HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HEALTH
COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 1er décembre 1999
Le président (M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte.
Nous avons quelques questions de régie interne à régler et, comme nous avons plusieurs témoins à entendre, nous allons essayer de faire cela rapidement.
Vous vous souviendrez que David Hill, qui était ici l'autre jour, avait un règlement qui devait être distribué. Nous ne l'avons aujourd'hui qu'en anglais mais on peut en trouver la version française sur le site Web. Avec votre autorisation, nous allons vous le distribuer maintenant.
L'autre question concerne le fait que la greffière vous a envoyé, au sujet de l'IRSC, un avis indiquant que nous procéderions à l'étude du projet de loi C-13 article par article le 9 décembre. Vous avez donc été dûment informés.
La greffière vous a aussi adressé une note concernant un exemplaire récent du projet de loi C-13. Cette note indique qu'il s'agit d'une nouvelle version, comme l'indique aussi la page de couverture. Je tenais à attirer votre attention là-dessus. Si vous n'avez pas cet exemplaire, nous en enverrons un à votre bureau.
La dernière question concerne une motion de M. Martin dont il nous avait donné le préavis réglementaire de 48 heures. En voici le texte:
-
Que le Comité permanent de la santé procède immédiatement aux
délibérations du projet de loi C-13, qu'il mène une étude, consulte de
façon générale et présente un rapport à la Chambre sur les récentes
propositions faites par le premier ministre de l'Alberta en tenant
compte de tous les aspects de la prestation des soins de santé, et que
la tenue d'audiences du comité soit télévisée.
Je pense que c'est le bon texte, dans les deux langues officielles. C'est en tout cas ce que j'espère. Sinon, nous allons bientôt le savoir.
Monsieur Martin.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Il y a un problème avec la traduction française. Pour qu'elle concorde avec la version anglaise, je vais remplacer le mot immédiatement par le mot après. On pourra donc lire dans la version française: procède après aux délibérations du projet de loi.
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Merci de votre français, Keith.
Le président: Et merci de votre anglais, monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: Quel pays merveilleux!
Le président: Ne le quittez pas.
M. Réal Ménard: Gardez tous votre calme.
Le président: Mais vous ne pouvez retirer ce que vous avez dit, Réal.
Nous sommes donc maintenant saisis de la motion. Je vais d'abord demander à M. Martin d'en parler brièvement, après quoi nous aurons un débat, que j'espère rapide, sur la démarche à suivre, car je ne voudrais pas que l'on fasse trop attendre les témoins. Vous pouvez donc commencer.
M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Je voudrais d'abord poser une question au sujet de la traduction. Est-elle correcte, maintenant?
Le président: Réglons donc cela tout de suite.
M. Maurice Vellacott: Avec cet après, je ne comprends pas très bien le sens de la motion. Dans l'anglais, on dit «immediately following», et je ne sais pas si c'est la même chose en français.
Docteur Patry, si l'on remplace simplement immédiatement par après, est-ce que cela veut dit immédiatement après les délibérations concernant le projet de loi C-13?
[Français]
M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): On dit: «procède immédiatement aux délibérations».
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): On dit: «procède immédiatement après aux délibérations du projet de loi C-13, qu'il mène une étude». Cela veut-il dire tant que la Chambre va siéger, s'il vous plaît?
[Traduction]
Le président: Pouvez-vous répondre, monsieur Martin?
M. Keith Martin: C'est immédiatement après aux délibérations.
Le président: Est-ce que c'est clair pour tout le monde?
[Français]
M. Ted McWhinney: C'est correct.
[Traduction]
Le président: Monsieur Martin, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez présenté cet avis de motion?
M. Keith Martin: Certainement, monsieur le président.
En bref, la motion concerne l'évolution très importante qui se produit actuellement dans le secteur de la santé du fait de l'initiative du premier ministre Klein. Si le comité voulait bien se pencher attentivement sur la motion, il constaterait qu'elle constitue un élément gagnant-gagnant pour le gouvernement et pour les partis d'opposition. En effet, elle permettrait au ministre de la Santé de demander à notre comité de faire une chose extrêmement importante qui s'intégrerait parfaitement bien à nos délibérations. Cette chose consisterait à examiner le rôle du secteur privé dans le secteur de la santé de façon à donner des indications utiles non seulement au gouvernement et au ministre mais aussi à l'opposition, pour que nous puissions collectivement bâtir un système de santé plus solide pour l'avenir.
Comme je l'ai déjà dit, cette question est actuellement l'une des plus importantes pour le secteur de la santé. Je pense que le comité pourrait apporter une contribution extrêmement importante à toutes les parties qui s'intéressent au secteur de la santé en se chargeant d'une telle étude après les délibérations sur le projet de loi C-13.
Le président: Merci de cette explication.
Monsieur Charbonneau, secrétaire parlementaire du ministre de la Santé.
[Français]
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Tout d'abord, monsieur le président, pourriez-vous nous rappeler quel sujet nous avons déjà mis à l'ordre du jour après cette date du 13? Nous avons adopté un calendrier de travail comportant des sujets sur lesquels nous nous étions entendus.
[Traduction]
Le président: Pour l'information de M. Charbonneau et de tous les membres du comité, je précise que le comité directeur doit se réunir à 15 h 30 le lundi 13 décembre. Vous vous souviendrez que nous sommes toujours saisis d'une motion de M. Martin concernant le budget supplémentaire et la tenue d'une séance avec le ministre avant le 6 décembre.
M. Elley a présenté une demande au sujet des produits alimentaires transgéniques, ainsi qu'au sujet de la santé des populations autochtones. Mme Wasylycia-Leis avait fait de même au sujet des aliments transgéniques et...
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord-Centre, NPD): Au sujet de la sécurité des produits alimentaires, de manière générale.
Le président: ... et de la sécurité des produits alimentaires, de manière générale. Merci.
M. Ménard a quelque chose au sujet des produits sanguins.
Nous aurons donc plusieurs questions à examiner le 13 décembre.
Nous pouvons voter aujourd'hui même sur cette question ou la reporter au 13 décembre, pour poursuivre la discussion. Voilà où nous en sommes.
[Français]
M. Yvon Charbonneau: Je pense, monsieur le président, que vous avez déjà plusieurs sujets à traiter durant la dernière semaine avant le congé de fin d'année. Le sujet que soulève notre collègue Martin est vaste. Si jamais le comité voulait s'engager dans un débat sur ce sujet, ce serait certainement un débat d'une assez longue durée. Je ne pense pas qu'il soit opportun de s'engager sur un terrain comme celui-là à deux ou trois jours d'un ajournement de la session. Je voudrais annoncer que, du côté gouvernemental, nous voterons contre.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup de ces remarques.
Monsieur Ménard puis M. Patry.
[Français]
M. Réal Ménard: Monsieur le président, je ferai deux commentaires.
Moi aussi, je souhaiterais qu'on situe cela dans l'ensemble des préoccupations que le comité a soulevées jusqu'à maintenant. Par ailleurs, je ne suis pas opposé à la motion, car je pense qu'elle peut être intéressante, mais pourquoi en limiter l'application à l'Alberta? Est-ce qu'il ne vaudrait pas la peine que le comité se penche sur l'impact qu'ont les coupures dans les paiements de transfert sur la façon dont les provinces s'acquittent en général de leur responsabilité en vertu de la Loi nationale sur la santé, et pas seulement en pensant à l'Alberta?
Deuxièmement, j'aimerais savoir ce qui arrive des documents que nous avons demandés lors de la comparution de témoins, il y a deux semaines. Nous ne les avons toujours pas reçus. Allez-vous vous assurer qu'on les ait rapidement?
• 1545
Je crois qu'il y a quelque chose qui devrait être examiné par le
comité. En tout cas, du côté du Bloc québécois, nous sommes prêts à
nous y arrêter. Je me demandais si le Parti réformiste accepterait
d'élargir le sens de sa proposition.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Ménard.
La greffière me dit qu'elle a tous ces documents dans son bureau et qu'ils seront distribués cette semaine. Vous allez donc les recevoir.
[Français]
Monsieur Patry, s'il vous plaît.
M. Bernard Patry: Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Tout d'abord, nous ne pouvons accepter cette motion, Keith, pour plusieurs raisons. La première est que nous n'avons pas reçu la dernière proposition du premier ministre Klein. Certes, nous en avons entendu parler par les journaux mais ce n'est pas suffisant. Il faut savoir exactement de quoi il s'agit. En fait, ce que vous voulez faire, c'est relancer un débat sur la Loi sur la santé au Canada. Il va falloir plus d'une année pour étudier cette seule question. Cela comprend ce dont M. Ménard vient juste de parler, c'est-à-dire l'incidence de la réduction des paiements de transfert. C'est un sujet beaucoup trop général. Nous ne pouvons pas accepter, parce que cela remet tout simplement en cause...
Il s'agit des cinq principes fondamentaux de la Loi sur la santé au Canada que vous voulez modifier en faveur du secteur privé—vous parlez de médicaments et de choses semblables mais, pour le moment, je ne pense pas que nous soyons prêts à accepter cela et je vais donc voter contre.
Le président: Merci beaucoup de vos remarques.
Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.
Je vais appuyer la motion mais, je suppose, pour des raisons radicalement différentes de celles de mon honorable collègue du Parti réformiste. Je conviens avec lui que ce serait certainement un travail utile pour le comité, étant donné l'urgence de la situation, puisque Ralph Klein a exprimé l'intention de passer le plus rapidement possible à la privatisation des services de santé ou, en tout cas, au transfert de deniers publics vers des hôpitaux privés à but lucratif dans sa province, et nous savons tous quelles répercussions cela pourrait avoir dans le reste du Canada.
Je ne suis pas d'accord avec mon honorable collègue du Parti libéral, M. Patry, lorsqu'il affirme que nous ne pouvons rien faire parce que nous n'avons pas assez d'informations. Son ministre possède ces informations depuis au moins six semaines. Certes, il fait preuve depuis lors d'une prudence et d'une timidité extrêmes en ce qui concerne la réaction du gouvernement à la proposition de Ralph Klein. À mon avis, cela justifie que notre comité passe rapidement à l'action.
Je suis donc tout à fait prête à appuyer la motion et j'ajoute en passant que, considérant le rapport d'hier du vérificateur général, qui contient une sévère critique au sujet de la situation à Santé Canada, du fait que le ministère n'a tout simplement aucune idée de la manière dont l'argent est dépensé...
Le président: Madame Wasylycia-Leis...
Mme Judy Wasylycia-Leis: ... et des objections qui sont formulées...
Le président: ... vous vous écartez du sujet. Tenez-en vous à la motion.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Très bien. Je mentionnais seulement le rapport du vérificateur général parce qu'il confirme clairement l'urgence de la situation et la nécessité pour le comité de s'en saisir rapidement.
Ma seule réserve est que j'estime que nous faisons face à plusieurs crises différentes dans le secteur de la santé, notamment celle dont parlait le vérificateur général dans son rapport d'hier au sujet de la sécurité des produits alimentaires. Mon seul objectif est donc de veiller à ce que le comité s'attaque sans retard à toutes ces questions cruciales et je suis tout à fait disposée à ce que l'on commence par la plus cruciale de toutes, c'est-à-dire l'avenir de notre système de santé.
Le président: Je vous remercie de ces remarques. Comme je l'ai dit, nous nous pencherons sur ces questions le 13.
Je ne veux pas faire dire à M. Patry ce qu'il n'a pas dit mais il est bien évident que le projet de loi n'a pas encore été déposé. Je suis sûr que c'est exactement ce qu'il voulait dire.
Monsieur Elley.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Si nous attendons, il sera trop tard.
M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Réf.): Mon seul commentaire est que cela fait deux ans que je fais partie de ce comité et que, pendant tout ce temps, j'ai demandé à la majorité gouvernementale au sein du comité de nous autoriser à nous pencher sur la question qui est à mon sens la plus importante pour le comité, c'est-à-dire l'avenir du système de santé du Canada. Or, cela fait deux ans que j'essuie un refus à ce sujet. Je vous demande donc simplement quand nous allons commencer. Quand serons-nous autorisés à faire le travail que nous sommes censés faire?
Le président: Merci. C'est une très bonne question et, bien sûr, le comité l'examinera au moment opportun...
M. Reed Elley: C'est-à-dire jamais.
Le président: ... c'est-à-dire le 13.
Monsieur Martin, vous allez mettre un terme au débat à ce sujet et nous passerons ensuite au vote.
M. Keith Martin: Merci. Tout ce que je puis dire c'est que, comme l'a précisé mon collègue, M. Elley, la situation actuelle du système de santé et son évolution future constituent une question extrêmement importante pour tout le monde, quelle que puisse être la position de chacun à ce sujet. Or, il n'y a pas encore eu de débat adéquat sur cette question et ce comité pourrait être un outil extrêmement utile au public, au ministre, au ministère et aux divers partis politiques en examinant la question en profondeur. Je ne suis pas d'accord avec mon collègue, le Dr Patry, qui affirme que nous ne pouvons pas entreprendre ce débat. Bien sûr que nous le pouvons, c'est seulement une question de volonté.
À mon avis, nous devrions nous pencher sur cette question tellement fondamentale, qui touche la vie même des citoyens, au lieu de prétendre que nous faisons quelque chose d'important pour les Canadiens alors que c'est en fait d'une importance mineure du point de vue du système de santé. Je vous implore donc tous et toutes de voter en faveur de cette motion, afin que nous puissions proposer des solutions constructives pour assurer la survie de notre système de santé à financement public, parce qu'il est en déclin et que des gens souffrent et même meurent pendant que nous attendons.
Le président: Merci beaucoup de ces remarques. Je pense que tout le monde comprend la motion ainsi que les arguments qui ont été avancés. Nous allons donc maintenant passer au vote. Qui est en faveur de la motion de M. Martin?
M. Keith Martin: Pourrions-nous avoir un vote nominal?
(La motion est rejetée par 7 voix contre 5)
Le président: La motion est rejetée.
Nous allons maintenant donner la parole aux témoins. Chacun d'entre eux pourra faire une déclaration liminaire, après quoi les membres du comité pourront poser leurs questions.
Nous avons un témoin supplémentaire, le Dr Jeff Reading, de l'Assemblée des premières nations. C'est un professeur d'université. Avec votre autorisation, je vais ajouter son nom à la liste. Vous êtes d'accord?
Des voix: Oui.
Le président: Merci. Je donne donc la parole au Dr Gary Glavin, vice-président associé de recherche de l'Université du Manitoba.
Dr Gary Glavin (vice-président associé de recherche, Université du Manitoba): Merci, monsieur le président.
En 1997, les chercheurs du secteur de la santé au Canada ont entrepris un effort d'éducation sans précédent destiné à des gens tels que vous, les députés. Leur objectif était de faire comprendre aux députés de tous les partis que la recherche dans le secteur de la santé ne doit pas être considérée comme une dépense mais comme un investissement. Je crois que ce message a été accepté et reçu, de manière favorable, par tous les partis politiques.
Suite à cet effort sans précédent de 1997, le gouvernement a rétabli les budgets des principaux conseils de subventionnement de la recherche aux niveaux d'avant l'examen des programmes, ce qui constituait une mesure très importante pour toute la recherche au Canada, mais surtout pour la recherche dans le secteur de la santé. Cela a été une étape très importante.
Tout de suite après, le ministre de la Santé, M. Rock, s'est adressé aux responsables de cet effort, notamment au Dr Henry Friesen, président du Conseil de recherches médicales du Canada, et leur a simplement dit: «Revenir année après année devant les députés fédéraux, la casquette à la main, pour demander plus d'argent pour la recherche est tout simplement insuffisant». Il nous a demandé de lui proposer quelque chose de nouveau. Le Dr Friesen, dont je suis fier de dire qu'il vient du Manitoba, est quelqu'un d'incroyablement créatif et imaginatif et c'est lui qui est à l'origine de ce dont vous discutez depuis quelques jours, les IRSC, Instituts de recherche en santé du Canada.
Je pense que le concept des IRSC répond à au moins certains des principes établis en 1997. Premièrement, que l'investissement dans la recherche sur la santé est précisément ça, un investissement, pas une dépense. Deuxièmement, et cela renforce le message que nous communiquons sans cesse depuis 1997, que le principe fondamental qui sous-tend la recherche dans le secteur de la santé est que la bonne recherche débouche directement et de manière tangible sur de meilleurs soins. Il y a là un lien direct. Avec les IRSC, plusieurs choses très positives se produiront en matière de recherche sur la santé et, par extension, sur la santé des Canadiens.
Ce qui compte avant tout, c'est qu'on pourra faire de la vraie recherche translationnelle. C'est une expression qu'on entend souvent et qui veut simplement dire que, lorsqu'un scientifique fait une découverte dans son laboratoire, on devait autrefois attendre jusqu'à une dizaine d'années pour que cela ait un effet concret sur les soins. Aujourd'hui, le passage du laboratoire au lit du patient se fait infiniment plus vite. Le temps nécessaire pour qu'une découverte fondamentale débouche sur des soins concrets est beaucoup plus court. Les IRSC seront le mécanisme qui permettra aux résultats de laboratoire d'avoir un effet direct sur les soins dans des délais beaucoup plus courts, ce qui est très important pour la santé de tous les Canadiens.
• 1555
Deuxièmement, avec les IRSC, les chercheurs de la santé et les
responsables des soins pourront agir beaucoup plus rapidement et de
manière plus coordonnée pour faire face aux crises naissantes dans le
domaine de la santé.
Nous avons vu ce qui est arrivé avec la crise du sang contaminé mais nous ne savons pas d'où viendra la crise suivante. Ce sera peut-être une épidémie de maladie infectieuse ramenée au Canada par un touriste. Ce sera peut-être une enquête destinée à savoir pourquoi, dans telle ou telle région du Canada, on enregistre une hausse soudaine d'un type donné de cancer ou d'un type particulier de maladie neurologique, ou une épidémie quelconque.
Avec les IRSC, les chercheurs et les responsables des soins pourront coordonner leur réaction à la crise infiniment plus vite et de manière infiniment plus cohérente. Le Canada bénéficie d'un bassin incroyable de talents dans les secteurs de la recherche et des soins de santé. Les IRSC permettront de coordonner et de focaliser ces talents en cas de crise dans le secteur de la santé.
Avec les IRSC, la définition de la recherche en santé sera beaucoup plus large, comme vous le savez, ce qui est un élément très positif. Il ne s'agira plus seulement de recherche biomédicale fondamentale, de gens faisant de la biotechnologie moléculaire en laboratoire, car la définition englobera les sciences sociales dans le cadre de leurs rapports avec la santé, les systèmes de santé et la recherche sur les services. Assurons-nous actuellement une prestation optimale des soins de santé dans les diverses régions du Canada? Voilà des questions très importantes qui pourront faire l'objet de recherches par les IRSC.
Les IRSC permettront aussi d'élargir la notion de partenariat—du partenariat avec d'autres organismes bénévoles oeuvrant dans le secteur de la santé. La Société canadienne du cancer, la Fondation Parkinson, la Fondation du coeur—qui sont toutes des organisations bénévoles importantes—pourront être incluses dans les IRSC, tout comme les petites initiatives continues de partenariat avec l'industrie pour assurer la commercialisation coordonnée et rapide des médicaments.
Cela dit, l'un des avantages les plus importants des IRSC, à mes yeux—ce que je vais dire maintenant ne sera pas très scientifique et vous semblera peut-être assez bizarre venant de quelqu'un comme moi, mais je ne peux que vous communiquer l'expérience que j'ai acquise dans mon université et, un peu moins, dans d'autres centres. Les bienfaits incroyables des IRSC seront surtout importants pour les jeunes, c'est-à-dire les deux groupes que je définis comme jeunes. Je veux parler d'abord des jeunes scientifiques et des jeunes chercheurs qui débutent, qui ont peut-être trois ou quatre ans d'expérience, et aussi des stagiaires, des jeunes que nous formons pour nous remplacer. Je ne crois pas qu'il puisse y avoir de tâche plus noble pour nous que de former nos remplaçants, la prochaine génération de chercheurs et de prestataires de soins.
Avant 1997, l'atmosphère n'était pas très bonne. Honnêtement, elle était franchement mauvaise. Dans les facultés de médecine, le moral était au plus bas. Les gens étaient très pessimistes quant à leur avenir.
Depuis lors, suite au rétablissement des budgets aux niveaux d'avant l'examen des programmes, puis, aujourd'hui, avec la Fondation canadienne pour l'innovation, avec les chaires d'excellence en recherche au XXIe siècle, avec les bourses du millénaire, avec la Fondation canadienne pour la recherche en services de santé et, maintenant, avec les IRSC, le moral a changé du tout au tout. Les jeunes que nous formons pour nous remplacer sont optimistes. Une carrière de chercheur en santé ou dans le secteur de la santé est aujourd'hui une carrière recherchée. C'est un élément positif pour l'avenir, même si ce n'est pas très quantifiable. On ne peut pas chiffrer ça. Je ne peux pas dire que c'est passé de 2 à 58, par exemple.
Ce que je peux vous dire c'est que, dans notre centre, et c'est la même chose quand je visite d'autres centres du Canada et que je parle à des chercheurs de la santé, surtout à des stagiaires, à de jeunes enseignants et à de jeunes scientifiques, le moral est meilleur que je ne l'ai vu depuis 24 ans que je fais ce genre de travail. Et c'est là un bienfait qu'il ne faut pas sous-estimer car, mieux nous traitons nos jeunes chercheurs et stagiaires, meilleur sera l'avenir de la recherche et des soins en santé.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Glavin.
Je retourne maintenant à l'Université du Manitoba en donnant la parole à la Dre Black.
Dre Charlyn Black (codirectrice et attachée de recherche principale, Centre d'évaluation et des politiques de santé du Manitoba, Département des sciences de santé communautaire, Faculté de médecine, Université du Manitoba): Merci.
Je tiens d'abord à me présenter et à présenter mon organisation à l'Université du Manitoba, c'est-à-dire le Centre d'évaluation et des politiques de santé du Manitoba. Ce centre mène des études sur des questions importantes touchant les politiques de la santé, des questions qui sont importantes au palier provincial autant que fédéral.
Par exemple, pourquoi certaines personnes sont-elles en bonne santé et d'autres, pas? Les personnes en moins bonne santé sont-elles dans cette situation parce que le système des soins de santé ne leur donne pas ce dont elles ont besoin ou malgré le fait qu'elles reçoivent des soins adéquats? Quels mécanismes de rémunération des prestataires de services à financement public produisent les meilleurs résultats de santé pour les Canadiens? Voilà une question qui figurait parmi vos préoccupations il y a quelques instants. Quelles solutions peut-on envisager pour atténuer les pressions saisonnières exercées sur les hôpitaux?
• 1600
Je tiens aussi à mentionner que, lorsque j'étais médecin à Winnipeg,
je m'intéressais beaucoup à l'acquisition de certaines compétences en
recherche pour me pencher sur ce genre de question. Or, j'ai dû
m'adresser aux États-Unis pour pouvoir acquérir les compétences
voulues, c'est-à-dire que j'ai dû aller à Baltimore apprendre à faire
de la recherche pertinente.
Cela dit, j'aimerais faire quelques brèves remarques. Je ne répéterai pas ce que vous a dit le Dr Glavin. Je tiens simplement à dire que j'appuie fermement ce projet de loi et que j'encourage tous les membres du comité permanent à faire de même.
Tout d'abord, comme l'a dit le Dr Glavin, le projet de loi permettra de doter le Canada de capacités de formation importantes, ce qui évitera aux jeunes Canadiens de devoir aller aux États-Unis puisqu'ils pourront recevoir leur formation au Canada même, dans un contexte canadien, afin d'identifier des thèmes de recherche importants du point de vue canadien et utiles pour les Canadiens.
Ces nouveaux crédits nous aideront aussi à recruter. J'ai un étudiant qui était parti en Floride et qui songe maintenant à revenir au Canada parce qu'il y aura ici, je crois, un environnement plus stable en faveur des jeunes chercheurs. Nous sommes donc très heureux de pouvoir instaurer un environnement dans lequel les chercheurs pourront revenir pour contribuer à notre compréhension de ce qui marche bien dans le secteur des soins de santé au Canada. Cela nous permettra d'établir des environnements très favorables.
S'il est vrai que je parle en ce moment d'une catégorie de recherche qui a été faiblement appuyée au Canada—la recherche sur les services de santé, la recherche nécessaire pour l'élaboration des politiques de santé—il me semble aussi important de dire que cette législation favorisera et élargira tout un secteur de la recherche et favorisera une approche multidimensionnelle qui nous permettra d'adopter une perspective vraiment nouvelle et aussi de diffuser la recherche et de la rendre plus utile.
Lorsque j'ai commencé ma carrière en recherche, j'ai eu le privilège de travailler dans un environnement de financement stable, ce qui n'était pas fréquent au Canada. Au Manitoba, le Centre d'évaluation et des politiques de santé bénéficiait d'un contrat de longue durée.
Je pense que le degré de productivité des chercheurs, exprimé par leurs publications, a été très élevé pour cette raison.
Plus important encore, le projet de loi est axé sur la prestation d'un appui à la recherche afin de créer de nouvelles connaissances devant être appliquées—et je cite ici le texte même de la loi—«en vue d'améliorer la santé de la population canadienne, d'offrir de meilleurs produits et services de santé et de renforcer le système de santé au Canada». Comme je tiens beaucoup à ce que l'on prenne les meilleures décisions possibles pour améliorer la santé des Canadiens, je pense que cet aspect du projet de loi est tout à fait crucial.
Je crois comprendre qu'il y a eu certaines tensions entre l'objectif de développement économique et le rôle qu'il aurait à jouer dans le cadre de ce projet de loi. Je suis très favorable à l'orientation actuelle qui est axée sur l'amélioration de la santé car, comme nous le savons tous, il peut y avoir des tensions entre cet objectif et la notion de développement économique, lorsque des produits particuliers qui sont destinés au marché des soins de santé peuvent accroître les coûts sans nécessairement améliorer la santé des gens.
Il me semble donc très important, dans la mise en oeuvre de ce projet de loi, que le comité soit conscient de ce facteur et qu'il veille tout particulièrement à faire en sorte que la législation contribue vraiment à l'amélioration de la santé.
Comme il est prévu que les nominations seront faites par le premier ministre, je pense qu'il est très important que celui-ci veille à ce que l'intérêt public soit le facteur primordial et à ce qu'il y ait un processus de reddition de comptes de façon à ce que, lorsque les IRSC passeront à l'action, on puisse examiner vraiment dans quelle mesure les recherches effectuées contribuent à améliorer la santé des Canadiens.
J'estime que les questions de reddition de comptes et de rapports au Parlement sont essentielles.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, madame Black.
Je vais maintenant donner la parole au Dr Turk, de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université.
Docteur Turk.
Dr James L. Turk (directeur général, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais d'abord moi aussi présenter mon organisation. L'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, dont je suis le directeur général, représente environ 30 000 enseignants de 56 universités réparties dans toutes les provinces. Nous sommes directement intéressés par le travail des conseils de subventionnement, de manière générale, et par ce projet de création d'instituts de recherche en santé du Canada. Je dois dire que nous nous adressons donc à votre comité aujourd'hui pour exprimer un appui vigoureux à l'égard du projet de loi.
Nous sommes particulièrement heureux de l'objectif énoncé à l'article 4, qui indique très clairement que le but du nouvel organisme sera de créer de nouvelles connaissances et d'en assurer l'application pour améliorer la santé de la population, offrir de meilleurs produits et services de santé et renforcer le système de santé du Canada. Nous sommes également très satisfaits de plusieurs autres dispositions du projet de loi, notamment du sous-alinéa 4d)(ii) et de l'article 20, qui contiennent une large définition de la santé en faisant référence à ses aspects sociaux, culturels et environnementaux. Nous estimons en effet qu'il est essentiel d'adopter une vision très large de la santé pour atteindre les objectifs que nous partageons tous.
Cela dit, nous souhaitons exprimer deux préoccupations au sujet de deux éléments particuliers du texte et nous souhaitons recommander des modifications à ce sujet.
Notre première préoccupation concerne la commercialisation et le risque que l'intérêt public et le souci d'améliorer la santé de la population et de renforcer le système de santé ne soient compromis par les intérêts commerciaux. J'attire en particulier votre attention sur l'alinéa 4i), qui indique comment les objectifs du projet de loi seront atteints. On parle dans ce contexte d'encourager l'innovation mais il ne faut pas oublier que l'innovation, contrairement à l'usage de la langue anglaise, ne correspond pas à la création de nouvelles idées. L'innovation a acquis au cours des années un sens très restreint, c'est-à-dire la mise en marché des idées—et non pas la création de nouvelles idées.
Certains membres du comité savent certainement que le Comité spécial sur la commercialisation de la recherche universitaire a récemment produit un rapport et formulera bientôt des recommandations. Le Dr Brzutowski adressera des recommandations au Cabinet à ce sujet. Il y a donc cette notion inusitée d'innovation.
L'alinéa 4i) dit ceci:
-
l'encouragement à l'innovation et le soutien à la mise en marché de
la recherche canadienne dans le domaine de la santé et la promotion
du développement économique au Canada au moyen de celle-ci;
Je tiens cependant à rappeler au comité un paragraphe qui figure dans le préambule du rapport du Sous-comité des partenariats et de la commercialisation du Conseil d'administration des instituts de recherche en santé du Canada:
-
Bien que les organismes du secteur privé soient considérés comme des
moteurs dynamiques de l'économie canadienne qui contribuent au
développement économique, chacun sait qu'ils oeuvrent d'abord et avant
tout, et légitimement, pour leurs actionnaires. Or, les objectifs de
la santé publique et ceux du secteur privé ne coïncident pas toujours.
Voilà pourquoi le Conseil d'administration provisoire des IRSC affirme
que les objectifs de santé publique doivent primer dans les politiques
et programmes des IRSC, par rapport aux objectifs de développement
économique.
J'estime que cette compatibilité entre ces deux catégories d'objectifs est très réelle. Ce n'est pas du tout théorique et nous en avons eu des exemples récemment. Il y a deux semaines, par exemple, vous avez entendu parler du cas de la Dre Anne Holbrook, pharmacienne et médecin à l'Hôpital Saint-Joseph de Hamilton et à l'université McMaster, qui évalue des médicaments pour le gouvernement de l'Ontario. Lors de son évaluation d'un médicament appelé Losec, qui est l'un des cinq médicaments sur ordonnance qui se vendent le plus au monde, et qui coûte 3 $ le cachet, elle a constaté qu'il n'offrait aucun bienfait notable par rapport à deux autres médicaments beaucoup moins chers. Lorsqu'elle a publié sa conclusion dans son rapport, elle est devenue la cible de lettres d'intimidation et de poursuites de la part du fabricant.
• 1610
Prenons un autre exemple mentionné aujourd'hui dans la presse. Dans
son rapport, le vérificateur général affirme que l'Agence canadienne
d'inspection des aliments vient d'arrêter l'inspection d'une usine de
transformation impliquée dans l'une des plus grandes épidémies
d'empoisonnement alimentaire au Canada parce que les propriétaires de
l'entreprise ont adressé une plainte au ministre de l'Agriculture.
Prenons un autre cas, qui remonte à plusieurs années et qui n'est toujours pas réglé. C'est celui du Dr Gordon Guyatt, médecin principal du Centre médical de l'université McMaster et chef du programme de formation en résidence en médecine interne. Le Dr Guyatt n'appréciait pas que les compagnies pharmaceutiques viennent offrir des séminaires gratuits et des conseils aux résidents. D'après lui, les résidents ne devaient acquérir leurs connaissances sur les médicaments qu'en ayant recours à des sources scientifiques et non pas en étant le public captif des fabricants privés de médicaments. Il a donc mis fin à cette pratique. L'une des compagnies pharmaceutiques l'a alors menacé et a menacé de ne plus accorder aucun financement aux chercheurs de l'université McMaster à cause de cette décision.
Je pourrais vous donner beaucoup d'autres exemples. Mon argument est simplement qu'il existe clairement des intérêts contradictoires, comme l'a indiqué le sous-comité. Il est donc essentiel de faire une distinction très claire entre ces divers intérêts si l'on veut garantir l'intégrité des IRSC.
Quand on parle de bienfaits économiques ou de développement économique, on entre inévitablement en eau trouble. Si une compagnie pharmaceutique produit un nouveau médicament coûtant 20 $ le cachet et que ce médicament se vend très bien mais n'offre que relativement peu d'avantages par rapport à un autre médicament coûtant 20c. le cachet, et si c'est à cause de son marketing qu'il connaît beaucoup de succès, cela produit sans doute, dans un certain sens, un gros avantage économique pour le Canada. En effet, l'entreprise réalisera de gros profits et emploiera du monde, ce qui sera apparemment un bienfait économique. Toutefois, comme les acheteurs de ce médicaments seront les Canadiens, les régimes de santé provinciaux, les hôpitaux, etc., on se retrouvera avec un bienfait économique douteux.
Il est donc très important que vous fassiez une distinction beaucoup plus claire entre ces deux objectifs dans le cadre du projet de loi. Au fond, nous vous encourageons à éliminer l'alinéa 4i) de la liste d'objectifs.
Notre autre préoccupation concerne les nominations, qui sont régies par l'article 7. Selon nos juristes, le paragraphe 7(3) n'est pas assez rigoureux... Voici ce qu'il dit:
-
Les membres sont nommés à titre amovible par le gouverneur en
conseil.
Cela semble indiquer qu'ils ne seront pas aussi indépendants qu'ils pourraient l'être.
En conséquence, nous vous invitons à réfléchir à une terminologie similaire employée dans d'autres textes législatifs. Par exemple, lorsqu'il s'agit des droits de la personne, on indique souvent que les personnes doivent avoir «une bonne conduite» ce qui, pour quelqu'un qui n'est pas juriste, semble indiquer que l'on ne peut perdre son poste qu'en cas d'inconduite démontrée. En revanche, une nomination à titre amovible signifie que la personne peut être renvoyée beaucoup plus facilement.
De même, le paragraphe 7(4) dispose que:
-
Le gouverneur en conseil nomme au conseil d'administration des hommes
et des femmes capables de contribuer à la réalisation de la mission
d'IRSC dans l'intérêt de toute la population canadienne. Il envisage
la possibilité d'y nommer des femmes et des hommes reflétant les
normes les plus élevées de l'excellence scientifique et des femmes et
des hommes représentant les divers milieux et disciplines visés.
À notre avis, nommer des personnes reflétant les normes les plus élevées de l'excellence scientifique ne devrait pas être simplement «envisagé» mais être automatique. Nous vous encourageons donc à modifier ce texte pour dire: «Il nomme des femmes et des hommes reflétant».
Nous recommandons une modification similaire au paragraphe 20(4), concernant les nominations aux instituts de recherche en santé.
Finalement—et cela me ramène à ce dont je parlais plus tôt, la commercialisation—il risque d'y avoir une conflit d'intérêts qui n'est pas pris en compte dans le projet de loi au sujet des membres du conseil d'administration. En effet, aucune personne représentant des intérêts commerciaux privés importants ne devrait faire partie du conseil d'administration. Nous parlons en effet ici d'un organisme public qui gérera des millions de dollars de crédits de recherche et qui deviendra probablement l'organisme de décision le plus important au Canada en ce qui concerne la santé future des Canadiens. Il est donc absolument crucial que personne ne puisse avoir le moindre soupçon que ses décisions favorisent tel ou tel intérêt commercial.
En conclusion, nous demandons que le texte soit modifié pour régler cette question de conflit d'intérêts et pour garantir qu'aucun conflit d'intérêts de cette nature ne puisse entacher les nominations au conseil d'administration.
• 1615
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, docteur Turk. Vos recommandations sont fort intéressantes.
Nous allons maintenant passer au Dr Richard Gordon, de la Canadian Association for Responsible Research Funding, toujours de l'Université du Manitoba.
Docteur Gordon.
Dr Richard Gordon (vice-président, Canadian Association for Responsible Research Funding; professeur de radiologie et professeur adjoint de génie électrique et électronique, Université du Manitoba): Merci.
Je m'appelle Richard Gordon et je suis vice-président de la Canadian Association for Responsible Research Funding, la CARRF. Je suis professeur permanent de radiologie et aussi professeur adjoint de génie électrique et électronique à l'Université du Manitoba.
Comme il est important que vous sachiez à qui vous avez affaire, je vais vous donner quelques précisions à mon sujet. J'ai un diplôme en mathématiques et un doctorat en physiochimie.
J'ai deux carrières. Dans le secteur de l'embryologie et de l'évolution, je viens de publier cet ouvrage en deux volumes, que vous pouvez faire circuler autour de la table. Le titre est The Hierarchical Genome and Differentiation Waves. J'y montre comment le mystère de la croissance des embryons peut en grande mesure s'expliquer par la physique combinée à la génétique. J'y explique aussi comment l'évolution a produit des organismes de plus en plus complexes qui ont finalement abouti à l'être humain. J'y explique enfin comment un embryon peut créer de nombreux types de cellules à partir d'une cellule mère, et comment cela est susceptible de donner naissance à une toute nouvelle industrie pharmaceutique.
Ma deuxième carrière est en imagerie médicale. Depuis 23 ans, je m'intéresse à la détection du cancer du sein. Je travaille actuellement avec une entreprise avec laquelle j'ai mis au point un scanner du sein qui devrait permettre de repérer des petites tumeurs du sein avant qu'elles ne se répandent, de façon à les traiter immédiatement aux rayons x. Si cette méthode est aussi efficace que prévu, cette maladie sera guérie. J'espère que vous ajouterez donc au projet de loi sur les IRSC un article me garantissant les 3 millions de dollars dont nous avons besoin pour construire et tester ce prototype.
La CARRF est un organisme empêcheur-de-tourner-en-rond composé d'une quarantaine de professeurs de tout le Canada, dont cinq du Québec. Elle est présidée par Geoff Hunter, un chimiste de l'université York. Le secrétaire exécutif est Alex Berezin, un physicien de McMaster. L'un des vice-présidents est Dan Osmond, physiologue de l'Université de Toronto.
Une dizaine de gens d'autres pays et des membres de l'Institut national du cancer du Canada et de la Fédération canadienne des sociétés de biologie suivent nos débats électroniques et y participent de temps à autre. Nous avons publié de nombreux articles et nous allons bientôt publier un livre. J'ai apporté avec moi une liste de nos publications, si cela vous intéresse. Nous avons aussi participé deux fois à l'émission Quirks and Quarks de la radio de CBC.
Certains d'entre nous interpellons le CRM et le CRSNG depuis 1983. En 1995, nous nous sommes constitués en société dans le but d'appuyer les poursuites intentées par l'un de nos membres contre le CRSNG devant la Cour fédérale du Canada. Nous avons perdu cette cause mais nous n'avons toutefois pas perdu espoir de réformer un jour le système d'octroi des subventions.
Nos adversaires disent que nous sommes de mauvais perdants. Pour ma part, j'ai obtenu 14 subventions fédérales d'une valeur cumulée de plus de 1 million de dollars, ce qui n'est pas trop mal pour quelqu'un qui est avant tout un théoricien. Bon nombre de membres de la CARRF bénéficient actuellement de crédits fédéraux.
Que veulent les membres de la CARRF? Tout simplement, que tous les professeurs d'université qui reçoivent une partie de leur salaire pour faire de la recherche scientifique puissent effectivement en faire. Le système de subventionnement actuel donne tout l'argent disponible à un très petit nombre de scientifiques; les autres n'obtiennent rien—littéralement rien.
Une enquête que Joe Pear et moi-même avons effectuée en janvier dernier au Manitoba a montré que le CRSNG n'a financé que 50 p. 100 de ses scientifiques universitaires visés, et le CRM, seulement 21 p. 100. Bryan Poulin, que vous entendrez après moi, et moi-même avons montré comment les organisations d'innovation donnent à tous leurs scientifiques du temps et de l'argent pour jouer avec des idées folles. Quelques-uns réussissent, ce qui produit des révolutions dans le secteur industriel, sur le plan de la santé et dans nos vies quotidiennes.
Personne ne peut prédire quel scientifique trouvera une idée qui marche, et les scientifiques non plus. Ni le CRM ni l'IRSC ne peuvent faire de telles prédictions.
Le CRM et l'IRSC sont toujours dans la même ornière; ils veulent faire contrôler à mort par des pairs toute idée proposée par un scientifique, quelle que soit son originalité. Vous devez les aider à sortir de cette ornière. Sans une législation fédérale adoptée par la voie d'un amendement apporté au projet de loi des IRSC, le projet de loi C-13, rien ne changera jamais. Par contre, si le Parlement devait exiger par voie législative qu'une fraction du budget des IRSC soit répartie également entre tous les chercheurs de la santé, nous prédisons une augmentation considérable de l'innovation canadienne.
Merci.
Le président: Merci beaucoup de ces remarques. Nous sommes évidemment très intéressés par votre opinion, que vous avez fort bien exprimée.
• 1620
Nous passons maintenant à l'université Lakehead, avec M. Bryan
Poulin, qui y est professeur associé.
M. Bryan J. Poulin (professeur associé en gestion stratégique, Faculté d'administration des affaires, Université de Lakehead): Merci beaucoup.
Monsieur le président, je suis très heureux de pouvoir m'adresser aux membres du Comité permanent de la santé.
Je n'ai pas la prétention d'en savoir beaucoup sur la recherche médicale mais je réfléchis depuis 15 ans au processus de l'innovation. J'y ai consacré ma maîtrise puis j'ai fait un doctorat sur ce qui rend les organisations efficaces et sur la manière de rehausser le moral de leurs membres, ce dont a parlé le Dr Glavin.
Nous pensons que le moral est un facteur très important dans toute recherche. L'une des raisons pour lesquelles je me suis associé au Dr Richard Gordon est que je lui ai dit qu'il y avait des exemples des meilleures pratiques organisationnelles dans lesquelles l'appui était radicalement différent de ce qui se passait selon lui au CRM et dans la nouvelle organisation qui va le remplacer.
Je lui ai parlé de 3M, qui est essentiellement une entreprise qui laisse toute liberté à ses scientifiques, inventeurs et ingénieurs à l'étape des idées. Nous avons utilisé 3M comme référence parce que c'est avant tout une entité commerciale, même s'il est vrai que nous ne considérons pas ici la commercialisation comme une priorité.
Ma définition de l'innovation est sensiblement différente de celle qu'a exprimée le Dr James Turk, malgré certains parallèles. À mon sens, l'innovation commence avec une idée que l'on met à l'essai à l'étape de la faisabilité pour aboutir finalement à la commercialisation. Loin de nous l'idée que tout l'effort soit destiné à la commercialisation. La majeure partie doit être consacrée à l'étape des idées et des essais. Tel est le mandat de la recherche universitaire, de la recherche médicale et de n'importe quel type de recherche. Dans mon esprit, c'est une activité à financement public. Toutefois, il me semble que la réaction des organisations inefficaces est d'essayer de simplifier des choses qui sont naturellement complexes.
Cette simplification est dangereuse. Le monde est complexe, toute recherche est complexe et les phénomènes sont complexes. Même le modèle en trois étapes que nous avons présenté constitue une simplification, mais ce n'est pas une sursimplification qui amènerait à traiter toutes les étapes de la même manière et à faire tout examiner à mort par les pairs avant de commencer à agir. Notre argument est qu'il est impossible de dire, à l'étape des idées, si celles-ci arriveront ou non à la commercialisation; il n'y a donc aucun examen des pairs qui soit valable à cette étape, au sens propre du mot.
Généralement, les gens qui ont des idées neuves sont considérés, soyons francs, comme des fous. La personne qui a inventé ou qui a examiné les phénomènes électriques de l'espèce humaine a été accusée de jouer avec des grenouilles pour les faire danser. Voyez-vous, quand on fait de la recherche motivée par la curiosité, il est très difficile... En fait, il est impossible de savoir où ça va mener. Souvent, l'innovation véritable vient d'une personne qui en sait assez pour voir les choses de manière différente et dont les erreurs peuvent en fait mener à la bonne solution. Il est donc facile de reprocher à quelqu'un d'avoir fait des erreurs apparentes mais il se peut fort bien que ce soit ces mêmes erreurs, provenant de l'initiative et de la curiosité, qui vont produire la solution.
Voici donc notre proposition. Nous proposons que l'on suive le processus d'innovation et que l'on mette en place quelque chose qui le reproduise. À l'étape des idées, il faut qu'il y ait du chaos. Plus tard, à mesure qu'on avance vers l'étape de faisabilité et vers la commercialisation, on doit maîtriser le chaos. Mais on ne doit pas maîtriser le chaos avant même d'avoir commencé. Voilà ce qui constitue à mes yeux la faille fondamentale de la démarche du CRM consistant à faire tout examiner par les pairs, surtout les propositions de scientifiques qui vont faire des percées mais qui ne font pas partie des réseaux établis et qui ne répondront pas à la définition de l'excellence fondée sur le nombre de bourses reçues. L'excellence devrait être mesurée en fonction de la carrière globale, pas d'une étape donnée, et certainement pas de l'étape de démarrage.
• 1625
Revenons à la question du moral. Quand on fait les choses d'une
manière qui reflète la réalité, les gens sont stimulés et dynamiques.
Aujourd'hui, le moral est assez bas mais je pense qu'il remonte parce
que nous nous attendons à des changements avec le nouvel IRSC. Si ces
changements ne se manifestent pas de manière sérieuse, le moral
s'effondrera de nouveau.
Richard et moi-même vous disons qu'il faut accorder un peu d'argent de démarrage aux scientifiques que nous payons déjà 60 000 $ à 70 000 $ pour rester assis dans leur fauteuil sans aucun matériel. Il faut leur donner un peu des ressources dont ils ont besoin pour démarrer. Ensuite, quand des idées arriveront, on pourra les filtrer de manière un peu plus formelle à l'étape de la faisabilité. Puis, à l'étape de la commercialisation, qui est un élément tout à fait minime de l'effort, on pourra arriver à un examen très rigoureux par les pairs. En fait, il ne s'agira plus alors seulement d'examen par les pairs mais plutôt d'examen industriel.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup de ces remarques, docteur Poulin.
Comme je l'ai dit au début, nous allons maintenant donner la parole au Dr Reading. Je précise simplement que le Dr Jeff Reading est professeur assistant à la Faculté de médecine de l'Université du Manitoba. Si je comprends bien, il a aussi été conseiller en recherche sur la santé pour l'Assemblée des premières nations, ici même, à Ottawa.
C'est bien cela, docteur?
Dr Jeff Reading (professeur assistant, Faculté de médecine, Université du Manitoba): C'est cela.
Le président: Nous sommes donc très heureux de vous accueillir aujourd'hui. Vous avez la parole.
Dr Jeff Reading: Merci beaucoup d'avoir ajouté mon nom à la liste des témoins de cet après-midi.
Je représente l'Assemblée des premières nations, dont je suis le conseiller en recherche sur la santé. Nous appuyons depuis le début l'initiative de l'IRSC, et notre appui n'a pas été que théorique. Nous avons réussi dans deux de nos demandes à formuler des propositions au sujet de l'IRSC et celles-ci sont actuellement en cours d'examen. Avec mes collègues de l'Université du Manitoba et de l'Assemblée des premières nations, nous avons formulé un consensus qui a été exprimé dans ces documents.
Nous avons certaines réserves au sujet de l'IRSC, dont le projet avance rapidement. Il n'y a pas de véritable représentation autochtone au conseil d'administration provisoire, mais cela s'explique en partie par un manque de ressources au sein de la collectivité autochtone, bien que nous aimerions qu'une telle proposition soit envisagée pour la composition définitive du conseil.
Comme vous le savez, le Canada jouit d'une réputation enviable à l'échelle mondiale. Depuis cinq ans, les Nations unies disent que c'est le pays qui bénéficie du meilleur niveau de vie. Hélas, cela ne se manifeste pas dans nos 600 réserves autochtones, qui connaissent de nombreux problèmes de diabète, de suicide et de VIH/sida. En fait, pour quasiment tous les indicateurs de santé que l'on peut établir, on constate une disparité énorme pour les peuples autochtones, qui constituent clairement une population particulière pour laquelle on pourrait faire un peu plus d'effort.
La santé autochtone au Canada a été... a connu de nombreux succès dans le passé. Nous avons même été des modèles pour les autres pays circumpolaires. De fait, nous enverrons une grande délégation à la rencontre prévue en juin en Norvège. Nous avons aussi été des modèles pour la Nouvelle-Zélande, l'Australie, l'Afrique du Sud et plusieurs autres pays, du fait des progrès que nous avons réalisés en matière de santé autochtone, ce qui est dû en grande mesure à l'appui consenti par le CRSH et le PNRDS.
L'une de nos préoccupations est que cette tradition de recherche de qualité en santé autochtone soit protégée. Il importe de planifier l'avenir de la santé autochtone et de la prochaine génération de chercheurs. L'une de nos inquiétudes est que cela ne fait pas partie des préoccupations des universités. En tant que discipline, la santé autochtone n'est pas vraiment présente.
Je suis moi-même un Canadien d'origine. Je suis un Indien Mohawk de Tyendinaga. J'ai reçu ma formation à l'Université de l'Alberta et à l'Université de Toronto en médecine cardiovasculaire.
Quand j'ai voulu faire de la recherche sur la santé autochtone, j'ai constaté qu'il n'y avait aucune autre possibilité qu'à l'Université du Manitoba. Mes mentors de cette université m'ont beaucoup aidé mais je pense qu'il faut commencer à tenir compte des préoccupations légitimes des Premières nations en matière de santé et qu'il faut envisager de créer un réseau d'instituts de recherche sur la santé autochtone, couvrant tout le pays.
• 1630
À mon avis, les collectivités autochtones ont tout à gagner d'un tel
scénario, mais il est clair que l'IRSC aurait aussi tout à gagner à
avoir une entité autochtone. Songeons par exemple à un chercheur en
immunologie ou en biologie moléculaire qui souhaiterait légitimement
étendre son travail aux questions de santé légitimes des
Autochtones—par exemple, le diabète chez les enfants autochtones, qui
est un problème naissant. On connaît fort mal les mécanismes de la
pathophysiologie de ce problème et ce chercheur pourrait donc
s'adresser à ses collègues de l'institut qui seraient branchés sur le
réseau des centres autochtones de tout le pays pour que son travail
trouve un écho au sein de la communauté. Il aurait la possibilité
d'entrer dans la communauté de manière respectueuse grâce aux liens
existant à l'intérieur du réseau. En sens contraire, le réseau
lui-même pourrait tirer profit de l'expertise de tous les autres
chercheurs de l'IRSC.
Je pense que la recherche n'est plus aujourd'hui une simple question d'investigations individuelles. C'est plutôt une activité pluridisciplinaire, et la santé autochtone n'est en fait qu'un exemple de situation gagnant-gagnant en recherche pluridisciplinaire dans le sens où la somme est plus grande que le tout.
Les questions de recherche complexes exigent des équipes pluridisciplinaires se respectant mutuellement. Jusqu'à présent, j'ai le sentiment que nous avons joué le jeu et que nous avons fait tout notre possible pour que notre intérêt soit respecté au sein de l'Institut. J'espère que l'on pourra tenir compte de nos préoccupations dans le texte de loi lui-même. Quoiqu'il en soit, ce qui est particulièrement important, c'est que notre communauté soit prise en compte au sein du conseil d'administration et dans l'évolution concrète de l'IRSC.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, docteur Reading. Soyez certain que nous avons pris note de vos recommandations au sujet du conseil d'administration, notamment.
Nous allons maintenant passer aux questions en commençant avec M. Martin.
M. Keith Martin: Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie tous les témoins qui se sont adressés à nous aujourd'hui.
Si certains d'entre vous avez des suggestions à faire ou voulez proposer des amendements au projet de loi, comme l'a fait le Dr Turk, soyez sûrs que nous vous en serions très reconnaissants. Cela nous aiderait dans nos délibérations.
Je tiens aussi à remercier le Dr Reading, qui réside lui aussi dans la meilleure partie du Canada—vous pouvez deviner de laquelle il s'agit.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Le Manitoba, n'est-ce pas?
M. Keith Martin: Il voyage probablement plus que nous, croyez-le ou non.
Je voudrais poser une première question au sujet de l'effet de la recherche fondamentale. J'aime bien ce qu'a dit le Dr Poulin, c'est-à-dire son analogie avec sa théorie du chaos dans la recherche. Comment pouvons-nous nous assurer que la recherche qui n'offre pas de bienfaits immédiats ou futurs quantifiables pour la société ne sera pas laissée de côté par l'IRSC?
Deuxièmement, comment peut-on comparer le modèle de l'IRSC au modèle américain des instituts nationaux de la santé? Comme l'a dit la Dre Black, comment pouvons-nous nous assurer que les docteurs Holbrook de ce monde pourront faire de la recherche sur le Losec et que les entreprises, les fabricants ou d'autres parties ne viendront pas exercer des pressions indues et injustes qui entraveraient ou réduiraient l'indépendance du chercheur du point de vue de sa capacité à poursuivre ses initiatives?
Finalement, comment assurer la reddition de comptes dans tout ce processus, de façon à garantir que ce seront les personnes indépendantes les plus compétentes du pays qui procéderont à l'examen des projets de recherche par les pairs?
Merci.
Le président: Que voilà de bonnes questions. Qui veut commencer?
Dr Gary Glavin: Je vais essayer.
Le mécanisme garantissant que la recherche n'ayant pas d'application immédiate à une maladie particulière, c'est-à-dire la recherche de curiosité—que se passe-t-il si je fais ceci ou cela à cette cellule ou à ce tissu?—est facilement envisageable dans le système de financement de l'IRSC. Il y a de nombreux types différents de propositions de financement mais il y en a deux qui touchent votre question.
• 1635
La première concerne ce qu'on appelle les propositions d'intuition,
c'est-à-dire les cas où le chercheur a une idée ou une hypothèse au
sujet de quelque chose mais sans nécessairement savoir si telle ou
telle expérience pourrait donner ou non une réponse à un problème
fondamental de maladie cardiaque, de diabète ou autre. Une proposition
d'intuition, c'est simplement cela: je me demande ce qui se passerait
si je jouais avec ce gène ou avec cette cellule. Cela permet ce type
de proposition.
Les propositions de défi, par contre, concernent des idées qui peuvent paraître tout à fait délirantes et qui vont complètement contre les conventions. Par exemple, tout le monde dit que A égale B, mais le chercheur pense que A égale C. Les propositions de défi permettent à ce type de recherche de continuer et de s'épanouir dans l'IRSC.
Votre deuxième question concernait la comparaison avec le modèle des NIH. Les NIH, c'est-à-dire les instituts nationaux de la santé, aux États-Unis, sont des établissements en dur. Ce sont des établissements concrets possédant des bâtiments où l'on trouve le National Heart, Lung and Blood Institute, le National Institute of Allergy and Infectious Diseases, etc. Ce sont donc des établissements solides, des constructions réelles, avec des programmes de recherche intra-muros.
Les IRSC sont des instituts virtuels. Cela veut dire que Jeff et moi-même, si nous avons un intérêt commun, lui en Colombie-Britannique et moi à Winnipeg, et si notre recherche a des aspects communs, serons automatiquement reliés par cet institut commun même si nous ne nous rencontrons officiellement que deux fois par an lors de congrès scientifiques. Prenons le cas, par exemple, d'un institut en santé autochtone. Lui et moi serons toujours en contact par le truchement de cet institut sans qu'il soit nécessaire de construire un immeuble avec des briques et du ciment. Le concept d'institut virtuel est donc tout simplement destiné à tirer parti de la technologie d'aujourd'hui.
En fait, je l'ai déjà fait. J'ai conçu les expériences, j'ai fait les expériences, j'ai analysé les données et j'ai rédigé le rapport avec un collègue de Hong Kong sans l'avoir jamais rencontré. Voilà ce qu'on envisage d'élargir dans le cadre de l'IRSC.
Veuillez m'excuser, je suis vieux, j'ai oublié vos troisième et quatrième questions.
Le président: M. Martin aussi.
M. Keith Martin: Vous êtes dur avec moi.
L'autre question était de savoir comment protéger les docteurs Holbrook de ce monde pour préserver leur indépendance.
Dr Gary Glavin: Je ne connais pas la situation à Toronto mais je peux vous dire qu'il y a à l'Université du Manitoba un système en vertu duquel tout scientifique, dans n'importe quelle discipline, pas seulement en santé, qui désire établir une relation contractuelle avec une société privée, par exemple, une compagnie pharmaceutique, doit d'abord être autorisé, premièrement par mon bureau et, deuxièmement, par le juriste de l'université.
Plusieurs critères existent à cette fin. Par exemple, y a-t-il des contraintes quelconques qui limiteront le droit de publier les résultats, quels qu'ils soient, des recherches effectuées dans le cadre de cette relation contractuelle? Un tel contrat ne sera accepté que s'il n'y a pas de contraintes à ce chapitre. Autrement dit, les chercheurs auront toujours la liberté de publier leurs résultats, oralement ou par écrit, que ces résultats soient favorables ou non à l'entreprise.
Le président: Sur le même sujet, la Dre Black, d'abord, puis le Dr Turk.
Dre Charlyn Black: Je tiens à préciser que c'est en fait le Dr Turk qui avait mentionné la Dre Holbrook, mais je pense que c'est un excellent exemple. C'est peut-être moins un exemple du type de conflit dont parlait le Dr Glavin que du type de problème auquel fait face le système canadien de soins de santé.
Il s'agit en effet d'un médecin qui avait été invité à jouer un rôle répondant à l'intérêt public, c'est-à-dire à fournir des données au système de santé sur les raisons pour lesquelles un médicament pourrait être couramment utilisé pour produire le bienfait le plus adéquat possible au moindre coût. Or, elle a tiré des conclusions qui allaient directement à l'encontre de l'objectif financier de la société AstraZeneca et c'est son rôle à l'intérieur du système public qui en a fait la cible d'attaques personnelles. J'estime que c'est une question très importante.
M. Keith Martin: Que l'on parle de la Dre Holbrook ou de la Dre Olivieri, le problème que je mentionne est celui des chercheurs qui produisent des résultats qui vont à l'encontre du volet industriel du partenariat public-privé.
Dre Charlyn Black: C'est cela.
M. Keith Martin: Comment peut-on assurer l'indépendance et la protection de ces chercheurs?
Dre Charlyn Black: Je suis très favorable aux recommandations du Dr Turk, tout au moins en ce qui concerne la représentation des intérêts privés au sein du conseil d'administration. Il ne faudrait absolument pas que ces intérêts privés puissent tirer un avantage direct de la promotion de technologies de santé particulières. Si l'on veut que des intérêts privés soient représentés au conseil d'administration, il serait utile que ce soit des intérêts privés comprenant que l'on parle de développement économique de manière générale et non pas de l'adoption d'un médicament ou d'une technologie donnée.
Le président: Que pensez-vous de tout ça, docteur Turk?
Dr James Turk: Je voudrais revenir à la première question de M. Martin, qui me paraît tout à fait fondamentale pour votre comité. Comment protéger la recherche fondamentale au Canada? Voilà un problème très sérieux qui va au-delà de l'IRSC mais qui n'en est pas moins un facteur fondamental pour l'IRSC.
C'est un souci de tous nos membres. Vous avez peut-être vu, il y a près d'une semaine, qu'un de nos scientifiques les plus réputés, John Polanyi, Prix Nobel, s'est exprimé avec force pour dire que la commercialisation de la science est en train de détruire les universités du Canada et de pousser nos meilleurs jeunes scientifiques à l'étranger. Je le cite:
-
«Si nous n'y prenons garde [...] nous n'aurons bientôt plus
d'universités mais simplement des succursales d'entreprises» [...] «À
ce moment-là, tout ce que les entreprises recherchent dans les
universités—l'étendue des connaissances, la recherche à long terme et
l'indépendance—sera perdu.»
Il a dit que les chercheurs des universités canadiennes dépendent du financement direct de l'industrie deux fois plus que leurs homologues américains, quatre fois de plus que leurs homologues français, et six fois de plus que leurs homologues japonais. Autrement dit, des parts croissantes des budgets de recherche des gouvernements fédéral et provinciaux, c'est-à-dire des budgets de recherche publics, dépendent de l'obtention de partenaires du secteur privé. Cela veut dire que, si une idée quelconque m'intéresse, je ne pourrais pas obtenir de deniers publics tant que je n'aurai pas trouvé un partenaire du secteur privé pour cofinancer le projet.
Cela a pour effet d'étouffer peu à peu la recherche fondamentale car, comme les autres témoins l'ont dit, on ne peut voir dès le début quelles seront les retombées économiques, sociales ou culturelles de ce type de recherche.
Le Dr Polanyi a ensuite ajouté que:
-
[...] ce niveau de financement au Canada a permis à l'industrie
«d'orienter» la recherche en fonction de ses objectifs commerciaux à
court terme pour survivre sur un marché global férocement
concurrentiel. De ce fait, on se retrouve aujourd'hui avec «une
mosaïque» de projets de recherche déconnectés.
Donc, pour répondre à votre question, j'estime qu'il est absolument essentiel que l'IRSC mette un terme à bon nombre de ses programmes de partenariat pour pouvoir se consacrer à de la recherche qui soit directement financée par l'État et pour laquelle on rendra compte de manière publique, et que l'obtention d'un partenaire du secteur privé ne soit pas une condition absolue pour obtenir un financement public.
Ce qui est regrettable, dans ce pays, c'est que le secteur privé effectue de moins en moins de recherche lui-même, beaucoup moins qu'aux États-Unis, ce qui l'amène à essayer de tirer profit des deniers publics pour compléter ses propres maigres budgets de recherche. Il y a beaucoup de raisons à cela. C'est un problème qui est loin d'être récent. Si le comité et le gouvernement ne comprennent pas toute la gravité des remarques du Dr Polanyi, que beaucoup d'entre nous partageons, le problème ne pourra qu'empirer. La seule manière d'effectuer de la vraie recherche fondamentale, c'est d'en assurer le financement public et d'en juger les résultats selon des critères autres que son applicabilité commerciale car, bien souvent, et même la plupart du temps, ces intérêts à court terme ne sont pas les meilleurs pour savoir quel type de recherche effectuer.
Le président: Merci beaucoup. Je vais maintenant passer à M. Ménard.
[Français]
Une question, peut-être?
M. Réal Ménard: Oui, monsieur le président. J'en aurai quatre brèves. Je veux m'assurer que je comprends bien. C'est un peu dans la foulée de ce qu'a dit Keith Martin.
Ma première question s'adresse à M. Turk. Vous souhaiteriez voir un amendement formel au projet de loi pour qu'au conseil d'administration, qui est maintenant provisoire mais qui va devenir permanent et qui sera composé de 20 personnes, ne siège aucun représentant de l'industrie pharmaceutique du médicament d'origine, par exemple. Je sais que l'industrie pharmaceutique générique est autre chose. Est-ce que je comprends bien que l'amendement que vous souhaiteriez que proposent les membres du comité serait qu'il n'y ait aucun membre du conseil d'administration qui représente l'industrie pharmaceutique ou le secteur privé de quelque façon, ou encore qui soit lié en aval ou en amont à la commercialisation de médicaments?
Peut-être est-ce un amendement intéressant, mais n'oubliez pas que l'industrie du médicament d'origine—je ne crois pas d'ailleurs que ses représentants vont comparaître devant le comité—investit à peu près 500 millions de dollars dans la recherche au Canada. Ne serait-il pas dangereux, dans une perspective de partenariat, de se priver de la présence de gens qui sont quand même des partenaires importants dans la recherche? J'aimerais que vous m'expliquiez clairement votre position là-dessus.
• 1645
Je vais poser mes quatre questions en rafale. Ainsi, je n'aurai pas
besoin de parler à nouveau, ce qui sera à l'avantage de tous.
Madame Black, vous avez dit qu'au Canada, historiquement, pour des raisons que vous n'avez pas expliquées et que vous pouvez peut-être nous laisser entrevoir, il s'est fait peu de recherche dans le secteur des services de santé.
Ce matin, j'ai fait une présentation du projet de loi à mon caucus. Vous savez qu'à la Chambre, tous les partis se réunissent le mercredi matin. La première chose que mes collègues m'ont demandée, c'est si un tel projet de loi ne risquait pas d'empiéter dans un domaine de compétence provinciale. Pour ma part, je pense que non, et c'est ce que j'ai plaidé auprès de mon caucus.
Est-ce que le fait de financer directement des recherches dans le domaine des services de santé vous apparaît compatible avec le respect des juridictions constitutionnelles?
Voici ma troisième question. Je ne me rappelle pas si c'est le Dr Poulin ou le Dr Gordon qui semblait souhaiter qu'il y ait une répartition équitable des ressources budgétaires dans chacun des instituts. Dites-vous que, si 10, 12 ou 13 instituts sont créés par le conseil d'administration, chacun de ces instituts devra jouir des mêmes ressources budgétaires et disposer d'un même budget? Ce n'est certainement pas ce que vous avez voulu dire, mais c'est un peu ce qu'on pouvait comprendre. Vous aurez donc l'occasion de vous expliquer.
Voici ma dernière question. Si on vous demandait, à tous et chacun d'entre vous, dans quels secteurs vous souhaiteriez voir apparaître ou désigner des instituts de recherche, qu'est-ce que vous nous répondriez?
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons commencer avec vous, docteur Turk.
Dr James Turk: Je tiens à préciser d'emblée une chose: beaucoup des remarques concernant la commercialisation donnent l'impression que quiconque critique la commercialisation critique aussi la recherche industrielle, ce qui n'est pas du tout le cas. La question qui compte pour nous est de savoir quel type de recherche on fait.
Dans la même entrevue, le Dr Polanyi soulignait une différence importante entre les États-Unis et le Canada. Aux États-Unis, on estime généralement que c'est l'industrie elle-même qui doit se charger de la recherche industrielle, que celle-ci soit pharmaceutique ou autre. Ce sont les entreprises qui peuvent le mieux la faire. Ce sont elles qui sont près des marchés. Ce genre de recherche ne devrait pas être confié à des chercheurs universitaires ou à des chercheurs fondamentaux.
L'un des problèmes du Canada est que le secteur privé ne fait pas assez de recherche lui-même, ce qui amène à compromettre la recherche financée par l'État.
Donc, en réponse à votre question, oui, l'industrie pharmaceutique doit faire de la recherche. Elle doit faire et financer sa propre recherche. L'entreprise qui veut mettre au point un nouveau médicament pour obtenir de plus gros profits devrait financer cette recherche elle-même. La recherche financée par l'État devrait porter sur une recherche beaucoup plus motivée par la curiosité, c'est-à-dire une recherche visionnaire, et c'est ça qui est en danger.
Je regrette de vous donner des exemples concrets mais cela me paraît nécessaire pour sortir de la théorie.
Je vais vous donner un autre exemple concret et ceux d'entre vous qui...
M. Réal Ménard: Je veux des exemples concrets.
Dr James Turk: D'accord.
Vous avez peut-être vu cet exemple il y a deux semaines dans le Citizen. Il y avait un article de première page sur Jimmy Xu, qui occupe la chaire Nortel de technologies émergentes à l'Université de Toronto et qui va quitter l'Université de Toronto pour aller à l'université Brown. C'est un scientifique de haute réputation qui fait de la recherche à caractère commercial. Je veux dire par là que c'est le professeur Nortel.
Quand on lui a demandé pourquoi il voulait partir, il a dit qu'il ne partait à cause des impôts ni parce qu'il allait gagner plus d'argent ailleurs mais parce que la possibilité d'obtenir des crédits de recherche au Canada dépend tellement de l'obtention de partenaires du secteur privé, qui orientent les projets de recherche, que cela l'empêche de faire le type de recherche qu'il désire.
Il a poursuivi en disant—et je le cite:
-
«Le Canada vient de passer par une étape qui a été quasiment
l'industrialisation de la R-D (recherche et développement)» [...] Les
organismes de financement gouvernementaux «ont encouragé et, à
certains égards, imposé de la recherche guidée par l'industrie.»
-
[...] les subventions de recherche du gouvernement ou d'autres sources
dépendent trop souvent de l'obtention d'un commanditaire industriel,
ce qui risque d'aggraver encore plus le retard du Canada dans les
domaines de recherche de pointe [...]
-
«La R-D est censée mener le développement industriel. Si je prends
une métaphore, la R-D est le boeuf, et l'industrie est la charrue»
[...] «Le boeuf devrait se trouver devant la charrue. À l'heure
actuelle, dans bien des cas, c'est le contraire.»
Il a donc décidé de quitter le Canada parce qu'il ne peut obtenir les crédits de recherche publics qui lui donneraient la liberté requise pour faire sa recherche sans que celle-ci soit guidée ou orientée par des intérêts du secteur privé.
Le président: Merci.
Docteure Black, s'il vous plaît.
Dre Charlyn Black: Je crois que la question qui m'était posée était de savoir s'il y a un danger dans le fait qu'une organisation de financement fédérale entre dans des secteurs qui relèvent clairement des compétences provinciales ou qui sont importants du point de vue des prérogatives provinciales.
[Français]
M. Réal Ménard: Les services de santé.
[Traduction]
Dre Charlyn Black: Oui, les services de santé.
Il y a beaucoup d'exemples au Canada de différences en matière de prestation des soins, ce qui n'empêche pas que beaucoup des problèmes soient les mêmes. En fait, nous avions autrefois une très forte présence nationale du PNRDS qui appuyait, je le sais, beaucoup de recherche effectuée dans les provinces et qui permettait aux différentes provinces de connaître les innovations dans les différentes provinces et de comprendre si certaines avaient été couronnées de succès ou non.
Certaines provinces ont clairement pris des initiatives pour étoffer leurs propres capacités de recherche dans le secteur de la santé. Le Québec en est un exemple éclatant. En même temps, il n'y a peut-être pas assez de partage des résultats entre toutes les provinces. J'espère qu'un mécanisme de financement au palier fédéral nous donnera l'occasion de faire un certain nombre de choses: examiner et comprendre certaines des différences dans les méthodes de mise en oeuvre des services de santé; étudier l'efficacité des différentes démarches; comprendre les résultats; et pouvoir en tirer les leçons.
Ce que nous essayons de faire, c'est de trouver le moyen de faire la lumière sur les résultats de façon à ce que nous puissions tous tirer les leçons des différences, ce qui nous aidera à prendre des décisions correctes au niveau fédéral. De cette manière, chaque province pourra décider de son côté quelles décisions elle veut prendre aussi.
Le président: Merci beaucoup.
Docteur Poulin.
M. Bryan Poulin: Je pense que l'on m'a posé deux questions mais je reviendrai à la réponse du Dr Turk au sujet de la protection de la recherche fondamentale au Canada. Je reviendrai aussi à ce qu'a dit le Dr Turk au sujet du partage.
On peut soit se faire une concurrence féroce, soit coopérer. Je reviens aux questions de M. Martin et de M. Ménard qui concernaient essentiellement ce qu'on donne aux chercheurs sur le plan financier.
Protéger la recherche fondamentale au Canada n'a en fait rien de très difficile puisque les scientifiques choisissent eux-mêmes leur champ d'action. La motivation des scientifiques n'est pas vraiment en cause. Si c'est nécessaire, certains sont même prêts à utiliser leurs propres ressources financières pour poursuivre leur recherche. Ce sont des gens qui sont extrêmement motivés, et qui sont aussi hautement qualifiés. Ils ont tous des diplômes supérieurs ou des doctorats. Ils sont extrêmement bien filtrés par le système. Pour obtenir un poste de professeur à temps plein dans une université, il faut faire la preuve d'un certain potentiel ou d'une certaine performance.
Je veux rester poli. Je ne veux pas être brutal ni insulter personne mais je pense que ceci doit être dit: il est arrogant de rêver à des choses telles que des subventions de recherche en termes de propositions d'intuition ou de propositions de défi. Écoutez, ce serait de la folie. Les gens, quand ils effectuent de la recherche à partir d'idées visionnaires, ne paraissent chaotiques que vus de l'extérieur. Au bout d'un moment, à mesure que leurs idées se développent, le chaos apparent disparaît et leur vision devient claire.
• 1655
Je suis d'accord avec cet article. Les gens ne partent pas du Canada
pour des raisons d'argent. Ils partent parce qu'ils n'obtiennent pas
de ressources. Si vous prenez une liste des 20 choses et personnes qui
obtiennent des ressources, l'argent va vers le bas. Mais quand les
gens n'obtiennent pas de ressources, alors, et c'est l'exception, la
question des ressources devient prédominante. Elle n'est là que parce
qu'elle n'a pas été réglée.
Ce que nous faisons aujourd'hui au Canada, c'est que nous laissons de côté 80 p. 100 de ces professionnels extrêmement motivés et extrêmement qualifiés. Nous les payons pour qu'ils occupent des chaires et, soit qu'ils utilisent leur propre argent pour faire de la recherche, soit qu'ils attendent des subventions de recherche qui n'arrivent pas. Ils consacrent parfois jusqu'à six mois de leur année à soumettre des demandes qui ne sont jamais acceptées. Et on entend ensuite le CRM dire qu'il finance 58 p. 100 de toutes les demandes, ce qui est vrai mais, après avoir essuyé des refus pendant de nombreuses années, beaucoup de gens décident d'en finir avec ce système et de prendre l'argent de leur propre poche, merci beaucoup, plutôt que de passer six autres mois à demander une subvention de recherche qui n'arrivera jamais. Pourquoi ne pas faire un tout petit peu de recherche? C'est ça qui se passe vraiment. S'ils sont vraiment brillants et qu'ils font face à ce type d'obstacles structurels, ils lèvent leurs pénates et s'en vont aux États-Unis. Qui pourrait le leur reprocher?
Pour en revenir à l'idée de M. Ménard, nous demandons un article supplémentaire par lequel le gouvernement obligerait le CRM ou l'IRSC, qui n'écoutent pas... Cela fait dix ans qu'ils n'écoutent pas. Je regrette, je parle d'expérience.
J'ai passé un peu de temps en Nouvelle-Zélande où j'ai vu les Premières nations acquérir du pouvoir. D'abord, on leur a donné des ressources et puis, d'un seul coup, elles ont pris du pouvoir. Cela n'arrive pas sans ressources.
Il faut donc exiger qu'un petit pourcentage aille à l'étape des idées, sans une seule demande. On a déjà eu assez de filtrage. Cela se fait par les universités. Donnez aux universités 20 p. 100 à 40 p. 100 de votre budget, ce qui est moins que l'excédent que vous allez donner à long terme. Je pense que vous allez l'augmenter de quelque chose comme 40 p. 100, 50 p. 100 ou 60 p. 100. Donnez donc une bonne partie de ça à l'étape des idées. Ne demandez pas aux chercheurs de passer tout leur temps à remplir des formulaires de demande. Laissez-leur faire de la recherche. Ils travaillent 60 heures par semaine. Vous en aurez 100 p. 100, ou au moins 98 p. 100, qui travailleront de manière utile, au lieu de seulement 20 p. 100.
La raison pour laquelle les gens ne partagent pas est qu'ils se font concurrence. Si l'on doit faire concurrence et que l'on n'a qu'une chance sur cinq, va-t-on partager son idée? Ce serait stupide.
Le système actuel est structurellement vicié. Nous proposons donc une répartition plus large d'une partie du budget. Bien sûr, à terme, les universités trouveront le moyen de rendre cela un peu moins égal en récompensant les gens qui produisent un plus grand nombre de bonnes idées mais, au début, restons simples et partageons l'argent de manière égale, peut-être pendant une période de cinq ans, après quoi on obtiendra des réactions et on pourra tirer des leçons dans l'esprit de l'innovation. Je pense qu'il y aura beaucoup plus d'innovation et qu'on aura alors la différence que l'on demande.
Je pense que nous pourrions tous être d'accord sauf que nous voulons rester dans l'ornière, comme dit le Dr Gordon, et que nous sommes tout simplement trop butés pour reconnaître que les autres peuvent en fait avoir de meilleures idées.
Si vous voulez des exemples, regardez les organisations qui réussissent. Elles donnent de l'argent à l'étape des idées, sans aucune condition. À mesure que ça devient plus faisable, elles posent de très sérieuses questions. Lorsqu'on approche de la commercialisation, elles posent les questions les plus sérieuses. Merci.
Le président: Merci.
Docteur Glavin, pour conclure sur ce sujet, rapidement.
Dr Gary Glavin: Merci. Je voudrais simplement parler très brièvement de la commercialisation, qui me semble être le fil conducteur de cette question. Je précise dès le départ que ma réponse ne sera ni arrogante ni folle. Elle sera factuelle.
Le processus semble fonctionner d'une manière différente. Je vais vous donner un exemple concret. Un membre de notre université faisait de la recherche fondamentale sur la biologie du cancer. La commercialisation ne l'intéressait absolument pas. Seulement la recherche fondamentale sur le cancer. Il a isolé un mécanisme grâce auquel les cellules cancéreuses ne meurent pas. Au fond, elles s'immortalisent. Il s'agissait là d'un processus biologique fondamental qu'il a publié. C'est seulement à cette étape que l'industrie pharmaceutique est entrée en contact avec lui en lui disant: «Nous avons lu votre article. Nous souhaitons évidemment produire des médicaments contre le cancer. Nous aimerions discuter du processus que vous avez observé.»
• 1700
Il a donc rencontré les représentants de l'entreprise et, en fin de
compte, il a obtenu un budget de recherche d'une compagnie
pharmaceutique, sans aucune condition. L'entreprise souhaitait
accélérer le processus qui lui avait permis de découvrir les processus
fondamentaux dans les cellules cancéreuses. Elle a consommé
l'information, comme tous les gens qui ont lu ses articles, et elle
l'a adaptée à son propre travail pour produire de nouveaux médicaments
contre le cancer.
Il n'est pas inutile de savoir que 60 p. 100 des recherches citées dans les demandes de brevets des compagnies pharmaceutiques—elles doivent donner les références des arguments scientifiques qu'elles avancent—concernent de la recherche universitaire, laquelle est en grande mesure financée par le Conseil de recherches médicales du Canada. C'est de la recherche fondamentale, pas de la recherche commercialisée. Mais c'est un partenariat très important.
Donc, dans beaucoup de cas, l'entreprise arrive après que le scientifique ait lu ce qui a été publié et c'est seulement à ce moment-là qu'elle négocie un accord ou un autre. Parfois elle le fait, parfois non. Quoi qu'il en soit, le chercheur ne vend pas son âme.
Le président: J'allais vous donner un peu de latitude car je sais que vous souhaitez intervenir, docteur Gordon. Nous avons beaucoup d'autres questions, et le Dr Patry a été très patient. Je vous demande donc de répondre très rapidement.
Dr Richard Gordon: Je voudrais répondre très rapidement à la question de M. Martin et donner une précision à M. Ménard.
En ce qui concerne l'IRSC et les NIH, monsieur Martin, les NIH comprennent deux parties très distinctes: une, qu'on appelle le programme extra-muros, qui est similaire au programme de subventions du CRM.
L'autre est le programme intra-muros, qui occupe près de 3 000 scientifiques qui, comme l'a dit le Dr Glavin, travaillent dans des laboratoires qui se trouvent pour la plupart à Bethesda, au Maryland. Ces gens-là n'ont jamais à demander de subventions. Ils ont tous un budget de recherche. Ils ont des mécanismes au cas où quelqu'un a quelque chose de plus ambitieux. Ils ont une hiérarchie de type militaire en termes d'organisation. Ils ont produit plusieurs Prix Nobel. Leur production d'articles médicaux est hors de proportion. Ce sont tous des fonctionnaires du gouvernement américain. Ils occupent leur emploi à vie. Ils ont des postes permanents. Dans cette atmosphère, ils peuvent faire beaucoup de travail excellent. Cela ne fait pas partie du modèle IRSC.
Je tenais donc seulement à préciser qu'il y a deux modes très différents au sein des NIH. Les NIH sont schizophrènes. Ils n'appliquent jamais ce mode interne, qu'ils considèrent comme un grand privilège, au programme extra-muros où ils donnent des subventions. Il y a une mentalité très bizarre là-bas.
Pour M. Ménard, je pense qu'un document intitulé «How to Organize Science Funding» a été distribué. Il existe en version française et je pense que l'article 7 précise notre intention en ce qui concerne la distribution des fonds. Essentiellement, nous aimerions que chaque scientifique du secteur de la santé reçoive directement une somme de l'ordre de 10 000 $ à 20 000 $ par an, sans aucune condition. Il devrait passer un test de qualification, ce qui serait tout à fait concevable. Ensuite, il n'y aurait aucun examen par les pairs. Quand on y pense, 10 000 $ à 20 000 $ par an, ce ne serait qu'une petite fraction de leur salaire, qu'ils obtiennent de toute façon, mais une partie de leur mandat serait de faire de la recherche.
Le président: Merci beaucoup de ces précisions.
Monsieur Patry, s'il vous plaît.
[Français]
M. Bernard Patry: Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Merci.
J'ai deux questions, une pour le Dr Poulin et une pour le Dr Gordon.
Tout d'abord, merci d'avoir fourni un synopsis dans les deux langues officielles. C'est quelque chose que j'apprécie beaucoup, pour moi-même et pour M. Ménard.
Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit au sujet de l'article 7:
-
Nous recommandons des subventions de base de 10 000 $ à 12 000 $
par an pour les quelque 10 000 chercheurs en santé du Canada, avec
un simple test de qualification, sans examen par les pairs.
Si je comprends bien, le projet de loi C-13 sera une copie du projet de loi du CRM qui, actuellement, prévoit un examen par les pairs. Or, vous avez mentionné à deux reprises—et c'est pourquoi j'y reviens—qu'il faut financer la curiosité. Faire des erreurs peut amener à faire des découvertes.
• 1705
Qui sera chargé de vérifier les compétences s'il n'y a pas d'examen
par les pairs? Voyez-vous, je pense que c'est important mais je ne
sais pas qui s'en occupera.
Voici ma deuxième question: Pouvez-vous nommer un pays quelconque—étant donné que vous avez dit que cela existait ailleurs—qui octroie des subventions sans examen par les pairs? Allez-vous simplement donner de l'argent à quiconque propose une idée? Allez-vous dire: «Tiens, vous êtes chercheur et, juste par curiosité, nous allons vous donner 25 000 $?» J'ai des problèmes avec ça. C'est ma première question.
Je suis cependant content qu'il y ait aujourd'hui certaines personnes qui ne soient pas complètement d'accord avec le projet de loi, à certains égards—c'est pour ça que vous êtes ici—et je veux simplement avoir des précisions là-dessus.
Le président: Merci beaucoup.
Docteur Poulin.
M. Bryan Poulin: Il est intéressant que la vie humaine soit paradoxale. Ce qui vous semble être un paradoxe, c'est de donner de l'argent ou des ressources et de trouver ensuite certaines choses merveilleuses. Cela peut sembler paradoxal. C'est pourquoi beaucoup de gens utilisent ce modèle, qui est cette reddition de comptes. Je sais que les hôpitaux parlent de reddition de comptes: il y a sept comptables et, au moment où les experts de la reddition de comptes en ont fini, on se retrouve avec 70 comptables et plus aucun médecin.
M. Bernard Patry: Je suis d'accord.
M. Bryan Poulin: Ce qui se passe ici, c'est que nous avons utilisé une entreprise strictement commerciale comme exemple de ce qui se fait de mieux, à titre de référence. Nous avons utilisé 3M, qui est une organisation commerciale.
Nous avons constaté—et je le sais depuis un certain temps—qu'elle donne 15 p. 100 de ses ressources, sans aucune condition, à ses techniciens, ses ingénieurs, jusqu'à des scientifiques—sans aucune condition—et qu'elle donne ensuite des subventions. Quand quelqu'un a une idée, elle lui donne une petite subvention, avec un simple formulaire de demande.
Quand on en arrive à l'étape de la faisabilité, les questions se font beaucoup plus précises et l'examen est beaucoup plus rigoureux. Lorsqu'on arrive à l'étape de la commercialisation—puisqu'il s'agit après tout d'une entité commerciale—la personne passe à la moulinette.
C'est simplement le cas de 3M. Nous nous sommes ensuite demandé si d'autres organisations agissent de même et, bien sûr, il y en a. Prenez les laboratoires Bell, qui ont eux aussi produit plusieurs Prix Nobel dont le moindre n'a pas été celui couronnant l'invention du circuit intégré, qui a débouché sur les micro-ordinateurs pour tout ce qui produira la nanochirurgie de l'avenir, où l'on pourra entrer et attaquer une cellule. Cela n'a été possible qu'avec l'aide de ces ordinateurs et de cette technologie de pointe. Ça, c'est arrivé dans les laboratoires Bell, où il n'y a aucun filtrage, aucune, comme on dit, reddition de comptes.
Qu'est-ce qui fait que les scientifiques rendent des comptes? Dans un environnement d'innovation, les gens qui obligent les autres à rendre des comptes sont les scientifiques les plus brillants. Rester dans un système très créatif quand on ne l'est pas soi-même, c'est un peu comme faire partie des Canadiens de Montréal sans savoir jouer au hockey. Croyez-vous que ça pourrait durer longtemps? On ne serait même pas autorisé à chausser ses patins. C'est ça que nous disons.
Cela peut paraître contradictoire et c'est pourquoi il est tellement difficile—je regrette de devoir le dire—à des non-visionnaires de le voir. Les gens qui veulent un système de reddition de comptes, ceux qui sont au fond d'eux-mêmes des comptables, ne peuvent jamais voir l'avenir tel qu'il sera—ce sont ceux qui sont capables d'être créatifs qui peuvent le faire. À ce moment-là, ils restent au Canada si leur environnement est créatif.
Une dernière remarque. Nous ne sommes pas opposés au financement supplémentaire que vous envisagez d'accorder à la recherche médicale.
Une voix: Non?
M. Bryan Poulin: Pas du tout. Nous en sommes très heureux. Nous n'avons absolument rien contre les scientifiques qui font déjà des découvertes grâce aux fonds du CRM. C'est merveilleux.
Ce que nous disons—et Richard Gordon a trouvé la bonne formule—c'est que c'est la pointe de l'iceberg de l'innovation et des idées qui n'ont jamais vu le jour. Nous avons peut-être 20 p. 100 à 30 p. 100 du potentiel que nous pourrions avoir si nous mobilisions tous nos scientifiques. Notre argument est que mobiliser un scientifique n'est pas seulement une bonne idée, c'est aussi ce qui arrive quand le moral, la confiance et la créativité sont au rendez-vous, parce que les gens savent qu'ils pourront faire carrière dans les sciences, qu'ils obtiendront un financement stable et qu'ils pourront faire preuve de curiosité, au moins dans une certaine mesure, même s'ils n'obtiennent pas de subvention pendant 10 ans. Il y aura un certain niveau qui leur permettra de poursuivre leur travail.
Le président: Merci, docteur Poulin.
M. Bryan Poulin: Et c'est ce que nous disons.
Le président: Monsieur Patry, voulez-vous une réponse du Dr Gordon et du Dr Reading?
M. Bernard Patry: Non, je voulais poser une autre question au Dr Turk.
Docteur Turk, dans votre réponse à M. Ménard au sujet de la compagnie pharmaceutique, il m'a semblé—je ne sais pas si j'ai bien compris—que vous demandiez qu'aucun financement ne soit donné aux universités par les compagnies de médicaments brevetés. J'ai cru comprendre que, selon vous, ces compagnies ne devraient pas avoir leur place dans les universités et que celles-ci devraient être financées uniquement à même les deniers publics.
Pour en revenir à notre projet de loi, il me semble que vous êtes très inquiet par le risque de conflit d'intérêts ou, surtout, par la perception de conflit d'intérêts, et que vous préféreriez que l'on sépare clairement les facteurs économiques de la recherche elle-même.
J'ai deux brèves questions à vous poser. Dans ma lecture du projet de loi, je n'ai pas eu l'impression que les instituts de la santé qui allaient être formés—certains d'entre eux n'auront aucune base économique. Ce ne sera pas assuré pour la recherche en santé ou des choses comme ça, ce ne sera pas commercialisé après. Pour moi, cela n'a rien à voir avec ces dispositions. En revanche, j'aimerais le savoir parce que c'est le prolongement du CRM. Avez-vous connaissance de conflits d'intérêts quelconque qui se soient produits ces dernières années au sujet de questions économiques dans ce que faisait le CRM?
En outre, je voudrais faire une remarque. Ce ne sera pas une question. Je prends le cas du Québec et de BioChem Pharma. BioChem Pharma a démarré avec une subvention à l'université McGill. Aujourd'hui, c'est l'une des trois entreprises qui connaissent le plus de succès au pays, avec le 3TC. Je pense que c'est bon pour ma région, ma province, le pays, le monde.
J'aimerais donc avoir quelques précisions à ce sujet pour voir si nous pourrions améliorer le projet de loi.
Le président: Merci beaucoup.
Docteur Turk
Dr James Turk: Merci, monsieur le président.
En réponse à votre première question, monsieur Patry, je ne disais pas qu'il ne devrait jamais y avoir de financement industriel de la recherche universitaire. Ce que je disais, c'était que les chercheurs en université qui veulent demander de l'argent aux compagnies pharmaceutiques, aux entreprises, doivent avoir la liberté de le faire. Je pense que M. Glavin a dit que la plupart des universités ont des politiques établissant les conditions dans lesquelles cela peut se faire: on ne peut pas signer d'ententes fondées sur le secret de la recherche—il y a divers mécanismes de protection. Il n'y a rien de mal à cela.
Ce à quoi je m'opposais, c'est à l'argent public qui passe par les conseils de subventionnement et pour lequel l'une des conditions est que l'on ait un partenaire du secteur privé car cela veut dire que les intérêts du secteur privé peuvent à toutes fins pratiques imposer leur veto à l'octroi d'une subvention. Comprenez bien cela. Je comprends votre question mais je tenais à ce que ma réponse soit bien claire.
M. Bernard Patry: Très bien. C'est clair.
Dr James Turk: Deuxièmement, vous disiez qu'un certain nombre d'instituts de la santé n'auront manifestement pas de base économique. En fait, je crois que c'est M. Ménard qui avait posé une question au sujet d'exemples d'instituts de recherche que nous pourrions appuyer. Je pense que notre organisation estime que la liste figurant au paragraphe 20(4) est une liste de domaines assez exhaustive. Je pense que nous sommes d'accord avec cette liste.
Pour ce qui est des secteurs ayant une base économique, quand nous disons qu'il faut donner à la recherche un financement public, ça ne veut pas dire que cette recherche ne produira jamais de résultat commercial. Je ne connais pas les détails de BioChem Pharma mais je sais qu'il y a beaucoup de recherche qui est faite par beaucoup de gens qui... Je donnais l'exemple de John Polanyi et de Jimmy Xu pour deux raisons. Voilà des gens qui effectuent de la recherche qui a une importance commerciale énorme.
Ce que nous disons c'est que, pour pouvoir faire cette recherche, ils ne veulent pas devoir subir les diktats du secteur privé. Ils veulent l'argent... et ce type de recherche est souvent... en fait, je dirais que ce type de recherche est pratiquement toujours celui qui produit le plus de bienfait économique, par opposition à la recherche de conception étroite comme «allez trouver la solution de ce problème». Ce n'est pas comme ça qu'on fait des choses créatives. Je ne sais pas si cela répond à vos questions.
M. Bernard Patry: Cela y répond très bien. Merci.
Le président: Docteur Glavin.
Dr Gary Glavin: Deux brèves remarques au sujet de la commercialisation. Je ne suis pas en désaccord avec le Dr Turk mais j'aimerais apporter deux brèves précisions.
La première concerne l'affaire Olivieri, qui constitue à l'évidence un cas célèbre de relation qui a dérapé entre un chercheur et une compagnie pharmaceutique. N'oubliez pas cependant que l'Université de Toronto, en fin de compte, a demandé à un ex-président de notre université, le Dr Arnold Naimark, de faire une enquête et de produire un rapport, qui est aujourd'hui public. Or, l'une des choses qui en ressortent très clairement, c'est que cette situation est évidemment terrible. Cela dit, Mme Olivieri n'est pas passée par le processus que j'ai décrit, c'est-à-dire que son contrat n'a pas été filtré par l'université. Elle l'a signé elle-même et elle a cédé ses droits. Premier point.
• 1715
Deuxième point, c'est un très petit pourcentage du budget du CRM, et
de ce qui sera l'IRSC—2,4 p. 100—qui est prévu pour le partenariat
avec l'industrie pharmaceutique. Le pourcentage est très petit.
N'oubliez pas cependant aussi qui en est le bénéficiaire. Si vous êtes
chercheur dans une université, dans le secteur de la santé, et que
vous obtenez ce qu'on appelle une UI, c'est-à-dire une subvention
université-industrie, en vertu de ce programme particulier, cette
subvention aura été obtenue à l'initiative du chercheur, pas de
l'entreprise. Deuxièmement, il y aura un examen par les pairs.
Troisièmement, le chercheur aura toute liberté de faire ce qu'il veut
des résultats.
Les autres bénéficiaires de cela sont bien sûr aussi les étudiants de la personne qui aura obtenu la subvention. L'industrie pharmaceutique du Canada manque actuellement de quelque 5 000 à 6 000 chercheurs en santé au niveau du doctorat ou de la maîtrise, ce qui veut dire que les étudiants qui auront travaillé avec la personne qui aura oeuvré dans l'une de ces relations avec une entreprise se verront automatiquement ouvrir des portes vers cette entreprise. Ils auront plus de chance d'y travailler. L'entreprise le sait très bien.
M. Bernard Patry: Merci.
Le président: Docteur Turk, à ce sujet.
Dr James Turk: Je voudrais faire une brève réponse au Dr Glavin. Malheureusement, la situation n'est pas aussi rose qu'il l'indique.
Il y a plusieurs questions en jeu. Quand un chercheur obtient des crédits industriels associés à des crédits publics, cela oriente la recherche. Cela oriente aussi la recherche de l'étudiant, dans la mesure où celui-ci obtient le message que l'on fait de la recherche au service de quelqu'un plutôt qu'au service de la science. C'est l'une de nos réserves.
Deuxièmement, dans le cas de Mme Olivieri, et dans plusieurs autres cas qui ont été portés à notre attention où des chercheurs ont signé des accords, notre préoccupation est que l'université ne les a pas défendus contre cette entrave au du droit de publier, notamment.
La situation est donc un peu plus complexe qu'il n'y paraît, me semble-t-il.
Le président: Docteur Turk, avant de passer au Dr Reading. Je voudrais cependant obtenir une précision: vous avez parlé de «veto». Vous avez dit qu'il pourrait y avoir un veto contre les chercheurs.
Dr James Turk: Oui.
Le président: En avez-vous des exemples concrets?
Dr James Turk: Ce que je voulais dire, c'est qu'un conseil de subventionnement va me dire qu'il approuve ma demande à condition que je puisse obtenir un partenaire du secteur privé... Autrement dit, si vous prenez le cas de la Fondation canadienne pour l'innovation, qui fournit 40 p. 100, vous devez trouver 60 p. 100 ailleurs.
Donc, si vous ne trouvez pas d'entreprise privée que votre projet intéresse, ça veut dire que ces entreprises privées exercent à toutes fins pratiques un veto étant donné que, même si l'organisme de subventionnement public donne son accord, s'il pense qu'il s'agit d'une bonne recherche et qu'il est prêt à la financer, les fonds ne seront pas accordés si vous ne trouvez pas de partenaire du secteur privé.
C'est dans ce sens que je parlais de veto.
Le président: Bien. C'est la précision que je voulais obtenir.
Docteur Reading, après quoi nous passerons à Mme Wasylycia-Leis.
Dr Jeff Reading: Je voudrais juste dire quelques mots de la demande non satisfaite en recherche. J'ai terminé mon doctorat en 1994 et beaucoup des gens avec qui je travaillais alors soit sont partis du Canada, soit ont complètement abandonné la recherche.
Bon nombre de titulaires d'un doctorat font de la médecine clinique pour gagner leur vie et faire une carrière ou font de l'enseignement. À mon sens, cela signifie que ceux qui sont restés en recherche l'ont fait parce que c'est pour eux une passion et qu'ils ont un esprit curieux.
Nous en avons un exemple, qui confirme l'existence d'une demande insatisfaite dans la recherche, à l'Université du Manitoba. L'Assemblée des chefs du Manitoba a offert 500 000 $ pour créer un institut de recherche à l'université. Nous avons réussi, dans le cadre de ce concours de subvention pour l'innovation, à obtenir des fonds qui ont été investis dans l'institut et cela fera l'objet d'une présentation qui commencera demain dans tout le Canada sur les questions d'innovation.
Ce n'est là qu'un exemple de la demande insatisfaite dans le secteur de la recherche et de ce qui va arriver... Le concours est très difficile. Il y a beaucoup de candidats. C'est comme si on s'adressait à un groupe d'affamés. Grâce à cette ressource, on va pouvoir commencer à assouvir leur faim. Peut-être arriverons-nous dans quelques années à revenir à un équilibre dans ce domaine.
Voilà mon impression.
Je voudrais en profiter aussi pour parler des prérogatives provinciales. Il y a dans le pays quelque 600 Premières nations qui ont une relation historique et juridique avec le gouvernement du Canada et il ne serait pas normal, sans compter que cela ne réussirait pas, de s'adresser aux gouvernements provinciaux pour obtenir des crédits de recherche afin de créer une infrastructure de recherche en santé. Donc, nous considérons ceci comme une occasion très importante et essentielle de développer ce que nous voulons faire.
• 1720
Finalement, pour ce qui est des secteurs, je pense qu'il y a de
nouvelles manières d'apprendre—des manières d'apprendre que l'on n'a
pas envisagées auparavant. La recherche peut être un sabre ou un
bouclier, et beaucoup de communautés—et de personnes avec qui je
travaille—estiment que les chercheurs stigmatisent les communautés
d'une manière qui ne répond pas vraiment au type d'aspirations
légitimes à l'autogouvernance, car les communautés sont considérées
comme étant placées dans un état chaotique et elles ne peuvent gérer
leurs affaires. Essentiellement, cela renforce des relations de
pouvoir inégales. C'est ce qu'on dit dans les communautés autochtones
au sujet de la recherche. L'IRSC aura donc une chance historique de
modifier cette relation, de dire aux communautés: Nous comprenons que
vous avez des manières différentes d'apprendre et nous sommes prêts à
coopérer et à collaborer d'une manière qui produira des résultats de
santé positifs pour les Autochtones du pays. Nous espérons sincèrement
avoir l'occasion de créer ce nouveau type de relation.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Enfin! Est-ce que ça veut dire qu'il n'y a plus personne dans cette salle? Désolée, Bernard.
M. Bernard Patry: Je vais partir. Vous aurez une heure.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Ce qui ne sera pas de trop.
Je voudrais aborder trois sujets différents, monsieur le président...
Le président: Certainement.
Mme Judy Wasylycia-Leis: ... et j'espère avoir assez de temps pour poser toutes mes questions.
Tout d'abord, je tiens à remercier les témoins qui sont venus s'adresser à nous aujourd'hui. Je regrette qu'il n'y ait pas eu plus de membres du comité pour les écouter mais je tiens à souligner la présence d'une représentation importante du Manitoba qui reflète à mon avis l'énorme contribution des chercheurs en santé de cette province au bien-être national.
Je voudrais d'abord poser quelques questions sur la commercialisation et le conseil d'administration, et je dois dire que, depuis que j'essaye de traiter de cette question dans le cadre de ces audiences, je n'ai pas abouti à grand-chose. Il est quand même très satisfaisant d'avoir entendu aujourd'hui certaines propositions constructives.
Si je comprends bien ce qui a été dit au sujet des affaires de Nancy Olivieri et de Anne Holbrook, le problème ne se situe pas tellement au niveau d'une défaillance particulière de telle ou telle institution, il s'agit plutôt d'un problème systémique plus profond qui est que les universités deviennent de plus en plus tributaires de l'argent du secteur privé, ce qui influe sur l'intégrité de la recherche et l'intégrité des chercheurs. En outre, ce phénomène s'ajoute aux réductions budgétaires considérables imposées par le gouvernement fédéral, qui s'est débarrassé de ses responsabilités en matière de recherche scientifique, et à l'étiolement de la structure réglementaire destinée à préserver l'indépendance de la recherche scientifique.
C'est donc dans ce contexte que tout le monde se tourne vers ce projet de loi qui devient une sorte de phare dans un environnement politique au demeurant bien sombre. Et c'est aussi dans ce contexte que bon nombre de parties prenantes nous disent qu'il faut absolument veiller à ce que ce projet de loi ne fasse pas avancer la domination du champ de la recherche par le secteur privé.
Je dois signaler aussi que, lorsque nous avons soulevé ces questions devant le Dr Friesen, qui a été l'un des moteurs de ce projet de loi et du conseil d'administration provisoire, je n'ai perçu aucun intérêt à l'égard d'amendements et je n'en perçois manifestement aucun aujourd'hui de la part du gouvernement, s'il faut en croire le discours prononcé en Chambre par Allan Rock.
Le président: Soyez prudente, madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Veuillez m'excuser. Est-ce que je vais trop loin?
Le président: Il ne faut pas préjuger de l'avenir.
Mme Judy Wasylycia-Leis: D'accord. Excusez-moi.
Le président: Nous procédons à cette étude de bonne foi et je n'en attends pas moins de vous.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'allais dire que, dans son discours en Chambre, le ministre a présenté...
Le président: Ça va, nous avons compris. Passez à autre chose.
Mme Judy Wasylycia-Leis: ... ceci comme un changement révolutionnaire.
Cela étant, la question que je souhaite poser à Jim et à quiconque est prêt à y répondre, est celle-ci: Comment faire pour proposer des amendements? Au sujet de l'alinéa 4i), quelqu'un a recommandé son élimination totale. Si l'on ne peut pas obtenir cette élimination, je me demande s'il ne serait pas possible d'y apporter des modifications, de le reformuler en disant par exemple «utilisation de la recherche dans les secteurs public et privé dans l'intérêt du bien public» en guise de position de repli.
Pour ce qui est du conseil d'administration, j'aimerais demander à Jim s'il pourrait dire de manière plus précise comment, par le truchement d'un amendement, on pourrait garantir qu'absolument aucune nomination ne sera faite qui risquerait de causer un conflit avec un intérêt commercial privé. Je me demande si vous avez quelque chose à recommander à ce sujet.
Je vais poser tout de suite mes autres questions avant que le président ne me coupe la parole.
Ma deuxième question concerne ce qu'ont dit Charlyn et d'autres sur le fait que cette législation donne l'espoir d'une nouvelle manière de faire de la recherche, en offrant des possibilités de démarches multisectorielles et pluridisciplinaires. Voici donc mes questions. Comment cette proposition, cette législation, peut-elle s'intégrer à votre centre, Charlyn, et à la centaine d'autres centres de recherche existant au Canada? Comment peut-on s'assurer qu'une partie de cet argent arrive bien au niveau communautaire, où existent des approches novatrices pour s'attaquer aux déterminants culturels, économiques et environnementaux de la maladie?
• 1725
Toujours sur le même sujet, comment traduire les résultats de ce type
de recherche en bonnes politiques publiques? Je pense que le Dr Glavin
a donné l'exemple de l'hépatite C. C'est aussi un exemple qui montre
que, malgré toutes les recherches possibles au monde, il n'y a pas de
volonté politique de faire les changements nécessaires.
Ma troisième question est destinée à Richard et Bryan. Il s'agit de savoir si ceci constitue vraiment un changement révolutionnaire pour le secteur de la recherche et si les choses vont vraiment changer.
Si je vous ai bien compris, vous recommandez de ne pas exagérer la signification du projet de loi car il se peut fort bien qu'il n'aboutisse en fin de compte qu'à conforter les intérêts établis de la société, ce qui veut dire que les exclus resteront exclus. Quelqu'un m'a dit il n'y a pas très longtemps que ce projet de loi ne fera que rendre les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Considérant que l'on ne parle ici que d'une augmentation budgétaire de 250 millions de dollars d'ici à l'an 2002—ce qui n'est pas grand-chose considérant l'ampleur des besoins—quel serait le meilleur pourcentage, quelle serait la meilleure méthode pour garantir un certain appui à la recherche de curiosité?
Le président: Comme toujours, Mme Wasylycia-Leis vient de prouver qu'elle sait poser d'excellentes questions.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Et qu'elle parle trop longtemps.
Le président: Nous allons les prendre dans l'ordre.
Docteur Turk, vous allez commencer.
Dr James Turk: Tout d'abord—et cela concerne plutôt votre préambule que votre première question—j'estime, tout comme mon organisation, qu'il n'y a pas assez de financement industriel de la recherche dans notre pays. C'est aussi ce que j'ai tenté de dire à M. Patry en réponse à sa question. Nous ne voulons certainement pas que le financement industriel de la recherche diminue. En fait, dans l'ensemble, l'entreprise canadienne finance beaucoup moins de recherche que l'entreprise américaine.
Le problème de fond est cependant différent. Il s'agit du fait que la recherche fondamentale, qui a traditionnellement été financée en partie par le secteur privé et en partie par le secteur public l'est de moins en moins par le secteur privé du fait de l'expansion de la globalisation et de la concurrence.
Je me souviens d'un discours récent de Stefan Dupré dans lequel il disait que l'appui à la recherche fondamentale ne suscite pas beaucoup d'intérêt dans les conseils d'administration du pays, ce qui nuit sérieusement à la capacité de recherche du pays dans la mesure où la seule source restante de financement public de la recherche fondamentale doit de plus en plus se tourner vers le secteur privé pour l'intégrer.
L'intégrité de la recherche fondamentale dépend—et c'est l'argument que j'ai tenté d'avancer—du fait que le financement public ne contamine pas son financement en exigeant des partenaires privés qui peuvent avoir pour effet d'exercer un droit de veto. Les bailleurs de fonds privés devraient financer la recherche qu'ils souhaitent, que ce soit dans leurs propres locaux ou dans les universités ou d'autres laboratoires, mais cela ne devrait pas faire partie du public, et cette séparation devrait être claire.
C'est d'ailleurs ce qui nous inquiète, je serai franc, dans le partenariat ACIM-CRM. Il n'y a aucune raison que les compagnies pharmaceutiques ne fassent pas plus de recherche. La majeure partie de leur recherche est une recherche clinique, plutôt qu'une recherche plus fondamentale, et nous voulons qu'elles en fassent plus. Bon nombre de solutions existent pour faire face aux problèmes d'ordre éthique et pratique des chercheurs d'université qui reçoivent cet argent. Nous ne prenons pas position contre ça mais nous ne voulons pas que cela soit mélangé avec l'argent très vital que donnent les conseils de subventionnement, et ce n'est pas assez d'argent. Assurons-nous donc qu'il serve à la recherche fondamentale.
Cela dit, comment résoudre les problèmes très concrets que vous avez posés?
Pour ce qui est de notre recommandation d'élimination de l'alinéa 4i), je regrette mais nous ne voyons pas vraiment comment la création de nouveau savoir et son application pour améliorer la santé des Canadiens, fournir des services de santé plus efficaces et renforcer le système de santé résultera d'une facilitation de la commercialisation de la recherche en santé et de la promotion du développement économique par le truchement de la recherche en santé au Canada. Les amendements apportés aux projets de loi en première lecture sont toujours difficiles quand on arrive en deuxième lecture et la difficulté sera donc probablement la même ici, que l'on élimine cet alinéa ou que l'on essaye d'en atténuer la portée. Nous pensons qu'il faut l'éliminer.
• 1730
En ce qui concerne les nominations au conseil d'administration,
puisque nous sommes venus témoigner ici à relativement court préavis,
j'ai demandé à notre conseiller juridique d'examiner la question pour
que nous puissions recommander des modifications concrètes au
paragraphe 7(4).
Je n'ai pas de réponse précise à vous donner aujourd'hui à ce sujet mais vous pourriez aussi demander au conseiller juridique de votre comité d'examiner la question. Je pense qu'il y a des manières relativement simples d'éviter ce genre de conflit d'intérêts et vous pourriez trouver dans d'autres textes de loi des dispositions similaires dont vous pourriez vous inspirer.
Le président: Lorsque vous aurez obtenu cette interprétation, docteur Turk, pourriez-vous la communiquer à la greffière du comité?
Dr James Turk: Merci, monsieur le président. Je m'excuse à nouveau car, comme notre préavis de comparution était très court, nous n'avons pas...
Le président: C'est pourquoi je vous fais cette offre. J'en suis conscient.
Dr James Turk: Nous aimerions en fait envoyer une lettre à la greffière pour préciser nos recommandations, et c'est ce que nous ferons bientôt.
Le président: Excellent. Merci beaucoup.
Docteure Black, s'il vous plaît, au sujet de la deuxième question.
Dre Charlyn Black: Je crois que les questions étaient d'abord de savoir comment cette recherche peut être intégrée aux centres existants, comme le nôtre et, deuxièmement, dans la communauté, et comment cela est traduit en politiques.
Pour ce qui est de la méthode d'intégration, nous dépendons actuellement de financement avec examen par les pairs pour environ un tiers de nos crédits de recherche, outre un contrat que nous avons avec Santé Manitoba. À terme, nous nous attendons à pouvoir être compétitifs à l'intérieur d'une nouvelle structure IRSC. Nous nous attendons aussi à collaborer avec de nombreux collaborateurs nouveaux et différents du reste du pays, d'autres centres et d'autres groupes. Nous collaborons actuellement, par exemple, avec le groupe du Dr Reading au sujet de la santé autochtone. Il y a de nombreuses possibilités de même nature.
Pour ce qui est de l'intégration, j'envisage de nombreuses possibilités d'intégration à de nombreux niveaux différents avec l'IRSC. Je suis convaincue que cela améliorera probablement l'intégration, au moins avec les chercheurs existants.
En ce qui concerne la communauté, il y a un certain nombre de programmes novateurs de propositions de subventionnement qui ont au moins été mentionnés pour le premier tour. Je pense que le Dr Glavin pourrait en parler et vous donner des explications, en tout cas en ce qui concerne les communautés. Il est certain qu'il y a déjà eu quelques demandes de propositions très novatrices. On s'attend à ce que les communautés y réagissent en soumettant des lettres d'intention, et cela implique clairement les communautés. C'est de l'innovation réelle du point de vue du CRM et je pense donc qu'on a le sentiment qu'il sera possible d'assurer une intégration dans les communautés.
Comment tirer parti de la recherche? Le groupe de l'IRSC n'a pas fait d'exclusion dans la mesure où il a intégré le CRSH, ou la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé, qui bénéficient d'une longue expérience dans l'exploitation des résultats de la recherche pour l'élaboration des politiques. Je pense que l'aspect intégrateur du processus témoigne bien du potentiel offert pour l'avenir. C'est de toute façon une attente explicite de l'IRSC. Je présume qu'un rapport sera adressé au Parlement au sujet des programmes de recherche, ce qui permettra d'en tenir compte dans l'élaboration des politiques.
Le président: Docteur Reading, voulez-vous ajouter quelque chose?
Dr Jeff Reading: Oui, je voudrais donner un exemple au sujet de cette relation entre la recherche et l'élaboration des politiques. Nous venons de terminer une enquête auprès de quelque 10 000 membres des Premières nations de 200 réserves. L'enquête a été exécutée en collaboration avec la Direction générale des services médicaux dans le but d'essayer de former une nouvelle relation entre les Premières nations et le gouvernement du Canada. Les données qui en sont ressorties sont très similaires à celles du centre du Manitoba du point de vue de la création d'informations. C'est comme de l'élaboration de politiques en temps réel.
Les données issues de cette enquête ont été en fait mises en application et le ministre de la Santé a donc été informé des développements en cours au sujet de l'initiative autochtone sur le diabète, de l'initiative des soins à domicile et de l'initiative sur la nutrition prénatale. Voilà donc des données concrètes qui montrent comment la recherche peut en fait... on a dit dans ce contexte que cela donnait du pouvoir aux groupes autochtones, et nous avons montré que cela peut marcher.
Ce qui manque, à mon avis, c'est la volonté d'intégrer les Premières nations à l'environnement collégial des activités de recherche et de les aider à participer au processus dès la conception, de façon à ce qu'elles puissent donner leur avis sur le type de recherche qu'il faudrait effectuer, quand, par qui et comment.
• 1735
Finalement, il n'est ni approprié ni souhaitable que les Autochtones
créent des structures parallèles d'instituts de recherche qui ont déjà
montré clairement que ce sont des leaders mondiaux dans ce domaine,
mais il nous faut des points d'entrée dans ces instituts. De même, il
faut que ces instituts aient des points d'entrée dans les communautés
où les gens sont évidemment en mauvaise santé. Il nous faut cet
environnement collégial dans lequel nous aurons un respect mutuel. De
cette manière, je pense que nous améliorerons les relations ainsi que
les bilans de santé.
À certains égards, la santé autochtone donne l'occasion de mettre en relief tout ce que l'on peut faire concrètement dans ce type d'environnement d'IRSC. Comme avec d'autres initiatives, les autres communautés tireront profit de l'expérience à laquelle nous participons déjà.
Le président: Pendant que nous y sommes, docteur Reading, puis-je vous poser une question car j'ai besoin de certains éclaircissements. En ce qui concerne tous les instituts proposés dans le cadre de l'IRSC, croyez-vous que la santé autochtone en fera partie ou qu'il pourrait y avoir un institut distinct pour les Autochtones? Je vous demande votre avis personnel.
Dr Jeff Reading: Je pense qu'il y a deux éléments de réponse. Il y aurait une place pour un institut autochtone distinct étant donné que les directeurs des instituts qui seront mis sur pied auront leur mot à dire sur la répartition des fonds pour régler des questions complexes, difficiles et à longue échéance, et pour les comprendre. Il faut qu'un chercheur autochtone soit présent, au niveau de directeur, pour pouvoir traiter de ces questions avec les directeurs des autres instituts.
Aux États-Unis, cela a débouché sur la création de centres ou de bureaux polyvalents mais, dans le cadre des Instituts de recherche en santé du Canada, je pense qu'il serait souhaitable et approprié d'avoir un institut sur la santé autochtone. Cela dit, ces choses évoluent. Si un tel institut n'était pas nécessaire dans 30 ou 50 ans, ce serait tout aussi bien.
Pour le moment, considérant le bilan de santé et considérant qu'il y a un problème important, les structures actuelles n'ont pas vraiment eu beaucoup d'impact. Le bilan de santé des collectivités autochtones ne cesse de se dégrader et nous avons besoin de savoir pourquoi. Nous sommes très bons lorsqu'il s'agit de décrire la situation mais très mauvais lorsqu'il s'agit de décrire les raisons. Voilà pourquoi, à cette étape de notre histoire, j'estime important qu'il y ait un institut autochtone ou un institut des Premières nations qui pourrait collaborer avec les autres instituts de façon à commencer à découvrir les informations et l'expertise dont on a besoin en profitant des autres instituts. Sinon, nous allons devoir nous adresser aux autres instituts, la casquette à la main, pour leur demander d'étudier les questions qui sont importantes pour nous. Par contre, si nous participons à titre de partenaires égaux, lorsqu'on discutera des projets de recherche, cela produira plus de valeur.
Prenons la question de l'examen par les pairs et ses liens avec l'éthique. Nous avons participé à l'élaboration du document d'éthique des trois conseils, par le truchement du Conseil de recherches en sciences humaines. Il est très important que l'examen par les pairs soit effectué en tenant compte des valeurs communautaires. Par exemple, si on dit qu'une communauté se caractérise par un syndrome d'alcool foetal ou par d'autres paramètres négatifs, ce n'est pas très positif en soi pour la communauté concernée. Filtrer cette proposition par le truchement d'un comité autochtone d'examen par les pairs, sous les auspices d'un institut de recherche en santé des Autochtones ou des Premières nations, serait utile et constituerait un élément de valeur ajoutée pour l'IRSC.
Le président: Veuillez m'excuser, je souhaite un autre éclaircissement. Ce que vous dites soulève en effet une autre question car Santé Canada a récemment—depuis un an ou deux—mis de l'argent de côté pour un Institut sur la santé des Autochtones. J'aimerais savoir quelle serait la relation entre cette décision et ce dont nous parlons aujourd'hui pour l'IRSC.
Dr Jeff Reading: L'Institut sur la santé des Autochtones est actuellement en cours de création et je l'envisage comme un palier supérieur d'intégration des politiques et de diffusion d'informations. Il pourra prendre l'initiative de certaines recherches et il devrait y avoir un lien clair et fort entre l'Institut sur la santé des Autochtones et l'Institut autochtone de recherche sur la santé faisant partie de l'IRSC.
• 1740
Par exemple, la place réservée à une personne autochtone au conseil
d'administration serait probablement comblée à l'avenir par une
personne désignée par l'Institut sur la santé des Autochtones, ce qui
garantirait une meilleure reddition de comptes au niveau politique.
Pour ce qui est de la recherche elle-même, il est très important
qu'elle soit indépendante du processus politique, c'est-à-dire qu'elle
soit effectuée par des chercheurs objectifs, travaillant dans le
milieu de la communauté de la recherche et n'ayant pas à rendre de
comptes aux instances politiques. Je pense qu'il devrait y avoir un
lien très fort mais tout en préservant l'autonomie de chaque élément.
Les attentes au sujet de l'Institut sur la santé des Autochtones sont
très élevées, pour le budget de 5 millions de dollars qui est prévu.
Ce sont des entités distinctes mais elles doivent être reliées.
Le président: Merci de cette précision. C'était important.
Docteur Gordon, vous avez été très patient. Merci.
Dr Richard Gordon: Je suis venu ici pour me faire le champion des chercheurs qui n'obtiennent pas de financement mais je vais me laisser entraîner dans ce débat sur la commercialisation,...
Le président: Je vous en prie.
Dr Richard Gordon: ... en présentant un point de vue peut-être contraire.
Je vais vous raconter l'histoire de la téléradiologie au Canada. La téléradiologie a commencé dans les années 60. Le Canada lançait des satellites pour transmettre des images radiographiques et j'ai travaillé dans ce domaine de 1978 à 1981 environ. Rétrospectivement, on constate que le Canada a produit la moitié de la littérature mondiale sur la téléradiologie. Or, nous n'avons aucune entité commerciale qui vende des produits dans ce secteur, alors qu'il y en a beaucoup dans le monde, et il y a donc eu un échec total du transfert des universités à l'industrie d'un domaine dans lequel nous aurions dû exceller. Nous étions des chefs de file mondiaux dans ce domaine et nous sommes passés complètement à côté.
Je ne sais pas pourquoi. J'ai vu ce qui s'est passé dans mon propre laboratoire. Lorsque je téléphonais au ministère des Communications, j'obtenais des réponses absurdes. On me disait: Si nous vous donnons 1 million de dollars, pouvez-vous produire quelque chose dans six mois? Je suis professeur d'université, pas un industriel exploitant une usine. Il y avait le gouvernement d'un côté, moi de l'autre, et rien au milieu comme entreprise, et le processus a totalement échoué. J'ai fait partie de cet échec, comme tous ceux qui y ont participé. Nous avons donné nos idées au reste du monde et nous sommes maintenant obligés d'acheter des systèmes de radiologie à l'étranger.
Il y a manifestement quelque chose qui ne va pas ici. Je n'ai pas l'expérience voulue pour résoudre le problème. Et je ne pense pas que l'IRSC ait quoi que ce soit à proposer pour le résoudre non plus. Je ne pense même pas que l'on y ait réfléchi. Et tous les arguments défensifs que j'entends contre la commercialisation vont à l'encontre de ma thèse qui est que l'on doit veiller à assurer une participation commerciale adéquate pour réussir sur le plan de la commercialisation.
Le président: Cette question a déjà été soulevée et nous en avons déjà discuté. Vous avez parfaitement raison d'y revenir.
Dr Richard Gordon: C'est une question d'expertise. Bryan en a parlé en disant que nous accordons des subventions qui sont des subventions de contrepartie et que les gens qui sont appelés à en juger ne devraient pas être des pairs. Il faudrait que ce soit des personnes qui sont ce que l'on pourrait appeler des examinateurs industriels qui ont eux-mêmes réussi sur le plan de la commercialisation et qui ont donc les connaissances voulues pour savoir ce qui peut marcher—ce serait un exemple—et non pas le mécanisme traditionnel d'examen par les pairs. Un groupe de scientifiques est incapable de dire si quelque chose réussira sur le plan commercial, mais c'est tout ce que nous obtiendrons avec l'IRSC.
Le président: Merci beaucoup.
Docteur Glavin.
Dr Gary Glavin: Je reviens sur ce que disait Mme Wasylycia-Leis au sujet de la commercialisation. Je vais vous donner un exemple concret de la manière dont cela fonctionne dans une université. C'est un exemple qui me concerne personnellement.
J'ai deux domaines de compétence particuliers. Tout d'abord, j'ai mis au point un nouveau médicament dont j'ai obtenu le brevet, afin de le protéger, et j'ai ensuite mis au point une méthode me permettant d'évaluer ce médicament en allant jusqu'à une cellule unique. Une compagnie pharmaceutique espagnole s'intéressait à ce travail.
Le processus fonctionne un peu comme ceci. Nous avons négocié un contrat pour un certain montant—tout avait été vérifié par l'université. Ce contrat d'un certain nombre de dollars permettait à la société de diriger totalement la recherche. Elle disait que, pour cet argent, vous ferez A, B et C avec ce médicament. Elle nous a dit: Voici un médicament similaire au vôtre que nous avons mis au point et nous vous demandons de le mettre à l'essai de telle ou telle manière; avec telle et telle procédure. Toute cette partie était contrôlée par l'entreprise.
• 1745
Toutefois, quand on négocie un contrat avec une entreprise, c'était
une compagnie pharmaceutique dans le cas présent mais ç'aurait pu être
la même chose avec n'importe quelle autre entreprise, l'université
exige une partie pour couvrir ce qu'elle appelle ses frais généraux ou
ses coûts indirects. Cela peut aller de 30 p. 100 à 100 p. 100. J'ai
donc eu de l'argent pour exécuter ma partie du contrat, A, B et C,
exactement comme le voulait l'entreprise, et l'université a reçu
l'autre moitié, exactement la même somme. Cela s'est produit avant que
j'occupe mon poste actuel. Un petit pourcentage a servi à couvrir les
frais de ce qui est maintenant mon bureau. Le plus gros pourcentage
est retourné à la faculté d'origine et il a été réparti entre le doyen
de cette faculté et le chercheur. Le chercheur s'est donc retrouvé
avec une partie substantielle de ses frais généraux pour financer son
laboratoire afin de faire de la recherche en toute liberté.
Il y a donc deux éléments. Il y a l'élément qui est dirigé par l'entreprise, c'est incontestable et c'est clairement indiqué. La seule chose qui n'est pas indiquée est que l'on est absolument libre de publier les résultats. Mais il y a aussi la partie couvrant les frais généraux qui retourne au chercheur individuel pour faire de la recherche axée sur la curiosité, en toute liberté. Il y a donc clairement un bienfait dans la recherche contractuelle.
Le président: Merci beaucoup.
Docteur Poulin.
M. Bryan Poulin: Je voudrais dire un dernier mot pour répondre à la question du ministre: les riches deviendront-ils plus riches? Je ne suis pas chercheur en médecine, j'enseigne la stratégie et le leadership dans un domaine des sciences sociales, pour les entreprises et les gouvernements. En conséquence, je n'ai aucun intérêt acquis à défendre dans ce contexte. Si je fais preuve d'un certain enthousiasme, c'est parce que j'estime qu'il y a là un problème systémique qui touche de nombreux domaines. J'estime que notre échec vient du fait que nous n'avons pas réussi à faire apprécier la richesse des exemples que nous avons mentionnés mais que nous n'avons pas décrits.
Nous avons deux organisations commerciales. La première organisation commerciale—une entreprise de fabrication—au monde est la Société 3M. Le premier laboratoire de recherche privé au monde est celui de Bell.
J'ajoute en passant, au sujet de l'invention du microcircuit, que c'est un bien public qui a produit le mécanisme de commutation qui a donné le circuit intégré, lequel a donné l'ère de l'informatique. C'était un bien public. C'était tellement dans l'intérêt public que c'est devenu un bien public. Les laboratoires Bell n'ont jamais reçu un dollar de la vente de ce que j'appelle cette innovation.
Nous avons en outre le programme intra-muros des NIH, qui a produit des Prix Nobel. Les deux en ont produit.
Ce que nous constatons ici, c'est que, pour chacune de ces organisations de pointe, et vous ne trouverez pas ça en faisant des enquêtes parce que ce sont des exemples riches, ce sont les meilleurs exemples et, dans les meilleurs exemples, les chercheurs jouissent d'une liberté complète pour utiliser leurs ressources à l'étape des idées... Vous voyez, nous sommes polis. Je reconnais que les remarques qu'ils ont faites sont bonnes. Chacune de ces remarques était bonne. Je ressens une certaine frustration.
Les éléments que nous avons mentionnés, qui sont les meilleurs exemples de recherche en recherche privée et médicale, le programme intra-muros des NIH—qui a ses fautes aussi, bien sûr, mais qui est généralement sain, à notre avis. Ces exemples vont être laissés de côté par cette législation. Même si c'était juste un petit montant en principe, quand on parle de principes et d'éthique, montant qui serait accordé sans formulaire ni programme à l'étape des idées, juste un petit montant pour que les chercheurs puissent démarrer, si on pouvait simplement faire ça, je pense qu'on serait abasourdi par la motivation que cela produirait, et pas seulement la motivation mais aussi les gains de productivité.
Nous ne demandons que vous réserviez 40 p. 100 de votre budget à cela, ce qui nous plairait, bien sûr, nous vous laissons choisir la proportion; le facteur fondamental est que l'on appuie les meilleurs exemples d'innovation et de découverte au monde. Ne choisissons pas toujours ce qui est médiocre. Choisissons ce qu'il y a de mieux.
Le président: Merci beaucoup de ces remarques. Je constate que nous allons bientôt manquer de temps. Nous manquons déjà de députés.
M. Bryan Poulin: À qui parlons-nous? Nous nous parlons à nous-mêmes.
Le président: Non, tout cela fera partie du procès-verbal et c'est un processus très important.
Docteure Black, je...
Mme Judy Wasylycia-Leis: Vous ferez partie des annales historiques.
Le président: Madame Wasylycia-Leis, pourriez-vous rester? J'ai une question.
Docteure Black, lors d'une comparution précédente vous avez parlé du financement du PNRDS. Si je comprends bien, c'est le Programme national de recherche et de développement en matière de santé. Comment cela continuera-t-il avec l'IRSC?
Dre Charlyn Black: Je ne sais pas. En fait, je préside un comité du PNRDS qui doit se réunir en janvier et je pense qu'il y a beaucoup d'incertitude au sujet de ce programme. Nous pensons que Santé Canada continuera peut-être de demander de la recherche ciblée et d'exploiter un programme de recherche ciblée. Je pense que tout cela est pour le moment très incertain. Je ne connais pas les décisions qui ont été prises.
Le président: Je crois comprendre que c'est un excellent programme.
Dre Charlyn Black: Je suis d'accord là-dessus. Je dois dire que j'ai profité de ce programme. Il m'a permis d'obtenir des fonds pour faire mon doctorat à l'étranger, à l'université Johns Hopkins, et j'en ai donc été directement bénéficiaire. C'est un programme qui a permis d'aider un certain nombre de scientifiques qui ont fait carrière. Il a aussi appuyé le développement des capacités canadiennes en matière de recherche dans les services de santé et de recherche sur l'économie de la santé. Il a permis de financer beaucoup de chercheurs du Québec. Nous avons vu passer beaucoup de propositions en français au PNRDS.
Je pense que cela a placé le Canada en très bonne position. Il y avait une certaine incertitude et nous avons acquis la capacité nécessaire pour agir dans différents types de programmes. Pourtant, le type de solidarité et d'appui à long terme du PNRDS a beaucoup baissé. Nous espérons que l'IRSC fournira un processus compétitif avec examen par les pairs qui sera plus favorable à ce genre de recherche. En même temps, il y a la question de savoir si Santé Canada aura besoin de pouvoir poser des questions très précises et directes aux chercheurs pour qu'ils y trouvent les réponses. Je pense que c'est une question importante.
Le président: C'est très utile. Merci.
Docteur Reading, avez-vous quelque chose à ajouter?
Dr Jeff Reading: Nous tenons beaucoup à contribuer à l'avancement des connaissances et au maintien de la compétitivité du Canada comme pays d'innovation en recherche indigène. Le PNRDS a attribué quelque chose comme 25 p. 100 à 40 p. 100 de son budget à de la recherche spécifiquement autochtone. Il a permis d'appuyer un certain nombre de chercheurs dans leur carrière. Le directeur de mon département des sciences de santé communautaire, le Dr Kue Young, en a été un bénéficiaire direct et on le considère aujourd'hui probablement comme l'un des cinq premiers chercheurs au monde en matière de recherche indigène. Voilà l'un des résultats directs du PNRDS.
En ce qui concerne notre propre planification de succession, nous nous demandons comment nous allons garantir que la recherche sur la santé autochtone reste compétitive pour que le Canada demeure un chef de file dans la recherche de solutions pour les autres communautés autochtones du monde. Le diabète, sur lequel Kue Young a beaucoup travaillé pendant sa carrière de chercheur, est aujourd'hui un problème majeur en Nouvelle-Zélande, en Australie et dans les pays circumpolaires. Cela n'est pas arrivé par accident. C'est pourquoi nous tenons à préserver l'impulsion acquise et à assurer une bonne relève en chercheurs autochtones.
Étant donné les liens solides avec le Conseil de recherches médiales sur le plan de la recherche biomédicale, l'IRSC est également important. N'oublions pas cependant que le pendule doit couvrir les quatre dimensions de l'IRSC et qu'un Autochtone doit en faire partie. Ce n'est pas une question de capacité, c'est une question de succession.
Le président: Merci de cette précision.
Je vous remercie tous d'être venus. Nous apprécions beaucoup que vous ayez pris le temps de venir vous adresser à nous. Ce que vous avez dit est très important et fait maintenant partie du domaine public. Bien sûr, nous prendrons le temps d'examiner et d'analyser attentivement tout ce que vous avez dit aujourd'hui.
La séance est levée.