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CACN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur les relations sino-canadiennes


NUMÉRO 011 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 août 2020

[Énregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bienvenue à la 11e réunion du Comité spécial sur les relations sino-canadiennes. Conformément à l'ordre de renvoi du 20 juillet 2020, le Comité se réunit pour poursuivre son étude des relations sino-canadiennes.
    La séance d'aujourd'hui se déroule par vidéoconférence.

[Français]

     Voici quelques règles à respecter pour assurer le bon déroulement de la réunion.
     Pour la vidéoconférence, les services d'interprétation fonctionneront à peu près comme pour une réunion de comité ordinaire. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le canal du parquet, l'anglais ou le français. Lorsque vous avez la parole, si vous voulez passer d'une langue à l'autre, vous devez également changer de canal d'interprétation pour que le canal corresponde à la langue dans laquelle vous vous exprimez. Il serait bon de faire une courte pause entre les deux langues.
    Avant de commencer à parler, attendez que je vous donne la parole en disant votre nom. Lorsque vous êtes prêt à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Je rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
     Si un député souhaite prendre la parole en dehors de la période qui lui est réservée pour les questions, il doit activer son micro et indiquer qu'il souhaite faire un rappel au Règlement. Si un député souhaite intervenir au sujet d'un rappel au Règlement soulevé par un autre député, il doit utiliser la fonction « lever la main » pour signaler au président qu'il désire prendre la parole. Pour ce faire, vous devez cliquer sur « participant » au bas de l'écran. Lorsque la liste s'affichera à côté de votre nom, vous verrez une option qui vous permettra de lever la main.
     Assurez-vous de parler lentement et clairement. Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre micro en sourdine. L'utilisation d'un casque d'écoute est fortement recommandée.

[Traduction]

    Avant de commencer, je demanderais à chacun de bien vouloir cliquer dans le coin supérieur droit de son écran pour s'assurer que l'option Vue Galerie est sélectionnée. Ce mode permet de présenter tous les participants dans une disposition en mosaïque. Vous pourrez ainsi tous vous voir les uns les autres. Comme c'est le cas pour les séances qui se tiennent en personne, le public ne verra que le participant qui a la parole.
    J'ai maintenant le plaisir de souhaiter la bienvenue aux témoins de notre premier groupe. Nous accueillons M. Michael C. Davis, professeur à l'Institut Weatherhead d'études sur l'Asie orientale du Woodrow Wilson International Center à l'Université Columbia.
(1110)

[Français]

    Monsieur le président, si vous me le permettez...
    Est-ce qu'il y a un problème, monsieur Bergeron?
    Oui, monsieur le président. Non, en fait, il n'y a pas de problème, mais je veux éviter qu'il y en ait.
     Vous vous souvenez que, lors de la dernière séance, il y a eu un problème d'interprétation parce que les témoins n'avaient pas choisi la bonne langue et étaient branchés sur le canal du parquet. Par conséquent, il n'y avait pas d'interprétation et cela a occasionné un problème lors de mon dernier tour de questions. Je veux simplement que vous vous assuriez auprès des témoins que, lorsque nous nous adresserons à eux en français, ils devront cliquer sur le canal anglais pour être certains d'avoir l'interprétation et de ne pas vivre le même problème que nous avons eu la dernière fois.
    Je vous remercie de votre indulgence, monsieur le président.
    Je vous en prie, monsieur Bergeron. Cela nous aide et votre conseil est important.
     J'imagine que tous les témoins ont bien entendu l'interprétation et comprennent ce qu'ils devront faire quand viendra leur tour.

[Traduction]

    Nous recevons également M. Benedict Rogers, cofondateur et président de l'organisme Hong Kong Watch. Nous accueillons enfin deux représentants de la Toronto Association for Democracy in China, soit M. Cheuk Kwan, président sortant, et Mme Avvy Yao-Yao Go, membre du conseil d'administration, avocate et directrice de clinique, Chinese and Southeast Asian Legal Clinic.
    Chaque témoin ou groupe représenté dispose d'une période de sept à dix minutes pour nous faire un exposé préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité. Je veux seulement préciser une chose à l'intention de nos témoins. Question de gagner du temps, les membres du Comité vont indiquer à qui ils adressent leurs questions, ou dans quel ordre ils souhaitent vous entendre répondre, et vous pourrez alors le faire directement sans attendre que je vous nomme.
    Nous allons donc débuter avec M. Davis pour un maximum de 10 minutes. À vous la parole.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les membres du Comité pour votre invitation. J'espère que vous m'entendez bien.
    Je dois préciser qu'avant d'être professeur dans une université aux États-Unis, j'ai passé 30 ans à Hong Kong où j'ai enseigné le droit constitutionnel et les droits de la personne, ce que je continue d'ailleurs de faire. Cet automne, je vais y donner deux cours sur les droits de la personne via Zoom. Je suis donc très engagé à Hong Kong où je suis un intellectuel de notoriété publique depuis toutes ces années.
    En ma qualité de constitutionnaliste, je veux vous parler d'entrée de jeu de la primauté du droit et de la loi sur la sécurité nationale désormais imposée à Hong Kong.
    Cette loi soulève bien des questions. On semble lui accorder un statut aussi élevé que celui de la loi fondamentale de Hong Kong. Je dirais toutefois qu'il est en fait supérieur, car, en vertu du droit national chinois — comme c'est le cas d'ailleurs dans bien des pays —, la dernière loi promulguée a préséance lorsqu'elle entre en contradiction avec une loi antérieure. La loi fondamentale de Hong Kong est une loi plus ancienne qui est de portée plus générale, alors que la loi sur la sécurité nationale est davantage ciblée.
    La façon dont cette loi a été imposée à Hong Kong est en soi profondément choquante. Aucun élément de cette loi n'a été rendu public avant le jour de sa promulgation. On nous a dit que même le premier magistrat de Hong Kong ne savait pas ce que prévoyait cette loi. Contrairement à ce qui se fait pour les lois nationales de la Chine elle-même et aux pratiques en usage à Hong Kong, il n'y a eu aucune consultation publique. Cette loi a été tout simplement imposée aux Hongkongais.
     La loi sur la sécurité nationale stipule d'emblée avoir préséance sur toutes les lois locales. Je vous dirais que cela inclut dans les faits la loi fondamentale de Hong Kong qui sert de base à la protection des droits des Hongkongais.
    Il est explicitement prévu dans la loi sur la sécurité nationale qu'elle ne peut pas vraiment faire l'objet d'un contrôle judiciaire. Elle ne peut pas non plus être soumise à un examen constitutionnel, pas plus qu'à une révision en vertu de la loi fondamentale. En conséquence, si cette loi est invoquée devant un tribunal, le juge n'a d'autre choix que d'en assurer l'application, et c'est le Comité permanent du Congrès national du peuple qui a le dernier mot dans son interprétation. À Hong Kong, on ne peut donc pas s'attendre à ce que les tribunaux se dressent comme des gardiens pour nous protéger — et je me permets de dire « nous », car je me considère comme un résident de Hong Kong. Si un tribunal est saisi d'une affaire à Hong Kong, il ne nous sera pas possible de contester certaines dispositions de la loi touchant la subversion, la sédition, la collusion avec des gouvernements étrangers et bien d'autres choses encore.
    Elle prévoit que seuls des juges sélectionnés figurant sur une liste établie à cette fin peuvent entendre des causes faisant intervenir la loi sur la sécurité nationale, et c'est le premier magistrat de Hong Kong qui doit dresser cette liste. Si un juge dont le nom figure sur cette liste pose des gestes ou fait des déclarations portant atteinte d'une manière ou d'une autre à la sécurité nationale lorsqu'il entend des causes semblables, il verra son nom être rayé de cette liste et ne sera plus habilité à siéger lors de telles instances.
    Pour assurer le maintien de la primauté du droit face aux visées d'un régime continental qui ne reconnaît pas vraiment ce principe, Hong Kong misait notamment sur le concours de juges étrangers, y compris des Canadiens, pour présider ses tribunaux. Ces juges ne pourront pas entendre les causes liées à la sécurité nationale, car leur nom ne figurera pas sur la liste des juges choisis par le premier magistrat de Hong Kong. Il faut donc présumer que le choix sera influencé par les attentes relatives au comportement des différents juges.
    Étant donné toutes ces pressions s'exerçant sur les juges, on peut se demander comment ils réagiraient s'ils étaient confrontés à des déclarations du ministère des Affaires étrangères à Beijing ou de hauts responsables chinois désormais nommés à Hong Kong faisant valoir leur point de vue quant à la façon dont une affaire devrait être traitée.
    Nul besoin de se poser longtemps la question, car, pas plus tard que cette semaine, Jimmy Lai, l'éditeur du Apple Daily, a été arrêté. Les dirigeants de Hong Kong l'ont qualifié de « suspect ». On le soupçonnait de corruption, semble-t-il parce qu'il avait financé une organisation, assez semblable à quelques-unes de celles qui se présentent devant vous aujourd'hui, faisant du lobbying auprès de gouvernements étrangers — généralement des ressortissants hongkongais à l'étranger.
    Nous ne pouvons être certains de rien, car cette loi est mise en oeuvre en catimini, si bien que l'on se retrouve en quelque sorte avec une police secrète. Quoi qu'il en soit, la rumeur veut que M. Lai finançait une organisation appelée Stand with Hong Kong. L'avenir nous dira si c'est bel et bien le cas.
(1115)
    Chose intéressante, le ministère des Affaires étrangères n'a pas tardé à l'insulter en indiquant qu'il mettait sérieusement en péril la sécurité nationale à Hong Kong. Je ne me souviens pas des termes exacts qu'ils ont utilisés. Il n'en demeure pas moins que la cause était pour ainsi dire jugée à l'avance. Comment réagira un juge en pareil cas? S'ils en viennent à devoir interpréter la loi, en sachant fort bien que le Congrès national du peuple pouvait faire fi de cette interprétation, comment les juges vont-ils réagir à ces déclarations par les hauts dirigeants continentaux qui condamnent l'intimé avant même qu'il ait subi son procès?
    L'autonomie de Hong Kong est primordiale. Si l'on a accordé l'autonomie à Hong Kong, c'est parce que le régime de la Chine continentale va en grande partie à l'encontre de celui de Hong Kong. Comme au Canada, nous avons à Hong Kong un régime fondé sur la primauté du droit. En Chine continentale, on dit généralement que c'est l'autorité du droit qui prime, en ce sens que les hauts dirigeants sont en quelque sorte au-dessus des lois et interprètent celles-ci avec beaucoup de latitude.
    Voilà maintenant que l'on s'en prend à l'autonomie sur deux tableaux. Il y a d'abord la création d'un comité local dirigé par le premier magistrat pour superviser les enjeux liés à la sécurité nationale. Ce comité prend en charge localement tous les dossiers relatifs à la sécurité nationale en décidant de ce que la police peut faire ou non. Ce comité a déjà adopté des règlements régissant le comportement des corps policiers et leur permettant notamment d'effectuer des perquisitions sans mandat. Il y a des juges et des magistrats qui peuvent émettre des mandats, mais ceux-ci ne sont pas nécessaires si les forces de l'ordre estiment que l'urgence de la situation exige que l'on aille de l'avant en menant une perquisition sans attendre. C'est l'un des problèmes. Les services policiers comptent dorénavant une unité spéciale s'occupant de la sécurité nationale. Il y a aussi une unité semblable à la direction des poursuites criminelles et pénales. Tous ces efforts sont bien harmonisés. Le comité chargé de superviser toutes ces activités à Hong Kong rend directement des comptes au gouvernement populaire central. Hong Kong perd donc toute forme d'autorité en matière de sécurité nationale, l'aspect le plus crucial pour son autonomie.
    Il faut ajouter à tout cela la mise en place d'un bureau chargé de la protection de la sécurité nationale dont tous les employés sont des fonctionnaires de la Chine continentale. Je ne sais pas en quoi un tel bureau leur est nécessaire, car ils ont également placé un conseiller au sein du comité local. Comme le gouvernement central a également la mainmise sur ce comité local, on peut présumer que ce conseiller est aussi chargé de superviser les mesures prises localement. Il y a donc un bureau distinct dont tout le personnel provient de la Chine continentale. Il s'agit de spécialistes chinois de la sécurité d'État et de la sécurité publique. Tout comme le comité local, ce bureau ne peut pas faire l'objet d'un contrôle judiciaire par les tribunaux locaux. La loi sur la sécurité précise expressément qu'il ne peut y avoir de contrôle judiciaire concernant le comité local en précisant que les tribunaux locaux n'ont pas compétence sur le soi-disant bureau de protection de la sécurité nationale. Aussi bien oublier la primauté du droit à Hong Kong dans de telles circonstances.
    Ce n'est pas d'hier que les hauts dirigeants chinois affirment que les tribunaux hongkongais qui procèdent à des révisions constitutionnelles... Les responsables continentaux affirment souvent qu'il n'est pas censé y avoir séparation des pouvoirs à Hong Kong. Il me semble difficile d'imaginer les tribunaux faire montre de l'audace nécessaire pour remettre en question les affirmations des hauts dirigeants de la Chine continentale.
    Voilà le genre de problèmes que j'ai jugé important de mettre en lumière dès l'amorce de cette séance, car je suis persuadé que bon nombre de ces événements se sont produits comme je le craignais. J'imagine que les autres témoins pourront vous en dire plus long à ce sujet.
    Je trouve intéressant que les fonctionnaires chinois travaillant dans ce bureau national établi à Hong Kong puissent échapper d'une certaine manière à toutes les lois applicables sur ce territoire. En effet, seules les lois énumérées à l'annexe III de la loi fondamentale de Hong Kong s'y appliquent. Si un fonctionnaire chinois pose des gestes qui contreviennent à une loi de la Chine continentale, on ne pourra rien faire contre lui. S'il enfreint une loi locale dans l'exercice de ses fonctions, personne ne pourra non plus faire quoi que ce soit. Nous avons ainsi en quelque sorte une police secrète échappant à toute forme de contrôle.
    Je vais conclure sur ce point. Pour Hong Kong, ce sont là des éléments très importants, car ils sont au cœur des considérations qui font en sorte que nous avons un pays, deux systèmes. Les hauts dirigeants de la Chine continentale peuvent toujours prétendre qu'ils défendent le principe d'un pays, deux systèmes, mais ce principe était censé s'appuyer en fait sur les institutions hongkongaises qui devaient travailler indépendamment des systèmes continentaux. Cette indépendance s'est toutefois totalement estompée.
(1120)
    Je pourrais vous entretenir encore longtemps de la protection des droits de la personne, mais je n'ai plus de temps, et je serai maintenant ravi de répondre à vos questions.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Davis.
    Nous allons maintenant entendre M. Rogers de Hong Kong Watch qui a droit à un maximum de 10 minutes.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Je m'estime privilégié de pouvoir discuter avec vous aujourd'hui à un moment aussi critique pour Hong Kong. Je veux donc vous remercier de tenir une séance à ce sujet.
    Hong Kong a vécu de nombreux jours sombres au cours des 12 derniers mois et, comme on vous l'a déjà mentionné, lundi de cette semaine a été l'une des plus marquantes de ces journées. L'arrestation de Jimmy Lai, mais également celle d'Agnes Chow et d'autres militants, et la rafle effectuée par 200 policiers dans la salle de rédaction d'Apple Daily représentent un assaut éhonté de plus contre les libertés civiles à Hong Kong et sonnent vraiment le glas de la liberté de presse.
    Comme votre premier témoin vous l'a déjà expliqué avec beaucoup d'éloquence, l'imposition de la draconienne loi sur la sécurité nationale le 1er juillet par le Congrès national du peuple a pour ainsi dire mis fin à toute possibilité d'autonomie pour Hong Kong. C'en est fait du principe un pays, deux systèmes. De nombreux militants se retrouvent dans une position extrêmement périlleuse en raison de cette violation flagrante de la Déclaration conjointe sino-britannique — et mon accent m'a sans doute déjà trahi: je suis britannique et je vous parle depuis le Royaume-Uni —, un traité international enregistré aux Nations-Unies. Pour toutes ces raisons, sans oublier le fait que la nouvelle loi sur la sécurité a une application extraterritoriale — il vaut en effet la peine de mentionner qu'elle s'applique à tous que l'on soit Hongkongais ou non, à Hong Kong comme à l'extérieur, si bien qu'une réunion comme celle-ci pourrait être jugée illégale —, on peut parler d'une attaque virulente non seulement contre les libertés et le mode de vie des Hongkongais, mais aussi contre l'ordre international fondé sur des règles.
    La disqualification subséquente des candidats prodémocratie pour les élections au conseil législatif prévues en septembre, et le report d'une année de ces mêmes élections par la suite privent les citoyens de Hong Kong de leur droit de vote et bloquent l'une des rares avenues pouvant encore leur permettre d'accéder à un certain degré de liberté d'expression.
    Ces événements équivalent en fait à une prise de contrôle totale de Hong Kong par le parti communiste chinois. Comme l'indiquait le Barreau de Hong Kong, la loi sur la sécurité nationale porte atteinte aux libertés et aux droits fondamentaux, à l'indépendance du système judiciaire et au principe de la primauté du droit.
    Il y a de nombreuses violations des droits de la personne que nous pourrions dénoncer, mais il faut porter une attention toute particulière à la brutalité généralisée, constante, injustifiée et aveugle de la police hongkongaise au cours des 12 derniers mois.
    Une étude récente menée par le Groupe parlementaire multipartite du Parlement britannique sur les violations des droits de la personne et des principes humanitaires par la police de Hong Kong a notamment révélé que les travailleurs humanitaires ont eu droit à divers traitements ne respectant pas les lois et les principes humanitaires internationaux, les droits internationaux de la personne et la Déclaration conjointe sino-britannique. Ces travailleurs humanitaires ont notamment été victimes d'intimidation, de harcèlement, de menaces, de violence physique et d'arrestations.
    Dans leur rapport rendu public récemment sous le titre Srinking Safe Space for Humanitarian Aid Workers in Hong Kong, les parlementaires réclament, entre autres mesures, l'établissement d'un mécanisme indépendant pour enquêter sur la situation à Hong Kong, soit sous l'égide de l'Assemblée générale ou de la Commission des droits de l'homme des Nations unies, soit par l'intermédiaire d'une instance comme l'Association internationale du barreau. Ils demandent en outre que l'on impose les sanctions prévues dans la loi Magnitski aux responsables qui ont rendu possible cette violence policière excessive à Hong Kong, ce qui comprend notamment le premier magistrat Carrie Lam et le commissaire de police.
    J'aimerais maintenant soumettre quelques recommandations au gouvernement canadien, et ce, en toute humilité. Il ne me revient en effet pas d'intervenir depuis le Royaume-Uni pour dire au Canada ce qu'il devrait faire. Ce sont plutôt des suggestions que vous pourriez prendre en considération, peut-être de concert avec mon propre pays. Je suis vraiment heureux que le Canada ait décidé de suspendre l'application du traité d'extradition avec Hong Kong, mais je pense que l'on peut et que l'on doit en faire davantage.
(1125)
    Je voudrais d'abord encourager le Canada à collaborer avec d'autres pays aux vues similaires afin de mettre sur pied un groupe de travail international chargé de coordonner l'intervention mondiale en réponse à cette crise. Cette idée a été mise de l'avant par sept anciens ministres britanniques des affaires étrangères. Bien évidemment, votre ministre des Affaires étrangères a jeté les bases de cette initiative en y allant de plusieurs déclarations communes avec ses homologues du Royaume-Uni, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis, une coopération dont nous nous réjouissons vivement. Je pense cependant que l'on pourrait en faire plus pour consolider la coordination entre les nations démocratiques de telle sorte que la réponse à la crise actuelle ne soit pas fragmentée ou simplement pour la forme, mais plutôt aussi vigoureuse, rapide, concertée et coordonnée que possible.
    Je veux en deuxième lieu exhorter le Canada à imposer les sanctions ciblées prévues dans sa loi Magnitski aux dirigeants du gouvernement et des forces policières de Hong Kong ainsi que du gouvernement chinois qui sont responsables de ces violations des droits de la personne et de ce manquement à un traité international. Ces sanctions seraient d'une grande utilité du fait qu'elles sont ciblées. Nous ne préconisons pas de sanctions contre la Chine, Hong Kong ou leurs populations respectives, mais plutôt contre les hauts dirigeants directement responsables. Selon moi, le régime chinois ne réagit pas aux grands discours ou aux déclarations. Le seul langage qu'il comprenne est celui de la pression, et de telles sanctions ciblées lui montreraient clairement que nous n'allons pas lui permettre de s'en tirer impunément.
    Troisièmement, je souhaiterais encourager le Canada à appuyer publiquement les demandes de création d'un poste d'envoyé spécial des Nations unies et d'un autre de rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de la personne à Hong Kong. Cette proposition a l'appui d'au moins 50 rapporteurs spéciaux actuellement en poste aux Nations unies; de 7 anciens rapporteurs; de l'ancien haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme; du dernier gouverneur de Hong Kong, Lord Patten; et des présidents des comités parlementaires des affaires étrangères aussi bien du Canada que de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni. Il serait très important de pouvoir ainsi braquer les projecteurs sur Hong Kong au moyen d'un mécanisme de surveillance et de signalement aux Nations unies pour veiller à ce que l'on ne puisse pas y porter atteinte aux droits de la personne en toute impunité.
    En dernier lieu, je voudrais encore une fois exhorter le Canada à travailler avec d'autres pays pour coordonner la mise en place d'un programme de sauvetage de telle sorte que ceux et celles qui veulent fuir Hong Kong se voient offrir un sanctuaire et la possibilité de présenter une demande de citoyenneté dans un pays du monde libre. Il ne devrait pas s'agir uniquement d'une solution de dernier recours. On pourrait ainsi exercer les pressions nécessaires pour éviter que la situation se détériore à Hong Kong à un point tel que les gens seraient obligés de fuir, et ce, même s'il faut d'ores et déjà constater que la conjoncture est extrêmement périlleuse. Certains militants ont déjà quitté la ville, et de nombreux Hongkongais vont leur emboîter le pas au cours des mois et des années à venir, soit parce qu'ils sont exposés à un danger bien réel ou simplement parce qu'ils ne voient aucun avenir dans une ville dépouillée de ses libertés.
    Comme vous le savez sans doute, le Royaume-Uni a fait une offre très généreuse aux détenteurs d'un passeport de citoyen britannique d'outre-mer qui se trouvent à Hong Kong. Cette aide arrive à point nommé, mais n'améliore en rien le sort de nombreux jeunes de Hong Kong, surtout des militants de première ligne, qui sont laissés sans protection parce que ceux qui sont nés après 1997 ne sont pas admissibles. Diverses possibilités s'offrent au Canada pour contribuer à trouver des pistes de solution.
    Je vais conclure en essayant de répondre à une question. Pourquoi le Canada devrait-il être concerné par ces différents enjeux?
    Je dirais que je vois trois raisons principales. C'est premièrement à cause de votre histoire, et je ne crois pas avoir à vous la remémorer. Deuxièmement, c'est parce que vous êtes un pays qui s'enorgueillit de son travail pour la défense des libertés et des droits de la personne. La troisième raison est liée au fait que la Déclaration conjointe sino-britannique n'est pas seulement un accord entre la Grande-Bretagne et la Chine; c'est un traité international qui concerne tous ceux parmi nous qui croyons en un système international basé sur des règles.
    Je pense qu'il est grand temps que le monde libre passe à l'action pour défendre la liberté, la démocratie, les droits de la personne et l'ordre international fondé sur des règles, et j'estime que cette action doit être aussi forte, ciblée et concertée que possible.
    Merci beaucoup.
(1130)
    Merci beaucoup, monsieur Rogers.
    Nous allons maintenant entendre les représentants de la Toronto Association for Democracy in China.
    Qui va commencer, Mme Go ou M. Kwan?
    À vous la parole.
    Au nom de la Toronto Association for Democracy in China, je tiens à remercier le Comité de tenir cette série d'audiences sur la situation à Hong Kong.
     Le Canada a cru pendant trop longtemps que la Chine allait se conformer aux règles internationales d'engagement et de civilité diplomatique pour ce qui est du respect des concepts fondamentaux de la primauté du droit. Cette illusion vient de s'évanouir avec l'arrestation arbitraire des deux Michael et l'application rétroactive de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong.
    Notre exposé d'aujourd'hui va porter principalement sur deux champs d'action que l'on devrait privilégier au Canada. Dans un premier temps, il faut se demander comment nous pouvons contrer les interventions et l'ingérence de la Chine et protéger nos intérêts et nos valeurs en tant que Canadiens. L'autre question consiste à savoir quels programmes précis le Canada devrait mettre en place pour aider ceux et celles qui essaient de quitter Hong Kong. Je vais traiter du premier point et ma collègue, Avvy Go, vous entretiendra du second.
    Depuis le massacre de la place Tiananmen en 1989, la Chine y est allée d'un effort concerté pour camoufler ses atteintes aux droits de la personne et présenter une image positive afin de progresser dans la concrétisation de ses visées planétaires. C'est ainsi qu'elle a établi des centaines d'associations mandataires au Canada, bon nombre d'entre elles étant des coquilles vides, pour s'immiscer dans les sphères politiques, sociales et culturelles de notre pays et obtenir l'accès à nos élus dans le but de les influencer.
    Voici quatre exemples de cette stratégie du Front uni menée par les consulats chinois et leurs mandataires.
    Les Chinois ont tenu des conférences de presse pour plaider au sein de la communauté en faveur de la libération de Meng Wanzhou et ont, dans une manœuvre plus maladroite, embauché des protagonistes n'étant pas d'origine ethnique chinoise pour participer à des manifestations en vue de montrer le soutien général de la population pour leur cause. Ils ont obligé des étudiants internationaux chinois à manifester contre des ralliements pro-Hong Kong en les menaçant de ne pas leur verser leur bourse d'études du gouvernement ou de s'en prendre à leur famille s'ils n'obéissaient pas. Ils ont noué des liens avec le maire d'une collectivité rurale de la Colombie-Britannique pendant des années afin d'obtenir une citation de sa part louant la réponse chinoise à la crise de la COVID-19 sur Twitter, le tout dans le but de redorer le blason de la Chine dans sa lutte contre le virus. Enfin, ils ont intégré à un conseil scolaire ontarien le Confucius Institute — l'équivalent d'une agence d'espionnage selon le Service canadien du renseignement de sécurité — en tenant une réception pour son président au Grand Hall du peuple de Pékin, un lieu normalement réservé aux chefs d'État.
    Ce travail systématique et continu pour exercer une influence au sein de notre société civile se poursuit depuis 30 ans dans le cadre des efforts déployés par la Chine pour influer sur nos politiques et nos élus. Voici ce que nous recommandons pour freiner ses efforts. Premièrement, il faut faire preuve de vigilance pour contrer les cyberattaques et les vols de propriété intellectuelle dont sont victimes nos entreprises et nos instituts de recherche. Deuxièmement, il nous faut procéder à un examen critique de la mainmise chinoise sur nos entreprises dans des industries stratégiques comme l'exploitation minière et les ressources énergétiques, de même qu'au sein d'institutions essentielles à notre sécurité nationale, comme nos infrastructures et nos centres d'hébergement et de soins. Troisièmement, il convient de favoriser la mise en place d'un service téléphonique national, tel que préconisé par Amnistie internationale, pour coordonner et encourager le signalement des cas de harcèlement et d'intimidation de nos propres citoyens par la Chine. Quatrièmement, nous devrions établir un processus plus rigoureux pour assurer que nos élus, anciens et actuels, soient transparents dans leurs relations avec la Chine de manière à atténuer et à contrer toute influence étrangère sur nos affaires internes. Cinquièmement, nous recommandons de travailler en coordination avec nos alliés en appuyant ceux qui demandent la création d'un poste de rapporteur spécial des Nations Unies pour Hong Kong. Sixièmement, il importe d'appliquer les dispositions de la loi Magnitsky pour sévir contre les dirigeants de Hong Kong et de la Chine qui sont responsables des violations des droits de la personne.
    J'aimerais traiter en terminant d'un point qui n'est pas dans mon mémoire écrit. Je veux vous parler d'une nouvelle publiée hier concernant l'octroi récent d'un contrat d'Affaires mondiales Canada à une entreprise chinoise pour l'installation et l'entretien d'appareils de détection à rayons X dans nos ambassades partout sur la planète. Non seulement y avait-il deux entreprises canadiennes qui ont soumis des propositions à moindre coût, mais la société chinoise retenue, Nuctech, est sous le coup d'une mesure tarifaire que lui a imposée l'Union européenne pour une période de cinq ans parce qu'elle est soupçonnée d'avoir fait du dumping et d'avoir des pratiques dont l'honnêteté pourrait être mise en doute. Récemment, cette même entreprise s'est fait prendre pour avoir utilisé un stratagème dans le but de piéger un dirigeant taïwanais de telle sorte qu'il achète ses appareils.
(1135)
    Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Avvy Go.
    Comme cela a déjà été mentionné, en plus d'être membre du conseil d'administration de notre association, je suis avocate et directrice de la Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, une clinique offrant gratuitement des services juridiques à des clients à faible revenu, y compris de nombreux réfugiés en provenance de la Chine.
    Nous sommes actuellement tous témoins des mesures énergiques de répression contre les militants prodémocratie à Hong Kong. L'arrestation de Jimmy Lai confirme que tous ceux qui dénoncent le régime dictatorial de la Chine vont en subir les conséquences, peu importe leur renommée ou leur fortune.
    Comme plus de 300 000 Canadiens vivent à Hong Kong et plusieurs centaines de milliers d'autres d'origine hongkongaise vivent au Canada, notre gouvernement a non seulement le devoir moral d'intervenir, mais aussi l'obligation légale de protéger nos concitoyens et leurs proches qui sont à Hong Kong.
    Depuis la Deuxième Guerre mondiale, il est arrivé à maintes reprises que le Canada accorde le statut de réfugié à des groupes considérables de personnes fuyant la persécution politique et la guerre civile.
    Pendant que l'on étouffe le flambeau de la démocratie, Hong Kong brûle. Nous ne serons peut-être pas capables d'éteindre l'incendie qui fait rage, mais nous devons tout mettre en œuvre pour limiter les dommages causés et sauver autant de vies que possible.
    Pour ce faire, nous exhortons le Canada à prendre les mesures suivantes.
    Premièrement, le Canada devrait accélérer le traitement des demandes de parrainage familial présentées par des Canadiens pour leurs proches vivant à Hong Kong, y compris le parrainage du conjoint et celui des parents et des grands-parents. Le Canada devrait également élargir le cadre du Programme de la catégorie de la famille de manière à faciliter la réunification de Canadiens avec leurs proches à Hong Kong.
    Deuxièmement, le Canada devrait, dès que l'interdiction de voyager sera levée, délivrer un plus grand nombre de permis de séjour temporaires ou de visas de travail à des Hongkongais, ainsi que de visas d'étudiant pour les jeunes qui veulent poursuivre leurs études dans un environnement sûr.
    Troisièmement, nous devrions créer un programme spécial permettant d'accorder le statut de résident permanent aux militants hongkongais engagés dans le mouvement prodémocratie qui sont déjà au Canada, sur le modèle du programme spécial créé pour les milliers de ressortissants chinois présents au Canada après le massacre de la place Tiananmen en 1989.
    Enfin, pour les militants qui ont été arrêtés ou qui sont en danger imminent de l'être, nous devrions demander au consulat du Canada à Hong Kong d'émettre des permis de résident temporaire et des documents de voyage afin qu'ils puissent quitter immédiatement Hong Kong en toute sécurité si c'est ce qu'ils décident de faire. À leur arrivée au Canada, nous devrions leur accorder le statut de personne protégée ou de résident permanent.
    Il y a des gens à Hong Kong qui se sont insurgés contre un puissant régime autoritaire afin de sauvegarder les valeurs fondamentales de notre démocratie et de notre liberté d'expression. Il nous incombe à tous, Canadiens, de leur offrir un soutien à la hauteur de leur engagement.
    Je vous remercie.
(1140)
    Merci beaucoup, monsieur Kwan et madame Go.
    Nous passons maintenant à un premier tour de questions où chacun aura droit à six minutes.
    Je vais demander à M. Genuis de commencer.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Avant de poser mes questions à nos excellents témoins, il y a un ou deux éléments de régie interne dont je voudrais traiter. Je veux d'abord donner préavis à mes collègues du Comité de la motion suivante:
Que le Comité produise un rapport sur la situation à Hong Kong et que celui-ci soit présenté le plus tôt possible après la fin des audiences consacrées à ce sujet.
    C'est donc un avis de motion. Je ne vais pas la présenter maintenant. Étant donné l'avis de motion que je viens de vous soumettre et l'autre motion dont nous avons discuté avant d'ajourner le débat, je voudrais aussi vous suggérer, monsieur le président, de prévoir une période de 20 à 30 minutes pour débattre de ces deux motions après l'audition de nos témoins à la fin de notre séance de lundi prochain. Je soumets donc cette proposition à votre considération et à celle de mes collègues du Comité.
    Je passe maintenant à mes questions pour nos témoins.
    Merci pour vos exposés des plus intéressants. Il vaut la peine de noter que l'on nous recommande sans cesse le recours aux sanctions prévues dans la loi Magnitsky, non seulement pendant les présentes audiences concernant Hong Kong, mais depuis le début de nos travaux. J'ai beaucoup aimé entendre M. Rogers nous dire très clairement que le régime chinois ne réagit pas aux déclarations et aux grands discours, mais seulement à la pression.
    Je tiens également à revenir aux commentaires de M. Kwan concernant la société Nuctech. Selon moi, ce dossier revêt une importance telle que nous devrions chercher à savoir comment le gouvernement l'a traité. Étant donné ce que nous découvrons maintenant, tout semble indiquer que c'est une affaire de stupidité bien ancrée, ou encore qu'il y a corruption manifeste ou peut-être un quelconque piège dans lequel quelqu'un serait tombé. La situation est si étrange qu'il est difficile de l'expliquer autrement, et je pense qu'il nous faut vraiment tirer les choses au clair.
    Merci, monsieur Kwan, d'avoir porté ce sujet à notre attention.
    Je voudrais pour l'instant discuter plus à fond avec Mme Go et M. Rogers des questions liées à l'immigration et à un éventuel programme de sauvetage.
    Nous, de l'opposition, réclamons du gouvernement qu'il établisse et présente un plan afin de venir en aide aux Canadiens qui souhaitent quitter Hong Kong. Je crains fort de voir le gouvernement chinois s'en prendre aux Canadiens vivant à Hong Kong. Nos concitoyens canadiens connaissent bien le cas de Michael Kovrig et Michael Spavor. La semaine dernière, un de nos témoins a parlé du risque de voir des « milliers de Michael » être utilisés au détriment du Canada dans le cadre d'une véritable escalade de la diplomatie fondée sur la prise d'otages à grande échelle. Une telle manœuvre s'inscrirait dans les efforts déployés par le gouvernement chinois pour que des citoyens canadiens, tout comme ceux d'autres pays d'ailleurs, et des défenseurs des droits de la personne qui voudraient peut-être demander le statut de réfugié ne puissent pas quitter Hong Kong. Je pense que nous avons déjà vu le gouvernement chinois s'employer à rendre les choses plus difficiles pour les ressortissants britanniques, le tout en réaction aux mesures prises par le gouvernement du Royaume-Uni.
    Je veux donc peut-être adresser ma première question à M. Rogers. Quels efforts pouvons-nous voir le gouvernement chinois déployer pour empêcher les ressortissants étrangers de quitter Hong Kong, et quelles interventions le Canada devrait-il planifier pour pouvoir assurer la sécurité de nos citoyens en pareil cas?
    Merci beaucoup pour cette question très importante.
    Jusqu'à maintenant, nous avons surtout été témoins de menaces de la part du gouvernement chinois. À ma connaissance, il n'y a pas eu pour l'instant d'actions concrètes, mais on a certes menacé de refuser de reconnaître le passeport de citoyen britannique d'outre-mer, ce qui risque bien évidemment d'entraîner des complications pour ceux qui veulent quitter Hong Kong. Il y a déjà un certain nombre de personnes qui ont pu partir pour revenir au Royaume-Uni. Je crois qu'il y en a eu au moins 60 — et peut-être davantage maintenant — depuis la promulgation de la loi sur la sécurité, mais il y a tout de même cette menace de ne pas reconnaître le passeport des citoyens en question.
    Il y a aussi bien sûr toutes sortes de menaces contre des intérêts britanniques, des entreprises britanniques. Ce sont des menaces qui ne sont pas très précises pour l'instant, mais je pense que nous devrions nous préparer à toutes les éventualités. Il est donc d'autant plus important que nous — votre pays et le mien — fassions le nécessaire pour aider nos citoyens à partir pendant qu'il est encore possible de le faire.
    Merci beaucoup. On menace donc d'empêcher les gens de quitter Hong Kong, et il semble y avoir un risque véritable de voir cette diplomatie de prise d'otages prendre de l'ampleur en ciblant un plus grand nombre de victimes encore.
    Je vois que vous acquiescez, monsieur Rogers, et je vous en remercie.
    Madame Go, voulez-vous répondre à cette même question en nous parlant peut-être d'un programme de sauvetage? Dans quelle mesure faut-il s'attendre à ce que le gouvernement chinois essaie de nous compliquer la tâche si nous voulons aider des gens à quitter Hong Kong, et quel genre de contre-mesures le gouvernement devrait-il être prêt à prendre?
(1145)
    Pour l'instant, un citoyen canadien devrait normalement être en mesure de quitter Hong Kong. Le problème vient du fait qu'il y a de nombreux... À titre d'exemple, certains membres du conseil législatif à Hong Kong ont renoncé à leur citoyenneté canadienne pour pouvoir être candidats lors de l'élection. En pareil cas, je ne sais pas trop comment le gouvernement canadien... Il faut se demander si nous allons encore les considérer comme des citoyens du Canada. Et même si c'était le cas, ils ont peut-être des membres de leur famille qui ne le sont pas — des résidents permanents ou des citoyens de Hong Kong —, ce qui pourrait les inciter à décider de rester là-bas pour l'instant. Il pourrait cependant devenir de plus en plus difficile pour eux de partir par la suite.
    Je crains également de voir le Canada commencer à exiger un visa des gens en provenance de Hong Kong. Supposons que vous êtes un citoyen canadien qui quittez Hong Kong, et que vous voulez amener avec vous au Canada des proches qui résident là-bas. Il ne leur sera peut-être pas possible de vous accompagner si nous ne prenons pas les mesures nécessaires.
    Dans la situation actuelle, il y a une interdiction de voyager qui s'ajoute à toutes ces considérations. Ainsi, vous ne pouvez même pas venir au Canada à moins que ce soit pour y rejoindre votre conjoint ou vos enfants à charge.
    Les couches de problèmes se superposent dans la conjoncture que nous connaissons.
    Merci beaucoup, madame Go.
    Merci, monsieur Genuis.
    Nous passons maintenant à Mme Zann pour les six prochaines minutes.
    Un grand merci à tous les témoins qui sont des nôtres aujourd'hui. C'est vraiment un enjeu très grave qui nous amène à nous poser de sérieuses questions sur l'avenir de la démocratie à l'échelle planétaire.
    Je regardais récemment une interview télévisée avec Jimmy Lai, le fondateur du Apple Daily. Il avait les larmes aux yeux en parlant de son amour pour son pays, mais aussi de sa crainte d'être arrêté. Il a toutefois ajouté qu'il se devait de dire ce qu'il a dit parce qu'il tient à ce que la vérité triomphe et à ce qu'elle soit connue du plus grand nombre. Mes pensées sont de tout cœur avec lui et avec sa famille. Il a indiqué avoir certains parents ici au Canada. Je suis vraiment inquiète pour lui et pour tous les autres journalistes qui ont été arrêtés et qui vivent actuellement dans la crainte à Hong Kong. Plusieurs autres défenseurs de la démocratie ont été appréhendés en même temps que lui alors qu'il semblerait que pas moins de 200 policiers ont perquisitionné les bureaux du Apple Daily.
    Voici donc ma question. Est-ce que le moment a été choisi pour tenir une telle opération? Croyez-vous que la police cherchait quelque chose en particulier? Comment la communauté internationale, en incluant le Canada, devrait-elle réagir à l'arrestation de membres des médias et de leaders étudiants à Hong Kong?
    Qui voudrait répondre à cette question? Monsieur Davis?
    Oui, avec plaisir.
    Je crois vraiment que la police allait à la pêche en perquisitionnant la salle de rédaction. J'ai appris que l'on fonctionnait en s'appuyant sur des cas précis. Le cas qui est à l'origine de bon nombre des arrestations jusqu'à maintenant a tout lieu de préoccuper le Canada et les États-Unis du fait qu'il met en cause des gens qui ont formé des organisations à l'étranger pour appuyer Hong Kong.
    L'une de ces organisations a pour nom Stand with Hong Kong. Il y a aussi le Hong Kong Democracy Council. Je crois d'ailleurs que vous allez accueillir un représentant de ce dernier groupe qui est déjà visé par un mandat d'arrestation parce qu'il fait pour ainsi dire du lobbying auprès de son propre Congrès, le Congrès américain. Samuel Chu est en effet un citoyen américain dont le travail au sein du Hong Kong Democracy Council consistait essentiellement à faire du lobbying auprès du Congrès en faveur de la loi sur les droits de la personne et la démocratie de Hong Kong.
    Les échanges que nous avons au cours de la présente audience pourraient nous valoir à tous d'être visés par des mandats d'arrêt, car cette loi, qui est de portée mondiale, vise notamment les gouvernements étrangers qui réclament des sanctions contre la Chine ou Hong Kong. Nos questions et réponses d'aujourd'hui pourraient donc être interprétées comme des pressions exercées pour obtenir des sanctions, et il est même possible que nos propos susceptibles de susciter la haine de la Chine nous placent en contravention de cette loi. La présence séance est donc tout à fait dans la mire des autorités.
    Je pense que les Chinois s'assurent actuellement de miser sur des cas semblables, si bien que je m'attends à voir de plus en plus de situations où l'on ciblera des gens œuvrant à l'étranger au sein de ces organisations qui réclament des sanctions en plus de s'en prendre à ceux qui témoignent dans le cadre de telles audiences un peu partout dans le monde.
    Il semblerait que la police était loin d'être certaine de son coup dans le cas de Jimmy Lai, mais celui-ci était ciblé depuis de nombreuses années parce qu'on le considérait comme un grand pécheur. Apparemment, son seul péché aurait été de fournir supposément des fonds à des organisations qui font du lobbying auprès de gouvernements et de parlements comme le vôtre.
    C'est ainsi que des gens qui exercent leurs libertés fondamentales, ne serait-ce qu'en faisant du lobbying auprès de leur propre gouvernement, risquent d'être accusés de crimes graves pouvant leur valoir de trois ans d'incarcération jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité. C'est ce qui se passe actuellement.
(1150)
    J'ai une autre question que j'adresse à tous nos témoins. Lorsqu'on regarde les bulletins d'actualité, on voit ces Chinois interviewés sur le trottoir qui affirment qu'il n'y a aucun problème et que ces mesures sont prises pour protéger la Chine et leur société de manière à ce qu'elle reste unie. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez et si vous estimez que les Chinois du continent ont droit à des bulletins d'actualité formatés d'une certaine manière ou s'ils peuvent avoir accès à un éventail de nouvelles? Doivent-ils se contenter d'informations en provenance de l'État qui ne véhiculent qu'une seule version des faits?
    Je vais répondre.
    Vous avez une minute.
    Depuis le 1er juillet, la situation des gens de Hong Kong m'apparaît plus pénible que celle des citoyens chinois du continent. Ce n'est rien de scientifique, mais cela n'en reste pas moins tout à fait vrai. Je n'ai jamais vu auparavant autant de censure et d'autocensure imposées aux citoyens chinois que ce que l'on peut observer maintenant à Hong Kong. Je pense que la situation est grave et que nous avons tout lieu de nous en inquiéter. J'ai l'impression que la Chine ne se préoccupe pas du sort de Hong Kong. Elle est prête à sacrifier Hong Kong. Pourquoi se préoccuper de six millions de personnes alors que Mao, à moins que ce ne soit Deng Xiaoping, a déjà dit: « Qu'est-ce qu'un million de personnes victimes d'une famine? Nous sommes des milliards », ou quelque chose du genre.
    À mes yeux, l'attitude carrément insensible de la Chine à l'égard de Hong Kong est équivalente à celle adoptée au Turkestan oriental, dans la région du Xinjiang ainsi qu'au Tibet. C'est presque assimilable à un génocide culturel.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Zann.

[Français]

     Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci infiniment, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de leurs témoignages extrêmement éclairants.
    Il y aurait tant à dire et tant de questions à poser sur Loi sur l’extradition et sur le fait qu'elle n'a pas été adoptée à Hong Kong. Pour ainsi dire, on a un peu mis cette loi sur la voie d'évitement en adoptant une loi qui avait une portée beaucoup plus importante: la loi sur la sécurité nationale. Son application est extraterritoriale. De plus, les autorités locales ont toute latitude pour déterminer ce qui constitue une infraction à la sécurité nationale. Nous pourrons revenir éventuellement sur le statut de traité de la céclaration commune et sur la démission du directeur des poursuites publiques. Enfin, une foule de questions peuvent être abordées.
    J'aimerais poursuivre dans la même lignée de questionnement de M. Genuis sur les départs des militants et la facilitation de ces départs qui pourrait être mise en place par les différentes démocraties occidentales. M. Genuis a abordé évidemment la possibilité que le gouvernement chinois réplique par une politique des otages à grande échelle. On a aussi mentionné la possibilité que le gouvernement chinois veuille prévenir les départs.
    Cela dit, j'aimerais revenir sur deux déclarations de M. Rogers qui m'ont paru contradictoires. Pendant sa présentation, il a semblé indiquer que l'accueil des militants devait être une mesure de dernier recours, de telle sorte qu'il puisse demeurer sur place une force suffisamment importante pour continuer à militer en faveur de la démocratie à Hong Kong. En réponse à M. Genuis, il a plutôt dit qu'il fallait faciliter la sortie des militants immédiatement pendant qu'il en était encore temps.
     J'aimerais permettre à M. Rogers de préciser sa pensée quant au fait qu'il faille procéder rapidement à l'accueil des militants, ce qui, en contrepartie, risque de laisser le champ libre aux autorités chinoises et de leur permettre de raffermir leur autorité sur Hong Kong.
(1155)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je conviens tout à fait qu'il s'agit d'un dilemme extrêmement complexe. C'est ce que j'essayais en fait de faire valoir dans mes observations. Cette façon de faire devrait, en principe, être une solution de dernier recours. Nous devrions tout mettre en oeuvre pour éviter que la situation se détériore encore davantage. Nous devons toutefois reconnaître d'ores et déjà, comme je l'ai indiqué dans mes observations, qu'une grave menace pèse maintenant sur Hong Kong. Il y a des gens qui sont en grand danger.
    Je vous répondrais en fait que nous devrions agir sur les deux tableaux à la fois. Nous devons essayer d'utiliser tous les outils à notre disposition pour faire pression sur les autorités afin que cesse cette érosion des libertés, mais il nous faut en même temps permettre le départ de ceux qui doivent quitter Hong Kong et qui pourraient être empêchés de le faire si la situation s'aggrave. Il reviendra en fin de compte à chacun de décider s'ils souhaitent demeurer là-bas et poursuivre le combat ou s'il veut partir. Pour ceux qui doivent quitter Hong Kong, je pense que le Canada, en coordination également avec le reste du monde libre, doit élaborer un plan pour que cela soit chose possible. Il se peut que cela nécessite l'octroi du statut de réfugié pour certains, mais on pourrait aussi avoir recours à des programmes pour les étudiants et les jeunes talents ou à toute autre stratégie que nous pourrons mettre au point de concert.
    J'espère que cela répond à votre question.

[Français]

     Je vous remercie infiniment, monsieur Rogers.
    Peut-être pourrions-nous demander à Mme Go de compléter cette réponse, si elle le souhaite.

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord. Nous devrions faire les deux choses en même temps. Voilà des années que nous travaillons pour assurer le respect des droits de la personne en Chine et nous allons continuer dans la même veine à titre de réfugiés en provenance de la Chine et de gens qui ont décidé de fuir ce pays. C'est donc ce que nous devrions faire.
    Bien évidemment, si nous voulons que des gens de Hong Kong puissent venir au Canada, le plus tôt sera le mieux. C'est non seulement préférable pour ces gens-là, mais aussi pour nous, notamment pour éviter les risques évoqués par certains témoins quant à l'éventuelle prise d'otages canadiens par la Chine à Hong Kong.
    J'estime certes primordial que nous fassions dès maintenant ce qui doit être fait. Étant donné l'interdiction de voyager, le consulat doit agir sans tarder et même fournir dans certains cas des documents de voyage pour ceux dont les papiers ont été saisis par Hong Kong.

[Français]

    Il vous reste 30 secondes, monsieur Bergeron.
    Merci, monsieur le président.
    Ce serait manquer de respect aux témoins que de leur donner si peu de temps pour répondre.
    Passons au prochain tour de questions.
    Je l'apprécie beaucoup.
    Monsieur Harris, vous disposez de six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins. En six minutes à peine, il est très difficile de réagir adéquatement en posant les bonnes questions compte tenu de toute l'information qui nous a été transmise. Tout cela nous est d'une grande utilité, et j'aimerais bien que nous puissions consacrer une séance complète à chacun d'entre vous.
    Monsieur Davis, je ne sais pas si vous pourriez nous fournir un éclaircissement concernant les répercussions de la nouvelle loi. Vous avez parlé de collusion avec des gouvernements étrangers. D'après ce que je puis comprendre, la loi serait d'application générale, car elle porte sur la collusion non seulement avec des gouvernements étrangers, mais aussi avec des intérêts étrangers. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est exactement?
    Deuxièmement, pourriez-vous nous indiquer, d'un point de vue constitutionnel, s'il persiste après l'adoption de cette loi quelque distinction que ce soit entre la situation à Hong Kong et celle qui prévaut en Chine continentale en matière de sécurité, de sédition et d'autres considérations semblables? En sommes-nous rendus au point où il n'y a plus deux systèmes, mais bel et bien un seul système pour l'ensemble du pays?
(1200)
    Merci.
    La réponse à la première question est oui. La loi ne s'applique pas uniquement aux démarches auprès de gouvernements étrangers. Elle peut même viser le soutien offert à des étrangers sous quelque forme que ce soit. Je témoignais récemment à Hong Kong devant le Barreau et j'ai pu indiquer aux membres du panel, dont plusieurs étaient des partisans reconnus de Beijing, qu'ils étaient en fait en pleine collusion avec un étranger et qu'ils allaient se retrouver dans le même bateau que moi si jamais je tenais des propos incitant à la haine contre Hong Kong ou contre la Chine. C'est malheureusement aussi le risque que court votre comité.
    Si l'on compare la loi sur la sécurité nationale de la Chine continentale à celle de Hong Kong, c'est étrangement cette dernière qui est d'une certaine manière la pire. En effet, la loi de la Chine continentale ne s'applique en principe aux activités étrangères que dans les cas où ces activités contreviennent aux lois du pays où elles ont cours. En revanche, en vertu de la loi sur la sécurité nationale adoptée à Hong Kong, il importe peu que nos échanges d'aujourd'hui enfreignent ou non une loi canadienne — ou une loi américaine, pour ceux parmi nous qui participons depuis les États-Unis. Cette loi s'appliquera de toute manière. Si nous étions en train de préconiser des sanctions, nous pourrions ainsi être mis en accusation en vertu de cette loi, sans égard au fait que nous exerçons simplement notre liberté d'expression.
    Il faut aussi noter qu'il y a de plus en plus de synergies avec le régime continental étant donné tous ces fonctionnaires qui proviennent des services de sécurité publique de l'État chinois. Ils seront, semble-t-il, des centaines à ainsi former en quelque sorte une police secrète dont les propos et les actions sont gardés entièrement confidentiels. On le constate notamment avec les accusations portées contre les gens arrêtés la semaine dernière, car il est impossible de savoir exactement sur quels éléments factuels elles sont fondées. Nous devons nous contenter de rumeurs découlant des questions qui leur ont été posées lors de leur interrogatoire.
    Ce secret et cette idée que les dirigeants sont au-dessus des lois, et que peu importe le traitement qui vous est réservé... Je ne l'ai pas mentionné, faute de temps, mais la nouvelle loi en vigueur à Hong Kong permet aux responsables de la sécurité de la Chine continentale d'y amener les prévenus pour les faire comparaître. Ainsi, un Hongkongais ou un étranger se trouvant à être à Hong Kong, et notamment un Canadien, qui est arrêté en vertu de cette loi peut-être amené en Chine par les autorités continentales si bon leur semble. C'est d'ailleurs bien sûr la raison pour laquelle le Canada a suspendu l'application du traité d'extradition.
    Merci.
    En fin de compte, je vais peut-être vous consacrer mes six minutes. J'ai une autre question pour vous. Comme la situation à Hong Kong avec l'application de sa loi fondamentale découle d'un soi-disant traité enregistré auprès des Nations unies, est-ce que le Royaume-Uni dispose de moyens particuliers pour en assurer l'application? Est-ce que l'on contrevient à ce traité, à une loi internationale à proprement parler, ou est-ce que cela met en cause d'autres arrangements comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques?
    On contrevient en fait à tous ces arrangements. La Déclaration conjointe sur la question de Hong Kong est problématique du fait qu'elle ne renferme aucune disposition pour le règlement des différends. Comme la Chine n'a pas de siège à la Cour internationale de justice, la seule réaction possible doit emprunter la voie diplomatique, un des moyens à notre disposition pour régler les conflits internationaux. C'est donc ainsi que l'on procède.
    Je dirais que cela ne se limite pas au Royaume-Uni. Il faut inclure aussi le Canada, car tous ces pays ont été invités à s'en remettre aux engagements pris par la Chine en vertu de la Déclaration conjointe concernant la loi fondamentale comme condition pour accorder un traitement spécial à Hong Kong. À partir du moment où la Chine cesse de respecter ces engagements, les autres pays sont tout à fait justifiés de se plaindre. Ce n'est pas uniquement une affaire interne. Il y a en quelque sorte un partenariat qui a été établi relativement à la façon dont Hong Kong doit être traitée, et on n'a pas suivi les règles de ce partenariat.
    Merci beaucoup pour cet éclaircissement. On peut voir que le Canada serait pleinement justifié d'intervenir dans ce contexte où nous avons appuyé l'accord et pris des mesures depuis sa conclusion pour assurer un traitement spécial à Hong Kong. Ce sont des précisions très utiles pour notre comité.
    Je ne sais pas combien de temps il me reste, monsieur le président.
(1205)
    Je regrette de devoir vous dire qu'il vous reste cinq secondes à peine.
    Je les laisse volontiers au prochain intervenant.
    Merci beaucoup.
    Nous passons au deuxième tour où chacun aura droit à cinq minutes.
    Monsieur Williamson, à vous la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai tellement de questions que je vais commencer sans plus tarder.
    Monsieur Davis, je vais tenter de résumer votre témoignage et vos réponses.
    Vous avez parlé de perquisitions dans des salles de rédaction en les qualifiant d'expéditions de pêche qui jettent bien évidemment une douche froide sur les autres militants et journalistes; d'élections truquées; de juges triés sur le volet; d'un premier magistrat supervisant les services de sécurité, tout au moins en dehors de ceux dirigés par les responsables continentaux; de chambres étoilées secrètes; du remplacement à Hong Kong de la primauté du droit par l'autorité du droit exercée par de hauts dirigeants à partir de Beijing; et d'une police secrète qui ressemble étrangement à celle que nous avons connue en Allemagne de l'Est avec la Stasi.
    Devrions-nous désormais commencer à considérer Hong Kong comme une nouvelle version de l'Allemagne de l'Est, de la Pologne, de la Hongrie et de tous ces pays de l'Europe de l'Est? Ce territoire est dorénavant sous le contrôle strict de Beijing. Que diriez-vous de la menace qui pèse sur les gens de Hong Kong compte tenu de ce que l'histoire nous a appris dans des cas similaires?
    Je dirais que c'est exactement ce qui se passe. Je déteste devoir l'avouer, car j'ai vécu à Hong Kong pendant 30 ans et je me considère comme un Hongkongais. Il est très pénible pour moi d'être témoin de cela, d'autant plus que c'est inutile. La Chine tente d'exercer un contrôle sur les manifestations à Hong Kong. Elle n'aurait pourtant qu'à prêter une oreille plus attentive aux revendications des Hongkongais.
    Voilà qui montre bien à quel point — et je sors peut-être un peu du cadre dela question — la démocratie est importante à Hong Kong. Le territoire a grandement besoin d'un gouvernement capable de représenter les citoyens de Hong Kong et de se faire l'écho de leurs préoccupations. Je crois que les gouvernements étrangers devraient également exercer des pressions en ce sens.
    Merci.
    Puis-je répondre également, parce que c'est...
    Madame Go, je vais m'adresser à vous dans un instant. Je me réjouis de votre enthousiasme, mais j'aurais d'abord d'autres questions à poser, car je veux procéder dans l'ordre.
    Monsieur Davis, en votre qualité de spécialiste du droit international dans le contexte de Hong Kong, quel serait votre conseil pour notre comité et ses membres? Devrions-nous envisager la tenue de séances à Hong Kong? Que diriez-vous de cette possibilité pour nous dans notre rôle de législateurs fédéraux?
    Je crains fort que l'on vous refuse l'accès si une tentative de votre part en ce sens était publicisée.
    Très bien.
    Le chef de Human Rights Watch s'est déjà vu refuser l'entrée, simplement parce qu'il allait se rendre à Hong Kong pour rendre public un rapport. Il a été intercepté à l'aéroport et a dû faire demi-tour.
    Vous avez beaucoup d'autres options que de tenir des séances à Hong Kong.
    C'est très intéressant. Il y a déjà un effet dissuasif; Mme Go l'a mentionné.
    À l'heure actuelle, il n'y a pas d'exigences en matière de visa pour les Canadiens qui entrent à Hong Kong ou les citoyens de Hong Kong qui viennent au Canada. Nous ne nous ferions pas nécessairement arrêter, mais l'entrée pourrait tout simplement nous être refusée.
    Oui, vous seriez contraints de faire demi-tour. C'est exactement ce qui est arrivé à Kenneth Roth.
    D'accord.
    D'après vous, il est tout à fait possible que les membres de notre comité soient détenus s'ils se rendent soit en Chine continentale, soit... Tenons-nous-en à Hong Kong, où il y avait autrefois des libertés. Avant, peu importe nos propos, nous aurions pu entrer au pays et en sortir, mais plus maintenant. Des poursuites pourraient être engagées contre nous, à Hong Kong ou en Chine continentale.
    C'est possible, mais même si vous n'allez pas à Hong Kong — ce qui pourrait être risqué, selon moi —, rappelez-vous que les sanctions prises contre des citoyens américains ciblent directement les membres d'un comité du Congrès.
    D'accord, merci.
    Monsieur Rogers, très rapidement, vous êtes au Royaume-Uni aujourd'hui. Votre groupe a-t-il déjà été basé à Hong Kong, et voyageriez-vous à Hong Kong?
    Le groupe n'a jamais été basé à Hong Kong, mais j'ai habité là pendant les cinq premières années qui ont suivi la rétrocession. J'ai oublié de mentionner, durant mon exposé, que l'entrée à Hong Kong m'a été refusée en octobre 2017, probablement la première...
(1210)
    J'ai 15 secondes pour vous poser la question suivante.
    Vous avez mentionné que le principe « un pays, deux systèmes » était fichu et que la déclaration sino-britannique était maintenant nulle et non avenue. Qu'est-ce que cela signifie pour Taïwan?
    D'après moi, si la communauté internationale ne prend pas des mesures robustes, la même chose se produira ensuite à Taïwan. Je suis convaincu que... Un parallèle a été fait plus tôt avec la Pologne et la République tchèque. La situation rappelle celle de la région des Sudètes, de la Tchécoslovaquie et de la Pologne. Nous devons agir.
    Je vous remercie.
    Si nous n'agissons pas, après Taïwan, ce sera notre tour.
    Merci, monsieur Rogers.
    Je vous remercie, monsieur Williamson, de surveiller étroitement votre temps de parole.
    Nous passons maintenant à Mme Yip. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci à toutes et à tous de votre présence. Vos témoignages sont très importants.
    Ma question s'adresse à M. Kwan.
     Au cours de la dernière année, des affrontements sont survenus au Canada entre des manifestants appuyant la démocratie à Hong Kong et des partisans du gouvernement de la Chine. Que savons-nous sur la nature et la fréquence de tels affrontements? Je sais que vous abordez le sujet durant votre exposé. Aussi, les affrontements entre les deux groupes sont-ils devenus plus fréquents depuis que la loi sur la sécurité nationale a été introduite?
    Je tiens à souligner que pour tous les rassemblements pacifiques en faveur de Hong Kong, il y a eu des contre-manifestations, probablement organisées par les consulats de Chine, et aussi par un grand nombre d'étudiants internationaux ou même de résidents canadiens — ce qu'on appelle « des étudiants au volant de Ferrari ». Ces gens tentent de semer la violence dans les rassemblements en faveur de Hong Kong. D'autres groupes ayant témoigné avant moi vous en ont peut-être parlé. C'est un problème persistant.
    C'est pour cette raison que mon témoignage aujourd'hui porte strictement sur les mesures que nous pouvons prendre au Canada. Nous pouvons dire tout ce que nous voulons sur les façons de venir en aide à Hong Kong, mais nous nous heurterons à un mur de pierre érigé par la Chine. Pour avancer de manière proactive, le Canada doit protéger ses citoyens.
    Je vous remercie d'avoir soulevé la question, car Amnistie internationale, en collaboration avec un grand nombre d'organisations comme la nôtre, a publié un rapport sur le harcèlement. Le gouvernement et les consulats de Chine harcèlent ouvertement les personnes comme moi.
    Je vais dire une dernière chose. Je travaille dans le domaine des droits de la personne depuis 30 ans. Je ne pense pas passer par Hong Kong de sitôt, ni même me rendre dans un pays ayant signé un traité d'extradition avec la Chine. Je ne voyagerai pas non plus à bord d'un avion de Cathay Pacific parce que la Chine a déclaré que, Cathay Pacific étant un transporteur aérien hongkongais, enregistré à Hong Kong, la Chine a le droit de m'enlever et de me ramener en Chine pour m'y faire subir un procès ou quoi que ce soit.
    Je vais vous donner deux exemples célèbres survenus il y a quelques années. Des employés de la librairie hongkongaise Causeway Bay Books, un citoyen suédois et un citoyen britannique, ont été enlevés et ont disparu à Hong Kong. Pendant des mois, personne ne savait où ils se trouvaient. Je trouve cet incident extrêmement préoccupant pour les Canadiens.
    Quelque 600 000 Canadiens d'origine hongkongaise vivent au Canada. Je suis certaine qu'ils ont les mêmes préoccupations que vous. Quelles mesures peuvent être prises pour protéger les Canadiens ayant des liens avec Hong Kong?
    Je vais renvoyer votre question à Mme Avvy Go. Je pense qu'elle s'y connaît mieux que moi sur la légalité des mesures que peut prendre un haut-commissaire à Hong Kong.
    Certainement, mais je tiens à souligner que si nous commençons à considérer Hong Kong comme faisant partie de la Chine, je suis très inquiète que le Canada se mette à imposer des exigences en matière de visa aux citoyens hongkongais qui quittent Hong Kong, ce qui rendra le départ beaucoup plus difficile pour les gens qui souhaitent partir maintenant. Je tiens à le mentionner. Même si vous voulez considérer Hong Kong comme faisant partie de la Chine, je vous prie de ne pas dresser d'obstacles supplémentaires pour les gens qui veulent partir.
    En ce moment, je pense que les citoyens canadiens peuvent encore rentrer au Canada. C'est pour les membres de la famille et la parenté, ainsi que pour les gens qui n'ont aucun lien avec le Canada que je me fais le plus de souci. Depuis quelques mois, je reçois des appels de personnes dont les parents ou les grands-parents ne pourront peut-être pas venir au Canada, même après la levée de l'interdiction de voyager liée à la pandémie, parce qu'ils sont citoyens hongkongais et non canadiens.
    C'est pour eux que des mesures doivent être prises immédiatement pour leur permettre de venir au Canada. Nous devrions peut-être considérer la possibilité d'éliminer certaines restrictions relatives à l'interdiction de voyager liée à la pandémie, ainsi que d'aider les activistes n'ayant aucun lien actuel avec le Canada à sortir. S'ils veulent partir, ils doivent pouvoir trouver une façon de le faire.
(1215)
    Merci, madame Go, merci, madame Yip.
    Madame Alleslev, vous disposez de cinq minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie aussi les témoins pour leurs témoignages très importants. Nous apprenons des choses incroyables.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Kwan. Parmi les recommandations que vous avez faites, vous avez dit qu'il fallait effectuer des évaluations critiques des prises de contrôle d'entreprises canadiennes, surtout dans les secteurs de l'énergie, des ressources, des mines et d'autres infrastructures essentielles.
    Pouvez-vous nous expliquer la raison de cette recommandation? Pourquoi une telle situation constitue-t-elle une menace contre la sécurité nationale? Que devrions-nous chercher et quelles mesures devrions-nous prendre par rapport aux résultats des évaluations critiques?
    Je vais vous donner un exemple. Un article est paru il y a quelques semaines dans Bloomberg au sujet de l'évolution qui a mené Huawei à sa situation actuelle. L'entreprise a volé de la technologie à Nortel au moyen d'information divulguée par 20 personnes, intentionnellement ou non. Elle a aussi acheté le reste des brevets de Nortel sur le marché à un prix très bas. Tout cela est arrivé parce qu'à l'époque, en 2008, notre gouvernement a refusé de financer Nortel. Nortel est donc devenue une cible de choix pour les entreprises étrangères rapaces.
    Imaginez ce qui serait arrivé si la Chine avait acheté Nortel et l'avait rebâtie de sorte qu'elle redevienne une grande entreprise canadienne. Elle appartiendrait à la Chine, et nous savons tous ce que cela signifie: en tant qu'entreprise chinoise, elle serait obligée de participer à toutes les activités d'espionnage menées par Pékin.
    Je vous donne un deuxième exemple, dans le domaine des droits de la personne cette fois-ci: l'affaire célèbre de Nexen, en Alberta. Une société pétrolière chinoise a pris le contrôle de cette entreprise. On s'inquiétait alors que les nouveaux propriétaires importeraient de la main-d'œuvre peu coûteuse, qu'ils porteraient gravement atteinte aux droits dont jouissent les travailleurs au Canada et qu'ils feraient du dumping. Autrement dit, les entreprises chinoises peuvent extraire des minéraux et du pétrole au Canada et les vendre non pas au prix du marché, mais au prix où elles décident de les vendre à Pékin.
    Les intérêts en jeu touchent l'économie et la sécurité nationale.
    Enfin, je tiens à mentionner les foyers de soins infirmiers. Le lien avec la sécurité nationale vous surprendra sans doute, mais Anbang, le plus grand assureur de la Chine, a pris le contrôle des foyers de soins infirmiers de la Colombie-Britannique. Cela a engendré de nombreux problèmes; par exemple, le personnel est sous-payé et les résidents sont maltraités. De plus, Anbang fait actuellement l'objet d'une enquête pour corruption effectuée par la Chine. Ensemble, tous ces facteurs ont mené à l'échec de... Je ne sais pas ce qui se passe aujourd'hui avec Anbang et les foyers de soins infirmiers, mais je crois que le gouvernement de la Colombie-Britannique a repris la gestion des foyers.
    Pour la Chine, ce ne sont que des affaires insignifiantes, alors que de notre côté, il en va de notre sécurité.
    J'aimerais vous demander une précision. Vous avez dit que si une société chinoise est propriétaire d'une entreprise canadienne située ici, en territoire étranger, cette entreprise a tout de même une obligation envers le gouvernement de la Chine. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Pourquoi s'agit-il d'un enjeu de sécurité nationale pour le Canada et pourquoi est-ce important?
(1220)
    Il y a de nombreuses façons de le faire. Indirectement, la société peut nommer un conseil d'administration, comme la Chine l'a fait dans le cas du South China Morning Post. Jack Ma, le fondateur d'Alibaba, a acquis le South China Morning Post et a nommé un conseil d'administration en faveur de la Chine. Cette société a ainsi réussi à faire pratiquement disparaître une publication hongkongaise de langue anglaise autrefois digne.
    La même chose pourrait arriver à n'importe quelle entreprise canadienne. Il suffit qu'il y ait une prise de contrôle, et elle ne doit même pas être faite par des citoyens chinois. Des citoyens canadiens favorables à la Chine ou aux exigences de la Chine pourraient faire la même chose. Voilà les intérêts en matière de sécurité nationale et les intérêts économiques qui sont menacés.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Kwan, merci, madame Alleslev.

[Français]

     Monsieur Dubourg, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais tout d'abord remercier toutes les personnes ici présentes qui sont venues témoigner.
    Je vais d'abord m'adresser à vous, madame Go, étant donné que vous êtes établie ici, au Canada. La loi sur la sécurité nationale, qui est maintenant adoptée, a une portée extraterritoriale. Cette semaine, et avant cela également, plusieurs personnes sont venues témoigner, comme vous, et la plupart d'entre elles prônaient la démocratie.
    D'après vous, ces personnes sont-elles bien protégées par le Canada? Vous nous avez parlé de cyberintimidation, et nous savons que les gens font face à d'autres situations également. À votre avis, les mesures mises en vigueur par la Gendarmerie royale du Canada, la GRC, ou par le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, sont-elles suffisantes?
     Comment pouvons-nous protéger la liberté, qui nous est si chère, au Canada, contre l'influence et l'ingérence de la Chine?

[Traduction]

    À mon avis, cette question comprend deux volets. Le premier concerne l'influence et l'ingérence au sein du système politique et économique du Canada; M. Kwan a abordé ce sujet.
    Le deuxième concerne la protection. Je suis née à Hong Kong, mais je suis citoyenne canadienne. Je ne détiens plus la citoyenneté hongkongaise. Je me sens en sécurité, du moins pour l'instant, mais je n'irai jamais à Hong Kong. Comme M. Kwan l'a dit, je ne voyagerais pas non plus en Thaïlande ou dans tout autre pays ayant conclu un traité d'extradition avec la Chine. Même ceux qui n'ont pas signé pareil traité pourraient nous renvoyer en Chine [Inaudible] ce qu'ils veulent savoir à notre sujet.
    Je suis seulement en sécurité dans la mesure où je suis protégée par le système canadien. J'espère que la même protection pourra maintenant être accordée à des gens de Hong Kong n'ayant pas le même luxe et que le Canada facilitera leur entrée ici.

[Français]

    D'accord. Je vous remercie.
    On a aussi parlé de la loi de Sergueï Magnitski et de toutes sortes de mesures, mais croyez-vous que le Canada devrait appliquer beaucoup plus de sanctions dans le contexte actuel?
    Il me reste peu de temps de parole, mais j'aimerais savoir, en deuxième lieu, quel impact a sur vous le report des élections législatives.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Je suis convaincue que le Canada devrait en faire plus et appliquer la loi de Magnitski afin de rendre comptables de leurs actes les responsables du gouvernement hongkongais et chinois qui participent directement ou indirectement aux violations des droits de la personne. Cela doit être fait. De nombreuses ONG sont prêtes à aider le gouvernement à dresser la liste, si vous la voulez.
    En ce qui a trait aux élections, à mon avis, ce n'est qu'une façon de plus d'étouffer le mouvement prodémocratie et la liberté d'expression à Hong Kong. Si les élections avaient lieu aujourd'hui, je crois que le mouvement prodémocratie l'emporterait encore, malgré la loi sur la sécurité nationale. Toutefois, ce ne sera peut-être plus le cas dans un an, car à ce moment-là, l'effet de la loi sur la sécurité nationale se fera beaucoup plus sentir, et les gens ne pourront probablement pas... Tout d'abord, la majorité des candidats prodémocratie auront été disqualifiés. Même s'il en reste, je pense qu'une grande partie des Hongkongais craindront d'élire la personne qu'ils voudront vraiment.
(1225)
    Merci beaucoup.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Dubourg.
    Monsieur Bergeron, vous disposez de deux minutes et trente secondes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur une question qui a été abordée un peu plus tôt par rapport à la déclaration commune.
    Le gouvernement de la République populaire de Chine prétend qu'il ne s'agit que d'une déclaration strictement symbolique, alors qu'il s'agit, selon les prétentions britanniques, d'un statut en bonne et due forme qui a été inscrit aux Nations unies.
    Quelle est la portée juridique de ce traité par rapport à la loi sur la sécurité nationale? De quelle façon peut-il servir d'assise aux prétentions des démocraties occidentales de pouvoir s'impliquer dans la cause de Hong Kong, ce qui va à l'encontre des prétentions de la Chine selon lesquelles il s'agirait d'affaires strictement internes du gouvernement chinois?
    Mes questions s'adressent à MM. Davis et Rogers.

[Traduction]

    La déclaration commune est bel et bien un traité. Elle a été enregistrée en tant que traité auprès des Nations unies. La Chine et la Grande-Bretagne la considéraient toutes les deux comme un traité. Cela ne fait aucun doute. La Chine a tenté de maintenir que ce traité n'était plus valide et qu'il n'était plus nécessaire depuis la rétrocession de Hong Kong. Or, l'article 7 de la déclaration commune stipule expressément que les deux parties ont l'obligation de mettre en œuvre tous les termes du traité pendant une période de 50 ans. C'est incontestable sur le plan juridique.
    Qui plus est, le Canada, la Grande-Bretagne, les États-Unis et tous les autres pays ont été invités [Difficultés techniques] Hong Kong séparément. Des responsables du gouvernement chinois se sont rendus dans vos capitales et vous ont demandé de traiter Hong Kong différemment. Au-delà du traité, il y a donc ce que j'appelle un partenariat, un arrangement selon lequel ces pays accordent un statut particulier à Hong Kong, ce qui a très bien profité à la Chine. Deux tiers des entreprises de la bourse de Hong Kong sont des entreprises de la Chine continentale. La Chine continentale s'est servie de cet arrangement pour attirer et pour faire des investissements internationaux. Le Canada, les États-Unis et les autres pays y ont grandement recours. Il y a donc à la fois un traité et une invitation à se fier aux engagements contenus dans la déclaration commune et la loi fondamentale.

[Français]

    Malheureusement, il ne reste pas assez de temps pour entendre la réponse de M. Rogers. Peut-être qu'un autre député lui en laissera.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Harris. Vous disposez de deux minutes et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Kwan, je tiens d'abord à vous remercier de défendre les droits de la personne depuis 30 ans et d'avoir urgemment attiré l'attention du Comité sur les activités de la Chine au Canada. Le Canada devrait prendre des mesures à cet égard immédiatement. J'espère que nous le recommanderons.
    Madame Go, ai-je bien compris les efforts que nous devrions déployer dans le domaine de l'immigration afin d'apporter une aide immédiate? Ces efforts seraient les suivants: élargir les catégories du regroupement familial pour qu'elles incluent non seulement les conjoints, mais aussi les parents, les enfants et d'autres membres de la famille; prolonger les visas actuels pour les étudiants et les personnes déjà au Canada; offrir davantage de visas d'études et de travail aux résidents de Hong Kong; continuer à admettre les résidents de Hong Kong sans exiger de visa; et faciliter la sortie sûre, par exemple en offrant des documents de voyage aux personnes qui se sont fait confisquer les leurs.
    Ma liste est-elle complète ou ai-je omis quelque chose? Aimeriez-vous en dire plus sur une mesure particulière?
(1230)
    J'ai juste une précision à donner sur les gens qui sont déjà au Canada. Au moins 50 personnes de Hong Kong demandent le statut de réfugié. Je propose que nous leur accordions le statut de résident permanent, comme nous l'avons fait dans le cadre du programme mis en place pour les ressortissants chinois après le massacre de la place Tiananmen.
    Je vous remercie pour cet ajout important.
    Normalement, nous n'accordons pas le statut de réfugié à quelqu'un qui se trouve déjà au Canada, à moins qu'il ait été déclaré un réfugié international. Avez-vous un commentaire à faire à ce sujet?
    Oui. L'UNHCR a un bureau à Hong Kong, mais malheureusement, il n'acceptera pas les réfugiés hongkongais. Les gens devront donc se rendre d'abord dans les pays voisins pour déposer une demande par l'intermédiaire de l'UNHCR avant d'être réinstallés au Canada. Le processus est donc très lourd et très difficile. C'est pour cette raison que d'après moi, si nous voulons aider les gens qui le souhaitent à trouver une façon de quitter Hong Kong, nous devons leur fournir un moyen plus direct, en passant par le consulat. Ce ne sera peut-être pas toujours possible et ce moyen ne fonctionnera pas nécessairement pour tout le monde, mais nous devons au moins essayer d'aider ceux qui veulent partir.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, madame Go.
    Merci, monsieur Harris.
    Le temps dont nous disposons pour la première partie de la séance est maintenant écoulé. Je sais que tous les membres du Comité sont extrêmement reconnaissants aux témoins d'avoir accepté d'être ici aujourd'hui. Merci beaucoup pour vos témoignages et votre présence.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pendant environ cinq minutes afin d'accueillir le prochain groupe de témoins.
    Je vous remercie encore une fois.
(1230)

(1235)
    Reprenons. Bienvenue.
    J'ai quelques observations d'ordre organisationnel à faire avant de poursuivre. J'aimerais présenter quelques consignes à titre d'information pour nos nouveaux témoins.
    Avant de commencer à parler, veuillez attendre que je vous donne la parole en disant votre nom.
    Lorsque vous êtes prêt à parler, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Cela dit, durant la période de questions, je demanderais aux députés de préciser à qui leurs questions s'adressent. À ce moment-là, vous n'avez pas besoin d'attendre que je vous donne la parole en disant votre nom.
    L'interprétation de la vidéoconférence se fera comme lors des réunions de comités habituelles. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais ou le français.
    Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence. Lorsque vous avez la parole, si vous voulez passer d'une langue à l'autre, vous devez également changer de canal d'interprétation pour que celui-ci corresponde à la langue dans laquelle vous vous exprimez. Il serait bon de faire une courte pause entre les deux.
    Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre micro en sourdine. En outre, l'utilisation d'un casque d'écoute est fortement recommandée.
    J'ai maintenant le plaisir d'accueillir notre deuxième groupe de témoins.
    Se joignent à nous Mme Annie Boyajian, directrice du plaidoyer, Freedom House; M. Samuel M. Chu, fondateur et directeur général, Hong Kong Democracy Council; et M. Jerome A. Cohen, professeur et directeur de faculté émérite, U.S.-Asia Law Institute, New York University School of Law.
    Chaque témoin disposera de 10 minutes pour faire un exposé au nom de son organisation. Les exposés seront suivis d'une période de questions des membres du Comité.
    Nous allons commencer par Mme Boyajian, de Freedom House. La parole est à vous.
    C'est un honneur pour moi de participer à la séance d'aujourd'hui. Je vous remercie de l'attention que vous portez à la question importante de la détérioration de la liberté à Hong Kong.
    Je suis directrice du plaidoyer chez Freedom House, un organisme de surveillance indépendant qui se consacre à l'expansion de la liberté et de la démocratie dans le monde entier. Nous effectuons des recherches et des analyses sur l'état des droits politiques et des libertés civiles; nous prenons position sur des enjeux importants liés à la démocratie; et nous menons des programmes internationaux visant à renforcer les institutions démocratiques et les capacités de la société civile.
    Le travail que nous faisons sur les enjeux liés à la Chine comprend: surveiller la situation relative aux droits et aux libertés et en rendre compte dans nos publications annuelles; réaliser des rapports spéciaux sur Hong Kong, sur l'influence médiatique de Pékin à l'échelle mondiale et sur l'oppression de groupes religieux en Chine; ainsi que prendre position sur tous ces enjeux, y compris en soutenant énergiquement l'imposition de sanctions aux responsables du gouvernement impliqués dans des violations des droits à Hong Kong et en Chine continentale.
    Comme vous le savez peut-être, à cause de ce travail, Pékin a ajouté Freedom House à une liste d'organisations sanctionnées en décembre dernier. Cela ne nous a pas fait reculer; au contraire, nous avons continué à centrer nos efforts sur la détérioration rapide des droits à Hong Kong. C'est pour cette raison que le président de Freedom House, Mike Abramowitz, s'est retrouvé parmi les 11 Américains sanctionnés cette semaine par le Parti communiste chinois, à cause de « mauvais comportements » liés à Hong Kong. Les inconvénients subis par le personnel de Freedom House à cause des sanctions paraissent dérisoires comparativement aux sacrifices faits par les gens de Hong Kong et de la Chine continentale qui cherchent à protéger et à promouvoir les droits et libertés. C'est un honneur pour nous de faire cause commune avec eux.
    Au cours des 10 dernières années, Freedom House a enregistré une détérioration des conditions liées à la démocratie et aux droits de la personne à Hong Kong, de pair avec une augmentation de l'ingérence du gouvernement chinois. Cette détérioration est causée par l'intensification de la répression dans l'ensemble de la Chine, elle-même attribuable au redoublement des efforts de Xi Jinping d'exercer un contrôle au pays et à l'étranger. Jamais nous n'avons attribué une si mauvaise note à la Chine continentale et à Hong Kong dans notre bilan de la liberté dans le monde.
    Comme vous le savez, le cadre « un pays, deux systèmes » qui a été mis en place avant la rétrocession de 1997 devait garantir l'autonomie de Hong Kong et la protection des droits jusqu'en 2047. Évidemment, dans les faits, ce n'est pas ce qui est arrivé: le PCC a commencé à resserrer le contrôle à Hong Kong bien avant 2047. Le mouvement de protestation actuel — qui, je tiens à le souligner, a été lancé strictement par la population de Hong Kong et est dirigé entièrement par des citoyens — est né en mars dernier, et il est plus grand et plus intense que les manifestations prodémocratie du passé. Les manifestants ont subi de la violence aux mains de la police et des fiers-à-bras du régime de Pékin. Certains rapportent des cas de mauvais traitement et de détention, y compris de la violence sexuelle, et de nombreuses craintes ont été soulevées au sujet de présumés suicides inexpliqués de manifestants.
    Se voyant incapable de réprimer l'agitation croissante et justifiée qui secoue Hong Kong, Pékin a de fait mis un terme au modèle « un pays, deux systèmes » en imposant sa nouvelle loi radicale sur la sécurité nationale. Comme vous le savez, cette loi criminalise l'opposition par quiconque, n'importe où dans le monde. Depuis que la loi est entrée en vigueur le 30 juin, nous voyons Hong Kong se transformer en État autoritaire à une vitesse fulgurante.
    Pourquoi la population canadienne devrait-elle se préoccuper de la répression à Hong Kong, surtout avec tout ce qui se passe dans le monde? D'abord, il y a les raisons liées à l'économie et à la sécurité. Quelque 300 000 Canadiens vivent à Hong Kong. De plus, Hong Kong est le troisième marché d'exportation de services du Canada, et le treizième marché d'exportation de marchandises. En 2017, la valeur de ces deux marchés a totalisé 5,1 milliards de dollars.
    Or, l'argument le plus convaincant pour la population est sans doute le fait que la répression exercée par le PCC à Hong Kong a un effet direct sur ce que les gens peuvent faire dans leur vie quotidienne, même au Canada. Bien sûr, les Canadiens résidant à Hong Kong courent le risque de se faire arrêter. Ils peuvent être victimes d'arrestations non seulement pour des enjeux liés à la loi sur la sécurité nationale, mais aussi pour des motifs politiques, comme c'est arrivé en Chine continentale. Vous êtes évidemment bien au courant des cas de Michael Kovrig et de Michael Spavor. Une affaire peut-être un peu moins connue est celle de Sun Qian, une citoyenne canadienne qui vient d'être condamnée à huit ans de prison à Pékin pour avoir pratiqué le Falun Gong. Ce type d'arrestation pourrait maintenant se produire à Hong Kong.
    Par ailleurs, la répression exercée à Hong Kong menace aussi directement les gens qui vivent au Canada. C'est bien connu que le PCC cible les dissidents et les détracteurs vivant à l'étranger. Comme vous l'avez entendu mardi, la Coalition canadienne pour les droits de la personne en Chine et Amnistie internationale Canada ont publié un excellent rapport sur le harcèlement et l'intimidation auxquels sont confrontées les personnes au Canada qui travaillent sur les enjeux des droits de la personne en Chine. D'après le rapport, les militants de partout au Canada sont de plus en plus victimes de menaces, d'intimidation et de harcèlement en raison de leur travail sur les droits de la personne en Chine. Le rapport souligne également que nombre des incidents se produisent sur des campus et dans des écoles secondaires. Des tactiques semblables sont utilisées aux États-Unis.
(1240)
    La loi sur la sécurité nationale de Hong Kong accroît les risques liés à l'intimidation et à la surveillance. Elle criminalise l'incitation à la haine envers les gouvernements de la Chine et de Hong Kong, ainsi que la collusion avec les puissances étrangères. Toute personne reconnue coupable d'incitation à la subversion du pouvoir de l'État ou à la sécession risque la prison à perpétuité. La loi s'applique même aux gestes posés à l'extérieur de Hong Kong par des personnes qui ne sont même pas résidents permanents de la région, ce qui signifie que quiconque au Canada s'élève contre la répression à Hong Kong est passible d'arrestation.
    C'est exactement la situation dans laquelle se trouve Samuel Chu, un citoyen américain. Il prendra la parole après moi; je vais donc le laisser raconter lui-même son histoire. Le fait qu'un citoyen américain fait l'objet d'un mandat d'arrestation à Hong Kong pour son militantisme aux États-Unis montre à quel point le PCC s'efforce de renforcer la répression.
    On rapporte aussi que les autorités hongkongaises sont à la recherche de l'assistant américain de Jimmy Lai, Mark Simon. M. Chu et M. Simon risquent tous les deux de se faire arrêter et de passer des dizaines d'années derrière les barreaux s'il se rendent dans un pays susceptible de les extrader en Chine continentale ou à Hong Kong.
    La répression à Hong Kong a également des répercussions sur les renseignements auxquels la population a accès, sur les produits et les services qu'elle achète, ainsi que sur les nouvelles et les divertissements qu'elle consomme. En effet, de nombreux savants et politiciens de Hong Kong constituent des sources importantes de renseignements pour les décideurs et les universitaires de partout dans le monde, et ce, par rapport à la situation non seulement à Hong Kong, mais aussi en Chine continentale et ailleurs en Asie. Or, nous n'avons plus accès à nombre de ces voix. Au cours des dernières semaines, des universitaires, des activistes, des journalistes et des candidats politiques importants se sont fait arrêter. La peur en a réduit d'autres au silence. De plus, des groupes politiques et des coalitions de défense des droits se sont dissous; ils ont effacé leurs comptes de médias sociaux et ils ont changé leurs numéros de téléphone et leurs adresses électroniques. Nous ne savons pas encore quels seront les effets à long terme d'une telle perte de renseignements essentiels, mais ils seront considérables.
    Hong Kong est aussi devenu la nouvelle ligne rouge du PCC pour les sociétés internationales, qui se sentent contraintes de censurer leurs propres produits et communications. Air Canada, la Banque Royale et des multinationales canadiennes comme Apple, Amazon et Siemens ont toutes été accusées par le PCC d'avoir inscrit incorrectement Hong Kong, Macao et Taïwan sur leurs sites Web, et elles ont subi de fortes pressions d'apporter les modifications pertinentes à leurs sites Web.
    En octobre 2019, la National Basketball Association s'est retrouvée sur la sellette lorsque le directeur gérant des Rockets de Houston, Daryl Morey, a écrit sur Twitter: « Luttez pour la liberté. Soutenez Hong Kong. » Les hauts dirigeants chinois ont exprimé leur indignation. La Chinese Basketball Association a coupé les liens avec l'équipe des Rockets, et la télévision d'État de Chine a cessé de diffuser ses matchs. Rapidement, la NBA et divers joueurs ont présenté des excuses et se sont distanciés du message, ce qui leur a valu des critiques de la part de groupes comme le nôtre, qui s'opposaient au refus de la NBA de défendre la liberté d'expression. Des centaines de manifestants se sont présentés aux matchs de la NBA. Entre autres, lors du premier match des Raptors de Toronto, environ 300 personnes portaient des tee-shirts arborant le message « Soutenez Hong Kong ». Ailleurs, des manifestants prodémocratie ont été expulsés durant des matchs ou se sont vus confisquer des affiches arborant des slogans inoffensifs tels que « Tapez 'Ouïgours' dans Google ».
    Les médias canadiens ont aussi subi les effets de la répression à Hong Kong et en Chine continentale. Au cours des 10 dernières années, des hauts dirigeants du PCC ont présidé à l'intensification des efforts visant à influencer le débat public et la couverture médiatique partout dans le monde, y compris en faisant pression sur les salles de presse pour qu'elles censurent le contenu défavorable au régime. En 2016 et 2017, deux journalistes de la Global Chinese Press, un journal canadien, ont été congédiés après avoir publié du contenu qui déplaisait à Pékin.
    La répression exercée par le CPP se fait sentir jusque dans les salons du Canada, par l'intermédiaire de la télévision d'État de Chine. Malgré une décision prise en 2006 par le CRTC selon laquelle CCTV-4 peut continuer à diffuser au Canada seulement à condition de respecter les règles sur la télédiffusion, les services CCTV-4 et CGTN ont tous deux diffusé de faux renseignements sur les manifestations à Hong Kong, sur la détention des Ouïgours et sur 30 confessions forcées. Quiconque au Canada écoute ces chaînes a accès aux faux renseignements qu'elles diffusent.
    L'équipe de Freedom House entend souvent dire que la répression à Hong Kong a beau être terrible, elle ne touche pas les gens d'ici. Or, c'est tout simplement faux. La répression faite par le CPP influence déjà les propos que nous pouvons tenir, les endroits où nous pouvons voyager, les produits que nous achetons et même les nouvelles que nous lisons. C'est déjà consternant que le PCC viole couramment les lois de la Chine et les engagements internationaux en bafouant les droits de la population de la Chine continentale et de Hong Kong; nous ne devrions certainement pas laisser le régime faire de même au Canada.
    Je serai ravie de présenter des recommandations précises durant la période de questions. Merci.
(1245)
    Merci beaucoup, madame Boyajian.
    Nous entendrons maintenant M. Chu. Vous disposez de 10 minutes.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'accueillir.
    Je suis le directeur général du Hong Kong Democracy Council, le HKDC, qui est basé à Washington D.C. Il s'agit du premier organisme basé aux États-Unis qui défend l'autonomie et les libertés fondamentales de Hong Kong qui est dirigé par des citoyens américains. Notre mission consiste à influencer la politique américaine à l'égard Hong Kong et la Chine.
    Je tiens à le préciser d'emblée. En me réveillant le lendemain du 30 juillet, j'ai vu que les médias rapportaient que j'étais maintenant un criminel recherché, ou du moins un fugitif recherché. Les médias chinois ont révélé, le 30 juillet, que les autorités et la police de Hong Kong avaient lancé des mandats d'arrestation contre six militants prodémocratie qui font la promotion de la démocratie à Hong Kong, mais qui sont présentement à l'étranger. Je suis l'un de ces six militants, et les accusations portent sur l'incitation à la sécession et la collusion avec des puissances étrangères. Cela fait partie de la loi sur la sécurité nationale qui a été concoctée en secret par Pékin, puis mise en œuvre le 1er juillet et appliquée en même temps qu'elle a été rendue publique. Les deux crimes dont on m'accuse sont punissables d'une peine d'emprisonnement à perpétuité.
    Ma situation est différente de celle des autres personnes qui sont sur la liste et d'autres qui ont été victimes de harcèlement et d'arrestations à Hong Kong depuis la mise en application de la loi. Je suis citoyen américain depuis 25 ans. J'ai quitté Hong Kong et je suis arrivé à Los Angeles, en Californie, en 1990. Toutefois, l'article 38 de la loi sur la sécurité nationale stipule ce qui suit:

La présente loi s'applique aux infractions à la présente loi commises contre la Région administrative spéciale de Hong Kong depuis l'extérieur de la Région par une personne qui n'est pas un résident permanent de la Région.
    Autrement dit, chaque disposition de la loi sur la sécurité nationale s'applique à toute personne qui se trouve à l'extérieur de Hong Kong. Personne n'échappe à la loi, ni moi, un citoyen américain qui vit aux États-Unis, ni les 85 000 Américains qui vivent et travaillent à Hong Kong, ni les 200 000 à 250 000 citoyens canadiens qui vivent et travaillent à Hong Kong.
    Mon statut surprenant de fugitif international illustre la menace imminente qui pèse sur la liberté et la libre expression, non seulement pour les militants prodémocratie de Hong Kong, mais également maintenant non seulement pour les gens qui vivent en sol américain, mais aussi pour ceux qui vivent en sol canadien, comme nous l'avons signalé au cours de la dernière année.
    Depuis la mise en œuvre de la loi sur la sécurité nationale, nous avons déjà pu voir les répercussions directes qu'elle a sur la répression à Hong Kong, surtout en ce qui concerne les libertés d'expression, de presse, de réunion et de manifestation. La première personne qui a été arrêtée en vertu de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong était une jeune personne portant un t-shirt sur lequel il était inscrit « Libérez Hong Kong ». Les autorités ont également pris pour cible une personne de 19 ans qui manifestait et dont le crime était qu'il y avait, au dos de son téléphone, un autocollant qui contenait simplement le mot « conscience » écrit en chinois.
    Dans les jours qui ont suivi, le gouvernement a disqualifié 12 candidats prodémocratie des élections du Conseil législatif de Hong Kong, que le gouvernement a finalement reportées d'un an. Benny Tai, un professeur, qui a été cofondateur, avec mon père, du mouvement des parapluies en 2014, a été démis de ses fonctions de professeur permanent à l'Université de Hong Kong. Quatre jeunes manifestants ont été arrêtés pour avoir publié en ligne des informations qui, aux dires du gouvernement, incitaient à la sécession. Il est maintenant interdit d'utiliser des slogans et de chanter l'hymne des manifestants intitulé Gloire à Hong Kong dans toutes les écoles.
    Comme l'a souligné Mme Boyajian, les Américains, les Canadiens et les habitants des pays occidentaux ont suivi de loin, à distance, les attaques contre les libertés fondamentales, grâce aux médias sociaux et à nos manifestations et nos rassemblements de solidarité. Mais maintenant, comme mon expérience l'a montré, il n'est pas nécessaire d'être à Hong Kong pour avoir des ennuis avec le régime chinois et le gouvernement de Hong Kong. Le simple fait de publier quelque chose sur Twitter ou de publier le gazouillis d'une autre personne peut faire en sorte qu'on se retrouve avec un mandat d'arrestation et une peine d'emprisonnement.
(1250)
    Le libellé de l'article 38 peut sembler très bizarre, peu pratique et inapplicable. Ses effets ne se limitent pas à ce qui s'applique ou non sur le plan légal, mais il est conçu pour créer un effet paralysant qui, essentiellement, menace et tente d'impliquer toute personne qui non seulement se porte directement à la défense de Hong Kong, mais qui a également des liens avec les gens qui dénoncent la situation à Hong Kong.
    Dans mon cas, par exemple, je ne peux plus me rendre à Hong Kong ou dans tout autre pays qui a conclu un traité d'extradition avec Hong Kong ou la Chine, ou encore dans tout pays qui a des relations amicales avec la Chine, sans risquer d'être arrêté et d'être presque certainement extradé vers le continent. Je ne peux pas parler à mes parents âgés, à Hong Kong, sans qu'ils fassent l'objet d'enquêtes et subissent des fouilles de la police. Même toute personne qui est en contact avec moi ici et qui n'est pas à Hong Kong pourrait être mise sur la liste noire du gouvernement chinois ou des intérêts financiers soutenus par la Chine, dont l'influence est vaste, s'étendant de Hollywood à la NBA, en passant par Apple et Zoom, que nous utilisons en ce moment pour cette réunion.
    Je pourrais être le premier à être visé en tant que citoyen étranger en vertu de la loi sur la sécurité nationale, mais je ne serai pas le dernier, car si je peux être une cible, alors quiconque parle au nom de Hong Kong et s'exprime contre le Parti communiste chinois peut également être visée.
     Comme je l'ai dit dans mon introduction, je suis un défenseur de la démocratie de deuxième génération. Il y a seulement 18 mois environ, j'étais à Hong Kong pour assister au procès de mon père, le révérend Chu Yiu Ming, qui a été arrêté puis inculpé pour son rôle dans « l'incitation aux manifestations du mouvement des parapluies en 2014 ». Il a été reconnu coupable, avec huit autres personnes, des accusations portées contre lui. Il a été condamné à deux ans et, heureusement, en raison de son âge et de ses problèmes de santé, sa peine a été suspendue. C'est ce qui se produit et la situation continuera à s'aggraver plus rapidement et plus généralement.
     Mon père a soutenu le mouvement étudiant sur la place Tienanmen, en 1989, et il a contribué à la construction du chemin de fer clandestin qui faisait passer des dissidents de Chine vers des pays occidentaux. J'ai été renvoyé en raison des risques que comportaient la mise en place de ces opérations et le fait de faire partie de ce mouvement.
    Cette répression sévit tous les jours depuis le 4 juin 1989. Elle se répand rapidement à Hong Kong depuis le 1er juillet. Il y a deux semaines, elle s'est étendue au sol américain et sévira bientôt, et c'est déjà le cas, sur le sol canadien.
    Les droits de la personne n'étaient peut-être pas une priorité dans la politique américaine à l'égard de la Chine il y a un an, mais vous pouvez être assurés que les droits de la personne, ainsi que le contrôle et la violation de ces droits, sont la priorité absolue du régime chinois. Je le dis parce qu'autrement, ils perdront le contrôle de leur gouvernement et les mesures de contrôle qu'ils s'efforcent si durement de mettre en œuvre, non seulement sur le continent, au Xinjiang et au Tibet, mais aussi à Hong Kong, à Macao, à Taïwan et maintenant dans les pays occidentaux.
     Je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole aujourd'hui.
(1255)
    Merci beaucoup, monsieur Chu.
    C'est maintenant au tour de M. Cohen. Allez-y, s'il vous plaît. Vous disposez de 10 minutes.
     Nous venons d'entendre deux excellents exposés. Permettez-moi d'essayer d'ajouter des éléments à ce qui a été dit.
    J'ignore ce que vous ont dit les trois témoins du premier groupe que vous avez accueilli ce matin, mais il me semble qu'on vous a probablement déjà présenté cinq déclarations préliminaires de grande qualité.
     Je tiens à souligner qu'en tant qu'un des trois témoins du groupe de cet après-midi, je représente des organisations qui n'ont pas encore été punies par la loi sur la sécurité nationale, mais je suppose qu'il y a de bonnes chances que cela se produise.
     Dans le passé, j'ai été heureux de collaborer avec Freedom House et avec le nouveau Hong Kong Democracy Council. Je peux peut-être m'appuyer sur mon âge avancé, comme le père de M. Chu, pour me défendre contre une peine d'emprisonnement, mais je ne peux rien garantir pour ce qui est de la condamnation.
     Permettez-moi de mettre les choses en contexte. Je suis allé à Hong Kong pour la première fois en 1961. J'y ai vécu en 1962 et en 1963. J'y suis souvent allé. J'y ai vécu à nouveau au début de l'année 1979. J'ai vu les liens entre Hong Kong et la Chine se développer au fil des ans. Au départ, dans les années 1960, au début de la décennie, Hong Kong était une colonie britannique classique. Il est certain qu'elle était contrôlée par les autorités coloniales, y compris le service spécial de la police, et qu'il n'y avait pas de libertés démocratiques conventionnelles. Les gens ne pouvaient pas élire leur propre gouvernement.
     Or, Hong Kong, malgré les graves problèmes sociaux et économiques qu'elle avait à l'époque — qui découlaient en grande partie de ce qui se passait en Chine, notamment la famine de dizaines de millions de personnes au pays à la fin des années 1950, à la suite de l'échec du Grand bond en avant et de la répression politique qui a recommencé en 1957 et en 1958 dans le cadre du mouvement dit « anti-droitiste » —, a accueilli de nombreuses personnes à ses portes. En avril et mai 1962, 60 000 personnes ont franchi la frontière de la province de Guangdong vers Hong Kong avant que les Britanniques ne soient finalement obligés de la fermer, car des centaines de milliers de personnes auraient attendu de l'autre côté.
    Hong Kong avait alors d'énormes problèmes, mais c'était, pour l'essentiel, une société libre. En effet, je pouvais dire ce que je voulais. Les Britanniques pensaient que mon étude de la Chine depuis une base à Hong Kong semblait indiquer que j'étais peut-être un agent de la CIA ou autre chose, mais ils étaient très discrets. Personne n'a jamais essayé de m'empêcher d'y créer un institut de recherche. Je pouvais dire ce que je voulais, et les autres pouvaient dire ce qu'ils voulaient. Hong Kong n'était donc pas un bastion de la démocratie libérale, mais elle était quand même une société libérale qui avait beaucoup de problèmes à ce moment-là.
    Bien sûr, à la suite de la Révolution culturelle, en Chine, à la fin des années 1960, Hong Kong a traversé une période de bouleversements terrible. La police a dû être très active et, dans l'ensemble, elle a bénéficié du soutien populaire. C'est un élément qu'il est très important de comprendre — la police avait le soutien de la population.
    Lorsque je suis retourné vivre à Hong Kong au début de l'année 1979, c'était un endroit différent. Deng Xiaoping avait amené la Chine ailleurs. Il avait donné de l'espoir aux habitants de la Chine et de Hong Kong. Par conséquent, les années 1980 ont été une période dynamique, remplie d'optimisme et de plus en plus prospère à Hong Kong. L'année 1984 a été marquée par la déclaration conjointe signée par le Royaume-Uni et la Chine pour la future rétrocession de Hong Kong en 1997.
(1300)
     Cependant, tout a changé, comme les remarques de M. Chu nous le rappellent, avec le terrible massacre qui a été commis près de la place Tiananmen le 4 juin 1989 et d'autres mesures de répression qui ont été prises partout en Chine. Il était donc plus important d'essayer d'adapter la loi fondamentale qui devait voir le jour l'année suivante. De plus, il y avait une nouvelle crainte dans la population hongkongaise, et la nouvelle loi n'a eu qu'un effet limité. Or, lorsque Chris Patten est devenu le dernier gouverneur du régime colonial de Hong Kong, il a passé cinq ans à essayer de préparer Hong Kong en garantissant à la population de plus grandes libertés politiques et la protection des droits de la personne, à l'encontre des forces pro-Pékin à Hong Kong et du gouvernement de la République populaire à Pékin. C'est pourquoi il a été dénoncé en des termes aussi terribles par le gouvernement chinois.
    Depuis la rétrocession, en 1997, nous avons assisté à une restriction de plus en plus importante des libertés à Hong Kong et à un contrôle accru du gouvernement de Hong Kong en tant qu'instrument, pourrait-on dire, de la République populaire à Pékin plutôt que représentant du peuple de Hong Kong. Cela a culminé l'année dernière avec l'énorme manifestation populaire de quelques millions de personnes, à un moment donné, contre la tentative de permettre l'extradition de Hong Kong vers la Chine, de personnes recherchées par le gouvernement central pour qu'elles soient jugées.
    Il est incroyable que bien que la République populaire ait réussi à conclure, je pense, plus de 40 accords d'extradition avec d'autres pays, aucun des pays anglo-américains où s'applique la common law n'a jamais ratifié d'accord d'extradition avec la Chine. L'Australie est passée près de le faire. Le fait est que Hong Kong n'a jamais conclu d'accord similaire avec son propre gouvernement central, car les habitants de Hong Kong savent depuis longtemps que la justice politique est la seule à régner sur le continent sous le régime communiste. C'est ce qu'ils craignent. C'est ce qu'ils ont combattu. Maintenant, la nouvelle loi sur la sécurité nationale permet, comme vous le savez, l'extradition sans même que l’on ait à quitter Hong Kong. En effet, elle a amené à Hong Kong toute l’administration de la justice pénale du continent à Hong Kong. Vous n'avez plus besoin d'être extradé maintenant pour être soumis au contrôle de la police de sécurité du gouvernement du continent. Ils sont venus à Hong Kong. C'est la principale réalisation de la loi sur la sécurité nationale.
    Il faut savoir que Hong Kong a hérité des lois sur la sécurité nationale de la période coloniale britannique et n'a pas hésité à les invoquer. Il est absurde de dire «  tous les autres ont une loi sur la sécurité nationale, alors pourquoi pas nous? ». Bien sûr, le contenu des lois sur la sécurité nationale diffère. Celle-ci consiste à installer un régime répressif. Les autorités de sécurité du gouvernement central décideront si elles veulent transporter Jimmy Lai, et même Samuel Chu, si elles peuvent mettre la main sur eux, et non seulement les juger à Hong Kong, mais aussi les transférer sur le continent pour les maintenir en détention longtemps sans contact avec l'extérieur et possiblement les torturer, sans qu'ils aient accès à un avocat ou qu'ils puissent rencontrer des membres de leur famille ou des amis, puis leur faire subir un procès devant un tribunal dominé par les communistes.
    Si vous êtes jugé à Hong Kong, le système juridique indépendant tant vanté à Hong Kong a été tronqué par la nouvelle loi. Les infractions liées à la sécurité nationale seront jugées devant des juges spéciaux et sans jury. Si vous pensez que vous pouvez contester en disant que vous avez mal interprété la loi, que sa portée est trop large ou que vous ne comprenez pas que c'est anticonstitutionnel, compte tenu du contexte et de l'héritage constitutionnels de Hong Kong, cette question sera [Difficultés techniques]. Cette question sera tranchée par le Comité permanent du Congrès national du peuple.
(1305)
     Hong Kong est donc un endroit bien différent de ce qu'il était en 1997 et de ce qu'il était lorsque j'y suis arrivé en 1961.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous passons maintenant à la première série de questions. C'est M. Williamson qui commence. Il dispose de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup tous nos témoins. Vos témoignages sont très instructifs, et je suis ravi que vous puissiez vous joindre à nous et nous faire bénéficier de vos connaissances et de vos compétences.
    J'ai six minutes. Je vais essayer de passer quelques minutes avec chacun d'entre vous. Je vous demanderais de répondre aux questions le plus brièvement possible.
    Monsieur Cohen, je veux tout d'abord vous remercier de cette brève histoire politique du territoire de Hong Kong avant, pendant et après la rétrocession. Puis-je vous demander de nous expliquer très brièvement un terme, de sorte que tout le monde le comprenne bien? Vous avez qualifié la justice en Chine continentale de justice politique. Vous n'entendez pas par là la justice par les urnes, n'est-ce pas? Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est la « justice politique » seulement pour que la terminologie soit claire?
(1310)
     Monsieur Cohen, il semble que votre écran soit figé.
    Voulez-vous poser une question à quelqu'un d'autre, monsieur Williamson? Je suis désolé.
    Je vais poser une question à un autre témoin. Je reviendrai à M. Cohen.
    Monsieur le président, j'espère que vous me permettrez de remettre le compteur à zéro puisque nous avons un problème technique.
    [Inaudible]
    Monsieur Chu, je vais faire quelques déclarations. [Difficultés techniques].
     À votre avis, ai-je maintenant violé la loi sur la sécurité nationale de la Chine, de Pékin, ce qui fait de moi un problème potentiel pour la République populaire de Chine?
    L'écran s'est figé pendant quelques secondes. Vous avez beaucoup de difficultés techniques. Je n'ai compris que la toute dernière partie de votre intervention. Pourriez-vous répéter la première partie?
    « Je soutiens une Chine démocratique. »
    « Je crois que la République populaire de Chine devrait adopter la démocratie. »
    Bienvenue dans le club des fugitifs internationaux.
    Oui.
    Vous l'avez montré. Nous plaisantons à moitié, mais je pense que ce que cela implique, c'est que le fait de tenir cette audience, de discuter de politiques canadiennes à l'égard de Hong Kong et de la Chine qui comprennent des sanctions pour la violation des droits de la personne en particulier, déclencherait apparemment... Je pense que dans votre cas, cela pourrait commencer par des sanctions, mais il est certain qu'en vertu de la loi sur la sécurité nationale, vous pourriez être arrêté.
    D'accord. Il est regrettable qu'à moins que les choses ne changent, vous ne puissiez pas retourner sur votre terre ancestrale, ni même peut-être parler à vos grands-parents.
     J'ai eu le bonheur de vivre à Hong Kong durant la rétrocession en 1997 et en 1998, et j'ai été témoin des libertés, là-bas, tant sous le régime colonial que dans le cadre de l'accord sino-britannique et de la loi fondamentale. De toute évidence, beaucoup de choses ont changé, compte tenu de l'autoritarisme de Pékin.
    Madame Boyajian, si vous étiez conseillère en affaires étrangères auprès du premier ministre Justin Trudeau, quelles sont certaines des mesures que vous recommanderiez au gouvernement canadien de prendre, à la fois pour aider le peuple de Hong Kong et pour se préparer à protéger les libertés dont jouissent actuellement Taïwan ou la République de Chine?
    Je pense qu'il est essentiel que le premier ministre Trudeau impose des sanctions importantes aux fonctionnaires chinois et hongkongais qui ont violé des droits. Nous avons déjà vu que c'est une mesure très efficace aux États-Unis. La réponse de la Chine peut vous montrer à quel point la mesure a été efficace. Cette réponse serait d'autant plus forte si le Canada déployait la version canadienne de la loi de Magnitski.
    Je pense qu'il est également essentiel de procéder à un examen minutieux des importations et des exportations. Tout ce qui provient de la Chine continentale ou de Hong Kong et qui est fait par des travailleurs esclaves devrait être interdit. Aux États-Unis, il y a une loi en attente d'adoption qui porte sur le travail forcé des Ouïghours, soit la Uyghur forced labor prevention act. Elle crée une présomption réfutable, ce qui signifie que si un produit provient du Xinjiang, nous supposons qu'il est fabriqué par des travailleurs esclaves et que les entreprises doivent prouver le contraire. Ce genre de modèle serait excellent.
     Nous pensons également qu'il est essentiel d'atténuer les risques auxquels font face les Canadiens à Hong Kong, mais aussi les Canadiens qui vivent au Canada et qui travaillent à des questions liées aux droits de la personne; de se préparer aux risques; et d'y répondre. Ainsi, si nous commençons à voir qu'on procède à des arrestations pour des motifs politiques à Hong Kong, nous serons prêts à évacuer les gens rapidement et à insister pour qu'ils obtiennent un accès consulaire et qu'ils soient protégés contre la torture.
     Je pense qu'il est également très important, maintenant que l'information est coupée, que vous continuiez à obtenir des renseignements auprès de Hongkongais. Il existe de grands groupes de la diaspora. Je vous félicite tous d'avoir déjà fait témoigner de si nombreux membres de la diaspora devant le Comité, mais des Hongkongais m'ont demandé de vous informer que l'organisation Canadian Friends of Hong Kong fait de l'excellent travail. On m'a dit qu'elle avait une profonde connaissance des infiltrations du Parti communiste chinois au Canada.
    Enfin, je pense qu'il est essentiel que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes procède à cet examen pour déterminer si les services CGTN et CCTN n'ont pas respecté les opérations — et l'imposition d'exigences en matière de transparence pour les médias chinois serait une bonne chose également.
(1315)
    Merci.
    Pouvez-vous parler à Taïwan? Est-ce que c'est de votre ressort?
    Veuillez donner une réponse très brève.
    Concernant Taïwan — et je suis certaine que M. Cohen aura des choses à ajouter —, nous sommes inquiets. J'ai entendu le groupe de témoins précédent dire que ce sera au tour de Taïwan ensuite, selon eux. Compte tenu de la tentative du gouvernement chinois d'évincer Taïwan des institutions multilatérales, comme nous l'avons vu à l'Organisation mondiale de la Santé, par exemple, nous devrions réagir avec force et ne pas laisser une telle chose se produire.
    Madame Boyajian, monsieur Williamson, merci beaucoup.
    Monsieur le président, j'ai une remarque à faire.
    Je pense que vous verrez que j'ai ajusté un peu votre temps d'intervention. Je crois que vous vous chronométrez vous-même. J'ai essayé d'ajouter un peu de temps. J'espère que...
    Il semble qu'il me restait 50 secondes avant que vous ne commenciez à...
    Je ne pense pas, mais de toute façon, je dois m'assurer que tous les membres du Comité ont la possibilité de poser leurs questions et qu'ils disposent du temps prévu.
    Très bien.
    J'essaie de gérer le tout. Je ne pense pas que M. Cohen soit revenu, mais j'espère qu'il reviendra bientôt, à titre d'information pour les témoins.
    Nous passons maintenant à M. Oliphant, qui dispose de six minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux remercier tous les témoins. Je crois que M. Cohen a dit plus tôt que nous avons eu des témoins assez exceptionnels aujourd'hui.
    Encore une fois, je veux remercier la greffière et les analystes d'avoir organisé la réunion de façon si réfléchie.
    Je veux d'abord poser des questions à Mme Boyajian, de Freedom House. Je suis un grand admirateur et j'utilise beaucoup vos tableaux et vos évaluations dans mon travail en Afrique et partout dans le monde, alors je vous remercie.
    Concernant la sanction qui a été imposée à votre président, M. Abramowitz, est-ce que cela s'est déjà produit auparavant? Un pays vous a-t-il déjà sanctionné, vous ou votre organisme, pour cette activité?
    C'est la première fois que Freedom House et que M. Abramowitz sont sanctionnés. Ces sanctions ne sont pas précisées. Comme je l'ai mentionné, en décembre dernier, le Parti communiste chinois nous a imposé des sanctions organisationnelles, comme cela a été le cas de plusieurs autres organismes américains tels que Human Rights Watch, National Endowment for Democracy, l'IRI et le NDI.
    Merci.
    J'ai regardé la partie de ping-pong en cours. Pékin a imposé des sanctions à 11 citoyens américains, et par la suite, M. Trump a imposé des sanctions à 11 Chinois. Les deux pays se renvoient la balle.
    Est-ce que les sanctions imposées par M. Trump ont du mordant? Vont-elles fonctionner, ou serait-il plus approprié de mener une action multilatérale en raison de l'endroit où les gens ont leurs avoirs, et de ce qui pourrait être fait?
    Que recommanderiez-vous?
    Il est toujours préférable de mener une action multilatérale. Plus il y a de pays qui le font, mieux c'est, mais ce sont des sanctions ciblées très efficaces. De façon similaire à votre propre loi de Magnitsky, elles bloquent les visas des personnes sanctionnées afin qu'elles ne puissent pas venir aux États-Unis, et elles gèlent également tous les avoirs qu'elles possèdent aux États-Unis.
    Pour que ces sanctions soient efficaces, il est essentiel que les pays du monde entier se tournent vers le département américain de la Justice, le département américain du Trésor et les institutions financières américaines et, si nous ordonnons un gel, nous constatons souvent un effet domino dans le monde entier, de sorte que les États membres de l'Union européenne, le Royaume-Uni et d'autres pays ne permettent pas non plus à ces personnes d'accéder aux fonds qu'elles ont dans leurs comptes.
     C'est un point que nous allons devoir examiner au sein de notre comité.
    Monsieur Chu, je vous remercie pour votre travail et votre courage, et pour votre présence aujourd'hui. Je me penche sur les effets extraterritoriaux de la loi sur la sécurité nationale et, évidemment, nous commençons à voir la tournure que cela prend. Vous avez parlé des restrictions concernant vos déplacements à Hong Kong, vos préoccupations quant à la possibilité de parler à vos parents et de vous rendre dans des pays qui ont conclu des accords d'extradition avec la Chine.
    Comment trouve-t-on l'information sur la question de savoir quels pays ont conclu des accords d'extradition et s'ils sont appliqués ou non?
(1320)
    Le HKDC fait partie d'une grande coalition mondiale qui exerce des pressions. Nous remercions le gouvernement du premier ministre d'avoir suspendu le traité d'extradition entre le Canada et Hong Kong.
    Je pense que cela a été conçu de manière à ce qu'il y ait un nuage noir, car dans bien des régions et bien des pays, les choses ne sont pas très claires. On ne précise pas les choses. Dans le cas des États-Unis, par exemple, même dans le cadre du traité d'extradition américain avec Hong Kong, la formulation est très précise et il est clairement indiqué que toute accusation à motivation politique ne serait pas acceptée, et qu'un pays — dans ce cas-ci, le gouvernement chinois — ne devrait jamais utiliser l'extradition vers Hong Kong comme moyen d'extrader des gens par l'intermédiaire de Hong Kong en tant qu'entité.
    C'est entendu.
    Je pense qu'aux États-Unis et au Canada, il existe des paramètres et des mécanismes très clairs et bien définis. Ce n'est pas le cas pour bon nombre de pays. Par conséquent, je ne sais pas avec certitude quels pays ont conclu un traité d'extradition et, même s'ils ne l'ont pas fait, si je peux être extradé si je viens d'être transféré.
    Monsieur le président, j'aimerais que nos analystes nous aident sous peu concernant la question de l'extradition et la manière dont nous pourrions peut-être avertir les Canadiens au sujet des déplacements vers d'autres pays et de ce qui est en vigueur.
    Il me reste une minute, et alors, monsieur Cohen, j'aimerais vous poser une question. J'ai lu des choses au sujet de votre travail avec les quatre « C » et de ce que nous pourrions faire sur le plan de la coopération. L'environnement a changé. Même en quelques semaines, il a changé. Il y a des mesures de confinement, nous avons un défi à relever, et nous devons faire ces choses. Y a-t-il des questions pour lesquelles nous pourrions encore coopérer, ou cette époque est-elle révolue?
    Veuillez répondre en 20 secondes.
    Cette époque n'est pas révolue. Ce sont de bonnes questions. Le Canada est certainement dans l'Arctique. Il a besoin d'un bon environnement. Le Canada doit prévenir la pollution. Nous avons besoin de coopération en ce qui concerne l'armement militaire.
    Merci beaucoup, monsieur Cohen. Je suis désolé de vous interrompre, mais le temps de M. Oliphant est écoulé.

[Français]

     Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
     Je vous remercie, monsieur le président.
    J'invite les témoins à choisir leur langue de préférence pour avoir l'interprétation s'ils ne parviennent pas à comprendre ce que je vais dire en français. Je tiens par ailleurs à les remercier de leur importante contribution aux travaux de ce comité.
     Nous cherchons à faire un travail en profondeur sur les relations sino-canadiennes, et la question de Hong Kong est d'une importance capitale pour nous, non seulement parce qu'elle a une incidence sur Taïwan, comme le soulignait M. Williamson, mais aussi parce que le Canada est membre du Commonwealth. À ce titre, nous sommes préoccupés par la violation de la déclaration commune par le gouvernement chinois, le Canada ayant vu plusieurs de ses fils périr durant la Seconde Guerre mondiale lors de l'invasion japonaise de Hong Kong. Le sort de Hong Kong nous importe donc beaucoup, et c'est la raison pour laquelle nous nous penchons tout particulièrement sur la situation qui prévaut présentement.
    Nous avons vu durant la crise sanitaire actuelle qu'il y a eu des critiques au sein même de la République populaire de Chine à l'égard de Xi Jinping. Selon plusieurs, il est le président qui exerce les plus importants pouvoirs depuis Mao Zedong lui-même, et nous nous posons un certain nombre de questions.
    Pour celles et ceux d'entre vous qui ont eu l'occasion d'entendre le premier segment de cette séance, il existe un certain dilemme en lien avec l'accueil de militants au Canada. En accueillant un grand nombre de ces militants, allons-nous affaiblir le mouvement pour la démocratie sur le terrain à Hong Kong?
    La question des sanctions soulève un autre dilemme. Plusieurs personnes pensent que les sanctions auraient pour effet d'affaiblir l'emprise de Xi Jinping sur la République populaire de Chine et sur son peuple. D'autres pensent au contraire que ces sanctions pourraient raffermir le sentiment nationaliste chinois et renforcer le pouvoir de Xi Jinping sur la République populaire de Chine et sur son peuple.
    J'aimerais entendre l'avis des témoins sur ce fameux dilemme, en commençant par Mme Boyajian. Les sanctions peuvent-elles avoir des effets tout aussi dommageables que souhaitables sur les objectifs que les démocraties occidentales poursuivent, notamment en ce qui concerne Hong Kong?
(1325)

[Traduction]

    Je pense que si la Chine cherche à désamorcer les tensions, un bon moyen d'y parvenir serait qu'elle commence à respecter ses propres lois nationales et les engagements internationaux qu'elle a déjà acceptés. Je pense que les sanctions doivent toujours être évaluées avec soin.
    Dans ce cas, c'est pourquoi Freedom House et d'autres organismes ont plaidé en faveur de l'imposition de sanctions aux individus qui sont coupables d'abus, et non de sanctions généralisées qui porteraient préjudice au peuple chinois. Je pense qu'il est essentiel de s'en souvenir.

[Français]

    Je ne sais pas si MM. Chu ou Cohen souhaitent poursuivre.

[Traduction]

    Oui, j'aimerais dire quelque chose.
    Les sanctions sont un symbole et, même si elles sont grandement inefficaces, elles symbolisent notre détestation de ce qui se passe. Nous vivons par des symboles, mais bien entendu, les sanctions peuvent avoir un effet boomerang, et elles ne sont pas très efficaces, parce que nous savons qui dirige la Chine. Ce n'est pas contre Carrie Lam ou d'autres personnes qu'on a imposé des sanctions. Pouvons-nous sanctionner Xi Jinping? Ce serait une bonne chose, car les sanctions financières imposées à Hong Kong auraient des répercussions sur la fortune de bien des membres de sa famille et d'autres membres du Politburo chinois. Cependant, le patron, c'est Xi Jinping. Il y a une direction à un seul homme en Chine. Des sanctions devraient lui être imposées, mais ce n'est pas possible. Ce n'est pas politiquement faisable, donc on voit les limites des sanctions.
    D'autres mesures peuvent être prises. Le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni et d'autres pays démocratiques peuvent accueillir des immigrants dans une plus large mesure qu'ils ne l'ont fait jusqu'à maintenant pour les habitants de Hong Kong, et leur fournir les moyens financiers de rendre cet accueil réaliste. La plupart d'entre eux ne voudront pas venir et voudront peut-être se rendre dans des endroits différents; mais c'est un véritable symbole, et cela ne nuit pas aux gens de Hong Kong.
    Tout ce que nous faisons peut être utilisé par l'appareil de propagande à Pékin pour raffermir le sentiment nationaliste chinois. Il n'y a rien que nous puissions faire à cet égard. C'est ce que font les dictatures. Nous devons être aussi rationnels que possible. Je pense que la première mesure symbolique et efficace que nous pouvons prendre est de favoriser la possibilité d'immigrer si les gens veulent partir. Je ne les blâme pas s'ils ne veulent pas partir. J'admire ceux qui se battront jusqu'au bout. Beaucoup diront que ce n'est pas si mal. En Chine, les gens ont renoncé à leurs libertés, mais ils ont une belle vie dans de nombreux endroits.
    Merci beaucoup, monsieur Cohen.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Bergeron.
    Monsieur Harris, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Ma première question s'adresse à M. Chu. Au fait, je vous remercie tous d'être venus ici aujourd'hui et de nous faire part de vos opinions et de nous parler de votre expérience sur cette question extrêmement importante pour le Canada et pour Hong Kong — et pour le monde entier, en fait.
    Monsieur Chu, en tant que citoyen américain qui ne vit pas à Hong Kong, vous venez d'être accusé d'une infraction en Chine. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous pensez avoir été inculpé? Est-ce en raison de la force de votre organisme, bien qu'il n'existe que depuis septembre dernier? Est-ce à cause de vous, personnellement, ou est-ce parce qu'ils veulent aussi un symbole? M. Cohen a parlé de symboles, du fait que la portée de cette loi peut dépasser les frontières de la Chine. En fait, elle touche un citoyen américain qui agit aux États-Unis, et non en Chine. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
(1330)
    Oui. Jusqu'à l'année dernière, quand notre organisme a été créé, je dirais que le soutien international était dans une grande mesure plutôt symbolique ou qu'il s'agissait d'une expression de solidarité. Par exemple, les gens organisent des marches, il y a des manifestations à Hong Kong. Ils soulignent leur appui à cela. Ils vont parfois témoigner comme c'est le cas aujourd'hui lors d'audiences tenues par des gouvernements occidentaux.
    Ce qui s'est produit, c'est que le HKDC a été créé en particulier pour agir directement sur le processus législatif et le processus d'élaboration des politiques. Cette activité a mobilisé les Hongkongais qui sont citoyens et résidents des États-Unis afin qu'ils communiquent directement avec leurs élus. Je crois que ce changement représente une menace bien plus grande dans l'esprit des autorités de Hong Kong et de la Chine. Nous ne faisons pas que dérouler des bannières pour soutenir ce qui se passe à Hong Kong, mais nous agissons, en fait, et utilisons nos droits en tant que citoyens américains pour intervenir dans le processus législatif. Au cours des neuf derniers mois, nous avons été en réalité les instigateurs de la Hong Kong Human Rights and Democracy Act; la PROTECT Hong Kong Act qui interdit l'exportation de dispositifs servant au contrôle des foules vers Hong Kong; et la Hong Kong Autonomy Act qui a récemment été adoptée et signée et qui prévoit des sanctions pour les institutions financières qui font des affaires avec des représentants de la Chine et de Hong Kong.
    Je crois que cela a fait grimper l'importance de la menace que nous représentons à leurs yeux sur le plan de l'influence qui est exercée à l'étranger.
    Ce que vous avez souligné est intéressant: les trois lois particulières qui ont été adoptées aux États-Unis et qui concernent directement Hong Kong — ce sont les mécanismes que le gouvernement américain utilise maintenant pour imposer des sanctions ciblées et faire les choses dont vous avez parlé.
    Exactement. J'ajouterai une chose. Selon des témoins et des gens à Hong Kong qui demandent des sanctions — chose que nous faisons constamment, en plus de soumettre des noms et de présenter des preuves, et de parler entre autres aux hauts fonctionnaires du Département d'État afin de cibler des gens et de fournir des raisons pour lesquelles les États-Unis devraient sanctionner des représentants de la Chine et de Hong Kong —, et il semble que la mention ou la demande de sanctions qui mènent à des accusations soit l'un des éléments déclencheurs.
    Est-ce que les mesures que prend le gouvernement chinois contre le mouvement prodémocratie à Hong Kong sont également défensives, d'après vous? Est-ce qu'ils craignent que la soif de démocratie manifestée par les militants à Hong Kong et par les gens qui veulent l'application de la loi fondamentale s'étende à la Chine continentale? Est-ce une des raisons pour lesquelles ils ont adopté une démarche particulièrement agressive?
    Je crois en fait que c'est la principale raison. Comme l'a dit M. Cohen, Xi Jinping est le maître à bord. Il est très difficile de maintenir ce genre de contrôle total, et pendant des années, il n'a pas été possible d'exercer un contrôle complet sur Hong Kong et de faire taire l'opposition, et tout cela a un effet d'entraînement.
    J'ajouterai même que la situation est inhabituelle et différente parce que, contrairement à Xinjiang et à d'autres régions de la Chine ou de la Chine continentale, Hong Kong a connu la liberté d'expression, la liberté de presse, les assemblées et les manifestations, et ils essaient de remettre tout cela dans la boîte, ce qui est bien plus difficile que tout ce qu'ils ont pu faire avant.
    Merci. J'aimerais avoir assez de temps pour poser une question rapide à M. Cohen.
    Vous avez dit en 2018: « Le président Xi exerce sur le pays plus de pouvoir qu'aucun autre dirigeant chinois depuis… Mao Tsé-toung… Cependant, une résistance discrète, mais croissante au pouvoir apparemment sans entrave de Xi est de plus en plus perceptible au pays. » C'était en 2018.
    Le croyez-vous toujours? Est-ce que cela a diminué ou pris de l'ampleur?
    Je crois que cela a pris de l'ampleur en raison de la réaction du monde à ce qui se passe à Hong Kong, ainsi que des préoccupations croissantes que suscitent la crise du détroit de Taïwan et les problèmes économiques.
    Parmi les dirigeants du Parti communiste, il y a de nombreux membres intelligents — j'en connais quelques-uns — qui sont très mécontents de ce que le chef suprême fait, et quand les choses vont se détériorer encore, tous les yeux vont se tourner dans la même direction. C'est lui qu'ils vont regarder, et ces gens ne sont même pas libres de se parler entre eux, en ce moment. Les élites du parti font l'objet d'une forte surveillance, mais il règne une grande méfiance. On doute beaucoup de la sagesse des politiques de plus en plus affirmées de Xi Jinping.
    Il ne faut pas nous faire d'illusions. Nous avons assez vu de rivalités parmi les dirigeants du Parti communiste, au cours de l'histoire, pour savoir que cela existe, et des gens m'ont fait part des doutes sérieux qu'ils ont, sous le couvert de la confidentialité bien sûr. J'invite tout le monde à essayer de regarder La Mort de Staline, un film semi-humoristique, mais qui va droit au but.
(1335)
    Merci beaucoup, monsieur Cohen.
    Je vous remercie, monsieur Harris.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour. La parole est à M. Albas, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    J'aimerais que chacun de vous réponde à une question, à commencer peut-être par Mme Boyajian, puis M. Cohen, et enfin M. Chu. Je vais vous prier de répondre en 45 secondes au maximum, si possible, car je veux entendre tous nos témoins.
    Nous avons plus de 300 000 citoyens canadiens qui vivent à Hong Kong. En tant que parlementaires, devrions-nous nous inquiéter de leur sécurité personnelle, compte tenu de tout ce que nous avons vu au cours des derniers mois?
    Je crois que oui. Des arrestations à grande échelle de citoyens canadiens représenteraient une escalade, mais ce ne serait pas sans précédent, comme vous l'avez vu avec le cas de M. Chu.
    Je crois que vous devez vous inquiéter de leur sécurité pour diverses raisons. Si les choses empirent à Hong Kong, une montée de la violence est possible, et on pourrait voir beaucoup de violence comme à Pékin en 1989.
    Cependant, plus probablement, vos citoyens à Hong Kong devront se faire beaucoup plus discrets, non seulement dans les propos qu'ils tiennent en public, mais également dans leurs activités commerciales. Ils doivent être très prudents et pourraient être expulsés par le gouvernement de Hong Kong. Ils ne seraient pas poursuivis en justice, mais ils perdraient le droit de demeurer à Hong Kong et d'y retourner.
    La réponse en bref est que je pense qu'on devrait s'en inquiéter.
    Même, cela crée de l'incertitude, et les gens commencent à s'autocensurer. Les gens d'affaires vont en arriver à se demander s'ils peuvent faire certaines choses et s'ils peuvent discuter librement et fonctionner normalement. Je crois que c'est l'effet de la menace réelle d'une arrestation.
    Je crains aussi que de nombreuses personnes prêtes à partir ne puissent pas le faire parce qu'elles ont des proches qui ne sont pas citoyens canadiens ou parce qu'elles ont d'autres obligations. Elles n'ont peut-être pas les documents d'identité à jour requis pour obtenir un passeport qui leur permettrait de voyager à titre de citoyen canadien.
    Je remercie chacun de vous de vos avis à ce sujet. Je vais rapidement me tourner vers Freedom House encore une fois.
    La primauté du droit était, je dirais, l'un des piliers de la politique d'une Chine, deux régimes politiques, à Hong Kong. Il semble que la Chine continentale impose ses propres lois et leur donne une très grande portée. Vous avez mentionné votre préoccupation selon laquelle Taïwan viendrait ensuite. L'ancien ambassadeur, David Mulroney, a dit que le gouvernement du Canada doit repenser complètement sa politique étrangère concernant la Chine. Croyez-vous que cet effondrement de la politique d'une Chine, deux régimes politiques mérite un tel degré d'intervention?
    Oui. C'est la réponse brève. Je crois en fait que le moment est propice à un examen sérieux des politiques de tous les pays, et non seulement du Canada, à l'égard de la Chine. La Loi sur la sécurité nationale, son imposition forcée à Hong Kong et le fait qu'elle couvre tout le monde, partout dans le monde, sont des facteurs majeurs.
    Les représentants de la Chine aiment souvent parler de non-ingérence et de souveraineté, mais en fait, ce n'est pas un principe auquel ils croient vraiment. Ils cherchent à définir ce que tous les autres ont le droit de dire et de faire, même dans leurs propres pays. Il est donc crucial de faire preuve d'imagination en ce qui concerne la politique à l'égard de la Chine.
(1340)
    Merci.
    Monsieur Chu, votre organisation se trouve aux États-Unis. Aujourd'hui, le secrétaire d'État a annoncé qu'à tous égards, le Confucius Institute sera maintenant traité comme étant une mission étrangère de la République populaire de Chine. De toute évidence, ils ne se préoccupent pas uniquement de la suppression des droits des Américains comme vous, qui vivent aux États-Unis, mais ils se préoccupent aussi du fait que des pays comme la République populaire de Chine utilisent des instituts de ce genre dans le cadre de leur politique étrangère pour influencer la politique nationale.
    Croyez-vous que c'est une bonne mesure et que c'est une autre approche que d'autres pays occidentaux devraient examiner?
    Je crois que ce dont Mme Boyajian a parlé englobait le Confucius Institute, mais également les organes d'information. Je crois que des mesures ont été prises, au cours des dernières semaines, afin d'étiqueter et d'interpeller explicitement les institutions, entités ou sociétés appartenant à l'État et financées par l'État, y compris les organes d'information ici aux États-Unis et à l'échelle du monde. Je crois que ce sont des mesures importantes.
    Je veux qu'on fasse preuve d'une grande prudence. Je crois que nous devons veiller à ce que cela ne se traduise pas par des contrecoups ou par de la discrimination fondée sur l'ethnicité. Cependant, je pense que le gouvernement du Canada ferait bien de prendre des mesures afin de bien cerner ce qui est soutenu et financé par l'État.
    C'est un excellent point.
    Merci à vous tous.
    Merci, monsieur Chu.
    Merci à vous, monsieur Albas.
    C'est maintenant au tour de Mme Yip, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup à vous tous de prendre le temps de livrer vos importants témoignages.
    Ma question s'adresse à M. Chu. Il doit être très difficile pour vous de ne pas être en mesure de parler à vos parents. Dans votre déclaration liminaire, vous avez mentionné que le simple fait de retweeter du contenu peut vous causer des difficultés. Qu'en est-il des gens à Hong Kong qui utilisent en ce moment les médias sociaux pour exprimer leurs opinions?
    Nous avons manifestement vu cela avec l'affaire des Rockets de Houston, quand le gérant général a retweeté quelque chose et que la Chine a littéralement interdit le basket-ball pendant une certaine période dans l'ensemble du pays.
    Pour répondre à votre question, en ce qui me concerne, les gens à Hong Kong continuent de se mobiliser, mais je crois qu'il y a déjà des signes qui montrent qu'ils sont suivis. Les quatre jeunes militants qui ont été arrêtés, il y a environ trois semaines, ont été spécialement arrêtés et accusés pour du contenu sur les médias sociaux. C'est la même accusation qui est portée contre Agnes Chow, autre chef de file très en vue arrêtée lundi. Ils disent qu'elle a utilisé les médias sociaux pour inciter à la sécession et pour demander une influence étrangère.
    Il peut être difficile pour les gens de Hong Kong de répondre, sur les médias sociaux, aux questions de journalistes et de législatures de pays étrangers concernant la situation à Hong Kong. Comment peuvent-ils faire connaître leurs opinions à l'étranger?
    Comme vous l'avez vu au cours des 13 derniers mois, les Hongkongais se montrent très créatifs et très résilients. Cette semaine seulement, Jimmy Lai, qui a été arrêté, détenu, puis libéré, est immédiatement allé sur Twitter pour son clavardage hebdomadaire en direct; il n'est pas réduit au silence. Joshua Wong, aussi considéré par plusieurs comme étant une cible importante, a rédigé une lettre d'opinion qui a été publiée hier dans le New York Times.
    Je crois que nous voyons, à Hong Kong, une société qui a vécu la liberté d'expression, la liberté de presse et la liberté de manifester pendant des décennies et des générations. Par conséquent, je ne crois pas qu'elle sera complètement réduite au silence. Je crois que le coût va augmenter. Le risque est déjà grand, mais je pense que nous voyons déjà une évolution dans la façon dont les gens expriment leur résistance.
    Pouvez-vous nous parler de la mesure dans laquelle les entreprises comme Facebook, Google et WhatsApp coopèrent avec la Chine et la Loi sur la sécurité nationale?
    Je crois que nous avons vu cela le 4 juin dernier, dans le contexte d'une cérémonie commémorative qui est toujours organisée à Hong Kong. Avant la cérémonie, l'un des anciens membres de notre conseil consultatif, Lee Cheuk-yan, qui est aussi le chef de la Hong Kong Alliance en ce moment, a été explicitement banni de Zoom, la plateforme que nous utilisons en ce moment. Zoom a diffusé une déclaration selon laquelle le gouvernement chinois leur avait demandé de suspendre son compte à cause des réunions qu'il tenait sur Zoom.
    Je crois que cela se produit déjà et qu'une grande partie du contrôle s'est produite avant la Loi sur la sécurité nationale, mais maintenant, ce qui est très important, c'est que même si, temporairement, toutes les grandes entreprises technologiques ont dit ne pas transmettre de données à la police et aux autorités de Hong Kong, cela n'a rien de permanent. À un moment donné, est-ce qu'ils finissent par transmettre leurs données? Ont-ils une façon de fournir un historique de ce que les gens ont écrit, même dans les messages publics ou privés directs?
    D'après moi, ce que les entreprises technologiques vont faire à long terme soulève d'importantes inquiétudes.
(1345)
    Estimez-vous que TikTok représente une menace à la sécurité nationale, et est-ce que son interdiction permettra effectivement de restreindre l'interférence de la Chine?
    Je ne suis pas un expert en cybersécurité, mais je crois que TikTok est un excellent exemple du genre de complexité qui entoure la technologie, la chaîne d'approvisionnement et la gestion de données, et que nous devons nous pencher là-dessus. C'est semblable à la situation relative à la chaîne d'approvisionnement mondiale en équipement de protection individuelle. Ce qui est révélateur, d'après moi, c'est que l'infrastructure derrière certaines des technologies comme TikTok n'est pas aussi simple que certains voudraient qu'on le pense. Ce n'est pas comme s'ils écoutent tout ce qui se trouve sur TikTok.
    La sécurité des données, l'endroit où elles sont sauvegardées et la façon dont elles sont utilisées représentent absolument une préoccupation de sécurité nationale, car encore une fois, s'ils sont capables d'utiliser les données pour intenter des poursuites en vertu de quelque chose comme la Loi sur la sécurité nationale, cela devient alors une menace directe que les gens pourraient d'après moi ne pas reconnaître, mais qui existe en ce moment.
    Merci.
    Je vous remercie infiniment, madame Yip et monsieur Chu.
    Nous allons maintenant passer à M. Genuis, qui prendra la parole pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Une fois de plus, nous entendons parler de renseignements sur l'ingérence que des Canadiens vivent en sol canadien, dans le cadre du projet néocolonial élargi de l'État chinois. Je crois que c'est une chose que les Canadiens doivent savoir et qui devrait certainement les préoccuper, plus ils en entendent parler.
    Lorsque nous, les membres de l'opposition, soulevons des questions concernant l'ingérence de l'État chinois, nous recevons ce que je considère comme une sorte de réponse machiste inefficace de la part du ministre des Affaires étrangères, qui affirme que personne n'a intérêt à faire cela et que le gouvernement prend cette question très au sérieux, sans toutefois réagir ni agir de manière substantielle.
     Lors de la dernière réunion du Comité, nous avons entendu le témoignage de l'organisation Amnistie internationale. Cette organisation considère que, malgré ce genre de fanfaronnades, le système est très inefficace lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins des victimes d'ingérence étrangère qui demandent de l'aide, et l'organisation soutient aussi qu'il n'y a pas de réponse efficace ou coordonnée à l'ingérence étrangère au Canada. Cependant, nous espérons que le gouvernement procédera à des changements politiques et législatifs à cet égard, et que le ministre prendra des mesures, comme l'expulsion des diplomates quand cela s'avère nécessaire.
    J'aimerais que les trois témoins formulent des observations sur les mesures que nous pouvons prendre pour passer des fanfaronnades à l'action afin de protéger les Canadiens vivant au Canada contre l'ingérence d'un gouvernement étranger dans leur liberté d'expression, leurs activités et leurs associations.
    Nous pourrions peut-être commencer par entendre Mme Boyajian à ce sujet.
    Bien sûr, merci.
     Je crois que ces mesures sont cruciales et que vous pouvez les diviser en plusieurs catégories générales. Je pense qu'il y a un réel besoin de transparence dans les démocraties du monde entier, y compris au Canada. D'où vient l'information? Comment le ministère du Front commun, qui est l'agence de propagande de la Chine, a-t-il infiltré le Canada? Que fait-il? Voilà l'une des étapes.
    Le PCC comprend bien sûr les mesures et y réagit. Donc, comme je l'ai déjà mentionné, les mesures concrètes comprennent l'imposition de sanctions, l'examen des importations et des exportations, et la remise sur pied du système d'immigration afin d'aider les gens. Toutefois, ces mesures doivent être soigneusement équilibrées, parce que vous ne cherchez pas à aggraver les choses ou à encourager des attaques racistes contre qui que ce soit.
     À Freedom House, nous comprenons les difficultés que présentent TikTok et d'autres applications, mais il s'agit là d'un enjeu complexe. Nous ne sommes pas nécessairement favorables à une interdiction totale des applications.
    Je pense qu'il faut commencer par examiner très attentivement la situation et ce qui se passe réellement. Ensuite, il faut réfléchir aux mesures concrètes qui seraient les plus logiques — oui, il ne faut pas se contenter de prononcer des paroles. Il faut prendre des mesures.
    Monsieur Chu, la parole est à vous.
    J'aime tout ce dont Mme Boyajian vient de parler.
    J'ajouterais qu'à mon avis, une partie de la protection au Canada doit aussi être liée au recrutement d'entreprises et d'autres entités qui se retourneraient contre la répression et l'oppression qui surviennent. Je pense que vous constatez qu'une partie de l'objectif de la sanction ne doit pas consister seulement à sanctionner des individus. Pour appuyer et faire respecter ces genres de politiques, il faut aussi qu'une partie de cet objectif consiste à forcer des institutions comme des banques et des institutions financières à ne pas devenir des agents explicites et proactifs du régime chinois. J'estime qu'il ne s'agit pas seulement de rhétorique publique, mais aussi de l'utilisation et du recrutement d'autres entités pour exercer une influence et contribuer à renforcer la protection.
(1350)
    Merci.
    Monsieur Cohen, vous avez la parole.
    Je pense que vous devez commencer par utiliser vos relations avec les autorités de la Chine en matière de sécurité. Vous devez leur faire comprendre que vous ne tolérerez aucune ingérence dans les droits dont jouissent les citoyens canadiens dans leur propre pays et qu'il y aura des conséquences si elles refusent d'obtempérer. Je crois que vous devez également faire comprendre aux personnes d'origine chinoise et à d'autres personnes qui sont discrètement contraintes au Canada par les autorités chinoises qu'elles doivent vous informer, ainsi que les membres du pouvoir exécutif de votre gouvernement, de ce qui se passe.
    Les universités sont un terrain très crucial. Nous avons observé aux États-Unis, y compris dans ma propre université, des cas où le consulat chinois communiquait très activement avec certains étudiants chinois afin de favoriser l'organisation de certains événements ou d'essayer d'empêcher que d'autres événements aient lieu ou que des gens s'expriment pour contester les politiques de leur propre pays.
    Je pense que vous devez déployer plus d'efforts au Canada, en commençant par discuter avec les fonctionnaires de la Chine.
    Merci, monsieur Cohen.
    Merci, monsieur Genuis.
    Monsieur Fragiskatos, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais aussi remercier les témoins.
    Je veux commencer par interroger M. Cohen.
    Monsieur, vous avez parlé des sanctions tout à l'heure, et vous avez donné aux membres du Comité amplement matière à réflexion en ce qui concerne l'efficacité ou peut-être le manque d'efficacité des sanctions. En tant que membre du Comité, je garde toujours un esprit très ouvert.
    J'entends les appels qui ont été lancés au gouvernement canadien afin qu'il applique les sanctions de la loi Magnitsky aux fonctionnaires chinois. Vous nous avez fait part d'un autre avis sur les raisons pour lesquelles cette approche n'est peut-être pas la meilleure. Quels conseils donneriez-vous non seulement au Comité, mais aussi au gouvernement canadien, en ce qui concerne les mesures que notre pays pourrait prendre à l'encontre de la Chine?
    Par exemple, nous avons entendu tout à l'heure — de la part de M. Albas, je crois — une très bonne question sur la sûreté et la sécurité des Canadiens qui vivent ou travaillent en Chine. Je pense aussi aux Canadiens qui sont appréhendés en Chine. Nous avons deux citoyens canadiens qui... Comme c'est une affaire très suivie, je suis sûr que vous êtes au courant de la situation de Michael Kovrig et de Michael Spavor. Les Canadiens sont, à juste titre, préoccupés par leur sort.
    Y a-t-il des points de déclenchement particuliers que la Chine considère comme particulièrement offensants ou qui pourraient présenter un danger particulier pour d'autres personnes? L'application de sanctions, par opposition à des mesures en matière d'immigration, risque-t-elle de faire dire à la Chine que ce sont là des raisons de plus pour mettre en danger la vie des Canadiens en Chine? Quels sont, selon vous, les points de déclenchement, en ce qui concerne ce régime particulier?
    Je pense que votre gouvernement devrait être plus énergique dans ses protestations et les demandes qu'il adresse au gouvernement chinois, en ce qui concerne le traitement des Canadiens à bien des égards. J'ai eu connaissance de certains cas — dans un ou deux cas où j'ai été consulté — où les personnes qui se sentent intimidées par les efforts du gouvernement chinois — qu'il s'agisse d'envoyer discrètement des gens les intimider au Canada ou d'utiliser le téléphone ou des pressions financières — n'ont pas eu l'impression que votre ministère des Affaires étrangères avait protégé leurs droits ou dit au gouvernement chinois d'arrêter de façon assez énergique.
    De plus, en ce qui concerne vos affaires, je ne comprends pas pourquoi vos procédures d'extradition sont aussi longues. L'extradition est un processus compliqué, mais votre système judiciaire devrait traiter beaucoup plus rapidement le cas controversé de Huawei qui cause tant de problèmes. Cette affaire dure depuis longtemps.
    Même si Mme Meng vit dans deux magnifiques maisons à Vancouver où elle est à l'aise, ses droits sont limités. Voyez l'effet que cela a sur les personnes qui ont fait l'objet de représailles injustes, notamment les deux Michael. Sans oublier qu'au moins un de ceux qui ont été condamnés à mort est un ressortissant canadien.
(1355)
    Merci, monsieur Cohen. Je ne peux pas parler de l'efficacité des tribunaux canadiens ou de leurs procédures, mais je vous remercie de votre point de vue.
    Monsieur Chu, pendant le temps qu'il reste, veuillez expliquer pourquoi cela survient maintenant? Pourquoi cette loi sur la sécurité nationale est-elle mise en oeuvre maintenant? Le président Xi est au pouvoir depuis 2013. Les dirigeants avant lui auraient pu agir de la même manière. Quel ensemble de facteurs particuliers a incité le régime chinois et le président Xi à agir à ce moment précis et à aboutir à cette loi particulière en 2020?
    Vous avez 25 secondes pour répondre.
    Je pense qu'il y a deux facteurs particuliers. J'estime que les manifestations continues — le fait qu'elles se déroulent depuis 13 mois sous l'œil du public et de la communauté internationale — et ce qui se passe maintenant à Hong Kong ont créé une menace directe pour la stabilité de leur contrôle global en Chine. Deuxièmement, je le répète, nous avons créé une intervention mondiale à ce stade. Je crois que ce sont les deux facteurs qui rendent les choses particulièrement menaçantes pour le président Xi.
    Merci.

[Français]

     Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Je vais reprendre la question de M. Fragiskatos.
    Monsieur Chu, la loi sur la sécurité nationale a-t-elle été adoptée tout simplement parce que le gouvernement de Hong Kong ne parvenait pas à faire adopter la Loi sur l'extradition?

[Traduction]

    Je pense que cela va plus loin. C'est en partie une réaction à... Leur tentative de l'année dernière n'était pas leur premier essai. Ce n'était pas la première fois qu'ils tentaient de mettre en œuvre une loi sur l'extradition ou la sécurité. Cela s'est déjà produit auparavant.
    Ce qui est différent et qui va encore plus loin — autrement dit, une autre caractéristique très effrayante de la loi sur la sécurité nationale —, c'est qu'il y a maintenant un bureau de la sécurité chinois sur le terrain qui exerce ses activités directement à Hong Kong, mais qui ne relève pas du gouvernement de Hong Kong. Je pense que vous constatez que cela va plus loin que la sécurité nationale ou l'extradition. Il s'agit maintenant d'une application de facto de la loi chinoise, ainsi que d'inculpations et d'enquêtes sur les « crimes » menées directement par les forces de sécurité chinoises, c'est-à-dire qu'il s'agit d'activités qui ne requièrent plus la consultation du gouvernement de Hong Kong.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Chu.
    Durant le premier segment de cette séance, une bonne partie de nos discussions a porté sur l'intégrité du système judiciaire hongkongais sous cette loi sur la sécurité nationale. Le fait que le directeur des poursuites publiques de Hong Kong ait démissionné n'est-il pas une preuve que le système hongkongais est passé complètement sous le contrôle de la République populaire de Chine?
    Je pose d'abord la question à M. Cohen.

[Traduction]

    Je pense que nous n'avons pas prêté suffisamment d'attention à la démission du directeur des poursuites publiques. Voilà que le fonctionnaire le plus important en ce qui concerne les décisions relatives aux poursuites à Hong Kong ne sera même plus autorisé à savoir qui ils poursuivront en vertu de la nouvelle loi sur la sécurité nationale. Je ne peux pas lui reprocher d'avoir démissionné.
    Sa patronne, la secrétaire du ministère de la Justice, est une personne très sympathique et compétente, mais c'est une avocate spécialisée en droit commercial qui est une experte en matière d'arbitrage. J'ai arbitré une affaire où je lui ai demandé d'être l'arbitre en chef. Ce n'est pas une experte en matière de justice pénale.
    Merci, monsieur.
    Les décisions sont prises par les responsables de la sécurité de Pékin.
(1400)
    Merci, monsieur Cohen.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Bergeron.
    Monsieur Harris, vous avez la parole pour deux minutes et trente secondes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie de nouveau les témoins.
     J'aimerais maintenant poser une question à laquelle vous pourrez tous les trois répondre, car vous êtes tous établis aux États-Unis, même si M. Cohen passe aussi beaucoup de temps ailleurs, tout comme M. Chu, bien sûr.
    Les motivations des États-Unis ont parfois été remises en question en ce qui concerne leur agressivité envers la Chine au cours des derniers mois et de l'année dernière. Elles sont motivées par des considérations commerciales, par la politique d'un président en année électorale, par la lutte contre l'ascension et l'influence de la Chine dans le monde, etc. Il est même question d'une nouvelle guerre froide.
    Je veux poser la question, parce que cela a une incidence sur l'attitude de certaines personnes à cet égard. Comment le Canada devrait-il agir envers la Chine d'une manière à se distinguer essentiellement de certaines de ces considérations, qui sont assez évidentes pour nous parce que nous sommes si proches, mais qui ne le sont peut-être pas pour d'autres parties du monde? Comment pouvons-nous agir énergiquement et, surtout, éviter d'être mêlés à l'une ou l'une de ces autres motivations?
    Madame Boyajian, vous n'avez pas encore répondu à l'une de mes questions, alors je vous laisse commencer.
    Bien sûr.
    Je dirais simplement que, quelle que soit la personne au pouvoir, notre position à Freedom House est que le commerce, la sécurité et les droits de la personne sont inextricablement liés. Il y a eu de nombreux de cas de maintien du statu quo au sein des administrations présidentielles américaines, que ce soit sous Bush ou Obama. Peu importe qui est le chef d'État — bien sûr, vous ne voulez pas agir au hasard et aggraver les choses inutilement —, les droits de la personne devraient être une considération majeure, et surtout en ce moment, compte tenu de l'aggravation de la situation liée à la loi sur la sécurité nationale. Comme je l'ai mentionné, nous avons observé les efforts croissants que le gouvernement chinois déploie pour exporter la répression...
    Merci.
    Bien sûr.
    Pouvons-nous, s'il vous plaît, obtenir l'avis de M. Cohen à cet égard?
    Je pense que nous vivrons une période très dangereuse tant que les élections américaines n'auront pas été conclues avec succès. Il est évident que les conseillers du président Trump exploitent maintenant la Chine de manière à le faire réélire. C'est l'inverse de ce que Nixon a fait en 1972. Nixon a exploité la Chine afin d'obtenir un changement favorable dans nos relations avec elle, à la suite des mesures prises par le premier ministre Trudeau en octobre 1970. Maintenant, nous nous dirigeons dans la mauvaise direction. Je pense qu'après les élections, si les choses se passent bien, nous verrons une amélioration, c'est-à-dire une politique chinoise plus équilibrée.
    Le danger actuel, c'est celui de jeter le bébé avec l'eau du bain.
    Merci beaucoup, monsieur Cohen.
     Merci, monsieur Harris.
    Cela met fin au temps dont nous disposions. Je tiens à remercier nos témoins. Je sais que tous les membres du Comité vous sont profondément reconnaissants d'avoir accepté de comparaître.
    Je tiens à faire savoir aux membres que nous envisageons en ce moment de commencer la séance de lundi à 10 h 30, heure de l'Est, afin de nous donner le temps de nous occuper des motions dont M. Genuis a parlé plus tôt. Si les whips sont d'accord, cela figurera sur l'avis de convocation de la réunion de lundi. Nous ne pouvons pas nous rencontrer à 15 heures, parce qu'une autre séance de comité commence à cette heure-là lundi. Voilà la situation actuelle.
    Monsieur Genuis, voulez-vous intervenir à ce sujet?
     Oui. Comme il s'agit de motions de fond qui ne concernent pas des témoins, je suggère que ces discussions soient publiques. C'est de cette façon que nous avons amorcé la discussion sur ces motions. Je suggère donc que nous procédions ainsi. Cela facilitera aussi la transition.
    C'est en fait ce à quoi je m'attends, même si nous devrons bien sûr faire une pause, entre autres pour les contrôles sonores, comme les membres le comprendront.
    Merci.
    Encore une fois, j'aimerais remercier tout particulièrement nos témoins. J'aimerais aussi remercier tous les techniciens et les analystes, notre merveilleuse greffière, et toutes les autres personnes qui ont soutenu cette réunion.
    La séance est levée.
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