciales. Il est de notre intérêt mutuel de collaborer aux moyens d'action pour rehausser la culture et l'édition au Canada et sur la scène internationale.

La fondation de notre Conseil remonte à 1910; nous avons des membres au Canada et dans la communauté internationale, et tous publient au Canada pour le public canadien.

En 1998, nos membres ont publié 1 502 nouveaux titres d'auteurs canadiens, répartis également entre des publications spécialisées d'ouvrages généraux et de fiction, des ouvrages à consulter et des manuels.

En 1998, nos membres ont dépensé 48 millions de dollars au Canada pour fabriquer les livres, et les ventes ont permis de verser 23,6 millions de dollars en royautés aux auteurs canadiens. Ces chiffres dénotent leur contribution et, bien entendu, leurs ventes.

Les succès attribués à l'édition canadienne et aux auteurs canadiens sont aujourd'hui légendaires. Lorsqu'ils choisissent des livres d'intérêt général, la moitié des consommateurs choisissent des auteurs canadiens; pour ce qui est de l'édition scolaire, plus de 85 p. 100 de tous les manuels d'origine canadienne vont aux écoles, et plus de 30 p. 100 aux collèges et aux universités.

Plus nous prenons de l'expansion, plus nous nous faisons remarquer, et plus ce secteur de notre marché devient intéressant. Par conséquent, nous devons gérer nos relations commerciales internationales avec plus de vigilance puisque nous n'allons certainement pas nous cacher derrière nos emballages pour éviter les regards de nos partenaires commerciaux. On a beaucoup parlé de nos succès à l'exportation. Nous devons continuer de pénétrer les marchés étrangers et de nous y faire admettre.

Simultanément, nous devons être très attentifs à l'intégrité de notre marché domestique, lequel est mis au défi aujourd'hui par d'innombrables forces, dont un grand nombre s'appuient sur la nouvelles technologie.

Le droit d'auteur, autrefois l'humble cousin des brevets et marques de commerce, est aujourd'hui maître, et l'information est devenue la commodité la plus précieuse de notre économie axée sur l'information. Les réflexions sur la propriété intellectuelle et les ententes commerciales en 1999 sont inextricablement liées, et nous affirmons que cette situation perdurera.

Le tirage par moitié et la loi C-55; la décision négative concernant l'admission des magasins Borders bookstores et ses récentes répercussions dans le Trade Rep's Office des États-Unis; l'entrée au Canada d'un plus grand nombre d'exploitants de librairies universitaires ayant leur siège social à l'étranger; les risques à l'industrie lorsqu'à l'échelle internationale des détaillants de livres vendent par ordinateur les livres de la concurrence, ce qui est effectivement illégal dans notre marché—ces faits et plus encore nous indiquent qu'il faut agir diligemment. Ils démontrent qu'il est peut-être temps d'utiliser un outil commercial séparé et discret qui regarde seulement la culture dans le contexte des responsabilités commerciales. À vrai dire, ce concept a commencé à se faire valoir lors du débat sur l'Accord multilatéral en matière d'investissement.

Il y a quelques années, l'estimé président du comité, Bill Graham, s'est adressé à nos membres lors de l'Assemblée annuelle. Il nous a prévenus que, lorsque nous sommes exclus des traités commerciaux internationaux par exception, nous ne pouvons exercer une voie de recours en vertu de ces mêmes traités lorsque nous voulons contester notre traitement dans un autre pays membre. Rien ne peut être plus clair. Les exceptions relatives à la culture nous exposent aussi à des représailles dans d'autres secteurs à des caprices du moment.

• 1350

Le droit d'auteur constitue le fondement de notre industrie. Les personnes qui autrefois traitaient ce droit comme un exercice légal imbu de contrats obscurs le considèrent aujourd'hui comme le pivot central de leur travail. Aucune subvention, taxe indulgente ou politique d'investissement ne peut en elle-même sauvegarder l'édition, à moins que nos lois internes sur les droits d'auteur ne soient pertinentes et que nous fassions partie des nouveaux traités internationaux.

Lors des négociations qui ont précédé l'entente de l'OMC, appelées TRIPS (Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights), le Canada a joué un rôle clé dans la réalisation et l'aménagement d'un consensus mondial sur les normes de la propriété intellectuelle et des dispositions pour la mise en vigueur de moyens de protection. Le Canada va de l'avant. L'Union européenne a adopté une directive de banque de données sur la protection sui generis. Une telle protection n'est disponible que pour ceux qui fournissent une protection réciproque. Ce n'est pas notre cas.

Le Database bill HR 354 est présentement étudié par le Congrès des États-Unis. Nous sommes très loin d'un projet de loi sur les bases de données. Le traité sur les droits d'auteur informatisés a été adopté par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) il y a 18 mois. Les États-Unis ont adopté la Digital Millennium Copyright Act en 1998 pour leur permettre de mettre en vigueur le nouveau traité. La Communauté européenne travaille à harmoniser ses lois sur les droits d'auteur.

Le Canada doit redevenir le chef de file. Quel que soit le format de la publication—un livre ou une banque de données—et quel que soit le moyen de distribution—un carton ou un satellite—le Canada doit assurer la compensation pour usage de toute propriété intellectuelle canadienne dans une économie mondiale axée sur l'information. Nous devons trouver et mettre au point des stratégies qui protègent la propriété intellectuelle et favorisent les industries culturelles, et qui sont aussi compatibles avec les traités internationaux et nous permettent de promouvoir notre diversité et notre identité.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Vous êtes tout à fait dans les temps et, de plus, vos remarques étaient tout à fait pertinentes.

Mme Jacqueline Hushion: Merci.

Le président: Nous allons maintenant passer la parole à M. McCabe.

M. Michael McCabe (président-directeur général, Association canadienne des radiodiffuseurs): Présent.

Le président: Vous avez de l'expérience devant les comités parlementaires.

M. Michael McCabe: Ça ne veut pas dire que je ferai mieux que les autres.

Le président: Eh bien, nous vous observerons de près.

M. Michael McCabe: Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Comme le président l'a mentionné, mon nom est Michael McCabe. Je suis président et directeur général de l'Association canadienne des radiodiffuseurs. Je suis accompagné aujourd'hui par M. Glenn O'Farrell, Vice-président, Affaires juridiques et réglementaires du Global Television Network ainsi que par un membre du Comité de l'ACR chargé des questions relatives au commerce extérieur.

L'ACR est le porte-parole de la majorité des services de programmation canadiens, notamment les stations de radio et de télévision privées, les réseaux et les services spécialisés et payants. Le secteur de la radiotélévision privée au Canada est une industrie qui représente 2,8 milliards de dollars par année et qui assure à l'économie nationale au-delà de 30 000 emplois directs et indirects qui reposent sur le savoir.

Nous tenons d'abord à remercier le comité permanent de nous avoir donné cette occasion de participer au processus de consultation. Nous souhaitons, durant la brève période que nous passerons devant le comité cet après-midi, vous sensibiliser aux trois domaines qui suivent: premièrement, les réalisations des radiodiffuseurs privés du Canada sur la scène internationale; deuxièmement, les défis et les débouchés pour notre industrie par rapport à l'OMC et la ZLEA et, troisièmement, la nécessité de créer un nouvel instrument culturel pour le commerce extérieur.

Glenn.

[Français]

M. Glenn O'Farrell (vice-président, Association canadienne des radiodiffuseurs): Les radiodiffuseurs privés du Canada font sentir leur présence dans le monde entier. À première vue, beaucoup penseront sans doute que c'est notre intérêt personnel qui nous incite à nous pencher sur les questions relatives au commerce extérieur. Les industries culturelles sont trop souvent perçues comme étant un secteur strictement national. En réalité, le secteur de la radiotélévision ne sera aucunement en mesure d'assurer une présence nationale à moins qu'il adopte un point de vue international.

Les radiodiffuseurs privés du Canada ont donc pris des mesures énergiques en vue de percer sur la scène internationale dans trois domaines distincts: premièrement, l'exportation de la programmation canadienne; deuxièmement, l'investissement à l'étranger; et enfin le transfert d'information et d'expertise.

Les producteurs, distributeurs et radiodiffuseurs canadiens se sont taillé une réputation solide à l'échelle mondiale pour leur programmation de qualité dans les domaines des émissions pour enfants, des téléjournaux, des documentaires et des dramatiques. Malgré l'imposition de certaines restrictions intérieures qui empêchent les radiodiffuseurs d'exploiter complètement la production et la distribution, les radiodiffuseurs comme CHUM Limited ont trouvé le moyen d'offrir des émissions comme Fashion Television et Movie Television à des douzaines de pays autour du monde. De même, des entreprises comme TVA International participent à plusieurs coproductions internationales avec, entre autres, des radiodiffuseurs de l'Europe et des États-Unis.

• 1355

[Traduction]

Épaulé par les moyens convenables pour stimuler le commerce ainsi que l'accès nécessaire aux marchés étrangers, ce secteur affiche un potentiel de croissance considérable à mesure que la demande mondiale pour les émissions de télévision continue d'augmenter à un rythme sans précédent.

Dans le deuxième domaine, soit celui de l'investissement direct à l'étranger, des entreprises comme CanWest Global se classent au premier rang. Depuis ses débuts comme station locale indépendante à Winnipeg il y a une trentaine d'années, cette entreprise est maintenant un réseau international de services de radiodiffusion et de programmation de l'Australie jusqu'au Royaume-Uni. Pour beaucoup de radiodiffuseurs comme CanWest les questions en matière d'investissement à l'étranger revêtent une importance critique sur le plan des possibilités d'expansion.

Pour ce qui est du troisième domaine, c'est-à-dire le transfert d'information, CHUM International fut à l'avant-garde. Cette entreprise a formé des alliances internationales avec d'autres radiotélédiffuseurs et câblodistributeurs en vue d'assurer la prestation du concept et de l'image de marque des stations de télévision locales comme CITY TV.

Même si ces trois approches à l'expansion internationale diffèrent énormément, elles font partie des stratégies adoptées par plusieurs des radiodiffuseurs canadiens chefs de file pour transformer leur succès national en succès sur les marchés de l'extérieur. Ils peuvent ainsi renforcer leur stratégie d'entreprise, ce qui renforce leur contribution aux objectifs nationaux en matière de culture.

Autrement dit, les radiotélédiffuseurs canadiens ne craignent pas la concurrence internationale. Nous soutenons toutefois qu'il existe une différence considérable entre créer un milieu propice à la réussite et la libéralisation du commerce extérieur qui ne permet pas d'équiper les nations avec les outils voulus pour faire croître leurs propres industries culturelles et les soutenir.

Les radiodiffuseurs visent en fin de compte quatre objectifs principaux concernant les négociations prévues. Premièrement, que la radiotélévision soit considérée comme un secteur de croissance notable qu'on ne peut envisager d'échanger contre des mesures de sauvegarde pour les industries traditionnelles. Deuxièmement, que nous nous dirigions vers l'adoption d'un milieu commercial plus équitable qui assure l'accès aux marchés et les occasions d'investissement. Troisièmement, que le Canada demeure capable de diriger ses propres politiques en matière de culture. Quatrièmement, que les résultats permettent de créer un milieu d'affaires stable doté de mécanismes culturels clairement définis.

Le secteur de la radiotélévision canadien se fonde sur un équilibre délicat de politiques clés adoptées par le gouvernement régissant les domaines de la réglementation, des mesures fiscales, du droit d'auteur et de la propriété intellectuelle. Toute négociation commerciale qui traite des secteurs des services ne manquera pas d'entraîner des discussions sur les télécommunications, le commerce électronique et la radiodiffusion.

Du point de vue des radiodiffuseurs privés canadiens ces discussions présagent à la fois des possibilités et des préoccupations. Nous nous inquiétons, entre autres, des possibilités suivantes: une définition restreinte de la radiotélédiffusion qui s'attache aux radiotélédiffuseurs traditionnels; l'érosion du contrôle national sur les mesures fiscales et d'autres politiques; la nécessité d'assurer la protection continue des détenteurs de droits par le biais de mécanismes comme la substitution simultanée; et les moyens de lutter contre les services de satellite du marché gris.

Plusieurs possibilités s'offrent aux radiotélédiffuseurs, dont: l'examen des règlements sur l'investissement à l'étranger, ce qui produira des niveaux réciproques et admissibles d'investissement à l'étranger; un meilleur équilibre entre le modèle européen visant la politique sur le droit d'auteur et la propriété intellectuelle et le modèle plus convenable axé sur les forces du marché qui est utilisé en Amérique du Nord; et davantage de marchés libres pour les produits et services.

L'ACR recommande une étude globale de l'ensemble du secteur en vue d'arrêter une politique industrielle visant les industries culturelles. Dans ce contexte nous souscrivons aux principes généraux qui sous-tendent la recommandation du GCSCE voulant qu'il faut un nouvel instrument pour le commerce extérieur. À notre avis, les politiques en matière de culture et de commerce peuvent s'harmoniser. Nous estimons qu'il faut approfondir la recommandation la plus pressante qui se dégage du rapport du GCSCE, l'idée de créer un nouvel instrument culturel international.

Selon ce rapport, cet instrument établirait les principes de base devant présider à la formulation des politiques culturelles et au commerce des produits culturels, et permettrait à tous les signataires de maintenir des politiques qui assurent la promotion de leurs industries culturelles. Le rapport précise que cet instrument chercherait à réaliser un consensus de la communauté internationale au sujet de la nécessité d'encourager l'expression culturelle de chaque peuple et de mettre en place des règlements et autres mesures visant la promotion de la diversité culturelle et linguistique.

Les principes qui sous-tendent cet instrument demeurent une question fort importante. Étant donné que les résultats des négociations de l'OMC auront une incidence sur les industries culturelles du Canada, nous pensons qu'il serait préférable d'élaborer cet instrument dans le cadre de l'OMC plutôt que dans celui de l'ONU.

Même si les activités entreprises ailleurs produisent des discussions constructives concernant la nécessité de préserver les identités nationales, nous craignons que ces discussions n'aboutissent pas à un moyen efficace de faire face aux défis qu'affrontent les industries culturelles du Canada.

Pour terminer, le Canada se doit de jouer un rôle de premier plan afin d'encourager d'autres pays à soutenir et renforcer les systèmes de soutien pour la programmation nationale. Nous estimons qu'il faut étudier et mettre au point avec urgence l'idée d'un nouvel instrument culturel qui diffère de l'exemption culturelle générale prévue actuellement en vertu de l'ALÉNA. Nous estimons également que ce nouvel instrument doit être du ressort de l'OMC, car cet organisme est le plus en mesure de traiter de nos intérêts culturels.

• 1400

Cet instrument culturel doit, en fin de compte, prévoir: premièrement, une définition à la fois claire et complète de la radiotélédiffusion qui ne porte pas atteinte à notre modèle de réglementation; deuxièmement, l'accès équitable aux marchés étrangers; troisièmement, la capacité d'établir les exigences relatives au contenu national; quatrièmement, un élément de souplesse qui permet au gouvernement du Canada d'offrir des programmes d'encouragement au secteur culturel; cinquièmement, des mesures qui prévoient l'adoption de lois équitables en matière du droit d'auteur et de la propriété intellectuelle et, sixièmement, des mesures qui prévoient l'incidence des décisions prises à l'échelle internationale et/ou le commerce électronique sur l'efficacité des programmes d'encouragement culturel et des règlements sur le contenu. Nous comptons continuer de participer au processus de consultation pendant que le gouvernement se prépare pour les négociations.

Nous vous remercions de l'occasion de nous présenter devant le comité.

Le président: Merci beaucoup de nous avoir lu ce mémoire très intéressant.

Nous entendrons maintenant M. Peter Grant, qui doit certainement en savoir long au sujet du rapport du GCSCE.

M. Peter S. Grant (associé principal, McCarthy Tétreault, Barristers and Solicitors): Bon après-midi, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

J'apprécie beaucoup l'invitation que vous m'avez faite de témoigner ici. Je suis responsable du groupe des communications et des loisirs chez McCarthy Tétreault. À ce titre, au cours des années, je suis intervenu de diverses façons au nom de la plupart des industries culturelles appartenant à des Canadiens, y compris le secteur des magazines, l'industrie de la musique canadienne, les radiodiffuseurs et les entreprises de distribution canadiennes, les éditeurs de livres, les producteurs et les créateurs de films et de programmes télévisés. Mes activités professionnelles m'ont aussi amené à présider ou à coprésider divers groupes de travail et des études sur des politiques culturelles.

Je suis membre du GCSCE sur les industries culturelles et j'ai participé à l'ébauche de son rapport, diffusé en février 1999. Bien entendu, je souscris entièrement aux recommandations énoncées dans le rapport. Plus particulièrement, je suis tout à fait en faveur de l'idée d'un nouvel instrument international sur la diversité culturelle. Je crois que c'est un concept qui a été entériné dans les cercles internationaux, qui permettra d'intégrer dans les débats sur la culture et le commerce une communauté politique plus étendue. Ainsi, les décisions ne seront plus fonction uniquement des principes commerciaux découlant du commerce des biens et des services conventionnels.

Nous devons assurer un apport accru d'une communauté plus large dans les débats sur les questions culturelles parce que celles-ci dépassent largement les questions commerciales conventionnelles. En élaborant et en faisant la promotion d'un instrument distinct pour ces questions, le Canada pourra faire appel aux ministères de la Culture et aux industries culturelles du monde entier pour obtenir un consensus sur la notion selon laquelle les biens et les services culturels diffèrent très sensiblement des autres produits, et que des mesures structurales à l'appui de la diversité culturelle et linguistique devraient être mises de l'avant dans les accords commerciaux.

Ce nouvel instrument international pourrait, et à mon sens devrait, être établi à l'extérieur de l'OMC mais, en même temps—cela constituerait une solution de rechange possible—il serait tout à fait sensé pour le Canada de créer un groupe de négociations sur la culture à l'intérieur de l'OMC afin d'assurer que ces questions sont prises en compte lors des prochaines négociations commerciales. Nous savons très bien que le Canada subit des pressions importantes de la part de nos voisins du sud, qui lui demandent de geler ou même d'annuler les exemptions relatives aux industries culturelles qu'il a obtenues dans l'ALENA. Lors du cycle de l'Uruguay, cependant, le Canada a trouvé un terrain d'entente avec les membres de la Communauté européenne et a réussi à éviter toute annulation des mesures de protection du contenu national dans le domaine de l'audiovisuel.

Un nombre croissant de nos principaux partenaires commerciaux, hormis les États-Unis, reconnaissent qu'un règlement spécial et des mesures de soutien devraient protéger la programmation audiovisuelle indigène, sans quoi cette programmation sera à la merci d'une programmation créée pour le marché américain et diffusée là-bas. La programmation américaine n'est pas nécessairement plus populaire: elle est tout simplement moins cher.

Étant donné que la plupart des systèmes de radiodiffusion dans le monde appartiennent désormais à des intérêts privés, alors qu'ils étaient auparavant financés par les gouvernements, et étant donné que la radiodiffusion par satellite pulvérise littéralement les frontières internationales, on assistera à une intensification des pressions économiques favorisant la programmation américaine. Il incombera aux systèmes de radiodiffusion nationaux, comme celui du Canada, aussi interpellés dans cette arène, de continuer à assurer, au nom de l'autonomie et de la diversité culturelles, que les idées et les histoires du peuple à qui l'on radiodiffuse des émissions auront la place d'honneur au sein de leurs propres systèmes de radiodiffusion.

Le Canada partage ces inquiétudes avec beaucoup d'autres pays. Nous ne sommes pas seuls. Mais nous avons besoin d'un catalyseur comme ce nouvel organisme international pour rassembler les intérêts mondiaux. Ils pourront se pencher ensemble sur ces questions et se concentrer sur l'importance de maintenir et de promouvoir la diversité culturelle. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Grant. Je ne savais pas qu'un avocat pouvait se montrer si succinct. Je ne vous demanderai pas quel client paie pour cela. Merci.

• 1410

Monsieur Stoddart.

M. Jack Stoddart (président, Association of Canadian Publishers): Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, nous vous remercions de nous avoir invités ici aujourd'hui.

Je m'appelle Jack Stoddart, et je suis président de l'Association of Canadian Publishers. Dans mes temps libres, je suis éditeur, mais l'association gruge une grande partie de mon temps en raison de l'amoncellement de difficultés en jeu.

Ma présentation figure dans un document imprimé qui vous a été distribué. Plutôt que de la lire dans le détail, je parlerai plutôt d'autres difficultés, si c'est possible, et je vous demanderai de lire le mémoire quand cela vous conviendra. Nous pourrons ainsi aborder des points plus précis.

La propriété intellectuelle et les industries qui sont en jeu présagent assez éloquemment ce que le XXI*use*xx siècle nous réserve. Si notre pays et d'autres pays du monde croient que le contrôle, et dans un certain sens l'homogénéisation, des droits de propriété intellectuelle et de la culture sont des bienfaits pour l'humanité, alors je demande le droit de m'objecter. Je crois que ce qui fait du Canada le Canada est la nature de notre culture et, par culture, je n'entends pas les arts, je n'entends pas l'opéra, le ballet, etc. Ça, ce sont les arts en général. La culture est ce que nous sommes, ce que nous représentons, ce que nous pensons. Les véhicules que nous utilisons pour échanger cette culture sont les communications et certaines industries culturelles telles que celles des magazines et de l'édition de livres, de journaux, etc., et il y a des croisements.

Si nous adoptons la position selon laquelle tout est une question de commerce et que la base, c'est le commerce, je nous prédis un avenir bouché pour un nombre faramineux d'emplois et pour une grande partie de la capacité des habitants à rester au pays. Si nous décidons que ce pays sera unique, comme l'est la Grande-Bretagne, comme l'est la France, comme l'est l'Allemagne, et si nous empêchons qu'une langue commune ne nous amalgame tous dans une culture massive qui serait l'Amérique du Nord, ou n'inonde le monde entier au sens plus large, alors il faut trouver des solutions pour résoudre cette question.

Ce débat est très opportun. À l'évidence, l'OMC peut jouer un rôle dans cette tribune. Comme d'autres l'ont dit bien avant moi, et j'en suis sûr, comme d'autres continueront de le dire, on pourrait mettre sur pied un véhicule à l'intérieur de l'OMC qui serait axé sur la culture et les communications afin de favoriser l'élaboration de politiques et d'instruments qui assureront que les pays restent les pays qu'ils sont et ne deviennent pas un élément d'un vaste ensemble sans caractère. Si nous ne le faisons pas, si nous ne trouvons pas un véhicule à l'intérieur de notre propre gouvernement et de nos politiques gouvernementales pour protéger et pour favoriser le caractère unique de notre pays, je ne vois pas comment nous pourrions conserver le caractère unique de ce pays. C'est fondamental.

Bien entendu, on trouve des gens des deux côtés de la clôture. C'est un champ de bataille, un véritable conflit armé. Vous avez examiné le projet de loi C-55 et vous avez constaté toute les munitions de grande puissance qui étaient déployées, tout l'argent dépensé. La guerre fait rage, cela est évident et, quand il y a une guerre, les Canadiens ont l'habitude de rester très polis et de dire: «Eh bien, nous allons agir comme nous l'entendons et advienne que pourra.» Le Canada et les négociateurs commerciaux doivent comprendre que, si nous ne nous battons pas à forces égales avec les autres, et si nous ne nous donnons pas un véhicule qui nous permettra d'aller plus loin dans la bataille, nous aboutirons mauvais côté de la clôture.

L'industrie de l'édition du livre est une industrie à maints égards. Elle génère seulement 2 milliards de dollars par année, ce qui est très peu en regard des autres industries du pays. L'industrie des magazines n'est pas très importante non plus, et c'est le cas d'autres industries culturelles. Mais si vous vous attardez à la façon dont les artistes, les écrivains et les producteurs de ce pays continuent de remplir nos tablettes de livres et de magazines partout au pays, et réussissent même à exporter avec beaucoup de succès... nous avons construit un paysage littéraire et les étrangers veulent nous lire. Cela ne se passe pas à l'extérieur; cela se passe à l'intérieur de nos frontières. Nous avons fait un travail de construction énorme depuis les dernières 25 à 50 années.

• 1415

Que ce soit pour les entreprises internationales ou pour les entreprises appartenant à des Canadiens, les politiques et les structures qui ont été mises en place doivent nécessairement émaner de l'intérieur du pays et donner la primauté absolue au protectionnisme. Je sais que ce mot est démodé. C'est un concept dont plus personne ne veut parler; ce n'est plus correct de le faire. Mais si nous ne protégeons pas notre culture, qui le fera?

Je n'ai pas les réponses, et je ne crois pas que personne dans cette salle ne les a. Je crois qu'elles émergeront d'ici cinq ans. Mais si nous nous présentons aux négociations de l'OMC en s'imaginant que nous discutons uniquement des enjeux commerciaux pour l'industrie de la culture et des communications, j'ai vraiment le sentiment que nous en sortirons perdants.

J'espère que l'orientation que nous prendrons après ces audiences et après celles qui suivront privilégiera une réflexion solide à l'échelle internationale; et que le Canada ne se trouvera pas seul contre le reste du monde, contre les États-Unis ou quiconque. Les pays doivent former une coalition et trouver une position qui conviendra à tous, à tous les gens et à toutes les industries intéressés par la culture. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Stoddart. J'ai apprécié vos propos.

Nous allons rapidement passer la parole à la Canadian Magazine Publishers Association. Monsieur Thomson.

M. John Thomson (chef de l'administration, Société géographique royale du Canada et éditeur du Canadian Geographic Magazine; Canadian Magazine Publishers Association): Bon après-midi. Nous avons soumis un mémoire conjoint avec la Presse d'Affaires canadiennes. M. Michael Atkins représente cet organisme. Je passerai en revue ce mémoire avec vous, puis Michael ajoutera des remarques à la conclusion.

Premièrement, j'aimerais indiquer que nous apprécions beaucoup cette occasion que l'on nous donne de témoigner devant le comité aujourd'hui, et nous aimerions remercier le comité d'avoir entrepris ces audiences, notamment parce que les incidences de la prochaine série de négociations à l'OMC seront plus importantes que jamais pour les Canadiens. En effet, la prochaine série de négociations aura des conséquences beaucoup plus grandes qu'aucune autre série de négociations commerciales pour des domaines très sensibles de politique nationale qui ont toujours été la prérogative exclusive des gouvernements nationaux. L'un de ces domaines touchés est la culture.

On devrait s'assurer que la culture est traitée de façon à préserver le droit canadien à la souveraineté afin d'élaborer des politiques qui font de la protection de notre identité un but prioritaire. Au nom des Canadian Magazine Publishers, nous aimerions nous concentrer sur la question primordiale, à savoir quelle position faut-il donner à la culture pour atteindre ce but.

La culture devrait être traitée dans la prochaine série de négociations de l'une des deux façons suivantes. On pourrait en faire un point de discussion pour les divers domaines de négociations, par exemple, les services à l'intérieur de l'AGCS, la propriété intellectuelle dans l'ADPIC et l'investissement, ou on pourrait l'aborder comme un point distinct de l'ordre du jour qui a des facettes multiples et qui est particulier. Nous croyons fortement que le Canada devrait défendre la deuxième approche, et nous vous expliquerons pourquoi.

Premièrement, nous voulons souligner que cet exercice à lui seul ne suffira pas. Les discussions au sein de l'OMC devraient être appuyées par des consultations internationales parallèles, conduites par des ministres de la Culture, relativement aux questions de politique culturelle sous-jacentes. Ces consultations devraient essentiellement viser la mise sur pied d'un nouvel instrument sur la diversité culturelle, tel qu'il est recommandé dans le récent rapport des GCSCE.

Nous adoptons cette position parce que la culture n'est pas a priori un objet de commerce. En fait, il est secondaire de se demander si les règles commerciales devraient s'appliquer et comment elles devraient le faire. Avant de trouver des réponses satisfaisantes à ces questions, il faut établir un consensus autour des questions fondamentales liées aux politiques culturelles en jeu. La communauté internationale doit définir clairement les questions de politique culturelle qui sont en jeu, s'entendre sur des objectifs communs et décider quelles mesures sont nécessaires et justifiées pour atteindre ces objectifs.

Bien que l'OMC ait reçu le mandat de trouver une interface entre les politiques culturelles et les règles commerciales, sa position ne lui permet pas de traiter effectivement les questions de politique culturelle sous-jacentes. L'OMC n'est pas une tribune appropriée pour l'élaboration de politiques culturelles. Si des tentatives visent à résoudre les difficultés commerciales avant qu'un consensus ne soit établi relativement à un cadre de travail pour l'élaboration de politiques culturelles, il en résultera une division et des pression indues et inappropriées sur l'OMC. Au pire, le débat sur la culture se trouvera dans une impasse à l'OMC, ce qui serait loin d'être constructif en vue de la prochaine série de négociations.

Comme il a déjà été mentionné, la culture pourrait être inscrite à l'ordre du jour des prochaines négociations de deux façons. La première serait de traiter la culture de façon fragmentée, sous la forme de négociations distinctes pour le GATT, l'ADPIC et pour l'investissement. Cette approche sera probablement retenue par les États-Unis. Ceux-ci voudront obtenir des concessions et des mesures disciplinaires particulières pour chacun de ces domaines, afin d'entraver ou d'éliminer les politiques culturelles, telles que celles qui sont en vigueur au Canada, dans l'Union européenne et dans les pays en voie de développement. C'est ce que les États-Unis ont tenté de faire durant le cycle de l'Uruguay et durant les travaux de l'OCDE visant l'adoption d'un accord multilatéral sur l'investissement.

• 1420

Cependant, les négociateurs américains ont fait très peu de progrès à cet égard. Beaucoup de pays, y compris le Canada, n'ont pas considéré que l'Accord général sur le commerce des services pouvait s'appliquer à des secteurs de services culturels importants comme la radiodiffusion, la distribution des produits audiovisuels et la publicité. Ils voulaient empêcher le saccage des politiques et des programmes culturels nationaux dans ces domaines. Une approche similaire a été adoptée pour l'ADPIC, surtout en ce qui a trait à l'exclusion d'une règle relative au traitement national pour les droits d'auteur.

Lors des négociations sur l'AMI, le Canada et d'autres pays ont cherché à assurer que les politiques et les programmes culturels seraient exclus de la portée de l'accord. Il en a résulté que la culture a été évincée complètement lors des négociations commerciales et économiques. Le Canada est arrivé au même résultat lors des négociations de l'ALE et de l'ALENA, soit l'exemption de la question culturelle.

Si l'on permet aux États-Unis de faire de nouvelles pressions pour amener la question de la culture à l'ordre du jour sur une base sectorielle, il sera très difficile de défendre nos intérêts culturels et nous retrouverons dans une autre impasse, semblable à celle que l'on a connue pour l'AMI. Le traitement fragmenté de la culture s'inscrira dans une perspective plus étroite qu'un traitement exhaustif, qui favoriserait les discussions sur les incidences des politiques. La culture deviendrait une monnaie d'échange dans un processus de recherche de compromis dans les négociations commerciales, parce que les enjeux culturels seraient confondus avec les autres points de discussion.

La considération du domaine culturel dans une perspective horizontale non seulement serait plus appropriée, mais elle offrirait aussi beaucoup plus de chances de trouver des solutions efficaces aux questions liées au commerce. Pour réussir, il faudra trouver des moyens d'atteindre un consensus autour des questions de politiques culturelles sous-jacentes au débat sur le commerce.

La ministre Copps et les GCSCE ont déjà formulé des orientations en ce sens. En juin 1988, la ministre Copps a amorcé le processus lors du sommet des ministres de la Culture, processus qui a depuis été enrichi considérablement. Une autre réunion des ministres de la Culture est prévue en septembre prochain à Mexico. Le réseau des ministres de la Culture qui a été établi de même que cette réunion seront l'occasion d'entamer des discussions très serrées sur les questions de politique dans le domaine culturel aux échelons nationaux et internationaux. Ce réseau devrait devenir un forum de discussion sur les questions sous-jacentes au débat sur le commerce et la culture qui sera à l'ordre du jour des prochaines négociations de l'OMC.

En même temps, dans son rapport récent, les GCSCE donnent une analyse détaillée des questions en cause et recommandent entre autres l'élaboration d'un nouvel instrument international visant la diversité culturelle. Cette recommandation est fondamentale et devrait être adoptée et mise en oeuvre par le gouvernement canadien.

Ces initiatives sont essentielles à l'atteinte d'un consensus international sur les questions de politique culturelle en jeu afin que soit établi un cadre de travail sans lequel on ne pourra décider de la façon dont les règles commerciales internationales devraient être appliquées.

Comme le comité le sait déjà, l'avenir des éditeurs canadiens est en jeu dans le débat qui fait rage actuellement avec les États-Unis sur la politique culturelle canadienne. Après le succès obtenu par les États-Unis à l'issue du litige déposé contre nos mesures de soutien des magazines canadiens, le gouvernement a présenté le projet de loi C-55 pour maintenir la politique relative aux magazines d'une façon qui soit non seulement efficace mais aussi conforme aux obligations commerciales du Canada.

La nouvelle loi régit directement l'accès au marché des services de publicité dans le secteur des magazines afin d'empêcher des pratiques commerciales injustes qui, si elles sont permises, mettraient en péril la viabilité des éditeurs canadiens et l'offre de contenu canadien aux lecteurs canadiens. C'est une difficulté parallèle à celle qu'ont évoquée les radiodiffuseurs, qui sont aux prises avec des coûts de programmation de beaucoup inférieurs déjà amortis et qui entravent gravement la création de contenu canadien original.

La nouvelle approche préconisée dans le projet de loi C-55 est faisable et conforme à nos accords commerciaux parce que le Canada n'a jamais contracté d'obligations qui le forceraient à donner l'accès au marché des services de publicité en question. Cette position a été adoptée précisément pour préserver nos politiques culturelles, non seulement dans le secteur des magazines mais dans celui de la radiodiffusion aussi.

Les éditeurs de magazines canadiens espèrent que le projet de loi C-55 sera adopté. Il va sans dire que le Canada ne devrait pas faire d'autres concessions lors de la prochaine série de négociations à l'OMC, pour ne pas perdre l'avance prise grâce à cette loi. Cela suppose de ne pas ouvrir l'accès à notre marché des services de publicité ou de contracter de nouvelles obligations liées à l'ADPIC, telles qu'une règle relative au traitement national pour les droits d'auteur.

En conclusion, j'aimerais faire remarquer que l'existence de tous les pays est fondée sur un contrat social entre les citoyens et le gouvernement. Ce contrat s'appuie sur une communauté d'idées et de valeurs—une communauté distincte de valeurs. Ces valeurs sont l'essence de l'autodétermination nationale. Nos médias culturels rendent compte de ces valeurs qui définissent notre pays et notre autodétermination, et qui contribuent à leur maintien.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Thomson.

Monsieur Atkins, vous êtes le suivant.

M. Michael Atkins (président, Comité des affaires législatives, Presse d'affaires canadienne): Monsieur le président, tout d'abord les bonnes nouvelles: je serai bref. Notre mémoire reprend certaines des idées sur lesquelles nous avons réfléchi. Nous en sommes parvenus à ces conclusions après une guérilla qui a duré près de deux années, en ce qui a trait à la loi sur les magazines.

• 1425

Le président: Est-ce que ç'a été une guerre civile? Est-ce que ç'a été une guérilla avec le gorille américain, ou est-ce que ç'a été une guerre interne?

M. Michael Atkins: C'est un très bon point, parce qu'en fait, il s'agit des deux, n'est-ce pas? C'est notre faiblesse. Je pense, monsieur le président, que tout pays qui dépend de 40 p. 100 de son produit intérieur brut pour ses exportations et qui exporte 80 p. 100 de cette proportion vers un seul pays court des risques, peu importe.

J'attire l'attention sur l'édition de ce matin du Globe and Mail pour un exemple de comment la vie peut être fragile. Avec ces négociations qui sont en cours, si vous croyez ce qui est écrit dans les journaux—et je n'ai pas de raison de croire ou de ne pas croire ce qui est cité actuellement—nous sommes essentiellement en train de négocier contre nous-mêmes parce que nous avons peur de notre ombre. Il est difficile, lorsqu'on parle de l'infrastructure essentielle de ce pays, d'être en mesure de se connaître soi-même.

Il sera toujours difficile d'être où nous sommes sur ce continent et d'essayer d'avoir une forme quelconque de communication avec nous-mêmes dans cet univers auquel nous faisons tous face. Mais si je dois me fier à mon expérience des dernières années comme éditeur qui n'a jamais comparu devant ces comités et le genre de—tout le monde semble se connaître; je ne connais personne, je suppose donc qu'il y a bien des choses qui se passent dont je n'étais jamais au courant, mais j'ai appris beaucoup...

Le président: Les autres gens ont des cicatrices que vous n'avez pas. Ne vous inquiétez pas, vous les aurez aussi.

M. Michael Atkins: Précisément. Je viens de la capitale mondiale du nickel; c'est là que j'ai commencé mon aventure dans l'édition. Nous avons une chanteuse qui vient de là, mais c'est à peu près tout.

L'élément clé, c'est aussi de comprendre comment nous élaborons des politiques. Cela a été une des expériences les plus pénibles que j'aie jamais eues. C'est à cause de cette tension entre des gens qui sont préoccupés au sujet de questions commerciales—et c'est compréhensible, étant donné que nous avons beaucoup de bois à vendre—et d'autres gens qui sont préoccupés par d'autres questions, et qui essaient de mélanger les deux choses. Cela ne semble pas fonctionner aussi bien que ça devrait. Il ne faut pas considérer uniquement nos négociations dans l'OMC et la façon dont nous pourrions recommander la séparation du commerce et de la culture, mais aussi la façon dont nous élaborons nos politiques et la façon dont ces politiques aboutissent à la table de négociation.

Je dirais simplement que mon expérience à cet égard m'incite à penser qu'il y a un énorme travail à faire pour vraiment comprendre cette question et communiquer cela au reste du pays, qui est incrédule.

La question des magazines est difficile à expliquer. Lorsque les Américains décident de nous faire peur en disant «nous allons vous donner un milliard de dollars de ceci et un milliard de dollars de cela si vous ne faites pas attention», nous dévions complètement du sujet. Nous oublions que nous avons des droits et que nous avons déjà négocié nos positions, et nous commençons à essayer d'accéder aux demandes. Je vous invite à lire le Globe and Mail pour voir comment nous essayons d'accéder d'abord aux demandes au lieu de dire quelles sont nos politiques traditionnelles, pourquoi elles sont efficaces et pourquoi il faut les maintenir.

J'espère que les travaux de ce comité mèneront à un appui sérieux aux idées qui ont été présentées autour de la table. Mais j'espère que ça ira plus loin, jusqu'au point où le gouvernement pourrait se pencher sur la façon dont il élabore et fait connaître sa politique, parce qu'il y a un fossé. Vous avez fait référence à la guerre civile. Il y a un fossé, et je crois que si les gens parvenaient à mieux comprendre les questions, il y aurait plus de soutien pour le genre de politiques culturelles que l'on défend ici.

La presse spécialisée du Canada n'a jamais participé à ce processus. Nous collaborons étroitement avec la Canadian Magazine Publishers Association, et nous espérons votre réussite.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Atkins.

Nous passons maintenant à la Canadian Independent Record Production Association, monsieur Chater.

M. Brian Chater (président, Canadian Independent Record Production Association): Merci beaucoup. Mon collègue, M. Mair, m'a suggéré de dire simplement que j'étais d'accord avec tout et de me rasseoir, mais je vais quand même dire quelques mots de plus. Merci beaucoup de m'avoir invité à présenter un exposé devant vous sur cet important sujet.

• 1430

Je m'appelle Brian Chater. Je suis président de la CIRPA, la Canadian Independent Record Production Association. Je suis accompagné d'Alexander Mair, président du Comité des affaires gouvernementales de la CIRPA et président d'Attic Records, une entreprise canadienne de Toronto qui connaît beaucoup de succès.

Je vais commencer en vous donnant quelques renseignements généraux sur ce qu'est la CIRPA et quelles sont ses activités. La CIRPA représente plus de 150 entreprises de l'industrie du disque appartenant à des intérêts canadiens, d'un bout à l'autre du pays; comme l'indique le nom de l'association, nous nous occupons principalement des maisons de disques et de production.

Notre mandat est de représenter les intérêts de nos membres dans le traitement de questions liées au gouvernement, comme notre comparution ici aujourd'hui; dans la commercialisation des produits d'entreprises canadiennes dans le monde entier, par des activités comme l'installation du stand du Canada lors de foires importantes de l'industrie du disque; et dans la prospection de la clientèle et l'éducation, par l'organisation de séminaires et d'ateliers, en personne, et dans un proche avenir, sur Internet.

Nous avons suivi avec intérêt le processus entamé par le ministre le 9 février, et durant l'exposé, nous allons formuler des commentaires sur des points qui ont été soulevés lors de diverses séances du comité.

Nos commentaires aujourd'hui porteront sur la culture, sur des questions liées à la propriété intellectuelle et sur le commerce électronique.

Nous sommes tout à fait d'accord avec le contenu du document d'information diffusé par le ministère, dans lequel on dit que le Canada bénéficie de règles commerciales claires et prévisibles, que la préservation et la promotion de l'identité culturelle est un objectif central pour le Canada dans toute négociation commerciale internationale, et que le Canada devrait suivre des politiques qui maximisent les occasions d'affaires et réduisent les incertitudes.

Au XXIe siècle, les droits de propriété intellectuelle, ainsi que les idées et les services fondés sur ces droits joueront un rôle de plus en plus important dans l'économie des pays, et des lois efficaces et uniformes sont extrêmement importantes pour la prospérité future du Canada.

Nous comprenons tout à fait les inquiétudes du ministre au sujet du processus et de la façon de s'y prendre, et en général nous appuyons son approche intermédiaire des grappes. Il est clair qu'il est nécessaire d'agir dans le cadre de ces négociations, mais il est tout aussi clair que de faire avancer l'ensemble des sujets sur la voie rapide s'avérera excessivement difficile, sinon impossible. D'autre part, y aller question par question ne permettra pas non plus de résoudre le problème, étant donné que souvent des groupes de questions sont fortement interdépendants.

Nous sommes d'accord avec les commentaires du ministre, selon lequel il y a un nombre croissant de pays qui s'inquiètent au sujet de la culture, et nous sommes d'accord avec cette volonté de discuter de cette question maintenant plutôt que dans des rondes ultérieures, même si cela peut être un nouveau «plat exotique» au menu, et le Canada a bien l'intention de faire connaître avec vigueur son point de vue sur cette question.

Il ne faut pas oublier que les produits de divertissement, comme les appellent les Américains, sont maintenant la principale exportation des États-Unis, et devancent même les produits de l'industrie aérospatiale.

On dit souvent que les États-Unis sont entièrement en faveur du libre-échange jusqu'à ce qu'ils l'obtiennent. Des exemples de cette réalité sont courants. En effet, dans un article paru récemment dans The Economist et qui portait sur la politique commerciale des États-Unis, on fait remarquer que l'industrie de l'acier vise activement la protection avec d'énormes rassemblements dans les États du «steel belt» et des annonces publicitaires qui invitent les Américains à défendre l'industrie de l'acier, et fait des pressions sur le Congrès pour qu'il soit plus facile d'obtenir de la protection contre les importations.

La Maison-Blanche a déjà proposé un programme de subventions, y compris 300 millions en allégements fiscaux, et on fait beaucoup de pression sur elle pour qu'elle aille plus loin. D'après The Economist, il est peu probable aussi que la classe politique se batte particulièrement fort pour le libre-échange. Les Républicains sont divisés et ne pensent pas obtenir beaucoup de votes en prenant la défense du libre-échange, et la plupart des Démocrates accueillent favorablement les arguments protectionnistes.

Quoi que dise le gouvernement américain au sujet du libre-échange, lorsqu'on regarde les choses de près, la réalité, sur le marché américain, est souvent très différente du monde idéal de libre concurrence que préconisent les États-Unis.

Un exemple dans le domaine de la musique et de la télévision est celui de MuchMusic et de sa tentative d'accéder aux réseaux de câblodistribution de la ville de New York afin de susciter l'intérêt des acheteurs-médias nationaux aux États-Unis. La réalité, dans le cas du marché des médias américains, est que ce marché est contrôlé par une poignée de grandes compagnies qui, souvent, contrôlent également les réseaux de câblodistribution. Dans la ville de New York, les réseaux de câblodistribution appartiennent à Time Warner, qui se trouve être propriétaire de MTV et de VH1 également.

La réalité commerciale de cette situation est que MuchMusic est en concurrence avec des producteurs américains comme MTV et VH1 pour le difficile accès aux réseaux de câblodistribution, et que ces compagnies sont dans le même domaine et appartiennent, comme nous venons de le dire, au câblodistributeur local et font partie d'une société plus grande qui est en mesure d'offrir un grand nombre de canaux au câblodistributeur et qui peut donc faire du marchandage dans des négociations en disant que pour obtenir ceci vous devez diffuser cela, par exemple. Jusqu'à présent, MuchMusic n'a pas réussi à obtenir la diffusion par câble à New York.

La réalité de ce qu'on appelle les règles du jeu équitables en matière de produits culturels et de l'efficacité du libre-échange et des marchés ouverts n'est tout simplement pas celle qu'on dit, dans le monde réel.

Comme tout le monde sait, nous vivons d'énormes changements structuraux dans notre société qui vont modifier de façon radicale les rapports entre les branches d'activité et les pays au cours du siècle prochain. Afin de survivre en tant que pays, tant sur le plan culturel que du point de vue économique, nous devons défendre nos intérêts dans un grand nombre de domaines différents, dont celui de la culture.

«Le Canada est l'avant-garde», a dit Christopher Sands, directeur du projet Canada au Centre for Strategic and International Studies de Washington:

    Les États-Unis disent «nous devons tracer une ligne de démarcation sur le sable par rapport au Canada.» Nous avons vu que cela s'étendait, que ce problème n'était plus uniquement bilatéral. C'est au Canada que l'on s'attaque en premier aux problèmes. Si nous ne les résolvons pas ici, nous allons voir surgir des barrières dans le monde entier.

• 1435

Mais ce qui est encore plus déterminant que les échanges commerciaux, ce sont les conséquences pour les politiques du gouvernement fédéral. Une défaite dans la question des magazines pourrait révéler l'idée fausse, gênante mais courante au Canada, au sujet de l'ALENA, et de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis qui l'a précédé, à savoir que ces politiques protègent totalement la culture.

Si le Canada cède, ce sera probablement la mort de l'industrie canadienne des magazines. Cela aiguiserait l'appétit des États-Unis pour d'autres concessions. Quel que soit le résultat, personne ne doit s'attendre à ce que les choses en restent là. L'expérience vécue dans d'autres secteurs laisse penser que les Américains vont continuer à faire pression pour atteindre leurs buts.

La CIRPA est d'avis que la situation actuelle de l'ALENA et de l'OMC est clairement inadéquate. Nous ne pouvons continuer à faire semblant que les industries culturelles sont protégées dans le cadre de ces accords, alors que les événements et les mesures qui sont prises montrent clairement que ce n'est pas le cas. En raison de règles peu claires ou qui semblent être contradictoires.

L'annexe 2106 de l'ALENA fait référence à l'article 2005 de l'ALE, paragraphes 1 et 2. Bien qu'il n'y ait pas eu de différends officiels depuis l'entrée en vigueur de l'ALE, il est tout à fait clair que les industries culturelles du Canada sont peu protégées dans les faits, compte tenu du paragraphe 2 de l'article 2005 de l'ALE, contrairement aux opinions qui avaient été exprimées à l'époque—et qui plus est, l'ancien ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, M. Art Eggleton, a admis cela dans des déclarations faites à la presse en janvier 1997.

Comme le sait le comité, le GCSCE des industries culturelles a rendu public récemment un rapport détaillé au sujet duquel le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, M. Marchi, a dit, dans un communiqué de presse, qui constituerait la base pour des discussions éclairées au sein du comité permanent. Nous sommes d'accord avec le ministre et accueillons favorablement les conclusions contenues dans ce document, notamment celle relative à la nécessité d'avoir une nouvel instrument international qui protégerait et favoriserait la diversité culturelle, et nous allons continuer à partir de là.

La CIRPA est en faveur des principes et objectifs énoncés par le GCSCE et recommande le contenu du rapport comme une bonne clarification des nombreuses questions complexes que comporte cette discussion. Notre association appuie entièrement la recommandation voulant qu'une démarche en vue de la création d'un nouvel instrument international fasse partie de la politique du gouvernement canadien.

Nous remercions le comité pour le temps qu'il nous a accordé. Nous répondrons volontiers à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Chater.

Vous voudrez peut-être vous rappeler les sages mots de George Will. Lorsqu'on a affaire aux Américains, avait-il dit, le libre-échange est quelque chose qui se situe entre le christianisme et le jogging. C'est une chose dont on parle beaucoup, mais qui est peu pratiquée.

Nous allons passer à WIC Premium Television, monsieur Buchanan.

M. Grant Buchanan (vice-président, Affaires générales, WIC Premium Television): Monsieur le président, membres du comité, je m'appelle Grant Buchanan et je suis vice-président, Affaires générales, de WIC Premium Television Ltd. Notre société est la titulaire de licence de télévision payante dans l'Ouest du Canada pour Superchannel, MovieMax!, et Viewer's Choice, un service de TV à la carte. Par l'entremise de Superchannel, nous détenons des intérêts dans Family Channel (Canal Famille) et dans Teletoon. Nous détenons également une licence de service vidéo sur demande. En général, on peut donc dire que nous faisons partie de l'industrie cinématographique.

La contribution de l'industrie de la télévision payante et de la TV à la carte au secteur canadien de la production de films a été et continue d'être la source de financement privée la plus importante de cette branche d'activité. Depuis l'avènement de la télévision payante, notre industrie a dépensé plus d'un quart de milliard de dollars pour des longs métrages canadiens. Tous les ans, nous contribuons plus de 20 p. 100 de nos revenus bruts—plus de 22 millions de dollars—à des films canadiens produits par des producteurs indépendants, par l'intermédiaire de droits de licence, de placements en actions et de fonds d'élaboration et rédaction de scénarios.

Depuis leur création, nos réseaux ont versé des droits de licence pour pratiquement chaque long métrage canadien, en plus des films canadiens réalisés pour la télévision payante. Sur les ondes, 30 p. 100 de nos heures de grande écoute sont consacrées à du contenu canadien, et nous utilisons nos canaux de TV à la carte, nos canaux d'autopublicité pour la télévision payante et nos guides mensuels des émissions payantes pour mettre en évidence les films canadiens. La promotion constante et la diffusion subséquente de ces longs métrages canadiens sur nos réseaux contribuent à créer un auditoire pour les talents de chez nous.

Malgré toutes ces bonnes nouvelles, d'aucuns disent qu'il faudrait se débarrasser du régime actuel et le remplacer par un marché totalement libre. Évidemment, nous sommes d'un autre avis.

Le comité n'aura pas du mal à comprendre que ce ne sont pas les créateurs ou les distributeurs de films ou d'émissions étrangers, en particulier américains, qui se plaignent le plus au sujet de la politique du Canada en matière de télédiffusion. En fait, on aurait de la difficulté à trouver même un seul producteur ou distributeur qui n'a pas réussi à obtenir des droits de licence ou à vendre des émissions au Canada à des conditions acceptables pour les deux parties.

Il n'est donc pas surprenant si les intérêts américains qui se plaignent le plus fort au sujet de la législation restrictive du Canada sont les intermédiaires ou les gens qui s'occupent du contenu des émissions pour le marché intérieur américain. Bien sûr, je parle des services de programmation.

• 1440

Il est facile de voir pourquoi ces sociétés voudraient annexer le marché canadien; il serait si simple pour elles de l'approvisionner sans coûts supplémentaires, ou à peu de frais. Bien que des sociétés américaines puissent décrire cette activité comme étant un assujettissement des services canadiens aux conditions du marché, il y a peu de doutes quant au résultat. Compte tenu de la nature intégrée de ces sociétés géantes américaines, il n'y aurait certainement pas d'accès réciproque au marché intérieur américain, et nous avons entendu il y a quelques instants l'exemple concernant MuchMusic. Avec le temps, les services canadiens finiraient sans doute par perdre tant le contenu des émissions que la part de marché au profit de sociétés plusieurs fois plus grandes qui ne seraient pas assujetties à des obligations similaires de mettre en évidence la programmation canadienne. Et bien sûr, sans accès à ces populaires géants américains, il est très peu probable que nous serions en mesure de continuer à soutenir l'industrie cinématographique canadienne.

Une des raisons les plus couramment invoquées pour se débarrasser de ce régime, la situation actuelle, est celle que les nouvelles technologies ne permettent pas de toute façon d'imposer une réglementation. Eh bien, il ne fait pas de doute que ces nouvelles technologies rendent effectivement les choses plus difficiles. Elles représentent des défis pour les législateurs, ainsi que pour les organismes de réglementation et d'exécution. Cependant, les restrictions géographiques imposées à la distribution d'émissions ont toujours fait partie, et feront toujours partie, des plans des détenteurs du droit d'auteur visant à maximiser le rendement sur l'investissement qui a créé cette valeur active. Ce n'est pas différent du franchisage.

• 1445

Même à l'intérieur des États-Unis, des lois internes empêchent les abonnés de certaines régions d'avoir accès à certaines émissions diffusées par satellite. Les exploitants américains de services de diffusion directe par satellite ne sont pas autorisés à transmettre des émissions de réseaux américains éloignés à des abonnés qui habitent dans des régions desservies par des stations affiliées. De façon analogue, diverses équipes et ligues limitent, par des ententes contractuelles, la capacité de fournisseurs américains de services de diffusion directe par satellite d'offrir l'accès à certains événements sportifs à des abonnés qui vivent à l'intérieur ou à l'extérieur de zones déterminées. Les limitations géographiques peuvent et continueront d'exister.

Nous avons également un chapitre moins heureux dans notre histoire. Au cours des douze dernières années, nous avons dû lutter contre le braconnage commis sur notre territoire par des services américains, sur le marché gris illégal. Je ne suis par sûr, monsieur le président, s'il s'agit là d'une guérilla ou d'une guerre civile, mais en fin de compte, d'une façon ou d'une autre, nous avons jugé nécessaire de porter plainte au civil contre un certain nombre de défendeurs qui, prétendons-nous, se sont faits complices, en y contribuant, d'entrave aux contrats que nous avons conclus avec des fournisseurs d'émissions. En vertu de ces contrats, nous avons acquis des droits exclusifs pour la diffusion de ces émissions sur notre territoire durant notre fenêtre, tout comme les services en question ont acquis, en vertu de leurs contrats, le droit de diffuser leurs émissions à l'intention des Américains.

Ce décodage illégal en territoire canadien par des services américains qui n'ont acquis que des droits américains enrichit chaque mois des sociétés américaines de millions de dollars nets d'impôt. Pendant que des représentants des industries culturelles américaines font régulièrement la leçon au monde au sujet de la nécessité de respecter les lois et les contrats relatifs à la propriété intellectuelle, des sociétés américaines hautement intégrées récoltent les profits de la vente, à des Canadiens, d'émissions pour lesquelles elles ne détiennent pas de droits canadiens.

En terminant, monsieur le président, voici mes remarques concluantes à l'intention du comité. Les services de télévision payante et de TV à la carte représentent une contribution précieuse à la mosaïque culturelle canadienne. Le cadre réglementaire de la Loi sur la radiodiffusion peut et doit survivre à l'avènement des nouvelles technologies. Notre entreprise approuve l'idée d'un nouvel instrument culturel tel que recommandé par le GCSCE et par de nombreux orateurs qui nous ont précédés.

Enfin, il est clair que le commerce et la culture sera un thème clé lors de la prochaine ronde de négociations de l'OMC. S'assurer que cette question est traitée d'une manière qui préserve notre droit souverain de suivre des politiques qui protègent notre identité culturelle devrait être un objectif prioritaire.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur.

• 1450

Maintenant, nous passons aux Cahoots Theatre Projects, Hamal Docter. Comment un joli théâtre se retrouve-t-il au sein de ce groupe de personnes? Comment vous êtes-vous faufilé ici?

M. Hamal Docter (directeur général, Cahoots Theatre Projects): Je me sens tout petit ici.

Merci, monsieur le président et membres du comité, de me donner cette occasion d'exprimer mon point de vue aujourd'hui.

Je suis ici à titre de représentant de Cahoots Theatre Projects. Il s'agit d'une troupe professionnelle vouée à la création, à la production et à la présentation de pièces de théâtre qui reflètent et représentent la diversité culturelle du Canada. Essentiellement, nous sommes une compagnie de théâtre multiculturelle.

[Français]

J'ai le regret de vous dire que je n'ai pas eu la chance de faire traduire les documents que je vous présente aujourd'hui. J'espère que le comité pourra les faire traduire pendant les prochaines semaines et que vous aurez tous et toutes la chance de les lire avant de présenter vos recommandations à la Chambre des communes, en juin.

[Traduction]

La force d'une nation ne peut être mesurée d'après son PIB, parce que ce sont ses habitants, par l'entremise de la culture, qui, essentiellement, nous représenteront du point de vue historique et, inévitablement, dans le futur. Nous ne nous souvenons pas comment les Grecs, les Romains et les Égyptiens se tiraient d'affaire du point de vue économique ou comment ils commerçaient, mais nous possédons beaucoup, beaucoup d'artefacts de leur vie artistique. C'est ce que je voudrais que le Canada préserve.

Faisant partie des gens ordinaires, on se dit: «De quoi je m'inquiète? Je ne suis pas dans une guerre commerciale avec les États-Unis, pas encore». Ma grande inquiétude a trait au fait que si nous ne faisons pas en sorte que l'exemption de la culture devienne une réalité, une politique commerciale va ouvrir la voie à l'échec de la politique qui suit; c'est une réaction en chaîne. Ainsi, cela touche absolument les gens ordinaires.

C'est tout aussi important pour nous, nous en tant qu'organisation multiculturelle—c'est la raison pour laquelle je crois devoir m'exprimer aujourd'hui—de faire remarquer que la diversité culturelle et les échanges culturels sont les moteurs au sein de la collectivité multiculturelle du Canada, et en particulier au sein des collectivités d'immigrants qui créent du théâtre représentatif des origines diverses des gens du Canada.

Je voudrais mentionner le fait que le Canada peut servir de modèle au monde sur le plan culturel. La culture du Canada est ce qui exprime ce que nous sommes en tant que peuple. C'est intangible. C'est une culture pluraliste et elle reflète et représente tout et toute composante de notre mosaïque culturelle. Cette diversité est la force du peuple canadien. Le modèle multiculturel canadien fonctionne. En fait, il est envié dans le monde entier, et d'autres pays ont fini par adopter certaines de nos politiques et de nos programmes, et notamment, tout récemment, l'Afrique du Sud.

La culture canadienne ne domine pas le monde. Cependant, nous devons faire en sorte que le multiculturalisme, notre pluralisme culturel, puisse exister dans le contexte mondial même lorsqu'il est question de commerce. Toutes les cultures ne peuvent pas exister sur un pied d'égalité. Nous devons cependant permettre l'autodétermination, l'expression de soi et la liberté de s'extérioriser. Le modèle de multiculturalisme canadien peut et devrait être adopté par notre société mondiale, pour faire en sorte que le pluralisme culturel continue d'exister dans le monde entier.

Les échanges culturels sont un aspect que j'ai mentionné précédemment et qui joue un rôle clé dans l'élaboration de la politique multiculturelle du Canada et, fondamentalement, dans l'évolution de notre société; c'est donc un élément clé en ce qui a trait aux conséquences du pluralisme culturel sur le plan international. Les échanges culturels favorisent la compréhension, l'appréciation, l'innovation et le choix. À l'intérieur du Canada, nous trouvons des exemples d'art autochtone, français, anglais, ukrainien, hollandais, antillais, africain, chinois et indien, pour ne nommer que ceux-là.

Est-ce que tous les pays peuvent en arriver à comprendre les cultures d'autres pays? Pouvons-nous enfin apprendre à apprécier l'individualité et l'expression de soi, ou est-ce que les règles du commerce exigent un vainqueur dans le combat pour la domination culturelle?

Lors des négociations avec l'OMC, je pense que c'est sur ce point que nous devons prendre position. Nous abordons cela d'une drôle de façon... et je dois en quelque sorte m'éloigner de mon mémoire autant que possible. Je vous suggère de lire mon mémoire plus tard. Il contient des recommandations détaillées. Mais je dirais que le plus gros problème auquel nous faisons face, non seulement dans l'élaboration de notre politique culturelle, mais également au sein de l'OMC, est le fait de traiter cette question au cas par cas.

• 1455

Si nous ne considérons pas l'expression de la culture dans son ensemble et l'incidence qu'elle a sur divers aspects, si nous n'abordons pas la question de cette façon—globalement—nous n'aboutirons jamais aux détails qui représentent des protections efficaces de la culture de différents pays. Il faut aborder la question globalement, et je pense vraiment qu'il s'agit là de l'élément clé qui devra être traité lors de la troisième conférence ministérielle cet automne.

La culture fait partie de la vie quotidienne, tant au Canada que dans le reste du monde. Il faut en discuter dans le cadre de la ZLEA et de l'OMC, ainsi que dans le cadre d'autres accords commerciaux internationaux. Si la culture n'est pas à l'ordre du jour de cette importante conférence, nous risquons de voir la mise en péril et la remise en question, par l'OMC, de chaque mécanisme de politique culturelle qui été mis en place au Canada au cours des cinquante dernières années.

Afin de permettre l'expression culturelle d'un pays ou d'un peuple, nous devons faire en sorte qu'il y ait de la place pour le multiculturalisme et le pluralisme culturel dans le contexte du commerce mondial. La meilleure façon d'y parvenir est par l'entremise de l'OMC. Sinon, les conséquences peuvent être une montée du nationalisme et des répercussions potentiellement désastreuses d'une situation où un peuple défend agressivement sa culture.

Je vais mettre en évidence quelques-unes de mes recommandations. Ma première recommandation a trait à une clause d'exemption culturelle dans le cadre de tous les accords commerciaux internationaux actuels et futurs, sans qu'il y ait la possibilité, pour d'autres parties, de prendre des mesures de rétorsion. Comme complément à cette clause, la création d'un instrument ou d'un pacte international pour protéger la culture de tous les pays, comme on le suggère dans le rapport du GCSCE, serait une excellente idée, mais je crois que cela doit se faire en plus de l'inclusion d'exemptions culturelles dans les accords commerciaux.

Je vais aborder la conférence de l'OMC. C'est ce qui importe vraiment. Si on considère ce sujet, chaque différend commercial qui a surgi ou qui va surgir à l'avenir est soumis à l'OMC. Il y a eu huit cas en matière de culture. Trois ont été résolus. Tous ont abouti à l'affaiblissement d'une politique culturelle d'un pays. L'OMC est l'organe qui va réglementer et, essentiellement, statuer sur des litiges, de sorte que si nous ne créons pas un mécanisme au niveau de l'OMC, nous allons perdre tout combat ultérieur. C'est aussi simple que cela.

Le président: Je vais devoir vous demander de conclure.

M. Hamal Docter: D'avancer en quelque sorte?

Le président: Oui. Nous sommes en train de manquer de temps.

M. Hamal Docter: D'accord. Je vais simplement ajouter un dernier point. Nous pouvons aller là-bas et nous battre pour notre culture à l'étranger, mais nous devons lutter pour elle chez nous également. Le Canada a élaboré de formidables politiques au cours des cinquante dernières années, mais elles doivent être révisées, à mon avis.

Depuis la Commission Massey de 1949—bien qu'elle ait mis en place de merveilleuses institutions—les données démographiques ont changé de manière importante, tout comme notre approche vis-à-vis du commerce, etc. Essentiellement, je recommande que nous entreprenions immédiatement une étude sur la culture et sur ses effets les plus généraux, en prenant, encore une fois, une approche globale vis-à-vis de la culture, à l'intérieur du Canada. Quelle est l'incidence de l'immigration? Quelles sont les données démographiques qui changent? Le fait que nous ne serons pas un pays aussi «eurocentrique» dans vingt ans aura un impact important sur la culture, et nous devons nous préparer pour ces aspects.

Je félicite le Comité permanent du patrimoine canadien de tenir des audiences sur l'élaboration d'une politique culturelle pour le XXIe siècle. Je félicite le groupe de travail de la CCA sur la politique culturelle pour le XXIe. Je félicite le GCSCE pour son rapport. Ce sont de merveilleux documents. Cependant, leur portée n'est pas assez vaste pour pouvoir aborder vraiment les questions liées à la culture au cours des vingt à trente prochaines années, et je pense que nous devons commencer à regarder dans cette direction à l'approche de ces accords commerciaux internationaux.

Le président: Merci beaucoup.

Très rapidement, avant de passer aux autres questionneurs, est-ce que vous approuvez la recommandation du GCSCE, cependant, qu'il y ait un instrument culturel pour chapeauter le...?

M. Hamal Docter: Je l'approuve.

Le président: D'accord.

M. Hamal Docter: Je n'ai pu lire à ce sujet que récemment.

Le président: Vous estimez peut-être qu'elle ne va pas assez loin, mais que c'est au moins un début?

M. Hamal Docter: C'est un superbe début.

Le président: Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai: Merci.

Merci beaucoup d'être venus. C'est vraiment une grande délégation ici. Regardez tout ce que nous devons lire. J'imagine que c'est de la surcharge d'information. Il nous faut des experts d'IBM.

Je vais me lancer dans ça d'après ce que je comprends, d'après le point de vue de mon parti et d'après ce que j'ai entendu de la part de mes électeurs, et je vais aborder ces questions. Vous avez formulé de très bonnes déclarations, je crois que personne ne va contester cela. Où le problème semble prendre naissance, c'est à l'intérieur du Canada même, en ce qui a trait à la réalisation de ces objectifs, comme vous dites.

• 1500

Je peux comprendre la grande crainte qu'éprouve votre secteur à l'égard de la domination des États-Unis. C'est compréhensible. Cela menace le secteur dans le cadre du libre-échange—Mais le problème auquel nous faisons face, de l'avis de mon parti, est que la façon dont on défend cette culture aujourd'hui est très sévère. Le projet de loi C-55 est, pour nous, une législation très sévère qui a une incidence sur d'autres facteurs, sur des droits, et cela s'entend dans ce que vous essayez de dire au sujet de l'OMC, lorsque vous dites enlevons les exemptions.

Mais je vais vous lire des mots qui ont été dits. Vous avez besoin de commerce, et on dit ici même, comme un des objectifs, «exportation d'émissions canadiennes». Vous voulez utiliser ce marché, mais comment allons-nous protéger le nôtre sans l'ouvrir?

En passant, voici comment je considère moi-même ce débat: nous sommes en train de protéger un marché intérieur, mais beaucoup de Canadiens questionnent cela. Les gens de l'industrie de la télédiffusion qui ont présenté les exposés ont tous dit que leurs affaires étaient touchées parce que le client canadien ne souhaite pas regarder bon nombre d'émissions, parce que le CRTC a dit qu'il allait exiger 30 p. 100, puis 45 p. 100, nous imposant ainsi des choses...

En outre, ce monsieur a dit que la culture canadienne évoluait, n'est-ce pas?

Une voix: Oui.

M. Deepak Obhrai: Elle évolue aussi. Il y a beaucoup de choses... Je pense donc que quand vous venez ici et que vous demandez à votre industrie... ce que je proposerais, ce sont de nouvelles approches, de nouveaux défis, non la vieille sévérité traditionnelle. Je crois que c'est dans cette direction que cela semble aller. Ainsi, la question, relativement à l'OMC, est de cette nature. Le défi a trait à l'adhésion de votre industrie. Comment allons-nous aborder cela?

Le président: Monsieur Stoddart.

M. Jack Stoddart: Est-ce que je peux formuler simplement un commentaire? N'étant pas un éditeur de magazines, je voudrais simplement effleurer le sujet du projet de loi C-55. Très sévère? Eh bien, le mécanisme est peut-être sévère, oui, parce qu'il y a une bataille. Cependant, y a-t-il un magazine américain que l'on ne peut pas se procurer facilement au Canada? Y a-t-il un magazine américain présent aux États-Unis qui n'est pas présent au Canada? Il se peut qu'il y en ait quelques-uns que les éditeurs américains ne souhaitent vendre dans ce pays. Combien de magazines canadiens peut-on se procurer facilement ou autrement aux États-Unis?

L'essentiel, en ce qui a trait au projet de loi C-55, c'est que nous n'excluons rien. Nous n'excluons pas le produit. Nous n'excluons pas la rédaction. Nous n'excluons rien. Ce que le gouvernement essaie de faire est de s'assurer qu'il y a une industrie qui diffuse des textes et des réflexions de Canadiens et de Canadiennes à l'intention des Canadiens et Canadiennes. Je serais d'accord avec vous à 100 p. 100 si nous étions en train d'exclure quoi que ce soit. Tout ce que nous disons est que si c'est une concurrence absolument ouverte du point de vue commercial, un marché ou une industrie qui ne représente pas plus que 7 p. 100 ou 6 p. 100—parce que si l'on réunit la composante française et la composante anglaise, en fait l'anglais ne représente pas plus que 6 p. 100 ou 7 p. 100—on ne peut faire de la concurrence avec des publications canadiennes.

M. Deepak Obhrai: Ainsi, le défi qui va se poser sera celui-ci: allons-nous considérer toute la culture comme une exemption et la ranger d'un côté en disant qu'il ne faut pas y toucher? Par la suite, toutes ces règles et tous ces règlements commencent à l'étouffer, comme disait ce monsieur. Ou est-ce qu'on va se demander quelle est la meilleure méthode pour notre industrie et pour les objectifs que vous avez énoncés, c'est-à-dire diffuser nos propres histoires, aller sur le marché et faire cela? Voilà le défi; c'est sur cela que nous devons réfléchir. Mais est-ce qu'on va sortir la culture et dire que nous la mettons hors de portée?

M. Jack Stoddart: Je suis d'accord avec ça, mais je dirais que l'étude qui a été faite... que le remplacement du projet de loi C-55 ou la législation antérieure qui était en place... Sortir cette question et simplement donner des subventions pour s'assurer que la voix des Canadiens est entendue a coûté entre 400 et 600 millions de dollars par an. Je ne connais aucun gouvernement au monde, pour un pays de cette taille, qui est prêt à dépenser 400 millions par an pour s'assurer que les Canadiens sont entendus dans leur pays, alors qu'en réalité nous disposons d'un mécanisme qui fonctionne très bien et qui n'exclut aucune publication américaine.

• 1505

M. Deepak Obhrai: Non, donc c'est toujours dans le cadre de l'OMC que nous parlons d'exemption culturelle, ou allons-nous considérer la question...? Voyez-vous, si nous établissons nous-mêmes une exemption culturelle, ma crainte est que nous allons subir des pressions, comme l'indiquait le projet de loi C-55, et nous allons en subir davantage, et puis on va dire non, non et non, touchant ainsi l'ensemble... ce genre de choses.

Je vous demande donc, est-ce que c'est le temps de réfléchir? Je ne dis pas ne pas atteindre les objectifs que vous avez fixés—oui, atteindre ces objectifs-là—mais quelle est la meilleure façon de procéder? Est-ce que c'est le temps de réfléchir?

M. John Thomson: En tant que représentant de la Canadian Magazine Publishers Association, je dois réagir ici. Il ne s'agit pas d'une question de libre-échange. Nous sommes en faveur du libre-échange. Moi, je le suis certainement. C'est de dumping qu'il s'agit, et cela ne touche pas uniquement les magazines. Comme nous l'avons entendu aujourd'hui, la question est exactement la même dans le cas de la télédiffusion. Je pense que nous tous, dans les industries culturelles canadiennes, que ce soient les livres, les magazines ou la radiodiffusion de musique enregistrée, nous nous disputons avec succès des auditoires. Nous pouvons tous compter sur un vaste public parmi les téléspectateurs, les lecteurs, les auditeurs et les amateurs de théâtre. Là n'est pas la question. Il ne s'agit pas de savoir si nous sommes en mesure de faire du bon travail.

Il ne s'agit pas de savoir si nous sommes en mesure d'attirer et de garder un auditoire, et de faire cela probablement pour beaucoup moins que ne le font nos amis plus au sud. La question est qu'ils veulent exporter vers notre pays un contenu qui a déjà été payé, donc gratuitement, en fin de compte. Essentiellement, ce dont nous parlons dans l'industrie des magazines, c'est du contenu rédactionnel qui est importé gratuitement au Canada, et de la vente de publicité qui se fait autour de ça.

Si Wal-Mart obtenait tous ses biens gratuitement des États-Unis, est-ce qu'il y aurait quelqu'un au Canada qui pourrait concurrencer Wal-Mart? Je ne crois pas.

Je reviens à une très bonne remarque qui a été faite par M. Docter. S'ils ont ces économies d'échelle, ou s'ils ont du contenu entièrement amorti, et s'ils sont prêts à l'exporter à un prix bien inférieur à la valeur du marché afin de mettre la main sur une part du marché de la publicité ou du marché de la télévision payante, est-ce qu'il faut qu'il y ait un vainqueur sur le plan culturel? Si nous avons un système mondial du commerce et un système mondial de la culture où il va y avoir un vainqueur, vous savez qui sera ce vainqueur. C'est le concurrent le plus gros, celui qui dispose du plus grand marché intérieur, qui est en mesure d'amortir tous les coûts, de créer la quantité dominante de contenu, quel que soit le média, puis de l'exporter dans le monde entier au prix le plus faible.

Je prétends que tout pays a droit à son propre espace culturel, et nous avons besoin de politiques qui nous permettent d'avoir cet espace. Je pense que tout pays, à l'exception peut-être des États-Unis, qui ne reconnaissent pas vraiment que la culture existe—ils appellent ça divertissement; ils n'ont pas de ministre de la Culture—a un intérêt national, et c'est vraiment un intérêt national essentiel, à créer ce nouvel instrument sur la culture qui reconnaît, tout d'abord, ce qu'est la culture, qu'elle est importante et qu'elle nécessite ses propres politiques. Par la suite, cet instrument peut servir de base pour les détails techniques d'accords commerciaux relatifs à des secteurs précis. Mais il faut un consensus mondial sur le fait que nous avons un droit à notre culture dans nos pays respectifs.

M. Deepak Obhrai: Merci.

Le président: Merci.

[Français]

Madame Debien.

Mme Maud Debien: Madame et messieurs, bonjour. Lors de nos audiences à Ottawa, une intervenante est venue nous dire que le Canada était en état de siège sur le plan culturel. Évidemment, le problème est moins grave au Québec en raison du facteur linguistique, mais la culture américaine y est aussi très présente.

Je voudrais revenir sur une question qu'a soulevée mon collègue concernant l'exemption culturelle et la mesure que propose le Groupe de consultations sectorielles sur la culture quant à la création d'un nouvel instrument international pour protéger la diversité culturelle.

Monsieur Grant, si j'ai bien compris, vous avez dit que cet instrument devait être négocié en dehors de l'OMC. Est-ce bien ce que vous avez dit? J'aimerais vous entendre là-dessus d'une part.

D'autre part, on a entendu ici beaucoup d'intervenants de tous les milieux qui sont venus nous parler de la lourdeur et de la longueur des négociations. Qu'on pense par exemple au GATT, à l'Uruguay Round. Il faut des années avant d'en arriver à des accords. Je voudrais aussi vous entendre là-dessus et je voudrais que vous soyez très clair. Il faudra attendre des lunes avant qu'on puisse créer un nouvel instrument international. D'ici là, demandez-vous au Canada de maintenir l'exemption culturelle même si cette mesure n'est pas parfaite? Le Canada devrait-il, d'ici à ce qu'on ait un nouvel instrument, maintenir l'exemption culturelle telle qu'on la connaît actuellement pour ne pas manquer le bateau complètement?

• 1510

[Traduction]

M. Peter Grant: Merci.

Concernant la première question, celle de savoir si les nouveaux instruments sur la culture devraient être négociés en dehors de l'OMC, je suis d'avis qu'il serait préférable de le faire en dehors de l'OMC afin d'obtenir, je l'espère, un consensus politique, parmi les ministres de la Culture et d'autres politiciens actifs dans des domaines différents, au sujet de la nécessité de créer un instrument qui permet de traiter les questions qui vont bien au-delà du commerce. Je mets cela sur le même plan que la biodiversité et l'environnement, ou les mines terrestres, ou des aspects qui ont trait à la protection de la société et au dialogue entre les gens. Sur ce plan, je pense qu'à tout le moins nous devrions être en mesure d'obtenir un consensus assez large concernant l'importance de ces questions et la façon dont elles transcendent les questions étroitement liées au commerce.

Cela dit, il faudra quelques années pour en arriver là. Nous devons commencer à rédiger des textes préliminaires; nous devons charger un comité d'experts provenant du monde entier de rédiger un texte provisoire. Il faudra donc du temps pour mettre en marche ce processus.

Nous ne pouvons pas ignorer l'OMC, parce que cette organisation est elle-même sur une voie rapide, qui va commencer aux alentours de Noël. Mon idée à cet égard est que pendant que nous travaillons sur le cadre général, la forêt, nous ne devons pas perdre de vue les arbres. Nous suggérons, par exemple, que l'OMC crée elle-même un groupe de négociation sur la culture afin de tenir compte de ces questions culturelles dans le contexte de ce qui sera négocié, c'est-à-dire de l'Accord général sur le commerce des services, les APIC, ainsi que toute discussion portant sur les investissements. C'est dans l'intérêt du Canada d'essayer de réunir toutes les questions liées à la culture sous une forme unique afin que les arbres ne cachent pas la forêt.

Pour donner un exemple intéressant, il y a quelques années, en Europe, il était exigé qu'après dix ans, on examine ce qu'on appelle la Convention européenne sur la télévision transfrontalière, qui est le traité international central qui régit l'audiovisuel transfrontalier en Europe. Tel qu'il avait été négocié à l'origine, ce traité prévoyait une obligation pour tous les radiodiffuseurs, là où cela était possible, de diffuser un contenu majoritairement européen dans le cas de la programmation de fiction. Cette disposition a été renégociée il y a quelques années, et au sein de la Commission européenne, qui, et je le dis clairement, est régie principalement au niveau bureaucratique et non au niveau politique, beaucoup de gens penchaient plutôt en faveur du libre-échange et auraient préféré se défaire carrément et pour de bon d'un grand nombre de ces engagements relatifs à la culture. Le Parlement européen, par contre, qui est un organe dont les membres sont élus par la population des pays européens, a été beaucoup plus sensible aux questions culturelles et a pratiquement enjoint la Commission européenne de reconsidérer la question de la diversité culturelle et d'utiliser un langage plus ferme.

Pour moi, cela a été une leçon intéressante. Lorsqu'on discute avec des gens du commerce et des gens qui travaillent à la réalisation de la mondialisation et de l'ordre du jour des sociétés multinationales, on se rend compte que leur approche, franchement, ne tient pas compte des industries culturelles, de la diversité culturelle, de la pluralité des gens qui veulent se faire entendre. Leur voix est entendue par l'intermédiaire de représentants élus.

Notre vision des choses au sujet de cette idée d'un nouvel instrument est d'aller au-delà des bureaucrates qui s'occupent des questions commerciales et de soumettre ce thème dans une enceinte où l'on peut être sensible à l'importance de la culture de par le monde. Il ne s'agit pas d'avoir un courant dans une seule direction, bien sûr—ni au Canada, ni ailleurs—mais d'avoir plusieurs courants, de manière à ce que chaque pays puisse accueillir ce que le monde a de mieux à proposer, tout en gardant de la place pour ses propres produits.

M. Michael McCabe: Je sais que nous ne sommes pas censés mener un interrogatoire ici, mais je me demande, étant donné que vous, Peter, êtes en quelque sorte un expert en la matière, si vous voyez la nécessité—étant d'accord avec ce que vous dites au sujet de la nature des discussions qui devraient avoir lieu—de disposer d'un moyen officiel pour exercer une influence au sein de l'OMC. Sinon, nous allons toujours aller devant l'OMC un cas à la fois.

• 1515

M. Peter Grant: Oui. Je crois qu'en dernière analyse, s'il devait y avoir un instrument international qui serait indépendant comme document, on pourrait alors l'invoquer et l'intégrer par référence à toute négociation ultérieure concernant l'OMC. Une approche qui serait encore meilleure, politiquement, consisterait, lorsque l'OMC aborde ces questions, à dire que nous n'allons pas traiter ces sujets parce qu'ils doivent être débattus dans une autre enceinte. D'une façon ou d'une autre, nous devons absolument surveiller ce que fait l'OMC, afin de s'assurer qu'elle tient compte comme il se doit...

[Français]

Mme Maud Debien: Je vous demande ce que doit faire le Canada d'ici à ce qu'il y ait une entente sur la création d'un nouvel instrument international. Qu'est-ce que le Canada doit faire en janvier? Doit-il demander l'exemption culturelle ou bien attendre et ne rien faire? C'est cela, ma question.

• 1520

[Traduction]

M. Peter Grant: Je crois que la question initiale est de savoir comment s'y prendre avec les procédures, et n'a pas trait à l'essence de notre position. Je conviens que l'essence de notre position sera d'au moins maintenir ce que nous avons, c'est-à-dire l'exemption culturelle que nous avons demandée dans l'ALENA et notre refus d'assumer des obligations pour un traitement national dans certains secteurs de nature culturelle. À tout le moins, nous voulons faire en sorte que ces protections soient maintenues.

Cependant, je suggère qu'afin de faire avancer cette négociation de la meilleure façon possible vers la prochaine ronde, nous devrions demander la mise sur pied d'un groupe de négociation complet pour les questions de la culture et du commerce, qui pourrait se concentrer sur ces questions. Il ne faut pas oublier que ce sera un processus qui durera plusieurs années. Mais si nous réussissons à soumettre ces questions, du point de vue de l'OMC, à un seul comité, nous aurons alors une meilleure chance, il me semble, de tenir compte de l'ensemble du tableau.

Le président: Merci.

Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie: Je n'ai que quelques commentaires, et j'attends volontiers des réponses de la part de quiconque souhaite répondre.

Il y a une tendance inquiétante. Plus tôt, nous avons entendu des témoins qui se disaient préoccupés au sujet de l'environnement, et ils ont pu dire que dans chaque cas où l'OMC a répondu à une préoccupation liée à l'environnement, l'environnement a toujours perdu. Vous dites la même chose au sujet de la culture. Nous sommes donc aux prises, de toute évidence, avec une sorte de problème conceptuel ou de conscience au sein de l'OMC, si l'on se fie à la façon dont on voit les choses là-bas. C'est en tout cas une des inquiétudes que j'ai au sujet de l'OMC elle-même et de la façon dont elle comprend son rôle, et c'est pourquoi j'espère que le comité prendra la recommandation du GCSCE très sérieusement en considération lorsqu'il rédigera son rapport.

Je ne peux m'empêcher, compte tenu du ce qu'on peut lire dans la livraison d'aujourd'hui du Globe and Mail relativement à ce que pourrait être le compromis concernant le projet de loi C-55... il me semble, rien qu'à la première lecture durant le petit déjeuner, que le compromis pourrait être pire...

Un témoin: Ce n'est pas un compromis.

M. Bill Blaikie: Le remède pourrait être pire que le mal, parce qu'il crée de nouvelles brèches, concernant la présentation, à l'heure actuelle, du contenu de la négociation et divers autres aspects.

• 1525

M. John Thomson: C'est une question de principe, avec d'importantes conséquences pour d'autres secteurs de la culture. C'est aussi un exemple classique, comme disait Peter, de solution émanant de gens du commerce à une question liée au commerce. La question est étudiée par les mauvaises personnes dans une mauvaise optique, et on obtient une mauvaise réponse.

M. Bill Blaikie: Je voulais seulement voir si vous aviez une impression semblable. Je ne suis pas surpris que ce soit le cas, mais j'ai simplement pensé que ça ne peut guère...

M. Michael Atkins: Eh bien, c'est pire. Ce qui est proposé est un tel mélange de maladresses—c'est tout simplement maladroit. Si ce que nous avons ici ressemble un tant soit peu à la vérité, je suis enclin à penser qu'en partie c'est vrai, c'est tout simplement maladroit. Ça ne marche pas. Nous sommes en train de négocier avec nous-mêmes, ça revient à ça.

M. Bill Blaikie: Concernant toute cette histoire sur l'OMC, hier il y avait ici Silvia Ostry, et je lui ai posé la question. Le Dr Ostry a expliqué que la raison d'être de l'ALENA, de l'ALE et de l'OMC est de se protéger contre l'unilatéralisme américain. Je lui ai répondu qu'il me semblait que le prix à payer pour éviter l'unilatéralisme américain est d'avoir des institutions qui au fil du temps nous imposent des valeurs américaines de toute façon—une vision américaine de l'économie, une vision américaine de l'agriculture, une vision américaine de la culture, qui est qu'il n'y a pas de culture, que tout n'est que commerce et divertissement, et la liste continue.

Il me semble simplement, pour utiliser une analogie biologique, qu'il n'y aura plus de place pour la biodiversité, ni pour la diversité culturelle. Il y aura une culture unique imposée au monde entier. De temps à autre, on en a un petit aperçu. C'est comme négocier avec quelqu'un dans une pièce—vous savez qu'il a un pistolet, mais personne ne veut admettre qu'il a un pistolet. Tout le monde doit maintenir cette façade de civilité.

C'est ça les négociations sur le commerce lorsqu'on discute avec les États-Unis, parce que vous savez que si à la fin vous ne pouvez pas... ils vont marchander; vous allez céder 90 p. 100 sans un pistolet, mais vous savez que les 10 p. 100 ce n'est que...

M. Michael Atkins: Je crois qu'une chose qu'il faut garder à l'esprit est que peu importe ce qu'on pense ou ce qu'on fait, les grandes sociétés du monde des médias vont acheter le monde entier de toute façon. De la même façon que 60 p. 100 des journaux de ce pays appartiennent à une seule personne, un pourcentage élevé des médias est en train d'être centralisé de par le monde. Si vous voulez accéder au satellite à Hong Kong, c'est le même propriétaire qu'en Europe, et ils sont en train d'acheter les mêmes choses dans le domaine du sport, et ainsi de suite.

La vérité est que l'on est mieux servi par des règles si on peut trouver une façon de trouver des règles, parce qu'en dehors de ces règles...

M. Bill Blaikie: Je suis d'accord.

M. Michael Atkins: ...le capitalisme international est en train de fusionner les sociétés très rapidement. Leur pouvoir devient disproportionné par rapport à n'importe quel pays, sauf peut-être les États-Unis, et peut-être que même eux paraissent petits; c'est énorme.

Le président: Monsieur Docter, vous vouliez ajouter quelque chose? Peut-être que le moment est passé.

M. Hamal Docter: En fait, M. Blaikie parlait des questions environnementales et des questions culturelles, etc., qui ne sont pas abordées de manière appropriées par l'OMC. J'ai souvent entendu dire, et je trouve cela assez agaçant, que l'OMC est ce qui se rapproche le plus d'un gouvernement mondial. Je dois protester avec force contre une telle déclaration, que l'on a fait circuler. L'OMC réglemente le commerce et les investissements. Le rôle du gouvernement est de protéger la société civile. Je crois que ce sera l'aspect difficile avec lequel le gouvernement devra composer en entreprenant la prochaine ronde de négociations de l'OMC, et pas seulement notre gouvernement, d'après moi, mais également les gouvernements européens, les gouvernements d'Asie et les gouvernements du tiers monde, qui sont assez préoccupés au sujet des questions liées à la protection environnementale ainsi qu'à la protection de la culture, à l'approche de ces négociations.

Il semble que les États-Unis soient le seul pays qui a une opinion unique sur cette question. Je crois que nous pouvons faire des démarches auprès de nos amis de l'Union européenne, de la zone Asie-Pacifique, d'Amérique latine, etc., pour qu'ils s'alignent sur nous, et pour faire en sorte qu'il y ait des clauses relatives à la protection de l'environnement et que des clauses sur la protection de l'environnent soient négociées avec l'OMC. Ce n'est là qu'une étape vers le gouvernement mondial.

On a mentionné l'exemple de l'Union européenne, où ils ont un Parlement élu. Eh bien, peut-être que ce sera la prochaine étape après ce cycle de négociations.

• 1530

Pour être franc, sans la présence d'un gouvernement responsable élu par la population pour réglementer l'OMC et s'assurer du maintien d'une certaine forme de société civile quand on doit faire face à des sociétés transnationales, etc., je regrette, mais tout le concept ne servirait à rien. Il se peut que nous ayons à faire face à certaines des difficultés auxquelles il a fallu faire face avant la Deuxième Guerre mondiale, lorsque la libéralisation du commerce s'était carrément effondrée, et à regarder les terribles résultats. C'est ce à quoi nous faisons face aujourd'hui.

Le président: Merci. Je crois que lorsque vous entendez dire que l'OMC est ce qui se rapproche le plus d'un gouvernement mondial, ce n'est pas vraiment ce que les gens veulent dire. Ce qu'ils veulent dire est que parmi tous les instruments d'autorité de portée mondiale, l'OMC est celui qui se rapproche le plus d'un cadre réglementaire exécutoire, ce qui en fait un outil qui peut servir à exercer l'autorité à l'échelle mondiale, alors que les autres instruments sont moins contraignants et ont plutôt un caractère incitatif, auquel on était habitué dans le vieux temps des États-nations, lorsqu'un gouvernement n'était pas vraiment autre chose qu'un groupe de personnes se réunissant et prenant des décisions.

M. Bill Blaikie: Les choses vont de mieux en mieux.

Le président: Nous allons devoir passer à M. Augustine, et après il va falloir conclure avec ce groupe.

M. Jean Augustine: Je vais être bref, monsieur le président, et poser une question à laquelle j'ai essayé de répondre durant la majeure partie de la journée d'hier et également durant la majeure partie d'aujourd'hui. Certains des orateurs nous ont dit que ce que nous devrions peut-être faire en ce moment est de nous présenter au prochain cycle de négociations en disant: faisons un examen, une évaluation, pas des négociations. Je me demande comment vous réagiriez à cette idée. C'est un peu comme si on disait, arrêtons l'horloge et évaluons ce que nous avons fait et vers où nous nous dirigeons. Quelle serait votre première réaction à cela?

M. Peter Grant: Je pourrais peut-être répondre à cette question. Je crois que le problème auquel nous faisons face est que l'OMC—l'ordre du jour, et le train qui va quitter la gare au mois de décembre prochain va partir avec ou sans le Canada à son bord. C'est donc une question de gérer cela de manière à avoir le moins de répercussions possible sur les questions de politique qui nous préoccupent ici, autour de la table.

Ce sera une tâche difficile parce que ces processus sont assujettis à beaucoup de pression. Ils ont leur propre rythme, et c'est très difficile d'arrêter ces trains une fois qu'ils sont en marche. C'est pourquoi nous essayons de trouver des moyens de garder la culture le plus loin possible de ces négociations, afin de pouvoir conserver ce que nous avons et l'améliorer.

J'espère qu'en partageant ces points de vue avec des pays qui pensent de la même façon, dont un grand nombre, franchement, ne sont pas aussi avancés dans cette réflexion que le Canada... le Canada a en quelque sorte subi les répercussions d'un grand nombre de questions culturelles inexplorées, et cela peut être dû simplement au fait que nous avons un secteur culturel très moderne, complexe, actif et dynamique. Mais c'est également un secteur qui est côtoyé par nos voisins immédiats, les Américains, qui préféreraient que notre modèle ne soit adopté nulle part ailleurs. C'est donc un combat difficile que d'éduquer d'autres pays qui pensent comme nous pour les convaincre de nous suivre.

Je m'en rends compte en discutant de cela avec mes homologues dans d'autres pays, d'autres avocats qui s'occupent de politiques culturelles en Australie, en France, au Royaume-Uni, en Allemagne—j'ai été au Sri Lanka en janvier, pour rédiger la nouvelle législation sur la radiodiffusion de ce pays. Il ont un problème semblable au nôtre au sujet de l'importance de la diversité culturelle par rapport au sous-continent indien, où leur programmation en langue tamoule est dominée depuis Madras. Dans tous ces pays, l'existence de questions très semblables est évidente, mais on sait très peu de choses sur la façon dont on pourrait travailler de concert pour obtenir un consensus à soumettre à l'OMC en disant, écoutez, c'est un train qui est également en marche et il a son propre élan.

Le président: Monsieur Grant, si le train quitte la gare sans que M. Clinton ait obtenu la voie rapide, est-ce que ça veut dire qu'il n'y a pas de mécanicien dans la locomotive?

M. Peter Grant: J'ai été stupéfait de constater que les Américains semblent croire que quelqu'un va les prendre au sérieux s'ils n'ont pas l'autorisation de prendre la voie rapide, parce que vous avez tout à fait raison, monsieur le président, ils ne l'ont pas en ce moment, et je ne vois pas de perspective, dans le prochain Congrès, que cette autorisation soit accordée rapidement. J'aimerais penser que ce serait une raison en soi de tout ralentir, mais des spécialistes du commerce me disent que ce sont les Américains. Les gens vont prendre ce qu'ils peuvent obtenir.

• 1535

Le président: Nous allons laisser le mot de la fin à M. Stoddart, et ensuite nous allons conclure.

M. Jack Stoddart: Bill Blaikie a formulé un commentaire, qui a été émis à plusieurs reprises, que le problème, c'est l'OMC. Avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que le problème soit l'OMC. Ce sont plutôt les négociateurs de l'OMC. Il suffit de regarder jusqu'où s'est rendu l'AMI avant que la Chambre des communes n'ait eu connaissance du point où on en était rendu. Je crois que nous avons un groupe de fonctionnaires ou de bureaucrates au sein de ce groupe-là qui est tout à fait hors contrôle. Peut-être que c'est le cas d'autres pays. Mais je crois qu'une fois que ce processus aura démarré, comme dit Peter, il prend forme et s'en va dans une autre direction. Je pense qu'il doit y avoir un moyen de reprendre le contrôle de ce processus de négociation. Peut-être qu'une des façons de traiter la question de la culture consiste non pas à essayer d'empêcher le train de quitter la gare, mais de faire en sorte que les négociateurs représentent la culture sous l'angle de la culture et non sous celui du commerce. Peut-être pouvons-nous trouver un mécanisme jusqu'à ce que l'OMC puisse être structurée de manière à ce qu'elle soit en mesure d'aborder la question liée à la culture et aux communications.

Le président: Merci beaucoup. Il y a une façon d'y parvenir. Bien qu'on ne puisse pas avoir accès à la salle des négociations, on peut se présenter aux audiences, ce que nous avons fait. M. Blaikie, moi-même et quelques autres parlementaires avons été à l'OMC. Certaines industries y étaient représentées; il y avait entre autres M. Belch, de l'industrie sidérurgique. Assistez à ces séances d'information tous les matins et maintenez la pression, car il y a la possibilité pour les députés de faire cela.

Je suis désolé d'avoir à conclure maintenant, mais je tiens à rappeler au secteur de la culture et à ses représentants présents ici que nous avons eu des groupes très élargis sur la culture à Ottawa. Nous avions obtenu le rapport du GCSCE à ce moment-là. La plupart des membres du comité, y compris nous-mêmes et les membres qui font partie de la tournée dans l'Ouest, connaissent très bien cette question très, très importante, qui nous préoccupe beaucoup. Nous vous remercions donc d'avoir pris le temps d'être ici avec nous. Si vous avez d'autres idées d'ici au mois de juin dont vous voudriez nous faire part, il nous fera plaisir de les recevoir. Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui.

Parce que nous avons du retard, nous passons rapidement au prochain groupe.

• 1537




• 1543

Le président: Nous allons commencer. M. Blaikie est ici, ça nous fait le quorum. Il est dans la salle et c'est suffisant.

Nous avons un grand groupe ici encore une fois. Je m'excuse auprès de tout le monde d'avoir des groupes aussi importants, mais c'est la seule façon d'obtenir autant de témoignages pendant que nous sommes à Toronto. C'est formidable parce que nous avons le restaurant, les producteurs agricoles, et le sucre, tous autour de la même table. Nous pouvons voir où ça commence, où ça finit et comment ça se digère. C'est formidable, non pas que quelqu'un dans ce groupe ait eu le temps de manger quoi que ce soit depuis que nous recevons les groupes.

Nous allons commencer avec l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. Êtes-vous M. Léger?

M. Jean-Pierre Léger (président et chef de la direction, Les Rôtisseries St-Hubert Ltée): Oui, et avec moi, il y a Kathleen.

Mme Kathleen Sullivan (directrice, Fourniture de services alimentaires, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires): Bonjour.

Le président: Bonjour. Il paraît que vous êtes une électrice, il faut donc que je sois gentil avec vous.

Mme Kathleen Sullivan: Euh, en fait, je ne fais pas partie de vos électeurs en ce moment.

Le président: Oh, dans ce cas je n'ai pas à être gentil. Mais il faut que quelqu'un soit gentil avec vous, alors je vais garder ce rôle.

Mme Kathleen Sullivan: Merci beaucoup, j'apprécie.

Est-ce que je commence?

Le président: Si vous êtes celle qui doit commencer, oui, certainement.

Mme Kathleen Sullivan: Merci, monsieur le président. Au nom de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires nous vous remercions pour l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant ce comité et de parler des négociations relatives à l'Organisation mondiale du commerce. Je m'appelle Kathleen Sullivan et je suis directrice de la fourniture des services alimentaire de l'ACRSA. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Jean-Pierre Léger, président d'une rôtisserie bien connue, Les Rôtisseries St-Hubert.

Nous vous avons fourni vingt copies de notre présentation, et nous vous enverrons la version en langue française sous peu. Au cours des prochaines minutes, je voudrais vous donner quelques renseignements généraux sur notre organisme et sur notre industrie, et résumer certains des points clés contenus dans notre mémoire. M. Léger va ensuite conclure notre présentation en soulevant quelques questions clés que nous estimons devraient être abordées dans votre rapport, pour faire en sorte que le Canada soit prêt pour les prochaines négociations de l'OMC.

• 1545

À titre d'information générale, l'ACRSA est la plus importante association professionnelle du secteur de l'accueil au Canada. Nous représentons actuellement plus de 14 500 membres qui exploitent 42 000 établissements d'un bout à l'autre du pays.

L'industrie des services alimentaires joue un rôle clé dans le secteur agroalimentaire, et un rôle particulièrement important—un rôle dont nous sommes très fiers—dans le développement du marché et l'élaboration de nouveaux produits dans l'industrie laitière et dans l'industrie avicole du Canada, qui font actuellement l'objet d'une gestion de l'offre.

Nos membres sont des acheteurs importants des produits vendus par les producteurs, les transformateurs et les transformateurs de second cycle de volaille et de produits laitiers du Canada. Évidemment, comme dans toute relation acheteur-vendeur, le prix, la qualité et la disponibilité de ces produits sont des aspects importants pour nos membres. Étant donné que le but de vos audiences est de discuter des négociations prochaines de l'OMC, nous n'allons pas nous concentrer sur des questions intérieures aujourd'hui. Ce que nous voulons, c'est nous concentrer sur une question clé qui, croyons-nous, pourrait avoir une incidence sur l'approvisionnement futur de nos membres en produits laitiers et en produits avicoles canadiens—c'est-à-dire les obstacles à l'accès aux marchés servant à la gestion de l'offre du Canada.

Pour commencer, nous estimons qu'il est très important de se rappeler que les négociations de l'OMC qui portent sur l'agriculture ne sont pas un événement isolé. Elles ne représentent que la prochaine étape du processus permanent de réforme agricole qui a commencé lors des négociations du cycle de l'Uruguay. Nous croyons fermement qu'on ne peut pas ne pas tenir compte des leçons qui ont été apprises durant et après ces négociations, à l'approche des pourparlers de l'OMC. Nous allons examiner quelques-unes des leçons que nous avons apprises.

Ces enseignements sont décrits plus en détail dans notre présentation officielle.

Le premier enseignement que nous avons tiré du cycle de l'Uruguay est que le Canada n'a pas l'influence nécessaire pour pouvoir maintenir éternellement les obstacles à l'accès aux marchés servant à la gestion de l'offre. Comme on l'indique au paragraphe 16 de notre mémoire, au cours des sept premières années des pourparlers du cycle de l'Uruguay, le Canada avait essayé de maintenir les barrières servant à la gestion de l'offre, qui, à l'époque, consistaient en des quotas d'importation fixes. Cependant, au cours des dernières semaines de négociation, le Canada fut obligé d'abandonner cette mesure.

Étant un pays parmi 120, le Canada n'avait pas, à lui seul, le pouvoir de négociation nécessaire pour s'imposer. En outre, les principaux partenaires commerciaux du Canada, c'est-à-dire les États-Unis et l'Union européenne, refusèrent d'appuyer les mesures de gestion de l'offre qui étaient en place à l'époque.

La deuxième leçon que nous devons garder à l'esprit est que durant les dernières semaines des négociations du cycle de l'Uruguay, le Canada avait accepté la tarification et l'actuel système de barrières à l'accès aux marchés servant à la gestion de l'offre fondé sur des contingents tarifaires.

Bien que la tarification était censée assurer une certaine protection à la frontière comme les quotas d'importation, le récent cas des mélanges de produits laitiers, parfois appelé décision de l'«huile de beurre», a montré qu'il y a des brèches dans cette digue.

Étant donné que les consommateurs canadiens continuent d'acheter de plus en plus de produits alimentaires transformés et de seconde transformation, qui ne sont pas assujettis à la tarification ou, dans certains cas, à aucun tarif du tout, les importations contenant des produits laitiers et avicoles étrangers vont continuer à augmenter, et ces produits vont continuer à entrer au Canada.

Le résultat est que les producteurs de comestibles, les transformateurs de produits laitiers et de volaille, ainsi que les agriculteurs du Canada vont continuer à voir leurs ventes baisser, et les barrières à l'accès aux marchés qui servent à gérer l'offre ne peuvent rien pour stopper cette tendance.

La dernière leçon que nous avons apprise lors des négociations du cycle de l'Uruguay a été que les actuels obstacles à l'accès aux marchés servant à la gestion de l'offre seront à l'ordre du jour dans les prochaines négociations de l'OMC. Les paragraphes 6, 20 et 24 de notre mémoire contiennent des déclarations du négociateur commercial en chef pour le Canada qui attirent l'attention sur cette réalité.

Monsieur le président, l'essentiel est que les obstacles à l'accès aux marchés servant à la gestion de l'offre seront à l'ordre du jour dans les prochaines négociations, et le cycle de l'Uruguay a montré les limites de la capacité du Canada à maintenir ces barrières en place pour toujours.

Comme l'indique le paragraphe 33 de notre mémoire, vos collègues du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, qui a tenu les audiences appelées «Prenez note», l'automne dernier, en sont eux-mêmes arrivés à la conclusion que la question n'est pas de savoir si les obstacles à l'accès aux marchés servant à la gestion de l'offre seront réduits lors des prochaines négociations de l'OMC, mais plutôt comment se fera la transition vers des marchés plus ouverts.

Notre industrie ne veut pas d'une position de négociation à courte vue qui exposerait les producteurs Canadiens à des compromis de dernière minute qui pourraient menacer notre source d'approvisionnement intérieure. Afin d'éviter que cela ne se produise, nous proposons que les négociateurs du Canada adoptent une stratégie à deux volets. Cette stratégie est décrite au paragraphe 34 de notre mémoire.

• 1550

Nos négociateurs devraient essayer d'obtenir un meilleur accès aux marchés étrangers pour les produits laitiers et avicoles canadiens, et nous devrions négocier une période de transition qui permettrait aux industries laitière et avicole du Canada de s'adapter à des marchés ouverts.

Afin de mettre en place un processus de transition ordonné, nous proposons que les négociateurs du Canada adoptent la stratégie suivante.

Premièrement, les taux des contingents tarifaires actuels devraient être augmentés de 10 points par an. Par exemple, un taux de contingent tarifaire de 5 p. 100 devrait être augmenté à 15 p. 100 la première année, à 25 p. 100 la deuxième année, et ainsi de suite.

Le président: Je veux simplement m'assurer que j'ai compris. Si le taux du contingent tarifaire est de 5 p. 100, lorsqu'il va augmenter, il ira seulement à 15 p. 100, puis à 25 p. 100. C'est bien ça?

Mme Kathleen Sullivan: Oui. Il augmenterait de 5 p. 100 la première année, de sorte qu'il serait de 15 p. 100 la deuxième année.

Le président: Ainsi le quota augmenterait avant que le tarif ne soit appliqué.

Mme Kathleen Sullivan: Absolument. C'est exact.

Deuxièmement, dans les accords du cycle de l'Uruguay, les lignes directrices sur l'accès à l'importation de 5 p. 100 permettent à certains pays d'offrir un accès inadéquat à leurs barèmes OMC. Cette fois, il faut éviter des lignes directrices, et les engagements sur l'accès doivent être clairs et contraignants pour tous les pays.

• 1555

Troisièmement, pour faire en sorte que les taux des contingents tarifaires permettent un accès aux marchés sans réserve, la pratique actuelle de l'attribution de contingents tarifaires par pays et d'autres restrictions devraient être supprimées.

Quatrièmement, les tarifs douaniers sur les tarifs intra-quota et hors quota ainsi que les tarifs «non astreints à des quotas» devraient être supprimés sur une période de transition de dix ans, par l'intermédiaire de réductions annuelles égales de 10 p. 100. Par exemple, un tarif de 200 p. 100 tomberait à 180 p. 100 la première année, à 160 p. 100 la deuxième année, et ainsi de suite, jusqu'à la fin de la période de dix ans.

L'objectif du Canada pour les industries laitière et avicole devrait être le même que pour l'industrie des graines oléagineuses—c'est-à-dire un accès réciproque zéro-zéro.

Enfin, et c'est important, outre qu'assurer un meilleur accès aux marchés étrangers pour les produits laitiers et avicoles, ainsi que pour d'autres produits, le Canada doit veiller à ce que les subventions aux exportateurs étrangers et les subventions intérieures ne faussent notre compétitivité commerciale internationale. Les subventions à l'exportation et les subventions intérieures qui faussent le commerce doivent être supprimées.

M. Léger va maintenant conclure nos propos en soulevant quelques questions clés qui, à notre avis, devraient être prises en considération dans le rapport du comité, afin que le Canada soit prêt pour les prochaines négociations.

[Français]

M. Jean-Pierre Léger: Merci, Kathleen.

Monsieur le président, en tant qu'acheteur important de produits de volaille canadiens—St-Hubert en achète pour plus de 25 millions de dollars par année—, je veux être certain que mon approvisionnement au Canada ne sera pas mis en jeu lors des prochaines négociations de l'Organisation mondiale du commerce.

Au paragraphe 30 de notre présentation, nous constatons que lors de l'Uruguay Round, la position du Canada relativement aux contingents d'importation de la gestion de l'offre a eu pour effet non seulement de nous isoler, mais aussi d'entraîner notre exclusion des négociations.

Si le Canada est exclu des négociations de transition parce qu'Ottawa ne souhaite pas en discuter, le processus de transition risque de profiter davantage aux agriculteurs américains et européens qu'aux agriculteurs canadiens. Nous vous demandons donc de répondre dans votre rapport aux trois questions suivantes.

Premièrement, si le Canada s'efforce de maintenir les obstacles à l'accès au marché de la gestion de l'offre, quels sont les risques qu'il soit à nouveau isolé et exclu?

Deuxièmement, si le Canada est isolé et exclu, quel impact cela aura-t-il sur sa capacité de négocier un processus de transition visant à répondre aux besoins des producteurs canadiens plutôt qu'à ceux des producteurs américains et européens?

Troisièmement, lors des négociations de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, le Canada a obtenu des mesures de transition efficaces pour les secteurs agricoles tels que la viticulture et l'industrie vinicole. Quel est le meilleur moyen d'accomplir la même chose pour les industries laitière et avicole dans les négociations de l'OMC?

Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de discuter de cette question importante.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Léger. Nous apprécions que vous soyez venu de Montréal. Il y a ici ce matin deux autres touristes de Montréal. Enfin, l'économie de Toronto bénéficie de la visites des Montréalais qui, depuis longtemps, dédaignaient de venir dans la Ville-Reine pour des raisons culturelles, n'est-ce pas, madame Debien?

Mme Maud Debien: Le Québec est un pays ouvert.

[Traduction]

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur Core.

M. John Core (représentant, Supply Management Commodities of Ontario): Merci, monsieur le président.

• 1600

Je parle au nom de cinq groupes de gestion des approvisionnements ici dans la province de l'Ontario. M. Henry Koop m'accompagne, il représente le groupe des oeufs, Cor Kapteyn représente l'Office canadien de commercialisation des oeufs d'incubation de poulet à chair, Mike Scheuring représente les Producteurs de poulet de l'Ontario, et John Stolp, l'Office de commercialisation du dindon.

Ce dont nous voulons vous faire part très rapidement aujourd'hui, c'est un document que nous avons élaboré et qui reflète la position canadienne au nom de la gestion des approvisionnement. Vous en avez entendu des extraits dans le passé, monsieur le président et membres du comité, lorsque nous sommes venus vous voir à Ottawa à des titres divers. Nous allons faire référence à ce petit guide dans le cadre d'un très court exposé ce matin.

Je pense que nous avons fait circuler à tous les membres du comité notre guide de référence—du moins vous devriez l'avoir reçu à vos bureaux d'Ottawa—accompagné du document d'information complet à l'égard de cette position. Mais je m'en tiendrai au petit document aujourd'hui. Je pense que vous l'apprécierez.

Nous aimerions revenir à Mme Sullivan. Lorsqu'elle a parlé au nom de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, elle a, je crois, fait la démonstration de l'une de nos préoccupations au sujet de toute cette question de négociations commerciales. Il y a un malentendu selon lequel les contingents tarifaires que le Canada a mis en place pour la gestion des approvisionnements sont en quelque sorte propres à la gestion des approvisionnements.

Ce que nous voulons souligner, c'est que le présent document est intitulé «Établir les priorités». Nous l'appelons «Établir les priorités» parce que nous voulons dire qu'il faut accomplir ce que le dernier accord de l'OMC était censé accomplir avant de commencer à nous inquiéter de quelques scénarios grandioses qui le propulsent bien au-delà de ce qu'il est en ce moment. Dans notre document, nous indiquons trois secteurs de grande préoccupation pour nous dont il faut d'abord tenir compte.

Les restaurateurs sont revenus aux obstacles à l'accès à la gestion des approvisionnements. Oui, il y a des obstacles à l'accès partout dans le monde dans le domaine de l'agriculture. Il y a quelque chose comme 1 200 ou 1 300 CT. Pour sa part, le Canada en a 25 ou 26. Il serait insensé pour le Canada d'entreprendre cette négociation commerciale en disant que nous sommes prêts à nous débarrasser de notre accès minimum dans les CT parce que nous allons être des bonnes personnes et que nous allons montrer le chemin.

Toute la question d'essayer de négocier un accord de l'OMC est de mettre en place des règles qui s'appliquent à tous les pays, sur toutes les questions, pour tout l'accès, de sorte que nous avons accès aux marchés des autres pays et qu'ils ont accès au nôtre en vertu des mêmes règles et des mêmes conditions. L'objectif de mettre fin aux subventions aux exportations est lié au marché. Quant à la question du soutien interne, vous ne pouvez pas vous tourner vers les CT indépendamment des autres questions. C'est le message que nous voulons vous communiquer.

Nous voulons vous faire part de la question à laquelle le présent document fait référence, à savoir que les subventions aux exportations constituent les plus importantes pratiques de distorsion dans le commerce mondial pour ce qui est des produits agricoles. Il y a une solution bien simple. Éliminer les subventions aux exportations. Nous appuyons tout à fait cette position. Éliminez-les, parce que nous savons que le Canada a éliminé pratiquement toutes les subventions à l'exportation dans le cas des produits agricoles. Nous savons que d'autres pays ont réduit les leurs pour les ramener à 36 p. 100 ou à 21 p. 100, mais lorsque vous avez déjà des niveaux considérables de subventions aux exportations, la seule solution est de les éliminer. Nous pensons que cela devrait être l'une des positions canadiennes.

Lorsque nous parlons de l'accès au marché ou des CT, adoptons une solution bien simple. Obtenons un accès au marché de 5 p. 100 pour tous les biens et tous les produits dans le domaine de l'agriculture partout dans le monde. Notre document établit que le Canada dans les produits laitiers, par exemple, donne un accès au marché qui est presque le double que celui des Américains. Ne nous préoccupons pas d'avoir 5, 10 ou 15 p. 100. Donnons à tout le monde un accès de 5 p. 100. Une fois que cet objectif est atteint, alors peut-être qu'à l'avenir vous pourrez parler d'autres questions. Rien nous indique que les Européens sont intéressés à un accès de 10 ou de 15 p. 100 au marché des produits laitiers, par exemple. Nous n'avons aucune indication que les Américains sont intéressés à doubler leur accès au marché. Ils en parlent, mais leur industrie ne les appuie certainement pas.

Le tarif hors quota. Ces tarifs ont été mis en place pour deux raisons. La première est de donner à une industrie une prévisibilité. C'est écrit tel quel dans l'accord. La deuxième, c'est que ces tarifs hors quota reconnaissent que ce n'était pas égal dans tous les secteurs dont je parle. Nous parlerons des CT plus tard. Pour l'instant, ils devraient être maintenus tel qu'ils sont pendant que nous nous occupons des autres questions—les tarifs hors quota, je m'excuse, et non les CT.

Le troisième point qui est extrêmement important est la question du soutien interne. Encore une fois, notre document indique le niveau de soutien interne en Europe, aux États-Unis et au Canada dans tout le secteur de l'agriculture. Une fois de plus, c'est presque trois fois plus en Europe qu'au Canada, presque deux fois plus aux États-Unis qu'au Canada. Cessons de nous préoccuper de savoir si c'est vert, rouge, bleu ou peu importe la couleur. Plafonnons tout simplement le soutien interne, Peu importe la couleur. Aucun pays ne peut passer x p. 100, 25 p. 100, 30 p. 100. Peu importe le pourcentage, entendons-nous pour le plafonner. Les Américains sont les champions pour faire passer tout ce qui est dans la catégorie orange à la catégorie verte. Les Européens vident tout ce qui est dans la catégorie orange et le mettent dans la catégorie bleue.

• 1605

Quiconque a été témoin des récentes discussions au sujet des réformes du plafond en Europe, sait qu'il y a un énorme transfert de dollars éventuellement dans la boîte bleue, et ils espèrent lors du prochain cycle de l'OMC de tout simplement être en mesure de garder la boîte bleue pour toujours. Cela n'aide pas du tout à résoudre les problèmes de commerce dans le monde.

Le dernier point abordé indirectement dans le document, ce sont les normes phytosanitaires. Nous prétendons simplement que toutes les barrières à la frontière qui ne sont pas tarifaires devraient être fondées sur un base scientifique. Il ne devrait y avoir aucune barrière à la frontière qui soit fondée sur l'émotion ou les points de vue individuels des pays et tout le reste. Elles devraient être fondées sur la science.

Nous répondrons volontiers à toutes les questions que vous voudrez bien nous poser à la fin des exposés, monsieur le président. Nous pensons qu'il s'agit d'un excellent document succinct qui présente les éléments de notre position, et je sais que plusieurs de mes collègues autour de la table s'appuieront sur ce document lors de leurs témoignages. Nous voulons tout simplement que vous sachiez que cette position est appuyée par les producteurs laitiers et les producteurs de volaille de l'Ontario. Nous représentons entre 30 et 35 p. 100 du revenu brut des fermes ici dans la province de l'Ontario.

Ce dont nous sommes particulièrement heureux, c'est que la semaine dernière lors de la réunion nationale à Ottawa, alors que nous travaillions à l'obtention d'un consensus en agriculture, presque chacun de ces éléments faisait partie du consensus. Je pense qu'il est juste de dire qu'il y a encore des discussions entourant la question des tarifs hors quota, pour déterminer ce qui devrait être fait dans ce secteur. Il n'y avait pas un consensus, mais je pense qu'il faut simplement en parler encore un peu plus maintenant que les gens commencent à comprendre que ces questions d'accès sont extrêmement importantes et se souviennent des raisons pour lesquelles les tarifs hors quota ont été mis en place. Cette mesure a été prise pour donner la même protection que nous avions eu précédemment pendant que les questions d'uniformisation des règles du jeu étaient examinées.

Merci, monsieur le président, nous répondrons plus tard aux questions.

Le président: Merci, monsieur Core.

Tous les collègues présents sont des spécialistes de l'agriculture, mais j'ai toujours de la difficulté à visualiser la différence entre la boîte verte, la bleue... Je pensais avoir compris la différence entre la boîte verte et la boîte bleue, mais maintenant vous avez inclus la boîte orange. Pourriez-vous, pour notre bénéfice à tous, nous en faire un petit rappel?

M. John Core: Si nous revenons à la notion des feux de circulation...

Le président: Nous ne parlons pas de toute façon de boîtes repas avec l'Association des restaurateurs.

M. John Core: ...les subventions rouges étaient censées avoir un effet de distorsion. Elles devaient être éliminées. Les subventions oranges...

Le président: Est-ce que c'est la boîte bleue?

M. John Core: Non, ce sont les subventions rouges.

Le président: Avez-vous dit rouge?

M. John Core: Il n'y avait aucune question à leur sujet. Elles devaient être éliminées. C'est le soutien interne qui était directement relié aux exportations et tout le reste.

Les subventions oranges étaient celles qui devaient être réduites avec le temps à celles de mesures d'agrégat de la réduction du soutien. Elles devaient donc être réduites graduellement pour ce qui est du soutien interne. Les subventions vertes ne posaient pas de problèmes parce qu'elles ne créaient aucune distorsion du commerce—recherche, soutien général au revenu agricole, éducation, ce genre de choses.

Maintenant, pour ce qui est des subventions bleues... Les Européens allaient avoir beaucoup de difficulté à réduire leurs subventions oranges de sorte qu'ils ont obtenu une permission spéciale de les inclure dans la boîte bleue, ce qui avait pour effet de tout simplement les mettre de côté jusqu'à la prochaine négociation. Plus tard, on devait s'en occuper, mais elles étaient mises de côté et ils allaient être en mesure de continuer de les utiliser. Ils espèrent qu'ils continueront d'être en mesure de renégocier une autre extension à la boîte bleue. Les Américains sont passés de l'orange au vert.

Ce sont là les quatre catégories, monsieur le président.

Le président: C'est utile. En fait, l'existence de la boîte bleue, si vous voulez, est l'une des raisons pour lesquelles on nous dit constamment que l'agriculture doit être renégociée à compter de novembre, peu importe qu'il y ait ou non un cycle à propos d'autre chose.

M. John Core: Cela faisait partie de l'entente initiale que l'agriculture reviendrait à la table pour que l'on s'occupe de certaines de ces questions de façon plus approfondie.

Le président: Cela en fait partie. Je le reconnais. Je m'excuse d'interrompre.

Mme Jean Augustine: Mettez de l'ordre dans vos boîtes.

Le président: Nous accueillons maintenant l'Institut canadien du sucre. Est-ce que ce sera Mme Marsden ou M. Ferrier?

M. Andrew Ferrier (président du conseil, Institut canadien du sucre): Merci, monsieur le président. Je suis accompagné aujourd'hui de Sandra Marsden, qui est la présidente de l'Institut canadien du sucre. S'il y avait des questions auxquelles elle ou moi ne pouvons répondre, il y a également Dennis Hurl, qui est premier vice-président, ventes et marketing et logistique de Sucre Lantic, et il est dans la salle.

Je m'appelle Andrew Ferrier. Je suis ici aujourd'hui à titre d'actuel président du conseil de l'Institut canadien du sucre, l'association représentant les fabricants de sucre raffiné au Canada. Je suis le président de Redpath Sugars, l'une des sociétés membres de l'ICS. Cette entreprise raffine du sucre au Canada depuis 145 ans. Je suis également le chef de la direction de Tate & Lyle North American Sugars inc., qui est la société mère immédiate de Redpath et qui a des activités dans les trois pays signataires de l'ALENA. La grande société mère, Tate & Lyle PLC, qui est au Royaume-Uni, a des affiliations dans 40 pays de par le monde.

• 1610

Dans le cadre de notre témoignage aujourd'hui, nous aimerions donner un bref aperçu de la valeur de l'industrie du sucre au Canada et de la réorganisation qui se déroule, dans une perspective d'un environnement commercial éventuel plus libre. Nous aborderons les répercussions des décisions antérieures en matière de politique commerciale ainsi que l'incidence d'options futures en matière de politique relativement au secteur de la production et de la transformation du sucre, ainsi que de la surtransformation de produits alimentaires contenant du sucre au Canada.

[Français]

L'industrie sucrière canadienne est fermement ancrée au Canada et constitue pour l'économie canadienne un apport à valeur ajoutée. La première raffinerie fut créée au Canada en 1818, un demi-siècle avant la Confédération. Les producteurs et les fabricants de sucre canadiens sont parmi les rares au monde qui opèrent selon les principes du libre marché. Notre industrie n'est pas protégée par un quelconque programme sucrier, par des quotas restrictifs ou par d'autres barrières commerciales. Cinq usines se partagent actuellement la fabrication du sucre raffiné au Canada, soit quatre raffineries portuaires à Vancouver, Toronto, Montréal et Saint John, et l'unique usine de betterave à sucre située à Taber, en Alberta.

[Traduction]

La politique en matière de sucre du marché libre du Canada et les prix concurrentiels du sucre ont attiré des investissements importants dans l'industrie des aliments et des boissons au Canada, procurant des dizaines de milliers d'emplois dans un grand éventail de secteurs, y compris la confiserie, la boulangerie, les biscuites, les produits laitiers, les céréales, etc. En fait, plus de 80 p. 100 de la production de sucre raffiné de 1,1 million de tonnes du Canada est maintenant vendue à l'industrie des aliments et des boissons en vue d'une surtransformation. Il est important de comprendre ce lien parce que la croissance et la compétitivité de notre industrie est de plus en plus reliée au processus décisionnel mondial et nord-américain de nos clients.

Malheureusement, les marchés d'exportation pour le sucre raffiné et un grand nombre de produits alimentaires contenant du sucre à valeur ajoutée continuent d'être restreints par des barrières commerciales des États-Unis et d'autres pays. Bien que nous soyons l'un des producteurs de sucre raffiné à très bas prix dans le monde, nous ne pouvons prendre d'expansion au-delà de nos frontières.

[Français]

Compte tenu des contraintes propres à une industrie évoluant dans un marché libre et étroit et dans une économie mondiale sucrière hautement perturbée, notre industrie a été forcée de rationaliser ses activités pour répondre aux très fortes pressions concurrentielles. Depuis le début des années 1980, cinq usines ont fermé leurs portes, réduisant ainsi de moitié le nombre d'usines. L'exemple le plus récent est celui de la fermeture, en 1997, de l'usine betteravière située au Manitoba. Cette usine était en exploitation depuis 1940 et exportait 60 p. 100 de sa production. L'usine n'était plus viable du fait de l'impact causé par les contraintes d'accès au marché américain à la suite de la mise en oeuvre de l'Uruguay Round en 1995. Une autre fermeture d'usine, celle de la raffinerie de sucre de canne de Saint John, est prévue pour 1999.

[Traduction]

Bien que les exportations canadiennes de sucre et de produits contenant du sucre continuent d'être limitées par les politiques protectionnistes en matière de sucre de nos partenaires commerciaux, notre frontière est ouverte et nous faisons face à une concurrence injuste de la production excédentaire des mêmes marchés. En 1995, nous n'avons pas eu d'autre choix que d'invoquer les dispositions de la LMSI du Canada pour obtenir l'assujettissement aux droits antidumping et aux droits compensateurs à l'égard des importations injustes de sucre raffiné des États-Unis et de l'Union européenne. Depuis cette date, nous sommes entrés dans une nouvelle phase de rationalisation et de restructuration, dans une perspective d'un environnement commercial éventuel plus libre.

L'entreprise que je dirige, Redpath Sugars, a terminé récemment une expansion et une modernisation de 40 millions de dollars de sa raffinerie de sucre de Toronto. Rogers Sugar complète un investissement semblable visant à améliorer et à agrandir son installation de betterave à sucre à Taber, en Alberta. Sucre Lantic a récemment annoncé un programme d'expansion de 65 millions de sa raffinerie de sucre de Montréal, compte tenu de la fermeture prévue de ses activités de raffinage à Saint John.

• 1615

Voilà, monsieur le président, les aspects critiques pour le prochain cycle des négociations dans le secteur agricole de L'OMC parce que même une industrie du sucre raffiné restructurée et efficace à l'échelle mondiale au Canada ne peut concurrencer un accès limité du marché des exportations et la perspective de distorsion continue du marché. Nous avons atteint la limite à laquelle l'industrie peut supporter l'incidence des distorsions commerciales par la restructuration. Une expansion importante du marché des exportations et des progrès significatifs vers la réforme agricole, y compris le sucre, sont par conséquent le résultat que nous voulons obtenir dans le cadre des prochaines négociations de l'OMC. Si nous n'y parvenons pas, l'industrie canadienne du sucre continuera d'être de plus en plus petite, menaçant ainsi un pilier concurrentiel essentiel de l'industrie canadienne des aliments et des boissons.

J'aimerais maintenant demander à Sandra Marsden d'énoncer un peu plus précisément ce que seront certaines de nos propositions, monsieur le président.

Merci.

Mme Sandra Marsden (présidente, Institut canadien du sucre): Merci, Andrew. Merci, monsieur le président.

J'aimerais vous expliquer rapidement de quelle façon notre industrie s'en est tirée lors des négociations commerciales précédentes, pour vous situer en contexte dans le but de décrire de façon plus précise nos objectifs pour les prochaines négociations de l'OMC.

Contrairement à l'esprit de libéralisation du commerce, notre industrie ne s'en est pas mieux tirée ni plus mal tirée en vertu de toutes les ententes commerciales récentes. Dans vos livrets, vous avez un diagramme qui illustre chronologiquement l'impact; avec l'ALENA et l'OMC, vous constaterez les diminutions progressives de notre accès au marché du sucre des États-Unis. Donc, les États-Unis se sont servis à la fois de l'ALENA et du cycle de l'Uruguay pour imposer successivement d'autres restrictions à nos exportations, et cela concerne à la fois le sucre raffiné et les produits alimentaires contenant du sucre.

L'ALENA prévoyait un commerce réciproque entre les États-Unis et le Mexique et nous laissait à toute fin pratique de côté. Le cycle de l'Uruguay, suite au regroupement des engagements en matière d'accès, et cela signifie que les pays n'étaient pas obligés d'appliquer l'accès à des produits précis, mais plutôt pouvaient les regrouper à l'ensemble du secteur et, à cette fin, avaient un éventail de secteurs de sorte qu'ils pouvaient protéger efficacement des intérêts plus sensibles... Donc, pour nous, cela signifiait que les États-Unis bloquaient effectivement notre accès au sucre raffiné tout en continuant de permettre l'accès à des pays pour le sucre brut, et le Canada ne produit pas de sucre brut. Ils ont également reclassé des produits qui faisaient auparavant l'objet d'un libre échange dans des contingents restrictifs. Cela a donc eu une incidence sur les exportations de produits contenant du sucre à valeur ajoutée.

En octobre 1997, le Canada et les États-Unis ont conclu un protocole bilatéral pour effectivement éviter que cette situation ne dégénère. Nous avons donc aujourd'hui une part propre au Canada des contingents restrictifs actuels de sorte que notre accès n'est plus sapé davantage.

De toute évidence, il ne s'agit pas d'une solution à long terme. Aujourd'hui, nous avons accès à 0,1 p. 100 du marché du sucre raffiné des États-Unis, ce qui est beaucoup moins que la direction de 3 à 5 p. 100, et nos exportations de produits contenant du sucre tels les sodas clairs à boisson, le thé glacé, le cacao sucré, les sodas pour coquetel et les pâtes se situent à des niveaux bien inférieurs aux niveaux historiques. En fait, le cycle de l'Uruguay à lui seul a ajouté une perte supplémentaire d'environ 100 millions de dollars par année en recettes d'exportation.

Ce que nous demandons aux négociateurs au cours de ce cycle de négociation, c'est de s'assurer que cette tendance ne se poursuit pas. Nous croyons qu'une approche complète multisectorielle à ces négociations est essentielle pour que ces erreurs ne se reproduisent pas au cours du prochain cycle, mais, ce qui est encore plus important, que nous obtenions des gains significatifs au niveau de l'accès du marché.

Nous sommes membres, comme vous le savez peut-être, de l'Alliance canadienne des exportateurs de produits agroalimentaires, qui préconise que le Canada assume un rôle de leadership à cet égard, implique d'autres partenaires, tel le groupe Kerns, et cherche à obtenir une expansion significative du marché.

Nous appuyons l'objectif d'obtenir l'équité pour ce qui est de l'accès au marché, comme le proposent d'autres intervenants autour de la table, mais nous croyons que bien que ce soit un point de départ utile, nous devons avoir une vision qui va bien au-delà.

Quelles sont précisément les questions pour notre industrie? Les principales entraves à notre accès sont un accès intra-contingent très petit ou en fait nul pour les produits contenant du sucre—nous avons un petit contingent, tel que je l'ai mentionné, à l'égard du sucre raffiné—et les tarifs hors quota prohibitifs correspondants. Donc la question porte vraiment sur ces contingents tarifaires, qui comportent un nombre intra-contingent précis et un tarif hors quota.

• 1620

Notre accès est nettement inférieur à la directive de 3 à 5 p. 100. De toute évidence, nous aimerions qu'il y ait une augmentation appréciable de cet accès intra-contingent. Un point de départ utile serait 5 p. 100, et il devrait y avoir un plan pour mettre en place graduellement une augmentation de ce niveau intra-contingent au cours d'un nombre défini d'années. C'est important pour notre industrie qu'à la fois la canne raffinée et la betterave à sucre aient accès à une augmentation significative des exportations compte tenu de la part plus importante de production au Canada que le sucre à canne raffiné procure. À cette étape-ci, nous avons un très petit contingent de sorte que cela continue de profiter aux producteurs de betterave à sucre raffinée.

Pour ce qui est des réductions de tarif, nous croyons que toutes les réductions tarifaires devraient être approchées d'une façon qui repose sur des principes, que cela porte sur des tarifs hors quota ou des tarifs simples, qui dans certains cas peuvent être prohibitifs. De façon à bien illustrer la situation, au Canada nous n'avons aucun tarif à l'endroit du sucre brut importé et un très faible tarif sur le sucre raffiné—30 $ la tonne. Nous n'aimerions certainement pas voir une situation de diminution égale en pourcentage des tarifs, ce qui signifierait que nous serions obligés de réduire notre tarif de 30 $ la tonne et que les États-Unis réduiraient leur tarif hors quota de 570 $ la tonne d'une valeur comparable. De toute évidence, ce ne serait pas équitable. Donc nous appuyons certainement une uniformisation des règles du jeu avant qu'il y ait des réductions tarifaires.

Nous appuyons l'objectif, et je pense qu'il y a un important consensus à cet effet, de l'élimination des subventions aux exportations. L'Union européenne est un important utilisateur de subventions aux exportations dans le cas du sucre et d'autres produits. Nous appuyons l'élimination graduelle du soutien interne. Nous somme d'accord qu'il y a des liens entre tous ces aspects et vous ne pouvez examiner un seul élément sans tenir compte de la réforme des autres.

Enfin, nous aimerions obtenir l'élimination des pratiques frontalières injustes, qui continuent de saper notre accès déjà limité.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Marsden.

En fait, nous avons entendu les producteurs de sucre de betterave lundi à Winnipeg. Vous êtes donc dans la même foulée. Là aussi nous avons reçu ce message. Nous avons effectivement appris l'entrée en scène des Mexicains qui ont remplacé complètement la production canadienne.

Je suis désolée. J'aurais dû demander aux représentants de l'Office canadien de commercialisation du dindon et peut-être des Producteurs de poulet de témoigner immédiatement après l'organisme de gestion des approvisionnements, mais peu importe, cela n'a pas d'importance.

Qu'est-ce qui est venu d'abord, le dindon ou le poulet?

M. Richard Ruchkall (vice-président, Office canadien de commercialisation du dindon): Dans le présent cas, le dindon.

Le président: Nous nous en tiendrons à cela.

M. Richard Ruchkall: Merci, monsieur le président. Bon après-midi mesdames et messieurs du comité. J'aimerais tout d'abord présenter le directeur exécutif de l'Office canadien de commercialisation du dindon, Phil Boyd. Notre président, Darrell Reddekopp, vous transmet ses regrets. Il n'a pas été en mesure d'assister en raison d'une situation qui est survenue à la ferme cette semaine.

Nous avons fait circuler, dans les deux langues officielles, notre mémoire. Je fais le présent témoignage au nom des 600 producteurs de dindon inscrits au Canada. On compte 2 300 employés permanents des secteurs de la production et de la transformation du dindon, et des milliers d'autres Canadiens qui bénéficient directement d'emplois créés par l'industrie qui génère plus de 520 millions de dollars en ventes de dindons annuellement.

L'Office canadien de commercialisation du dindon, soit l'OCCD, aimerait remercier le comité permanent de lui donner cette occasion aujourd'hui de partager ses opinions sur le commerce agricole. L'OCCD est une organisation qui représente les producteurs, dont huit membres provinciaux, et représente également par proclamation, trois membres de l'industrie de transformation primaire et de surtransformation.

Au Canada, la production agricole est plus qu'une entreprise; c'est aussi un mode de vie. Contrairement à la structure intégrée de l'industrie de la volaille aux États-Unis, la production de dindon au Canada est entreprise par un grand nombre de fermes familiales individuelles et chacune de ces entreprises familiales a un impact direct sur l'économie rurale locale, par la création d'emplois qui rehaussent la viabilité économique et environnementale rurale.

Les membres de ma famille sont des producteurs venant de la région d'Acme, en Alberta. En prenant connaissance de cet exposé, je suis allée fouiller dans mon classeur et j'ai constaté que nous achetons tous nos matériaux de construction du fournisseur local à Acme; nous achetons notre litière, c'est-à-dire les copaux, d'une cour à bois, à Cochrane, en Alberta; nous achetons notre matériel et nos pièces d'un fabricant local à Linden, en Alberta; nous achetons nos dindonneaux de deux couvoirs inscrits au Canada; nous achetons notre moulée d'une meunerie à Calgary, qui utilise des grains de l'ouest, et nous envoyons également notre produit à un transformateur à Edmonton, qui est également un surtransformateur. C'est uniquement pour vous donner une idée de toute la diversification.

• 1625

En février de cette année, l'OCCD ainsi que d'autres organismes nationaux de la gestion de l'offre, ont développé la position conjointe du GO-5 sur le commerce. Cette position commerciale est simple, nette et précise, comme on l'a dit plus tôt aujourd'hui: premièrement, que les tarifs appliqués sur les surplus d'accès aux marchés canadiens soient maintenus aux niveaux actuels; deuxièmement, que les prochaines négociations sur l'agriculture de l'OMC visent principalement l'élimination des subventions aux exportations; troisièmement, le Canada doit assurer la mise en place d'un système basé sur des règlements qui traiteront efficacement des niveaux d'accès minimums; quatrièmement, le soutien interne doit être davantage discipliné; et cinquièmement les mesures sanitaires et phytosanitaires doivent reposer sur une science tangible et ne doivent pas être utilisées comme obstacles commerciaux déguisés.

• 1630

Cette position est conforme à celle de la Fédération canadienne de l'agriculture. Elle reflète également celle de l'OMC qui fut élaborée par les industries des oeufs, de la viande et de la volaille, qui inclut les quatre organismes de l'industrie des oeufs et de la volaille de la gestion des approvisionnements et d'autres organismes en aval tel que le Conseil canadien des transformateurs d'oeufs et de volaille et l'Association canadienne des surtransformateurs de volaille.

Quoique la position commerciale du GO-5 énumère cinq éléments clés, les questions principales visées par ce document sont le soutien interne, l'accès au marché et les tarifs hors quota.

Problématiques reliées au soutien interne: Malgré les coupures acceptées lors du cycle de l'Uruguay, l'UE et les États-Unis continuent d'allouer des sommes d'argent importantes à l'appui des secteurs agricole et agroalimentaire. Selon des données de 1995, le niveau total de soutien interne représentait 16 p. 100 de la production totale du Canada, comparativement à 32 p. 100 pour les États-Unis et à 42 p. 100 pour l'UE.

Afin de mieux visualiser les chiffres susmentionnés, nous utiliserons un exemple qui a trait à l'industrie du dindon. En 1998, dans le cadre de son programme national d'alimentation scolaire, le gouvernement des États-Unis a acheté pour une valeur de 177 millions de dollars canadiens des produits de dindon afin de stabiliser les très bas prix des produits de base. Cette subvention interne équivaut à environ 69 p. 100 des revenus agricoles totaux de l'industrie du dindon pendant cette même période.

Le Canada ne peut faire concurrence aux pouvoirs financiers des États-Unis et de l'UE afin d'équilibrer l'offre et la demande et de stabiliser les revenus des producteurs.

Accès au marché: Contrairement aux déclarations que vous avez peut-être entendues, l'équivalence des niveaux d'accès du marché entre les membres de l'OMC comporte des conséquences sérieuses, que nous illustrerons ici. Conséquemment à la dernière ronde de négociations, d'ici l'an 2000 les producteurs de dindon canadiens donneront accès à 5,6 millions de kilogrammes de dindon, ce qui représente 5 p. 100 de la consommation intérieure enregistrée entre 1986 et 1988. Ces produits proviennent des États-Unis hors taxes et notre taux de contingent tarifaire a continuellement atteint 100 p. 100.

Dans le cas des États-Unis, l'accès minimum des produits de dindon durant l'an 2000 sera de 3.5 millions de kilogrammes, soit moins de 0,5 p. 100 de la consommation historique, au lieu des 45,7 millions de kilogrammes qui devraient être permis. Ces 45,7 millions de kilogrammes représentent environ 30 p. 100 de la production canadienne actuelle. De plus, l'UE impose des tarifs intra-contingents qui atteignent jusqu'à 750 $CAN la tonne sur toute ses importations.

• 1635

Si l'UE avait observé les écarts du dernier cycle et avait offert 5 p. 100 d'accès pour le porc, l'accès minimum aurait été de 600 000 tonnes, comparativement à 75 000 tonnes. Ce volume représente 47 p. 100 de la production porcine canadienne et presque une fois et demi le volume actuel des exportations de porc canadiennes.

Ces exemples prouvent de toute évidence que l'obstacle clé qui limite l'accès aux marchés et les gains potentiels qui auraient dû résulter des dernières négociations est en somme le défaut des pays de maintenir l'esprit de collaboration qui régnait lors du cycle de l'Uruguay, et non pas l'application des tarifs hors quota. Au cours du dernier cycle de négociations commerciales, la gestion des approvisionnements a perdu une chose qu'elle cherchait à obtenir: une clarification et un renforcement de l'article XI. De notre point de vue, et tel qu'il est illustré à l'aide des chiffres mentionnés précédemment, c'est un prix trop élevé. Le Canada doit aborder les prochaines négociations d'une position ferme et inébranlable.

En ce qui concerne les tarifs hors quota, ils ont un objectif bien précis, soit de régulariser l'accès au marché. Tel qu'on a pu le constater par la volatilité des marchés internationaux des denrées, et contrairement à ce que certains croient, on ne peut se permettre de réduire ces tarifs. De plus, la fluctuation des taux de change ne fait qu'accentuer cette incertitude.

Tel qu'on l'a mentionné, des 1 370 contingents tarifaires qui furent fixés suite au dernier cycle, le Canada en a 21, dont trois qui s'appliquent à la volaille. Les États-Unis et l'UE en ont respectivement 54 et 85. Le taux d'accès du Canada est plus élevé que le taux moyen mondial, soit 85 p. 100, tandis que l'UE n'a atteint qu'un niveau d'accès de 72 p. 100, et les États-Unis, de 54 p. 100 en 1997. Ces faits illustrent clairement que le Canada a accordé plus qu'adéquatement l'accès à ses marchés.

En conclusion, la prévisibilité des niveaux d'importation est essentielle au maintien des programmes de gestion des approvisionnements au Canada. La réduction des tarifs hors quota accentuerait le niveau d'incertitude de la gestion des approvisionnements intérieurs et contreviendrait à la fois aux principes de l'OMC en ce qui concerne la protectabilité améliorée et le concept des contingents tarifaire.

Dans l'élaboration de sa position de négociation, le Canada doit reconnaître que pour certains secteurs, les normes et règlements doivent être conformes à ceux de l'OMC pour ce qui est des engagements d'accès minimum, de normes sanitaires et phytosanitaires, et de toute autre barrière technique commerciale et doivent faire partie des priorités et favoriseront la libéralisation commerciale et l'accès aux marchés plus que le ferait l'élimination des tarifs hors quota.

Une fois de plus, j'aimerais vous remercier de me donner l'occasion d'apporter ce témoignage au comité.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ruchkall.

Monsieur Dungate.

M. Mike Dungate (directeur général, Producteurs de poulet du Canada): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Mike Dungate, et je suis le directeur général des Producteurs de poulet du Canada. Je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant le comité et de faire part de nos points de vue relativement au prochain cycle de négociation de l'OMC.

Les Producteurs de poulet du Canada sont un organisme national dirigé par des producteurs. Nous représentons 2 800 producteurs de poulet du Canada. Nous sommes administrés par un conseil d'administration composé de 14 membres, et je pense qu'il est important de prendre note que nous avons 10 membres qui représentent les dix offices provinciaux de commercialisation, deux représentants du secteur de la transformation, un représentant du secteur de la surtransformation et un représentant de l'organisation de M. Leger, L'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires.

Je vais vous donner une version abrégée des thèmes de notre mémoire. Vous avez déjà entendu un grand nombre des commentaires et je pense que nous pouvons avoir une bonne discussion.

• 1640

Le seul point que j'aimerais souligner est qu'il n'y a rien au sujet de notre industrie qui soit le statu quo. Au cours des dix dernières années, nous avons enregistré une croissance de 52 p. 100 de la production. Nous avons un marché—consommation par habitant—au pays qui a crû de 19 p. 100 au cours de cette période. Nous avons encore de nombreuses possibilités de croître pour ce qui est des marchés d'exportation également. C'est en grande partie lié à la façon dont nous avons travaillé ensemble en tant qu'industries, depuis la production jusqu'au secteur de la vente au détail, en passant par les restaurants. Nous employons un peu plus de 15 000 personnes dans des fermes et des installations de transformation, plus un bon nombre d'emplois—des milliers en fait—dans d'autres secteurs de l'industrie tels des couvoirs, des provenderies ainsi que dans les secteurs du transport, des services alimentaires et du commerce de détail.

Je pense que nous sommes chanceux dans un certain sens. Nous avons un produit que les Canadiens aiment et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons été en mesure de connaître ce succès. Nous avons également eu des exportations. Depuis 1993, nos exportations ont enregistré une croissance, passant de moins de 0,5 p. 100 à plus de 7 p. 100 de la production, ce qui était nos exportations l'année dernière. Plus particulièrement, nos exportations se composent presque exclusivement de viande brune. Les Canadiens préfèrent les produits de viande blanche au Canada, et cela nous a aidé à équilibrer la demande du marché canadien pour la viande blanche et par conséquent à mieux répondre aux exigences des consommateurs.

Pour ce qui est de notre objectif relativement à une position commerciale de l'OMC, je pense que nous croyons sincèrement que nous voulons une position canadienne crédible, unifiée et inclusive qui comprend les intérêts fondamentaux des producteurs canadiens de poulet ainsi que les intérêts fondamentaux de la diversité de l'agriculture canadienne.

Je pense qu'un aspect qui peut être encourageant pour votre comité, c'est le travail consciencieux déployé par le secteur de l'agriculture et le secteur agroalimentaire au cours de la dernière année et, selon le degré mentionné plus tôt, le consensus dont John Core a fait part suite à la conférence de l'OMC que le ministre Vanclief a tenue la semaine dernière a Ottawa. C'est important parce qu'il est facile pour chacun d'entre nous de présenter notre propre position commerciale. Nous avons beaucoup d'intérêts communs entre producteurs de poulet quant à ce que devrait être notre position commerciale. Malheureusement, cela n'aura aucune incidence à la table de négociation. Le Canada n'aura pas d'influence à la table de négociation à moins que nous appuyions tous une même position. C'est pourquoi, en tant que producteurs de poulet, nous avons collaboré avec un grand nombre de nos collègues du secteur de l'agriculture pour combler le faussé de ne pas connaître ni comprendre les positions des autres et de formuler des positions communes.

Tout d'abord, nous avons élaboré trois positions commerciales dont nous sommes signataires. Nous avons élaboré une position commerciale commune pour les 30 000 producteurs de lait, de volaille et d'oeufs. John Core vous a présenté le premier volet, et c'est notre position commerciale à cet effet. Ensuite, nous avons conclu une entente commerciale commune pour l'industrie de la volaille, c'est-à-dire les oeufs, les dindons, les poulets et les oeufs d'incubation de poulets à chair, avec les secteurs de la transformation et de la surtransformation. Je dirais que nous sommes probablement l'une des seules industries qui consulte toute la chaîne verticale pour présenter une position commune.

Enfin, nous avons collaboré avec la Fédération canadienne de l'agriculture et je pense qu'il s'agit de la position la plus importante parce qu'elle représente l'ensemble de l'agriculture canadienne. Il a fallu près de deux ans pour que les gens s'assoient ensemble et déterminent ce dont ils ont besoin, mais c'est une position solide qui est mise sur la table. Je pense que le gouvernement devrait tirer un encouragement du fait que nous avons effectué une grande partie de notre travail dans l'industrie qui facilitera, nous l'espérons, le travail du gouvernement pour favoriser les intérêts des Canadiens auprès de l'OMC.

Pour ce qui est de la position commerciale, nous en avons discuté et les points ont été mentionnés. Nous appuyons sans restriction l'élimination des subventions aux exportations, objectif qui devrait être en tête de liste, sinon la toute première priorité. Dans notre secteur, celui de la volaille, les États-Unis et l'UE représentent 89,4 p. 100 de toutes les exportations subventionnées. Il ne s'agit pas pour le Canada d'offrir des subventions semblables nous n'avons pas déclaré de subventions aux exportations lors du cycle de l'Uruguay; il nous est interdit d'en établir.

Deuxièmement, nous avons besoin de règlement exécutoires qui s'appliquent uniformément a tout le monde. Je pense que cet aspect a été extrêmement important autour de la table et exprimé par tous. Ce qui est ressorti du cycle de l'Uruguay, c'était des directives. Sandra a mentionné dans son exposé, tout comme l'a fait Andrew, que nous avons besoin d'engagements exécutoires la prochaine fois, et nous avons besoin d'engagements fermes à 5 p. 100. Il était évident que nous n'avions pas eu 5 p. 100 lors du dernier cycle. Ce n'est pas une question pour le Canada de ne pas faire sa part. En ce qui concerne les oeufs d'incubation de poulet à chair, et M. Core peut en attester, nous avons un accès de 21 p. 100. Dans le cas du poulet, nous avons un accès de 7,5 p. 100. Les autres denrées pour ce qui est de la gestion des approvisionnements sont effectivement à 5 p. 100—là où elles devraient être.

• 1645

Richard a mentionné quelle était la position de l'UE à cet égard. Le porc et la volaille sont à moins de 1 p. 100. Nous serions certainement d'accord que vous ne puissiez continuer avec seulement une augmentation de l'accès qui se fonde sur un pourcentage, comme Sandra l'a mentionné, avec une réduction des tarifs, parce qu'en augmentant de 20 p. 100, par exemple, l'accès européen passerait de moins de 1 p. 100 à encore moins de 1 p. 100, et notre 7,5 p. 100 dépasserait 9 p. 100. Il nous faut que tous le monde soit à 5 p. 100.

L'autre réalité en ce qui concerne la gestion des approvisionnements, c'est que nous avons tous des obligations indépendantes en vertu de l'ALENA qui sont des engagements d'accès mondial. Ils sont écrits dans l'ALENA, mais ils sont mondiaux. Cela signifie que notre accès se base sur la production de l'année précédente ou de l'année en cours et augmente chaque année. Donc notre accès de 7,5 p. 100 dans le cas du poulet en 1998 se traduit par un accès de plus de 15 p. 100 dans la période de référence de l'OMC. Cela signifie que notre accès est plus de 20 fois supérieur en pourcentage que celui des européens. Nous parlons d'une position agressive de notre part. Nous ne voulons pas maintenir le statu quo. Nous voulons que notre situation soit améliorée dans le prochain cycle.

Maintien des tarifs hors quota: Il s'agit d'une question critique pour nous. Ce n'est pas une question de protection. C'est une question de contrôle des approvisionnements. Les systèmes de gestion des approvisionnements ne peuvent pas fonctionner à moins qu'ils puissent contrôler les approvisionnements des sources nationales et internationales.

Nous sommes préoccupés relativement à ce niveau. Il y en a qui ont dit que nous pourrions revenir à un niveau sécuritaire, qu'il y avait une marge. Je vous dirai ceci: trouvez un niveau sécuritaire s'avère une tâche très difficile—et j'ai inclus deux exemples dans le mémoire—parce que les taux de change sont la grande carte frimée pour obtenir un niveau sécuritaire.

Dans le cas de la volaille, en ce concerne la protection réelle que nous avons eue, même s'il y a eu une réduction tarifaire de 15 p. 100 au cours des cinq dernières années, notre protection réelle a augmenté de 2,5 p. 100, et c'est en raison du taux de change de notre dollar canadien par rapport au dollar américain. Les États-Unis sont le plus grand exportateur de volaille au monde. Le deuxième exportateur de volaille au monde, avec qui nous concluons en ce moment des ententes de services aux entreprises, que les Producteurs de poulet du Canada ont appuyés... la protection réelle du Brésil a diminué à cet égard. Notre protection réelle par rapport au Brésil a diminué de 49 p. 100 au cours de la même période. C'est comme jouer à la roulette russe.

La seule chose dont nous sommes certains, c'est que les tarifs sont au niveau le plus sécuritaire possible. C'est à ce niveau qu'ils doivent être maintenus. Ce que nous devons faire...

Le président: Les producteurs de poulet ont besoin de diriger le FMI.

Des voix: Oh, Oh!

M. Mike Dungate: C'est exact. Vous nous donnez le contrôle sur le taux de change et nous en reparlerons.

Pour ce qui est de l'accès intra-quota, nous appuierions une décision de faire le ménage. Nous devons faire le ménage dans l'accès intra-quota; nous le fournissons. Cela a été mentionné. Notre taux de respect est de 100 p. 100. La moyenne pour ce qui est de l'OMC est d'environ 65 p. 100. Les États-Unis sont aux alentours de 50 p. 100. C'est un point: les tarifs intra-quota à zéro. Notre tarif intra-quota avec les États-Unis, comme tout le monde le sait, est à zéro. Avec le reste du monde, nous sommes à 5,4 p. 100. La plupart des pays ont des tarifs intra-quota de l'ordre de 25 à 50 p. 100. Il y en a un grand nombre qui on un accès supérieur à 100 p. 100. Le plus élevé que j'ai vu jusqu'à maintenant—et nous avons fouillé longtemps pour le trouver—, c'est 425 p. 100. Il s'agit d'un tarif intra-quota à 425 p. 100. Ce n'est pas votre protection hors quota, c'est votre accès intra-quota, et c'est un accès de zéro.

Je suppose que nous appuierions un plafonnement global du soutien interne—et je vais passer rapidement sur ce sujet. Principalement, c'est une question que les États-Unis et l'UE soient prêts à soutenir leur agriculture. Lorsque vous tenez compte du soutien mondial, au Canada nous soutenons 16 p. 100 pour ce qui est de la valeur de la production, aux États-Unis c'est 32 p. 100 et dans l'UE c'est 42 p. 100.

• 1650

Pour respecter leurs engagements en matière de réduction, tout ce que les États-Unis et l'UE ont à faire, c'est de prendre leur boîte orange et de la mettre dans une boîte verte. Ils n'ont pas réduit leur soutien à l'agriculture. Ils continuent de dépenser cet argent. Nous n'avons pas la capacité de concurrencer les trésors de ces deux pays.

Il a beaucoup été question de la façon dont les États-Unis et l'UE s'affairent à réduire ce soutien. Eh bien, en ce qui concerne le dernier record dans le cadre de l'Agenda 2000 relativement aux réductions que les Européens devaient faire, ils ont considérablement freiné les réductions qu'ils devaient faire. Ils ont prolongé leur programme agricole au-delà de 2006. Ils ne pouvaient pas le faire. Leurs agriculteurs ont protesté, dans une grande mesure à Bruxelles, et ils ont reculé. Quant aux États-Unis, ils ont transformé tout leur programme de boîte bleue en boîte verte avec leur loi de 1996 sur les fermes. Cela procurait une aide financière de 6 milliards de dollars l'an dernier, ce qui a donné lieu à des revenus agricoles records aux États-Unis, et il semblerait que ce ne soit pas suffisant parce qu'ils envisagent de verser 3 milliards de dollars supplémentaires cette année.

En conclusion, la position commerciale que nous recommandons est ambitieuse. Ce n'est pas le statu quo. Les autres pays auront de la difficulté à atteindre les demandes canadiennes. Sont-ils prêts à passer à un tarif intra-quota de zéro? Sont-ils prêts à limiter leur soutien interne? Vont-ils éliminer leurs subventions aux exportations? Vont-ils rétablir l'accès que le sucre avait auparavant?

Je pense que grâce à notre position, les négociateurs canadiens seront en mesure de présenter, dès le début des négociations, une position crédible et unifiée, une position tout à fait différente du statu quo, une position qui montre jusqu'à quel point l'agriculture et l'industrie agroalimentaire canadiennes sont proactives.

Monsieur le président, les producteurs de poulet et toute l'industrie agricole et agroalimentaire au Canada unissent leurs efforts pour élaborer une position commerciale crédible, unifiée et concertée dont l'objectif consiste à accroître les avantages d'un système du commerce international qui fonctionne bien et s'appuie sur des règles. Maintenir le statu quo caractérisé par des inégalités envers le Canada est intolérable.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Dungate.

Je vais prolonger cette séance de 15 minutes, mais il nous faut absolument prendre une pause à 16 h 15. Essayez de vous en tenir à 5 minutes.

Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai: Après avoir écouté les producteurs de poulet, qui sont différents des producteurs d'oeufs, je suppose, je pense que je devrais manger davantage de poulet... et saluer les producteurs de dindon à l'arrière.

J'ai quelques questions. Il y a un peu de confusion; il y a tellement de papier ici. J'aimerais m'adresser d'abord à Kathleen. J'ai trois questions.

Kathleen, vous avez dit que selon les résultats du cycle de l'Uruguay, le système de gestion des approvisionnements finira par disparaître. Vous avez mentionné que cela durait depuis 7 ans ainsi que du taux de 5 p. 100 de la directive, n'est-ce pas? Essentiellement, c'est la position des autres par rapport à cette proposition... Est-ce une proposition réaliste qui sera acceptée et est-ce que les autres pays dans le monde l'examine? Ou est-ce uniquement votre proposition? Y a-t-il eu des négociations à cet égard?

Mme Kathleen Sullivan: À ce moment-ci, tel que je le comprends, nous en sommes seulement à l'étape où nous examinons quelle devait être la position de négociation du Canada de sorte que les discussions se sont déroulées au sein des industries au Canada.

Tout d'abord, j'aimerais dire que lorsque j'entends les positions en matière de gestion des approvisionnements ou les positions commerciales qui sont préconisées par certains de mes collègues ici, je pense que nous sommes en réalité passablement alignés sur une grande partie de ce que nous demandons. L'un des principes fondamentaux que nous pensons être primordial, c'est celui de la réciprocité lorsque nous examinons nos transactions commerciales avec d'autres pays.

Nous sommes différents à deux égards, je pense; plus précisément, qu'arrivera-t-il aux engagements d'accès minimal et qu'arrivera-t-il aux tarifs hors quota? Sur ces deux points, nous avons essayé d'adopter un point de vue très réaliste de ce qui va se passer au cours du prochain cycle de négociations d'après ce que nous savons qui est survenu la dernière fois et d'après la position que nous croyons être celle de nos partenaires commerciaux.

Au cours du dernier cycle de négociations, lorsque nous avons effectivement essayé de maintenir le statu quo d'alors pour ce qui est des obstacles à l'accès du marché de la gestion des approvisionnements... Je tiens à préciser que nous ne parlons pas en ce moment de la gestion des approvisionnement internes. Nous parlons précisément des obstacles à l'accès au marché. C'est la question qui va être débattue à l'OMC.

• 1655

Au cours de la dernière ronde de négociations, le cycle de l'Uruguay, nous avons essayé de maintenir ce qui était alors le statu quo, soit des restrictions aux importations. C'est devenu une tarification et nous pensons que ce changement est survenu pour deux raisons. Nous n'étions qu'un pays sur 120, de sorte que nous n'avions pas tellement de pouvoir de négociation. Il y aura plus de pays la prochaine fois. Nous avons uniquement un pouvoir de négociation limité la prochaine fois. Nous n'avons pas eu l'appui de nos principaux partenaires commerciaux la dernière fois, et nous ne nous attendons pas à l'avoir la prochaine fois non plus.

La seule raison d'être de l'OMC, telle que nous la comprenons, c'est de progresser vers un commerce plus libéralisé. Dans notre mémoire, vous lirez des citations de Mike Gifford, l'un des actuels principaux négociateurs dans le domaine de l'agriculture, et de Gerry Shannon, qui était l'un des principaux négociateurs lors du dernier cycle. Ils ont été très clairs à cet effet, c'est la direction que prend l'OMC, et les questions sur la table ne sont pas de savoir si l'accès va augmenter et si les tarifs hors quota vont diminuer; ce sera une question de degrés.

M. Deepak Obhrai: Dans ce mémoire préparé par les Producteurs de poulet, on dit que dans l'OMC, 5 p. 100 ce n'est pas nécessairement 5 p. 100. Que voulez-vous dire par cela?

M. Mike Dungate: Je pense que cela devient plus clair dans la façon dont Sandra a parlé du cas du sucre. Parce que nous avions uniquement des directives la dernière fois, les pays devaient mettre en oeuvre ce que l'on appelait le document des modalités. On vous disait de quelle façon vous étiez censé arriver à un accès minimal de 5 p. 100. Si vous donniez 7,5 p. 100, comme dans notre cas, vous n'étiez pas autorisé à le réduire à 5 p. 100, par exemple; vous deviez le maintenir à son niveau.

Donc, les États-Unis n'ont même pas suivi cette directive et ont maintenu leur niveau au sujet de sucre. Un grand nombre de pays, par divers moyens, n'ont même pas donné d'accès. L'UE était d'ailleurs remarquable à ce sujet. Elle n'a donné qu'un accès de 0,5 p. 100 pour un grand nombre des denrées, y compris toutes les denrées de viande—le boeuf, le porc et la volaille. Cette fois, nous voulons des règles qui disent dans l'accord 5 p. 100, et que c'est tout le monde qui donne 5 p. 100, parce que nous n'obtenons pas l'accès que nous offrons.

Le président: D'autres nous ont dit que le problème était une question de concentration. Ils vont dire 5 p. 100, mais c'est un 5 p. 100 regroupé. Ils prennent quelque chose d'illusoire et disent que nous avons atteint leur quota étant donné qu'ils l'ont atteint dans d'autres secteurs. Nous avons entendu cela d'un grand nombre. Comment calculez-vous 5 p. 100? Est-ce sur une base d'un produit à la fois?

M. Mike Dungate: C'est le regroupement dans un cas; c'est tout simplement le non-accès dans un autre.

M. Deepak Obhrai: Que dites-vous?

M. Mike Dungate: Les gens utilisent divers moyens. Ils ont utilisé la concentration. Ils n'ont tout simplement pas donnée d'accès dans d'autres cas; ils ne l'ont tout simplement pas indiqué dans leurs listes tarifaires. Ils ont utilisé des tarifs intra-quota qui pouvaient atteindre 425 p. 100 pour ne rien donner. Ils ont utilisé divers moyens pour atteindre leurs objectifs.

M. Deepak Obhrai: Donc vous essayez de dire que les règles sont sujettes à la manipulation. Ce ne sont pas des règles claires.

M. Mike Dungate: Précisément.

M. Deepak Obhrai: Ma dernière question porte sur vos tarifs hors quota. Ils sont approuvés pour le fonctionnement de la gestion des approvisionnements. Kathleen vient juste de préciser que vous parliez de la gestion des approvisionnements intérieurs, mais vous savez que la gestion des approvisionnements disparaîtra le moment venu.

M. Mike Dungate: Je ne sais pas cela du tout, et je ne serais pas du tout d'accord.

M. Deepak Obhrai: Non.

M. Mike Dungate: Kathleen a apporté la précision que nous ne pouvons pas appuyer la gestion des approvisionnements lors du prochain cycle. Mais vous ne pouvez obtenir de ces autres pays, les États-Unis et l'UE, de nous suivre quant à cette position. Il s'agit d'une position ambitieuse qu'ils ne suivront pas. Ce n'est pas leur objectif principal.

Si vous voulez examiner l'accès de nos denrées, si vous donnez un accès de 5 p. 100 pour le sucre au marché des États-Unis, ils ne seront pas en affaires pendant longtemps. C'est cela le point. Obtenons un véritable accès. Ne parlons pas des tarifs hors quota. L'idée de réduire les tarifs hors quota est que vous ne les réduisiez pas suffisamment, et par conséquent vous n'obtenez aucun accès supplémentaire, soit que vous les réduisiez au-delà de ce point et que vous obteniez un accès de 100 p. 100 à votre marché. Si vous êtes pour négocier des choses, négociez-les dans des quotas et rendez-les clairs. Amenez les autres au point où nous sommes, alors nous discuterons.

M. Deepak Obhrai: Cela nous ramène au premier point de l'accès de 7,5 p. 100 dont vous parliez, n'est-ce pas? Mais vous êtes d'accord qu'en bout de ligne, le système de l'offre et de la demande va...

• 1700

M. Mike Dungate: Je ne suis pas du tout d'accord avec cela, Je ne suis même pas près de cette position.

Le président: Monsieur Core.

M. John Core: La gestion des approvisionnements est une décision de politique intérieure et n'a rien à voir avec les règles actuelles de l'OMC. Nous avons choisi la gestion des approvisionnements intérieurs. L'accès déterminera la quantité de produits qui a accès à notre pays que nous ne pouvons fournir intérieurement. Mais il y a cette idée fausse. La gestion des approvisionnements n'a rien à voir avec l'OMC. La façon dont nous gérons notre système des approvisionnements au Canada est une question de politique intérieure.

L'autre chose que Mike souligne, c'est que lorsque que vous demandez un accès, c'est 5 p. 100; mais nous disons 5 p. 100 sur toutes les denrées, tous les produits de toute la liste, de sorte que personne ne puisse faire une agrégation ou l'attribuer à un pays en particulier. Nous disons que cela devrait être un accès de 5 p. 100 franc pour tout le monde dans toutes les catégories de produits. Cela nous éloigne d'ailleurs de cet autre problème que nous avons au sujet de l'administration du système de contingent des taux tarifaires.

• 1705

Le président: La gestion des approvisionnements n'a rien avoir avec l'OMC à la condition que vous ayez une frontière hermétique. Mais le problème au sujet de l'OMC c'est qu'il n'y a plus de frontières hermétiques.

M. John Core: Oui, il y en a.

Le président: C'est pourquoi le groupe de la gestion des approvisionnements était si en furie lorsque l'article XI a été éliminé. Cela a beaucoup à voir avec l'OMC sinon vous n'auriez pas été tellement en colère au sujet de l'article XI.

M. John Core: Il y a 1 300 contingents tarifaires dans le monde, et nous en avons 21. Cela me dit qu'il y a beaucoup de politiques intérieures qui sont adoptées dans le domaine de l'agriculture et que l'on n'appelle pas la gestion des approvisionnements. Mais les CT sont là pour protéger les marchés intérieurs parce qu'ils ont pris la décision de produire pour ce marché intérieur. Ils l'appellent quelque chose d'autre.

Le président: Je ne m'obstine pas avec vous à ce sujet. Je pense que c'est une relation. Je comprends que l'une est une politique intérieure, mais elle doit avoir l'appui du système international dans le cadre qu'elle a à offrir.

M. John Core: Au sein du CT.

Le président: Oui. Je dois avoir le tarif ou...

M. John Core: C'est ce que nous faisons valoir. S'il n'y a pas de CT, il n'y a aucune prévisibilité de la taille d'un marché intérieur. Donc de quelle façon est-ce que vous gérez un système de gestion des approvisionnements? C'est la question.

Le président: Oui, nous comprenons tous cela.

[Français]

Madame Debien.

Mme Maud Debien: Je suis parfaitement d'accord. Pour une fois qu'il y a un consensus au Québec et au Canada, je ne vois aucun problème.

Le président: Laissez le chien dormir.

[Traduction]

M. Jerry Pickard: C'est la différence entre Toronto et le reste de l'Ontario. Le Québec et l'Ontario sont d'accord.

M. Deepak Obhrai: Je pense qu'elle avait des poulets.

[Français]

Mme Maud Debien: Parlons du fameux 5. p. 100. Vous me direz si je comprends bien. Les gens nous en ont parlé plusieurs fois, et il semblait y avoir un petit peu de confusion. Quand on parle du 5 p. 100 d'accès aux marchés, ce que je comprends, c'est que de nombreux pays ont accordé un accès de 5 p. 100 pour l'ensemble des produits, ce qui leur permettait dans certains cas d'accorder 0 p. 100 pour des produits non compétitifs et 10 p. 100 pour des produits compétitifs. Est-ce bien cela? Le Canada, lui, a donné un accès de 5 p. 100 pour chacun des produits. C'est ce qui a causé cette distorsion. C'est ce que je comprends du 5 p. 100 de l'accès à nos marchés.

Vous dites qu'il faudrait que le Canada exige fermement, lors de la prochaine négociation, que ce soit 5 p. 100 pour chaque produit et non pas 5 p. 100 pour l'ensemble des produits, ce qui cause des distorsions. C'est ce que je comprends de la distorsion du 5 p. 100, et n'est pas équitable pour le Canada. Le Canada a joué franc jeu dans ce domaine, mais les autres pays ont créé cette distorsion. Dites-moi si ce que je dis est exact.

Madame Sullivan, si j'ai bien compris, vous avez dit que lors de la prochaine ronde, il fallait augmenter à 10 p. 100, et éventuellement à 15 p. 100, cet accès aux marchés. Telle serait la position agressive du Canada dans ce domaine. Est-ce que je vous ai bien comprise?

Concernant la gestion de l'offre, je suis parfaitement d'accord avec tous les intervenants. Il faut que le Canada maintienne sa position pour qu'on puisse continuer d'avoir recours à la gestion de l'offre.

Dans l'éventualité où les négociations échoueraient et où les autres pays, en particulier les États-Unis et l'Europe, n'accepteraient pas les positions canadiennes, que devrait faire le Canada? Devrait-il se retirer des négociations? Devrait-il rester là? Devrait-il continuer la bataille?

• 1710

M. Mike Dungate: Est-ce que cette question m'est adressée?

Mme Maud Debien: Elle s'adresse à tous les gens concernés au niveau de l'agriculture.

M. Mike Dungate: Je pense qu'en premier lieu, pour ce qui est de l'accès minimal de 5 p. 100, l'agrégation des produits est une façon d'agir. Une autre façon est de ne pas offrir un accès de 5 p. 100, même pour un seul produit. Il y a plusieurs façons de bloquer l'accès minimal.

Pour ce qui est des négociations, je pense que les Américains et les Européens ne seront pas d'accord sur l'élimination des subventions à l'exportation. Les Européens ne seront pas non plus d'accord sur l'élimination de la boîte bleue. Ce sont les mesures qui causent le plus de distorsions sur les marchés d'exportation. Ce ne sont pas les pays qui ont les marchés les plus ouverts qui doivent donner, mais les autres.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie: J'aurais seulement quelques commentaires, monsieur le président.

Je dois être à moitié d'accord avec le président à ce sujet. J'aimerais que la gestion des approvisionnements soit uniquement une question intérieure, mais il me semble qu'il y a un élément idéologique avec l'OMC, qui provient de l'esprit américain, si je peux m'exprimer ainsi, et qui a trait aux offices de commercialisation, et en particulier à la gestion des approvisionnements, comme une forme d'activité économique organisée qui est si préjudiciable pour eux. Ils la considèrent comme du cryptosocialisme sur leur frontière au nord, et ils sont déterminés à l'éliminer.

Je comprends pourquoi vous l'avez exprimé ainsi, mais je n'ai pas à le faire aussi. Je peux dire ce que c'est vraiment—à savoir une tentative d'imposer une certaine forme d'uniformité idéologique au monde.

Les offices de commercialisation, les organismes commerciaux d'États, la Commission du blé, la gestion des approvisionnements, les sociétés des alcools—tous ces mécanismes sont dans leur mire, façon de parler, à l'OMC. Plus vite les Canadiens s'en rendront compte, plus vite nos gouvernements commenceront à l'appeler de son véritable nom, au lieu de jouer à cette petite conversation commerciale polie... J'appellerai une rose par un autre nom si vous appelez quelque chose d'autre par un autre nom, et nous prétendrons que nous n'avons pas la discussion que nous avons effectivement.

Peut-être que tout cela est nécessaire pour prévenir d'autres hostilités, mais je pense que nous devons faire face au fait qu'un grand nombre des façons que nous avons de faire les choses ici au Canada sont, en fait, philosophiquement inadmissibles par nos voisins du sud. C'est une partie de ce qui se passe.

Je pense que je détecte un peu d'un problème ici en ce sens que vous—c'est-à-dire les personnes parmi vous qui sont dans la gestion des approvisionnements—avez un front uni, mais vos alliés d'autrefois ici parlent déjà, de bien des façons, de votre position comme irréaliste. En disant que leur position est réaliste, ce qui est tout à fait différent de votre position, ils disent implicitement que votre position est irréaliste.

Donc je vous conseillerais de vous réunir pour déterminer si vous pouvez présenter un front plus uni que ce que nous avons vu ici aujourd'hui. Si j'étais à la place des Américains ou des autres, je considérerais cela comme une occasion de dire que même votre propre industrie des services alimentaires ne considère pas cela comme une position réaliste.

J'appuie votre position, mais ce que je vois aujourd'hui me préoccupe.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Monsieur Boyd, voulez-vous répondre à cela?

M. Phil Boyd (directeur exécutif, Office canadien de commercialisation du dindon): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suppose que ma réponse portera en partie sur les propos de M. Blaikie, et en partie sur les autres propos que nous avons entendus aujourd'hui.

• 1715

Tout d'abord, oui, il y a une différence idéologique pour ce qui est de la position de l'ACRSA, de la position des groupes de gestion des approvisionnements, de la position de la Fédération canadienne de l'agriculture, et de la position de l'industrie de la volaille lorsqu'on en vient à la question des tarifs hors quota. C'est très clair.

Par contre, le point central, comme l'a articulé Mike Dungate, comme l'a articulé John Core et comme notre vice-président l'a articulé, va au coeur des jeux qui se sont joués lors du cycle de l'Uruguay. Je pense que madame en a identifié quelques-uns dans ses commentaires.

J'aimerais vous lire une citation du ministre du Commerce international lorsqu'il a lancé ses audiences avec vous en février, je crois. Il a dit:

    Bien franchement, il est tout à fait théorique d'ouvrir de nouvelles disciplines si des pays continuent de se cacher derrière toutes sortes de barrières dans les anciennes disciplines que nous avons ouvertes. Je pense que les gens doivent être francs... et ne pas être sanctimonieux au sujet du nouveau programme alors que l'ancien crée peut-être encore des secteurs où nous ne pouvons pas vendre nos produits et nos biens, ou vice versa.

À notre avis, il a frappé en plein dans le mille à ce sujet. Honnêtement, lorsque nous consultons les données, nous ne voyons pas un résultat réaliste de ce cycle qui dit que le Canada devrait entreprendre ses négociations avec quoi que ce soit d'autre que ce que la FCA a déposé. Ce qui a été résumé lors de la réunion commerciale la semaine dernière, à laquelle assistaient 600 des plus proches amis du ministre...

Des voix: Oh, Oh!

M. Phil Boyd: ...c'est que nous avons un ministre qui est déterminé à se battre au nom des agriculteurs.

Il y a des intérêts liés aux exportations à cette table qui ne sont vraiment nulle part ailleurs dans le secteur de l'alimentation. La position que nous appuyons sans réserve appuie l'agriculture canadienne et est profitable aux autres intervenants de l'industrie également.

Je pense donc que nous ne devons pas nous arrêter à savoir qui a concentré quoi, et qui a fait quoi, et qui n'a pas mis le point sur ce i et la barre sur ce t. La question, c'est que dans les engagements il y a des divergences de la façon dont les directives ont été respectées à la lettre pour ce qui est de savoir si elles étaient considérées ou non comme des règles. C'est aussi simple que cela.

Il y a des positions qui sont faciles à adopter. Certaines sont tellement simples qu'on se demanderait presque à voix haute pourquoi le Canada devrait participer—vous savez, tout simplement envoyer une lettre disant «Voici ce que nous allons faire» et ne pas le faire—lorsqu'il s'agit de la question des tarifs hors quota, des augmentations de l'accès minimum et toutes ces choses.

Merci beaucoup.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Merci, monsieur Boyd.

Mme Kathleen Sullivan: Monsieur le président, Mme Debien a posé quelques questions à l'ACRSA, et je me demande si nous pourrions avoir une occasion de répondre.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Un instant s'il vous plaît. Je donne d'abord la parole à M. Stolp.

M. John Stolp (représentant, Supply Management Commodities of Ontario): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais aborder les deux points, si vous me le permettez.

Oui, il y a des choses que nous faisons ici au Canada qui peuvent être préjudiciables pour nos voisins du sud, et pourtant il y a de nombreuses choses que nos voisins du sud font, notamment injecter 6 milliards de dollars en aide financière aux agriculteurs, qui sont très préjudiciables pour nous. Nous avons trouvé que cela allait totalement à l'encontre de toute l'idée de la libéralisation du commerce agricole, ou d'essayer de libéraliser la distorsion de ce commerce.

Le fait que ce que nous faisons et que ce qu'ils font puisse être préjudiciable ne devrait pas faire partie du débat à la table. Il y a toute la question de la gestion des approvisionnements qui est sur la table. Par nature, la gestion des approvisionnements est inférieure. Peu importe ce qui ressort du cycle commercial, ceux-là nous diront à quel point nous pouvons gérer ce système de la gestion des approvisionnements.

Notre position dit que c'est ce que nous estimons être important pour le Canada de sorte que nous pouvons continuer notre système de gestion des approvisionnements. Cependant, nous gérons notre approvisionnement de volaille et de produits laitiers, et ils gèrent leur approvisionnement de coton et d'arachides, ou peu importe ce qu'ils font avec du coton et des arachides, c'est notre choix de le faire ainsi.

À une certaine époque, tout faisait l'objet d'une tarification. On mettait un mot, tarification, sur tous les différents types de systèmes qui existaient. Maintenant, les choses étaient assujettis à la tarification—1 370 CT différents.

De toutes les façons imaginables de se protéger... et nous appelons le nôtre la gestion des approvisionnements.

Je me limiterai à ceci et laisserai Kathleen poursuivre.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Madame Sullivan.

Mme Kathleen Sullivan: Pour répondre aux questions de M. Blaikie—madame, je pense que nous reviendrons aux vôtres au prochain tour—nous voyons vraiment les choses différemment. Je ne sais pas qu'il s'agit d'une question d'idéologie tellement que du fait que nous sommes pratiques dans notre approche à cet égard.

M. Bill Blaikie: Pas dans votre cas; c'est si les Américains décident [Note de la rédaction: inaudible]

Mme Kathleen Sullivan: Je pense que Phil a laissé entendre que nous avons des différences idéologiques dans la façon dont nous le considérons.

M. Phil Boyd: Je pense que c'est juste.

Des voix: Oh, oh!

Mme Kathleen Sullivan: Nous examinons ce qu'est l'OMC. L'OMC indique clairement qu'il s'agit de la libéralisation progressive du commerce.

M. Bill Blaikie: Pourquoi supposer qu'il s'agit uniquement de la libéralisation du commerce?

• 1720

Mme Kathleen Sullivan: Le fait est que nous examinons un commerce libéralisé. Et nos négociateurs commerciaux ont également précisé que c'est...

Vous savez, je ne suis pas une spécialiste du commerce, mais je me tourne vers les spécialistes pour comprendre ce dont il s'agit. Ils disent qu'au cours du prochain cycle et des cycles successifs, ce que nous examinons, c'est une progression ou libéralisation continue du commerce.

Je pense que nous devons de toute évidence examiner toutes les questions à l'étude pour ce qui est des subventions aux exportations, du soutien interne qui crée une distorsion, et des choses de cette nature, mais si nous nous présentons au prochain cycle de négociations avec une position intenable, plusieurs choses vont se produire. Premièrement, nous serons obligés d'adopter une position qui nous est imposée par nos partenaires commerciaux, tout comme cela s'est fait la dernière fois au sujet de la tarification. Deuxièmement, nous perdrons le contrôle de la période de transition au profit de marchés plus ouverts. Troisièmement, qu'arrivera-t-il aux industries au Canada qui sont axées sur les exportations—l'industrie du sucre, par exemple?

Je suppose que je ne suis pas d'accord quand on dit que la position de la FCA est tenable. Je pense que nous nous présentons à la table en disant que nous voulons progresser dans un domaine et demeurer protectionnistes dans un autre. Si tous les pays du monde se présentent au cycle de négociations en disant cela, devrions-nous vraiment alors amorcer un autre cycle de négociations cet automne?

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup.

J'aimerais faire un commentaire pendant que j'occupe la présidence.

La présidence du comité est d'accord avec les mémoires qui ont été présentés aujourd'hui. Bien honnêtement, j'appuierais la position de Bill—je faisais des farces auparavant—mais il y a une précision qui doit être apportée: le système de l'approvisionnement a été magnifique pour le Canada. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Il a été magnifique pour le consommateur. Il a été magnifique pour l'industrie de la restauration. Il a été magnifique pour tout le monde à l'intérieur du système.

Oui, Bill, vous avez raison de dire que les Américains ne le voient pas de la même façon dans leur économie, mais la réalité est que nous avons participé à une négociation commerciale la dernière fois et nous avons conclu une entente qui semblait en apparence raisonnable, mais qui n'était pas applicable—ou du moins ils n'ont pas respecté ce qui avait été négocié et conclu.

Je dois féliciter tous les groupes des denrées qui sont ici autour de cette table parce que je pense que chacun d'entre vous a fait un très grand bout de chemin pour parvenir à une nouvelle solution, une solution qui soit crédible, et une solution qui puisse progresser.

Je crois que vous avez dû tous faire beaucoup de sacrifices parce que vos premières positions et vos positions actuelles ont énormément changé.

En fait, ce que nous devons faire, c'est d'utiliser le fait que nous avons déposé une bonne position sur la table, que Mme Sullivan a très bien présentée, mais elle se doit d'être applicable. C'est vraiment sur cet aspect que nous avons eu des problèmes avec l'Union européenne et les États-Unis. Ce n'est pas seulement la position que nous adoptons; c'est aussi la position avec laquelle ils vont devoir vivre. Il va y avoir toute sorte d'arguments à la table.

Je pense que l'une des positions qu'ils vont rapidement adoptée—et j'aimerais connaître votre réponse—est qu'un accès de 5 p. 100 signifie quelque chose de différent pour les États-Unis que pour le Canada. Ils vont parler de quantité et non de pourcentage. Nous parlons de pourcentage et non de quantité. Nous devons avoir une position claire à cet égard.

Nous pourrions peut-être avoir des commentaires de chacun des groupes à ce sujet parce que je pense que ce sera le principal obstacle avec les Européens et les Américains.

John.

M. John Core: Si je peux me permettre, monsieur le président, je suis d'accord avec vous. Lorsque j'écoute la rhétorique, j'entends les Américains et les Européens dire qu'un accès de 5 p. 100 à notre marché est dix fois plus important qu'un accès de 5 p. 100 à votre marché, et ce n'est pas juste; faisons-le en fonction du tonnage.

Par contre, la réalité, c'est que si vous êtes pour avoir des règles uniformes, cet accès doit être proportionnel à la taille du marché. C'est la seule façon qu'il aura le même impact sur le marché intérieur des autres pays que chez les concurrents commerciaux.

Je pense donc que vous avez soulevé un excellent point, monsieur Pickard, parce qu'on perd souvent cet aspect de vue. Il y a même eu—je n'ose pas le dire—des députés qui m'ont posé la même question: Est-ce qu'un accès de 1 p. 100 à l'énorme marché américain ne vaut pas beaucoup plus pour vous qu'un accès de 5 p. 100 au marché canadien, et est-ce que cela ne fait pas partie de l'uniformatisation des règles?

Ce n'est pas la question. La question c'est que la production intérieure de ce pays doit subir la même pression sur la taille de son marché que le producteur intérieur d'un autre pays si vous devez avoir des règles uniformes.

• 1725

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Je voulais tout simplement m'assurer que ce point était consigné aux délibérations, parce qu'on le perd parfois de vue.

Mike, alliez-vous répondre également?

M. Mike Dungate: Non.

M. Bill Graham: Je sais que je devrais être là, monsieur le président, mais puis-je poser une question?

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Certainement, monsieur Graham, vous avez 5 minutes.

M. Bill Graham: Je sais que je dois faire vite. Voici trois petites questions que j'ai et elles sont plutôt toutes techniques. Eh bien, l'une est en quelque sorte philosophique.

Tout le monde dit que nous devons nous défaire des subventions aux exportations et tout le monde dit que ce sont les Américains et les Européens qui le font, donc comment... Jean a demandé plus tôt aujourd'hui de quelle façon nous allions attacher le grelot. Eh bien, qui va dire aux Européens et aux Américains de se débarrasser de... ou de le faire; cela ne sert à rien de leur dire. Ils le promettent depuis cent ans. C'est comme le désarmement nucléaire que nous avons traversé. Tout le monde a signé le traité et tout le monde a accepté de faire des choses, mais personne n'a rien fait pendant 25 ans.

Maintenant ils ont promis de le faire et ils ne l'ont pas fait; qui donc va les obliger à le faire s'ils ne veulent pas le faire? C'est ma première question.

Ma deuxième est la suivante. Si vous avez des boîtes bleues et des boîtes vertes et ces quatre couleurs différentes de boîte, supposément celles-là ont été acceptées par tout le monde lors des négociations. Comment est-ce que les Américains et les Européens peuvent faire passer quelque chose de la boîte orange à la boîte bleue ou de la boîte orange à la boîte verte, ou de la boîte bleue à la boîte verte, sans l'autorisation de qui que ce soit d'autre autour de la table? Cela ressemble pour moi à une décision unilatérale. La question que j'ai est comment se peut-il qu'ils fassent cela? Sont-ils autorisés à prendre des décisions unilatérales?

Ma troisième question porte sur le fait que vous avez dit qu'environ 54 p. 100 du CT aux États-Unis—j'oublie s'il s'agissait du poulet ou du dindon—n'était pas respecté. Est-ce que cela signifie que vous pourriez le combler? Est-ce que cela signifie qu'il s'agit d'un espace de marché qui est ouvert à nos producteurs et qu'ils peuvent le saisir, ou est-ce autre chose?

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Monsieur Boyd, voulez-vous répondre à cela en premier?

M. Phil Boyd: Merci beaucoup, monsieur le président. Je répondrai uniquement à la première question.

Je crois que la question que M. Graham posait était pour savoir ce qui allait obliger les Européens et les Américains à abandonner les subventions aux exportations et à les éliminer et à régler leurs autres questions. Je ne sais pas ce qui va les obliger à faire cela, mais je sais que si on joue avec les tarifs hors quota sur les produits canadiens, cela ne les obligera pas à le faire et je pense que c'est la précision que nous apportons.

L'autre chose, je suppose, est que selon que je me souvienne, les Européens et les Américains... les Européens, en fait, étaient en faveur du retour de l'article XI au tout début du dernier cycle, et que ce n'est qu'à la dernière minute, lorsqu'ils sont allés dans la présidence de M. Blair et qu'ils ont conclu une entente qu'ils ont reculé.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Apparemment que les Japonais nous ont également appuyés à un moment donné.

M. Phil Boyd: Oui, et ils ont marché également. Mais je pense que notre négociateur canadien dirait que ce qui s'est passé la dernière fois n'a pas isolé le Canada, pas du tout. Je pense que c'est ce qu'il a dit lorsqu'il a comparu devant le Comité permanent de la chambre sur l'agriculture.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Est-ce qu'il y a quelqu'un qui veut répondre à la question au sujet du passage des boîtes oranges à vertes à bleues? Mike?

M. Mike Dungate: Je vais le faire, étant donné que j'ai soulevé la question. Ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont modifié leurs programmes intérieurs. Donc vous avez un producteur de blé dans le centre-ouest des États-Unis qui obtenait un paiement de, disons, 30 000 $ par année en fonction de la quantité de blé qu'il produisait chaque année. C'était un programme orange. C'était directement relié à la production. Ce qu'ils ont donc dit, c'est que nous allons vous limiter à votre production historique et nous vous donnerons 30 000 $ par année. Nous ne nous préoccupons pas de ce que vous allez produire maintenant. Ce type produit du blé sur sa ferme depuis au moins 40 ans. Il obtient toujours la même somme de 30 000 $. Qu'est-ce qu'il va faire? Il va également semer du blé cette année.

M. Bill Graham: Ils l'ont intégré au programme de prêt ou à quelque chose du genre. Ils ne disent pas ce qu'ils...

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): John.

M. John Core: Un des autres éléments de notre position en matière de politique c'est qu'il devrait y avoir un processus d'autorisation préalable. Vous devez avoir des programmes verts, mais ayons un processus d'autorisation préalable au niveau de l'OMC qui applique les mêmes règles à tout le monde en tant que sous-ensemble de la politique.

M. Bill Graham: Comme dans le cas des subventions aux exportations—il y a déjà une subvention aux exportations industrielles pour laquelle vous avez une liste de ce qui est permis et c'est clair.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Cor.

M. Cor Kapteyn (membre du conseil, Ontario Broiler Hatching Egg and Chick Commission): J'aurais un tout petit commentaire, et peut-être que cela apportera encore plus de confusion. Je crois comprendre qu'ils essaient de mettre au point une autre boîte en Europe et ils l'appellent la boîte multifonctionnelle. Il y a eu passablement de discussions entre les Européens voulant qu'elle ne corresponde à aucune autre couleur, mais ils sont là pour parler d'autres choses que de l'agriculture. L'une des choses est d'attirer le tourisme, de sorte qu'ils doivent garder la campagne propre. Ils ont des questions environnementales dont ils doivent tenir compte, Ils ont donc créé, pour l'instant, une autre boîte qui est multifonctionnelle de sorte que la situation se compliquera.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Est-ce que je pourrais avoir une réponse rapide au sujet des pourcentages d'accès, puis Mme Augustine va poser une questions.

• 1730

Mme Kathleen Sullivan: J'aimerais tout simplement répondre à la question de l'accès de deuxième catégorie et pour savoir s'il est ou non respecté. Je pense que lorsque nous parlons de cet accès de 5 p. 100, nous devons remettre en question si nous laissons entendre que d'autres pays n'ont pas respecté leurs engagements qui sont dans la table de l'OMC, ou si nous laissons entendre que les engagements étaient trop souples, et je ne pense pas que c'était le cas.

Je pense qu'un aspect avec lequel nous sommes tous d'accord autour de cette table, c'est qu'au cours du prochain cycle nous devons nous assurer que les engagements en matière d'accès, qu'ils soient ou non à un niveau de 5 p. 100 ou, comme je serais tentée de dire, à un niveau plus élevé, sont en fait clairs et ils sont applicables et chacun est d'accord de vivre avec.

Je pense qu'un autre point important est que nous—et cet aspect a été soulevé par des groupes précédents qui ont comparu devant nous, nous considérons comme des scouts. Nous ne sommes pas au niveau de 5 p. 100 sur tous nos produits pour ce qui est des engagements en matière d'accès. Nous avons une décision unanime de l'OMC qui laisse entendre que notre système d'établissement quotidien des prix est en fait une subvention aux exportations et que nous ne respectons donc pas notre engagement d'importer du lait de consommation.

Je pense qu'il faut nous rappeler de cet aspect également. Il y a d'autres pays qui ont des préoccupations au sujet de ce que fait le Canada aussi.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Madame Augustine.

Mme Jean Augustine: Ma question est plutôt du type coopérative. J'étais intéressée ce matin par les propos de l'un des témoins qui nous disait qu'il n'y a rien de mal avec l'OMC; ce qui ne va pas, ce sont nos négociateurs. Je me demandais s'il y en avait un d'entre vous qui avait des commentaires à faire à ce sujet.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): John.

M. John Core: On m'a assuré et on m'a assuré de nouveau que les négociateurs du Canada reflètent la politique gouvernementale dans les négociations et je ne les ai jamais vu en déroger.

En fait, si M. Gifford est choisi comme négociateur pour le secteur de l'agriculture, nous estimons qu'il s'agit d'une personne très expérimentée, très connaissante et je suis convaincu qu'il suivra l'orientation que lui donne le gouvernement du Canada.

C'est pourquoi nous sommes ici, pour influer sur la position en matière de politique du gouvernement du Canada.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Et le gouvernement du Canada a essayé de maintenir la participation de la collectivité aux négociations la dernière fois. Ils avaient des négociateurs sur place, travaillant main dans la main.

Mme Kathleen Sullivan: Je reprendrais les commentaires de John au sujet de la qualité de nos négociateurs et ce que nous les avons habilité à faire, mais je pense que ce qui est important, c'est que nous, en tant qu'industries et en tant que Canadiens, nous nous présentions avec une position de négociation commune et crédible que nous pouvons remettre à nos négociateurs afin qu'ils obtiennent effectivement des résultats réels et significatifs pour nous.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Monsieur Ferrier.

M. Andrew Ferrier: J'allais faire un commentaire semblable à ce sujet. Je pense que l'un des problèmes que nos négociateurs ont, c'est que la promesse générale que je pense que le ministre a faite par le passé est de ne pas mettre en concurrence les secteurs les uns envers les autres. Nous avons de toute évidence des intérêts différents, alors que vous avez un secteur qui dit qu'il est axé sur les importations et qu'il est nécessaire que d'autres pays défassent une partie de leur gestion des approvisionnements, et nous avons d'autres secteurs qui disent qu'ils ont besoin d'une gestion des approvisionnements parce que d'autres pays ne s'en défont pas, et nous tournons en quelque sorte en rond.

Je pense que Kathleen est tombée pile. Nous devrions consacrer un peu plus de temps à l'interne à essayer de trouver un terrain d'entente commun entre les industries axées sur les exportations, ou les industries qui veulent exporter mais qui ne peuvent le faire en raison des distorsions d'autres pays et de nos propres besoins.

Je pense que nous avons beaucoup de travail à faire pour ne pas mettre nos négociateurs dans la position de devoir échanger un secteur contre un autre.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Mesdames et messieurs, ce commentaire a également été formulé par de nombreux autres. N'échangez pas un groupe contre un autre. Défendez les positions que nous avons.

Je tiens vraiment à vous remercier tous d'être venus et de nous avoir communiqué vos renseignements. Il ne fait aucun doute que votre apport va être très important pour la rédaction finale de notre rapport; je vous en remercie donc beaucoup. Nous vous en sommes reconnaissants.

Nous allons prendre un pause. Notre programme est décalé de sorte que nous allons prendre une pause pendant les 12 prochaines minutes et nous reviendrons à 16 h 30 pour le groupe suivant.

Merci beaucoup.

• 1734




• 1758

Le président: Nous attendons toujours l'arrivée de Mme Grey, mais elle sait où nous sommes et je suis convaincu qu'elle arrivera sous peu.

En attendant, nous avons le Conseil des Canadiens, représenté par Catherine Goulet. Merci beaucoup d'être venue. Vous savez que Mme Barlow a comparu devant nous à Ottawa.

Mme Catherine Goulet (représentante du sud de l'Ontario, Conseil des Canadiens): Oui, je le sais.

Je n'ai apporté que cinq copies de mes propos. Je ne sais pas si les membres les ont. Mais je vais...

Le président: Nous avons dû les remettre aux interprètes. Mais ne vous inquiétez pas, c'est correct. Nous nous assurerons...

Mme Catherine Goulet: Très bien. Je ne fais que lire.

Tout d'abord, je tiens à remercier le comité de l'occasion qu'il me donne de prendre la parole aujourd'hui. Tel qu'on l'a indiqué, je travaille avec le Conseil des Canadiens, un groupe d'intérêt national, non partisan, public qui compte plus de 100 000 membres et plus de 50 chapitres locaux au Canada.

Comme l'a indiqué le président, votre comité a déjà entendu Maude Barlow, notre présidente nationale. Je partage ses préoccupations et j'entérine pleinement son mémoire. Donc, au lieu de répéter certains des points que Maude a soulevés, les deux grandes questions que j'aimerais aborder aujourd'hui sont le profil bas de cette consultation et le manque d'accès et de compréhension de la part des Canadiens au sujet des questions visées par la ZLEA et l'OMC.

Je tiens à faire remarquer que je pense que ces audiences sont une initiative importante et un bon premier pas. Tout en reconnaissant le temps et les ressources que le gouvernement a consacrés pour que votre comité se déplace partout au pays afin de discuter avec des Canadiens préoccupés, c'est loin d'être vraiment représentatif de l'opinion publique sur la question. La plupart des Canadiens ne sont pas du tout au courant qu'on nous demande de répondre à ce processus. Je le reconnais, les médias ont contribué à ce manque d'information en négligeant de couvrir vos audiences. Cependant, je pense que le comité et le gouvernement ont une responsabilité de nous informer au sujet des questions critiques qui sont abordées par votre comité.

• 1800

Les membres du comité savent peut-être que le Conseil des Canadiens, avec une quarantaine d'autres organisations nationales, a entrepris l'automne dernier une consultation sur l'AMI. Nous avons tenu des audiences publiques dans huit grandes villes et près de 15 000 personnes y ont pris part à travers le pays. Je crois que ce processus de consultation était probablement plus vaste que celui dans lequel vous êtes présentement engagés.

J'ai cru comprendre que le ministre Marchi et les ministres provinciaux du Commerce avaient rencontré le Conseil canadien des chefs d'entreprises (CCCE), et d'autres, pour discuter de la manière avec laquelle devraient se dérouler les consultations publiques sur l'OMC. J'aimerais suggérer au ministre de songer à consulter un plus grand échantillon de la population canadienne. Peut-être que quelqu'un du comité pourrait me tenir au courant à ce sujet.

Compte tenu du désastre en matière de relations publiques dont ont souffert les gouvernements parce qu'ils n'ont pas consulté leurs citoyens au sujet de l'AMI, je suis surprise et déçue que le gouvernement n'en fasse pas plus aujourd'hui pour éviter que des problèmes semblables ne se reproduisent. Je m'inquiète du fait que la population canadienne n'ait pas été informée de ce qui se cache dans ces accords et de leurs conséquences pour chacun des Canadiens.

Ce que je comprends à la lecture des documents que m'a fait parvenir la greffière du comité, c'est que les états membres de l'OMC sont engagés pour l'instant dans un processus d'élaboration de propositions. J'ai peur qu'en nous engageant dans ces consultations maintenant, avant d'avoir élaboré nos propositions, la population canadienne ne puisse avoir l'opportunité de répondre à quelque chose de concret. Il semble qu'on nous consulte avant le fait.

Je travaille avec des organisations intéressées aux questions de commerce international depuis le début des années 90, et malgré cela, j'ai toujours l'impression que mon gouvernement ne m'informe pas suffisamment au sujet de notre programme commercial. La macro-économie, le droit commercial, l'OMC et le GATT, ce ne sont pas des sujets de lecture légère pour une journée de congé, et pourtant bon nombre de Canadiens tentent de s'y mettre. Nous commençons a apprendre l'économie. Nous lisons le plus possible, nous allons à des conférences, nous assistons à ces audiences, tout ça en vue de comprendre toutes ces questions qui sont d'une extrême importance dans notre vie de tous les jours. Cependant, le gouvernement doit mieux travailler à transmettre cette information aux Canadiens, dans un langage compréhensible.

Même si nous n'avons pas de diplômes en économie, il est clair à mes yeux et aux yeux de bon nombre de Canadiens que l'expérience de l'ALENA n'a pas été fructueuse pour nous. On nous dit qu'il y a eu reprise économique, mais nous savons que beaucoup de Canadiens pensent le contraire.

La politique commerciale canadienne a toujours reposé sur l'idée que ce qui est bon pour les affaires et le commerce est bon pour les Canadiens. J'avancerais que ce n'est plus le cas aujourd'hui. L'économie se mondialise de plus en plus, mais les effets de ruissellement de cette mondialisation et les avantages qui en résultent ne se font pas encore sentir pour les Canadiens. L'économie mondiale ne ruisselle pas, elle inonde. Elle ne profite pas à la majorité des Canadiens. Le gouvernement canadien doit élaborer une politique qui soit profitable à la majorité d'entre nous.

Les gouvernements doivent répondre aux préoccupations de la population et à son sentiment d'être mal informée. Il revient au gouvernement d'informer l'électorat et de s'engager dans des discussions approfondies avec lui.

Le gouvernement doit répondre aux préoccupations soulevées pendant cette discussion avant de passer aux négociations. Ainsi, j'implore le comité de s'engager à veiller à ce que les Canadiens soient mieux informés et consultés beaucoup plus sérieusement et de recommander que le Canada cesse de négocier des accords à l'OMC et au sein de la ZLEA jusqu'à ce que cela ait été fait.

Merci.

Le président: Merci beaucoup madame Goulet.

Nous allons passer à M. Porter du «Centre for Equality Rights in Accommodation». Monsieur Porter.

M. Bruce Porter (directeur général, Centre for Equality Rights in Accommodation): Merci, monsieur le président.

Vous remarquerez que ma présentation est intitulée «Rethinking Trade and Investment Within a Human Rights Framework» (Repenser le commerce et l'investissement dans le contexte des droits de la personne). Je vais simplement tenter de vous la résumer brièvement et j'espère pouvoir en discuter un peu plus pendant la période des questions.

Le CERA oeuvre dans le domaine des droits de la personne en matière d'habitation depuis plus d'une décennie. Nous travaillons principalement avec des personnes vivant dans la pauvreté et ayant des difficultés à se trouver un logement adéquat. La majorité de ces personnes sont des femmes et des enfants.

Mais dans le cadre de notre travail sur les droits nationaux de la personne, nous avons réalisé que les causes de la pauvreté et de la clochardisation systémique au Canada vont bien au-delà de nos frontières et sont liées à des événements qui se produisent au niveau international. Cela nous a amené à nous intéresser à la question des droits internationaux de la personne. Nous avons coordonné les présentations de certaines ONG devant des organismes de surveillance de l'application des traités sur les droits de la personne à l'occasion de l'examen des pratiques du Canada devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, et plus récemment, il y a quelques semaines seulement, devant le Comité des droits de l'homme à New York. Et nous travaillons avec d'autres ONG au niveau international, à promouvoir les droits économiques et sociaux, comme le droit à un niveau de vie adéquat et le droit à un logement.

• 1805

Essentiellement, ce que je veux vous dire aujourd'hui, c'est que les initiatives du Canada de ces dernières années dans le domaine du commerce et de l'investissement ont été mal dirigées et reposaient uniquement sur un paradigme de droits de la personne incompatible avec l'historique des droits de la personne au Canada, avec notre propre constitution, et avec le souhait de la majorité des Canadiens.

J'ai parlé de revenir sur l'engagement du Canada envers une approche holistique des droits de la personne. Nous oublions parfois que nous avons une très grande différence avec nos voisins du Sud. Les États-Unis ont fermement refusé de reconnaître tout droit économique et social dans la loi internationale sur les droits de la personne, jusqu'au point d'être un des deux pays à refuser de ratifier la Convention relative aux droits de l'enfant.

Dans notre propre constitution, cette différence se reflète dans la décision de ne pas inclure les droits de propriété dans la Charte canadienne des droits et libertés par crainte que cela ne nous mène à des cas comme ceux survenus aux États-Unis, où les droits corporatifs ont fini par l'emporter sur les droits de la personne de certains groupes vulnérables. Pourtant, ce que nous avons privilégié au cours des dernières années en matière de commerce international et d'investissement, c'est essentiellement un paradigme américain de droits de la personne, où les droits de propriété, les droits corporatifs, priment sur les droits des groupes vulnérables.

Cela nous a mené à ce que David Schneiderman et d'autres ont décrit comme un changement constitutionnel par des moyens détournés, où grâce à des accords tels le chapitre sur l'investissement de l'ALENA et certains traités commerciaux bilatéraux, dont certainement l'AMI, les corporations sont autorisées à mettre en cause certaines initiatives de réglementation gouvernementales, conçues pour protéger les droits des groupes vulnérables. Les corporations sont autorisées à contester ces règlements comme une forme d'expropriation, alors que la Cour suprême du Canada, très tôt dans l'historique de la charte, dans le cas Irwin Toy, a déclaré que cela ne constituait pas un droit pour les entités corporatives au sein du régime constitutionnel canadien.

Aussi, nous nous sommes vraiment éloignés d'un des principes essentiels de notre système constitutionnel, exprimé à l'article 36 de notre constitution, où l'on reconnaît ici au Canada que les gouvernements ont la responsabilité positive de protéger les groupes vulnérables et de prendre les mesures nécessaires pour qu'ils puissent compter sur un abri et un niveau de vie adéquat, composantes d'une approche holistique des droits de la personne, qui constitue vraiment la seule approche qui soit cohérente avec le régime international des droits de la personne. Vous savez tous que la Déclaration universelle des droits de l'homme, et les conventions subséquentes, ont toutes reconnu l'interdépendance des droits économiques et sociaux avec les droits civils et politiques.

Aussi, je suggère que le Canada revienne sur son engagement historique envers cette approche holistique des droits de la personne et s'écarte de manière très remarquable de ce qui constitue une approche très négative qui essentiellement, comme je le suggère dans ma présentation, a mis les droits sociaux et économiques sans dessus dessous en autorisant seulement les entités corporatives à mettre en cause les mesures de réglementation gouvernementales, sans donner le droit aux citoyens—qui ne peuvent compter que sur les mesures prévues pour la protection de leurs droits essentiels—de se plaindre que le gouvernement viole leurs droits en ne les protégeant pas ou en ne réglementant pas le marché.

J'ai souligné certains des éléments de l'AMI les plus effrayants pour ceux d'entre nous qui travaillons dans le domaine des droits économiques et sociaux. Entre autres, les dispositions sur le statu quo et le démantèlement contenues dans cet accord sont en contradiction flagrante avec le principe très important de réalisation progressive en matière de droits économiques et sociaux, qui essentiellement signifie qu'en ratifiant la Convention sur les droits économiques, sociaux et culturels, le Canada et les autres États se sont engagés à tenter d'aller de l'avant en matière de protection des droits économiques et sociaux, et à ne pas adopter de mesures rétrogressives délibérément.

Le comité à Genève, à l'occasion de l'examen des pratiques du Canada, a relevé certaines mesures rétrogressives très sérieuses, particulièrement en ce qui a trait à la révocation des droits sous le Régime d'assistance publique du Canada, qui constitue vraiment la base en matière de protection d'un niveau de vie adéquat et du droit au respect de ses besoins fondamentaux dans les programmes d'assistance sociale. Cette mesure a bien sûr été suivie d'une hausse dramatique de la pauvreté et de la clochardisation, deux problèmes très sérieux au Canada, selon les deux principaux organismes de surveillance de l'application des traités sur les droits de la personne de l'ONU.

• 1810

Une fois encore, ce que nous avons c'est un régime où les choses bougent peu en termes de politique gouvernementale lorsque des organismes des droits de l'homme de haut niveau relèvent des cas très sérieux de violation des droits économiques et sociaux au Canada; mais lorsqu'une corporation américaine invoque le chapitre sur l'investissement de l'ALENA, ou lorsque l'OMC s'élève contre les magazines à tirage dédoublé, cela a des répercussions très marquées sur la politique gouvernementale, qui est immédiatement révisée. Il n'y a eu aucun signe de tels changements dans la politique à la suite des commentaires émis par le Comité des droits de l'homme des Nations Unies.

Aussi, il existe une disparité évidente dans le degré d'application des droits économiques et sociaux des citoyens si on compare avec les droits corporatifs des investisseurs et des partenaires commerciaux.

Ce que je suggère comme nouvelle approche, c'est de revoir complètement les choses et de partir de la primauté des droits de la personne pour négocier des traités sur le commerce et l'investissement.

• 1815

À quoi cela ressemblerait-il? Tout d'abord, il faut que nous ayons des dispositions nationales relativement à l'application des droits économiques et sociaux. C'est le premier point de départ.

Nous sommes très préoccupés du fait que dans la récente entente sur l'union sociale on ne fasse aucunement allusion à une éventuelle coopération ou entente fédérale-provinciale en vue de protéger les droits fondamentaux des citoyens ou de respecter nos obligations en vertu du droit international en matière de droits de la personne. La question de la coopération fédérale-provinciale est constamment revenue comme un problème de base au Canada, aux yeux des organismes internationaux de surveillance chargés de veiller au respect des droits de la personne; il est clair que l'entente sur l'union sociale aurait dû être l'occasion de faire de cet enjeu une des principales priorités. Nous n'avons même pas assisté à la restauration des droits en vertu du RAPC, droits perdus avec le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, et ce en dépit des nombreuses préoccupations soulevées continuellement par les organismes de surveillance.

Donc, il faut commencer par adopter des dispositions nationales relatives à l'application des droits économiques et sociaux, pour faire suite aux recommandations de différents organismes de surveillance de l'application des traités sur les droits de la personne.

Il faudra aussi voir à faire appliquer de façon plus efficace les obligations du Canada en vertu du droit international en matière de droits de la personne. Nous devons commencer à mettre au point, à l'intérieur du régime international des droits de la personne, des mécanismes d'application efficaces, de manière que lorsque des conflits surviennent entre des partenaires commerciaux sur la violation éventuelle d'un traité commercial, conflits touchant également à la protection des droits économiques et sociaux des citoyens, nous ayons un moyen de statuer sur les questions relatives aux droits de la personne qui pourraient être soulevées.

Nous ne voulons pas par notre approche donner à l'OMC ou aux tribunaux sur le commerce et l'investissement un rôle de juge-arbitre. Nous pensons que la jurisprudence des 50 dernières années relativement aux droits de la personne doit être préservée, et nous croyons qu'il est important de s'assurer que les organismes ayant les compétences nécessaires pour juger des questions de droits de la personne, qu'il s'agisse d'organismes nationaux ou internationaux, soient les seuls habilités à le faire.

Aussi nous envisageons, pour chacun des accords sur le commerce et l'investissement, quelque chose comme une clause sur les droits de la personne, plutôt qu'une clause sociale, qui dirait essentiellement que les droits de la personne priment sur les dispositions contenues dans les différents accords sur le commerce et l'investissement. Par exemple, lorsqu'au Canada quelque chose serait contestée comme une forme d'expropriation, le Canada pourrait avoir l'occasion de dire «non, il s'agit là d'une composante de la protection des groupes requise par nos engagements internationaux en matière de droits de la personne»; et lorsqu'il faudrait statuer à savoir si telle ou telle chose constitue ou non une obligation en vertu de la Loi sur les droits de la personne, ce serait un organisme de défense des droits de la personne qui serait chargé de le faire.

Il est clair que nous devons bouger, au niveau international et national, afin de créer des mécanismes d'application qui soient au moins aussi puissants et efficaces que les mécanismes d'application mis au point aux cours des dernières années dans le secteur du commerce et de l'investissement.

Je terminerai sur ce, et je serai heureux de répondre aux questions à la fin. Merci.

• 1820

Le président: Merci, monsieur Porter. Cela était très utile.

Je vais revenir à Mme Grey, qui s'est jointe à nous maintenant, mais je pourrais passer la parole à M. Jennison d'abord, si vous le voulez. Je vais donner la parole à M. Jennison, puis je reviendrai à vous plus tard.

M. Don Jennison (témoignage à titre personnel): Merci.

Mon nom apparaît ici sur la liste comme indépendant, mais j'ai bien la permission de parler au nom d'une organisation locale, la WORLD 19. Nous avons formé ce groupe en 1997 afin de nous opposer à la grande fusion de la cité de Toronto. À ce moment, 78 p. 100 des citoyens étaient opposés à cette fusion, mais elle s'est quand même faite. Notre opposition à la mégacité se basait sur le fait que...

Le président: Je faisais partie des 79 p. 100.

M. Don Jennison: Était-ce 79 p. 100?

Le président: Je faisais partie des 79 p. 100... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]

M. Don Jennison: Entendu, entendu!

Notre opposition à la ZLEA repose sur le même principe. Les gens n'en veulent pas, mais les grosses entreprises en veulent—et le nom du CCCE a été mentionné ici par ma collègue du Conseil des Canadiens. C'est là une partie du problème dont on discute ici aujourd'hui. Nous n'avons pas beaucoup de poids en tant que citoyens, mais le CCCE et l'OCDE en ont. Je suppose que cela constitue l'introduction à mon propos d'aujourd'hui.

J'ai eu de la difficulté à même venir à ce comité, ce qui est plutôt malheureux. Un de mes collègues ici a mentionné la même chose aussi. Je ne sais pas où les gens ont pris leur information; mais il y avait beaucoup de monde avant moi. Mais je ne suis qu'un individu ordinaire. Je lis les journaux chaque jour. J'appartiens au Conseil des Canadiens. J'appartiens au Centre canadien de politiques alternatives. Je ne sais pas où les gens ont entendu parlé de ces audiences. Je suppose que le fait qu'il n'y ait que cinq ou six d'entre nous ici pour parler de cette question montre bien que les gens savent peu ce qui se trame au gouvernement fédéral. Je suis étonné, vraiment, qu'il y ait si peu de gens ici.

Notre petit groupe n'a débuté que depuis peu, mais nous allons étendre nos activités à d'autres sphères du domaine politique. Ce n'est qu'une indication.

J'ai reçu cet avis d'une femme à Vancouver, qui prépare une manifestation civile à propos de l'AMI ou de la ZLEA—je ne suis plus certain—et elle m'a encouragé à placer mon nom sur la liste des invités. J'ai essayé de placer mon nom sur la liste; ma député n'était même pas au courant. J'appartiens à la circonscription de Parkdale, en passant. Et j'ai cru comprendre qu'elle allait présider quelque chose qui débutait bientôt.

J'ai appris il y a cinq ou six jours que ces auraient lieu, aussi je me suis précipité durant les trois ou quatre derniers jours pour rédiger ce petit discours que je m'apprête à vous présenter. Je ne pense pas que tout soit bon.

Heureusement, j'ai beaucoup lu sur l'économie. Je ne suis pas économiste; je ne suis qu'un citoyen ordinaire qui lit beaucoup et j'ai des opinions très arrêtées sur ce pays et sur son avenir. Cela m'a pris 72 ans; c'est à peu près mon âge, aussi beaucoup de choses sont derrière moi.

Ce qui me préoccupe vraiment ici aujourd'hui, c'est le manque de participation du public. Je ne crois pas pouvoir y faire grand chose, mais je vais certainement essayer.

Je trouve ça curieux d'être ici, et tellement de renseignements ont circulé sur le libre-échange, renseignements véhiculés par des gens comme Linda McQuaig, Mel Hurtig, David Orchard, John Ralston Saul, Paul Hellyer, et bien sûr Maude Barlow, Walter Stewart, James Laxer, Tony Clark, Murray Dobbin, William Krehm, Thomas Walkom, Ed Finn et même Northrop Frye.

Je ne vais en citer qu'un seul, Northrop Frye, qui a dit:

    Les Américains ont tenté à deux reprises d'occuper notre pays, et ils ont échoué les deux fois, mais les actes de violence se sont poursuivis durant les raids des Fenians et autres batailles de ce genre comme la crise du «Fifty-four forty or fight». Puis ils ont alors essayé [les Américains] la pénétration économique, qui a brillamment réussi. Pourquoi se donner tout le trouble d'annexer un pays alors qu'il est si facile de l'exploiter sans qu'il soit nécessaire de le prendre en charge?

Il a dit cela en 1991.

En plus de toutes les personnes qui ont dit tellement de choses à propos de notre situation économique, Richard Gwyn publiait ce matin un article dans le Toronto Star sur la réelle allégeance des corporations canadiennes. Elles ne s'intéressent pas à notre sort et aux droits de la personne; elles s'intéressent à l'argent. La compagnie dont il parle, c'est Northern Telecom. Il dit assez ouvertement ici qu'il n'a aucune allégeance du tout envers le Canada—et je suis certain que c'est vrai—et que si nos taxes ne vont pas là elles vont probablement aller ailleurs. C'est une terrible façon de contrôler... En fait cela contrôle notre gouvernement, au moins je sais cela. J'ai un pressentiment à ce sujet.

• 1825

De plus, des organisations comme le Conseil des Canadiens, le Centre canadien des politiques alternatives et «Citizens Concerned about Free Trade» ont exprimé leurs préoccupations à propos de l'accord dans de nombreuses publications. Malheureusement, on parle rarement d'elles dans les journaux de ce pays. Par contre, l'Institut Fraser, l'Institut C.D. Howe, le CCCE et l'OCDE voient régulièrement leurs opinions publiées dans la presse du pays. Les citoyens ne voient qu'un côté de la médaille, généralement commandité par la communauté des affaires.

Après avoir signé le marché du libre-échange—je parle d'un marché mais il s'agissait en fait d'un accord—Ronald Reagan avait dit:

    Cet accord procurera d'énormes bénéfices aux États-Unis. Il éliminera toutes les barrières tarifaires canadiennes, il assurera un meilleur accès aux marchés canadiens pour nos secteurs manufacturiers, agricoles, financiers et de haute technologie et améliorera notre sécurité en nous permettant un accès additionnel aux sources d'énergie canadiennes. Nous avons aussi trouvé d'importantes possibilités d'investissement au Canada. Je félicite le premier ministre Mulroney.

Pendant que nous y sommes, nous pourrions aussi féliciter notre premier ministre, M. Chrétien. Je me demande ce qu'on pourrait dire des aspects positifs de cet accord pour le Canada. Comment en avons-nous profité? Les pertes d'emplois et la désindustrialisation peuvent-elles être appelées des bénéfices? La réduction des activités peut-elle être considérée comme un bénéfice? Le fait que 20 p. 100 des enfants canadiens vivent dans la pauvreté peut-il être appelé un bénéfice? La clochardisation dans nos grandes villes peut-elle être appelée un bénéfice? Le fait que 30 p. 100 des Canadiens—on en parlait dans le journal l'autre jour—craignent de perdre leur emploi dans les deux prochaines années peut-il être appelé un bénéfice?

Le fait que la propriété étrangère soit plus élevée ici que pour la Communauté européenne, les États-Unis et le Japon peut-il être appelé un bénéfice? Le fait que nous ayons perdu le contrôle de notre économie et que nous nous apprêtions à devenir un appendice des États-Unis peut-il être appelé un bénéfice? Notre dollar, qui fait virtuellement fuir les affaires vers les États-Unis, peut-il être appelé un bénéfice?

Je crois qu'il n'existe aucune volonté politique d'empêcher la prise de contrôle totale du Canada par les États-Unis. Heureusement, les gens ont cette volonté de changer les choses. J'étais en faveur du libre-échange au début. Je croyais naïvement que les autres pays seraient obligés d'en venir à égaler nos normes en matière de salaires et avantages sociaux, nos normes en matière de santé et sécurité, nos mesures de contrôle de l'environnement, etc. Malheureusement, le Canada est engagé dans une course vers le fond, et cela n'est pas acceptable. Nous devons nous sortir de ce piège avant que nos amis américains prennent complètement le contrôle sur nous.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Jennison, d'avoir pris le temps de préparer cela. Nous reviendrons aux questions plus tard.

Madame Grey.

Mme Josephine Grey (directrice générale, Low Income Families Together): Merci.

Beaucoup de personnes sont venues faire une présentation ici. Elles ont parlé de questions techniques, de bon nombre de questions juridiques, de droits de la personne et ainsi de suite. Tous ces sujets sont très importants et j'approuve la majorité de ce qui a été dit ici, particulièrement par mon collègue, M. Porter, dans sa recommandation sur la façon de traiter du problème en utilisant les lois internationales en matière de droits de la personne avant tout dans les accords de libre-échange.

Mais je voudrais parler de quelques autres choses en relation avec le sujet—de certaines des perceptions qu'ont les gens de ma communauté, les jeunes et les autres, de certaines des conséquences sur les familles notamment—et dire où s'en va selon moi tout le programme de libre-échange.

Tout d'abord, quand j'examine tout ce programme sur le libre-échange et que je lis la documentation, je constate que le premier principe fondamental sous-jacent à tout ça, c'est l'avidité. Ça peut sembler quelque peu catégorique, mais si on ramène tout ça à son expression la plus simple, c'est toujours l'avidité qui ressort sur le dessus. Ça flotte comme de l'écume.

• 1830

Dans l'énoncé de principe contenu dans la déclaration ministérielle de San José, on dit qu'on veut favoriser la prospérité, accroître l'intégration économique et le libre-échange parmi les pays de notre hémisphère, facteurs clés pour augmenter le niveau de vie et améliorer les conditions de travail des habitants des Amériques et mieux protéger l'environnement.

Ça me rappelle les annonces publicitaires qu'on voit quotidiennement et qui nous disent qu'une Budweiser nous mènera dans les montagnes, en galante compagnie. Ça ne veut rien dire. C'est du bon baratin publicitaire, mais quand on voit comment ces lois fonctionnent, qui en bénéficient et qui y perd, quand on examine tout ça, la réalité c'est que le gain est le résultat essentiel. Je trouve cela très troublant. Je ne crois pas que nos systèmes économiques et sociaux mondiaux aient été bâtis sur l'avidité, mais c'est dans cette direction que nous allons maintenant.

Qu'est-ce que cela signifie? Si l'avidité prime sur tout—dans mon analyse—j'en conclus que toute cette structure constitue une façon très légaliste et très complexe d'excuser une dépendance. La dépendance en question, c'est l'accumulation de richesses au nom de la richesse. Nous ne parlons pas ici des personnes qui bâtissent des usines, investissent dans les communautés et fournissent des emplois. Ces dernières ne sont pas les premiers bénéficiaires de ces accords.

Les premiers bénéficiaires de ces accords, ce sont les investisseurs. Pour la plupart, nos investisseurs sont des gens qui ne font que spéculer. Si on enlève tout le non-sens et toute la rhétorique, ils ne font que spéculer. Les sommes d'argent qui circulent dans les mains de ces personnes tout autour de la planète sont 90 fois plus élevées que les quantités d'argent qui circulent en termes de biens et de services. Cela m'effraie réellement.

Ils font d'affreuses choses aux pays quand ils vont y patauger quelques temps pour y faire leurs petits pourcentages et leurs richesses numériques. Je pense qu'il s'agit d'une dépendance. Je pense que nous avons une société très dépendante. Toute notre société s'en va dans cette direction, qu'on parle de dépendance à la télévision, à l'accumulation de richesses, au crack, à la cocaïne ou peu importe.

Mais quand on demande aux grandes corporations, aux spéculateurs, aux gros investisseurs de volontairement bien se comporter, de volontairement respecter les droits de la personne et de volontairement songer aux principes contenus dans ces documents gouvernementaux, c'est comme demander à un toxicomane, «Pourrais-tu s'il te plaît cesser de voler pour te procurer ton crack?» Rien ne va arriver. Aussi, c'est que je pense au sujet de l'avidité.

La seconde chose dont je veux parler, c'est la concurrence. Tout parle de concurrence. Soyons concurrentiels; nous devons compétitionner. Compétitionner dans ce contexte précis veut dire abaisser les salaires, abaisser les normes de toutes les façons possibles. Comme l'a souligné un ami, on pensait qu'il s'agirait de hausser les normes pour les autres pays. C'est ce qu'on pourrait espérer et croire en lisant ces choses. Mais ce n'est pas ce qui arrive, on peut déjà le constater. Tout ça nous entraîne vers le bas à des niveaux où personne ne devrait vivre, mais c'est déjà le cas dans le Sud. Je trouve cela vraiment effrayant.

Donc la concurrence, c'est s'assurer d'obtenir le maximum de profits. C'est s'assurer que le plus riche dans cette équation s'enrichisse le plus. Si nous ne sommes pas concurrentiels, c'est un désastre. Encore là, personne ne s'est jamais demandé à qui la compétition profiterait. J'ai de gros problèmes avec tout cet aspect de la concurrence.

Je ne crois pas qu'on puisse construire une société et une économie en se fondant sur le seul concept de la concurrence. Tout ce qu'on obtient alors, ce sont des gagnants et des perdants. Lorsqu'on a des personnes qui perdent, lorsqu'on a des personnes qui voient bien que les autres gagnent alors qu'elles perdent et perdent encore, on se retrouve aux prises avec de la colère, du ressentiment, des conflits, des tensions, de l'épuisement et ainsi de suite.

Cela me mène à parler de ce que nous obtenons vraiment, de ce qui se passe réellement dans nos sociétés à mesure que cette lutte pour la concurrence et l'avidité augmente, à mesure que la crédibilité et le bien-fondé de la concurrence et de l'avidité augmentent.

Dans l'organisation pour laquelle je travaille, j'assiste à une hausse graduelle des appels de personnes qui pensent ne plus pouvoir faire vivre leurs familles plus longtemps, parce qu'elles n'arrivent pas à rassembler suffisamment de petits boulots merdiques et mal payés pour garantir une quelconque forme de sécurité à leurs familles. Elles n'arrivent pas à cumuler un revenu suffisant, avec les quelques heures de travail qui leur sont offertes, pour faire face au coût de la vie qui augmente sans cesse.

La valeur de nos salaires a chuté. Je parle des salaires les plus bas dans notre société canadienne, mais je veux vous rappeler que je crois que cela s'applique à environ 60 p. 100 des personnes dans le Sud. Pour ce groupe de personnes, du Nord et du Sud, leur niveau de vie baisse. La valeur de nos salaires est en baisse. La quantité de travail que nous devons abattre simplement pour survivre augmente. Notre capacité de nous assurer une certaine forme de sécurité et de planifier pour l'avenir diminue dramatiquement.

• 1835

Qu'est-ce que cela donne? Pour bien comprendre ce dont je veux vous parler aujourd'hui, il faut regarder ce qui arrive aux enfants. J'habite dans un quartier plein d'enfants. Il y a quelque 6 000 jeunes dans mon quartier. La plupart proviennent de familles d'immigrants. Ce sont des enfants de couleur. Leurs parents travaillent sur deux, trois ou quatre quarts simplement pour les nourrir.

Ces enfants n'ont pas de parents. Mes enfants ne font pas exception. Je suis monoparentale; je n'ai pas le temps de faire le parent. Je vois ce problème se répéter partout en Amérique du Nord, je vois des personnes qui tentent de faire vivre leurs enfants—et Dieu leur vienne en aide s'ils en ont plus d'un ou deux—qui travaillent si dur qu'elles ne peuvent être là pour leurs enfants. Quand elles ne travaillent pas, les programmes de sécurité du revenu sont si lamentables, si misérables, si avilissants et si cruels que cela ruine leur vie. Je veux dire directement. Je sais cela parce que je vois la chute chaque fois. Je sais ce qui arrive lorsque les gens passent par les hache-viande de ces systèmes de sécurité du revenu.

Le résultat de tout cela, c'est que nous avons des enfants cyniques, en colère. Ils regardent leurs parents et voient que même s'ils sont arrivés ici avec un diplôme d'études postsecondaires et même s'ils font tout en leur pouvoir pour réussir, sans y arriver, pour quelque raison que ce soit, ce ne sont pas eux les plus forts qui survivent au haut de l'échelle. Pour quelque raison que ce soit, ils voient leurs parents perdre du terrain. Ils voient l'épuisement de leurs parents, ils voient leur désespoir, ils voient leur stress, et ils deviennent des enfants en colère.

On leur dit qu'il est important pour eux d'aller à l'école, et ils répondent: «Pourquoi? Je viens de ce quartier. Je suis un enfant noir. Je vais aller nulle part, et je le sais. Comment pourrais-je aller quelque part alors qu'il y a tous ces gens avec des doctorats qui conduisent des taxis?» Ils ne croient plus en l'école. On leur dit: «Travaille fort et fait tout ton possible et tu vas y arriver». Ils répondent: «Pourquoi? Les gens dans notre société qui réussissent sont ceux qui sont nés avec une cuillère en argent dans la bouche et qui savent comment bien spéculer.» C'est ce qu'ils voient. Ils comprennent tout ça. Ce n'est pas parce que je leur explique. Ils le voient. Alors ils ne croient pas à ça non plus.

On leur dit: «Ne t'inquiète pas, chéri, tout va bien aller. Si nous continuons à nous battre pour une société meilleure, tout va bien aller.» Ils répondent: «Lorsque je serai grand, je doute qu'il y ait encore de l'air à respirer, parce que je sais que les gouvernements ne se préoccupent plus de la qualité de notre air et de notre eau.» Et je peux dire que les choses s'aggravent, parce que bon nombre d'enfants souffrent déjà de l'asthme. Ils sortent dans la rue et ils peuvent le sentir. Ils voient que les choses s'aggravent et que personne n'essaie vraiment de faire quelque chose. Ils peuvent voir les déchets partout. Personne n'essaie vraiment de leur assurer un avenir plus brillant, et ils le savent.

Donc, voilà la société que nous avons, des enfants en colère qui savent qu'ils sont voués à demeurer dans la classe inférieure. Ils peuvent voir la classe inférieure arriver comme un train de marchandises, et ils le voient mieux que bon nombre d'entre nous qui avons été conditionnés autrement. C'est ce qui me fait le plus peur.

Je vois beaucoup de ces enfants. Ils viennent chez moi. Leurs parents ne peuvent plus les garder parce qu'ils n'arrivent plus à payer le loyer. Ils viennent chez moi, et c'est la colère qu'ils traînent avec eux. J'ai de longues conversations avec ces enfants, je tente de les encourager, de leur dire que tout n'est pas perdu, mais c'est ce qu'ils croient.

Quand on voit des choses comme ce qui est arrivé au Colorado, il ne faudrait pas être si surpris. C'est un exemple épouvantable, extrême, de ce que bon nombre de jeunes gens pensent, qu'ils perdent du terrain, qu'ils ne bénéficient pas de l'égalité des chances, et qu'en fait ils n'ont aucun espoir. C'est pourquoi ils pensent que ce n'est pas important ce qu'ils font. Ce n'est pas important ce qui arrive. On pourrait très bien tout détruire, parce qu'au moins de cette façon on sera entendu. C'est une tendance très effrayante.

Je dois souligner qu'aujourd'hui, parce que je sais que pendant que nous parlons de toutes ces choses autour de cette règle et de cette loi et de ces accords parallèles, etc., c'est l'incidence sur les humains qui me préoccupe. En tant que parent, ce sont les enfants qui me préoccupent.

Enfin bref, pour quitter ce sujet quelque peu, je dirai que ce qui me préoccupe c'est que nous avons pensé vendre tout ce programme au public, et je pense que beaucoup de personnes bien intentionnées dans le gouvernement et même dans le monde des affaires gobent complètement l'idée d'un engagement constructif, des économies de ruissellement, etc. Ils pensent, «Oh oui, ça fonctionne. Tout emploi est un bon emploi.» Savez-vous combien de fois j'ai entendu cela?

Laissez-moi vous dire quelque chose: tout emploi n'est pas nécessairement un bon emploi. Les emplois qu'occupent les femmes dans les maquiladoras ne sont pas de bons emplois. Ces emplois les empoisonnent. Ils détruisent leur vie. Ils détruisent leur aptitude même à survivre. C'est ce genre d'emplois que nous créons dans le Sud—nos corporations, nos règles, nos lois, nos yeux clos sur les droits de la personne. Le résultat, ce sont ces femmes qui rentrent à la maison à six heures du matin, après leur quart de travail, dans quelque ville du Mexique, et qui se font violer et assassiner sur la route, sans que personne ne se demande ce qui leur est arrivé. Pourquoi? Leur seule valeur, c'est le travail qu'elles font, et on peut toujours les remplacer. C'est ce genre de monde que nous créons avec ce type de programmes. C'est ce qui m'effraie.

• 1840

Entre-temps, nous parlons de déficit, de productivité, etc., et ce sont les slogans publicitaires que nous utilisons pour vendre un programme qui à la base crée un véritable chaos social, en autant que cela me concerne. Peut-être faut-il vivre au bas de l'échelle pour voir comment ça va mal. Je ne sais pas. Mais il doit y avoir une façon de faire comprendre aux gens haut placés le danger qui menace les gens au bas de l'échelle. Les gens en haut de l'échelle pensent peut-être qu'ils pourront partir vivre sur une autre planète quand la nôtre deviendra trop toxique et trop polluée. Ils pensent peut-être que si l'agitation sociale continue de croître, jusqu'au point où finalement les masses vont exploser, ce qui va arriver, ils pourront aller vivre dans une communauté protégée quelque part.

Nous vivons tous sur une planète, et tant que les gens ne se réveilleront pas, ne diront pas non aux slogans publicitaires, et ne commenceront pas à regarder ce qui compte vraiment et voir quelles valeurs nous devrions adopter en tant que sociétés, gouvernements et communautés, nous allons continuer à jouer ce jeu où l'on dit une chose pour faire le contraire. Il y a ce point à propos de notre empressement à hausser le niveau de vie de tout le monde. S'il est question d'accroître les niveaux de vie, pourquoi ne pouvons-nous pas compter sur des mécanismes accessibles, axés sur les ressources?

Nous avons l'Organisation des États américains. C'est une structure. Elle existe et possède une charte. Pourquoi ne pas suivre cet exemple? Nous avons les lois des Nations Unies que nous avons contribué à élaborer et que nous avons signées et acceptées. Pourquoi ne mettons-nous pas ces choses en pratique? C'est parce que les valeurs qui les sous-tendent ne font plus de sens maintenant. Elles sont devenues inutiles, et les seules choses qui permettent de réussir sont les valeurs dont on ne parle pas, soit l'avidité, la concurrence et la victoire à tout prix.

Tout ce que je peux dire, c'est que quand les perdants formeront la majorité, on va avoir un problème. C'est peut-être loin encore, ce n'est peut-être pas encore visible, mais je vois que ça s'en vient, parce que je regarde l'avenir de mes enfants.

Ce que je veux dire, c'est que je pense qu'il est temps de réorienter le débat et de commencer à reconnaître les crises et les dégâts humains que cela a causé. J'ai été au Costa Rica et au Chili, et j'ai parlé aux personnes qui vivent là. Je vois le Canada faire des échanges commerciaux avec la Colombie alors que les chefs syndicalistes sont assassinés. Je vois toutes ces choses qui se produisent. J'entends les histoires à propos de ce qui arrive aux gens dans le Sud. Je vois ce qui arrive aux gens dans le Nord. Mais je ne vois pas chez les gens que nous élisons pour nous représenter une grande compréhension des vraies choses qui se déroulent.

Je sais pertinemment que souvent, lorsque je tente d'avancer quelque chose qui permettrait d'aider à résoudre certains de ces problèmes, la réponse que j'obtiens est toujours la même: nous sommes sans défense devant la mondialisation et nous ne pouvons rien y faire. Nous avons un déficit à rembourser et nous ne pouvons rien y faire. Bien, tout ça me rend malade. En tant que parent, je crois que c'est notre boulot de protéger les intérêts de nos enfants.

Je crois qu'il est temps de recadrer tout ce débat et toute la discussion et de reconnaître que le Canada peut jouer un rôle de premier plan très important au cours des prochaines années, particulièrement quand vous présiderez le sommet de l'OEA et quand les ministres du Commerce se réuniront à Toronto en novembre. À mesure que vous avancerez dans le processus, exercez de plus fortes pressions pour que les droits humains aient priorité sur les ententes de libre-échange parce que les êtres humains doivent passer avant tout. C'est la seule façon pour que l'économie servent les gens au lieu que ce soit les gens qui servent l'économie.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Comme toujours, nous avons entendu de votre part une déclaration de principes très impressionnante, et je l'apprécie.

Avant de passer aux questions, je pourrais peut-être juste répondre à M. Jennison et à Mme Goulet. Je voudrais simplement faire un rapide commentaire au sujet du processus et de l'échéancier. Je ne suis pas ici pour faire des excuses. Je vais simplement vous exposer certains faits.

Nous avons fait de notre mieux en tant que comité pour faire savoir à tous que ces audiences auraient lieu. Une chose que nous n'avons pas faite, c'est de l'annoncer dans les journaux quotidiens, parce que la dernière fois que nous l'avons fait, ça nous a coûté 60 000 $ et on nous a reproché de dépenser de l'argent pour de la publicité. On ne peut jamais rien faire sans que quelqu'un nous critique pour quelque chose. Aussi, nous comptions sur les médias pour faire passer le message. Nous avons envoyé des communiqués de presse dans pratiquement tous les médias du pays. Personne ne les a retenus. Puis ensuite les gens disent: «Nous ne savons pas ce que vous faites».

Vous avez été suffisamment alerte pour mentionner la situation avec les médias dans votre présentation. Aussi, aucun média ne couvre ces audiences ou n'y accorde de l'attention. Peut-être que ce n'est pas leur travail. Mais il me semble, comme l'a dit Mme Grey, que ces questions auxquelles nous nous attaquons sont d'une importance cruciale. Mais personne ne couvre ces audiences.

• 1845

Aussi nous essayons de faire de notre mieux, et si je peux parler au nom des membres du comité ici présents, l'autre problème auquel nous faisons face c'est que nous devons avoir terminé ce rapport pour juin. Notre mandat nous impose que ce soit fait pour juin. Il doit être sur le bureau du ministre pour juin. Donc entre-temps, bien sûr, il y a le Kosovo, il y a ces questions touchant les droits de la personne qui sont devant le Comité des droits de la personne, il y a plein d'autres questions devant le comité. Nous faisons de notre mieux pour tenter de respecter le programme et de parcourir le pays. Je suis certain que tous auraient aimé passer plus de temps à voyager et à écouter les gens, mais c'est le plus que nous pouvons faire à l'intérieur de notre programme parlementaire, étant donné que nous devons aussi être présents en chambre.

Cela dit—et je sais que tous ont accès à un ordinateur—vous pouvez aller sur notre site parlementaire Internet, à www.parl.gc.ca, où nous avons essayé d'inclure le plus de documentation possible, et nous en ajouterons encore. Nous avons mis, par exemple, 21 différents documents de discussion, monsieur Jennison, que nous tentons de mettre à jour à mesure que du matériel est soumis à ce comité.

Aussi, je conviens que nous ne sommes pas parfaits. Je ne tente pas de nous justifier ou de nous excuser, mais je veux simplement mentionner ce que nous faisons et ce que nous allons tenter de faire au mieux de nos connaissances pour faire participer le public tout en reconnaissant que ce ne sera pas parfait.

• 1850

Pourquoi ne pas passer aux questions? Je suis désolé, vouliez-vous faire une courte observation, madame Goulet?

Mme Catherine Goulet: C'est juste que ce monsieur avait l'impression qu'il faisait aussi partie de ce groupe. Il n'apparaît pas dans l'ordre du jour, mais c'est l'impression qu'il avait, alors je voulais vérifier...

Le président: Bien sûr, vous êtes plus que...

M. Don Johnston (témoignage à titre personnel): J'ai parlé à Janice Hilchie et elle m'a mis sur la liste. Elle m'a dit que j'y étais cette fois.

Le président: Très bien, allez-y. Je suis vraiment désolé. Je ne me suis pas rendu compte. Nous pensions que vous étiez...

M. Don Johnston: Je m'appelle Don Johnston. Je suis membre du Conseil des Canadiens, de People Against the MAI, de l'OCAP, et de nombreux autres groupes. Je suis de ces gens chez qui ces accords commerciaux suscitent une crise d'anxiété.

Le président: C'est M. Johnston, n'est-ce pas?

M. Don Johnston: Oui.

Le président: Pourriez-vous corriger? Je viens de parler à la greffière, qui m'a dit qu'elle vous avait parlé d'exposé, mais que vous aviez dit non, que vous ne vouliez être qu'observateur.

M. Don Johnston: Non.

Le président: Je suis très heureux de vous avoir parmi nous, mais je ne voudrais pas que nos dossiers portent à confusion.

M. Don Johnston: J'avais compris lorsque Janice Hilchie m'a téléphoné qu'il était confirmé que j'allais faire partie de...

Le président: Mme Hilchie est ici. Elle est notre greffière et elle est très bonne. Elle n'a pas l'habitude de se tromper. Nous serons très heureux de vous entendre.

M. Don Johnston: Très bien. Voici une lettre que j'ai écrite à M. Marchi pour lui faire part de mes préoccupations lorsqu'il dit considérer que le Conseil des Canadiens est en proie à une crise d'anxiété.

Par le biais des représentants ici à Toronto, en ce qui touche la mise en oeuvre des règles de l'OMC et la signature de l'accord de libre-échange des Amériques, je vais vous faire part de ce que Dieu m'a dit que je devais faire, car si j'ai honte de la parole de Dieu, alors Dieu aura honte de moi.

Il dit: «Venez à moi... bien que vos péchés soient des plus noirs, ils seront blancs comme neige»; et «mettez-moi à l'épreuve... dit Dieu»; «Apportez toutes les dîmes dans ma maison afin qu'il y ait de la viande sur ma table», et «J'ouvrirai les fenêtres du paradis et répandrai sur vous une bénédiction que vous ne pourrez recevoir». C'est donc un appel au repentir et à la restitution.

Si le gouvernement ne veut rien entendre des demandes de réforme et de développement durable, alors je peux sans crainte faire la mise en garde du prophète Isaïe: «Malheur à ceux qui promulguent des lois malveillantes et à ceux qui prennent constamment des décisions injustes pour priver les nécessiteux de justice et les pauvres de mon peuple de leurs droits afin que les veuves puissent être leur butin et qu'ils puissent piller les orphelins. Que ferez-vous le jour du châtiment et dans la dévastation qui viendra de loin? Vers qui vous tournerez-vous pour avoir de l'aide? Où laisserez-vous votre richesse? Il ne reste qu'à s'accroupir parmi les captifs ou à tomber parmi les morts. Malgré cela, sa colère ne désarme pas».

L'AMI est irrécupérable, et comme des criminels, vous niez même son existence. Les règles de l'OMC et la ZLEA ne sont rien d'autre que l'AMI sous un déguisement. Nous ne pouvons approuver de tels accords. En outre, nous devons abroger l'ALENA, comme M. Chrétien a dit qu'il le ferait avant les élections de 1993.

Une fois que ces mesures d'urgence auront été prises, nous devrons mettre en oeuvre les recommandations de la commission Carter sur la fiscalité afin de reconstruire le régime des soins de santé, notre système public d'éducation, reconstruire l'infrastructure publique, reprendre ces sociétés d'État et publiques que se sont appropriées les grandes entreprises, et améliorer les programmes sociaux.

Nous devons avoir une façon plus humaine de traiter les dettes, répudier une grande partie de la dette qui provient non pas des programmes sociaux mais des impôts non payés par des entreprises et des riches, et des taux élevés d'intérêt imposés sous John Crow. Nous devons faire grâce des dettes du tiers monde—annuler serait le mot juste—car elles ne sont pas la faute des citoyens du tiers monde.

Mesdames et messieurs, nous sommes dans une situation d'urgence, car notre infrastructure sociale et publique est prise d'assaut par ce gouvernement qui est aux ordres de puissants intérêts financiers. Par conséquent, comme dans toute situation d'urgence, nous devons prendre des mesures draconiennes: utiliser la banque centrale pour reconstruire la véritable économie, imprimer jusqu'à 50 p. 100 de la monnaie et couper le montant que les banques à charte peuvent créer en augmentant les exigences de réserve pour atteindre les niveaux précédents de 20 p. 100, ce qui préviendrait l'inflation. Puisque la peur actuelle de l'inflation est dans le secteur privé, l'inflation et ensuite la déflation des actifs dans la véritable économie pourrait, si elle se poursuivait, mener à un effondrement de l'économie.

• 1855

Ces mesures d'austérité économique doivent être renversées. Nous devons augmenter notre budget consacré à l'aide à l'étranger, non pas de 0,7 p. 100 du PIB mais de 7 p. 100. Pourquoi ne pas apporter toute la dîme dans la maison de Dieu? Nous ne pouvons nous permettre de ne pas le faire. Nous pourrions nous assurer que l'argent que nous consacrons à l'aide à l'étranger atteint les gens dans le besoin dans un monde majoritaire en augmentant notre contribution aux forces de maintien de la paix des Nations Unies et en réduisant les dépenses que nous consacrons aux armes de destruction massive. Revenons à l'époque du «gardien de la paix dans le monde» de Mike Pearson et au-delà en poursuivant la guerre à la pauvreté là où elle a été abandonnée au début des années 60, en mettant en oeuvre un revenu annuel garanti et en favorisant le plein emploi, non seulement au pays mais en donnant l'exemple au monde entier. Résistons au vent de mondialisation et aidons les pays pauvres à créer des entreprises viables.

Nous ne devons pas outrepasser le droit à la souveraineté des autres pays pour mettre en place des contrôles de capitaux et émettre leur propre monnaie. Il faut taxer les entreprises qui extraient des ressources de leurs territoires et qui utilisent les gens comme des esclaves sous-payés. Nous devons suivre les lignes directrices de l'OIT afin de fournir des salaires suffisants aux travailleurs, de renforcer notre engagement envers la Charte des droits de la personne que le Canada a signée, et de permettre un développement durable et protéger les droits et libertés de la personne et l'environnement.

Pardonnez-moi si j'ai l'air de vous dire quoi faire. Après tout, les politiciens et leurs bureaucrates sont nos serviteurs et ne sont pas au service des sociétés transnationales et financières. Si vous êtes incapables d'effectuer les changements progressifs recommandés par People Against the MAI, le Conseil des Canadiens et autres organismes, alors il est peut-être temps de changer de gouvernement. Le NPD adopterait l'Alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral proposée par Cho!ces of Winnipeg. Ce document reprend un grand nombre de nos recommandations. C'est certainement dans cette direction que nous allons et pas dans la vôtre.

Vous étiez bien partis en adoptant la taxe Tobin. Mettons-la en oeuvre lors du G-8 à La Haye en juin. Il est possible de retrouver la réputation que nous avions dans le monde. Pourquoi nous arrêter à des mesures superficielles pour effectuer une véritable réforme? Allons jusqu'au bout, et Dieu bénira généreusement ce pays.

Mesdames et messieurs, nous n'avons pas idée de ce que nous manquons—littéralement le paradis sur terre.

Dernier point mais non le moindre, j'aimerais parler du fléau qu'est le problème des sans-abri. La solution du 1 p. 100, telle que recommandée par le Toronto Disaster Relief Committee, serait un bon départ pour s'attaquer à ce fléau. Ne croyez surtout pas que nous sommes impuissants devant la finance mondiale. Il ne fait aucun doute que si nous appliquons ces recommandations progressives, le pouvoir sera de notre côté. Et si Dieu est de notre côté, qui peut être contre nous?

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur.

Nous allons passer aux questions.

M. Deepak Obhrai: Merci, monsieur le président.

Merci d'être venu nous présenter votre perspective, votre point de vue, et un plaidoyer fort passionné.

De façon générale, je ne crois pas que quiconque puisse s'opposer aux objectifs que vous avez énoncés ici—sur les droits de la personne et les besoins des nécessiteux et la réalisation de ce que vous demandez de façon générale. Je crois qu'on pourrait dire qu'il existe une façon différente d'atteindre ces mêmes objectifs.

Vous avez soulevé de nombreux points, et c'est tout à votre honneur que de travailler avec ceux qui ont besoin d'aide. Ils sont très nombreux dans notre société les gens qui ont besoin d'aide. Je crois que de façon générale, lorsqu'on est assis de ce côté, on a une certaine idée de la façon de faire les choses, et des groupes comme le vôtre doivent être félicités pour être venus nous montrer l'envers de la réalité.

• 1900

J'ai également noté que vous dites que les gens qui ont réussi sont nés avec une cuillère d'argent dans la bouche. Permettez-moi de vous dire que je ne suis pas de votre avis. Nombreux sont ceux parmi nous qui ont également connu la pauvreté extrême et qui comprennent la situation. J'ai grandi dans des pays du tiers monde et je connais bien la pauvreté. J'y ai grandi moi-même.

Mme Josephine Grey: Je ne parlais pas de vous, monsieur.

M. Deepak Obhrai: Mais laissez-moi en venir à mon propos. Je sais que vous ne parliez pas de moi.

Tout ce que j'essaie de dire ici, c'est que dans l'OMC, à certains égards, il y a ce que nous croyons être des bonnes façons d'atteindre beaucoup de ces objectifs. Nous n'en sommes peut-être pas arrivés là où nous le voudrions à l'heure actuelle. Vous et bien d'autres avez soulevé quelques points, et je crois que nous devrions y regarder de plus près. Cela n'a peut-être pas été réalisé, mais j'ai peine à croire que toute l'affaire est mauvaise.

Je crois que nous devons regarder les aspects positifs du commerce, les aspects positifs qui peuvent exister et qui peuvent survenir en bout de ligne, c'est-à-dire faire respecter les droits de la personne et propager la richesse. C'est là mon point de vue.

Merci.

Le président: Madame Grey.

Mme Josephine Grey: J'aurais dû préciser que je ne suis pas en principe opposée au concept de libre-échange ou de mondialisation des économies, et ainsi de suite. Je suis opposée aux principales directives qui sous-tendent notre orientation, et je suis opposée à l'impact et aux résultats de ce que nous avons déjà en place. C'est à cela que je suis opposée. Mais en ce qui concerne les autres façons de réaliser les mêmes choses, lesquelles je crois personne ne saurait critiquer, des propositions, des concepts et des idées ont été avancées.

Je suis actuellement associée à la Hemispheric Social Alliance, par exemple, et il y a des syndicalistes, des militants des droits de la personne, des environnementalistes, des groupes autochtones, des groupes de femmes et des réseaux du nord au sud, du Brésil au Canada, en passant par l'Amérique centrale, le Mexique et les États-Unis, qui travaillent ensemble pour trouver des solutions de rechange, des idées et des cadres qui satisferaient aux besoins de la majorité des gens, et non de l'infime minorité, qui refléteraient les besoins du nord et du sud, qui parviendraient à intégrer les tailles très différentes de ces économies sans nuire à l'un ou l'autre côté. D'accord? Beaucoup de travail est fait là, et ce n'est pas le seul endroit.

Ma préoccupation, et là où je suis vraiment hors de moi quand je vois ce qui arrive aux personnes avec lesquelles je travaille et à ma propre famille, c'est que j'aimerais vous demander de vraiment considérer, de façon rationnelle, certaines de ces propositions de rechange et de songer à vraiment les intégrer. Mais ce faisant, rappelez-vous que le pouvoir de la richesse fait maintenant en sorte que très peu de gens ont les idées claires lorsqu'ils doivent prendre ce genre de décisions, notamment parce que les riches financent les partis politiques, parce que les riches paient pour avoir un mot à dire dans le FMI et la Banque mondiale et tout le reste, parce que le principe fondamental sur lequel repose l'ensemble de notre économie, c'est que la parole est aux riches. Tout ce que vous faites, vos valeurs humaines, tout cela n'a pas vraiment d'importance lorsqu'il s'agit de la structure de notre économie.

Il est temps d'analyser la situation en profondeur afin de pouvoir comprendre quelles seraient les meilleures solutions de rechange et de contrer ce qui à mon avis n'est rien d'autre que de la commercialisation provenant du secteur des entreprises. C'est vraiment tout ce que j'essaie de dire, alors je ne suis pas contre le libre-échange.

Le président: D'accord.

M. Deepak Obhrai: Mon temps est-il écoulé?

Le président: Nous quittons à 18 heures, mais allez-y.

M. Deepak Obhrai: Je crois avoir mentionné que le groupe avec lequel vous travaillez et les points que vous avez soulevés sont très bien—ce n'est pas très bien, mais c'est nécessaire dans cette société pour régler ces problèmes. Je suis d'accord avec vous, mais je crois qu'il y a des milliers de Canadiens et de gens qui ont un point de vue différent. Vous avez le point de vue que vous avez présenté, mais d'autres ont également un point de vue, et nous les écoutons afin d'essayer de trouver le juste milieu.

Ça devient quelque peu difficile, même dans votre présentation, toute passionnée qu'elle était... et cette chose que vous appelez avidité. Je connais un grand nombre de Canadiens qui oeuvrent dans le commerce international et qui ont des sentiments de compassion et n'ont pas d'avidité dans leur coeur. Ils travaillent fort, et lorsque je suis assis de ce côté et que vous venez faire des déclarations qui mettent tous ces Canadiens dans le même panier...

• 1905

Mme Josephine Grey: Vous me comprenez mal, monsieur.

M. Deepak Obhrai: Non.

Mme Josephine Grey: Je suis désolée, mais vous me comprenez vraiment mal. Je parle de ceux qui ont le pouvoir d'influer sur ces règles et ces accords.

M. Deepak Obhrai: D'accord, j'ai terminé.

Mme Josephine Grey: Pas les règles régissant les exportations et les importations internationales, d'accord?

M. Deepak Obhrai: Eh bien, c'est pour ça que nous sommes ici. C'est pourquoi je disais que l'OMC...

Mme Josephine Grey: J'espère. Si nous étions ici pour les petites entreprises, les petites sociétés, les économies locales et l'homme de la rue, très bien. Mais ce n'est pas ce qui arrive, à mon avis, et je peux le voir. Et je crois que tout le monde peut le voir. Je crois que si nous avons 61 p. 100 de familles dans notre économie qui sont touchées par le chômage, c'est trop élevé.

M. Deepak Obhrai: Un instant, il y a aussi de nombreux bons Canadiens là. Vous cherchez des Canadiens... [Note de la rédaction: inaudible]

Le président: Une minute, monsieur Obhrai. Si vous voulez vous adresser à ce comité, vous devez parler dans le micro ou alors vos paroles seront perdues.

Madame Debien.

Vous donniez une réponse, madame Grey. Vouliez-vous la terminer? Je crois que votre réponse était complète, mais si vous avez autre chose à y ajouter...

Mme Josephine Grey: Eh bien, je crois que ma réponse à ce qu'il disait, c'est que l'impact négatif de l'évolution de notre économie touche de plus en plus de gens, au point où nous avons effectivement, selon les statistiques du gouvernement canadien, 61 p. 100 de familles touchées par le chômage au cours d'une année. Il ne nous reste aucune sécurité ni aucune stabilité. Nos systèmes de sécurité du revenu sont incapables de régler le problème. C'est là un effet inhérent au libre-échange. Je pourrais citer votre propre rapport gouvernemental pour montrer comment le libre-échange produit ce genre d'effets lorsque nous tentons d'aligner nos normes sur celles des États-Unis.

Alors, je ne dis pas que le libre-échange est mauvais. Je dis que le principe qui le sous-tend est mauvais et que notre façon de le réaliser est mauvaise. Mais pour l'amour de Dieu, comment peut-on de nos jours être vraiment opposé au concept d'une communauté mondiale plus unie, que ce soit par le commerce ou l'investissement ou les communications ou la culture? On ne peut pas. Or, lorsqu'il y a un facteur aussi petit, aussi minuscule, qui domine le reste de la planète, cela devient très égoïste et avide, je regrette. Je ne crois pas qu'il puisse me contredire, mais je suis certaine qu'il essaiera.

Le président: Non, c'est très bien. Nous avons entendu des preuves très intéressantes à Winnipeg de la part du Syndicat national des cultivateurs selon lesquelles cela n'a pas été avantageux pour les cultivateurs à la base, etc. Alors nous obtenons de nombreux témoignages de cette nature, je suis tout à fait d'accord avec vous. Vous n'êtes certainement pas une voix isolée, loin de là.

Mme Josephine Grey: Félicitations.

Le président: Merci.

Madame Debien.

[Français]

Mme Maud Debien: Mesdames, messieurs, je vais essayer d'être assez brève. Vous avez affirmé au départ que le libre-échange avait été la cause de beaucoup de maux, malgré les beaux principes qui le sous-tendaient. Il était censé apporter le mieux-être à tous. Vous avez parfaitement raison de dire que les résultats ne sont pas tous concluants, mais de là à blâmer le libre-échange pour tous les maux de la société... Je vous avoue que j'ai encore une réflexion à faire à ce niveau.

Par contre, je peux vous dire qu'au Québec—je l'ai dit ce matin aussi—, le Parti québécois et le Bloc québécois font depuis le mois de janvier un exercice de réflexion sur les effets de la mondialisation et ses impacts négatifs au Québec. Cet exercice se poursuivra jusqu'à la fin de l'année. Déjà, chez nous, la réflexion est commencée. C'est peut-être ce qui fait de nous encore une fois une société distincte. Je n'en sais rien. Je suis très heureuse que nos deux réunions à Toronto se terminent par un brassage. On s'est fait brasser la cage, comme on dit chez nous. C'est un son de cloche différent que nous apprécions entendre.

Je voudrais donner un renseignement de nature technique à madame. Elle a dit que les partis politiques étaient financés par les gens riches, ce qui n'est pas le cas au Québec. Nous avons une loi sur le financement des partis politiques qui est très sévère et qui empêche les grandes sociétés de financer les partis politiques au Québec. C'est peut-être un autre trait distinctif.

[Traduction]

Mme Josephine Grey: Félicitations.

[Français]

Mme Maud Debien: J'amasse mon financement à coups de 5 $ et de 10 $ auprès de mes concitoyens.

[Traduction]

Le président: Est-ce pourquoi Stéphane Bergeron essaie toujours de m'attirer dans une de ses collectes de fonds?

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine: Je dois d'abord dire que votre exposé a été bien reçu. Je crois que vous avez soulevé le genre de questions pointues que nous devons examiner. Je crois que c'est là une des raisons pour lesquelles ce comité est sur la route pour parler aux Canadiens. Nous ne sommes peut-être pas d'accord sur chacun des points que vous avez soulevés.

• 1910

J'aimerais également m'adresser à M. Johnston, qui a invoqué quelques passages de la bible et a inclus dans son témoignage la présence d'un être plus grand que nous et à qui nous devons... Quelle que soit la manière dont vous l'avez encadré, je crois que vous nous apportiez une sorte de message moral. Alors, nous vous remercions pour cette préparation.

J'aimerais aborder la question des droits de la personne, car ce Comité des affaires étrangères et du commerce international a un sous-comité. Mme Debien et moi faisons partie de ce sous-comité qui traite des droits de la personne. C'est une des batailles que nous avons livrées. Nous mettons ceci dans l'arène—comment, lorsque nous sommes assis avec 133 pays autour de la table, nous assurer que nos valeurs et tous les documents à caractère international que nous avons signés sont pris en compte dans le travail que nous faisons.

Cela renvoie donc à votre exposé, monsieur Porter. Je dois dire à mes collègues du comité que je connais M. Porter depuis longtemps, et il n'a jamais abandonné et est vraiment impliqué dans ces questions qu'il a soulevées devant nous aujourd'hui.

Je crois qu'il s'agit d'un des problèmes auxquels nous faisons face, et nous l'avons entendu de la part de plusieurs intervenants. Comment fait-on pour réunir les questions touchant les droits de la personne, l'environnement et la main-d'oeuvre et en débattre dans un contexte où nous devons traiter de questions très difficiles? Vous avez dit qu'il s'agissait d'un travail en cours; j'aimerais vous demander de rester en contact avec nous dans le cadre du travail que vous faites, surtout avec notre sous-comité, parce que nous voulons assurer que notre comité se penchera sur l'ensemble de la question des droits de la personne au cours de nos travaux.

Peut-être que je devrais demander comment vous voyez ce défi mondial et comment vous croyez que nous, Canadiens, pouvons former les partenariats dont nous avons besoin pour amener la question à l'avant-scène, quand il s'agit de l'OMC?

M. Bruce Porter: Comme je l'ai mentionné dans le document, je crois qu'il s'agit de questions cruciales de direction des affaires mondiales. Je crois, en réponse à certaines discussions sur les bons et les mauvais côtés du commerce et des investissements, que personne ici ne nie que nous sommes en réalité dans une nouvelle ère dans laquelle la plupart des principaux développements économiques qui toucheront le bien-être des gens qui nous tiennent à coeur auront des implications internationales très importantes. Tant que la communauté mondiale n'apprendra pas comment diriger les économies et les relations économiques des investissements et du commerce, nous continuerons de voir certaines des choses que Josephine a si éloquemment décrites.

Je crois vraiment qu'il y a certaines choses simples que le Canada doit commencer à considérer. Si nous regardons l'histoire de la direction des relations économiques à l'intérieur des pays, nous avons eu tendance à laisser faire—la prépondérance des droits des entreprises, le défaut de protéger les droits des citoyens vulnérables par de véritables mécanismes contraignants qui leur permettraient d'exprimer leurs préoccupations. C'est parce que nous avons acquis la capacité de mettre en place des protections juridiques pour les groupes qui ont besoin de protection en matière de main-d'oeuvre et de droits de la personne et de régimes d'aide publique, etc., que nous sommes parvenus à avancer.

Si vous regardez la structure de la direction des relations économiques mondiales aujourd'hui, il y a cet écart énorme, et c'est la protection des droits sociaux et économiques des gens, la protection des groupes vulnérables. Si le gouvernement Harris réduit les taux de l'aide sociale de 22 p. 100, et que nous voyons des sans-abri dans les rues, et que c'est ouvertement justifié comme une tentative d'attirer des investisseurs en Ontario, ces citoyens n'ont personne vers qui se tourner pour dire, écoutez, ça ne marche pas; voici une chose à laquelle nous accordons une certaine valeur et qui a mal tourné.

• 1915

Il n'y a aucune raison pour que ce soit le cas. Nous pourrions facilement avoir un accord commercial, un accord sur l'investissement, qui reconnaît que s'il y a glissement en ce qui concerne les sans-abri, ou la pauvreté, ou la faim, les partenaires commerciaux et les investisseurs devraient s'en préoccuper et les gens qui sont touchés devraient avoir un mécanisme qui leur permette de faire connaître leurs problèmes. Au lieu de tous ces mécanismes de résolution de litiges et de médiation et AMRD qui portent sur les droits des investisseurs et les mouvements de capitaux, si vous créez des mécanismes institutionnels pour régler ces autres problèmes, alors les problèmes prendront de plus en plus de place dans notre société, et certains seront réglés. Je ne songe pas à une solution strictement juridique à ce problème, mais il faut avoir les institutions en place, et nous ne les avons tout simplement pas.

Le Canada s'était traditionnellement dissocié, jusqu'à tout récemment, de la position des États-Unis en ce qui concerne le modèle de droits qui est véhiculé comme le nouveau modèle de direction mondiale, et je ne comprends vraiment pas ce qui justifie ce revirement. Je sais que nombreux sont ceux d'entre vous qui n'acceptent pas que ce modèle américain de droits de propriété représente le genre de droits de la personne auxquels nous croyons.

Il y a une distinction très claire sur la scène internationale entre ce que le Canada a ratifié et signé et intégré à son histoire, et qui est conforme à sa propre identité culturelle, et celle des États-Unis, et pourtant, au cours des toutes dernières années, il n'y a simplement eu aucune distinction que je puisse voir entre ce que le Canada promeut sur la scène internationale et ce que les États-Unis promeuvent. Alors, je crois que nous devons chercher de nouveaux amis, de nouveaux modèles—la charte sociale européenne... Il est clair qu'il y a beaucoup de travail à faire du côté de l'amélioration de la protection des groupes vulnérables pour que des protections institutionnelles y soient associées. Ce n'est pas entièrement nouveau, ce n'est pas impossible, et je crois que le Canada devrait y jouer un rôle de chef de file.

Le président: Madame Debien.

[Français]

Mme Maud Debien: J'ai une question technique.

[Traduction]

Le président: Merci. Une courte question technique.

[Français]

Mme Maud Debien: Est-ce qu'il y a ici, en Ontario, un protecteur du citoyen comme celui qu'on a au Québec?

[Traduction]

M. Bruce Porter: Songez-vous à une sorte d'ombudsman? Un protecteur du citoyen, oui.

Le président: Ce n'est pas aussi efficace que nous le voudrions. Les espoirs étaient beaucoup plus grands, je crois, lors de la mise en place, mais les résultats n'ont pas été concluants. Il y a aussi la Commission des droits de la personne.

M. Bruce Porter: Je parle principalement de mécanismes internationaux. Une fois que vous avez des relations internationales, et que si le Michigan, par exemple, réduit ses taux d'assistance publique et ses taxes de 25 p. 100 et les investisseurs commencent à affluer, alors il doit y avoir moyen de régler ce problème autrement qu'en disant simplement qu'une province va élire un gouvernement qui va doubler les taux d'aide sociale et augmenter les taxes et ainsi chasser les investissements. Ce sont là des problèmes que nous devons maintenant régler avec nos partenaires commerciaux et investisseurs. Nous devons créer un contexte qui permettra de s'attaquer à ces problèmes de façon constructive et efficace.

Le président: Monsieur Pickard.

M. Jerry Pickard: Mesdames et messieurs, je dois d'abord et avant tout dire que les questions soulevées sont importantes à nos yeux, et elles ont été entendues. Notre comité a exprimé des points de vue très divergents, extrêmement divergents, et les points de vue au sein même du comité sont divergents. Nous ne serions pas ici à écouter et à tenter de glaner les renseignements que vous fournissez, et que d'autres fournissent, si nous avions les réponses. L'importante tâche qui nous incombe, c'est de recueillir les divers points de vue et de les réunir en un tout cohérent afin de protéger les intérêts de tous ceux qui en ont besoin.

Très franchement, ce que je vous vois soulever, c'est l'élément humain et le désastre qui touche, à certains égards, cet élément humain. Très franchement, c'est une chose que je crois extrêmement importante. C'est une chose qui, dans nos négociations antérieures, n'a peut-être pas reçu toute l'attention qu'elle aurait dû recevoir. C'est ce que vous nous dites. Vous dites «Holà! pas si vite. Rappelez-vous, toutes les décisions que vous prenez touchent beaucoup de gens, et si elles ont des effets négatifs, il faut revoir nos objectifs».

• 1920

En tant que pays, nous avons également un autre problème. Le monde est en mouvement et en changement, et nous faisons partie de ce mouvement mondial. Les pays pauvres se débattent, et vous avez très bien souligné cela aussi. Il ne s'agit pas seulement des pays pauvres ou des gens pauvres dans ce pays; il s'agit de tous les pays du monde. Quels effets nos négociations commerciales, le calendrier actuellement en vigueur, ont-elles sur nous?

D'autres personnes ont soulevé des questions sur la capacité de notre gouvernement de prendre ses propres décisions. Encore là, c'est une autre question que nous devrons examiner.

• 1925

J'ai découvert qu'en écoutant différents groupes, différents points de vue, je pouvais mieux comprendre. Je suppose que d'une certaine manière, par contre, j'en suis peut-être arrivé à un point où je ne suis sûr de rien. Je suis peut-être moins sûr que je ne l'étais au sujet de certaines choses qui se produisent, et c'est très bien, car je suis alors forcé d'analyser toutes les solutions de rechange avec toute l'attention qu'elles exigent.

Alors, je dis à chacun d'entre vous que votre voix est entendue. Nous ne sommes pas indifférents. Nous voulons nous assurer que nous prenons des décisions qui ne vont pas étendre le problème à d'autre personnes dans la société. Pourtant, le reste du monde négocie, alors où nous situons-nous, nous les Canadiens, dans ce spectre? À mon avis, il faut écouter tous les groupes, et il faut ensuite nous asseoir et analyser vraiment les choses le plus soigneusement possible.

Alors, je vous remercie d'avoir exprimé vos points de vue. Il sont importants pour nous. La conclusion que j'en tire, c'est que je ne suis pas certain—j'ai peut-être moins de certitude que j'en avais auparavant—de notre orientation exacte. Je crois que bien des membres du comité ont la même impression. Nous avons eu d'excellentes présentations partout au pays et des points de vue très divergents.

Alors merci.

Le président: Je crois que Jerry a très bien exprimé notre pensée à tous, mais permettez-moi d'ajouter quelque chose. M. Porter en particulier et également Mme Grey ont exprimé un point de vue différent que nous n'avons pas encore entendu.

Il ressort très clairement des audiences que de très nombreuses personnes sont préoccupées par le fait que l'Organisation mondiale du commerce dans sa structure actuelle et les règles du commerce telles que nous les connaissons conviennent peut-être très bien à la libéralisation du commerce, mais elles ne tiennent absolument aucun compte des autres qualités humaines. Elles ont perdu la dimension des droits de la personne, elle sont en train de perdre la dimension culturelle, elles sont en train de perdre la dimension environnementale, et personne ne semble savoir quel mécanisme pourrait nous permettre de rétablir l'équilibre.

Ce que vous et M. Porter avez fait de légèrement différent, c'est que vous avez souligné que lorsque nous parlons de l'équilibre entre le commerce et les droits de la personne, nous devons tenir compte des droits économiques et sociaux aussi bien que des droits politiques et civils. C'est peut-être là une chose que nous n'avons pas abordée encore.

Cela soulève, comme vous le savez, d'importantes questions. Vous avez mentionné que la décision de la Commission des droits de la personne à Genève critiquait le Canada dans son ensemble, et l'Ontario en particulier, pour les nombreuses mesures que le gouvernement du jour, élu par les citoyens, avait prises. Il sera difficile de convaincre M. Harris de dire «Je suis désolé, mais il y a une convention internationale qui vous interdit de faire cela».

• 1930

Ce que vous avez soulevé, et ce qui je crois préoccupe bon nombre d'entre nous, c'est qu'il semble que les politiciens soient disposés à accepter des contraintes internationales qui disent «Oh! Vous ne pouvez pas légiférer sur cela, parce que l'OMC dit que vous ne le pouvez pas lorsque les droits des entreprises ou les questions économiques sont en jeu», mais personne n'est disposé à adopter un point de vue international et à dire «Oui mais vous ne pouvez toucher à certaines structures fondamentales de la société». Il nous faut donc en arriver à un consensus international sur ce que sont ces structures. Le jour où nous aurons les Chinois dans l'OMC, nous aurons une nouvelle discussion.

J'aimerais en entendre davantage sur la Hemispheric Social Alliance, et c'est pourquoi je crois que nous devrions peut-être considérer par exemple la suggestion de Jean concernant le Sous-comité des droits de la personne. Je m'efforce actuellement de réunir une association parlementaire pour l'OEA dans la même optique, car malgré que les gens disent que les politiciens d'Amérique Latine ont tous le même point de vue, ils n'ont pas tous le même point de vue.

J'ai rencontré une Bolivienne il y a quelque temps lors d'une réunion. Elle était une Autochtone de Bolivie, elle était membre de leur parlement, et ses points de vue n'étaient pas très différents des vôtres. Ces voix doivent être entendues dans des forums internationaux, et nous devons trouver des forums pour que cela se produise. C'est là une des raisons pour lesquelles nous parlons ici d'une sorte d'assemblée parlementaire, même pour l'OMC. Elle serait difficile à construire, mais au moins elle permettrait à d'autres voix que les voix ministérielles et des experts en commerce de se faire entendre.

Toutes ces choses sont utiles. Elles prennent beaucoup de temps. Je ne peux être complètement d'accord avec M. Porter lorsqu'il dit que ce serait facile d'obtenir un accord. Il a dit que nous pourrions facilement le réaliser. Nous pourrions obtenir un accord, mais je ne sais pas à quel point ce serait facile. Mais il est certainement de notre devoir d'y travailler, comme l'a dit Jerry.

Nous vous sommes vraiment reconnaissants d'être venus et nous vous remercions d'en avoir pris le temps. Notre expérience en a été très enrichie. Merci beaucoup. Nous resterons en contact.

La séance est donc levée, et les audiences reprendront demain matin à 9 heures à London.