FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 15 avril 1999
Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Nous sommes en retard. Je vais donc déclarer la séance ouverte. Je présente mes excuses aux témoins.
Nous avons aujourd'hui des représentants des Médecins pour un Canada sans fumée et du Conseil canadien des ingénieurs.
Je vous remercie beaucoup d'être venus.
Je suis très curieux de savoir comment les Médecins pour un Canada sans fumée vont faire le lien avec l'OMC. À notre passage au Québec, la Société des alcools du Québec a témoigné devant le comité. Je m'étais alors demandé: quel lien la Société peut-elle bien avoir avec l'OMC? Eh bien, les représentants de la Société ont réussi à faire ce lien.
Alors, madame Callard, vous passez en premier. Nous écouterons ensuite la représentante du Conseil canadien des ingénieurs.
Si vous pouviez limiter vos interventions à 10 à 15 minutes au maximum, nous disposerions de plus de temps pour les questions.
Mme Cynthia Callard (directrice générale, Médecins pour un Canada sans fumée): Je voudrais commencer par vous exprimer mes remerciements.
Même à la porte, la question a été posée: «Que diable avez- vous à voir avec le commerce international?» D'une certaine façon, c'est une question étrange. Les questions commerciales occupent en fait une grande partie de ma journée de travail puisque les sociétés productrices de tabac sont toutes des multinationales. Même si les marques fumées au Canada sont locales, toutes les entreprises appartiennent à des multinationales et sont exploitées par des multinationales, de sorte que les règles établies à l'échelle internationale définissent les activités et limitent l'action des gouvernements nationaux.
Je ne passerai pas beaucoup de temps à vous rappeler tous les problèmes que cause l'usage du tabac. Vous savez probablement tous que le tabac tue un fumeur sur deux et qu'il constitue la plus importante cause de décès évitable au Canada. Vous pensez probablement que la situation, en ce qui concerne le tabac, s'améliore au chez nous. J'admets que de moins en moins de gens fument, mais nous n'avons pas résolu le problème pour autant, nous n'avons fait que le déplacer.
L'usage du tabac monte en flèche dans les pays en développement. L'Organisation mondiale de la santé estime qu'au cours des vingt prochaines années, le tabac tuera plus de 10 millions de personnes chaque année.
Je suis ici pour deux raisons. D'abord, je voudrais vous encourager à veiller à ce que certaines dispositions figurent dans tous les accords commerciaux que le Canada signera à l'avenir. Ensuite, je voudrais toujours vous encourager à bien examiner tout accord commercial auquel le Canada pourrait songer à adhérer.
La santé est une question de portée mondiale. Nous avons vaincu la plupart des maladies infectieuses. Les problèmes de santé qui restent sont essentiellement les maladies non transmissibles, qui sont quand même transmises. Ce sont les maladies de la vie moderne, causée par le tabac, l'alcool, la consommation de corps gras, etc. Ordinairement, ces maladies dépendent de produits et de marchés qui poussent à la consommation.
Le tabac, en particulier, constitue un problème multinational. Cinq sociétés contrôlent 70 p. 100 des ventes mondiales de tabac. Cinq sociétés contrôlent 70 p. 100 des ventes d'un produit qui tue actuellement trois millions de personnes par an.
Les négociations et les accords commerciaux actuel nous posent vraiment un problème en ce qui concerne l'usage du tabac. Ils n'entravent pas la contrebande. Ils ne permettent pas de la suivre. Ils n'empêchent pas la publicité du tabac de traverser les frontières. Ils n'empêchent pas les sociétés productrices de tabac d'étendre leurs opérations à des marchés vulnérables.
Le tabac est une denrée extrêmement inhabituelle. Il n'existe pas de niveau de consommation sûr. C'est un jeu à somme nulle. Si une mesure est bonne pour la santé publique, elle est mauvaise pour les sociétés de tabac. Ce n'est pas comme la plupart des autres industries, où il est toujours possible de réaliser un certain équilibre entre des intérêts concurrents.
Comme je viens de le dire, les accords commerciaux n'arrêtent pas la contrebande. Sur l'ensemble des cigarettes exportées dans le monde, 30 p. 100 passent en contrebande, finissent dans les mains de contrebandiers. Cela représente 6 p. 100 de la consommation totale, mais 30 p. 100 des exportations. Nous savons au Canada à quel point cela peut être dangereux, nous savons combien il est facile de perdre la maîtrise des événements et nous connaissons les problèmes causés par l'absence d'accord internationaux pouvant nous aider à reprendre le dessus.
Si les accords internationaux ne nous aident pas à contrôler le tabac, ils sont utiles aux sociétés productrices. Je vais vous donner quelques exemples.
Les sociétés de tabac américaines se sont servies du GATT pour exiger que la Thaïlande et le Japon leur ouvrent leurs marchés. Toutefois, les produits de tabac américains n'étaient pas semblables aux cigarettes vendues au Japon et en Thaïlande. Ils faisaient l'objet d'un marketing beaucoup plus agressif. On a vu arriver l'homme de Marlboro. Il y a eu un marketing très actif qui ciblait les jeunes et les femmes. Il s'agissait en outre de produits différents, au pH plus élevé, à concentration différente en nicotine, qui provoquaient davantage l'accoutumance.
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C'est ainsi que, dans ces pays, le pourcentage des femmes qui
fument, qui était de 3 ou 4 p. 100, est rapidement passé à près de
20 p. 100, après que les sociétés internationales ont eu recours au
GATT pour obtenir l'accès aux marchés.
Le second exemple, proche de chez nous, est l'ALENA. En 1994, le gouvernement actuel a baissé le prix des cigarettes et a promis d'étudier la question des emballages neutres. Vous vous souviendrez que le Comité permanent de la santé a tenu des audiences et a recommandé les emballages neutres. Le ministère de la Santé avait alors examiné l'affaire et avait lui aussi recommandé les emballages neutres.
Cependant, au cours de ces audiences devant le comité permanent, malgré l'abondance des preuves, Phillip Morris et R.J. Reynolds—soit les créateurs de l'homme de Marlboro et de Joe Camel, qui sont aussi responsables des marques canadiennes Export A et Craven A—ont déclaré que si le Canada adoptait les emballages neutres, ils invoqueraient les dispositions d'expropriation de l'ALENA pour obtenir des indemnisations.
Je suis sûre que vous avez entendu beaucoup d'autres témoins parler de la protection des investissements et vous dire qu'en cas d'expropriation, il faut indemniser les intéressés. Pas de problème: expropriez, si vous devez le faire dans l'intérêt de la santé publique, mais vous allez devoir payer.
Nous n'avons pas entendu parler des emballages neutres depuis. Les menaces proférées alors ont été suffisantes.
J'ai demandé à la greffière de faire passer un avis juridique au sujet de l'ALENA et des emballages neutres, transmis à Robert Parker par un cabinet d'avocats, bien qu'il ne soit pas signé par un homme de loi. Ce document...
Le président: On peut y lire: «Je ne suis pas avocat et ce document n'est pas un avis juridique.»
Mme Cynthia Callard: C'est bien ce que j'ai dit: le document vient d'un cabinet d'avocats, mais il n'est pas signé par un homme de loi. C'est juste une opinion.
Le président: M. Clark est venu témoigner devant le comité. Nous respectons son opinion.
Mme Cynthia Callard: Ce n'est pas M. Parker qui m'a transmis ce document. C'est pour cette raison que j'ai laissé la page couverture. Je suis allée au dépôt de dossiers de la British American Tobacco, qui est maintenant ouvert au public par suite d'un jugement prononcé à Londres, et j'y ai trouvé ce document. Il démontre que les sociétés de tabac cherchent à utiliser les accords commerciaux pour faire obstacle à la politique nationale.
Le gouvernement n'envisage plus d'imposer les emballages neutres, mais il examine la possibilité d'imposer des emballages moins attrayants. J'ai fait circuler une illustration du paquet de cigarettes proposé par le ministre de la Santé. Vous y verrez que le ministère veut augmenter la taille des avertissements concernant la santé. On pourrait soutenir qu'il s'agit là d'une expropriation de la face de l'emballage. Comme vous pouvez le constater, toute la face de l'emballage d'un paquet de cigarettes constitue actuellement une marque de commerce. Il s'agirait donc d'une expropriation de cette face, qui n'est pas autorisée dans le cadre d'un accord commercial.
Nous avons besoin d'accords commerciaux qui nous permettent d'adopter des politiques nationales en matière de santé sans avoir à nous préoccuper d'indemniser des sociétés étrangères. Nous avons besoin d'un accord conclu sous les auspices de l'Organisation mondiale du commerce, qui respecte le droit des gouvernements d'agir dans l'intérêt de la santé publique.
Le troisième exemple est l'Accord multilatéral sur l'investissement ou AMI. Nous avons demandé un avis juridique sur les répercussions de l'AMI. L'analyse que nous avons obtenue établit clairement que les dispositions de protection des investissements de l'AMI auraient sérieusement compromis toute possibilité pour le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux d'imposer des restrictions sur la publicité du tabac, parce que cela aurait été considéré comme une dépense indemnisable. Les avertissements relatifs la santé comme ceux-ci auraient été assimilés à une expropriation indemnisable.
De plus, les procédures judiciaires comme celles qui sont envisagées en Colombie-Britannique constitueraient une violation des normes minimales de justice et donneraient lieu à un différend entre un investisseur et l'État. On nous a également informés que le Tobacco Fee Act de la Colombie-Britannique et les droits de licence qui y sont prévus seraient considérés comme des mesures déraisonnables portant atteinte à l'entreprise d'un fabricant et pourraient faire l'objet d'un différend investisseur-État.
Même nos méthodes d'essai déclencheraient les dispositions concernant le traitement général, parce qu'elles se situent au- dessus des normes internationales et peuvent donc faire l'objet d'un différend investisseur-État.
L'interdiction des paquets de cigarettes promotionnels est assimilée à une expropriation des droits de propriété. L'interdiction de la publicité comme on en voit sur cette tasse de café ou sur cette casquette qui est vendue à des enfants—c'est une casquette de course Players—serait également considérée comme une mesure indemnisable. Les gouvernements pourraient intervenir dans ce domaine.
C'est donc sur la base de notre expérience de l'ALENA, de notre expérience du GATT et de l'opinion que nous avons obtenue au sujet de l'AMI que nous formulons quelques recommandations que le comité voudra bien, nous l'espérons, transmettre au gouvernement.
Nous voudrions qu'il y ait un moratoire sur les mécanismes de règlement des différends investisseur-État jusqu'à ce que leurs répercussions sur la politique publique soient mieux comprises. Nous voudrions qu'il y ait un moratoire sur les droits de protection des investissements jusqu'à ce qu'on en ait mieux compris les répercussions sur la santé publique.
L'ALENA constitue-t-elle une menace pour les emballages neutres? L'ALENA menace-t-elle l'interdiction de la publicité? Si oui, établissons-le clairement—car il y a différentes opinions à ce sujet—avant d'adopter d'autres règles allant dans le même sens.
Nous voulons préserver la souveraineté canadienne dans le domaine de la politique nationale de la santé. Nous ne sommes pas prêts à céder aux marchés internationaux le pouvoir qu'ont les gouvernements d'interdire la publicité du tabac, de poursuivre les sociétés de tabac et d'imposer un emballage et un étiquetage qui favorisent la santé.
• 1025
Nous aimerions également que le comité recommande une
politique administrative saine. Le gouvernement des États-Unis a
demandé à toutes ses ambassades de cesser de faire la promotion du
tabac. Le gouvernement du Canada n'a pas pris la même mesure. Nous
voulons que le Canada cesse de vendre du tabac au tiers monde. Nous
voulons que le gouvernement du Canada ordonne à ses ambassades et
à ses délégués commerciaux de mettre un terme à tous les efforts de
promotion du tabac.
La troisième chose que nous souhaitons, c'est de gagner des appuis pour une convention cadre internationale sur la lutte contre le tabac. Vous n'en avez peut-être pas entendu parler, ce qui m'ennuie beaucoup, parce que le gouvernement du Canada a été l'un des plus chauds partisans d'un traité international sur l'usage du tabac. Mais ce ne sont pas des efforts déployés par le Comité des affaires étrangères ou le ministère des Affaires étrangères. C'est du travail qui est accompli par le ministère de la Santé. Cela devrait constituer une priorité en matière commerciale et une priorité sur le plan des accords internationaux.
Nous avons besoin d'un accord international portant sur les aspects internationaux de l'usage du tabac, un accord qui assure un contrôle approprié de la contrebande, qui établisse clairement les protocoles en vertu desquels les gouvernements agiront pour mettre un terme à la publicité transfrontalière et coordonner les efforts statistiques et de recherche.
Je suis très fière du fait que le gouvernement du Canada a été à l'avant-garde de cette initiative internationale. Je suis cependant préoccupée par le fait que ces objectifs n'ont pas été inscrits parmi les grands objectifs commerciaux et n'ont pas été jugés prioritaires par les Affaires étrangères.
J'exhorte le comité à recommander au gouvernement de veiller à ce que tous les accords commerciaux visent à l'édification d'un Canada plus sain et plus prospère.
Je vous remercie.
Le président: Merci.
Je voudrais vous poser une question très rapide, parce qu'il faut donner la parole aux autres témoins, puis passer aux questions. Pouvez-vous nous donner un exemple de la façon dont les ambassades canadiennes font la promotion des produits du tabac à l'étranger? Vous avez dit que vous voulez que nos ambassades cessent de faire cette promotion. Que font-elles actuellement en faveur du tabac?
Mme Cynthia Callard: Nous vendons des quantités assez importantes de tabac. En fait, M. Speller est probablement au courant des chiffres. Je sais que beaucoup de ses électeurs comptent sur les ventes au tiers monde pour compenser.
L'usage du tabac et les ventes de tabac sont en train de baisser au Canada, parce que les sociétés mettent de moins en moins de tabac dans les cigarettes ici. Les producteurs de tabac canadiens, qui ont fait partie de quelques missions commerciales, ont donc ciblé surtout les marchés de l'Est et de l'Europe orientale.
Le président: Je vois. Il s'agit non de cigarettes, mais de tabac. Merci.
Madame Ryan-Bacon.
Mme Wendy Ryan-Bacon (vice-présidente, Conseil canadien des ingénieurs): Je voudrais remercier le comité de nous avoir permis de comparaître.
Le Conseil canadien des ingénieurs s'est intéressé davantage aux activités internationales ces dernières années. Nous n'étions pas vraiment intervenus dans les négociations commerciales antérieures, mais nous avons eu un certain nombre d'activités internationales reliées à ces négociations. Nous tenons donc, pour cette ronde, à maintenir des relations étroites avec les différents ministères fédéraux pour que le point de vue des ingénieurs soit pris en considération aux négociations.
Ce matin, je voudrais vous présenter un très bref aperçu du Conseil canadien des ingénieurs, vous expliquer de quelle façon il intervient dans la réglementation du génie au Canada et vous décrire quelques-unes de nos activités internationales à l'appui des négociations commerciales qui ont actuellement lieu.
Le Conseil canadien des ingénieurs ou CCI est une fédération regroupant douze organismes provinciaux et territoriaux de réglementation professionnelle qui représentent environ 150 000 ingénieurs du Canada. Pour travailler comme ingénieur, il faut détenir une autorisation d'exercer et être enregistré. Bien sûr, la réglementation se fait au niveau provincial, ce qui veut dire que les ingénieurs doivent s'inscrire auprès de leur association locale.
Les deux aspects des négociations commerciales internationales qui nous intéressent le plus sont l'évaluation des ingénieurs étrangers qui viennent exercer au Canada, sur une base temporaire ou permanente, et l'accroissement de la mobilité internationale des ingénieurs canadiens.
Le premier aspect, c'est-à-dire l'évaluation des ingénieurs étrangers, relève strictement du mandat de nos associations provinciales, à qui la loi permet de délivrer des autorisations d'exercer. Toutefois, le CCI joue un rôle clé dans la définition de normes et de lignes directrices. Il veille à ce que les associations suivent des règles semblables et cherche à faciliter la mobilité interne.
Le second aspect, c'est-à-dire l'accroissement de la mobilité internationale, fait strictement partie du mandat du CCI. Le principal objet des associations provinciales est de réglementer la profession dans leur champ de compétence. À l'échelle internationale, elles n'ont pas le même pouvoir et c'est donc le CCI qui assume ce rôle.
• 1030
Au Canada, la profession d'ingénieur est réglementée afin de
protéger l'intérêt public et de veiller à ce que les services
d'ingénierie soient offerts par des professionnels compétents. Cela
est principalement accompli grâce à des normes d'admission
rigoureuses ainsi qu'aux activités de mise en oeuvre et de maintien
de la discipline de chacune des douze associations.
Sur le plan des études, la principale exigence d'admission est l'obtention d'un diplôme d'un programme d'études accrédité, si on a fait ses études au Canada. Il y a également un programme d'examen pour les ingénieurs étrangers. Dans ce cas, nous exigeons une expérience de quatre ans, dont au moins un an dans ce que nous appelons un environnement canadien. Il y a également un examen de pratique professionnelle auquel tout ingénieur doit réussir. Bien sûr, il y a aussi des questions de langue, de références et de maintien de la compétence. C'est un domaine que certaines de nos associations viennent tout juste de rendre obligatoire et que d'autres envisagent très sérieusement.
Ainsi, lorsque des ingénieurs étrangers viennent au Canada, ce sont ces critères qui nous servent de points de repère.
En sus des organismes de réglementation, nous avons un certain nombre d'autres organisations. Je ne sais pas si leurs représentants comparaîtront ou non devant le comité. Je crois que l'Association des ingénieurs-conseils du Canada doit comparaître ou présenter un mémoire. Elle représente les intérêts d'affaires de la communauté des ingénieurs-conseils, tandis que le Conseil canadien des ingénieurs et nos associations provinciales s'occupent de la réglementation de la profession.
Il y a également l'Académie canadienne du génie et l'Institut canadien des ingénieurs, qui ont chacun un mandat précis. Nous essayons, dans la mesure du possible, de nous tenir au courant de ce que chacun de ces organismes fait et de coordonner la défense de nos intérêts.
Le principal objet du mandat du CCI reste de favoriser un lien commun entre les associations. Le but de cette action est d'assurer la mobilité interne des ingénieurs: nous voulons que le génie soit exercé en Alberta au même niveau et sur la base des mêmes normes qu'en Nouvelle-Écosse.
Nous avons diverses activités. La première est de celle de la commission d'accréditation, qui est chargée d'accréditer les programmes de génie du premier cycle au Canada, de façon que les diplômés de ces programmes répondent aux exigences nécessaires pour exercer le génie. Les associations provinciales ne sont pas tenues d'accepter les recommandations de la commission quant aux programmes accrédités, mais elles le font en général. Cela a permis de définir des points de repère grâce auxquels il est possible d'évaluer la compétence des ingénieurs venant d'autres pays.
Nous avons également une commission d'évaluation des compétences, qui examine toutes les autres exigences d'admission dans la profession. Encore une fois, les lignes directrices de cette commission sont devenues des points de repère dont les associations se servent pour admettre dans la profession les ingénieurs aussi bien canadiens qu'étrangers.
Nous avons aussi une commission des ressources humaines, qui établit un profil de la profession d'ingénieur au Canada. Notre comité des affaires internationales a été récemment créé afin de prendre en main l'ensemble de nos activités internationales.
Nous voyons un certain nombre d'avantages à ces activités. Le premier est d'améliorer l'image de marque nationale et internationale des ingénieurs canadiens, ce qui devrait accroître leur mobilité et faciliter leur accès aux marchés mondiaux.
Nous avons déjà conclu un certain nombre d'accords. Certains d'entre eux n'ont pas de lien avec les négociations commerciales. Je vais vous parler de quelques-uns d'entre eux, puis je passerai à l'ALENA.
Nous avons conclu un accord avec un organisme d'accréditation américain, l'Accreditation Board for Engineering and Technology ou ABET. Cet accord existe depuis 1980. Par suite du mouvement des ingénieurs entre le Canada et les États-Unis, cet accord a permis aux ingénieurs canadiens d'obtenir des autorisations d'exercer aux États-Unis sans justifier des années supplémentaires d'expérience qui sont exigées.
• 1035
Cet accord ainsi que d'autres contacts internationaux ont été
élargis pour former ce qu'on appelle l'accord de Washington, qui
est en place depuis environ dix ans. Encore une fois, c'est
essentiellement une reconnaissance des systèmes d'accréditation,
qui permet aux diplômés des programmes accrédités d'obtenir des
autorisations d'exercer dans les autres pays, à un certain niveau,
plutôt que d'avoir à satisfaire à des exigences supplémentaires.
Cet accord porte donc que sur la compatibilité des études.
Les pays signataires de l'accord de Washington comprennent le Canada, les États-Unis, l'Irlande, le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Hong Kong et l'Afrique du Sud. Ces pays ont été admis parce qu'ils avaient en place des systèmes d'accréditation pour les études de génie. Un certain nombre d'autres pays ont commencé à créer de tels systèmes. Au fur et à mesure que ces systèmes s'établissent et qu'ils répondent aux mêmes normes que les autres, les pays en cause pourront également adhérer à l'accord.
Ottawa et Washington avaient tenu des discussions préliminaires pour essayer d'aller au-delà des conditions figurant dans l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis. Ces négociations ont été supplantées par celles de l'ALENA et, en 1995, les trois pays ont réussi à s'entendre sur un certain protocole prévoyant la délivrance d'autorisations temporaires d'exercer.
Nous sommes très fiers de cette réalisation, mais la mise en oeuvre a été difficile.
Chacun des trois pays se conforme aux dispositions de l'ALENA relatives à l'ouverture et à la transparence du système de réglementation.
Notre accord visait à uniformiser les règles du jeu. Chacun des trois pays—le Canada, les États-Unis et le Mexique—a son propre système de réglementation et ses propres procédures d'admission. Notre accord de reconnaissance mutuelle vise à établir un sous-groupe d'ingénieurs pouvant être considérés comme compétents selon les mêmes normes.
Nous avons eu des difficultés à mettre en oeuvre cet accord. Aux États-Unis, la profession est réglementée comme au Canada. Autrement dit, il y a 55 organismes américains qui imposent chacun ses propres exigences d'admission. La mise en oeuvre se trouve donc actuellement dans une impasse, mais nous avons bon espoir de parvenir à une solution.
L'année dernière, nous avons conclu un accord avec la France. Nous attendons les dernières approbations de Paris pour le mettre en oeuvre. Il permettra aux professionnels français détenant le titre d'ingénieur diplômé et ayant les années d'expérience voulues de se faire enregistrer au Canada sans examens.
Ainsi, quand des ingénieurs étrangers viennent au Canada, ces accords offrent un mécanisme qui permet à nos associations d'avoir la certitude qu'ils ont fait les études nécessaires pour travailler comme ingénieurs au Canada et que leurs compétences sont comparables à ce que nous attendons de nos propres ingénieurs.
Pour la personne qui arrive chez nous, le processus est très direct. Si nous n'avons pas un accord avec le pays où elle a fait ses études, elle doit se soumettre à une série d'examens, dont le nombre va de 3 ou 4 à peut-être 10 ou 12. Ces accords sont donc aussi avantageux pour nos associations que pour les candidats qui arrivent au Canada.
• 1040
En ce qui concerne nos ingénieurs qui vont un peu partout dans
le monde, les autres pays n'ont pas tous un système de
réglementation semblable au nôtre. Notre réglementation du génie
est probablement d'une portée assez unique dans le monde. Ces
accords assurent à nos ingénieurs qui vont à l'étranger une plus
grande visibilité et leur donnent accès à un plus grand nombre de
marchés. Ils donnent en même temps aux pays qui emploient nos
ingénieurs certaines assurances quant à leur niveau et à leurs
compétences.
Je vous ai parlé de quelques-uns des accords que nous avons conclus. D'autres discussions et négociations sont en cours en vue de conclure plus d'ententes de ce genre. Nous considérons que c'est la voie de l'avenir. Nous participons à cet égard à un projet de l'APEC qui vise à élaborer des normes et un cadre assurant la mobilité des ingénieurs dans la région Asie-Pacifique. Nous avons également tenu des discussions préliminaires avec un groupe européen, le FEANI, je crois, pour essayer de nous entendre sur une base commune de transfert de services d'ingénierie.
En conclusion, le Conseil canadien des ingénieurs porte un grand intérêt à ces négociations. Nous appuyons la libéralisation du commerce des services professionnels. Nous collaborons étroitement avec Industrie Canada et le ministère des Affaires étrangères, leur transmettant le point de vue de la profession et communiquant leur message à nos associations et nos ingénieurs.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Je voudrais vous poser une question rapide au sujet de ce que vous faites. Tout votre travail, par exemple dans le cadre de l'accord avec la France et même au sein de l'ALENA, est directement relié aux compétences professionnelles et à la reconnaissance des membres, mais la question des permis d'immigration et des autres formalités administratives demeure entière. L'ingénieur français peut avoir les compétences voulues pour venir exercer ici, mais il lui faudra quand même franchir l'obstacle de l'immigration.
Mme Wendy Ryan-Bacon: C'est exact. Nos ententes portent strictement sur les qualifications réglementaires.
Le président: Vous ne considérez donc que la reconnaissance professionnelle et les autres questions du même genre.
Mme Wendy Ryan-Bacon: Oui.
Le président: L'immigration demeure donc un obstacle potentiel.
Mme Wendy Ryan-Bacon: Oui.
Le président: Très bien, je vous remercie.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Madame Ryan-Bacon, j'aimerais savoir de quelle façon ces accords dont vous parlez s'inscrivent dans le secteur des services de l'Organisation mondiale du commerce. S'agit-il d'exigences auxquelles il faut satisfaire dans le cadre de l'accord sur les services de l'OMC, qui existe déjà, ou bien est-ce quelque chose qu'à votre avis, il faudrait inclure dans le secteur des services de l'OMC?
Mme Wendy Ryan-Bacon: Non, ces accords n'ont pas à être inclus dans le secteur des services. Si je comprends bien, ils ont pour objet de rendre ouverts et transparents les systèmes de réglementation de n'importe quel pays et de veiller, là où il y a des exigences à respecter pour obtenir une autorisation d'exercer, que ces exigences se fondent sur des critères de compétence et ne constituent pas des barrières artificielles.
Ces accords vont un peu plus loin. Je sais qu'Industrie Canada les considère comme un bon moyen d'améliorer l'accès. Toutefois, tant que le système de réglementation d'un autre pays est ouvert et transparent, il nous donnera l'accès dont nous avons besoin et facilitera la conclusion d'un accord de reconnaissance mutuelle.
M. Charlie Penson: J'ai encore de la difficulté à comprendre. Si, par exemple, nous n'avons pas un accord de ce genre avec le Chili, est-ce que l'accord de base sur les services de l'OMC suffirait pour permettre aux ingénieurs de chacun des deux pays de travailler dans l'autre pays?
Mme Wendy Ryan-Bacon: Cela dépend des systèmes en place dans les différents pays.
• 1045
Permettez-moi de citer en exemple l'ALENA, les États-Unis et
même notre premier accord avec l'ABET. Pour obtenir l'autorisation
d'exercer aux États-Unis, il faut être diplômé d'un programme
accrédité, avoir quatre ans d'expérience et passer 16 heures
d'examens. Avant la conclusion de l'accord avec l'ABET, le fait
qu'un ingénieur canadien soit diplômé d'un programme accrédité au
Canada ne signifiait rien s'il essayait de trouver du travail aux
États-Unis.
Les Américains ont une autre série de règles selon lesquelles si on n'est pas diplômé d'un programme accrédité, on doit justifier de huit années d'expérience. Par conséquent, les ingénieurs canadiens avaient quand même un moyen de travailler aux États-Unis, mais c'était beaucoup plus difficile et on pouvait se demander si les quatre années d'expérience supplémentaires constituaient vraiment une exigence reliée aux compétences. Ainsi, grâce à l'accord mis en place...
M. Charlie Penson: Vous voulez dire que c'était en fait une barrière qui n'était pas du tout nécessaire?
Mme Wendy Ryan-Bacon: Oui.
M. Charlie Penson: Très bien.
Mme Wendy Ryan-Bacon: En vertu de l'ALENA et de l'accord concernant les ingénieurs conclu dans le cadre de l'ALENA, les États-Unis ont encore des exigences relatives aux études, à l'expérience et aux examens. Notre accord de reconnaissance mutuelle avait pour but d'établir que si un ingénieur était déjà enregistré dans son propre pays et a accumulé 12 ans d'expérience après avoir obtenu son diplôme, il est admissible à une autorisation temporaire d'exercer sans avoir à noircir toutes les petites cases imposées par l'autre pays. Par conséquent, dans le cas des Canadiens qui vont aux États-Unis, cela veut dire qu'ils n'ont pas à se soumettre à des examens et n'ont pas à faire reconnaître leur expérience aux États-Unis, parce que nous l'avons déjà fait au Canada.
Ainsi, ces accords reconnaissent qu'il existe un processus de formation rigoureux et conforme à des normes semblables. Les systèmes peuvent ne pas être exactement les mêmes, mais après un certain nombre d'années...
M. Charlie Penson: Et qu'en est-il des ingénieurs canadiens qui travaillent sur un projet dans le cadre d'un contrat décroché par une entreprise canadienne en Thaïlande, par exemple? Auriez- vous besoin d'un accord de ce genre avant que ces ingénieurs puissent exercer leur profession en Thaïlande?
Mme Wendy Ryan-Bacon: Je ne suis pas au courant des exigences particulières de la Thaïlande.
M. Charlie Penson: C'était simplement un exemple. Comment faut-il procéder en l'absence d'un accord bilatéral? C'était ma question.
Mme Wendy Ryan-Bacon: En l'absence d'un accord, nous sommes à la merci du pays d'accueil. S'il n'a pas établi d'exigences réglementaires—et c'est le cas de la plupart des pays—, les ingénieurs canadiens peuvent exercer sans difficulté.
Toutefois, si nous avons conclu un accord bilatéral, s'il existe un organisme approprié, on peut supposer que le fait d'en être membre à un certain poids dans le pays. De plus, si des ingénieurs canadiens posent leur candidature à des emplois dans ce pays ou y travaillent, l'existence d'un accord donnera à leurs employeurs l'assurance qu'ils ont les compétences nécessaires. L'accord facilite l'accès au marché.
M. Charlie Penson: Je voudrais poser une question de plus. Vous avez parlé de la nécessité d'accroître la mobilité internationale des ingénieurs. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Où est le problème?
Mme Wendy Ryan-Bacon: Le principal problème est de reconnaître les barrières artificielles et les politiques protectionnistes là où elles existent. La mobilité est assez bonne dans certains pays. Au CCI, nous essayons simplement de veiller à ce que le marché international soit aussi ouvert que possible pour les ingénieurs canadiens.
M. Charlie Penson: Collaborez-vous avec le ministère pour déterminer les secteurs problèmes dans le but d'utiliser les négociations pour améliorer la situation?
Mme Wendy Ryan-Bacon: C'est exact.
Le président: Merci.
[Français]
Monsieur Sauvageau.
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Madame Ryan-Bacon, bien que vous l'ayez peut-être déjà fait, j'aimerais que vous nous indiquiez quelles sont vos recommandations précises concernant l'accord sur les services en vue d'améliorer la mobilité des ingénieurs et de faciliter leur travail. Je ne pense pas que cette question relève de l'OMC, mais si elle touche l'accord sur les services, pourriez-vous nous dire de quelle façon et nous expliquer vos principales recommandations?
Mme Wendy Ryan-Bacon: S'il s'agit de faciliter le travail, c'est un aspect qui relève davantage de l'Association des ingénieurs-conseils, qui s'occupe des questions d'affaires. Comme je l'ai dit plus tôt, nous nous intéressons essentiellement à l'aspect réglementaire et aux compétences, nous essayons de nous assurer que les exigences relatives à l'autorisation de travailler dans un pays ne comportent pas de barrières artificielles.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Ces barrières réglementaires dont vous avez parlé au début de votre intervention sont-elles établies par les provinces canadiennes ou par une association canadienne?
[Traduction]
Mme Wendy Ryan-Bacon: Au Canada, certaines provinces ont des exigences de résidence, qui disparaissent progressivement parce que la résidence constitue une barrière sans lien avec la compétence. Autrement, la profession d'ingénieur au Canada est probablement un bon exemple de profession assez ouverte.
Nos associations ont des mécanismes permettant de délivrer des autorisations d'exercer aux ingénieurs étrangers, à titre temporaire. Un certain nombre de nos associations n'ont plus d'exigences de résidence, de sorte que des étrangers peuvent en devenir membres et obtenir une autorisation d'exercer au Canada.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Merci.
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): J'aimerais vous poser une question sur le tabac, madame Callard. J'ai lu l'opinion non juridique que vous nous avez soumise. Vous avez parlé des panels du GATT et de la façon dont ils fonctionnent. Vous critiquiez leur manque de transparence et ainsi de suite. Croyez-vous que ces panels sont un mécanisme ou une procédure qui, à l'égard de cette industrie et des revendications que vous avez à son égard, va empêcher un pays comme le Canada et certaines provinces de proposer des mesures comme l'emballage plus neutre afin de décourager l'emploi du tabac? Vous condamnez de façon assez explicite le GATT et ses mécanismes. Pourquoi précisément?
[Traduction]
Mme Cynthia Callard: Il s'agit absolument d'une menace, tant dans le processus que dans le contenu.
Pour l'ensemble de la communauté de la santé, les processus de décision des panels et la façon dont les expertises sont faites, que ce soit dans le cadre de l'ALENA ou en vertu du GATT, n'englobent pas les questions sociales de la même façon que des choses qu'on peut mesurer avec une certaine précision, comme le fait, par exemple, qu'une voiture est vendue moins cher que son coût de production, etc. Il n'y a pas de recours en vertu de l'ALENA ou dans une procédure investisseur-État de l'AMI.
L'AMI et l'ALENA sont beaucoup plus menaçants que le GATT parce qu'en vertu de ce dernier, le pays doit s'en occuper. Il y a donc moyen d'en appeler à un gouvernement. En vertu de l'ALENA ou de l'AMI—et il est possible que l'OMC adopte le même processus dans le cas des différends investisseur-État—, les sociétés peuvent s'adresser à un comité d'arbitrage qui tient des réunions secrètes, entend des témoignages en secret et rend des décisions sans appel, sans que personne sache vraiment sur quel motif elles se fondent.
Quels sont les critères? Où sont les preuves? Comment peut-on démontrer que l'interdiction d'une course automobile internationale aura des effets sur les fumeurs? Les règles de la preuve ne facilitent pas vraiment les choses dans ce cas. Le fardeau de la preuve est inutilement lourd pour l'intérêt public. Voilà pourquoi nous sommes tellement préoccupés au sujet des différends investisseur-État.
Il y a une autre chose que cette lettre démontre, à part la substance de l'argument. C'est que le secteur du tabac est tout à fait disposé à combattre les mesures qu'on pourrait prendre. Les sociétés de tabac ne prennent pas les lois à la légère et elles sont prêtes à se battre. Elles ne craignent pas le combat. Elles luttent contre la loi fédérale actuelle. Elles se battent contre les lois de la Colombie-Britannique et elles ont manifesté leur insatisfaction à l'égard des lois du Québec.
Nous avons deux gouvernements provinciaux, ceux du Québec et de la Colombie-Britannique, qui se montrent très énergiques au sujet du tabac. Nous avons un gouvernement fédéral qui applique une politique solide et saine. Tout cela est contesté. Nous savons donc d'avance que si nous leur donnons accès à un mécanisme de règlement des différends dans le cadre de l'OMC, elles vont bel et bien s'en servir.
• 1055
Les conséquences de leur recours à ce mécanisme vont au-delà
d'une éventuelle victoire devant les panels. Les gouvernements
peuvent se fatiguer et finir par se dire qu'il ne vaut pas la peine
de continuer à se battre. Pour nous, c'est une menace très
sérieuse.
[Français]
M. Daniel Turp: Faudrait-il prévoir dans les accords des dispositions sur la santé équivalant à une exemption culturelle? Il y a une clause de sauvegarde qu'on peut invoquer, mais est-ce que ça suffit? Faudrait-il qu'il y ait à l'avenir une espèce d'exemption très spécifique pour la santé?
[Traduction]
Mme Cynthia Callard: Nous abordons là toutes les nuances des exemptions, qu'il s'agisse de chasses gardées ou autres.
Nous avons recommandé qu'il y ait une exemption générale des mesures concernant la santé dans le cadre de l'AMI et nous comptons le faire également à l'OMC. L'ALENA prévoit des exemptions pour la santé, mais elles ne s'appliquent pas à la protection des investissements. Il est donc important non seulement d'avoir des exemptions, mais qu'elles soient assez larges pour assurer une protection adéquate.
Les exemptions prévues dans l'ALENA étaient insuffisantes. Elles ne s'appliquaient pas aux mesures de protection des investissements. Dans le cadre de ces mesures, il est possible d'exproprier, mais il faut alors indemniser les intéressés, ce qui est souvent trop coûteux.
Si le gouvernement du Québec avait dû payer des indemnisations en contrepartie de l'interdiction des commandites, il ne l'aurait probablement pas fait. Il s'agissait, en effet, des marques de commerce les plus précieuses du monde, après la bière Carlsberg. L'homme de Marlboro et d'autres marques constituent des biens d'une très grande valeur. Exproprier les droits correspondants serait vraiment très coûteux.
[Français]
M. Daniel Turp: D'accord. Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Cannis.
[Traduction]
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais également remercier nos témoins.
Je vais commencer par une observation à Wendy et à son organisme. Je suis heureux d'apprendre qu'il semble exister un climat de coopération visant à progresser et à favoriser la libéralisation. J'espère seulement que l'association des vétérinaires, dont beaucoup d'entre nous ont entendu parler, va commencer à prendre les bonnes décisions et à participer à la coopération. Nous avons entendu parler de beaucoup de gens venant d'autres pays qui ont des difficultés à exercer leur profession.
Je vous félicite donc pour vos initiatives et pour les succès que vous continuez à remporter.
Ma question s'adresse à Mme Callard.
Vous avez dit que le nombre de fumeurs baisse au Canada. Je suis heureux de l'apprendre. Ne pensez-vous pas que votre association et toutes les associations qui s'occupent de ce domaine devraient diffuser ce message d'une manière positive? Chaque fois que nous entendons des messages de ce genre, ils semblent être très négatifs, très apocalyptiques, alors que nous savons tous très bien que le gouvernement, tant au cours de son dernier mandat que depuis qu'il a été réélu, a pris des initiatives, en accordant des contributions financières et des appuis destinés à réduire dans toute la mesure du possible l'usage du tabac.
Si nous obtenons de bons résultats, je crois qu'il faut en parler. Comme vous l'avez dit, le nombre de fumeurs est en baisse au Canada. Si cette réalisation fait l'objet d'une certaine publicité, nous saurons au moins que nous sommes dans la bonne voie.
J'étais bien sûr moins heureux lorsque vous avez dit que l'usage du tabac est en hausse dans les pays du tiers monde. Nous nous inquiétons également aujourd'hui de ce que vous appelez les maladies de la vie moderne. J'ai des difficultés à ce sujet. Peut- être pourriez-vous nous donner des éclaircissements. Vous avez parlé d'alcool, de tabac, etc. Je dois dire que je n'aimerais pas beaucoup que, dans 30 ou 50 ans d'ici, nous soyons obligés de vivre dans un environnement où notre vie quotidienne serait soumise à un contrôle de tous les instants.
On peut s'attaquer aux problèmes du tabac par le biais de la publicité. C'est une excellente idée. Mais que faire dans le cas des voitures, par exemple, ou des vêtements, des divertissements, de la lecture, des films, des revues, etc.? À mon avis, tout cela fait partie des maladies de la vie moderne.
Alors que devons-nous faire? Je crois que mon collègue, M. Turp, a parlé des exemptions culturelles. Nous nous rendons compte tout à coup que ce n'est pas une question isolée. Si elle l'avait été, ce serait parfait, nous pourrions nous y attaquer. À votre avis, comment devrions-nous affronter ces autres problèmes?
• 1100
Si vous avez, par exemple, un jeune ou un adulte dans un pays
du tiers monde ou même en Amérique du Nord qui regarde un film
d'Elvis Presley ou de Steve McQueen—je ne connais pas trop les
films récents—et qui voit un acteur, sur scène, à la télévision ou
dans un film, en train de se verser un verre, de piloter une
voiture sport, d'allumer une cigarette, de lire une certaine revue
ou encore de porter des vêtements d'un certain style... Je dois
vous dire que j'ai des appréhensions, même si je comprends bien ce
que vous dites et même si je pense que nous devons être constamment
vigilants pour essayer de protéger les gens.
Mme Cynthia Callard: J'ai une proposition constructive à vous faire.
M. John Cannis: Je vous en prie.
Mme Cynthia Callard: En novembre, j'ai eu le privilège d'accompagner une mission de l'Organisation mondiale de la santé au Kirghizistan, qui est l'une des régions les plus pauvres du monde. La population locale n'a pas grand-chose, mais les gens sont avides d'apprendre ce qui se passe dans le monde. À mon arrivée là, j'ai eu l'occasion de bavarder avec des jeunes filles de 14 ou 15 ans, qui ont tenu à m'assurer qu'elles connaissaient toutes les paroles des chansons des Backstreet Boys et qu'elles avaient vu 15 fois le Titanic.
Deux produits étaient annoncés là-bas: la bière Carlsberg et les cigarettes Liggett & Myers. Les Kirghiz sont inondés d'une publicité qui les influence beaucoup, à cause de leur désir d'accéder à une meilleure vie.
Je ne crois pas que nous puissions arrêter cela, ni que nous devions nécessairement le faire. Je ne pense pas que nous ayons à dicter aux gens ce qu'ils peuvent ou non désirer ou aimer. Mais je recommande deux choses: il faut que nous soyons conscients de l'impact et que nous acceptions de coopérer pour y faire face.
Au Kirghizistan, 30 p. 100 des cigarettes entrent en contrebande. Comme dans beaucoup d'autres endroits du monde, il n'y a pas là des magasins comme les nôtres. Ils ont des gens qui vendent des produits dans la rue et qui sont approvisionnés par des contrebandiers. Nous avons eu des entretiens avec des représentants du gouvernement. Les autorités tentent de combattre la contrebande. Elles ont pris contact avec les ambassades des États-Unis et d'autres pays pour essayer de déterminer comment les chargements arrivent dans le pays, pour être en mesure de porter des accusations. Mais elles n'ont obtenu aucune coopération.
Je veux donc de nouveau vous proposer l'idée d'un accord international sur le tabac, qui permette de mieux combattre la contrebande. Les mesures que nous essayons de prendre, comme d'établir les prix à un certain niveau pour pouvoir au moins faire obstacle à la contrebande, étaient compromises par le manque de coopération.
Nous devons être vigilants et aussi travailler ensemble.
Le président: Lorsque que nous avions monté les prix, la moitié des cigarettes vendues à Toronto venaient de sources clandestines. Je le sais parce que j'ai vu ces cigarettes partout dans ma circonscription. La contrebande échappait à tout contrôle. Par conséquent, ce problème ne se limite pas au Kirghizistan, loin de là.
M. John Cannis: La situation a explosé en 1993 et 1994. J'étais en Grèce en 1996 et j'ai pu y observer, dans les kiosques qui vendaient du tabac, quelque chose dont vous venez de parler. Tout d'abord, la vente du tabac était réglementée. Le gouvernement décidait qui pouvait ou ne pouvait pas en vendre. Mais ce qui m'a le plus frappé, c'est que dans tous les kiosques, le prix d'un paquet de cigarettes était le même. Au Canada ou du moins à Toronto, comme vous venez de le dire, monsieur le président, il était facile de trouver des différences de 50c. à 1 $ par paquet en allant d'un magasin à l'autre. L'économie clandestine prenait diverses formes jusqu'à ce que nous prenions l'initiative de baisser les prix comme nous l'avons fait.
Peut-être, comme vous le proposez, un prix uniforme pourrait aider. Qu'en pensez-vous?
Mme Cynthia Callard: C'est un élément qu'il importe de contrôler.
Il faut prendre les mesures qui vont aboutir à des résultats. Un prix uniforme n'aidera pas vraiment à combattre la contrebande. Nous devons trouver d'autres moyens.
Le président: Vous conviendrez, je crois, que le GATT ne peut contrôler ni la contrebande ni les prix. Il ne faudrait pas lui attribuer tous nos maux.
Mme Cynthia Callard: C'est pour cette raison que nous envisageons une convention cadre internationale. L'Organisation mondiale de la santé a beaucoup de renseignements à ce sujet.
Le président: Oui, c'est là que nous devrions concentrer nos efforts dans le cas des mesures concernant la santé, plutôt que de chercher du côté des règles commerciales. Vous avez raison, nous devons le faire. Mais je ne suis pas sûr que le GATT soit l'endroit le plus indiqué.
Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Mme Ryan-Bacon.
Vous avez dit que lorsque des ingénieurs étrangers viennent au Canada, ils doivent se soumettre à certains examens, dont le nombre varie entre trois et douze. Est-ce que cela n'est pas discriminatoire?
Je le mentionne parce que M. Cannis a parlé des vétérinaires. Dans le cas des vétérinaires étrangers, les règles sont telles qu'ils ne peuvent même pas se présenter à des examens. Ces examens sont tellement coûteux qu'ils n'ont jamais la possibilité de se faire reconnaître.
Lorsque vous dites que votre association a différentes séries et différents nombres d'examens lorsque les ingénieurs viennent de pays qui n'ont pas signé un accord bilatéral, est-ce que cela ne constitue pas en un sens une barrière non tarifaire conçue pour les empêcher d'exercer leur profession au Canada?
Mme Wendy Ryan-Bacon: C'est une bonne question. J'espère bien que la réponse est non.
Lorsqu'un ingénieur qui a fait ses études dans un autre pays vient au Canada, nous commençons par déterminer si nous avons un accord avec ce pays. Si c'est le cas, cela signifie que des représentants de nos associations ont examiné les programmes d'études de ce pays et les ont jugés comparables aux nôtres.
Si ce n'est pas le cas, nous examinerons en détail les antécédents scolaires de la personne qui demande une autorisation d'exercer au Canada. Ces antécédents déterminent le nombre d'examens auxquels la personne devra se soumettre. Si elle a fait ses études dans une université assez connue... Nous avons une liste et des critères à notre bureau. Ce sont des critères simples, mais ils nous permettent d'établir s'il s'agit ou non d'une université sérieuse.
Si la personne a obtenu un diplôme d'ingénieur de l'une de ces universités, si son programme d'études comportait les mêmes matières que chez nous, il y a de bonnes chances qu'elle soit inscrite à ce que nous appelons un programme de confirmation, quel que soit l'endroit du Canada où l'enregistrement est fait. Le programme de confirmation a pour objet de valider le niveau des études.
Les candidats qui ne sont pas diplômés de l'une de ces universités, ou qui ont suivi un programme d'études avec une spécialisation trop étroite, pourraient avoir à se soumettre à un plus grand nombre d'examens. Notre commission d'évaluation des compétences a élaboré un programme d'études type pour chacune des grandes disciplines du génie. Ainsi, lorsqu'un candidat se présente, l'association compare ses antécédents au programme type. S'il y a une correspondance étroite entre les deux, le candidat sera probablement inscrit au programme de confirmation. Si les différences sont importantes, l'association déterminera les examens auxquels le candidat devra se soumettre pour exercer au Canada.
Un programme canadien est accrédité sur la base de sa portée et de son niveau. C'est ce qui permet de définir des critères de comparaison.
Mme Sarmite Bulte: Diriez-vous donc que cela s'inscrit dans le traitement national?
Mme Wendy Ryan-Bacon: Oui.
Mme Sarmite Bulte: Grâce à la comparaison entre les deux.
Mme Wendy Ryan-Bacon: Je voudrais également signaler qu'il demeure possible au Canada d'exercer la profession d'ingénieur sans avoir un diplôme en génie. Au Canada, ou n'importe où ailleurs, si vous avez un diplôme en chimie, par exemple, vous pouvez demander une autorisation d'exercer le génie. On comparera vos études aux programmes types, puis on vous dira à quels examens vous devez vous soumettre. C'est un processus très long et très difficile, mais il demeure possible de procéder ainsi.
Mme Sarmite Bulte: Merci beaucoup.
Le président: Je voudrais poser une question au sujet de la reconnaissance mutuelle, dont vous vous occupez beaucoup, je crois. Je comprends que cela soit possible dans le cas des États-Unis, où les normes et l'expérience sont semblables. Avez-vous trouvé cela plus difficile au Mexique, à cause du système différent?
Et, compte tenu de l'expérience que vous avez acquise, croyez- vous que la même chose serait possible dans le cadre de la ZLEA? Si nous allions de l'avant dans le cas de la ZLEA, pourriez-vous envisager une plus grande mobilité dans tout l'hémisphère dans, mettons, les 10 prochaines années? Il doit y avoir d'énormes différences dans le niveau des études.
Je sais que cela a été l'un des grands problèmes dans le cas de l'Union européenne. Vous parlez de la libre circulation des médecins. Eh bien, il faut que quelqu'un détermine qui enseigne quoi dans les différentes écoles de médecine, quelle est la qualité des programmes, qui sera chargé de la contrôler et ainsi de suite.
Si nous faisions partie de la ZLEA, croyez-vous qu'il y ait de bonnes chances que le génie soit l'une des professions dans lesquelles nous verrions une certaine liberté de circulation?
Mme Wendy Ryan-Bacon: Je crois que oui.
Dans le cas du Mexique, l'une des difficultés que nous avons eues dans le cadre de l'ALENA correspond exactement à ce que vous venez de dire: il y a une énorme différence entre ce qui constitue ou ne constitue pas un diplôme d'ingénieur.
Au Canada, nous avons la chance d'avoir un bon système universitaire et un bon système d'accréditation. Nous aimons à croire que nos programmes de génie forment une bande très étroite aux normes assez élevées. La situation est un peu différente aux États-Unis. Leurs normes sont également assez élevées, mais la bande est un peu plus large, entre les meilleurs et les pires.
• 1110
Au Mexique, les différences sont énormes. Au début des
discussions, les Mexicains n'avaient pas de système d'accréditation
pour leurs programmes de génie. À la fin des discussions, ils
avaient commencé à en établir un. Ces dernières années, ils ont
entrepris d'accréditer les programmes. Ils ont examiné notre
processus et celui des États-Unis. Ils ont observé nos visites.
Certains de nos visiteurs sont allés sur place pour les aider. Nous
faisons donc confiance à leur système d'accréditation.
Nous l'examinons encore. Nous n'irons pas jusqu'à dire que leur système est comparable au nôtre. Ils ont besoin d'un peu plus de temps et d'expérience.
Nous constatons que les choses évoluent également en Amérique latine. Il y a quelques années, l'ACDI nous a versé une subvention pour nous aider à réaliser un projet destiné à établir un cadre pour les systèmes d'accréditation de l'Amérique latine. Notre projet a eu beaucoup de succès. Nous savons qu'un certain nombre de pays comptent vraiment sur les systèmes d'accréditation pour déterminer les programmes de calibre international.
Je viens de rentrer du Costa Rica. Nous avions été spécialement invités pour examiner deux universités du pays. Dans un cas, il s'agissait d'une université publique qui avait bonne réputation et dans l'autre, d'une université privée dont nous n'étions pas très sûrs. Je crois que les Costaricains avaient aussi des soupçons, mais ils préféraient que des gens de l'extérieur viennent procéder à un examen indépendant des deux programmes. Nous sommes donc en train de le faire. Ils s'intéressent beaucoup à l'accréditation et à l'internationalisation de la profession. En même temps, ils reconnaissent les difficultés que créent les disparités entre programmes.
Le président: Merci beaucoup.
Nous attendons M. von Finckenstein. Nous avons donc deux minutes.
M. Penson est sur ma liste.
M. Charlie Penson: Il s'agit là des normes des programmes universitaires en génie, mais il y a aussi des normes pratiques que certaines entreprises ont adoptées.
Mon fils est ingénieur du pétrole. Dès qu'il a obtenu son diplôme, il a été engagé par une société canadienne de Calgary. Il avait l'impression, je crois, qu'il allait faire partie des cadres plus ou moins supérieurs, mais, pour son premier emploi, la société l'a envoyé à Tulsa, en Oklahoma, pour qu'il apprenne à conduire un camion. Elle voulait qu'il acquière une certaine expérience pratique. Elle l'a donc fait commencer au bas de l'échelle pour qu'il apprenne. D'ailleurs, beaucoup de la formation se fait sur le tas. N'est-ce pas vrai?
Une voix: C'est exact.
M. Charlie Penson: Combien d'accords bilatéraux le Canada a-t- il signés dans le domaine du génie?
Mme Wendy Ryan-Bacon: Pour le moment, seulement quatre.
M. Charlie Penson: Pouvez-vous nous dire avec quels pays?
Mme Wendy Ryan-Bacon: Il y a quatre accords, mais un peu plus de quatre pays. Trois des accords ont été signés avec les États- Unis. Il y en a un avec la France. Dans le cadre de l'ALENA, nous avons le Canada, les États-Unis et le Mexique. Et l'accord de Washington comprend les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l'Irlande, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Hong Kong et l'Afrique du Sud. Du côté Asie-Pacifique, il y aura beaucoup plus de pays. Nous y travaillons, mais l'accord n'est pas encore signé.
M. Charlie Penson: Merci.
Le président: Merci beaucoup. Nous passons maintenant au groupe de témoins suivant. Nous avons beaucoup apprécié votre témoignage.
M. von Finckenstein n'est ici que pour 45 minutes. Nous devrions tirer parti de sa présence.
• 1115
Merci beaucoup d'être venu, monsieur von Finckenstein. Vous
êtes très aimable d'avoir accepté de nous consacrer un peu de votre
temps.
Vous savez sans doute que M. Penson, M. Speller et moi-même étions aux réunions de l'OMC à Singapour, à la suite de quoi nous sommes également allés à Genève. Nous sommes très conscients du fait que les lois sur la concurrence sont en train de prendre beaucoup d'importance dans le domaine du commerce. On parle maintenant à la fois de droit commercial et de droit de la concurrence. Nous avons donc hâte de connaître votre point de vue sur l'orientation que nous sommes en train de prendre.
M. Konrad von Finckenstein (commissaire, Bureau de la concurrence, Industrie Canada): Merci, monsieur le président.
Je dois vous dire que je suis un peu intimidé en prenant la parole devant vous, compte tenu des connaissances et de la réputation que vous avez dans ce domaine, surtout quand vous me dites en plus que vous étiez à Singapour. Vous en savez probablement davantage que moi sur ces questions.
Le président: Je vais très rapidement vous prouver que vous n'avez vraiment rien à craindre.
M. Konrad von Finckenstein: J'ai une déclaration préliminaire. Voulez-vous que je commence par là ou préférez-vous que j'attende vos collègues? Je crois que la déclaration a été distribuée.
Le président: Je crois que nous devrions commencer tout de suite.
M. Konrad von Finckenstein: Très bien.
Je vous remercie de m'avoir invité à venir vous parler de l'OMC et de la concurrence. Je suis accompagné de Patricia Smith, qui est commissaire adjointe à l'économie et aux affaires internationales, et de Dominique Burlone, qui est sous-commissaire adjoint aux affaires internationales.
Il y a de bonnes chances que la concurrence soit inscrite au programme de la prochaine ronde des négociations de l'OMC. Nous espérons qu'elle le sera et l'objet de cet exposé est de vous dire pourquoi.
Le mandat du commissaire de la concurrence est de maintenir et d'améliorer l'efficience des marchés pour que les entreprises et les consommateurs puissent profiter des avantages d'un marché sain et dynamique, sous forme de prix concurrentiels, d'un choix de produits et d'innovations en matière de produits.
Dans le cadre de nos activités, nous cherchons à favoriser la conformité à la loi, à combattre les agissements anticoncurrentiels, à examiner les projets de fusionnement, à veiller à ce que les participants aux marchés aient accès à des renseignements adéquats et à jour et à promouvoir des solutions proconcurrentielles devant les offices, commissions et tribunaux fédéraux et provinciaux.
L'intérêt croissant porté aux règles multilatérales dans le domaine de la politique de la concurrence est relié aux multiples effets que l'activité anticoncurrentielle peut avoir. Nous constatons de plus en plus que les entreprises font abstraction des frontières dans leurs transactions. Il en est de même pour l'activité anticoncurrentielle, qui suit les affaires légitimes. Par conséquent, en tant qu'organisme antitrust, nous nous intéressons beaucoup au développement de règles multilatérales en matière de concurrence.
Permettez-moi de vous donner les raisons pour lesquelles il serait indiqué d'établir des règles multilatérales de concurrence.
On se rend de plus en plus compte du rôle complémentaire que le droit de la concurrence peut jouer dans le processus de libéralisation des échanges. Les règles existantes de l'OMC traitent des entraves réglementées au commerce, des deux côtés des frontières, mais elles ne portent pas sur les pratiques anticoncurrentielles privées, qui sont le domaine des organismes de promotion de la concurrence, mais qui peuvent interdire l'accès aux marchés et avoir des effets très sensibles sur les économies.
Deuxièmement, l'OMC est vraiment un forum idéal. Comme vous le savez, l'Organisation a plus de 100 membres. Nous avons constamment plaidé, à l'OMC, en faveur de l'adoption de lois fermes sur la concurrence dans les différents accords. Nous l'avons également fait auprès du groupe de travail de l'OMC. En agissant au niveau de l'OMC, on réalise d'importantes économies d'échelle. C'est également une excellente plate-forme pour sensibiliser les pays sous-développés et en voie de développement aux avantages d'un régime de concurrence efficace.
Comme vous le savez également, le commerce et l'investissement sont étroitement liés et se suivent l'un l'autre. Là où nous faisons du commerce, nous avons également des investissements et les pays qui ont avec nous des échanges commerciaux investissent également au Canada. Nous voulons nous assurer que lorsque nos investisseurs vont à l'étranger, ils bénéficient d'un régime de concurrence objectif et prévisible. La seule façon de s'assurer de cela consiste à veiller à ce que nos partenaires commerciaux adoptent tous des lois ouvertes et transparentes sur la concurrence. L'OMC nous donne la possibilité d'agir en ce sens.
• 1120
Quatrièmement, si chaque pays a une loi ferme sur la
concurrence, le commerce est plus équitable pour tous. Si certains
partenaires ont de telles lois et que d'autres n'en ont pas, il
devient possible de faire monter les prix sur le marché intérieur
pour financer les exportations. Cela se produit et continuera à se
produire. Le seul moyen de combattre ces pratiques est de s'assurer
que chacun commence au même point, ce qui revient à dire que chacun
doit se préoccuper de la concurrence tant à l'échelle nationale
qu'à l'étranger.
Comme je l'ai déjà dit, le commerce ignore de plus en plus les frontières et il en est de même des pratiques anticoncurrentielles. Nous devons donc veiller au maintien d'une bonne coopération entre les pouvoirs de réglementation de la concurrence. Cela est nécessaire au bon fonctionnement du système et essentiel pour éviter les conflits de compétences, car il est important de ne pas se gêner les uns les autres lorsqu'il faut enquêter sur ces complots criminels.
Voilà pourquoi la concurrence devrait être inscrite à l'ordre du jour des négociations de l'OMC.
Un certain travail s'est déjà fait jusqu'ici. Plusieurs des accords de l'OMC traitant des normes, des barrières techniques, de même que la dernière entente traitant des services de télécommunications de base, comportent d'importantes dispositions relatives à la concurrence. En fait, l'accord sur les services de télécommunications, à la négociation duquel j'ai personnellement participé, était axé sur la concurrence et sur les règles à appliquer sur les marchés nationaux.
L'ALENA et l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili contiennent des dispositions sur la concurrence. De plus, à l'OCDE, plusieurs recommandations ont été adoptées, l'une sur les ententes injustifiables, l'autre sur un cadre pour la notification commune des fusionnements et une troisième sur la coopération entre les pays membres.
Enfin, nous avons un certain nombre d'accords bilatéraux. Nous en avons un sur la coopération avec les États-Unis, qui est en vigueur depuis plus de dix ans. Il est utilisé sur une base quotidienne et donne de très bons résultats. Il nous permet de travailler dans l'harmonie. Vous êtes sûrement au courant des récentes affaires assez spectaculaires que nous avons eues dans le cadre de cet accord. Cet été, nous signerons en outre un accord bilatéral avec les Communautés européennes, qui assurera le même genre de coopération. Mais tout cela se fait un peu au hasard. Il n'y a pas d'approche concertée. Or c'est de cela que nous avons besoin.
Que voulons-nous dire lorsque nous parlons d'une approche concertée? Sur un plan conceptuel, cela signifie que nous avons besoin d'un accord fondé sur les mêmes principes que l'Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce ou ADPIC. Nous avons donc besoin d'un accord sur les aspects des pratiques anticoncurrentielles qui touchent au commerce, ce qui donnerait en anglais le sigle de TRAMS. Comme vous le savez, le monde du commerce est rempli de sigles, ADPIC, TRIM et maintenant TRAMS.
Que contiendrait un accord TRAMS? À notre avis, il devrait en premier contenir une obligation d'adopter une loi ferme sur la concurrence ayant un champ d'application approprié et assurant l'indépendance des enquêtes et des prises de décisions. Les principales dispositions devraient traiter des aspects suivants: les cartels et les complots criminels, l'examen des fusionnements, l'abus de position dominante, le rôle de défense des droits de l'organisme de promotion de la concurrence, afin de veiller à ce que la concurrence soit prise en considération à toutes les instances nationales, la protection des renseignements confidentiels, sans laquelle il est impossible de faire fonctionner un régime de concurrence et, enfin, l'accès à des moyens de dissuasion efficaces, d'ordre monétaire ou pénal.
Il faut également un engagement envers des principes de transparence, de traitement national, de non-discrimination et d'équité procédurale. Il est impossible autrement d'exploiter un régime de concurrence. Si le régime ne respecte pas le traitement national et la transparence, il ne sert vraiment à rien.
Enfin, il devrait y avoir des mécanismes pour faciliter et encourager la coopération. Bien sûr, s'il y avait un tel accord TRAMS, il serait assujetti à la procédure de règlement des différends de l'OMC. Cela veut dire qu'un pays serait obligé d'établir un système conforme à cette procédure de base. S'il ne le faisait pas, il pourrait faire l'objet d'une plainte à l'OMC, par exemple parce qu'il aurait dû adopter un système d'examen des fusionnements et qu'il ne l'a pas fait ou parce que ce qu'il a fait ne correspondait pas vraiment aux engagements qu'il avait pris. Si l'OMC se prononce contre ce pays, elle peut le forcer à prendre les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre le système requis.
• 1125
C'est essentiellement ainsi que l'ADPIC fonctionne
actuellement dans le domaine de la propriété intellectuelle: il
faut adopter un régime de brevets comportant certaines règles. Si
on ne le fait pas, on peut faire l'objet d'une plainte en vertu de
la procédure de règlement des différends de l'OMC. C'est d'ailleurs
le cas du Canada actuellement, parce que certains croient que nos
lois relatives aux produits pharmaceutiques ne sont pas conformes
aux principes de base de l'OMC.
Je m'empresse d'ajouter que la procédure de règlement des différends ne devrait pas servir à déterminer comment un pays applique ses propres lois ou examine les décisions individuelles qui sont prises. Il y aurait l'obligation d'adopter un cadre et de s'y conformer, mais le fonctionnement du régime de concurrence ne serait pas assujetti à la procédure de règlement des différends internationaux, parce que le régime serait particulier à chaque pays et dépendrait de son économie, de ses priorités et de sa façon de traiter les affaires. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire ou souhaitable de mettre en place un commun dénominateur.
Voilà donc essentiellement ce qu'à notre avis devrait comprendre un accord TRAMS. Si nous pouvions aller aussi loin, ce serait une réalisation importante, que la prochaine ronde des discussions de l'OMC devrait envisager.
Les négociations seront longues et difficiles. Pourquoi? Parce que la plupart des pays n'ont même pas un régime de concurrence à l'heure actuelle et devront être persuadés de la nécessité d'en établir un.
Deuxièmement, il n'y a pas vraiment de consensus sur les buts et objectifs ou sur le contenu de l'accord. J'ai mentionné les cartels, les fusionnements, les normes, etc. Beaucoup de travail reste à faire dans ce domaine.
Bien sûr, nous n'accepterons aucune mesure qui puisse affaiblir le système qui existe chez nous. Nous voudrons également veiller à ne pas nous lancer dans une course visant à adopter le plus bas commun dénominateur. Nous devons viser des normes acceptables que chacun pourra adopter.
Certains s'inquiètent également parce qu'ils ne veulent pas qu'il y ait confusion entre les lois sur la concurrence et les lois portant sur les recours commerciaux, et notamment les mesures antidumping. Ce sont là des régimes vraiment très différents l'un de l'autre. Nous devons veiller à ce que les autorités responsables de la concurrence s'occupent des questions de concurrence et des questions d'accès aux marchés, lorsqu'un problème de concurrence se pose. S'il n'y a pas un tel problème, nous n'avons pas à nous en occuper, même s'il défavorise une entreprise canadienne. La concurrence est neutre au chapitre de la nationalité.
Enfin, comme je l'ai mentionné, la procédure de règlement des différends doit être limitée à la mise en oeuvre et ne devrait pas s'étendre à l'examen des décisions individuelles. Si nous arrivons à obtenir un tel accord, il favorisera sûrement la prolifération des régimes de concurrence et visera la convergence des procédures. Il contribuera à une plus grande intégration des marchés mondiaux, renforcera les sociétés et aidera l'ensemble du commerce et de l'investissement.
Je dois ajouter une mise en garde. Comme vous le savez, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international tient des consultations sur cette affaire. Ce que je viens de vous exposer représente notre point de vue, à titre d'organisme responsable de la concurrence, et notre contribution à ces consultations. Ce n'est donc en aucune façon la position du gouvernement.
Je vous remercie. Je serais heureux de répondre à toutes vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur von Finckenstein.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur von Finckenstein, ainsi qu'aux membres de votre groupe.
Vous venez de parler d'un très important secteur qu'il faudra examiner au cours de la prochaine ronde des discussions de l'OMC. Si des pays comme la Chine qui ont tant d'entreprises d'État qui constituent essentiellement des monopoles accèdent à l'OMC, nous aurons besoin d'une certaine transparence.
Je m'inquiète également d'un autre sujet que vous avez abordé: l'interfinancement. Une bonne politique de concurrence pourrait constituer le moyen de permettre à des pays qui n'en veulent pas du tout en réalité, mais qui doivent faire face à des pressions internes en faveur de la concurrence, d'attribuer le blâme à l'accord international qu'ils ont signé afin de trouver un moyen de s'en sortir. Nous en avons vu des exemples dans le cas des deux derniers accords que nous avons signés, à l'OMC et dans le cadre de l'ALENA. Ces accords peuvent donner une certaine marge de manoeuvre à des pays sur le plan de la politique intérieure et leur permettre d'agir à leur guise comme ils ont toujours voulu le faire, sans en avoir la possibilité à cause des pressions qui s'exerçaient sur eux. C'était juste un commentaire que je voulais faire.
J'ai assisté cette année à Miami à une conférence sur l'Amérique latine et du Sud. Certains croyaient que les lois actuelles sur la concurrence de certains pays étaient tellement lourdes qu'elles constituaient en fait une forme de barrière commerciale ou d'obstacle aux affaires, parce qu'il faut, par exemple, attendre deux à quatre ans pour qu'un projet de fusionnement soit examiné. Par conséquent, un accord international qui prescrirait des délais et quelques règles strictes améliorerait beaucoup la situation et faciliterait l'investissement dans d'autres pays. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.
M. Konrad von Finckenstein: J'ai également entendu parler de cela.
Certains pays font vraiment preuve de génie lorsqu'ils conçoivent des barrières commerciales. Il y a sûrement quelques pays qui vont essayer de transformer leur régime de concurrence en une forme de barrière commerciale.
Comme je l'ai dit lorsque j'ai donné un aperçu des caractéristiques d'un accord TRAMS, les questions de procédure sont très importantes. L'ouverture et la transparence sont indispensables. Il faut qu'on ait le droit de présenter des mémoires. Il faut que ce soit non discriminatoire. Et, bien sûr, nous avons besoin de certaines normes au chapitre des délais, etc. Autrement, on peut tuer les investissements en en asséchant le bassin. On ne devrait pas être autorisé à le faire sous prétexte d'établir un régime de concurrence.
Si nous pouvons parvenir à conclure un accord TRAMS ayant les caractéristiques que j'ai mentionnées, il sera possible d'affronter ces difficultés.
M. Charlie Penson: Que fait-on de pays comme la Chine, avec toutes leurs entreprises commerciales d'État? Y aura-t-il des difficultés à établir une politique internationale de concurrence, si ces pays veulent s'y joindre?
M. Konrad von Finckenstein: Les sociétés commerciales d'État soulèvent tout le problème des exceptions. Quelles exceptions allons-nous admettre? Nous avons des exceptions au Canada. Les Américains en ont aussi quelques-unes.
M. Charlie Penson: Oui, même si je n'en suis pas très heureux.
M. Konrad von Finckenstein: Exactement.
Nous espérons qu'il sera possible, dans le cadre de la négociation internationale, des compromis qui seront consentis, etc., de faire disparaître certaines de ces restrictions.
Au Canada, à l'heure actuelle, les sociétés d'État commerciales ne sont pas soumises au régime de concurrence. Par exemple, la Commission du blé échappe aux exigences de la Loi sur la concurrence et peut donc agir en contravention de la Loi. Est-ce là une situation que nous voulons maintenir? Et, pour revenir au point que vous avez soulevé plus tôt, pourrions-nous nous servir de la pression qu'exercent les négociations internationales pour nous attaquer à certains de ces problèmes?
Je ne voulais pas du tout désigner en particulier la Commission du blé. Ce n'est qu'un exemple.
M. Charlie Penson: Au sujet de la Chine, il semble possible qu'elle soit présente à cette ronde ou avant que la prochaine ne commence. L'existence d'un tel nombre de sociétés commerciales d'État en Chine ne concentre-t-elle pas davantage le débat sur la nécessité de s'attaquer à ce problème? C'est ce point que je voulais mettre en évidence.
Mme Patricia Smith (commissaire adjointe, Bureau de la concurrence, Industrie Canada): Je ne peux pas parler directement de la Chine, mais la question a été soulevée au groupe de travail de l'OMC sur le commerce et la concurrence. De toute évidence, il y avait là des points de vue très divergents. Ce n'est probablement pas là un secteur qui sera discuté au sein du groupe de travail ou dans le cadre d'un éventuel accord sur la concurrence, si nous en arrivons là. La question sera plutôt abordée dans un groupe de travail distinct sur les entreprises commerciales d'État.
Il n'y a pas de doute qu'il reste encore beaucoup à faire. Les pays membres du groupe de travail sur le commerce et la concurrence ont demandé des études plus approfondies des effets de la concurrence sur les entreprises de tous genres. Nous participerons à tout cela, mais nous sommes loin d'un consensus sur la question de savoir où il convient de discuter de ce problème et sur les résultats.
M. Charlie Penson: Merci.
Le président: Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte: Merci, monsieur von Finckenstein, de vous être joint à nous.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre participation à la libéralisation des télécommunications? Hier, Meriel Bradford de Teleglobe nous a expliqué comment la déréglementation du secteur des télécommunications a permis à Téléglobe de prospérer au Canada. Y a-t-il un moyen d'utiliser cet exemple de libéralisation des télécommunications pour favoriser la concurrence? Nous en voyons un dans Téléglobe. C'est ma première question.
Deuxièmement, nous sommes aussi en train d'avancer sur le plan de la ZLEA. Que pouvons-nous faire dans ce domaine au sujet de la politique la concurrence?
M. Konrad von Finckenstein: Au chapitre des télécommunications, comme vous le savez, cette négociation sectorielle qui restait à l'OMC a suivi une voie distincte parce que les délais de l'OMC ne permettaient pas à l'Organisation de terminer l'Accord général sur le commerce des services. Le secteur des télécommunications a donc fait l'objet de négociations distinctes.
Comme ces négociations avançaient, il est devenu clair que le plus grand problème était de trouver un moyen d'introduire la concurrence dans les marchés nationaux, dont la plupart étaient dominés par ce qu'on appelait les PTT—c'est-à-dire les postes, téléphones et télégraphes. Même si on permettait à des étrangers d'entrer dans le secteur, ils avaient à faire face à un gigantesque concurrent qui avait un pouvoir dominant sur le marché et qui était capable de tuer dans l'oeuf toute initiative de concurrence.
• 1135
Finalement, pour faire avancer les choses, les parties ont
convenu de certains principes de réglementation, qui ont fait
l'objet de longues négociations. Chaque partie qui accédait à
l'accord de l'OMC sur les services de télécommunications de base
devait avant tout adhérer à ces principes, puis passer en revue les
différents services et signaler les exceptions ou les réserves
qu'elle avait, en précisant pour combien de temps, etc.
Toutefois, nous revenons souvent aux mêmes questions: qu'est- ce que nos organismes de réglementation doivent faire ou ne pas faire? Quelles limites doivent être imposées à ces organismes, les télécommunications étant un secteur très réglementé, pour que leurs règles soient non discriminatoires et proconcurrentielles?
Nous siégions donc à Genève et discutions de commerce, mais tout le monde parlait en réalité de concurrence et de la façon d'introduire la concurrence sur les marchés. Les Américains ont expliqué qu'ils avaient telles et telles choses. D'autres pays ont répondu: «Oui, sur papier, mais en pratique, cela ne fonctionne pas. Vous nous empêchez de présenter d'autres questions qui nous intéressent et nous ne savons pas comment faire.»
C'est ainsi que nous avons abouti à ces principes de réglementation. Les négociations ont permis de déterminer comment chaque pays allait déréglementer ses marchés pour permettre la concurrence et quelles garanties il allait prévoir dans son système pour la favoriser. Cela se faisait sur une base sectorielle dans les industries de réseau, où il était le plus important d'agir.
La question était de savoir s'il convenait de progresser secteur par secteur. C'est un moyen de le faire. Ou bien valait-il mieux agir globalement, conclure un accord sur la concurrence selon les principes que j'ai mentionnés, puis l'inclure ou l'exclure dans chaque négociation sectorielle, selon les voeux des participants? C'est une question à laquelle les négociateurs devront répondre.
Mme Sarmite Bulte: Pourriez-vous parler de la ZLEA et de notre rôle dans ce domaine?
M. Konrad von Finckenstein: Mme Smith connaît bien le sujet. Elle est notre négociateur en chef.
Mme Patricia Smith: Techniquement, c'est Dominique qui est notre négociateur en chef. Il va à Miami plus souvent que moi-même.
Je considère les négociations de la ZLEA comme un microcosme de l'OMC. On y trouve toute la gamme des économies, depuis les plus grandes, comme les États-Unis, jusqu'aux plus petites, comme Sainte-Lucie. Nous avons l'avantage, dans le cadre de la ZLEA, d'assister à toute la dynamique de ces négociations.
Nous n'avons eu jusqu'ici que deux sessions de négociation. Si vous voulez avoir des détails, Dominique peut vous les fournir, mais, dans l'ensemble, nous avons surtout établi un programme de travail pour le temps qui reste et déterminé les études auxquelles il faut procéder.
Ces études constitueront probablement le plus grand avantage que nous tirerons des négociations de la ZLEA, surtout les études concernant les effets de la concurrence et des politiques commerciales sur les petites économies. L'exemple le plus intéressant est toujours celui de Sainte-Lucie, dont les représentants demandent constamment pourquoi ils auraient besoin d'une politique de concurrence pour réglementer leurs 40 sociétés. Pourquoi auraient-ils besoin d'établir une bureaucratie pour s'occuper de 40 entreprises? Nous devrons donc examiner la façon dont les micro-économies, les toutes petites économies peuvent être intégrées dans un accord bilatéral.
Mme Sarmite Bulte: Merci.
Le président: Ce sont des renseignements utiles. Cela me rappelle que j'ai rencontré, l'autre jour, un législateur de Gibraltar qui m'a dit la même chose au sujet des directives européennes. L'assemblée législative de Gibraltar doit adopter une loi sur la lutte contre les déversements de produits chimiques dans les rivières. Or il n'y a à Gibraltar ni usines de produits chimiques ni rivières. Toutefois, comme Gibraltar est membre de l'Union européenne, il devait quand même adopter la loi. C'est ce qui se produit lorsqu'on...
Des voix: Oh, oh!
Le président: Je vais peut-être poser une question ou deux avant de céder la parole à M. Penson.
Monsieur von Finckenstein, vous avez mentionné une question importante dans votre déclaration préliminaire. Pour vous, il est important que cette zone de la législation sur la concurrence demeure distincte des mesures antidumping et des droits compensateurs, qui constituent deux formes de restriction de l'accès aux marchés.
Pourtant, je me souviens qu'à Singapour, nous avons abordé cette voie parce que beaucoup de pays qui parlaient de concurrence pensaient plutôt à l'accès aux marchés et aux règles antidumping des États-Unis et de l'Europe, qui deviennent de plus en plus strictes. Il y a eu un compromis. Les Américains ont dit: Parlons donc de politique de concurrence parce que c'est un moyen d'aborder la question des monopoles.
Avons-nous intérêt, au Canada, à profiter dans une certaine mesure des négociations sur la concurrence pour combattre les excès américains et européens sur le plan de l'utilisation des règles commerciales, comme les mesures antidumping et les droits compensateurs? Ou bien vaudrait-il mieux accepter le point de vue américain selon lequel ces questions devraient rester distinctes? C'est ma première question.
• 1140
La seconde question porte sur la façon dont ces règles peuvent
servir à prévenir l'application extraterritoriale des lois. Comme
vous le savez, nous avons eu des difficultés avec les Européens qui
voulaient appliquer leurs lois aux fabricants canadiens,
particulièrement dans le cas de la pâte de papier. Nous en avons
également eu avec les États-Unis, dont les prétentions à cet égard
son bien connues.
Croyez-vous que les négociations permettront de définir quelques règles de base pour éviter ces chevauchements extraterritoriaux dans l'application des lois nationales?
M. Konrad von Finckenstein: Au sujet du caractère distinct des mesures antidumping et antitrust, je suis bien conscient du fait que l'origine de la résolution de Singapour réside dans les mesures antidumping. Je crois qu'il est facile de dire qu'on remplacera les mesures antidumping par des mesures antitrust. Le problème, c'est que les deux se servent des mêmes expressions, mais dans des sens très différents. Je ne crois pas que les unes puissent se substituer aux autres.
Dans un cas, on cherche à protéger une industrie nationale—c'est là l'objectif des règles antidumping—contre ce qu'on considère comme une concurrence déloyale. Cependant, il s'agit alors d'un concurrent précis. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, dans le cas des mesures antitrust, nous essayons de nous assurer qu'il existe un régime de concurrence. Nous ne nous préoccupons pas de savoir si les intervenants sont locaux ou étrangers. Nous voulons qu'il y ait une saine concurrence, qui profite à l'ensemble des consommateurs.
Il y a un certain chevauchement au chapitre de l'accès aux marchés. La restriction de l'accès peut ne pas être sanctionnée par le gouvernement et découler donc de mesures anticoncurrentielles privées. Disons qu'une entreprise essaie de s'établir au Canada et qu'elle soit confrontée à une action concertée dirigée contre elle, non par le gouvernement, mais par des intérêts privés. Nous pouvons alors examiner le cas et, si l'action concertée revêt un caractère anticoncurrentiel, nous pouvons agir.
Toutefois, si le marché canadien est parfaitement concurrentiel et qu'une entreprise tente de s'y établir, mais n'y parvient pas parce que son produit n'est pas compétitif ou parce que le consommateur canadien n'est pas disposé à l'acheter, sans qu'il y ait d'action concertée de nature anticoncurrentielle, alors nous ne pouvons rien faire. Nous ne pouvons intervenir que si le régime de concurrence ne fonctionne pas.
Voilà le problème. La plupart des mesures antidumping se distinguent des mesures anticoncurrentielles. Une industrie nationale peut ressentir des pressions dues à la concurrence et croire que celle-ci est déloyale.
Si elle est déloyale au sens de la Loi sur la concurrence—s'il s'agit par exemple de la fixation de prix abusifs—, nous pouvons bien sûr intervenir. Mais si la concurrence ne dépasse pas les limites, si elle est très vigoureuse et très intense, mais demeure légitime, alors nous ne pouvons rien faire.
Le président: Je voudrais poser une question supplémentaire très rapide. De toute évidence, dans le cadre de l'ALENA, si nous devenons de plus en plus intégrés...
Si on considère le modèle européen, on constate que les pays membres de l'Union ont renoncé aux règles antidumping et, par suite de leur étroite intégration, ils ont dû recourir à l'application des règles sur la concurrence à l'échelle de l'Europe parce qu'il aurait été absurde d'agir autrement. Le dumping ne s'appliquait plus entre les nations européennes par suite des règles.
On dit beaucoup la même chose dans le contexte de l'ALENA, mais cela ne semble pas aller très loin non plus. Est-ce pour les raisons que vous venez de nous donner?
M. Konrad von Finckenstein: Les Européens ont évidemment un marché commun. Ils n'ont pas de frontières internes. Nous en avons encore parce que nous formons une zone de libre-échange.
Sur le plan des principes, je suis absolument d'accord avec les Européens: dans un marché parfaitement libre, on n'a pas besoin d'un régime antidumping. Une fois que l'ALENA aura fait disparaître toutes les barrières, je ne vois pas pourquoi nous en aurions besoin.
Cela ne signifie pas nécessairement que l'industrie nationale sera d'accord. Beaucoup de secteurs bénéficient d'une certaine protection en vertu des régimes antidumping. Il pourrait donc être très difficile de les démanteler. Comme vous le savez, les Américains ne veulent absolument pas négocier à ce sujet. Par conséquent, si on relie antidumping et antitrust, c'est perdu d'avance.
Le président: Nos collègues du Congrès ne manquent jamais de nous dire de ne pas y penser.
M. Konrad von Finckenstein: On peut faire face aux mesures antidumping sur le plan de la procédure. Comme on l'a fait à la dernière ronde de l'OMC, il est possible d'établir des procédures plus équitables, de les rendre plus strictes, de laisser moins de latitude à l'administration locale au chapitre de la mise en oeuvre.
• 1145
Nous l'avons déjà fait dans d'autres domaines, par exemple
dans le secteur des douanes sous le régime de l'ALENA. Les douanes
américaines avaient une latitude extrême lorsqu'elles
interprétaient la règle d'origine, une latitude qui a même été
maintenue sous l'ALE. Toutefois, dans le cadre de l'ALENA, nous
avons convenu de règles et d'une interprétation communes. Ce sont
des règles sans fin, extrêmement compliquées et extrêmement
longues, mais elles sont tellement étroites qu'elles ne laissent
qu'une latitude très limitée aux douanes américaines. Maintenant,
grâce aux règles actuellement en vigueur, les barrières relatives
aux questions douanières qui se posent à la frontière ont pour une
grande part disparu.
On peut probablement agir dans le même sens dans le cas des mesures antidumping, c'est-à-dire convenir de règles de procédure très étroites et très précises afin de limiter le pouvoir des organismes antidumping de prendre des décisions en faveur de l'industrie nationale.
Au chapitre de l'application extraterritoriale, nous avons essentiellement le même point de vue que les Américains: nous avons compétence sur tout ce qui touche le marché canadien et ils ont compétence sur tout ce qui touche le marché américain.
Pour éviter l'application extraterritoriale, on a développé le concept de la «courtoisie positive» selon lequel si une mesure influe sur deux marchés, ce sont les responsables du lieu où l'activité principale se déroule, où se trouvent les preuves, qui mènent l'enquête et s'occupent de l'affaire.
L'Union européenne et les États-Unis ont signé un accord très détaillé sur la courtoisie positive, qui dit essentiellement que s'il y a un problème antitrust qui se pose entre deux parties, on détermine qui devrait s'en occuper, puis on demande à l'autre partie d'examiner l'affaire. On délègue, on retient ses propres enquêteurs, puis on use de tous les pouvoirs dont on dispose pour affronter le problème et essayer de le résoudre. Quelle que soit la solution adoptée, on l'accepte, en se réservant le droit d'intervenir si on a l'impression que la solution retenue ne règle pas du tout le problème. Mais c'est là un moyen délibéré, de la part des deux parties, d'éviter l'extraterritorialité.
Nous sommes en train de négocier la même chose avec les Américains.
La courtoisie positive, qui fait l'objet de beaucoup de discussions à l'OCDE, pourrait constituer un bon moyen d'éviter l'extraterritorialité. Dans ce domaine, le fait de prendre le taureau par les cornes pour essayer de négocier des règles a peu de chance de réussir, parce qu'on estimera toujours qu'il s'agit d'une grave atteinte à la souveraineté nationale.
Le président: Les dispositions de courtoisie positive dont vous parlez entre l'Europe et les États-Unis font-elles partie des accords de Madrid? Ont-elles découlé de cette entente? Ou bien était-ce un accord entre les deux parties?
M. Konrad von Finckenstein: Non, c'est un accord distinct entre les organismes antitrust, dont nous serons heureux de vous fournir une copie.
Le président: Ce serait certainement utile. Merci.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Il est difficile de ne pas régler cette question de dumping. Je sais que ce n'est pas pour cela que vous êtes ici, mais je trouve cette question extrêmement ennuyeuse. Dans le secteur de l'élevage des bovins, par exemple, vous savez probablement que les Américains ont engagé une procédure antidumping contre le Canada. Pourtant, tandis que les États limitrophes américains incitaient Washington à engager cette procédure, certains des producteurs de bovins du Texas et de l'Oklahoma déclaraient que oui, le Canada faisait du dumping parce qu'il vendait à un prix inférieur au coût de production, mais qu'ils en faisaient autant au Mexique.
Quand un nombre suffisant de pays se seront servis des lois antidumping contre les États-Unis, peut-être verrons-nous la fin de toutes ces batailles, lorsque les Américains en auront eu assez de goûter à leur propre médecine.
Mais nous parlons ici de libéralisation du commerce. Nous avons un certain nombre d'accords qui nous ont permis de réaliser des progrès dans ce sens et nous sommes en train d'essayer d'avancer encore plus. Est-ce que cela ne soulève pas des problèmes d'application des lois sur la concurrence à l'échelle nationale?
Je pense, par exemple, au fusionnement des producteurs d'engrais azotés au Canada. Je suis sûr que ce cas s'applique à beaucoup d'autres organismes. Les producteurs disent que pour livrer concurrence sur les nouveaux marchés internationaux, et pas seulement sur un marché canadien qui ne dessert que 30 millions d'habitants, ils ont besoin d'une plus grande taille. Je crois que les banques avancent le même argument. La question qui se pose, c'est de savoir si on peut réaliser tout cela, si on peut faciliter ces fusionnements sans susciter des problèmes chez nous, sous forme d'une concurrence réduite.
M. Konrad von Finckenstein: Non, je ne crois pas à ce lien. Vous avez mentionné les banques, qui illustrent parfaitement la question qui se pose. Pourvu qu'il y ait de la concurrence sur le marché intérieur, je ne vois pas pourquoi on interdirait les fusionnements et les regroupements, si les entreprises estiment qu'elles en ont besoin pour livrer concurrence à l'échelle internationale.
• 1150
Toutefois, si on a des barrières à l'entrée, comme nous en
avons au Canada dans le cas des banques—et ce sont des barrières
considérables, tant réglementaires qu'économiques—, alors on ne
peut pas autoriser tous les fusionnements sans courir le risque
d'établir un monopole ou un duopole dans un marché sans
concurrence. Il y a donc un équilibre à réaliser.
À mesure que les marchés se libéralisent et que la concurrence étrangère s'y manifeste, on peut permettre aux entreprises nationales de fusionner pour devenir plus grandes, tant que cela ne nuit pas aux marchés intérieurs. Mais permettre que ces marchés soient touchés et autoriser des entreprises nationales à prendre une position dominante pour devenir plus fortes sur les marchés d'exportation serait imprudent. La preuve, c'est que si on n'arrive pas à soutenir la concurrence dans le pays, il est rare qu'on soit très compétitif à l'étranger.
Pour pouvoir vraiment livrer concurrence, une organisation a besoin, dans toute sa culture d'entreprise, dans toute sa façon de faire les choses, d'une approche, d'une stratégie et d'une philosophie commerciale compétitives. Il est difficile d'envisager une entreprise géante qui opérerait en toute sécurité dans un marché intérieur captif, mais qui serait par ailleurs extrêmement compétitive à l'étranger.
Aussi, quand nous examinons un projet de fusionnement, nous étudions soigneusement les barrières à l'entrée. Nous nous demandons: si ces entreprises fusionnent, quels en seraient les effets sur le Canada et quelles sont les barrières en jeu? Y a-t-il quelqu'un d'autre qui pourrait venir ici? Si les barrières sont assez élevées, on a tendance à répondre par la négative et, dans ce cas, le fusionnement ne peut pas être autorisé. Dans le cas contraire, si les barrières sont basses, on donnera en général la permission demandée.
M. Charlie Penson: Je comprends bien ce que vous dites dans une situation où il est possible pour des concurrents d'entrer sur le marché. Mai qu'en est-il par exemple du cas de l'industrie des engrais où la possibilité existe, mais où personne n'en tire parti, ce qui donne à une société une position très dominante? Même si d'autres entreprises ont la possibilité d'entrer dans le secteur, puisqu'il n'y a ni restrictions ni barrières, aucune ne l'a fait, on ne sait pas pourquoi. Il faut donc traiter avec une seule société. Que faut-il faire dans ce cas?
M. Konrad von Finckenstein: Je ne connais pas bien l'industrie des engrais. Je ne peux donc que vous présenter des observations générales.
Tout d'abord, nous devons déterminer ce qui se passe dans le secteur. Quelles sont les tendances? Y a-t-il des produits de remplacement? Y a-t-il ou non une question de concurrence qui intervient dans le cas de nouveaux moyens ou de nouveaux engrais, comme dans toute l'affaire de l'utilisation d'engrais génériques, par opposition à des engrais artificiels? Il est essentiel de bien comprendre l'industrie.
Il faut ensuite examiner les tendances et faire des prévisions. On essaie de poser des hypothèses relatives sur ce qui peut se passer. Si on ne prévoit aucune évolution, s'il s'agit d'un marché stable, qui a atteint la maturité, si on ne prévoit pas de nouvelles entrées, alors on va probablement se prononcer contre le fusionnement.
M. Charlie Penson: Je n'avais de toute façon pas l'intention de parler de cas précis au départ, mais vous avez répondu à la question. Tant qu'existe la perspective d'accès au marché, c'est cela qui constitue le facteur déterminant.
Le président: Permettez-moi de poser une question qui découle un peu de celle de M. Penson.
Toutes les lois antitrust semblent prévoir une dérogation dans le cas des cartels ou des ententes à l'exportation. Pourtant, ces ententes ne semblent jamais aboutir à des résultats positifs, en partie pour la raison que vous avez signalée: il est très difficile de faire la distinction entre les marchés intérieurs et internationaux et de dire qu'on formera un cartel face à l'étranger, mais qu'on respectera scrupuleusement les lois sur la concurrence dans le pays même.
Croyez-vous que l'accord qui est en cours de rédaction va régler ce problème? Je trouve, en effet, qu'on agit avec une sorte d'incohérence intellectuelle ou d'hypocrisie lorsqu'on dit qu'on se servira de la concurrence pour protéger nos consommateurs, mais qu'on va se regrouper pour mieux tomber sur le consommateur étranger. Je trouve cela pour le moins incohérent.
M. Konrad von Finckenstein: Je suis bien d'accord avec vous, c'est de l'hypocrisie. J'espère que l'accord TRAMS va régler le sort des ententes à l'exportation, qui n'ont absolument aucune raison d'être. Même l'objectif économique est contestable parce que si ces ententes marchaient, le produit finirait par rentrer clandestinement dans le pays, de sorte qu'on est confronté à la chose même qu'on voulait éviter. L'objectif de départ est de profiter du consommateur étranger, tout en préservant la concurrence sur le marché intérieur, mais si l'entente à l'exportation réussit à atteindre son but à l'étranger, le produit aura tendance à rentrer dans le pays par la porte arrière.
• 1155
Je ne crois donc pas qu'on puisse justifier les ententes à
l'exportation, que ce soit sur le plan économique ou sur celui de
la philosophie commerciale. C'est un problème qu'il faudra régler.
Par ailleurs, tous les pays sont coupables. Nous en avons relativement peu. D'autres pays en ont beaucoup plus. Ce sera alors un problème difficile à résoudre.
Le président: Ce sera intéressant.
Je vous remercie beaucoup d'être venu nous parler, monsieur. Nous apprécions énormément vos conseils et ceux des autres représentants du Bureau de la concurrence.
La séance est levée jusqu'à 15 h 15 cet après-midi. Mes collègues se souviendront que le gouvernement viendra nous parler du Kosovo et du budget des dépenses.