HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HEALTH
COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 2 mai 2000
Le président (M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.)): Mesdames et messieurs, je déclare ouverte la séance no 19 du Comité permanent de la santé.
Nous avons, je crois, un avis de motion de M. Mills, et un délai de 48 heures est requis. Voulez-vous le déposer maintenant?
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Je pourrais peut-être le faire maintenant, oui.
Il y a essentiellement trois motions que j'aimerais faire soumettre aux voix dans 48 heures. La première est que nous estimons que la santé mentale est une question importante sur laquelle un sous-comité devrait se pencher. Ce n'est pas le principal sujet d'intérêt des Canadiens dans le domaine de la santé.
Deuxièmement, nous sommes d'avis que le comité permanent devrait examiner quelles sont les principales préoccupations des Canadiens concernant la qualité des soins de santé, l'éducation, et les autres sujets dont tout le monde est au courant.
Troisièmement, et ne vous sentez pas visé, nous sommes d'avis que le président doit être une personne conciliante, quelqu'un qui est neutre et qui va faire appel à la collaboration des membres du comité pour trouver des solutions à ce qui préoccupe le plus les Canadiens.
Sans vouloir vous offenser, je ne crois pas que vous soyez cette personne. J'ai demandé au ministre de prendre les mesures nécessaires pour vous remplacer.
Le président: Merci beaucoup.
J'aimerais ajouter que jeudi nous allons examiner les conclusions du vérificateur général et que le règlement sur le tabac sera déposé. Je crois que ce sera le 12. Le comité prendra le temps d'examiner le règlement. Ensuite, bien sûr, nous reprendrons l'étude sur la santé mentale que nous sommes actuellement en train de faire.
Au sujet de nos travaux futurs, monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Oui. Monsieur le président, vous savez qu'il y a des membres du comité qui vont participer à l'assemblée de l'Organisation mondiale de la santé: M. Mills, moi-même et le secrétaire parlementaire.
C'est une réunion très importante et nous allons participer aux travaux de l'assemblée comme membres de la délégation canadienne. Nous partirons le 13 mai, le jour de mon anniversaire, pour une semaine. Croyez-vous qu'il serait approprié de ne pas tenir, durant cette semaine, de séance régulière du comité afin que nous, qui en sommes membres, ne soyons pas privés de l'information qui pourrait être transmise lorsque nous serons à Genève?
Nous serons absents pendant une semaine. Le secrétaire parlementaire me corrigera si je me trompe, mais je crois que nous partirons le 13 et que nous reviendrons le dimanche suivant. Nous serons donc partis du 13 au 19 mai. Peut-être serez-vous de la délégation; je ne le sais trop.
[Traduction]
Le président: Non, je n'en ferai pas partie, monsieur Ménard.
Cela dit, je tiens d'abord à vous souhaiter bonne fête. J'ajouterai, ce qui est peut-être plus important, que la semaine est chargée à bien des égards. Nous allons donc peut-être penser à ne pas tenir de réunion compte tenu de ces engagements. Nous vous répondrons à la prochaine réunion.
Monsieur Elley.
M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne): Monsieur le président, je crois que mardi prochain tous les membres du Comité de la santé ainsi que tous les parlementaires auront l'occasion de participer à un symposium sur la santé et les OGM qui est organisé par l'Association parlementaire Canada-Europe, au cours duquel des délégués européens viendront nous parler des OGM. Nous pourrions peut-être le signaler à nos membres et nous arranger pour modifier notre horaire en conséquence.
Le président: Vous faites bien de le signaler, monsieur Elley. Nous en prenons note et nous vous en reparlerons à la réunion de mardi. La semaine prochaine sera chargée et nous jugerons peut-être bon de faire des changements.
Nous accueillons des représentants de Santé Canada qui viennent nous parler de santé mentale. Je vous souhaite la bienvenue à tous.
Comme vous le savez, c'est un sujet très important. La santé en général est un sujet important, mais nous croyons que la santé mentale en particulier revêt un intérêt considérable pour les Canadiens. C'est la raison pour laquelle nous voulons d'abord entendre le témoignage de représentants de Santé Canada au sujet de cette question cruciale. Je demanderais à la personne qui doit commencer de prendre la parole.
• 1545
J'aimerais que vous vous présentiez, vous et chacune des autres
personnes venues témoigner aujourd'hui, pour commencer, puis nous
entendrons chacun de vos témoignages. Nous vous poserons ensuite des
questions comme nous le faisons d'habitude.
Donc, qui commence? Oui, madame Brazeau, allez-y.
[Français]
Mme Murielle Brazeau (directrice générale, Direction des stratégies et des systèmes pour la santé, ministère de la Santé): Bonjour. Je m'appelle Murielle Brazeau et je suis au ministère de la Santé. Je vais vous présenter les experts qui sont à la table avec moi cet après-midi. Il s'agit de Louise Plouffe, qui est responsable de la santé mentale des personnes âgées; de Carl Lakaski, qui s'occupe des questions de maladies mentales reliées surtout au système de la santé; de Natacha Joubert, qui s'occupe surtout de la promotion de la santé mentale; et de Louise Boily, qui s'occupe de la santé mentale chez les enfants.
Dans ce que je vais vous présenter aujourd'hui, je vais vous donner un aperçu global de la santé mentale au Canada. On a distribué deux textes, et je vais les couvrir tous les deux.
Le premier texte va vous donner un aperçu global et le deuxième va vous donner quelques brefs détails sur ce que nous faisons à Santé Canada dans ce domaine-là.
[Traduction]
D'abord, je vais commencer par vous donner quelques définitions.
La «santé mentale» est la capacité que nous avons tous de ressentir, penser et agir de manière à améliorer notre capacité de profiter de la vie et de faire face aux défis de la vie. Il s'agit d'un sentiment positif de bien-être émotionnel et spirituel qui respecte l'importance de la culture, de l'équité, de la justice sociale, des interactions et de la dignité personnelle.
Contrairement à la «santé mentale», un «trouble mental» consiste en un syndrome clinique, de nature comportementale ou psychologique associé à de la détresse, à un handicap et à un risque accru de douleurs, d'invalidité, d'une perte importante de liberté ou de mort.
Bien que la santé mentale et les troubles mentaux renvoient à deux concepts différents, ils ne s'excluent pas l'un l'autre. Par exemple, une personne souffrant d'un trouble mental doit compter sur sa santé mentale pour faire face aux défis de la vie de tous les jours.
[Français]
Quant aux facteurs ayant une influence sur la santé mentale et les troubles mentaux, ils sont à peu près les mêmes tant pour la santé mentale que pour les troubles mentaux. Ce sont: le revenu; le statut social; les réseaux de soutien; la scolarité; les conditions de vie; l'environnement physique; la biologie; le patrimoine génétique; le sexe; la culture et plusieurs autres. Le rôle de chacun de ces facteurs peut varier au cours de la vie d'une personne.
Au cours des 50 dernières années, le gouvernement fédéral s'est penché sur les questions de santé mentale en mettant sur pied, par exemple, un programme de subventions à la santé mentale pour aider les provinces à renforcer leurs services de santé mentale. C'était en 1945.
Ensuite, on a publié, de 1953 à 1996, une revue qui s'appelait Santé mentale au Canada.
En 1988, on publiait un document de discussion qui exposait des principes pouvant aider à distinguer la santé mentale du trouble mental et ensuite, nous avons tenu une consultation nationale au sujet des répercussions du document de discussion Vers un juste équilibre. Ces consultations se sont tenues en 1989 et 1990.
Santé Canada a aussi appuyé la création de certains groupes de travail fédéraux-provinciaux-territoriaux sur la santé mentale des enfants et des jeunes et sur la réforme du système de la santé mentale. Cela s'est fait dans les années 1990.
Au milieu des années 1990, nous avons eu de grandes coupures découlant de l'examen des programmes. Cela a eu pour effet de réduire les ressources allouées à la santé mentale.
[Traduction]
Un sentiment de cohésion élevé, une estime de soi élevée et un sentiment de contrôle élevé sont des indicateurs importants de santé mentale. L'analyse des données de l'enquête nationale sur la santé de la population, effectuée en 1994 et en 1995, a révélé les faits suivants. Environ 31 p. 100 des Canadiens ont un sentiment de cohésion élevée, c'est-à-dire un état qui leur permet de comprendre et de maîtriser les événements et de trouver un sens à la vie. Plus de la moitié, c'est-à-dire 52 p. 100, des Canadiens ont une estime de soi élevée, et 23 p. 100 d'entre eux ont un sentiment de contrôle élevé, c'est-à-dire essentiellement qu'ils ont l'impression d'avoir une emprise sur le cours de leur vie. Environ 74 p. 100 des Canadiens se décrivent comme étant heureux et aimant la vie.
• 1550
Les données de l'enquête nationale sur la santé de la population ont
également montré que 29 p. 100 des Canadiens ont dit éprouver un degré
élevé de détresse; 6 p. 100 des Canadiens se sentent déprimés, 16 p.
100 affirment que leur vie est affectée par le stress, et 9 p. 100
souffrent d'une forme de déficience intellectuelle, essentiellement de
difficultés à penser ou de troubles de la mémoire.
En plus des personnes atteintes de détresse et de dépression, environ 3 p. 100 des Canadiens souffrent de troubles mentaux chroniques tels que la psychose maniaco-dépressive et la schizophrénie. La proportion de personnes souffrant de troubles psychiatriques recevant des soins primaires a été évaluée à 25 p. 100, et 1 p. 100 des Canadiens souffrent de schizophrénie.
Les jeunes Canadiens ne sont pas en très bonne santé. C'est parmi les Canadiens de 15 à 24 ans que l'on retrouve maintenant la plus forte augmentation nette des taux de stress, de détresse et de dépression. Le Canada arrive au troisième rang des pays industrialisés pour le taux de suicide dans ce groupe d'âge.
On estime que le taux de suicide chez les populations autochtones est deux à sept fois plus élevé que dans le reste du Canada. Le suicide vient en tête de liste des causes de mortalité dans la population masculine de 10 à 49 ans. Depuis le début des années 90, on assiste à une hausse marquée du taux de suicide chez les jeunes de 10 à 14 ans.
[Français]
À l'échelle nationale, on prévoit que la dépression viendra au second rang des maladies imposant le plus lourd fardeau économique en l'an 2020. L'impact de la dépression sera beaucoup plus grand chez les femmes que chez les hommes.
La proportion des familles monoparentales, qui sont essentiellement dirigées par des femmes, est en hausse constante depuis au moins 25 ans. Les familles monoparentales représentent maintenant 20 p. 100 des familles avec enfants. On observe dans ce groupe un plus grand nombre de cas de dépression et de détresse et un plus grand manque de soutien social que dans tout autre groupe.
Le lien entre la détresse et l'âge a changé de façon marquée. De nos jours, la détresse est concentrée chez les jeunes, tandis qu'il y a environ 20 ans, elle était surtout concentrée chez les aînés. Cette tendance donne à penser que les jeunes d'aujourd'hui pourraient souffrir de problèmes de santé mentale tout au long de leur vie.
Le chômage, qui était élevé au début des années 1990, est lié à l'augmentation croissante du nombre de Canadiens éprouvant de la détresse, surtout chez les jeunes. De plus, on observe chez les immigrants et les réfugiés un stress d'adaptation qui se manifeste de plusieurs manières: anxiété, violence, troubles de comportement, suicide, etc.
Selon les données de 1995-1996, les troubles mentaux se classent au deuxième rang des principales causes d'hospitalisation si on les compare aux troubles tels que ceux de l'appareil circulatoire ou du système nerveux et au cancer.
Le nombre de professionnels de la santé mentale n'a cessé de diminuer au cours des 20 dernières années. Ce phénomène a surtout frappé les professionnels sans formation médicale, comme les travailleurs sociaux et les psychologues.
[Traduction]
En 1993, les coûts directs et indirects pour les troubles de santé mentale traités furent estimés à 7,8 milliards de dollars. Ils se trouvaient ainsi au septième rang du classement des maladies. Une étude plus récente indique que les problèmes de santé mentale au Canada, qu'ils fassent l'objet ou non d'un traitement médical, peuvent engendrer des coûts économiques annuels directs et indirects d'au moins 12,8 milliards de dollars. Les pertes subies par les entreprises canadiennes en raison de la détresse psychologique des employés ont été estimées à 20 milliards de dollars par an.
Les soins hospitaliers représentent la majorité des coûts directs, mais ce sont les coûts associés aux médicaments qui ont le plus augmenté depuis 1986. En moyenne, 65 $ par personne sont investis dans les services de santé mentale provinciaux, alors que les montants affectés aux services généraux de santé s'élèvent à 2 500 $ par personne. Jusqu'ici, dans le domaine de la santé mentale, Santé Canada s'est surtout occupé d'assumer des rôles associés au leadership, à la recherche, à l'information, à l'éducation et au développement des ressources.
Pour ce qui est de la situation dans les provinces et les territoires, comme vous le savez, la planification et la prestation des services de santé mentale relèvent essentiellement de la compétence des gouvernements provinciaux et territoriaux et elles ont fait l'objet de compressions de ressources au cours des dernières années. Il y a deux comités fédéraux-provinciaux- territoriaux qui se penchent sur les questions de santé mentale. Je vais vous en parler un peu plus en détail dans quelques minutes.
• 1555
En ce qui concerne les organisations non gouvernementales, des
organisations nationales d'envergure ont joint leurs efforts à ceux de
Santé Canada afin de mettre au point des ressources visant à informer
les personnes souffrant de troubles mentaux et leurs familles, et ont
proposé des initiatives communautaires de promotion de la santé
mentale et de prévention de la détresse pour tous les Canadiens. Nos
partenariats avec ces organisations sont très importants.
[Français]
Je vais maintenant vous parler un peu de ce qu'on fait à Santé Canada dans le domaine de la santé mentale. Je suis dans la deuxième partie et vous allez voir qu'au tout début, on vous fournit un genre de petit organigramme qui explique un peu où on se situe dans le ministère.
[Traduction]
J'ai ici un tableau. J'ai pensé qu'il serait important et intéressant de voir comment nous sommes organisés. Je voulais surtout vous montrer que la santé mentale relève de différents secteurs d'activités au sein de la direction.
Le sous-ministre adjoint, Ian Potter, est responsable de la promotion et des programmes de santé au ministère. Il est également responsable des bureaux régionaux et du bureau de la lutte contre le tabagisme.
Il y a deux grandes directions qui s'occupent de la santé mentale: la direction des stratégies et systèmes pour la santé, dont je suis responsable, et la direction de la santé de la population, qui est responsable du vieillissement et de la jeunesse, et nous sommes accompagnés ici de deux spécialistes en la matière. Ma direction s'occupe des systèmes de santé et de la promotion de la santé mentale.
L'Unité de la promotion de la santé mentale a été mise sur pied en 1995. Elle a permis à Santé Canada de coordonner ses efforts pour maintenir et améliorer la santé et le bien-être mental de la population canadienne. L'Unité a pour mandat, entre autres, de contribuer à l'élaboration de politiques publiques saines, et de faciliter le développement des connaissances et l'élaboration de projets qui favorisent la santé et le bien-être mental, social, émotionnel et spirituel et qui en font la promotion. L'Unité dispose d'un budget de fonctionnement de 200 000 $ par année, et de 2.5 années/personnes, ou équivalents temps plein.
L'Unité de la promotion de la santé mentale prend part à diverses activités. Par exemple, au chapitre de l'analyse politique et économique, nous avons documenté la nature, la portée et l'importance des questions de santé mentale, et la raison d'être des moyens d'action. Nous évaluons l'impact qu'ont la détresse et les problèmes de santé mentale sur l'économie canadienne. Nous cherchons également à évaluer l'impact des programmes, politiques et moyens d'action existants, à l'échelle nationale et internationale. Nous avons mis au point des stratégies intersectorielles pour assurer la promotion de la santé mentale.
Côté recherche et développement des connaissances, nous évaluons l'état actuel des réalisations en matière de promotion et de prévention. Nous encourageons et favorisons les interventions fondées sur les résultats, et concevons des modèles permettant d'appliquer les résultats de recherche à une population donnée.
Pour ce qui est du développement des moyens d'action, permettez-moi de vous donner quelques exemples des ressources que l'Unité a mises au point. Nous avons préparé, en 1998, un répertoire des ressources en promotion de la santé mentale. En 1999, nous avons créé un outil visant à assurer la promotion de la santé mentale qui s'intitule «A Practical Resource for Community Initiatives». Enfin, nous avons publié une brochure importante qui s'intitule «Parce que la vie continue.... Aider les enfants et les adolescents à vivre la séparation et le divorce». En réponse à la très forte demande, nous sommes en train de publier la troisième édition de ce livret.
Nous avons organisé la tournée YouthQuake!, qui fait la promotion de la santé mentale à l'échelle nationale et qui vise à prévenir la détresse chez les jeunes Canadiens. Nous avons conçu un CD-ROM interactif intitulé Mauve, qui est consacré à la prévention du suicide chez les jeunes. Natacha en est très fière, et nous aussi. Mauve a remporté deux prix, l'un décerné à l'échelle internationale, et un autre au Canada. Debwengidinook, le mot Ojibway pour «voix», constitue un outil de promotion de la santé mentale qui vise également la prévention de la détresse chez les jeunes Autochtones.
L'établissement de réseaux avec les ONG, les associations professionnelles et les organismes internationaux fait également partie du travail de l'Unité. Nous avons dressé une liste des associations avec lesquelles nous collaborons.
Passons maintenant à la Division des systèmes de santé, dont Carl fait partie. Cette division est responsable du renouvellement du système de soins de santé, un mandat qui englobe la réforme des soins de santé mentale.
• 1600
La Division emploie un analyste principal disposant d'un budget de 41
000 $ par année. Nous collaborons surtout, à ce chapitre, avec le
Réseau de consultation fédéral/provincial/territorial sur la santé
mentale. Nous agissons essentiellement comme secrétariat, et
collaborons de près avec les provinces et les territoires pour faire
avancer le travail du comité.
Nous avons collaboré de près à l'établissement des meilleures pratiques de la réforme des soins de santé mentale. Nous avons d'ailleurs préparé et distribué un rapport fondamental sur la question. Nous avons également préparé un manuel sur l'évaluation de la performance des systèmes et services de santé mentale.
En ce qui a trait aux interventions précoces, nous avons joué un rôle de catalyseur dans la mise sur pied d'un projet de l'Association canadienne pour la santé mentale nommé «Les jeunes et la maladie mentale: intervention précoce». Le but de ce projet est de favoriser l'intervention précoce auprès des jeunes dès les premiers signes de maladie mentale grave.
Nous collaborons également avec le système de justice pénale et les personnes atteintes de maladies mentales. Nous travaillons avec le solliciteur général du Canada et le ministère fédéral de la Justice et leurs homologues provinciaux. Nous tentons de voir comment les modifications au Code criminel sont interprétées dans le système de justice pénale. Nous sommes en train de mettre au point un modèle de protocole national en vue de coordonner le système de justice pénale et le système de santé mentale d'une manière qui réponde aux besoins des délinquants atteints de maladie mentale.
Au chapitre des soins de santé primaires et de la réforme des soins de santé mentale, nous nous attachons à améliorer la qualité et l'accessibilité des services donnés en matière de soins primaires aux personnes atteintes de maladies mentales, en établissant des liens entre les groupes de médecins de soins primaires et de psychiatres.
[Français]
Je vais maintenant vous parler de la Division de l'enfance et de la jeunesse.
Nous savons tous que certains enfants naissent avec des maladies qui peuvent nuire à leur développement mental tandis que d'autres, à un jeune âge, vivent des expériences qui auront un effet néfaste sur leur santé et leur développement.
Tout notre travail est fondé sur le développement des enfants et sur les conditions qui contribuent à leur santé. La bonne santé mentale est un déterminant fondamental de la santé des jeunes et des enfants.
Notre travail est axé sur l'élaboration de politiques, sur la recherche, sur la mise sur pied de programmes et sur l'allocation de ressources au moyen de l'établissement de partenariats, du soutien d'organismes à but non lucratif, de l'élaboration de modèles, de la sensibilisation du public et des professionnels ainsi que de recherche et d'analyse.
Quant aux partenariats, nous collaborons avec divers partenaires, par exemple le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la santé mentale et le bien-être des enfants et des jeunes. Le but est de cerner les tendances et les nouvelles questions afin de formuler des recommandations concernant les priorités et les orientations des initiatives de Santé Canada.
Nous établissons également des liens avec d'autres activités, comme le Plan d'action national pour les enfants, le Comité consultatif sur la santé de la population et les Centres d'excellence pour le bien-être des enfants.
Les questions de santé mentale sont également intégrées au travail effectué dans le cadre de programmes communautaires qui sont destinés aux enfants.
Les principales questions de santé mentale chez les enfants qui ressortent de la recherche et auxquelles se consacre la division sont: la résilience, l'acquisition d'habiletés de vie, les troubles d'apprentissage, la dépression et la détresse.
Voici maintenant ce qu'on fait dans ces domaines.
Pour ce qui est de la résilience, nous sommes en train de compléter sept projets communautaires pour déterminer la recherche longitudinale sur la résistance chez les enfants et au sein de leur famille.
Nous travaillons à l'acquisition des habiletés de vie. Nous avons un projet intitulé «Guide d'autonomie fonctionnelle», qui est mené avec l'Organisation mondiale de la santé.
Nous travaillons sur les troubles d'apprentissage par le biais d'un projet qui s'appelle «Le fardeau économique des troubles d'apprentissage et son impact sur les familles».
Pour la dépression et la détresse, nous avons un projet qui s'intitule «Youth Net» ou «Réseau Ado».
Finalement, quant au financement et aux ressources qui sont allouées à la santé mentale chez les jeunes, le budget de la division est présentement de 150 000 $ par année et nous avons deux personnes, deux ETP, qui s'occupent de ce travail.
D'autre part, dans les subventions et les contributions générales du ministère, il y a environ 800 000 $ qui proviennent du Fonds de la santé de la population qui sont alloués aux divers projets ayant un rapport avec la santé mentale.
En ce qui a trait à la Division du vieillissement et des aînés, son mandat consiste essentiellement à agir en tant que centre d'expertise et de catalyseur de changement afin de favoriser un vieillissement sain grâce à une démarche axée sur la santé de la population et de préparer la société au vieillissement de la population. Elle s'occupe aussi d'informer, d'éduquer, de faire des recherches et de mettre sur pied des programmes innovateurs en collaboration avec d'autres secteurs. Elle offre, en outre, des services de secrétariat au Conseil consultatif national sur le troisième âge.
Pour ce qui est des activités de santé mentale, nous effectuons des recherches et des analyses sur la question. Nous essayons de recueillir des données nationales afin de déterminer les facteurs de risque concernant la dépression au troisième âge. Nous cherchons en outre à diffuser les résultats d'une analyse portant sur les facteurs de risque et les conséquences de l'isolement social.
Nous disposons, pour cette activité, d'un budget d'environ 20 000 $ et d'une demi-année-personne.
Nous participons également à des projets pilotes communautaires. La santé mentale constitue une priorité pour l'année 2000-2001, et nous essayons d'obtenir des propositions pour cette initiative.
En ce qui concerne le Conseil consultatif national sur le troisième âge, son mandat consiste à aider et informer le ministre de la Santé sur tous les sujets concernant le bien-être des aînés et le vieillissement de la population. La santé mentale constitue un enjeu de première importance selon le rapport d'orientation intitulé: 1999 et après/Les défis d'une société canadienne vieillissante.
Avant de terminer, je tiens à préciser qu'il y a d'autres secteurs qui s'occupent de la santé mentale et qui ne sont pas mentionnés ici. Par exemple, la direction et le ministère effectuent des recherches sur le VIH/sida, et la santé en région rurale. Il y a donc d'autres secteurs du ministère qui s'intéressent à cette question. Toutefois, c'est notre groupe qui s'occupe de l'essentiel des activités dans ce domaine.
[Français]
Comme vous pouvez le constater, les ressources sont assez minces en santé mentale. Par contre, beaucoup de travail a été accompli dans les dernières années, et j'aimerais souligner que c'est attribuable au dévouement des experts, dont les quatre personnes qui sont ici. Elles ont travaillé d'arrache-pied pour vraiment promouvoir le domaine de la santé mentale.
Je vous remercie de votre attention et je vous invite à poser des questions. Nos experts et moi-même tenterons d'y répondre. Merci.
La présidente: Merci beaucoup, Madame Brazeau.
[Traduction]
Je vous demanderais de nous présenter les experts qui sont réunis autour de la table et de nous décrire le poste qu'ils occupent.
Mme Murielle Brazeau: D'accord. Louise Plouffe est responsable de la santé mentale des aînés; Carl Lakaski s'occupe des problèmes de santé mentale et du système de soins de santé; Natacha Joubert s'occupe de la promotion de la santé mentale; et Louise Boily s'occupe de la santé mentale de l'enfant et de la jeunesse.
Le président: Merci beaucoup, et merci de cet exposé fort intéressant. Il nous donne un excellent aperçu de ce que fait le ministère. Je tiens à vous féliciter pour l'excellent travail que vous effectuez au nom des Canadiens.
Cela dit, nous allons maintenant passer aux questions. Nous allons commencer par M. Mills.
M. Bob Mills: J'aimerais également remercier les témoins d'être venus nous rencontrer.
La santé mentale est une question à laquelle nous sommes tous confrontés dans nos circonscriptions. Nos électeurs viennent nous voir avec leurs nombreux problèmes et nous demandent, que pouvons-nous faire, comment pouvons-nous les aider, à qui devrions-nous nous adresser? C'est une expérience que nous avons tous vécue.
Plusieurs choses me viennent à l'esprit, y compris, surtout, le vieillissement rapide de la population. Nous avons tous vu les chiffres pour les années 2000 et 2026, quand il y aura deux fois plus de personnes âgées de plus de 65 ans. Est-ce que le nombre de personnes souffrant de troubles mentaux augmente? Qu'arrivera-t-il dans 26 ans?
Ensuite—et je ne sais pas vraiment à qui poser cette question—quand on jette un coup d'oeil à l'ensemble du système de soins de santé, on constate qu'on accuse un sérieux retard sur le plan de la technologie et de la R-D. Chaque année, nous perdons 50 p. 100 de nos diplômés. L'âge moyen des spécialistes est de 59 ans, et ils ne sont pas remplacés. Les universités ont réduit les cours qu'elles offrent et ne forment pas plus autant de spécialistes. Je pourrais vous donner d'autres exemples.
• 1610
Je me demande si la situation est la même dans le secteur de la santé
mentale. On me dit qu'on manque sérieusement de ressources, dans ma
circonscription, pour venir en aide, par exemple, à l'enfant qui tente
de se suicider ou à la personne âgée qui préfère mourir plutôt que de
vivre et qui sombre dans la dépression. On me dit qu'il faut attendre
neuf ou dix mois avant de voir un spécialiste et se faire soigner. Il
est très difficile d'entrer dans le système. Je me demande si la
situation est la même dans toutes les régions. Comment, à votre avis,
devrions-nous nous attaquer à ce problème? Quels conseils
donneriez-vous aux politiciens?
Mme Murielle Brazeau: D'abord, pour ce qui est de la question des personnes âgées, je vais demander à Louise de répondre.
Mme Louise A. Plouffe (gestionnaire, Direction de la santé de la population, Division du vieillissement et des aînés, Section du développement des connaissances, Santé Canada): La question est intéressante.
La dépression est le problème de santé mentale le plus fréquent chez les personnes âgées. Bien que le taux de prévalence au sein de la communauté soit faible, l'enquête nationale sur la santé de la population révèle qu'environ 3 p. 100 des personnes âgées de 65 ans et plus souffrent de dépression, ce qui est nettement inférieur au pourcentage observé chez les jeunes adultes. Comme le nombre de personnes âgées augmentera de façon considérable dans les années à venir, il y aura plus de personnes âgées qui souffriront de dépression.
La démence est également un problème grave. Environ 8 p. 100 des personnes âgées de 65 ans et plus souffrent de démence. La moitié d'entre elles vivent dans la communauté. Le taux de prévalence de cette maladie augmente avec l'âge. Ainsi, le tiers des personnes âgées de 85 ans et plus souffrent de démence. La moitié d'entre elles vivent dans la communauté. J'entends par cela les personnes qui présentent une déficience intellectuelle, un jugement défaillant, un déficit mnésique, des troubles du langage. Bon nombre d'entre elles bénéficient de soins familiaux, mais certaines n'en ont pas. Bien entendu, le nombre de personnes atteintes de démence et placées en établissement est très élevé.
Nous n'avons pas de données sur le nombre de personnes souffrant de dépression qui se trouvent dans des établissements au Canada. Aux États-Unis, entre 30 et 40 p. 100 des personnes âgées placées en établissement souffrent de dépression.
Donc, vous avez raison de dire que le problème est grave. Et même si le nombre de cas n'augmente pas, le fait que le nombre de personnes âgées augmentera de façon considérable signifie que le problème ira en s'aggravant.
Le taux de suicide chez les personnes âgées a diminué au cours des dernières décennies. Néanmoins, c'est chez les hommes âgés de plus de 85 ans qu'on enregistre le taux de suicide le plus élevé.
Le président: Ces statistiques sont troublantes et nous devons absolument voir ce que nous pouvons faire pour corriger la situation.
Aviez-vous terminé, monsieur Mills?
M. Bob Mills: J'avais posé une question sur les spécialistes et les nombreux autres problèmes qui existent. Je n'en ai mentionnés que quelques-uns.
M. Carl Lakaski (analyste principal, Santé mentale, Direction des stratégies et des systèmes pour la santé, Division des systèmes de santé, Section du développement des systèmes de santé, Santé Canada): Le secteur de la santé mentale a ceci de particulier que c'est un domaine de faible technicité et non pas de haute technicité. Ils n'ont pas à tenir compte des progrès technologiques comme on le fait, par exemple, pour le cancer ou autres maladies terminales ou chroniques.
Les interventions cliniques dans le domaine de la santé mentale reposent surtout sur la psychothérapie, les médicaments et aussi sur l'aide psychosociale, approches qui visent à favoriser l'intégration des personnes atteintes de maladies mentales au sein de la communauté. Il faut veiller à ce que les droits de ces personnes soient respectés, et s'assurer en fait qu'elles bénéficient des mêmes droits que les Canadiens qui ne sont pas atteints de troubles mentaux. Il faut également s'attaquer aux préjugés, qui empêchent souvent les gens d'aller chercher de l'aide. Ils ajoutent à la souffrance et à la misère que ressentent les personnes souffrant de troubles mentaux et leurs familles. Voilà le genre d'interventions que nous effectuons et qui ne comptent pas tellement sur les progrès technologiques.
Il est vrai que le nombre de spécialistes en la matière a diminué. Bien entendu, on peut attribuer cette situation aux diverses compressions imposées au système de soins de santé à l'échelle nationale. Le domaine attire moins de candidats, de sorte qu'il y a une pénurie de spécialistes, tout comme il y a une pénurie d'infirmières.
M. Bob Mills: Si une personne souffre de troubles mentaux et qu'il y a une pénurie de spécialistes, la situation pourrait devenir très critique si elle songe, par exemple, au suicide ou autre chose du genre.
M. Carl Lakaski: C'est vrai. Nous cherchons à surmonter ce problème en mettant l'accent sur les soins primaires et la santé mentale, en essayant d'offrir des soins primaires spécialisés.
• 1615
Nous participons présentement à deux initiatives, dont une est
parrainée par le Collège des médecins de famille du Canada et
l'Association des psychiatres du Canada. Ils ont établi un projet de
soins partagés où des équipes de médecins de famille sont rattachées à
un psychiatre qui répondra à leurs demandes d'aide, en matière de
diagnostic et de traitement, à l'intérieur d'un délai précis. Ils se
réuniront une fois par mois, ou toutes les deux semaines, ou peu
importe ce que précise l'entente, pour tirer partie des connaissances
du psychiatre, ce qui leur permettra de mieux soigner leurs patients.
Cela devrait permettre d'accroître l'accessibilité au système, et d'atténuer aussi les préjugés. Les gens se sentent plus à l'aise à l'idée d'aller voir leur médecin de famille, plutôt qu'un psychiatre, pour parler de leur dépression, de l'anxiété qu'ils ressentent. L'idée d'aller consulter un psychiatre continue d'être perçue de façon très négative.
Nous participons également, de concert avec l'Organisation mondiale de la santé, à un projet qui consiste à organiser une séance de formation à l'intention des médecins qui pratiquent surtout en région rurale. Les médecins ont droit à une formation de deux jours sur les six maladies mentales les plus courantes. Ils reçoivent une trousse d'information qui comprend de la documentation qui peut être remise au patient afin de l'aider à surveiller ses symptômes et à les soigner. Elle comprend également des protocoles thérapeutiques. Le médecin pourra, au besoin, consulter cette trousse d'information pour soigner les patients qui manifestent des troubles affectifs ou psychologiques.
Nous participons donc à deux projets distincts, mais complémentaires, qui visent à rendre les services de santé mentale plus accessibles et à les intégrer aux soins de santé primaires.
Le président: Monsieur Lakaski, vous soulevez plusieurs points fort importants, dont celui des préjugés. Le comité doit entre autres, dans le cadre de cette étude, chercher à faire comprendre aux Canadiens que nous devons tout faire pour atténuer les préjugés qui sont associés aux maladies mentales. C'est très, très important. J'espère que nous allons y parvenir, et je pense que nous atteindrons cet objectif. C'est un point très important, et je tenais tout simplement à le signaler.
Le secrétaire parlementaire, monsieur Charbonneau.
M. Réal Ménard: J'invoque le Règlement.
Le président: D'accord.
[Français]
M. Réal Ménard: Monsieur le président, ce n'est pas l'ordre dont on a convenu et qu'on a toujours suivi. On commence habituellement par l'Alliance canadienne et le Bloc québécois, puis on donne la parole au gouvernement. Je ne comprends pas pourquoi vous avez modifié l'ordre dans lequel on procède. Est-ce parce que monsieur doit partir plus tôt?
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Oui, dans quelques minutes.
M. Réal Ménard: Eh bien, il fallait le dire à ce moment-là. On ne peut pas deviner.
M. Yvon Charbonneau: Je n'ai pas eu l'occasion de parler.
M. Réal Ménard: Bon, d'accord. Avec plaisir, dans ce cas-là.
[Traduction]
Le président: Vous avez bien dit, avec plaisir?
[Français]
M. Réal Ménard: Oui.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
M. Réal Ménard: Mais il faut le dire, parce que si je ne comprends pas, je ne peux pas deviner.
Le président: Monsieur Ménard, vous avez parlé trop vite. Vous voyez, j'allais justement dire que M. Charbonneau doit partir et que c'est pour cette raison que je lui donne la parole. Mais vous avez fait un rappel au Règlement avant que je ne puisse le faire.
Monsieur Charbonneau.
[Français]
M. Yvon Charbonneau: Je remercie M. Ménard et les autres députés de l'opposition de leur compréhension. Il faut parfois accepter des arrangements comme celui-ci.
Nous avons entendu un exposé fort éloquent sur la santé mentale et sur les dimensions des maladies mentales. Il y a quelques semaines, nous avons eu quelques échanges alors que nous tentions de déterminer s'il était important de nous pencher sur cette question ou pas, et d'établir la priorité que nous devions accorder à ce dossier. À la lumière des données que vous nous fournissez maintenant, il est évident qu'il s'agit d'un énorme dossier. Même si les moyens que nous y avons accordés ne sont pas aussi importants, il n'en reste pas moins que la question est majeure. Vous nous disiez qu'en 2020, la dépression viendra au second rang des maladies imposant le plus lourd fardeau économique. C'est là une affirmation de taille. Vous nous sensibilisez aussi au fait que cette maladie affectera de plus en plus les jeunes, tandis qu'il semble qu'autrefois, c'étaient surtout les aînés qui étaient touchés. Lorsqu'une jeune personne en est affectée, cette maladie risque d'être pendant longtemps un fardeau pour cette personne, pour son entourage et pour la société. C'est donc un problème majeur.
Vous attiriez également notre attention sur les répercussions économiques de ces maladies, qui se se sont placées au deuxième rang des principales causes d'hospitalisation en 1995-1996. Ce n'est pas rien. En 1993, ces coûts s'élevaient à 7,8 milliards de dollars, tandis que les coûts économiques annuels directs et indirects s'élevaient à 12,8 milliards de dollars et les pertes pour les entreprises, à 22 milliards de dollars. La maladie mentale est la deuxième principale cause des admissions générales dans les hôpitaux.
• 1620
Ce sont là quelques données qui illustrent la gravité et l'ampleur de
ce phénomène et qui nous indiquent que nous devons nous en occuper.
Comment le ferons-nous? Vous dites très franchement que la
planification et la prestation des services en santé mentale relèvent
essentiellement des provinces et des territoires. C'est clair et
franc, et nous nous entendons bien là-dessus. Vous dites que le
fédéral a pris des initiatives dans le passé et a, entre autres,
participé à un groupe de travail fédéral-provincial-territorial. Vous
faites également mention d'un réseau de consultation
fédéral-provincial-territorial sur la santé mentale. Je voudrais vous
donner l'occasion de nous donner plus de précisions sur ces deux
dernières initiatives. Quand ce groupe de travail et ce réseau de
consultation ont-ils été mis en oeuvre? Est-ce qu'ils sont toujours
actifs ou s'ils sont en suspens? Quels ont été les impacts du travail
effectué par ces deux organismes? Quelle est la nature des relations
entre le fédéral et les provinces et territoires? On constate que des
choses ont été faites. En ce début de l'année 2000, comment ce
dossier avance-t-il?
Mme Murielle Brazeau: Je vais demander à Louise de vous donner un aperçu du comité fédéral-provincial dont elle est responsable, soit celui des jeunes et des enfants, et ensuite à Carl de vous parler du comité sur les maladies mentales.
Mme Louise Boily (expert-conseil en santé mentale, Direction de la santé de la population, Division de l'enfance et de la jeunesse, Section de la santé de l'enfant, de la jeunesse et de la famille, ministère de la Santé): Je vous remercie de votre question, monsieur Charbonneau. Je vais me référer aux documents que vous avez devant vous.
[Traduction]
Le président: Vous pourriez peut-être nous donner un bref aperçu, et ensuite consulter le document de référence.
[Français]
Mme Louise Boily: Le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la santé mentale et le bien-être des enfants et des jeunes est toujours en fonction. Sa dernière réunion a eu lieu l'an dernier. En raison des importantes initiatives qui ont été mises en oeuvre à l'intention des enfants et des jeunes, nous procédons actuellement à la révision de son mandat et de son rôle. Parmi ces initiatives, on retrouve le Plan d'action national pour les jeunes, que nous avons mis branle en collaboration avec les provinces et les territoires. Le Comité consultatif sur la santé de la population a publié des documents sur les enfants et les adolescents. Nous avons aussi l'intention de mettre sur pied des centres d'excellence pour les enfants. Le comité consultatif regroupe des experts qui se concentrent tout particulièrement sur la santé mentale des enfants et qui nous recommandent des actions et initiatives dans ce domaine. Il a préparé deux documents-cadres de travail. Le premier s'intitule Foundation for the Future/Base pour l'avenir et il s'agit du premier rapport officiel d'un comité fédéral-provincial-territorial sur la santé mentale des enfants au Canada. Le deuxième document s'intitule Bâtir pour l'avenir. Il s'agit d'un plan d'action beaucoup plus orchestré sur les différentes actions ou initiatives que le fédéral peut entreprendre en collaboration avec les provinces.
M. Yvon Charbonneau: Quand a-t-il été publié?
Mme Louise Boily: Il date de 1994 et il demeure le document-cadre dont nous nous servons lorsque nous développons différents projets et initiatives. Le comité consultatif a ces documents en main et il se rapporte de façon officieuse au Comité consultatif sur la santé de la population. Ce comité est très actif et il représente vraiment un comité d'excellence pour toutes les questions relatives aux enfants. Au cours des prochains mois, nous saurons quel mandat précis et quelles tâches on lui a confiés.
M. Yvon Charbonneau: Et le réseau de consultation?
Mme Louise Boily: Mon collègue va vous en parler.
M. Yvon Charbonneau: Merci.
[Traduction]
Le président: Madame Boily, pouvez-vous avant cela remettre ces documents au comité, ou pouvons-nous à tout le moins en avoir une copie?
[Français]
Mme Louise Boily: Certainement.
Le président: Il serait utile que le personnel et les membres du comité les aient.
[Français]
Mme Louise Boily: Je vais déposer ces documents que j'ai apportés parce que j'avais l'intention de vous les remettre.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Lakaski.
[Traduction]
M. Carl Lakaski: Le Réseau de consultation fédéral-provincial- territorial sur la santé mentale est le seul groupe intergouvernemental qui analyse la politique, les programmes et les problèmes relatifs à la santé mentale. Il regroupe des cadres supérieurs des systèmes provinciaux et territoriaux de santé mentale. Il se réunit deux fois l'an. La dernière réunion a eu lieu en avril, à Vancouver.
Le groupe a été très actif au cours des dernières années. Il a aidé à produire une série de documents sur les meilleures pratiques de la réforme des soins de la santé mentale, documents qui aident les provinces à élaborer des programmes de soins de santé mentale fondés sur des données scientifiques ou les résultats, comme on dit. Il a également parrainé deux conférences nationales sur les meilleures pratiques de la réforme des soins de la santé mentale. Les membres du réseau consultatif tiennent à ce que les changements apportés au système de soins de santé mentale reposent sur des données scientifiques efficaces et fiables.
Par ailleurs, le groupe est en train de mettre la dernière main à un manuel sur l'évaluation de la performance des systèmes de soins de santé mentale. Encore une fois, nous voulons établir un système qui repose sur des données scientifiques et qui nous permettra de prendre des décisions importantes quant aux programmes et aux politiques que nous devons adopter dans le domaine des soins de santé mentale.
Le réseau cherche également à coordonner le système de justice pénale et le système de santé mentale. Le RCSM—l'acronyme utilisé pour le comité—a fourni des conseils précieux au ministère de la Justice quand ce dernier a élaboré son projet de loi sur les délinquants violents il y a quelques années. Il examine présentement les modifications au Code criminel qui touchent les personnes atteintes de maladies mentales. Certaines questions analysées par le ministère ont un impact important sur les ressources consacrées au système de santé mentale. Les modifications touchant les personnes atteintes de maladie mentale en sont un exemple.
Je devrais ajouter que le Réseau de consultation sur la santé mentale fait rapport à la Conférence des sous-ministres de la Santé par le biais du Comité consultatif fédéral/provincial/territorial sur les services de santé. Cela nous permet de mieux comprendre les préoccupations des sous-ministres relativement aux questions de santé mentale, et de partager avec eux les résultats de nos travaux.
Nous prévoyons tenir à la prochaine réunion, en octobre, une séance de travail au cours de laquelle nous espérons établir un plan d'action de trois à cinq ans pour les travaux futurs du comité consultatif.
Le président: Je vous remercie de ces précisions.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Je voudrais d'abord faire un commentaire général. J'espère qu'aucun de vous ne doute que nous sommes convaincus de l'importance de la santé mentale. Évidemment, ce qui posait problème dans la lettre que le ministre nous a fait parvenir pour établir le mandat, c'était la façon dont la division constitutionnelle des pouvoirs permettait de faire ce que souhaite obtenir le gouvernement, c'est-à-dire une politique nationale en santé mentale. On a des inquiétudes à cet égard. Le brillant exposé que vous avez fait nous permet évidemment de comprendre l'importance du phénomène, ainsi que le fait que vous ne disposez que de ressources dérisoires. Une somme de 200 000 $ par année est assez ridicule. Nous avons également compris que vous n'aviez pas d'expertise directe et que vous ne travailliez pas directement avec les gens concernés par cette problématique, mais que vous faisiez des outils de prévention, des choses qui permettent de faire faire dans le fond.
Cela étant dit, il faut respecter le fait qu'il y a sur la table une motion qui a pour objet de confier ce mandat à une instance autres que ce comité-ci. J'aimerais vous poser quatre courtes questions. Il m'apparaît qu'il y a un lien très réel—une corrélation pour parler en termes statistiques—entre la pauvreté et la santé mentale. Vous nous avez fait part de statistiques très éloquentes relativement à la maladie mentale dans les différentes communautés. Que pouvons-nous faire face à ce lien qui existe entre la pauvreté et la santé mentale? Devrions-nous prévoir des réseaux de soutien plus étanches? Est-ce qu'on peut pallier ces problèmes par d'autres politiques sociales qu'on n'a pas encore entrevues?
Je vous poserai toutes mes autres questions en rafale.
• 1630
Deuxièmement, il y a une question qui préoccupe les parlementaires au
plus haut point: c'est le taux de suicide chez les jeunes. Comment
expliquez-vous ce taux? Quels éléments d'information pourriez-vous
partagez avec nous là-dessus?
Troisièmement, est-ce que la question de la santé mentale a des assises plus physiologiques chez les aînés? Évidemment, on ne parle plus du troisième âge, mais du quatrième âge, parce que tous autant que nous sommes, pourvu qu'on ne fume pas trop et qu'on fasse un peu attention à notre santé, on a de bonnes chances de vivre jusqu'à 80 ans. Imaginez, monsieur le président, le plaisir qu'on aura à se côtoyer si je vis jusqu'à 80 ans! Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'il y a des assises plus physiologiques à la santé mentale chez les aînés?
Voilà pour mes trois premières questions. Je reviendrai pour vous poser la quatrième.
Mme Murielle Brazeau: Je vais demander à Natacha de répondre à vos première et deuxième questions. Louise Boily voudra peut-être ajouter quelque chose à la deuxième question sur les jeunes. Je demanderai ensuite à Louise Plouffe de prendre la parole.
M. Réal Ménard: Vous commencerez donc par répondre à ma question sur la pauvreté.
Mme Natacha Joubert (chercheur et gestionnaire, Direction des stratégies et des systèmes pour la santé, Division des questions relatives à la santé, Unité de la promotion de la santé mentale, ministère de la Santé): J'aimerais, si vous me le permettez, monsieur Ménard, répondre d'abord à votre deuxième question et revenir ensuite à la première.
Le suicide chez les jeunes est un drame humain très éloquent lorsque l'on essaie de comprendre l'importance qu'a la santé mentale dans nos vies ainsi que d'en comprendre ampleur. Le taux de suicide chez les jeunes a commencé à augmenter de façon assez importante dans les années 1970 et 1980 et il est demeuré très élevé au cours des dernières années. Plusieurs chercheurs se posent les mêmes questions. Si vous vous adressez aux personnes qui travaillent directement avec les jeunes sur le terrain, vous entendrez possiblement des sons de cloche un peu différents. Les chercheurs essaient d'identifier les facteurs de risque qui peuvent être en cause dans le suicide et ils se penchent sur les aspects neurophysiologiques, sociaux et familiaux. Ils examinent la question sur tous les plans. Les intervenants qui travaillent sur le terrain sont conscients de l'existence d'une foule de facteurs et ils ont généralement une vision plus globale de la situation. La plupart d'eux vous diront qu'il ne fait pas de doute que la qualité de vie des personnes, y compris des jeunes, joue un rôle important. Il va sans dire que cette qualité de vie est influencée par les conditions économiques, mais on parle aussi de façon plus fondamentale de liens avec l'univers dans lequel on vit. Les jeunes ont besoin de leur famille, tout comme ils ont besoin de découvrir et de maintenir un lien avec la communauté. Ils ont beaucoup de questions au sujet de ce que l'avenir leur réserve. Bref, la question du suicide chez les jeunes est liée à des questions sur la vie.
M. Réal Ménard: Des question de vie économique ou de sens de la vie? Est-ce qu'il n'y a plus de repères?
Mme Natacha Joubert: Les deux. Il y a un manque de repères par rapport au sens de la vie. Les questions de valeurs et les questions de sens sont très importantes. Il ne faut surtout pas sous-estimer la capacité des jeunes de se questionner par rapport à cela. Quant aux questions économiques, il va de soi que lorsque la qualité de vie d'une personne se détériore, cette dernière se porte habituellement moins bien.
M. Réal Ménard: Je poserai une sous-question, si vous me le permettez.
Est-ce que vous voyez également ce phénomène du suicide dans les classes plus favorisées de la société?
Mme Natacha Joubert: Le suicide touche toutes les classes socioéconomiques. C'est un leurre que de s'imaginer que seuls les individus vivant dans des conditions socioéconomiques moins favorables vivent de la détresse et se suicident. La détresse est humaine et on la retrouve à tout âge et dans toutes les couches socioéconomiques.
Un autre facteur central est le soutien, qu'il provienne de la famille ou de la société de façon plus globale. Le soutien joue un rôle prépondérant. Quand on ne va pas bien, quand on ne se sent pas bien, quand on est désespéré, si on ne trouve pas le soutien dont on a besoin, on est déjà....
M. Réal Ménard: Pour terminer sur ce point—et j'espère qu'on aura l'occasion d'y revenir—, on dit qu'une génération dure 25 ans. Je parie que vous et moi, on est de la même génération. Comment expliquez-vous que la génération qui nous a précédés n'ait pas été confrontée à ce problème?
Le noyau familial s'est modifié, mais le rôle de la famille dans la société est demeuré aussi important. La composition des familles peut changer. Autrement dit, pensez-vous, par exemple, que dans une société où on aurait le plein emploi, où il y aurait un taux de chômage de 3 p. 100, on serait moins confronté à cela ou que la détresse serait la même?
Mme Natacha Joubert: À mon avis, le facteur central en est un de soutien social. Je le placerais en tout premier lieu. Un des phénomènes qu'on constate de plus en plus ces dernières des années, c'est l'éclatement des familles. On est un peu éparpillés. Le noyau familial a changé d'allure. Même la vie en communauté a changé. Ces choses-là changent. Alors, comment expliquer qu'il y ait plus de suicides maintenant? D'une manière générale, je vous dirai que ces jeunes ne semblent pas obtenir le soutien minimum dont ils semblent avoir besoin pour être capables de se développer et de se faire une place dans notre société. Voilà.
M. Réal Ménard: Parlez-nous maintenant de la pauvreté.
Mme Natacha Joubert: Attendez un peu que je me souvienne de votre question.
M. Réal Ménard: Elle porte sur le lien entre la pauvreté et la santé mentale.
Mme Natacha Joubert: J'y ai répondu en partie, d'une manière générale. J'ajouterai cependant une chose si vous me le permettez: il s'agit de toute la question de la disparité. Je pense qu'il faut retenir qu'une des choses très difficiles à soutenir, c'est la disparité. Si le Canada était un pays pauvre et que nous partagions tous cette situation, on se débrouillerait probablement du mieux qu'on peut et on irait de l'avant dans la vie, comme cela se fait ailleurs. Mais quand il se crée une situation où il y a un écart de plus en plus important entre divers groupes de la communauté ou de la société et qu'on fait cette comparaison entre les gens d'un côté de la voie ferrée et ceux de l'autre côté, cela a des effets extrêmement dommageables.
Mme Louise Boily: J'aimerais que Natacha élabore sur le fait que le suicide chez les jeunes d'un certain âge a augmenté. Peut-être que tu peux en dire un peu plus sur le taux de suicide chez les jeunes.
M. Réal Ménard: Par exemple, ce qu'on lit à la page 16 est très troublant.
Mme Natacha Joubert: D'ailleurs, on vient tout juste de recevoir les données pour l'année 1998. On parlait tout à l'heure des nouvelles tendances des 20 dernières années. Il est très clair qu'il y a beaucoup plus de jeunes en détresse. Le taux de suicide, au cours des 20 dernières années, est resté très élevé. On observe depuis une dizaine d'années une augmentation du taux de suicide chez les plus jeunes, chez les enfants de 10 à 14 ans. C'est très révélateur d'une chose, entre autres: ces enfants vivent beaucoup plus près de nous que nous le croyons. Ils sont parfois beaucoup plus près de nos réalités qu'on le pense.
M. Réal Ménard: J'ai une dernière petite question. Finalement, en ce qui concerne l'appréciation générale qu'on doit faire de la santé mentale, pensez-vous qu'on peut guérir la santé mentale?
Imaginez-vous que depuis trois semaines, je fréquente un psychiatre. Je suis en train de lui faire une place dans ma vie. Ce n'est pas toujours simple, les psychiatres. Ils ont une capacité d'analyse. Ils viennent chercher nos côtés les plus cachés.
Est-ce que vous croyez qu'il y a un lien entre les ressources investies en santé mentale et la capacité de guérir les gens? Est-ce que c'est curable?
Mme Natacha Joubert: D'abord, je répondrai à votre question en disant qu'on ne guérit pas de la santé mentale: on en jouit. Ce dont on cherche possiblement à se guérir, c'est de la souffrance, de ce qui nous pèse lourd. Je pense qu'il y a une chose qu'il faut comprendre: de manière générale, trop souvent, on confond maladie mentale et souffrance. La souffrance humaine est là. Elle a toujours existé. Elle fait partie de notre histoire et, à la fin, on se doit de la considérer pour ce qu'elle est si on veut pouvoir y faire quelque chose.
• 1640
Il faut faire attention. On a tendance, depuis plusieurs années, à
confondre souffrance et maladie mentale. La souffrance est déroutante
mais, malgré tout, c'est en la regardant en face qu'on peut agir.
Par ailleurs, je ne crois pas que la solution aux problèmes de santé mentale, à la détresse ou aux maladies mentales chroniques réside seulement dans une intervention curative. Les gens qui souffrent d'une maladie mentale grave et chronique ont certes besoin d'une aide médicale. Par ailleurs, il faut savoir que l'aide médicale qui leur est offerte est bien modeste, d'une certaine manière. Ce que je veux dire par là, c'est qu'on a encore beaucoup à apprendre sur ces troubles. On a toutes sortes de théories sur l'étiologie, mais on n'en sait finalement pas beaucoup.
Il y a une dimension curative pour les gens qui souffrent de maladie mentale, mais il ne faut pas perdre de vue que ces gens-là demeurent des êtres humains à part entière et qu'ils ont besoin de pouvoir mener leur vie, de travailler, de contribuer à la société. Ils sont des êtres humains à part entière, et on a parfois trop tendance à les marginaliser.
Par ailleurs, il y a des gens qui souffrent de problèmes plus graves de santé mentale et qui ont besoin d'un support curatif. Cela dit, ces gens-là, plus les 25 à 30 p. 100 de Canadiens qui souffrent de détresse psychologique, qui n'est pas toujours une maladie mentale à proprement parler, n'ont pas nécessairement besoin d'une approche curative. Ce qu'il faut faire, c'est promouvoir la santé mentale. Nous devons mettre l'accent sur leurs ressources personnelles et augmenter l'apport du soutien du milieu.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Cette explication était très claire.
Madame Davies.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins d'être venus nous rencontrer. Je pense que les renseignements que vous nous avez fournis aujourd'hui sont très utiles, mais entendre toutes ces informations provoque chez moi une certaine frustration. Je représente la circonscription de Vancouver-Est, et tous les jours.... En fait, il y a d'excellents rapports partout. Il y a l'étude nationale sur la santé, les rapports provinciaux, les rapports préparés par des organismes régionaux de santé mentale. Nous avons déjà suffisamment d'information sur les problèmes de santé mentale qui existent. En fait, on pourrait probablement empiler tous ces rapports jusqu'au plafond.
Ce qui est frustrant, toutefois, c'est que nous ne sommes pas en mesure de réagir directement auprès des gens. Bien sûr, les gens avec lesquels je suis en contact sont ceux qui, je dirais, tombent de plus en plus entre les mailles du filet. Ils tombent entre les mailles du filet de sécurité sociale. Ce sont des gens qui souvent ont à la fois une maladie mentale et sont toxicomanes. Le système de soins de santé devient en général de moins en moins accessible à ces gens-là.
Par exemple, dans l'un de mes quartiers, l'est du centre- ville, ce sont les overdoses qui aujourd'hui sont la principale cause de mortalité. Dans de nombreux cas, les utilisateurs de drogues injectables sont également atteints d'une maladie mentale. C'est le résultat de la déshospitalisation.
Tout en appréciant l'information que vous nous avez donnée, le coeur du problème, à mon avis, c'est que nous n'offrons pas les ressources directement aux gens, à un niveau très primaire. Je veux parler de logements; d'un soutien adéquat du revenu; de traitements qui soient accessibles aux toxicomanes, qui ne soient pas bureaucratiques et tellement compliqués qu'il est impossible de les obtenir, qui permettent de s'occuper des jeunes de façon réaliste, sans porter de jugement ou faire de morale. De mon point de vue, ce sont les questions de première ligne qui semblent très difficiles à résoudre.
Je comprends que c'est une grande question, mais, ce qui m'intéresse, c'est la perspective de Santé Canada à propos de ce contexte plus vaste de soutien social et de soutien en matière de logement. Je crois que vous avez raison de dire que la maladie mentale et la santé mentale se retrouvent dans toutes les classes de la société, mais je peux vous dire que si vous êtes pauvre, vous vous heurtez à un double obstacle et votre vulnérabilité et vos risques sont beaucoup plus grands.
• 1645
Ce qui m'intéresse, ce sont les genres de rapports que Santé Canada
établit avec ses homologues provinciaux, avec des ONG ou tout autre
organisme, pour répondre à certaines de ces questions.
M. Carl Lakaski: J'ai fait mention du travail du Réseau de consultation fédérale/provinciale/territoriale sur la santé mentale. Ce réseau s'occupe de bien de cette fragmentation et des lacunes dans la prestation des services. Les meilleures pratiques représentent l'une des tentatives d'aborder ces questions, l'autre étant bien sûr les soins primaires. On suppose que beaucoup de gens n'ont pas accès à des services pertinents de santé mentale, parce que justement ils ne leur sont pas disponibles dans la rue ou chez leur médecin de famille. Nous espérons remédier à cette situation.
Je ne suis pas en désaccord avec vous à propos du double obstacle relié à la pauvreté, mais je crois également que la santé mentale doit s'inscrire dans le cadre d'une plus vaste vision de ce que constitue une bonne société. Je crois que c'est une question politique. C'est une question de valeurs et c'est une question politique.
Comment et sur quelles bases organiser la société? Quelles valeurs devraient l'emporter? Comment la richesse devrait être répartie ou quels mécanismes faudrait-il utiliser pour répartir la richesse et la productivité dans notre pays? C'est cette vision plus vaste de ce que constitue une bonne société qui permet d'aborder beaucoup de ces questions. C'est une question que, en tant que fonctionnaires, nous n'abordons pas directement, car elle relève du politique.
Mme Libby Davies: Dans ce même ordre d'idée, si vous permettez, il me semble que dans le contexte de l'élaboration de la politique officielle, c'est la déshospitalisation qui s'est véritablement produite. Je crois que c'est vraiment une solution de facilité pour les élus ou les spécialistes en soins de santé que de dire qu'il faut faire sortir les gens des hôpitaux. Je suis d'accord là dessus, comme tout le monde. Certainement, les personnes qui vivent dans ces hôpitaux seraient d'accord également. Si par contre nous avons omis de mettre en place les appuis nécessaires dans la collectivité....
Par exemple, je sais d'après l'étude sur les utilisateurs de drogues par injection à Vancouver qu'un tiers de l'augmentation de l'infection par le VIH touche les personnes atteintes de maladies mentales. Cela est directement lié à la déshospitalisation.
Je pourrais vous poser une question au sujet des relations fédérales-provinciales ou de la recherche indépendante faite par Santé Canada. Faisons-nous le suivi de ce qui s'est passé par suite de la déshospitalisation? Comme vous le savez, c'est un noble objectif, mais il me semble que dans la réalité, c'est un échec, car nous avons littéralement rejeté les gens dans la rue sans leur offrir d'appui. On commence donc à en subir le contrecoup et à assister à la criminalisation des gens.
C'est un phénomène très grave au Canada. Les gens deviennent criminalisés, car ils sont pauvres et atteints de maladie mentale, et non parce qu'ils ont causé du tort. Ils aboutissent dans le système judiciaire, sont harcelés par la police, deviennent des squeegees, etc. C'est une question de criminalisation également. Fait-on le suivi de tout cela?
M. Carl Lakaski: Malheureusement, au niveau national, nous n'avons pas vraiment la capacité de contrôler les questions de santé mentale. Nous espérons nous en occuper et pensons que nous allons être mieux placés pour le faire compte tenu de la récente restructuration du ministère qui permet de mettre au point des systèmes visant à contrôler les questions de santé mentale ou les variables de santé mentale dans les provinces et les territoires.
Mme Libby Davies: Je crois que ce serait véritablement important, car cela se passe dans tout le pays et je ne sais pas si quiconque y fait véritablement attention. Nous affrontons tous les problèmes qui en découlent et personne n'examine véritablement ce qui s'est passé par suite de la grande décision prise à propos de la déshospitalisation.
M. Carl Lakaski: Vous avez raison. Dans les années 50 et 60, au moment où a débuté la déshospitalisation, on supposait, ce qui plus tard s'est révélé inexact, que la collectivité absorberait naturellement ceux qui sortaient des hôpitaux pour réintégrer la collectivité. Cela n'a pas été le cas.
Depuis, plusieurs rajustements ont été apportés au système de santé mentale lui-même: améliorations des services, améliorations au niveau de la sensibilisation. Ces améliorations ont, dans une certaine mesure, traité de certains des problèmes liés à la déshospitalisation, bien que les problèmes subsistent étant donné qu'il n'existe pas de services communautaires adéquats. Je sais que je me répète, mais c'est ce que visent les meilleures pratiques, elles sont la justement pour aborder cette question. Quels services faudrait-il prévoir et à quel niveau pour aborder tous ces problèmes?
Mme Libby Davies: Le logement est certainement un service essentiel.
M. Carl Lakaski: Oui.
Mme Libby Davies: Je m'en aperçois chaque jour. Si les gens n'ont pas de logement sûr, adéquat, abordable, que pouvez-vous faire? Rien ne va marcher. C'est une condition fondamentale de réinsertion des gens dans la collectivité, certainement.
M. Carl Lakaski: Vous avez raison.
Le président: Madame Davies, je vais intervenir. Je crois que vos questions sont excellentes et à propos, et nous avons eu de très bonnes réponses. Je vous ai accordé une certaine latitude, mais je l'ai fait uniquement en raison de la qualité de....
Mme Libby Davies: D'accord, j'ai terminé.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Proulx, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.): Merci, monsieur le président.
[Français]
Bonjour, mesdames.
[Traduction]
Bonjour, monsieur.
[Français]
Je vais vous faire un aveu dès le départ. Contrairement à mon confrère, je n'ai pas de «psy» à mon écoute. Alors, on n'aura pas de conflit d'intérêts.
M. Réal Ménard: On peut vous organiser une sortie avec quelqu'un que l'on connaît.
M. Marcel Proulx: Écoutez, on parlera de nos vies sociales après la réunion.
J'accepte et je reconnais depuis longtemps que la santé mentale est très fragile. C'est quelque chose dont on doit s'occuper très activement. J'ai deux petites questions sur les statistiques et on reviendra ensuite à la question principale.
Existe-t-il au Canada des statistiques sur le nombre de personnes âgées qui sont dans des résidences privées ou publiques, qui ont besoin de soins pour leur santé mentale et qui n'en reçoivent pas actuellement? Dans les résidences privées et dans les résidences publiques, il y a très peu de soins pour les maladies mentales. C'est ma première question.
Ma deuxième question porte aussi sur les statistiques. Avez-vous des statistiques comparatives sur les services de première ligne en santé mentale et en santé physique? Au Québec, actuellement, on a beaucoup de difficulté à avoir des services d'urgence en psychiatrie comparativement aux services d'urgence pour la santé physique.
Si vous traversez le pont, vous verrez qu'en Outaouais, il n'y a pas de services d'urgence dans un hôpital psychiatrique. Les services d'urgence sont confondus ou mélangés avez les services de santé physique, et deux ou trois jours plus tard, on décide de vous envoyer dans un hôpital psychiatrique parce qu'on vient de déterminer que tels sont vos besoins. Est-ce qu'il y a des statistiques quant aux soins de première ligne en psychiatrie? Avez-vous cela? D'accord.
Voici ma vraie question,
[Traduction]
ma question tendancieuse.
[Français]
D'après les chiffres que vous nous avez donnés....
Mme Murielle Brazeau: Les statistiques existent, mais ce sont les provinces qui les ont. On ne les a pas à notre disposition en ce moment.
M. Marcel Proulx: Vous ne les avez pas à votre disposition.
Mme Murielle Brazeau: Non. On a mentionné quelques statistiques dans ce domaine dans notre présentation, mais c'est à peu près tout ce que l'on a. Par contre, j'imagine qu'on doit pouvoir en obtenir.
Mme Natacha Joubert: Au fond, ce qu'il faut savoir, c'est que, tout ce qui touche la question des services étant de responsabilité provinciale, ce sont les provinces qui détiennent la grande partie de l'information.
M. Marcel Proulx: M. Lakaski nous disait plus tôt que vos méthodes pour cueillir ces statistiques n'étaient pas à point actuellement, mais qu'il y avait des chances qu'elles deviennent un peu plus perfectionnées dans un avenir rapproché.
J'ai cru comprendre que vous représentiez l'équipe fédérale au complet. Il ne doit pas rester beaucoup de monde au bureau cet après-midi, n'est-ce pas?
M. Murielle Brazeau: Dans d'autres domaines, oui.
M. Marcel Proulx: Je veux dire dans votre bureau. Ça doit être malcommode de ne pas pouvoir prendre de vacances ou de congés de maladie, mais enfin.
[Traduction]
La question tendancieuse est la suivante: qu'est-ce que le gouvernement fédéral peut faire en plus des mesures que vous avez prises—et je reconnais le bon travail que vous avez fait—et quel genre de fonds le gouvernement fédéral devrait-il investir pour obtenir de meilleurs résultats ou davantage de résultats au plan fédéral de la santé à propos de la santé mentale?
[Français]
Mme Murielle Brazeau: Premièrement, en ce qui a trait aux statistiques, M. Lakaski m'a indiqué qu'il pensait que les provinces n'avaient pas ce genre de statistiques. Peut-être que certaines provinces les ont, mais ce n'est pas tenu d'une façon uniforme partout au pays.
M. Marcel Proulx: Vous parlez des statistiques?
Mme Murielle Brazeau: Je parle de votre première question sur les statistiques générales.
M. Marcel Proulx: D'accord.
Mme Murielle Brazeau: On pense qu'elles n'existent pas de façon uniforme. Peut-être que certaines provinces ont de telles statistiques, mais ce n'est pas uniforme.
• 1655
Quant à votre question sur les personnes âgées, je vais demander à
Louise Plouffe d'en parler. Ensuite, nous pourrons discuter de votre
grande question.
M. Marcel Proulx: D'accord.
Mme Louise Plouffe: D'abord, en ce qui concerne les résidences privées, il n'y a pas de statistiques. Il n'y a pas de données sur la population dans les résidences privées parce que, justement, elles sont privées. Ce n'est pas du domaine public.
M. Marcel Proulx: Même pas dans le recensement de Statistique Canada?
Mme Louise Plouffe: Dans le recensement, on obtient l'âge, le sexe et le statut civil, des données de base comme celles-là, mais absolument rien sur....
M. Marcel Proulx: Mais rien sur la santé.
Mme Louise Plouffe: Rien du tout. L'enquête nationale sur la santé des populations comporte un volet institutionnel. Nous pouvons donc avoir des données sur la population en institution. Je ne connais pas d'analyses sur le sujet, mais un des projets mentionné dans ce que nous vous avons présenté est justement de faire de telles analyses pour évaluer les besoins en santé mentale et les taux de maladie mentale ou de troubles mentaux dans la population institutionnelle au Canada. Je ne peux pas vous en dire plus long là-dessus.
M. Marcel Proulx: Merci, madame.
Une voix: Voilà pour la grande question.
Mme Natacha Joubert: La grande question.
Tout d'abord, à propos des statistiques, j'ai bien envie de vous répondre que, d'une manière générale, on a les statistiques concernant les questions qui nous semblent d'importance et qu'on veut documenter. La santé mentale ne semble jamais avoir atteint un degré d'importance qui ait conduit à ce qu'on recueille méthodiquement et systématiquement, à travers le pays, toutes les informations dont on aurait besoin. C'est là la réalité.
Une voix: Ça répond à la grande question. C'est de cela qu'on a besoin.
Mme Natacha Joubert: En partie. Cela répond peut-être en partie à votre grande question, que nous nous posons aussi depuis fort longtemps.
Il était devenu important pour nous, au cours des dernières années, de nous pencher sur la question de la santé mentale sous tous ses aspects. Il y a, au Canada, de 3 à 5 p. 100 des personnes qui souffrent de maladie mentale grave. Toutefois, il y a aussi 30 p. 100 de la population, de tous les âges, qui vit toutes sortes de situations différentes. Elles sont en détresse psychologique; ça va de l'anxiété au stress, à la violence et au suicide. Bref, il y a tout un éventail d'états divers. Une des choses importantes serait donc de considérer la santé mentale dans toute son amplitude. Je pense que cela aiderait à comprendre non seulement la situation elle-même mais aussi un point qui a été abordé plus tôt. Ce serait aussi une façon très efficace de mieux comprendre comment les gens sont stigmatisés et, par le fait même, en viennent à être marginalisés. Il pourrait en être ainsi si nous en venions à reconnaître que notre santé mentale à tous peut se fragiliser. Nous avons tous à faire face à des épreuves dans la vie et, à un moment ou à un autre, nous pouvons avoir besoin de soutien. À partir du moment où on comprend qu'on peut tous se trouver concernés, on voit que les problèmes ne frappent pas seulement les individus plus fragiles que les autres.
Toujours dans ce contexte-là, je dirai que c'est là qu'une action concertée entre les provinces et le fédéral pourrait prendre son importance. En effet, on sait d'ores et déjà, même si nos informations sont encore fragmentaires, que ce qui va permettre de répondre aux besoins des Canadiens dans ce domaine est une action effectuée dans les domaines de la promotion, de la prévention, du traitement et de la réhabilitation. C'est un mélange de différents types d'interventions et d'activités. On sait déjà ce que ça coûte. En fait, on vient tout juste de terminer cette étude. On parle de milliards de dollars par année. Évidemment, il y a aussi toute la souffrance derrière ça qui est gigantesque.
Alors, je pense que la question des chiffres devra être débattue par les différents partenaires. Cependant, d'une manière générale, les organismes non gouvernementaux, les communautés partout au Canada et les professionnels en santé mentale nous disent que la première façon de prévenir autant de détresse dans une population est d'agir ensemble. Il faut se mobiliser et que chacun prenne la part de responsabilité que lui confèrent son rôle et son mandat.
• 1700
Je n'entrerai pas dans le détail des chiffres à cette étape-ci.
Cependant, mon impression à moi, qui travaille depuis des années dans
le domaine, c'est que les investissements requis pour promouvoir la
santé mentale des Canadiens et prévenir toute cette détresse seraient
minimes. On n'aurait pas besoin d'investir des milliards pour
prévenir la détresse. Par contre, ne rien faire nous coûte des
milliards de dollars chaque année.
[Traduction]
Le président: Merci, madame Joubert. C'est très instructif.
Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Boily?
[Français]
Mme Louise Boily: J'aimerais ajouter, à titre d'exemple de ce que Natacha Joubert a dit, que pour les enfants et les jeunes, une chose qui pourrait avoir un véritable impact quant à la promotion et à la prévention serait de travailler, dans le cadre d'initiatives comme le Plan d'action national pour les enfants, au développement des enfants. C'est au moyen de telles activités et de telles initiatives, par lesquelles on s'adresse à la population entière, à la population des jeunes en général et non pas à une population ciblée, qu'on peut avoir le plus grand impact sur le plus grand nombre de jeunes. On peut le faire surtout au moyen de telles activités et par certaines initiatives très ciblées. Il y a, par exemple, toute la question des enquêtes.
Actuellement, nous n'avons aucune donnée nationale sur les jeunes. On ne parle pas des provinces ou des territoires, mais de données nationales sur la façon dont fonctionnent nos jeunes. On parle ici des jeunes d'âge préscolaire. On a beaucoup d'information à l'échelle provinciale et territoriale, dans les écoles et un peu partout, mais tout cela est très fragmenté et il n'y a pas d'uniformité dans les données dans l'ensemble du Canada.
C'est un exemple de l'action qu'on pourrait entreprendre au palier fédéral pour en arriver au moins à connaître la situation tant de la santé mentale que de la maladie mentale chez les enfants et les jeunes.
Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Cela vous satisfait-il, monsieur Proulx?
M. Marcel Proulx: Merci.
[Français]
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Monsieur Jackson, s'il vous plaît.
M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités.
Nous avons véritablement un corps et une âme, mais il semble que nous n'avons pas vraiment progressé. Je me souviens des années 60, lorsque j'étais à l'université. Quand une personne se fracturait la jambe, ou autre chose, cela ne posait pas de problème, car cela se voyait, etc., mais lorsqu'une personne faisait une dépression nerveuse, il était difficile de le voir au plan physique.
D'après ce que je comprends, les tabous ont la vie dure. Je l'ai remarqué en 1993 lorsque a été publiée l'étude intitulée Le fardeau économique de la maladie au Canada. De toute évidence, la santé globale des Canadiens est importante et la santé mentale fait partie de la santé globale. Je me demande si l'on pourrait avoir une mise à jour—ou s'il y en a eu une—sur le fardeau économique et le fardeau que représente la maladie mentale à cet égard.
Il semble que les statistiques soient un sujet tabou. Nous devons comprendre le rôle fédéral à cet égard. De toute évidence, les soins de santé relèvent des provinces, mais la collecte de l'information fait partie de ce que nous devons faire pour obtenir une image de la situation, pour assurer ces services.
Je remarque également que vous avez dit que le Plan d'action national pour les enfants est un bon programme, car il représente une approche holistique et ne catalogue pas qui que ce soit. Vous adoptez une approche plus holistique au lieu de vous contenter de dire que telle ou telle personne est légèrement différente des autres.
Tout d'abord, j'aimerais savoir ce que représente la santé mentale dans l'ensemble des soins de santé. Combien d'argent est prévu à cet effet? Également, quels sont les effets de certains des problèmes relevant du domaine de la santé mentale sur l'économie? Beaucoup des enfants qui vivent dans la rue ou qui sont des squeegees, etc.—vous en avez fait mention—sont privés de certains de leurs droits et sont pauvres, ont des problèmes d'orientation sexuelle et peuvent avoir été déshospitalisés, etc.
• 1705
Ces facteurs se manifestent d'une façon tout à fait différente et
pourtant, nous ne semblons pas adopter cette approche holistique. Je
crois que Libby Davies en a parlé. Nous en discutons, mais comment
agir?
Comment pouvons-nous en tant que gouvernement fédéral, réunir cette information, y compris les statistiques, et s'assurer que tous ces éléments sont inclus de manière à adopter une approche holistique; notre pays s'en portera mieux, nous aurons moins de problèmes de santé mentale et les gens profiteront davantage de la vie?
Je sais que j'en demande beaucoup, par conséquent....
Le président: Effectivement, mais c'est une très bonne question. J'espère que quelqu'un peut commencer à répondre.
Mme Natacha Joubert: Je vais commencer, et certains de mes collègues voudront probablement intervenir.
Tout d'abord, je vais répondre à votre question relative au fardeau économique. L'étude de 1993 effectuée par le LLCM, un service de protection de la santé du ministère, estimait—cela se trouve dans le document que vous avez—que près 7,8 milliards de dollars étaient affectés directement et indirectement aux troubles mentaux.
Il est important de souligner que lorsque cette étude a été effectuée, ces coûts approximatifs étaient basés sur les coûts d'hospitalisation, de médicaments, de recherche, etc. Cette étude, faite à partir de données de 1993, n'englobait pas le coût de la détresse ou de la dépression non traitée.
Une étude plus récente—nous venons de la terminer, en fait, si bien qu'elle sera datée de l'an 2000—s'est servie des données de l'enquête nationale sur la santé de la population. Nous avons examiné ceux qui ont signalé une détresse et une dépression, mais qui n'ont pas été traités dans le cadre du système médical. Nous avons examiné les autres genres de services qu'ils auraient pu utiliser—par exemple, les psychologues ou les travailleurs sociaux. Nous avons également examiné la perte de productivité de ces gens.
Nous n'avons pas pu évaluer le coût des médicaments en vente libre, ce qui, probablement, aurait augmenté ce montant. Beaucoup de gens, comme vous le savez, achètent et utilisent toutes sortes de médicaments en vente libre ou se tournent vers la médecine non conventionnelle pour essayer de diminuer leur stress ou leur détresse.
Néanmoins, nous avons pu évaluer que, au minimum, le coût des problèmes de santé mentale au Canada s'élèverait à 13,8 milliards de dollars par année. En fait, dans la documentation, c'est 12,8 milliards de dollars qui est indiqué, mais le chiffre a changé. C'est aujourd'hui 13,8 milliards de dollars.
Combien faut-il de milliards de dollars? Comme nous le savons, c'est un minimum. Notre étude s'est faite de façon très modeste. Là encore, comme les données sur la santé mentale sont tellement fragmentées, il est très difficile d'avoir tous les chiffres, mais le coût s'élève au moins à près de 13,8 milliards de dollars par année.
Peut-être que Carl voudrait parler des coûts liés aux maladies mentales.
M. Carl Lakaski: Les coûts sont parfois difficiles à définir, ne serait-ce que parce que nous ne disposons pas des données ni de la recherche pour répondre à ces questions. Je dirais toutefois que d'après la recherche récente, terminée l'année dernière, les malades mentaux chroniques ou graves représentent 5,4 p. 100 de la population canadienne, ce qui équivaut en fait à 1,6 million de Canadiens, à l'exception des membres de la famille qui, s'ils étaient englobés, amèneraient le nombre de Canadiens touchés par une maladie mentale grave à près de 5 millions.
L'autre problème dans le domaine de la santé mentale, c'est qu'il n'y a pas de preuves scientifiques ou de preuves crédibles indiquant que les troubles mentaux sont causés par un seul facteur, qu'il s'agisse du stress, du patrimoine génétique ou de l'économie. Par conséquent, l'approche holistique que vous demandez est très justifiée.
Les scientifiques s'entendent généralement pour dire que les facteurs biologiques—le patrimoine génétique, la chimie du cerveau, l'activité hormonale dans le corps—interagissent avec des facteurs psychologiques et sociaux; lorsque vous faites la somme de tout cela, vous êtes plus en mesure de déterminer le modèle de causalité de la maladie mentale et du trouble mental.
• 1710
Pour revenir de nouveau à la question des coûts, lorsque vous pensez
aux cinq millions de Canadiens qui sont touchés d'une façon ou d'une
autre, ainsi qu'à l'impact sur la productivité, sur les possibilités
de s'instruire qui sont perdues, l'impact des ressources perdues sur
l'assiette fiscale de ceux qui participent activement à l'économie
comme ils le devraient ou comme ils le pourraient, les coûts peuvent
être très élevés. Malheureusement, nous ne disposons pas de
suffisamment de travaux de recherches pour déterminer exactement les
coûts de façon satisfaisante en ce qui concerne les malades mentaux
graves.
M. Ovid Jackson: J'ai une ou deux autres questions.
Manque-t-on de façon chronique de professionnels dans le domaine de la psychiatrie?
M. Carl Lakaski: C'est apparemment le cas. En fait, je crois que l'Association des psychiatres du Canada l'affirme. Ce domaine ne croît pas aussi rapidement que souhaité, surtout si l'on veut combler les lacunes de l'avenir dans le domaine des spécialités, comme par exemple, la psychiatrie gériatrique.
M. Ovid Jackson: Avons-nous suffisamment d'information dans bien de ces domaines pour produire un document nous indiquant comment et où agir, ou faut-il plus d'information?
M. Carl Lakaski: Je crois qu'il faudrait prévoir un processus de consultation suffisamment vaste pour obtenir de l'information auprès des diverses associations professionnelles comme l'Association des psychiatres du Canada, la Société canadienne de psychologie et d'autres ONG comme l'Association canadienne pour la santé mentale, la Canadian Alliance For Mental Illness and Mental Health, la Société canadienne de schizophrénie, ces genres d'organismes—un processus de consultation très vaste qui permettrait de cerner les besoins. Ces associations pourraient également fournir certaines des données. Certaines de ces études de recherches sont très locales ou ciblées sur une profession ou une discipline particulière. Ce ne sont pas les genres de bases de données que nous avons à l'échelle nationale. Bien sûr, ce processus engloberait également les gouvernements provinciaux, leurs ministères de la Santé, ainsi que les services de ces ministères qui se consacrent à l'étude des questions de santé mentale.
M. Ovid Jackson: Merci.
Mme Natacha Joubert: Pour revenir à votre observation relative à l'approche holistique, j'ajouterais que pour des raisons d'efficacité, toute action concertée devrait faire participer, de façon très significative, les collectivités du Canada, car c'est essentiellement là que vivent les gens et car ce sont elles, qui, en collaboration avec des professionnels de toutes sortes.... Je crois qu'il serait très important d'avoir la participation des gens des collectivités pour s'assurer que diverses interventions—de la promotion au traitement—peuvent être proposées aux gens.
M. Ovid Jackson: Je suis d'accord avec vous, et en commençant par la famille, n'est-ce pas?
Le président: Merci beaucoup, monsieur Jackson.
Monsieur Szabo, vous avez la parole.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
En fait, je pense avoir appris pas mal de choses ici. J'ai tendance à être d'accord avec M. Ménard, par contre. Il a d'abord parlé de la portée des travaux que vous avez présenté au nom des sections du ministère que vous représentez. D'après le financement qui a été attribué à ce dossier, on dirait que ce n'est pas très haut sur la liste des priorités de Santé Canada, et c'est un sujet de préoccupation.
Les discussions qu'ont eu les membres du comité avec vous ont touché, je dirais, à peu près à tous les problèmes sociaux et économiques concevables qu'un être humain puisse avoir au cours de toute une vie, et c'est en quelque sorte ce qui amène ma première question. Peut-être devrions nous commencer par définir ce qu'est la maladie mentale—avec votre aide, puisque vous faites partie des ressources que nous avons—si, en tant que comité, nous voulons arriver à quelque chose.
Peut-être pourriez-vous nous aider. Pour commencer, voyons si nous pouvons nous entendre sur ce que nous devrions appeler la maladie mentale. Vous devriez pouvoir aussi nous aider à établir la distinction entre la maladie mentale qui a un fondement physiologique et un état d'esprit provoqué par d'autres facteurs d'ordre social.
Commençons par définir la maladie mentale.
Mme Natacha Joubert: Pour ce qui est de la définition de la maladie mentale, je ne pense pas qu'elle existe. On s'entend plutôt sur ce qui constitue, chez un individu, une vulnérabilité qui nuit à son fonctionnement et fait qu'il souffre beaucoup.
Quant aux facteurs à l'oeuvre, nous avons....
M. Paul Szabo: Je pense devoir vous arrêter....
Mme Natacha Joubert: D'accord.
M. Paul Szabo: ... parce que c'est précisément le problème que nous avons tous. Ça revient un peu à essayer de clouer du Jell-O au mur; c'est tout simplement impossible.
Je vois bien où vous voulez en venir, et je pense qu'on pourrait continuer ainsi pendant longtemps, mais il nous faut savoir si, dans tous les travaux et toutes les études réalisés, quelqu'un n'est pas parvenu à formuler une définition de la maladie mentale. Y en a-t-il une? Je n'ai pas besoin qu'on me parle d'état d'esprit; ce que je veux, c'est une définition de la maladie mentale.
Mme Natacha Joubert: Le ministère a publié en 1988 un document, intitulé Vers un juste équilibre, qui proposait une définition de la maladie mentale.
Si vous consultez le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-IV, dont se servent les psychiatres de toute l'Amérique du Nord, vous y trouverez une définition de la maladie mentale.
M. Paul Szabo: D'accord.
Mme Natacha Joubert: D'ailleurs, le document qui vous a été remis en contient une.
M. Paul Szabo: Peut-être cela pourrait-il être utile au comité d'avoir une espèce de document de référence ultime qui donne une définition générale de la maladie mentale, et peut-être, puisque c'est un sujet complexe, d'après tout ce qu'on en a dit aujourd'hui, avons-nous besoin d'un peu d'aide pour répartir tous ces éléments, parce que certains sont plus compatibles que d'autres, et aussi, un petit glossaire des termes les plus courants pourrait nous être utile, pour que nous ne perdions pas le fil. Très franchement, je ne suis pas médecin, et je n'ai pas bien saisi certaines des maladies et des symptômes dont vous avez parlé. Ce serait utile si les attachés de recherche, ou encore les témoins, pouvaient nous aider sur ce plan.
Le président: Monsieur Szabo, si vous permettez que je vous interrompe un moment, c'est une excellente suggestion.
La question de M. Szabo est très claire. Pouvons-nous obtenir une définition de la maladie mentale et une explication de la manière dont les divers éléments, le contexte et le cadre s'insèrent dans cette définition, et aussi un glossaire? Ce serait utile. Merci.
M. Paul Szabo: Il a aussi été signalé à plusieurs reprises que nous n'avons pas les données sur le sujet. Cela me gêne aussi. Les gens qui souffrent de maladie mentale, par définition, requièrent les services de notre système de santé, des fournisseurs de soins de santé, et eu, ils font des rapports.
J'ai siégé pendant neuf ans au conseil d'administration d'un hôpital. Je sais qu'il existe un système de compte rendu très élaboré. Nous devrions donc probablement pouvoir mieux comprendre l'incidence des divers types de troubles mentaux dont il s'agit.
Comme le disait M. Ménard, la portée, ou la dimension du dossier est très importante, et cette définition nous aiderait à le situer dans le contexte des autres problèmes de santé dont doit traiter Santé Canada, en tant que ministère. Nous devons situer la question dans le contexte de l'importance qu'elle revêt pour les Canadiens. Nous devons les convaincre, et je pense qu'en tant que comité, nous devons nous aussi être convaincus, de son importance.
Il existe certains indicateurs, et il se peut que vous puissiez nous aider sur ce plan. Par exemple, comme vous le savez peut-être, je me suis intéressé quelque temps au syndrome d'alcoolisme foetal. Près de 90 p. 100 des victimes du syndrome d'alcoolisme foetal présentent un retard mental clinique. Nous avons appris, dans le cadre d'une période de questions au ministre de la Justice, que le ministère estime qu'environ 50 p. 100 des détenus, dans les prisons canadiennes, souffrent du syndrome ou en ont des séquelles, ou encore présentent d'autres formes de lésion cérébrale causée par l'alcool. C'est beaucoup.
Pour ma dernière question—j'aurais aimé avoir plus de temps—je voudrais que vous me disiez si, dans le secteur de la santé mentale à Santé Canada, il est question de prévention primaire lorsqu'on envisage de trouver une solution valable aux problèmes de santé mentale. J'ai l'impression, d'après vos documents et votre intervention que, sur le plan stratégique, le rôle de Santé Canada semble plus axé sur le traitement—après le déclenchement des troubles, la médication ou autre chose—plutôt que sur les méthodes de diagnostic, d'observation des facteurs de risque et de ciblage des stratégies primaires de prévention, etc., ce qui constituerait le plus souvent, à mon avis, dans le domaine de la santé, une utilisation plus productive des fonds que les mesures curatives. Alors quelles sont les mesures de prévention? Quel pourcentage de nos travaux porte là-dessus, ou peut-être, devrait porter sur la prévention?
M. Carl Lakaski: J'aimerais revenir à ce que vous disiez sur la définition de la santé mentale. Je me rappelle, et je suis sûr que vous vous en rappelez aussi, dans les années 60 et 70, ce mouvement antipsychiatrique très fort qui prétendait que la maladie mentale était, en fait, un mythe. Nous avons fait beaucoup de chemin depuis. Nous sommes beaucoup plus sûrs de ce qui constitue une maladie mentale et ce qu'est, disons, la détresse, si on veut faire une différence. Je pense qu'il le faut.
Par conséquent, nous pouvons formuler des définitions assez justes de la santé mentale. De fait je crois que ce sont les Australiens qui ont adopté la définition qui en a été donnée dans le document Vers un juste équilibre, en 1988. Ce n'est pas une tâche insurmontable. Alors il ne serait pas particulièrement difficile de formuler une définition assez précise de la santé mentale, qui puisse être généralement acceptée dans le milieu médical et celui de la santé mentale. Nous pourrons vous la fournir. Ce ne serait pas un grand problème.
Mme Murielle Brazeau: Pour ce qui est de votre question sur la prévention et notre rôle, à Santé Canada, nous faisons beaucoup en matière de promotion de la santé et de prévention. Je demanderai à Natacha de vous expliquer en gros en quoi cela consiste.
Mme Natacha Joubert: Je pense qu'il est important de réaliser que la santé mentale, c'est un continuum. Il y a la santé mentale, mais là-dedans il y a différents genres de stress et de détresse, puis il y a les troubles mentaux. Cela fait une grande différence dans la manière dont on définit ce qu'il faut faire et dont la responsabilité est répartie dans les interventions.
J'ai l'impression que le gouvernement fédéral a pu se faire une idée plus générale de la santé mentale ces derniers temps; par conséquent, on parle plus, aussi, récemment, de l'importance de la promotion et de la prévention.
Ceci dit, vous avez parlé de prévention primaire, et il y a beaucoup de gens qui confondent le traitement avec la prévention secondaire ou tertiaire. Je pense que l'on cerne de mieux en mieux ce qu'est la santé mentale et ce qu'il y a à faire, en fait de variété des interventions, mais il nous reste encore beaucoup de progrès à réaliser sur ce plan.
Je pense aussi qu'il est important de comprendre que cela n'a pas de sens, c'est sûr, d'être constamment en situation de crise, alors qu'il y a tous ces gens qui ont besoin de traitement, qui ont besoin d'un soutien important. Ils existent, et ils ont besoin d'aide. Nous devons absolument faire quelque chose, les aider. Mais nous devons aussi mieux formuler notre stratégie de promotion et de prévention.
Ceci dit, il serait sûrement important de préciser que je ne sais pas ce que font les provinces, ni quelles ressources elles consacrent à la promotion et à la prévention. Quoi qu'il en soit, notre ministère a commencé à en discuter, à tenter de définir ce que le rôle du gouvernement fédéral devra être en matière de promotion de la santé mentale pour prévenir la souffrance dans notre pays.
Le président: Merci beaucoup. Madame Joubert, je pense que vous avez tapé dans le mille, avec ce que vous venez de dire. Il me semble que M. Lakaski a dit, je crois, que 5,4 p. 100 de la population souffre de troubles mentaux graves. Il est clair que ce serait de la compétence des provinces. Je ne pense pas que la question se pose.
• 1725
En ce qui concerne la promotion et la préservation de la santé
mentale et toute la notion de bien-être, je pense que c'est vraiment
au centre du sujet dont on traite ici, et aussi le genre de rôle qu'il
faut envisager pour le gouvernement fédéral, en collaboration, bien
entendu, avec nos partenaires des provinces et des territoires. Donc
il faut faire quelque chose, et la question qui se pose est de savoir
dans quelle mesure et combien?
C'est donc, je crois, ce à quoi le comité devra réfléchir. Je pense que c'est important. J'ai été intéressé par vos observations à ce sujet.
J'avais aussi une question à poser. C'est au sujet de la Loi canadienne sur la santé. Où y est-il question de la santé mentale et en quels termes? Qui peut me répondre?
Ces derniers temps, en discutant avec des gens qui sont au courant de cette étude, par exemple, j'ai entendu des points de vue contradictoires. J'aimerais savoir ce qu'en dit Santé Canada.
Mme Natacha Joubert: Et bien, je me suis posé la même question, et je suis sûre que mes collègues l'ont fait aussi.
Lorsque j'ai commencé à travailler à Santé Canada, l'une des premières choses que j'ai fait a été d'examiner la Loi canadienne sur la santé pour voir ce qu'elle dit de la santé mentale. C'est difficile à trouver, c'est le moins qu'on puisse dire.
C'est l'une des raisons pour lesquelles une bonne part de nos travaux visait non seulement à démontrer l'importance de la santé mentale, et tout ce qui l'entoure, mais aussi à faire comprendre que tant que la santé mentale ne sera pas entièrement et formellement reconnue comme faisant partie intégrante de la santé, la lutte ne sera pas terminée.
Alors je ne sais pas; c'est là, mais ça ne l'est pas.
M. Carl Lakaski: On peut le voir dans le préambule de la Loi canadienne sur la santé. Il y est fait mention de sujets qui ne pourraient que se rapporter à la santé mentale. Ça ne pourrait pas être autre chose. C'est dans le préambule de la loi.
Pour ce qui est de la question de compétence, oui, formellement, ce sont les gouvernements provinciaux qui sont responsables de la prestation de services de santé mentale aux personnes qui souffrent de troubles mentaux graves. Cependant, Santé Canada a toujours joué un rôle fondamental dans ce domaine, dans le cadre de ses rapports avec le réseau fédéral-provincial sur la santé mentale.
En ce qui concerne les subventions de recherches et la nécessité de cibler certains types d'initiatives qui nous semblent valables pour le pays, permettez-moi de vous donner un exemple pour répondre à votre question sur la prévention.
La psychose et la schizophrénie sont, comme vous le savez, les troubles mentaux les plus coûteux, tant sur le plan émotionnel que pécuniaire. Récemment, des recherches ont démontré qu'un certain modèle d'intervention précoce pourrait freiner très efficacement le progrès de ces troubles, réduire la durée et le coût des séjours à l'hôpital, et offrir à ces gens une bien meilleure qualité de vie.
Avant, on tenait pour acquis qu'une fois que quelqu'un avait connu plusieurs épisodes de psychose ou avait été schizophrénique pendant une certaine période, tout était perdu. Cette personne était condamnée à passer ainsi une bonne partie de sa vie, avec peu d'espoir de guérison. D'après ce nouveau modèle et les conclusions de la recherche qui l'appuient, la guérison est possible, et elle prendrait beaucoup moins de temps qu'on le pensait avant.
Santé Canada s'efforce activement de soutenir ce genre de modèle et le fait adopter dans tout le pays, dans la mesure où les gouvernements provinciaux y sont intéressés. De fait, ce modèle particulier a suscité un intérêt considérable.
Nous n'en sommes encore qu'au tout début de la recherche. Je veux dire par là qu'il n'y a pas encore eu autant de travaux que je l'aurais voulu pour que je sois en mesure d'affirmer que ce sera une réussite ou que c'est bien ce qu'il faut faire. Par contre, il semble que ce modèle particulier, pour ce trouble particulier, gagne du terrain.
Si on pouvait s'atteler à de ce trouble, la schizophrénie et la psychose—et cela comprend les troubles bipolaires—on pourrait alléger de beaucoup le fardeau de la souffrance sur les individus, les familles et l'économie.
La maladie affective bipolaire est parfois désignée sous le terme de maniaco-dépression. C'est lorsque quelqu'un connaît, dans son quotidien, des accès maniaques et des accès dépressifs.
Le président: Merci beaucoup.
J'aimerais maintenant demander à recevoir deux documents. Le premier est un graphique qui indiquerait clairement ce qui est du ressort des provinces comparativement à ce qui relève de gouvernement fédéral et, peut-être, les domaines où il peut y avoir un chevauchement, ou les zones grises, si on veut. Je pense qu'il pourrait être utile d'y annexer tout document qui touche aux mesures de collaboration, et peut-être les initiatives qui sont prises.
• 1730
Le deuxième document d'information que j'aimerais avoir pour
ce comité renfermerait un exposé sur la place de la santé mentale
dans la Loi canadienne sur la santé.
Je vous ai entendue, madame Joubert, lorsque vous avez dit que c'est là, mais que c'est difficile à trouver.
Je pense qu'il nous faudrait vraiment un rapport à ce sujet.
Monsieur Lakaski, vous avez dit que ça se trouve dans le préambule. Peut-être pourriez-vous nous dire exactement où et en quels termes. Ce serait très utile au comité.
J'entends la sonnerie qui retentit et, bien entendu, nous sommes appelés à voter alors, à moins qu'il y ait d'autres questions pressantes, nous allons lever la séance et nous nous réunirons à nouveau sur convocation de la présidence. Je vous remercie.