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CACN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur les relations sino-canadiennes


NUMÉRO 012 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 17 août 2020

[Enregistrement électronique]

(1035)

[Traduction]

     Bienvenue à la 12e  réunion du Comité spécial de la Chambre des communes sur les relations sino-canadiennes. Conformément à l'ordre de renvoi du 20 juillet 2020, le Comité se réunit pour poursuivre son étude des relations sino-canadiennes.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule par vidéoconférence.

[Français]

    Voici quelques règles à respecter pour assurer le bon déroulement de la réunion.
    Pour la vidéoconférence, les services d'interprétation fonctionneront à peu près comme pour une réunion de comité ordinaire. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le son du parquet, l'anglais et le français. Lorsque vous avez la parole, si vous voulez passer d'une langue à l'autre, vous devez également changer de canal d'interprétation pour que celui-ci corresponde à la langue dans laquelle vous vous exprimez. Il serait bon de faire une courte pause entre les deux langues.
    Avant de commencer à parler, attendez que je vous donne la parole en disant votre nom. Lorsque vous êtes prêt à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro.
    Si un député souhaite faire un rappel au Règlement, il doit activer son micro et indiquer qu'il souhaite faire un rappel au Règlement. Si un député souhaite intervenir au sujet d'un rappel au Règlement soulevé par un autre député, il doit utiliser la fonction « Lever la main » pour signaler au président qu'il désire prendre la parole. Pour ce faire, vous devez cliquer sur « Participants » au bas de l'écran. Lorsque la liste s'affiche, à côté de votre nom, vous verrez une option qui vous permettra de lever la main.
    Assurez-vous de parler lentement et clairement. Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre micro en sourdine. L'utilisation d'un casque d'écoute est fortement recommandée.
    Avant de commencer, je demanderais à chacun de bien vouloir cliquer dans le coin supérieur droit de son écran pour s'assurer que l'option Vue Galerie est sélectionnée. Ce mode permet de présenter tous les participants dans une disposition en mosaïque. Vous pourrez ainsi tous vous voir les uns les autres. Comme c'est le cas pour les séances qui se tiennent en personne, le public ne verra que le participant qui a la parole.
    Nous passons maintenant aux travaux du Comité. Nous avons deux avis de motion, ainsi qu'une motion. Nous en avons deux de M. Genuis, puis un de M. Harris.
    Monsieur Genuis, par lequel voulez-vous commencer?

[Traduction]

    Ce sera par la motion concernant le Tibet, parce qu'il ne s'agit pas vraiment d'un avis de motion. Nous en avons déjà débattu et le débat a été ajourné, alors nous le reprenons.
    D'accord. Je vais lire la motion pour la gouverne des membres du Comité, puis je vous laisserai en débattre. Je vais dresser la liste des autres intervenants.
    La motion a été proposée par Garnett Genuis au cours de la réunion du jeudi 6 août. Le débat sur cette motion a été ajourné et nous le reprenons, bien sûr. La motion dit ceci:
Que ce comité appelle au dialogue entre l’Administration centrale tibétaine et le gouvernement de la République populaire de Chine en vue de permettre au Tibet l’exercice d’une autonomie véritable dans le cadre de la constitution chinoise, et fasse rapport de cette motion à la Chambre.
    Monsieur Genuis.
    Merci, monsieur le président.
    Je serai aussi bref que possible dès le départ. Nous pourrons peut-être procéder rapidement.
    La raison pour laquelle nous avons proposé cette motion, c'est qu'il s'agissait d'une demande précise formulée par les témoins et, par extension, par la communauté, et qu'en prenant position, notre comité va certainement avoir une influence et faire avancer le dialogue. Nous avons l'occasion non seulement de parler des droits de la personne, mais aussi de prendre des mesures constructives qui, de l'avis de bien des gens, donneront des résultats en faisant évoluer le dialogue vers un accommodement et une véritable autonomie. J'espère que nous pourrons adopter cette position et contribuer de façon constructive à ce résultat.
    Je vais m'arrêter ici. Merci, monsieur le président.
     Merci beaucoup, monsieur Genuis.
    Ne voyant aucune main levée...
    Je lève la main, monsieur le président.
    Je suis désolé, madame Alleslev. Nous allons passer à vous, puis à M. Harris.
    Si vous me le permettez, je voudrais proposer un amendement mineur à cette motion pour qu'après le mot « entre », on ajoute « les représentants du peuple tibétain (Sa Sainteté le dalaï-lama ou ses représentants et/ou l'Administration centrale tibétaine) et le gouvernement de la République populaire de Chine »...
(1040)
    La greffière aura peut-être besoin que vous répétiez cela.
    Je vais lire à partir du début. La motion modifiée se lirait comme suit:
Que ce comité appelle au dialogue entre les représentants du peuple tibétain (Sa Sainteté le dalaï-lama ou ses représentants et/ou l'Administration centrale tibétaine) et le gouvernement de la République populaire de Chine en vue de permettre au Tibet l'exercice d'une autonomie véritable dans le cadre de la constitution chinoise, et fasse rapport de cette motion à la Chambre.
    Essentiellement, cela vise seulement à préciser qu'il ne s'agit pas seulement de l'Administration centrale tibétaine, et que nous voulons un dialogue avec les représentants du peuple tibétain, qui pourraient être Sa Sainteté le dalaï-lama, ses représentants ou l'Administration centrale tibétaine. Nous voulons simplement élargir un peu le libellé quant à savoir qui devrait dialoguer avec le gouvernement de la République populaire de Chine.
    Merci.
    Madame Alleslev, avez-vous indiqué où la parenthèse se ferme? Je suppose que c'est après « ses représentants ». Est-ce exact?
    Non, ce serait après « l'Administration centrale tibétaine ». Les parenthèses encadrent « Sa Sainteté le dalaï-lama ou ses représentants et/ou l'Administration centrale tibétaine », et cela permet des permutations et des combinaisons de trois éléments, à savoir Sa Sainteté le dalaï-lama, ses représentants ou l'Administration centrale tibétaine, pour représenter le peuple tibétain.
    Le libellé de la motion de M. Genuis parlait de « l'Administration centrale tibétaine ». Je suppose que ça va. Vous avez modifié l'ordre, mais je présume que l'ordre initial est respecté.
    Excusez-moi, mais je ne connais pas la réponse à cette question. Je pense que c'est l'Administration tibétaine ou l'Administration centrale tibétaine...
     Monsieur Genuis?
    C'est l'Administration centrale tibétaine parce que c'est un nom.
    C'est bien l'Administration centrale tibétaine.
    Très bien. Merci beaucoup.
     Avant de donner la parole à M. Harris, je dois demander un débat sur la motion d'amendement.
    Je vois que M. Harris a levé la main.
    C'est inattendu. Je pense que nous sommes trop normatifs. L'idée était d'appuyer la reprise du dialogue sino-tibétain en termes généraux. Ne serait-il pas préférable de ne pas trop entrer dans les détails et de ne parler que des représentants du peuple tibétain et du gouvernement de la République populaire de Chine?
    Je préférerais cela, parce que nous sommes un peu trop précis. Nous ne sommes pas prêts pour ce genre de détails, étant donné que nous n'avons entendu qu'un seul témoin, que le débat que nous avons eu l'autre jour portait, en partie, sur cette question et que nous sommes heureux d'appuyer le dialogue entre le peuple tibétain et la République populaire. En étant très précis, je pense que nous allons peut-être au-delà des faits que nous avons devant nous. Je préfère garder un libellé général et ne pas entrer dans ce genre de détails.
    Monsieur Virani, puis monsieur Oliphant, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Nous parlons simplement de l'amendement que propose Mme Alleslev et non pas des termes principaux de la motion de M. Genuis. C'est bien cela?
    Oui.
     En ce qui concerne l'amendement de Mme Alleslev, j'ai le plaisir de dire que j'avais noté quelque chose de très semblable quant au fait qu'il serait utile d'élargir les termes du texte original proposé par M. Genuis pour inclure quelque chose comme « et/ou des envoyés de Sa Sainteté le dalaï-lama ». Le terme « envoyés » appartient habituellement au vocabulaire de la diplomatie, mais le terme « représentants » fonctionne très bien.
    Je pense qu'il est important d'élargir le libellé. Je suis d'accord avec les changements que Mme Alleslev a recommandés. Pour la gouverne de M. Harris et des autres, je crois important d'avoir une approche un peu plus large — pardonnez-moi le jeu de mots, puisque nous sommes sur Zoom — et d'élargir le libellé car, historiquement, ce dialogue a eu lieu avec les envoyés de Sa Sainteté le dalaï-lama entre 2002 et 2005. Il a pris fin abruptement lorsque l'Administration centrale tibétaine s'est fait connaître comme une entité dotée d'un pouvoir politique. Si nous nous limitons au dialogue entre l'ACT et la République populaire de Chine, cette ouverture pourrait très facilement être rejetée. Si nous l'élargissons, cela permettrait plus d'options et de permutations, ce qui serait bénéfique pour l'objectif global, à savoir que le dialogue doit redémarrer.
    Je serais en faveur d'une approche plus large, y compris le libellé mentionné par Mme Alleslev.
    Merci.
(1045)
    Merci, monsieur Virani.
    Monsieur Oliphant.
    Merci, monsieur le président.
    J'abonde dans le même sens.
    Pour revenir au point précis que M. Harris a soulevé, je pense qu'en fait, cela rend le libellé moins précis et un peu plus large. Il offre plus d'options et est un peu moins normatif, ce qui donne un plus grand éventail de partenaires de dialogue. Il tient compte de notre désir que ce dialogue ait lieu et que nous ne voulons pas le limiter en prescrivant qui doivent être les participants.
    Je suis en faveur de l'amendement.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole.
    Monsieur le président, je veux d'abord vérifier auprès de vous si vous voyez bien les mains levées, parce que, dès le moment où vous avez ouvert le débat, j'ai appuyé sur le bouton « Lever la main », mais vous ne semblez pas l'avoir vu. Si vous ne voyez pas les mains levées, je vais continuer à faire des signes de la main, car cela risque d'être plus efficace.
    Quoi qu'il en soit, j'en reviens au débat. J'aurais un certain nombre de commentaires à formuler.
    J'aimerais d'abord faire un commentaire sur l'amendement. Décider d'aborder ponctuellement des motions et des possibilités de rapports, alors que nous nous étions entendus dès le départ sur le fait de n'avoir qu'un seul rapport, illustre la difficulté devant laquelle nous nous trouvons. Si nous devions continuer dans cette voie et avoir des rapports sur des questions particulières, j'aimerais qu'ils soient considérés comme des rapports provisoires, de telle sorte que nous puissions continuer à discuter de la question tibétaine, par exemple, et que le tout ne soit pas conclu à travers ces motions que nous adoptons aujourd'hui.
    Pour reprendre une expression bien québécoise, nous avons peut-être mis la charrue devant les bœufs. Puisque la communauté s'attend à ce que nous fassions écho aux propos du président de l'administration tibétaine, nous sommes dans une situation où nous devons adopter cette motion presque de façon obligée, et j'exprime mon malaise à l'égard du fait que nous nous retrouvions aujourd'hui devant une telle situation. Cette motion tombe sous le sens, mais je ne voudrais pas que cela mette un terme à notre approfondissement de la question problématique du Tibet.
    C'est la raison pour laquelle je vais à tout le moins appuyer la motion de M. Harris dont il nous a donné avis et qui laisse entendre que nous allons poursuivre la discussion et la réflexion sur la situation tibétaine. Toutefois, je nous mets en garde une autre fois contre cette tentation de survenir à tout moment pour proposer des motions qui placent le Comité dans une position inconfortable et par lesquelles nous évitons d'aller au fond des choses et, surtout, de faire les liens qui doivent être faits entre différents enjeux.
    Je reviens ensuite sur la proposition de Mme Alleslev. J'ai entendu les arguments de M. Harris et ceux avancés par les collègues libéraux jusqu'à présent. Ma première réaction a justement été de dire que le fait de devoir améliorer une motion qui nous a été lancée à la volée en pleine réunion du Comité, plutôt que de faire l'objet d'une discussion entre nous, illustre la difficulté devant laquelle nous nous trouvons présentement.
    Je vous prierais donc d'éviter ce genre de manœuvre à l'avenir, puisque nous voyons bien la difficulté devant laquelle cela nous place.
(1050)
    Merci beaucoup, monsieur Bergeron.
    Tout d'abord, je dois dire que je n'avais pas vu que vous aviez appuyé sur le bouton « Lever la main ».
    Il y a quelques jours, les techniciens de la Chambre des communes ont essayé de régler le problème. Je pensais qu'ils avaient réussi, mais ce n'est apparemment pas le cas. Je vais donc demander à la greffière de s'assurer que je peux agir en tant que cohôte, pour que je puisse voir les mains levées. C'est assez important quand nous sommes en vidéoconférence par Zoom. Je dois m'occuper de tout cela, tout en gérant le temps alloué aux interventions.

[Traduction]

    Monsieur Harris.
    Merci, monsieur le président.
     J'ai écouté M. Oliphant et M. Virani, et cela me semble acceptable.
     Compte tenu des difficultés que nous éprouvons — et je veux faire écho à ce que M. Bergeron vient de dire — le libellé exact n'est pas clair parce que nous ne l'avons pas sous les yeux.
     J'ai entendu M. Virani utiliser les mots « et/ou » pour offrir le maximum de possibilités, mais je ne suis pas certain que ce soit ce qui figure dans la motion comme telle. Il y a des envoyés, l'ACT ou le dalaï-lama. Est-ce le...? Toute combinaison de ces éléments fait partie de la motion. Le libellé est-il exact? Voilà la question.
    Si je comprends bien votre question, la motion d'amendement de Mme Alleslev ajouterait après le mot « entre », « les représentants du peuple tibétain (Sa Sainteté le dalaï-lama ou ses représentants et/ou »). Ensuite, après « l'Administration centrale tibétaine », elle insérerait une parenthèse fermée. C'est le changement qu'elle propose.
    D'accord.
    J'espère que nous pouvons passer au vote, car le temps file.
    Madame la greffière, pourriez-vous procéder à un vote par appel nominal?
    (L'amendement est adopté par 11 voix contre 0.)
    Nous passons maintenant à la deuxième motion de M. Genuis. Je vais la lire rapidement, car nous n'avons pas beaucoup de temps. M. Genuis propose que le Comité prépare un rapport sur la situation à Hong Kong...
    Désolée, monsieur le président, mais nous devons voter sur la motion modifiée.
    Désolé. Merci beaucoup. Monsieur Virani, vous avez la parole.
    Nous n'avons pas non plus débattu de la motion modifiée.
    Non, nous ne l'avons pas fait.
     Je vois que M. Virani et M. Harris veulent débattre de la motion principale.
    Monsieur Virani.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je serai bref.
    En ce qui concerne le dialogue sino-tibétain, pour la gouverne du Comité, il s'est poursuivi activement entre 2002 et 2005. Quatre réunions ont eu lieu, trois en République populaire de Chine et une en Suisse. Peu de temps après, le dialogue s'est arrêté brusquement. Depuis qu'il a pris fin, le Canada a pris publiquement position en faveur de sa reprise. Je pense qu'il est essentiel de le reprendre.
     C'est essentiel pour les droits des Tibétains, qui luttent pour leur liberté linguistique, culturelle et religieuse. C'est également essentiel pour dissiper les malentendus au sujet de la cause tibétaine et pour clarifier ce que l'approche de la voie médiane cherche à faire, c'est-à-dire non pas un appel à la rébellion ou au séparatisme, mais un appel à l'autonomie sur ces bases, — une autonomie religieuse, culturelle et linguistique — dans le cadre du concept et des limites de la constitution chinoise. Il s'agit simplement de respecter les droits qui sont déjà garantis en vertu de la constitution chinoise. Cela a été bien décrit et expliqué par un universitaire du nom de Michael Van Walt Van Praag, que je vous recommande de lire.
     J'ai entendu les appels à la reprise du dialogue lancés par mes électeurs, des gens de partout au pays et la diaspora partout sur la planète. Il est essentiel que le dialogue reprenne. C'est pourquoi mon parti et moi-même appuierons cette motion.
     Je dirais que le moment est un peu mal choisi, en plein milieu de la réunion, alors que nous avons d'autres motions à examiner, comme celle de M. Harris sur l'audition d'autres témoins sur la cause tibétaine, mais j'en parlerai le moment venu. Je vais voter en faveur de cette motion, telle qu'amendée, à juste titre, par Mme Alleslev, parce que son élargissement est un grand pas en avant.
    Merci. Thuk-je-che.
(1055)
     J'ai M. Harris, M. Bergeron et Mme Alleslev.
    Merci, monsieur le président.
    Je serai bref parce que j'ai exprimé mon appui à cette motion la dernière fois qu'elle a été soulevée, en disant que nous n'avions pas entendu d'autres témoins sur la question du Tibet et que nous ne devrions pas créer un précédent en traitant les questions à la pièce. Par conséquent, j'ai présenté ma propre motion, et je crois comprendre qu'il y a consensus à ce sujet parmi les membres du Comité, mais nous verrons.
    Il est important que nous poursuivions notre étude complète, mais il s'agit d'une question importante pour la communauté tibétaine et le peuple tibétain. Le fait est, je pense, que notre comité en est maintenant saisi, même si c'est d'une façon un peu irrégulière, et que nous devrions adopter la motion et l'appuyer sans réserve.
    Merci.

[Français]

    Monsieur le président, je n'ai rien à ajouter à ce j'ai déjà eu l'occasion de dire.
     Je serai donc en faveur de cette motion telle qu'elle a été modifiée. Cela dit, je nous mets en garde encore une fois contre la tentation de proposer des motions de façon inopinée, alors que nous avons convenu d'avoir un rapport global et complet afin que nous puissions faire les liens entre les différents enjeux.

[Traduction]

    J'ai Mme Alleslev, puis M. Oliphant.
    Excusez-moi, monsieur le président, mais je n'ai pas levé la main cette fois-ci.
    D'accord. Merci.
    Monsieur Oliphant.
    Je vais simplement dire que, oui, j'appuie la motion telle qu'amendée. Je pense que c'est important. Cependant, j'aimerais que tout le monde s'entende pour dire que cela ne nous empêche pas de poursuivre notre étude sur le Tibet. Nous n'avons entendu qu'un seul témoin sur le Tibet. Je ne pense pas que ce soit approprié. Comme M. Bergeron l'a dit, je préférerais attendre d'avoir entendu d'autres témoins. Je sais que M. Harris va proposer quelque chose, mais je veux simplement m'assurer que nous sommes d'accord, au sein du Comité, pour dire que nous n'en avons pas terminé avec le Tibet et que nous allons continuer. Autrement, je ne pourrais pas voter en faveur de cette motion.
    Comme M. Bergeron l'a dit, nous nous trouvons dans une situation un peu inconfortable parce que nous voulons, bien sûr, appuyer cette motion, mais quelqu'un pourrait, dans un sous-comité, dire: « Nous avons réglé la question du Tibet, alors passons à autre chose. » Je pense que nous devons notamment aussi tenir compte des points de vue de la société civile, des Canadiens d'origine tibétaine et des hauts dirigeants tibétains. Nous en avons besoin pour produire un rapport complet sur les relations entre le Canada et la Chine.
    J'ai juste besoin de voir les gens hocher la tête en signe d'assentiment. C'est Leona qui me l'a dit. Lorsque nous sommes dans une salle, nous pouvons lire le langage corporel. Je vois l'approbation de M. Genuis. Est-ce que cela vous convient?
    Je pense que vous l'avez.
    D'accord.
    Je vois encore des mains levées pour M. Harris et M. Bergeron, mais c'est peut-être à cause de leur...? Oui. N'oubliez pas de baisser la main lorsque vous avez terminé, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je pensais que cela expirait automatiquement, mais apparemment pas.
    Je vais donc demander à la greffière de procéder au vote par appel nominal sur la motion modifiée.
    (La motion modifiée est adoptée par 11 voix contre 0.)
     Nous en sommes maintenant à la fin de notre demi-heure.
    Madame la greffière, pouvez-vous m'aider un peu?
    Nos trois témoins sont dans la salle d'attente, mais on leur a dit que nous nous occupons des travaux du Comité et que cela pourrait être un peu plus long, alors c'est au Comité de procéder comme il l'entend.
(1100)
    D'accord.
    Monsieur Genuis, voulez-vous présenter votre motion?
     Oui, monsieur le président. J'espère que si nous prenons 15 minutes de plus, nous aurons le temps de débattre de ma motion et de celle de M. Harris. Je veux m'assurer que la sienne puisse être examinée également. Puisque j'ai la parole, je vais procéder rapidement.
    Un avis de motion a été donné. Il s'agit de produire un rapport à la fin de l'étude sur Hong Kong. En deux mots, la raison en est que la situation est urgente et en constante évolution. Il est important que nous en fassions rapport à la Chambre des communes lorsque nous aurons terminé notre étude. Nous ne pouvons pas attendre la fin d'une macrodiscussion sur les relations entre le Canada et la Chine. La situation à Hong Kong pourrait changer considérablement d'ici là.
     De plus, tout le monde sait que nous avons un gouvernement minoritaire. M. Blanchet parle de présenter une motion de défiance. Il se pourrait, dans ce contexte, que des élections soient déclenchées à tout moment. Si c'est le cas, nous n'aurons pas le temps d'inscrire tout cela dans un rapport. Je pense que l'urgence de la situation explique en partie la nécessité d'un rapport provisoire sur Hong Kong. C'est aussi le fait qu'une grande partie de ce travail pourrait tout simplement être perdue.
     J'espère que, sur le plan de la procédure, les membres du Comité seront d'accord pour qu'une fois que nous aurons terminé nos audiences sur Hong Kong, nous nous servions de ce que nous aurons appris pour faire notre travail, qui est de conseiller le Parlement, conseiller le gouvernement, en fonction de ce que nous aurons entendu. Je pense qu'il sera très important de fournir cette rétroaction sur la situation à Hong Kong.
    C'est la raison d'être de cette motion.
    Merci.
    J'ai M. Oliphant, Mme Alleslev et M. Harris.
    Monsieur Oliphant.
    Monsieur le président, je suis disposé à appuyer la motion. Cependant, l'argument de M. Genuis me rend plus nerveux à l'idée de l'appuyer. Il a dit qu'il la proposait parce que la situation pourrait basculer avant que nous en arrivions à notre rapport principal, ce qui signifie que nous pourrions avoir un rapport non pertinent. J'aimerais qu'il m'explique pourquoi il pense qu'il serait préférable de produire un rapport maintenant, ce que j'étais tout à fait disposé à appuyer jusqu'à ce qu'il soulève cet argument qui va dans le sens opposé. Parce que je ne veux pas avoir l'air d'un parlementaire qui perd son temps à faire un rapport pour le simple plaisir. Ce n'est pas la raison pour laquelle j'ai été élu au Parlement. J'ai été élu pour améliorer les choses sur le plan des politiques publiques. Si la situation évolue, pourquoi ne voudrions-nous pas nous assurer de le faire? Je suis toujours disposé à appuyer la motion, mais cet argument m'inquiète.
    Deuxièmement, en fait, c'est un rappel au Règlement, monsieur le président, plutôt qu'un sujet de débat. J'invoque le Règlement. J'aimerais que vous vous prononciez sur la durée de cette partie de la séance avant la fin de la réunion, afin que nous entendions les témoins qui ont été invités. La greffière a parlé de 15 minutes, mais je ne vous ai pas entendu vous prononcer. Je pense qu'il serait juste pour les membres du Comité, pour notre propre préparation, ainsi que pour les témoins invités de savoir quand nous mettrons fin à ce débat. Nous serons peut-être rendus au vote à ce moment-là, mais je pense qu'il serait juste que nous le sachions.
    Je m'en remets au Comité à cet égard. Évidemment, j'ai hâte d'entendre les témoins, mais les membres du Comité ont le droit de présenter une motion et d'en débattre. C'est là où nous en sommes actuellement. Je reconnais que certains députés souhaitent que cela se fasse rapidement.
    En passant, je signale aux députés que je peux maintenant voir les mains levées.
    Madame Alleslev.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais me faire l'écho de M. Garnett Genuis et peut-être apporter quelques précisions en fonction de ce que j'ai compris de ses propos.
    Nous avons pensé que le gouvernement étant minoritaire, la situation pourrait changer à tout moment ici, dans notre pays. Nous ne voulons pas que notre travail soit perdu et que nous n'ayons pas l'occasion de le présenter au gouvernement pour que lui-même, ou tous les partis, puissent l'examiner si, par hasard, nous nous trouvions en période électorale.
    Il ne fait aucun doute que les comités sont extrêmement importants. Nous savons que le comité sur la Chine est très important, et c'est la raison pour laquelle nous l'avons reconvoqué et que nous menons cette étude incroyable dans un délai aussi intense et comprimé. Nous croyons que ce que nous apprenons est utile et que les citoyens canadiens veulent savoir ce que nous avons appris. En tant que parlementaires, nous avons la responsabilité de fournir cette information dans un rapport qui informera et conseillera non seulement le gouvernement, mais aussi la population canadienne.
     Je ne voudrais pas que nous nous contentions de faire une étude pour le simple plaisir de le faire, sans pouvoir fournir une rétroaction très importante sous la forme d'un rapport qui pourrait être utilisé par le gouvernement et le grand public canadien sur un sujet aussi important. C'est pourquoi je pense qu'il y a un sentiment d'urgence, et qu'il est important de produire un rapport opportun et complet sur ce sujet afin que nous ne perdions pas l'excellent travail que nous avons fait au cours des dernières semaines.
(1105)
    Monsieur Harris.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à appuyer cette motion, mais pour aucune des raisons que Mme Alleslev vient de mentionner. En fait, si c'était pour ces raisons, je ne l'appuierais pas. Le gouvernement est le gouvernement jusqu'à ce qu'il ne le soit plus.
    La raison pour laquelle j'appuie cette motion, contrairement à notre rôle habituel qui consiste à attendre que nous ayons tout compris avant de parler de la relation entre le Canada et la Chine, c'est qu'il y a un sentiment d'urgence à l'égard de certaines des mesures proposées, en particulier celles qui offriraient de l'aide aux personnes qui sont maintenant touchées par ces changements dans la relation avec Hong Kong et entre Hong Kong et Pékin. C'est la raison de l'urgence, à mon avis.
    Nous devrions mettre ce que nous avons sur la table pour que le gouvernement puisse agir et essayer d'influencer le cours des activités du gouvernement pendant qu'il est au pouvoir. Cela pourrait durer plus longtemps que ce que les gens pensent, ou moins longtemps, mais cela n'a rien à voir avec mon appui à cette motion. Je crois que nous devrions le faire parce que c'est important, mais c'est une exception à l'objectif général qui est de produire un rapport à la fin, ce que nous nous efforçons tous de faire. Il s'agit d'une exception en raison de l'urgence des questions dont nous sommes saisis.
    Merci.

[Français]

    Avant de donner la parole à M. Bergeron, je veux lui indiquer que j'ai maintenant la possibilité de voir les mains levées, heureusement.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis tout à fait d'accord sur ce que M. Harris vient de dire. Compte tenu de ce que j'ai évoqué il y a quelques instants concernant le Tibet, je devrais m'opposer à cette motion qui va à l'encontre de cette idée selon laquelle nous n'aurions qu'un seul rapport global et holistique sur toute la situation. Cependant, nous avons entendu un certain nombre de témoignages qui nous amènent à faire des recommandations rapidement au gouvernement du Canada, par exemple en matière d'immigration, et cela ne peut attendre jusqu'à la fin de notre étude. Pour cette raison, j'y suis favorable.
    Je répète toutefois qu'il ne s'agit que d'un rapport provisoire, selon moi. J'espère que nous aurons l'occasion de faire les liens qui s'imposent entre la situation à Hong Kong et d'autres situations, par exemple celle de Taïwan, dans le rapport global.
    Je serai favorable à cette motion pour la raison que je viens d'invoquer, et pour cette seule raison, à savoir qu'il y a des gestes à poser rapidement pour venir en aide aux activistes qui veulent quitter Hong Kong. C'est la seule raison pour laquelle j'estime nécessaire d'adopter un rapport provisoire sur la situation à Hong Kong.
    Merci beaucoup, monsieur Bergeron.

[Traduction]

     Monsieur Genuis, vous avez encore la main levée. Voulez-vous intervenir de nouveau?
    J'allais parler, mais j'ai l'impression que je pourrais empirer les choses, et nous avons déjà une majorité. Je pense qu'il est probablement dans mon intérêt de ne rien dire de plus pour l'instant.
    Cela peut parfois être une approche très sage.
    C'en est une que je choisis rarement, mais je vous remercie.
    Messieurs Oliphant et Harris, je vois que vous avez levé la main.
    Désolé. J'ai oublié de baisser la main, mais je suis d'accord avec M. Genuis sur ce point.
    Merci.
    Monsieur Harris.
    Je tiens à souligner que je considère également qu'il s'agit d'un rapport provisoire, même si ce n'est pas ainsi qu'on l'appelle, et cela ne devrait pas nous empêcher de faire référence à la situation à Hong Kong dans notre rapport global, à la fin. Nous devrions probablement nous assurer que, quel que soit le rapport que nous rédigerons, il portera essentiellement sur la situation actuelle.
(1110)
    D'accord.
    Je ne vois pas d'autres mains levées. Je vois que la main de M. Oliphant est levée et celle de M. Harris aussi, mais je suppose qu'ils vont la baisser.
    Je vais donc demander à la greffière de procéder au vote par appel nominal, s'il vous plaît.
    Avant cela, je veux simplement confirmer que nous pouvons poursuivre jusqu'à 14 h 15, cet après-midi, mais pas plus, parce qu'il y a un autre comité dans cette salle, à 15 heures, aujourd'hui.
    Je pense que nous ferions mieux d'essayer de respecter l'horaire.
    Madame la greffière, vous avez la parole.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Monsieur Harris, vous avez une motion, je crois.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne pense pas que cela prendra beaucoup de temps. Je voudrais proposer ce qui suit:
Que le Comité invite des représentants d’Affaires mondiales Canada à venir faire le point, dès que possible, sur la situation au Tibet et les relations du Canada dans le cadre de son étude en cours sur les relations du Canada avec la Chine.
    Je vais en parler brièvement, si vous le souhaitez.
    Oui, s'il vous plaît. Ce sera ensuite au tour de M. Albas.
    Nous en avons discuté avec les vice-présidents. Je crois que cette motion va être appuyée. Il est entendu, et c'est une des raisons pour lesquelles j'ai appuyé la motion précédente, que nous tiendrons et veillerons à entendre davantage de témoignages sur la Chine, surtout ceux des fonctionnaires, au sujet de l'historique de ces relations. M. Virani l'a retracé en partie aujourd'hui, mais je voudrais entendre les fonctionnaires nous parler de ces relations et de tout autre élément factuel. Je pense qu'il serait bon de commencer par les fonctionnaires et cela, le plus tôt possible.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons entendre M. Albas, puis M. Bergeron.
    Je vais appuyer la motion de M. Harris, même si je ne crois pas que nous ayons vraiment besoin de voter. Franchement, je pense qu'il y a consensus et que nous pourrons passer directement aux témoins.
    À ce sujet, si nous voulons avoir un débat sur la motion, si vous la jugez recevable, je dirai simplement [Difficultés techniques] changer d'avis par rapport à la motion qui a été adoptée plus tôt, mais je crois toujours qu'il est important d'avoir plus d'information. Les autres députés demandent souvent aux membres de notre comité beaucoup d'information sur tous les enjeux et toutes les facettes.
    Je vais appuyer cette motion. À mon avis, il est bon d'avoir plus d'information.

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Dans la perspective de ce que j'ai déjà eu l'occasion d'exposer il y a quelques instants, je suis évidemment favorable à cette motion, qui va effectivement nous permettre d'approfondir la question problématique du Tibet, de manière à pouvoir l'intégrer dans notre rapport global.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

     Monsieur Albas, je ne pense pas que vous sachiez que vous avez encore la main levée. Vous voudrez peut-être la baisser, s'il vous plaît.
    Allez-y, monsieur Virani.
    Cela rejoint ce que M. Harris vient de mentionner et ce que M. Oliphant a dit il y a 10 minutes. Je n'essaie pas de compliquer les choses, mais nous pourrions insérer un libellé qui permettrait d'inclure d'autres gens, comme Human Rights Watch, Amnistie internationale et Michael van Walt, l'universitaire dont j'ai parlé plus tôt. Un certain nombre de personnes ont une expertise dans ce domaine. Nous pourrions assouplir le libellé actuel, afin qu'il ne s'agisse pas d'une seule séance d'information avec les fonctionnaires d'AMC. La possibilité d'avoir d'autres invités ou témoins serait la bienvenue.
    Je ne suis pas pointilleux en ce qui concerne le libellé, mais j'aimerais que cette possibilité figure dans le texte de la motion.
(1115)
    On dirait que vous demandez à M. Harris s'il est d'accord.
    Monsieur Harris, voulez-vous répondre?
    Je pense que cette motion n'empêche pas que d'autres témoins soient convoqués, mais je ne sais pas si nous voulons la modifier à ce stade-ci. Je pense que c'est une question qui sera probablement renvoyée au sous-comité, qui pourra l'examiner. Je préfère laisser le libellé tel quel, mais je ne m'oppose pas à ce que d'autres témoins soient convoqués.
    Merci.
    Je vois M. Oliphant.
    J'ajouterai simplement qu'à propos d'inviter d'autres témoins, nous avons convenu, plus tôt, de soumettre la question au sous-comité. Nous examinerons cela, mais nous allons aussi examiner ce débat et nous rappeler qu'on nous a demandé de faire témoigner Amnistie internationale ou Human Rights Watch, ou des universitaires ou des Tibétains canadiens. Je pense que nous sommes d'accord là-dessus.
    Je vois des hochements de tête. Ça semble acceptable.
    Merci beaucoup.
    Madame la greffière, veuillez procéder au vote par appel nominal.
    (La motion est adoptée par 11 voix contre 0.)
    Merci beaucoup, chers collègues.
    Nous devons faire une très courte pause pour nous assurer d'inclure tous les témoins.
    Nous allons prendre le moins de temps possible, moins de cinq minutes, si nous avons de la chance. À bientôt.
(1115)

(1125)
     Nous reprenons la séance. Bon retour parmi nous.
    Je vais faire quelques observations à l'intention des nouveaux témoins.
    Avant de commencer à parler, attendez que je vous donne la parole en disant votre nom. Lorsque vous êtes prêt à parler, vous pouvez cliquer sur l’icône du microphone pour activer votre micro. Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Pour la vidéoconférence, les services d’interprétation fonctionneront à peu près comme pour une réunion de comité ordinaire. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le son du parquet, l’anglais ou le français. Lorsque vous avez la parole, si vous voulez passer d’une langue à l’autre, vous devez également changer de canal d’interprétation pour que le canal corresponde à la langue dans laquelle vous vous exprimez. Il serait bon de faire une courte pause entre les deux langues. Je rappelle aux témoins que s'ils ont besoin de l'interprétation en français, ils doivent choisir le canal anglais au bas de l'écran, et vice versa s'ils ont besoin de l'interprétation en anglais.
    Lorsque vous n'avez pas la parole, veuillez mettre votre micro en sourdine, s'il vous plaît. L'utilisation d'un casque d'écoute est fortement recommandée, comme vous l'avez vu. Je dirais simplement que lorsque nous en serons aux questions, les membres du Comité indiqueront, je l'espère, à qui leur question s'adresse. S'ils vous demandent de répondre à une question, vous n'avez pas à attendre que je vous donne la parole. Vous pouvez répondre, et quand le député aura utilisé tout le temps dont il dispose, je vais l'interrompre si nécessaire et donner la parole au député suivant.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins. Nous accueillons Evan S. Medeiros, titulaire de la chaire de la famille Penner en études de l'Asie, de l'Université de Georgetown; Alvin Y.H. Cheung, de la New York University School of Law, chercheur affilié non-résident, U.S.-Asia Law Institute; Lynette H. Ong, de l'Université de Toronto, professeure de science politique et affaires mondiales. Chaque témoin disposera d'un maximum de 10 minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi les membres du Comité leur poseront des questions. Nous allons commencer par M. Medeiros, de l'Université de Georgetown.
    Monsieur Medeiros, vous avez 10 minutes.
    C'est un grand plaisir et un privilège pour moi d'être invité à comparaître devant le Comité parlementaire spécial sur les relations sino-canadiennes. Je vous félicite d'avoir mis l'accent sur les relations entre le Canada et la Chine en général et sur le sujet d'aujourd'hui, Hong Kong. [Difficultés techniques] toutes ses manifestations, est peut-être le défi le plus important dans le domaine des affaires mondiales. Pour pouvoir réagir efficacement, tous les pays doivent participer au genre de conversation nationale dont votre comité fait la promotion sur la façon de répondre à la montée de la Chine.
    Mes commentaires d'aujourd'hui refléteront mon point de vue en tant qu'universitaire et ancien décideur politique aux États-Unis. J'ai passé 25 ans à faire des recherches et à écrire sur la Chine en tant qu'analyste à la RAND Corporation et, bien sûr, en tant que professeur à l'Université de Georgetown. Pendant six ans, j'ai fait partie, sous le président Obama, du personnel du Conseil de sécurité national des États-Unis, où j'ai été directeur pour la Chine, puis adjoint spécial du président Obama et directeur principal pour l'Asie.
    Au cours de la séance d'aujourd'hui, je voudrais formuler trois observations générales au sujet de la tragédie que vit Hong Kong.
    Premièrement, la communauté internationale doit s'attendre à ce que la situation à Hong Kong empire avant de se stabiliser. Les mesures prises par Pékin au cours des dernières semaines sont un indicateur avancé, et non un indicateur tardif, de la dégradation de la trajectoire politique de Hong Kong sous la coupe de Pékin. Le 31 juillet, Carrie Lam a annoncé que les élections au Conseil législatif de septembre seraient reportées d'un an. Le même jour, les autorités hongkongaises ont émis des mandats d'arrestation contre six militants basés à l'étranger, dont un citoyen américain, pour « incitation à la sécession et collusion avec des forces étrangères ». Le 10 août, pas plus tard que la semaine dernière, Jimmy Lai et plusieurs autres dirigeants des médias ont été arrêtés, tout comme Agnes Chow, ancienne chef de l'organisation pro-démocratie Demosisto.
    Ces mesures montrent clairement que Pékin n'est nullement intéressé à préserver les libertés politiques fondamentales qui sont au cœur de la déclaration conjointe, de la Loi fondamentale et, en fin de compte, du modèle « Un pays, deux systèmes » qui, collectivement, ont été si importants pour le succès de Hong Kong jusqu'à aujourd'hui. Le fait que les services internes de sécurité et de renseignement chinois pourront désormais opérer ouvertement à Hong Kong ne fait qu'accroître la capacité de la Chine continentale à recourir à la peur, à l'intimidation et, en fin de compte, à la coercition pour faire taire les voix de l'opposition.
    À mon avis, l'approche globale de Pékin consiste à utiliser la loi sur la sécurité nationale pour séparer la politique et les affaires à Hong Kong. Pékin veut préserver le deuxième élément tout en neutralisant le premier. En bref, la Chine veut que Hong Kong demeure capitaliste, et surtout que les marchés financiers dynamiques continuent de fonctionner, mais sans être libérale sur le plan politique et, par conséquent, qu'elle soit inféodée au Parti communiste chinois pour sa gouvernance politique.
    En fin de compte, cette stratégie mènera, peut-être dans une décennie, à la diminution de Hong Kong en tant que centre financier en Asie de l'Est. À mesure que les risques et les contraintes liés aux opérations à Hong Kong augmenteront, les sociétés financières et non financières mondiales y réduiront graduellement leur présence à mesure qu'elles déménageront une partie de leurs activités en Chine continentale et ailleurs en Asie. Ainsi, Hong Kong deviendra peu à peu une version insolite et nostalgique d'une ville du sud de la Chine, regrettant sa grandeur passée.
    Ma deuxième observation générale est que le sort de Hong Kong revêtira une plus grande importance sur la scène politique mondiale, en grande partie en raison de son impact sur les relations entre les États-Unis et la Chine. La répression de la Chine à Hong Kong aggravera les soupçons et la méfiance au cœur des relations entre les États-Unis et la Chine. Plus précisément, cela alimentera une concurrence idéologique naissante entre les deux pays. Hong Kong deviendra un enjeu central et un symbole de la rivalité entre les États-Unis et la Chine quant à la valeur des idéaux libéraux.
    En effet, la répression de Pékin contre Hong Kong n'aurait pas pu tomber à un pire moment, car les États-Unis sont en train, et continueront, de réévaluer la nature du défi de la Chine et de recalibrer leurs stratégies et politiques en conséquence. Le traitement de Hong Kong par la Chine a accentué les différences de valeurs entre les États-Unis et la Chine. Cela s'est traduit par la perception que la Chine tente activement de miner les règles et les normes libérales à l'échelle mondiale, ce qui a suscité un débat aux États-Unis sur la question de savoir si la Chine représente un rival systémique des États-Unis et des autres démocraties.
(1130)
     Ma troisième et dernière observation est que le Canada, les États-Unis et les autres grandes démocraties doivent rester engagés et actifs dans le dossier de Hong Kong. Les voix et les actions de nos pays sont importantes maintenant et à l'avenir. Bien que notre influence pour changer la situation sur le terrain soit certes limitée, il y a beaucoup à faire pour façonner la trajectoire globale de Hong Kong, ainsi que les actions futures possibles de la Chine.
     Ces mesures entrent dans plusieurs catégories.
    La première recommandation, c'est que les États-Unis et le Canada devraient rassurer publiquement et continuellement les gens de Hong Kong, ainsi que les pays aux vues similaires partout dans le monde, que nos gouvernements défendront la protection des valeurs universelles. La situation à Hong Kong sera un défi à long terme, et la communauté internationale, surtout les États-Unis et le Canada, doit s'organiser pour le long terme et ne pas se contenter de marquer des points contre les excès de Pékin à l'heure actuelle. Les deux déclarations conjointes des États-Unis, du Canada, du Royaume-Uni et de l'Australie à ce jour sont importantes à cet égard, tout comme la déclaration des ministres des Affaires étrangères du G7. Nos pays devraient élargir cette coalition pour y inclure d'autres pays, notamment le Japon, la Corée du Sud et les pays de l'Union européenne. Les nouvelles commissions parlementaires internationales sur la Chine au Royaume-Uni, dans l'Union européenne et au Japon, offrent une autre occasion d'envoyer de tels signaux.
    La deuxième recommandation, c'est que les États-Unis et le Canada prennent des mesures coordonnées pour signaler à la Chine que sa répression aura des conséquences. La logique de ces actions est de faire réfléchir Pékin lorsqu'il envisage d'autres mesures contre Hong Kong. La récente décision de plusieurs pays de se retirer ou de suspendre leurs traités d'extradition vers Hong Kong a constitué un premier pas important à cet égard. Une idée digne de mention est qu'un groupe de pays emboîtent le pas au Royaume-Uni en ouvrant leurs portes aux résidents de Hong Kong qui souhaitent émigrer, ou une idée du même genre est d'offrir des bourses aux jeunes résidents de Hong Kong qui souhaitent étudier aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Australie et ailleurs.
    La troisième recommandation est que les États-Unis et le Canada collaborent avec la communauté internationale des affaires pour trouver des façons créatives de préserver, dans la mesure du possible, les attributs et l'identité uniques de Hong Kong. Pékin doit éviter de prendre des mesures qui minent considérablement l'environnement commercial à Hong Kong, en particulier en ce qui concerne les institutions financières mondiales. Ainsi, il pourrait écouter les préoccupations des dirigeants locaux et des chefs d'entreprise au sujet des restrictions comme les contrôles d'Internet et les mesures d'application de la loi qui sapent la confiance des entreprises à l'égard de leurs activités à Hong Kong. Le milieu des affaires de Hong Kong pourrait aider à pousser Pékin à conserver une partie du dynamisme de Hong Kong.
    Ma dernière observation, c'est que les États-Unis, le Canada et d'autres gouvernements devraient travailler en coordination pour prendre des mesures qui détromperont Pékin de la croyance qu'il peut étendre sa coercition à Taïwan. Je crains fort que Pékin ne tire de mauvaises conclusions de la réponse de la communauté internationale à la situation à Hong Kong, ce qui, avec le temps, pourrait l'amener à étendre une telle approche à Taïwan.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter mon point de vue aujourd'hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
(1135)
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Cheung, de la New York University School of Law.
    Monsieur Cheung, vous avez 10 minutes.
     Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
    Mes travaux universitaires à NYU portent sur les abus autoritaires du droit à Hong Kong et ailleurs. Je suis également citoyen canadien d'origine hongkongaise et j'ai pratiqué le droit à Hong Kong pendant plusieurs années.
    D'autres témoins vous ont déjà longuement parlé de la situation à Hong Kong. Je tiens à souligner l'importance particulière de ces événements pour le Canada. Bien que mes remarques portent sur la loi sur la sécurité nationale, la LSN, je dois souligner que d'autres faits nouveaux, comme la politisation croissante de la fonction publique et l'impunité généralisée dans les services en uniforme, sont également profondément troublants. Je me ferai un plaisir d'aborder ces sujets pendant la période de questions.
    Je ferai valoir trois choses aujourd'hui. Premièrement, les événements à Hong Kong sont mauvais pour les entreprises canadiennes qui y mènent des activités; deuxièmement, les événements à Hong Kong sont mauvais pour les citoyens canadiens, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de Hong Kong; et troisièmement, les événements à Hong Kong sont directement liés aux priorités de la politique étrangère du Canada.
    L'un des principaux attraits de Hong Kong pour les entreprises canadiennes est la perception qu'elle maintient la primauté du droit. En fin de compte, il s'agit de ne pas être soumis à l'exercice arbitraire du pouvoir de l'État, et il s'agit de pouvoir prévoir avec une certitude raisonnable ce que vous pouvez ou ne pouvez pas faire.
    La LSN impose un système juridique parallèle à Hong Kong, un système où les infractions sont mal définies, où la police secrète n'a pas de comptes à rendre et où les peines sont sévères. Ce système remplacera le système juridique normal chaque fois que les autorités invoqueront la « sécurité nationale ». En termes simples, la question de savoir si la loi normale s'applique à vous dépend des caprices de l'État. Même les institutions administratives normales sur lesquelles comptent les entreprises, comme le Registre des sociétés, ont été asservies à la politique. Depuis 2014, plusieurs partis de l'opposition, dont le parti de Joshua Wong, Demosisto, se sont vu refuser l'enregistrement d'une société, ce qui a nui à leur capacité de louer des bureaux ou de recueillir des fonds.
    Pour au moins trois raisons, l'apathie politique ne protégera pas le milieu des affaires. Premièrement, les entreprises de Hong Kong subissent d'énormes pressions politiques pour appuyer publiquement la LSN. Deuxièmement, les entreprises seront obligées de choisir entre se conformer à la LSN et se conformer à d'autres régimes réglementaires, y compris les sanctions américaines. Troisièmement, les affaires courantes peuvent de plus en plus être considérées comme mettant en cause la sécurité nationale. Par exemple, tout analyste financier dont les conclusions pourraient être interprétées comme portant atteinte à la confiance du public à l'égard des gouvernements de Hong Kong ou de Pékin risque d'être poursuivi en vertu de la LSN.
    De nombreuses chambres de commerce se sont opposées au projet de loi sur l'extradition, en 2019, parce qu'elles craignaient que toute personne se trouvant à Hong Kong ou transitant par Hong Kong soit extradée vers le continent pour être assujettie à son système de droit pénal. Après avoir largement échoué à mettre les gens de Hong Kong à la portée du droit pénal continental, Pékin le leur impose chez eux.
    Les événements à Hong Kong ont également de graves conséquences pour les citoyens canadiens, qu'ils vivent ou non à Hong Kong. Il y a plus de 300 000 Canadiens à Hong Kong, et ils doivent tous vivre maintenant dans la peur des conséquences possibles d'une violation de la LSN, ce qui comprend l'extradition vers la Chine continentale, des poursuites devant les tribunaux du continent et l'emprisonnement à perpétuité.
    Même une brève lecture de la LSN révèle qu'elle définit ses infractions en termes extrêmement généraux. Dans les circonstances, il ne peut y avoir de certitude réelle quant à ce qui sera traité ou non comme une infraction. Lorsque les autorités chinoises affirment, comme elles l'ont fait à maintes reprises, que la LSN ne sera utilisée que contre un petit nombre de personnes, elles admettent implicitement qu'elles ont un pouvoir discrétionnaire extrêmement large en matière d'application de la loi. Pourtant, elles ont très peu parlé de la façon dont ce pouvoir discrétionnaire sera exercé ou réglementé. C'est contraire à la primauté du droit.
    Les effets paralysants de la LSN s'étendent également aux citoyens canadiens au Canada. Comme d'autres témoins l'ont déjà souligné, la LSN englobe les actes commis à l'extérieur de Hong Kong par des personnes qui ne sont pas des résidents permanents de Hong Kong. Par conséquent, tout Canadien qui pourrait devoir se rendre à Hong Kong, transiter par Hong Kong ou prendre un vol exploité par une compagnie aérienne basée à Hong Kong fait maintenant face à des pressions considérables pour s'autocensurer. Les citoyens canadiens comme moi devraient pouvoir participer au processus politique canadien sans craindre de représailles s'ils se rendent à Hong Kong ou y transitent.
    Les citoyens canadiens d'origine hongkongaise courent un risque particulier. Bon nombre d'entre eux, en particulier ceux qui vivent à Hong Kong, sont également considérés comme des ressortissants de la RPC en vertu de la loi de la RPC. Comme la RPC ne reconnaît pas la double citoyenneté, ces personnes risquent de se voir refuser l'accès aux autorités consulaires si elles sont détenues à Hong Kong.
(1140)
     Il apparaît aussi que la RPC a forcé des gens à renoncer à leur citoyenneté étrangère ou à demander de l'aide consulaire. Le 30 juin dernier, un tribunal de la RPC a condamné Sun Qian, une citoyenne canadienne, à huit ans d'emprisonnement pour avoir pratiqué le falun gong. Elle aurait renoncé à sa citoyenneté canadienne durant ce temps, apparemment sous la contrainte des autorités chinoises. De même, les libraires de Hong Kong Gui Minhai et Lee Bo, citoyens de la Suède et du Royaume-Uni respectivement, auraient eux aussi renoncé à la citoyenneté étrangère dans des circonstances semblables.
    Les citoyens canadiens ayant des liens avec Hong Kong doivent maintenant se demander si les propos qu'ils tiennent au Canada seront retenus contre eux s'ils font ne serait-ce que mettre le pied dans un avion immatriculé à Hong Kong. De plus, des manifestations menées au Canada en faveur de Hong Kong ont donné lieu à des contre-manifestations et à des actes de provocation; des participants ont été victimes de harcèlement et d'intimidation. Des agents consulaires de la République populaire de Chine au Canada ont fait l'éloge public de pareils agissements.
    Les événements de Hong Kong se répercutent également sur la politique étrangère du Canada.
    Premièrement, la loi sur la sécurité nationale empêchera le gouvernement du Canada d'obtenir des renseignements précis sur l'évolution de la situation à Hong Kong et en Chine. Tout citoyen canadien établi à Hong Kong est passible de poursuites s'il fait ce que je fais aujourd'hui.
     Deuxièmement, la conduite de la Chine à Hong Kong sème le doute sur sa volonté de respecter d'autres engagements internationaux. Depuis 2014, les autorités du continent et de Hong Kong ont déclaré à maintes reprises que la Déclaration commune sino-britannique était lettre morte, même si elle demeure en vigueur jusqu'en 2047. Le fait que la communauté internationale, le Canada y compris, n'ait pas condamné ces répudiations publiques a contribué au climat d'impunité dans lequel la RPC agit maintenant à Hong Kong. Dans ce contexte, il est permis de se demander si elle respectera ses autres engagements bilatéraux et multilatéraux.
     Troisièmement, et c'est le plus important, les événements qui se déroulent actuellement à Hong Kong sont une épreuve décisive pour la volonté du Canada de respecter ses propres engagements.
    Pour les raisons que j'ai énoncées, la situation à Hong Kong menace la sécurité personnelle de Canadiens qui se trouvent là-bas, ou même au Canada. Elle met aussi en péril des entreprises canadiennes à Hong Kong. Notre pays a l'obligation de les protéger. Par-dessus tout peut-être, la façon dont le Canada réagira aux événements de Hong Kong en dira long sur le pays que nous sommes et les valeurs que nous défendons. Notre gouvernement s'est engagé publiquement à renforcer l'ordre international fondé sur des règles avec le concours de ses partenaires régionaux, bilatéraux et multilatéraux. J'espère que les mesures que le Comité spécial recommandera, et celles que le gouvernement choisira d'appliquer, seront à la hauteur de ces engagements déclarés envers le multilatéralisme et la primauté du droit.
     Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et de vous fournir des réponses supplémentaires par écrit, au besoin.
(1145)
    Merci beaucoup, monsieur Cheung.
    Nous passons maintenant à Mme Ong, de l'Université de Toronto.
    Vous avez 10 minutes.
     Merci, monsieur le président. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant le Comité.
     Permettez-moi d'abord de me situer par rapport au sujet. Mon point de vue sur les événements de Hong Kong a été façonné par les travaux que j'ai menés en Chine et sur la Chine, d'abord comme consultante, puis comme universitaire, depuis la fin des années 1990. Je travaille à l'Université de Toronto depuis 14 ans, dans le premier et seul poste universitaire que j'aie jamais occupé.
    La loi sur la sécurité nationale peut avoir des répercussions de toutes sortes. En tant que spécialiste de la Chine, je pense à la diffusion de contenu sur des plateformes en ligne et à la préservation de la rigueur et de l'intégrité des cours que j'enseigne. Je pense à la sécurité de mes étudiants qui participent en ligne, que ce soit à Toronto ou à partir de leur pays d'origine. Je pense à la possibilité de soutenir mon propre programme de recherche. Je pense aussi à mes collègues de Hong Kong qui sont aux premiers rangs de la lutte contre l'érosion de la liberté universitaire.
    Cette loi pourrait avoir une incidence profonde sur la grande communauté universitaire qui gravite autour de Hong Kong et de la Chine, mais nous devons nous rappeler que ce n'est pas la première fois que le courage des intellectuels chinois est mis à l'épreuve — la dernière fois, c'était en 1989 —, et pourtant nous tenons bon, nous nous adaptons et nous continuons de prospérer.
    Lorsque la loi a été proposée pour la première fois, j'ai d'abord estimé qu'elle ne ferait que légaliser la répression clandestine que Pékin exerce sur Hong Kong depuis plus d'une décennie. D'après mes propres recherches, la répression secrète par procuration ou la mise au secret de certaines personnes ont cours à Hong Kong depuis un certain temps, comme en témoignent l'enlèvement des libraires frappés d'interdit et l'attaque de Yuen Long en juillet 2019.
    Cependant, des événements récents montrent clairement que la loi a en fait renforcé et cautionné une répression accrue de la liberté d'expression et des libertés civiles. De plus, en raison d'un libellé laissé vague à dessein, elle a en quelque sorte paralysé la société de Hong Kong et plus encore. Il s'agit d'une violation flagrante du principe « Un pays, deux systèmes » reconnu dans la Loi fondamentale.
     À l'avenir, toutefois, la situation pourrait évoluer dans l'une de ces deux directions: Pékin pourrait accentuer sa répression, ce qui grugerait davantage l'autonomie de Hong Kong et la marge de manœuvre de la société civile; ou bien la répression pourrait diminuer après un premier temps marqué par des mesures sévères. Vu que la loi est tellement nouvelle, on aurait voulu frapper fort au début afin d'établir un précédent et de faire un exemple pour tous ceux qui seraient tentés d'y contrevenir.
    À mon avis, la direction qui sera prise dépend de la valeur de Hong Kong pour l'élite du Parti communiste chinois. Malgré la compétitivité croissante de villes chinoises comme Shanghai et Shenzhen, la bourse de Hong Kong demeure le lieu de prédilection des sociétés chinoises pour lever des capitaux.
    Selon un récent rapport d'enquête du New York Times, des familles de l'élite du Parti posséderaient à Hong Kong des résidences de luxe valant plus de 50 millions de dollars américains. C'est un signe, je pense, que l'élite de Pékin a tout intérêt, politiquement et personnellement, à ce que Hong Kong demeure prospère. Elle forme le noyau des appuis sur lesquels repose le leadership du président Xi. La perte de ce soutien essentiel le rendrait vulnérable.
     À bien des égards, Hong Kong et la loi sur la sécurité nationale sont une arme à double tranchant pour les dirigeants du PCC. D'une part, ils ont besoin de cette loi pour empêcher des manifestations violentes de ravager l'économie, à leur détriment. D'autre part, la loi entraînera des sanctions, comme celles imposées par les États-Unis, qui nuiront à l'attrait de Hong Kong en tant que centre financier international et centre d'affaires régional.
     Jusqu'à maintenant, les effets sur la compétitivité économique de Hong Kong sont plutôt mitigés. Au cours des six derniers mois, les sociétés chinoises ont levé plus de capitaux à la bourse de Hong Kong et intensifié leurs investissements dans le territoire. Par contre, la révocation du statut commercial spécial de Hong Kong a fait grimper les tarifs auxquels sont assujetties les marchandises qui entrent dans le territoire et qui en sortent, jusqu'à hauteur des tarifs pratiqués dans la Chine continentale. Selon un récent sondage de la Chambre de commerce des États-Unis, quatre entreprises sur dix prévoient déménager leur siège social régional de Hong Kong.
(1150)
     Cela m'amène à mon point suivant, à savoir les mesures que le Canada devrait ou ne devrait pas prendre.
    De façon générale, le message du Canada devrait être très clair: nous condamnons la répression à Hong Kong et nous sommes solidaires de la population de Hong Kong. Cependant, à mon avis, quelles que soient les mesures punitives que nous prendrons, il faudra tenir compte de la double nature de Hong Kong aux yeux des dirigeants du Parti communiste chinois.
    Pour les dirigeants du PCC, Hong Kong est à la fois une poule aux œufs d'or et un enfant rebelle qui a besoin d'être discipliné. Si nous imposons des mesures qui empêchent la poule de pondre, la valeur de Hong Kong se réduira à celle de l'enfant rebelle, avec les conséquences que nous connaissons trop bien, pour en avoir vu des exemples. Pour dire les choses simplement, si nous tuons la poule, nous risquons davantage de nuire à la quête de liberté et d'autonomie de Hong Kong que de l'appuyer.
    Ma deuxième recommandation est que le Canada ouvre ses portes à l'immigration et au talent de Hong Kong.
    Ma troisième recommandation, qui s'adresse autant au secteur universitaire qu'au gouvernement canadien, est d'offrir des bourses aux étudiants de Hong Kong.
    À court terme, nous ne devrions pas nous faire d'illusions quant au retour de la liberté d'expression à Hong Kong ou au suffrage universel promis par la Loi fondamentale. Lors de la signature de la Déclaration commune sino-britannique en 1984, de nombreux observateurs occidentaux avaient évoqué l'espoir ténu que la démocratie arriverait un jour en Chine par la voie de Hong Kong. C'est un rêve chimérique jusqu'à présent.
    Il ne faudrait pas non plus nous imaginer que le maintien du commerce avec la Chine pourra à lui seul amener le pays à s'ouvrir davantage, comme beaucoup l'avaient espéré lorsqu'ils ont appuyé l'entrée de la Chine à l'OMC, en 2001. N'allons pas non plus nous imaginer que si nous accordons à la Chine le respect dû à un pays de sa taille, ce respect sera réciproque. Il suffit de penser au sort de M. Kovrig et de M. Spavor, qui sont détenus depuis plus de 600 jours, pour voir que la Chine fait peu de cas des règles internationales. Les dommages collatéraux causés par la pandémie, qu'aucun pays n'a réussi à éviter jusqu'à présent, viennent encore exacerber les effets extérieurs de son régime politique autoritaire.
    Je crois que nous ne pourrons pas saisir correctement la situation à Hong Kong sans nous demander aussi comment nous allons composer avec la montée de la Chine. Ce sont deux problèmes intimement liés, alors je suis pessimiste dans l'immédiat. Mais à plus long terme, je crois que la résilience de la ville et des habitants de Hong Kong, façonnée par une culture de migrants débrouillards, créatifs et travailleurs, aura le dessus. J'ai bon espoir que Hong Kong redeviendra un jour dynamique et libre.
    Je vous remercie de m'avoir écoutée.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier chacun des témoins de s'en être tenu à moins de 10 minutes, ce qui nous laisse plus de temps pour les questions. Mais avant, je tiens à signaler aux membres du Comité que nous n'aurons probablement pas le temps de faire les deux séries complètes de questions, ni pour ce groupe-ci ni pour le deuxième, parce que je vais essayer d'équilibrer les deux et de nous rapprocher au moins du temps qui nous est imparti.
    Nous allons commencer par M. Genuis, pour un premier tour de six minutes.
    Monsieur Genuis, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    Le gouvernement chinois essaie souvent d'invoquer un argument culturel bidon pour justifier sa répression. On dirait que ses efforts pour étouffer la liberté à Hong Kong s'inscrivent dans une stratégie visant à priver les régions chinoises de leurs libertés. Bien sûr, Taïwan est un contre-exemple semblable. Taïwan montre à quel point la culture chinoise est compatible avec la liberté et la démocratie. J'ai été très frappé par le sentiment que Hong Kong est une première étape et que la suivante sera Taïwan. Nous avons observé un plan d'action semblable avec, disons, l'Allemagne nazie qui entre en Tchécoslovaquie, puis en Pologne.
    Monsieur Medeiros, vous avez parlé de Taïwan. Comment arrêter ce processus? Comment pouvons-nous réagir aux événements de Hong Kong de façon à empêcher ce qui semble être la prochaine offensive du régime de Xi Jinping?
     Merci beaucoup. C'est une excellente question; je suis préoccupé moi aussi par les conclusions que Pékin pourrait tirer.
    Il est important de garder à l'esprit qu'il ne s'agit pas ici du prélude à la Seconde Guerre mondiale, car il y a d'importantes différences historiques.
    J'ai soulevé la question de Taïwan parce que je craignais que, s'il n'y avait pas suffisamment de solidarité à l'Ouest autour du sort de Hong Kong, puis que la situation de Taïwan se détériorait à l'avenir, Pékin pourrait conclure que le jeu en valait la chandelle, que le prix à payer n'était pas si élevé en fin de compte et que les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l'Australie finiraient par s'y faire.
    Toutefois, la situation de Taïwan est bien différente, d'abord parce qu'elle est physiquement séparée du continent et qu'il faudrait probablement une intervention militaire d'envergure pour reproduire à Taïwan ce que la Chine fait avec Hong Kong. Mais surtout, Taïwan a la souveraineté, reconnue par la communauté internationale.
    Pour ce qui est d'empêcher une offensive contre Taïwan, il s'agit essentiellement d'une question de sécurité militaire, qui est un élément important de la politique de défense des États-Unis.
(1155)
    Si vous me permettez d'enchaîner, je comprends qu'il y a toujours des différences lorsqu'on tente de faire des analogies avec des événements historiques.
    La réaction de l'Ouest à l'invasion de l'Ukraine par la Russie est-elle peut-être une meilleure analogie? Le président Poutine avait peut-être des projets plus ambitieux, mais le fait d'user de représailles économiques et autres envers la Russie à cause de cette invasion n'a pas empêché l'annexion de la Crimée, mais cela a pu freiner des ambitions plus grandes.
    Pensez-vous que cette leçon est applicable, à savoir qu'une riposte internationale vigoureuse et coordonnée — et le Canada a joué un rôle de meneur après l'invasion de l'Ukraine par la Russie — n'arrête peut-être pas l'agression actuelle, mais qu'elle est plus susceptible de décourager une agression future en montrant que le prix à payer est élevé?
    Essentiellement, je suis d'accord.
    Au fond, ce sont les meilleurs mécanismes diplomatiques, économiques et militaires qui amèneront Pékin à réfléchir avant de prendre d'autres mesures.
    D'accord.
    J'ai fait part dans un de mes écrits de ma préoccupation selon laquelle la réaction internationale plutôt tiède à l'invasion russe de la Géorgie n'a peut-être pas entraîné l'invasion de l'Ukraine, mais cela a certainement créé un climat favorable. C'est un des facteurs qui ont pu jouer.
    Oui.
    Je pense qu'il faut en tenir compte dans le cas de Hong Kong, mais comme d'autres et moi-même l'avons souligné, il ne faut pas tirer sur l'otage. Tuer Hong Kong à l'heure actuelle dans le but d'empêcher une éventuelle intervention de la Chine à Taïwan ne correspond ni à nos valeurs ni à nos intérêts.
    Merci beaucoup. Je trouve que l'argument à propos de la Géorgie est très intéressant.
    J'aimerais vous poser une autre question au sujet de la riposte multilatérale.
    Tout le monde dans ce comité et tous les partis s'entendent pour dire que nous voulons avoir une riposte multilatérale. Ce qui me tracasse, c'est qu'on invoque parfois la nécessité d'agir de façon multilatérale, justement pour ne rien faire et attendre qu'il se passe quelque chose sur ce plan-là. Je retiens de vos propos que, pour riposter de façon multilatérale, nous commençons par les coalitions que nous avons et nous cherchons à les agrandir. Nous serions donc prêts à agir immédiatement de concert avec les États-Unis. Nous cherchons à élargir les coalitions, mais nous n'attendons pas qu'apparaisse comme par magie une coalition intégrale.
    Qu'en pensez-vous?
    De façon générale, je suis d'accord.
    Le fait que les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et l'Australie aient déjà commencé à agir est une bonne chose. Je pense qu'il est judicieux d'ajouter la Corée du Sud, le Japon et d'autres pays. Je ne pense pas qu'il s'agisse de ne rien faire, mais plutôt de savoir rallier une participation plus forte et plus nombreuse.
    Merci.
    Monsieur Fragiskatos, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    J'aimerais commencer par M. Medeiros. Comme vous le savez, professeur, je n'ai que six minutes.
    Pouvez-vous en quelques minutes répondre à la question suivante? Elle ne se rapporte pas directement à Hong Kong, mais elle est importante, je crois, parce que les choix du Canada en politique étrangère, même à propos de Hong Kong, seront influencés par l'évolution de la relation entre les États-Unis et la Chine.
    Dans une entrevue récente à NPR, vous avez déclaré ceci: « Les deux pays ont traversé une période très difficile en 1989 après le massacre de Tiananmen, mais ils semblent se diriger de plus en plus vers une concurrence stratégique à long terme. »
    À votre avis, où en est la relation entre les États-Unis et la Chine? Comme je l'ai dit, je pense que cela peut jouer indirectement sur les choix de politique étrangère du Canada, même en ce qui concerne Hong Kong.
(1200)
     Merci. C'est une excellente question.
    J'ai passé toute ma carrière professionnelle à étudier la relation sino-américaine puis, lorsque j'étais au Conseil national de sécurité, j'ai eu la chance de siéger pour ainsi dire aux commandes. À mon avis, la relation se dirige non seulement vers une concurrence stratégique, mais peut-être vers un affrontement stratégique si l'administration Trump continue dans la direction opposée. J'ai travaillé pour le président Obama, alors j'ai beaucoup de réserves à l'égard de la trajectoire actuelle, mais vous devez comprendre qu'il y a des problèmes structurels au cœur de la relation sino-américaine. Nous avons des divergences sur des enjeux de sécurité comme Taïwan et les forces américaines en Asie de l'Est. Nous avons des divergences sur le plan économique. Nous avons des divergences sur le plan technologique et, de plus en plus, sur le plan idéologique. Ce sont des divergences intrinsèques qui ont à voir avec les intérêts et l'identité.
     Ce que je constate, à l'heure actuelle, c'est que nous sommes dans une période où nos intérêts à long terme divergent plus qu'ils ne convergent. Ajoutez à ces divergences structurelles une multiplicité d'enjeux à débattre, comme Hong Kong à l'heure actuelle, la coercition croissante que la Chine exerce sur Taïwan, la mer de Chine méridionale et, bien sûr, la politique technologique, qui semble faire les manchettes tous les jours. En tant que démocrate ayant travaillé pour le président Obama, je suis profondément préoccupé par le cours que prend la relation.
    Merci beaucoup.
    J'ai une autre question à vous poser, puis je poserai la même à Mme Ong, si vous permettez.
     Nous entendons parler ici de la nécessité d'adopter des approches multilatérales, ce qui me paraît tout à fait justifié. Cela dit, je pense qu'il est plus important de se demander sur quoi devrait se concentrer une coalition de pays aux vues similaires? Dans quels domaines, par quelles mesures précises avons-nous le plus de chances d'influer sur les agissements du régime chinois? Quels sont les arguments les plus susceptibles de retenir son attention? Quels outils spécifiques cette coalition peut-elle envisager de se donner?
    À mon avis, il faut que ce soit axé sur des enjeux précis. On ne peut pas faire une déclaration omnibus. Ce n'est pas comme cela que fonctionne la diplomatie internationale. Pour ce qui est de Hong Kong, la question est la suivante: que voulez-vous accomplir? Quels sont les pays dont les intérêts convergent suffisamment pour former une coalition? J'ai mentionné tantôt les quatre pays qui sont intervenus. Sur quoi ces quatre pays-là peuvent-ils s'entendre en fait de mesures pratiques? Dénoncer et jeter l'opprobre? Imposer de véritables sanctions? Envisager des possibilités comme l'immigration et les bourses d'études?
     À mon avis, il faut que ce soit bien précis. Tout dépend des mesures que vous pouvez prendre pour atteindre des objectifs communs. Nous en avons déjà une idée à propos de Hong Kong avec l'accord visant à se retirer des traités d'extradition et à réduire la coopération dans le domaine de l'application des lois. Aux États-Unis, à tout le moins, on discute de la possibilité de prendre des mesures semblables à celles du Royaume-Uni en matière d'immigration. Le Canada est peut-être intéressé à faire de même.
    Merci beaucoup.
    Madame Ong, j'avais dit que je voulais vous poser cette question, mais M. Medeiros a mis le doigt sur quelque chose qu'il avait mentionné dans son exposé préliminaire, alors j'aimerais aller dans une autre direction, si vous voulez bien.
    Nous avons entendu aujourd'hui au Comité, comme lors de réunions précédentes, que le Canada devait envisager de continuer à offrir un refuge aux personnes qui fuient la persécution, les gens de Hong Kong, dans le cas qui nous occupe. Que pensez-vous de cette approche? Peut-être pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, notamment en ce qui concerne Hong Kong et les problèmes auxquels un certain nombre d'activistes politiques continuent de faire face là-bas. Est-ce une bonne façon pour le Canada d'influer sur la situation à Hong Kong et d'aider les Hongkongais qui se trouvent en grande difficulté?
    Je vous remercie de la question. Elle est importante.
    À mon avis, la bataille de Hong Kong ne se jouera pas à court terme. Nous devons envisager un parcours à long terme. Nous devons faire preuve de patience. Le Canada est un pays qui protège et préserve l'ordre libéral. Je pense que nous devrions aider à soutenir le mouvement et la lutte contre un régime autoritaire extrêmement puissant. En ouvrant notre porte aux activistes, aux gens qui ont souffert et qui ont livré bataille, et aux talents de Hong Kong, nous ferons beaucoup pour appuyer cette lutte à moyen et à long terme.
    C'est à cela que nous devrions réfléchir.
(1205)
     Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Fragiskatos.

[Français]

    La parole est maintenant à M. Bergeron pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de contribuer aux travaux de ce comité par leurs commentaires des plus éclairants.
    Je vais poursuivre dans la lignée de questions de mes collègues concernant la coalition internationale.
    Monsieur Medeiros, vous appelez de tous vos vœux une espèce de solidarité des démocraties occidentales pour infléchir les décisions de Pékin, une solidarité particulièrement entre les États-Unis, le Canada et un certain nombre d'autres démocraties occidentales.
    Or, on constate que, sous l'administration Trump, les États-Unis soufflent le chaud et le froid à l'égard de la Chine, montrant les dents à certains moments et allégeant l'atmosphère à d'autres moments. John Bolton, l'ancien conseiller à la sécurité nationale de l'administration Trump, a même révélé récemment que Donald Trump avait demandé aux autorités chinoises de l'aider à gagner ses élections en achetant des produits dans certains États clés pour l'élection.
    Dans les circonstances, est-il possible de créer une telle coalition avec les États-Unis? Par exemple, comment les Taïwanais doivent-ils se sentir, eux qui, pour ainsi dire, risquent d'être une monnaie d'échange dans des calculs politiques de la part des autorités américaines?

[Traduction]

    Merci beaucoup. C'est une excellente question, monsieur Bergeron. Je vais répondre en deux temps.
    D'abord, en ce qui concerne la politique américaine, je suis d'avis que les coalitions internationales sont beaucoup plus crédibles lorsqu'un membre de la coalition, comme les États-Unis, agit de manière cohérente. Une chose qui m'inquiète dans la politique étrangère des États-Unis, c'est cette question des valeurs et de la promotion de la démocratie. L'administration Trump a été d'une profonde incohérence, ce qui mine la crédibilité des Américains et réduit en fin de compte la capacité de former des coalitions dans des situations comme celle de Hong Kong tout en restant crédibles aux yeux de Pékin.
    J'espère qu'à l'avenir, peut-être après l'élection présidentielle et quelle qu'en soit l'issue, les États-Unis recommenceront à promouvoir la démocratie, parce que leur crédibilité est une condition essentielle pour bâtir des coalitions plus fiables dans ce genre de situations.
    Quant à votre question sur Taïwan, le fait est que Taïwan ne peut pas et ne doit pas être une monnaie d'échange. C'est une piètre monnaie d'échange, et je pense qu'au bout du compte, nous trahirions nos valeurs et nos engagements envers les 24 millions d'habitants de Taïwan. Si nous commençons à traiter Taïwan comme une monnaie d'échange dans la relation sino-canadienne ou sino-américaine, nous ne ferons que donner des arguments de poids à Pékin en lui faisant savoir que nous sommes indifférents à l'avenir de Taïwan, ce qui, à mon avis, n'est certainement pas dans l'intérêt des Américains.
    Il vous appartient, je pense, à vous et aux autres membres du Comité spécial, de déterminer comment vous voulez aborder la question de Taïwan, parce que Taïwan est trop souvent perçue comme un pion dans la relation entre les États-Unis et la Chine, alors qu'elle devrait être traitée en tant qu'elle-même.
    Bien sûr, les États-Unis ont une relation très spéciale avec Taïwan. Je le comprends et ce n'est pas nécessairement applicable à votre situation, mais il y a des choses que vous pouvez faire, et que peut-être vous devriez faire, à propos de Taïwan, des choses qui n'ont pas de lien avec la relation Canada-Chine. Cela renforcerait votre crédibilité dans vos rapports avec les Chinois.
(1210)

[Français]

    Merci, monsieur Medeiros.
    Au sujet de la question des sanctions, vous avez signé un article avec M. Michael Green dans lequel vous indiquez que les sanctions risquent de nuire davantage à l'économie de Hong Kong qu'à celle de Pékin. J'aimerais profiter de cette idée qui a été lancée pour poser la question suivante à Mme Ong.
    Vous avez parlé d'une certaine fragilité du pouvoir de Xi Jinping actuellement. Les sanctions internationales risquent-elles de raffermir l'autorité de Xi Jinping sur les Chinois ou, au contraire, de miner sa crédibilité auprès de sa propre population?

[Traduction]

     Je vous remercie de cette question. Elle est importante.
    Je pense que les sanctions pourraient avoir des répercussions dans les deux sens. J'imagine que le régime pourrait s'en servir pour renforcer le nationalisme. Il pourrait les présenter comme des sanctions étrangères appliquées contre la Chine même et affermir sa position. Je crains que des sanctions qui nuisent à Hong Kong et qui nuisent ensuite aux dirigeants de Pékin ne nous aident pas du tout à atteindre notre objectif.
    Merci beaucoup, madame Ong.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Bergeron.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de M. Harris, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins pour leurs exposés.
    Monsieur Medeiros, j'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
    Vous avez parlé de la politique étrangère des États-Unis, et j'ai devant moi un article de la fin de semaine au sujet du discours que le secrétaire d'État Pompeo a prononcé en République tchèque la semaine dernière. Il y dit: « Ce qui se passe actuellement n'est pas la guerre froide 2.0. » Il dit qu'à certains égards, le Parti communiste chinois pose une menace beaucoup plus difficile à contrer parce qu'il est « entremêlé dans nos économies, dans notre vie politique, dans nos sociétés comme l'Union soviétique ne l'a jamais été », et il y fait d'autres références. Apparemment, toutes les références à la Chine ne visent pas la République populaire ni le gouvernement, mais bien le Parti communiste.
    Le fait de dire qu'il ne s'agit pas d'une guerre froide m'apparaît un argument plutôt idéologique et un manque de diplomatie dans une intervention stratégique d'un État vis-à-vis d'un autre État. Ce genre de langage a-t-il son utilité ou bien s'agit-il vraiment d'une bataille idéologique avec le Parti communiste, plutôt que d'une lutte contre l'autoritarisme ou une activité antidémocratique, etc.? Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Bien sûr, monsieur Harris.
    Dans mon analyse de la relation entre les États-Unis et la Chine, je vois quatre domaines principaux de concurrence stratégique: la sécurité, l'économie, la technologie et, de plus en plus, l'idéologie.
    L'aspect idéologique est passé à l'avant-plan ces dernières années en raison de mesures comme la promulgation de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong, et aussi à cause de la façon dont les Chinois ont présenté leur vision de la gouvernance politique et économique à l'étranger, ce qui a suscité un débat aux États-Unis sur l'existence d'une concurrence systémique d'idées entre les États-Unis et la Chine, un peu à l'image de ce qui s'est passé avec les États-Unis et l'Union soviétique.
    Pour ma part, je n'en suis pas arrivé à la conclusion que la Chine représente le genre de menace existentielle que l'Union soviétique représentait pour les États-Unis, mais je crois que l'administration Trump, oui. Elle croit que la Chine essaie de détruire le monde démocratique et de le remplacer par le modèle chinois, pour autant qu'un tel modèle existe.
     Je pense que nous devons être conscients des différences de valeurs. Il y a de grandes différences et la Chine adopte des comportements qui font la promotion de ses valeurs, alors nous ne devrions pas baisser notre garde, mais voulons-nous vraiment en faire une guerre froide? Il y a d'énormes différences entre la guerre froide précédente et la concurrence stratégique qui se dessine entre les États-Unis et la Chine. Je pense qu'il est important de délimiter la dimension idéologique de la relation sino-américaine afin de la situer dans le contexte des autres domaines de concurrence stratégique.
(1215)
    Je me demandais, monsieur le président, si de telles formulations et de telles références à la guerre froide étaient vraiment utiles pour bâtir des coalitions.
    Madame Ong, vous avez parlé du Parti communiste chinois en évoquant les intérêts stratégiques de ses dirigeants et de l'élite et la façon dont ils pourraient peser sur le choix des mesures à prendre, ce que je considère comme une chose différente.
    Vous avez déjà dit, en parlant de collaboration avec d'autres pays, que les États-Unis et le Canada ont des intérêts divergents, ou que leurs intérêts ne concordent pas toujours, et que nous devons établir notre propre politique étrangère à l'égard de la Chine. Nous avons des intérêts communs, mais il y a des domaines où les politiques devraient diverger, d'autant plus que le Canada est une puissance de moindre envergure. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet et peut-être décrire certaines de ces divergences.
     La relation de la Chine avec les États-Unis est très différente de celle qu'elle entretient avec d'autres pays libéraux de l'Ouest. Je pense que les États-Unis et la Chine sont des concurrents stratégiques, ce qui n'est pas nécessairement le cas du Canada. Les États-Unis voient la Chine comme un concurrent de plus en plus sérieux dans l'arène de la domination technologique et dans d'autres domaines, tandis que le Canada, dans certains domaines, a davantage de possibilités de collaboration. Dans d'autres domaines, par contre, nous devrions aussi rester bien conscients de la nature autoritaire de ce système politique et des conséquences possibles pour les intérêts canadiens.
    Le choix d'être un concurrent ou un collaborateur, et le choix des domaines où cela doit s'appliquer relèvent tous deux d'un calcul stratégique très différent du point de vue des États-Unis ou du Canada. C'est pourquoi je trouve que le discours de l'administration Trump n'aide vraiment pas à créer un front commun et à déployer un effort concerté de lutte contre la Chine. S'il y a un changement à la présidence en novembre, j'ai davantage confiance en une coalition efficace contre la Chine. Une coalition occidentale sans les États-Unis est certes faisable, mais elle ne serait pas aussi efficace.
    Merci.
    Nous entamons la série des questions de cinq minutes avec Mme Alleslev, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins. Comme chacun d’entre vous l’a souligné, notre capacité de prendre les mesures qui s'imposent au nom de notre propre politique étrangère et comme membre de la communauté internationale dépend entièrement de l’exactitude des renseignements que nous avons pour comprendre la situation et tracer la voie à suivre.
    Dans cette optique, monsieur Cheung, vous avez fait ressortir des points très importants au sujet des menaces qui pèsent sur les entreprises canadiennes en Chine et sur des citoyens canadiens en sol canadien, à cause de diverses formes d’influence et de coercition exercées par la République populaire de Chine. Il incombe aux parlementaires que nous sommes de fournir des renseignements et de proposer des conseils et un plan d’action. Il nous faut peut-être légiférer pour atténuer l'influence de la République populaire de Chine ou au moins protéger les Canadiens, au Canada, contre cette influence et protéger aussi jusqu'à un certain point les entreprises canadiennes présentes en Chine.
    Pourriez-vous nous faire des recommandations, nous donner des détails sur le type de loi que le Canada pourrait adopter et les mesures qu'il pourrait prendre pour atteindre ces deux objectifs très importants?
(1220)
    À ce propos, j’appuie certaines des idées avancées par les témoins précédents. Il faudrait notamment désigner une personne clé au gouvernement pour s’occuper des questions relatives aux menaces qui pèsent sur les entreprises canadiennes présentes en Chine et sur les citoyens canadiens au Canada. Il faudrait aussi créer un registre des lobbyistes étrangers, non pas pour empêcher qui que ce soit de s’exprimer à son gré, mais pour qu'on sache bien qui dit quoi et pour quelles raisons.
    Pourriez-vous donner des exemples des menaces qui ont pesé sur les entreprises canadiennes en Chine? La situation s’aggrave-t-elle ou est-elle à peu près stable?
    Je ne peux pas parler directement de ce qui arrive aux entreprises canadiennes en Chine continentale. Quant à Hong Kong, j’ai pris connaissance jusqu’à maintenant d'informations sur les institutions financières britanniques HSBC et Standard Chartered. Des pressions semblables doivent s'exercer sur les institutions canadiennes, même si, encore une fois, je ne peux pas l'affirmer avec certitude.
     Vous avez aussi fait remarquer qu'il est fort important d’avoir de l’information exacte et que toutes sortes de pressions s’exercent sur ceux qui peuvent nous la fournir. On veut les empêcher de le faire en faisant planer des menaces et en évoquant diverses conséquences.
    Comment le savons-nous? Que pouvons-nous faire pour nous assurer d’obtenir une bonne information exacte au moment où nous en avons besoin pour prendre des décisions justes et éclairées?
    Au fond, une grande partie du problème réside dans le fait que, lorsque des informateurs se sentent menacés — comme de nombreux autres témoins l'ont dit par le passé, parlant du harcèlement et de l'intimidation dont des militants au Canada sont victimes — et essaient d’obtenir l’aide d’un ministère ou d'un service donnés, on les renvoie de Caïphe à Pilate au point qu'ils finissent par se décourager. Un guichet unique serait l'idéal.
    Proposez-vous une approche pangouvernementale intégrée, non seulement en ayant une personne clé, mais aussi en assurant une coordination entre tous les ministères, afin que nous comprenions tous les aspects de l’information qui nous parvient et toutes les pressions qui viennent de toutes parts?
    Oui, ce serait une bonne description de ce qu'il nous faut.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Zann, qui aura cinq minutes. Je vous en prie.
    Puisque nous discutons avec M. Cheung, je voudrais lui poser quelques questions sur ce qu'il pense de certains enjeux.
    En avril dernier, monsieur Cheung, vous avez écrit sur le site Web Just Security que, à première vue, la dégradation de l’autonomie de Hong Kong a été abrupte. Vous avez dit par contre que certains faits récents se profilaient à l'horizon depuis longtemps. Vous avez énuméré trois facteurs qui ont contribué à l’érosion de l’autonomie de Hong Kong:
[...] l’utilisation abusive, par les gouvernements de Pékin et de Hong Kong, de la notion de « préconisation de l’indépendance » comme prétexte à un matraquage politique et législatif; le rôle croissant du Bureau de liaison; la mainmise politique sur une fonction publique auparavant professionnalisée.
    Selon vous, quels faits, quelle évolution, quelles décisions ont mené à l’érosion de l’autonomie de Hong Kong depuis 1997? Quels étaient les signes avant-coureurs qui ont peut-être échappé au monde? Comment la communauté internationale, y compris le Canada, a-t-elle réagi et comment pouvons-nous aborder ce problème maintenant? Ma question est un peu longue.
    C’est un ensemble complexe de questions et il appelle un ensemble tout aussi complexe de réponses. Résumons. Les faits marquants, depuis 1997, comprennent un usage abusif du pouvoir d’interpréter la loi fondamentale qui a été dévolu au Comité permanent du Congrès national du peuple. Depuis 1997, ce pouvoir n’a été exercé qu’une seule fois à la demande d’un tribunal de Hong Kong. On aurait dû s'inquiéter dès 1999, au moment de la première interprétation. On aurait dû s'inquiéter encore plus en 2016, lorsque ce pouvoir a été utilisé pour renverser la décision d’un tribunal de Hong Kong concernant le renvoi des assemblées législatives. Pourtant, ces interprétations n'ont suscité que peu de réactions, et ce sont un peu elles qui nous ont menés là où nous en sommes maintenant.
    Il y a d'autres faits, évidemment, dont les manifestations de 2003, mais aussi les réactions du gouvernement de Pékin qui ont suivi. Dans cet article de Just Security, j’ai fait allusion à quelque chose qui a été écrit dans le journal du parti, Study Times, par un agent de liaison en 2008 au sujet d’une « deuxième équipe de gouvernance ». Cet avertissement n’a pas été pris au sérieux à l’époque. Il se trouve que, n’ayant pas été interpellé à ce sujet, le Bureau de liaison a saisi toutes les occasions d'élargir son rôle. Je dirais qu’il y a eu de nombreux signes avant-coureurs, et j’en signale quelques-uns.
    Dans l’ensemble, les réactions de la communauté internationale n’ont pas été très utiles. Aucun pays ne s'est couvert de gloire. Le Royaume-Uni en particulier, en tant que signataire de la déclaration conjointe, a fait ce que le dernier gouverneur, Patten, a décrit comme l’équivalent d’écrire des rapports ne signalant « rien » lorsque la Bastille a été prise d’assaut.
    Que faire maintenant? Il incombe à la communauté internationale de dire que trop, c'est trop. Toute relation saine suppose qu'on établisse des limites claires, et il est grand temps de le faire avec la République populaire de Chine.
(1225)
     Merci.
    Quand avez-vous vu la Chine devenir un régime non plus seulement communiste, mais aussi capitaliste? Il semble y avoir maintenant un régime hybride qui permet à la fois de livrer concurrence à l'échelle mondiale et d'exercer un contrôle sur la population. Quand avez-vous vu s'amorcer cette évolution?
    La transition de la République populaire de Chine vers le capitalisme d’État est engagée depuis très longtemps. Je dirais que la République populaire de Chine n’est plus communiste, au sens strict du terme, depuis belle lurette. Je reçois donc avec scepticisme toute affirmation voulant qu'elle ait une idéologie, en dehors de l’ethnonationalisme. Je ne pense donc vraiment pas qu'on puisse voir là une lutte idéologique.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Williamson. Cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup aux témoins. Vous avez fait valoir de très bons points et formulé de bonnes recommandations.
    Madame Ong, je voudrais mieux comprendre votre pensée. Vous semblez espérer, jusqu'à un certain point, qu’il soit possible de renverser le mouvement vers la mainmise sur Hong Kong que nous observons en ce moment. Il faudra du temps, avez-vous dit, mais vous semblez garder cet espoir. Pourriez-vous nous en parler brièvement?
    Si c’est le cas, devrions-nous considérer la situation de Hong Kong non pas tant comme un retour à la guerre froide, mais, à l'avenir, comme celle d'une nouvelle Pologne, avec cette résilience qui, nous le savons tous, est bien présente dans la population de Hong Kong? Quelles sont vos raisons d'espérer?
    Ma raison d’espérer, c’est que nous voulons préserver Hong Kong telle qu'elle est le plus longtemps possible, parce que le reste de la Chine continentale est tout à fait différent. Il s'abrite derrière un grand pare-feu. On parle de répression à Hong Kong, mais ce n'est rien auprès du style et de l'ampleur de celle qui s'exerce en Chine continentale. Tant que Hong Kong restera différente — et je veux dire aussi libérale qu’elle l’est maintenant —, elle sera un symbole d’espoir et un exemple pour le reste de la Chine continentale.
    En fait, lorsque Sun Yat-sen a proposé pour la première fois l’idée de la république, cette idée lui est venue lorsqu’il était à Hong Kong parce qu’il a vu qu'elle fonctionnait de façon très différente du reste de la Chine continentale.
     Il faut aussi concevoir l'histoire sur un plus long terme. Aucun régime ne dure éternellement. Plus il est répressif, plus il est durable...
(1230)
    Oui, vous faites ressortir là un bon point.
    Je vais maintenant m'adresser à M. Medeiros.
    Je comprends votre point de vue: ce que nous voyons à Hong Kong n’est pas un prélude à la guerre et nous devons être prudents. Non seulement le Canada y compte environ 300 000 ressortissants, mais il s'y trouve aussi des millions d’amis aux vues similaires, littéralement des millions. On exagère en parlant de guerre froide, étant donné l'ethnonationalisme qui a cours en Chine, comme M. Cheung vient de le dire.
    Qu'en pensez-vous? Peut-on rapprocher du Japon impérial ce que nous observons maintenant en Asie: une population et un gouvernement nationalistes, un État expansionniste et un régime militaire affranchi de tout contrôle civil? Si c’est le cas, toute l'attention ne devrait-elle pas se tourner vers Taïwan, la nation insulaire? La Chine la revendique et, depuis longtemps, ne s'en cache pas. Ne devons-nous pas serrer les rangs, surtout si nous songeons à la Taiwan Defence Act des États-Unis? Si la situation n’est pas gérée correctement, contrairement à ce qui s'est passé pour Hong Kong, il pourrait y avoir un véritable conflit dans la mer de Chine méridionale.
    Quel est votre avis? Vous avez un peu plus d’une minute pour répondre.
     Je vais donc vous donner ma réponse éclair.
    D’abord et avant tout, oui, nous devons unir nos efforts pour trouver une solution au problème de la Chine en Asie de l’Est, surtout en ce qui concerne Taïwan.
    Il y a des analogies utiles et intéressantes entre la Chine d’aujourd’hui et l’armée japonaise et la militarisation du Japon, mais il ne faut pas perdre de vue que l'Armée populaire de libération, l’armée chinoise, est dirigée par le parti, et qu’il y a donc en fait un contrôle civil bien plus étroit, et je pense que Xi Jinping, grâce à sa campagne de lutte contre la corruption, a réussi à rétablir une grande autorité. L’économie chinoise est beaucoup plus intégrée à l’échelle mondiale que ne l'était celle du Japon. Quoi qu’il en soit, le nationalisme et une puissance militaire plus imposante justifient une profonde inquiétude. C’est pourquoi penser la stratégie visant la Chine comme une série de coalitions de pays disposés à aborder des questions précises avec des partenaires aux vues similaires est peut-être la meilleure façon de relever des défis différents et uniques à l’avenir.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Yip, qui aura cinq minutes. Je vous en prie.
    Ma question s’adresse à Mme Ong.
    Vous nous avez dit que le marché boursier de Hong Kong est le meilleur moyen de se procurer des capitaux. De plus, quatre entreprises sur dix prévoient quitter leur siège social pour aller s'installer ailleurs.
    Dans quelle mesure la Chine dépend-elle de Hong Kong en tant que plaque tournante financière?
    Elle est très dépendante, mais elle n'est pas à court de possibilités.
    Ce que je veux dire, c’est que nous voulons maintenir la dépendance de la Chine à l’égard de Hong Kong en matière de capitaux parce que, tant qu'elle dépendra de Hong Kong, la Chine n’y imposera pas une répression plus sévère, comme celle dont elle a été capable au Xinjiang et au Tibet.
    À l’avenir, un peu de complication est probable dans le secteur financier et commercial de Hong Kong. Il y a d’une part l’émergence de l'assurance et la place très en vue des entreprises chinoises à Hong Kong et, d’autre part, le retrait d’entreprises occidentales, notamment américaines. Remarquez que les entreprises chinoises sont là parce qu’elles ont facilement accès aux dollars américains et à tous les avantages de Hong Kong. Si nous éliminons cette possibilité en imposant des sanctions ou tout autre moyen punitif pour sévir contre Hong Kong, nous risquons de punir les entreprises chinoises, ce qui pousserait le gouvernement chinois à chercher d’autres moyens de faire des affaires avec le reste du monde, Hong Kong restant en touche, ce qui ne serait pas très bon pour elle.
(1235)
    Comment le Canada peut-il aider les entreprises canadiennes là-bas?
    Nous devrions simplement continuer à faire des affaires à Hong Kong comme maintenant. Bien sûr, il y a aujourd'hui beaucoup plus de restrictions qu’il y a quelques mois, mais on continue de brasser des affaires comme d’habitude.
    Nous devrions aussi continuer à faire affaire avec la Chine. Ce n’est qu’en maintenant les liens et les relations que nous pourrons garder espoir.
    Les milieux financiers internationaux pourraient-ils exercer d’autres pressions?
    À court terme, les entreprises sont guidées par leurs intérêts et la recherche du profit, mais je crois qu’à moyen et à long terme, si les gouvernements orientent de façon large les entreprises — c’est-à-dire, si nous concevons des structures institutionnelles convenables —, il y aura un effet sur les incitatifs des entreprises et cela aidera à les éloigner des régimes autoritaires. En imposant des qualifications professionnelles et certaines normes aux entreprises, nous pouvons lentement les amener à s'éloigner des régimes autoritaires.
    Cela semble prometteur.
    Ma prochaine question s’adresse à M. Medeiros.
    Si on vous demandait de prédire comment les relations entre les États-Unis et la Chine évolueront sous l’administration Trump et peut-être sous celle de Joe Biden, dès novembre, que diriez-vous? Quels avantages le Canada a-t-il à en tirer?
    Difficile de prédire l'évolution à venir. J’ai entretenu une étroite collaboration avec le vice-président Biden, notamment aux toutes premières étapes de l'établissement d'une relation entre le vice-président Xi Jinping et lui, à la Maison-Blanche, en 2011. J'ai donc pu voir comment le vice-président considère la Chine. J’imagine que la première chose qui changera, c'est le ton. On laissera tomber la rhétorique ouvertement conflictuelle de la guerre froide pour revenir à une concurrence stratégique. Le cadre de la concurrence stratégique sera probablement maintenu, mais on cherchera sans doute beaucoup plus à renforcer l'Amérique et ses capacités pour qu'elle évolue plus rapidement, mais le cadre général restera celui de la concurrence stratégique.
    Selon moi, le vice-président Biden cherchera aussi sans doute à travailler beaucoup plus avec les alliés en réinvestissant dans les alliances, en les remaniant et en donnant plus de place au multilatéralisme.

[Français]

    Merci beaucoup, madame Yip.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour deux minutes trente secondes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais intervenir rapidement. Nous avons eu le point de vue de M. Medeiros et celui de Mme Ong sur l'effet possible des sanctions en réaction à l'adoption de la loi sur la sécurité nationale.
    Puisque nous serons éventuellement appelés à faire des propositions au gouvernement canadien, j'aimerais justement avoir le point de vue de M. Cheung sur l'utilité des sanctions et la nature de celles qui devraient être mises en œuvre pour avoir un effet minimalement positif.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous avons vu jusqu’à maintenant que les sanctions de type Magnitski imposées par les États-Unis à des représentants désignés de Hong Kong et de la Chine continentale ont un effet, et que les institutions financières, y compris les institutions financières d’État de la République populaire de Chine, font des pieds et des mains pour s’y conformer.
    Si le Canada envisageait d’imposer des sanctions, idéalement en collaboration avec des pays aux vues similaires, des sanctions de type Magnitski visant ceux qui ont planifié ou encouragé des atrocités et des violations des droits de la personne à Hong Kong auraient les meilleures chances de ne pas faire souffrir la population générale de Hong Kong.
(1240)

[Français]

    Monsieur Medeiros et madame Ong, souhaitez-vous réagir à cette intervention de M. Cheung?

[Traduction]

    Puis-je intervenir un instant? Je suis d’accord avec M. Cheung sur ce point. J'ajouterais simplement que la loi Magnitski aurait certes des inconvénients pour les fonctionnaires de Hong Kong, mais je vois bien à qui est acquise leur loyauté, leur loyauté politique.
    Cela dit, les sanctions servent aussi à lancer d'importants messages. Il ne faut pas négliger l’importance de ces messages, mais l’impact réel pourrait être plutôt limité, car les inconvénients à court terme pourraient souvent être surmontés au moyen de mesures inédites.
    Merci, monsieur Bergeron.
    Monsieur Harris, vous avez deux minutes et 30 secondes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Ong, vous avez parlé de la façon dont nous abordons le rôle financier de Hong Kong. À mon avis, la Chine veut montrer qu’elle peut réprimer la population de Hong Kong au moyen de la loi sur la sécurité tout en profitant des avantages financiers de la présence de Hong Kong. C’est marcher sur une corde raide. Comment pouvons-nous amener la Chine à adopter un système fondé sur des règles tout en préservant la situation de Hong Kong?
    Je crois comprendre que vous trouvez inefficace l'action des États-Unis, qui abolit toute différence entre les mesures financières qui visent Hong Kong et celles qui ciblent la Chine continentale. Quels seraient les moyens efficaces d'amener la Chine à suivre les règles? S’agit-il d’une stratégie à long terme plutôt qu’à court terme?
    À long terme. Nous devrions vraiment travailler avec des pays aux vues similaires et nos alliés — y compris les États-Unis, idéalement — pour élaborer des stratégies en longue période qui contribueraient à apporter des changements à long terme.
    Le sort de Hong Kong, sans oublier ce que les gens dans les rues de Hong Kong réclament — le suffrage universel et la liberté d’expression —, ne concerne pas uniquement Hong Kong, mais aussi Pékin et le gouvernement de la Chine continentale. Les deux questions sont étroitement liées.
     Monsieur Medeiros, pourriez-vous nous parler des mesures à long terme et à court terme?
    Il ne faut pas perdre de vue que notre influence sur la question de Hong Kong est généralement très limitée, étant donné la proximité géographique de la Chine continentale, la taille de l’économie chinoise par rapport à celle de Hong Kong, etc. Il nous faut donc agir dans la durée.
    Il faut que nos attentes soient modestes et nous devons trouver des approches créatives, des approches novatrices qui n’existent pas encore dans le milieu des affaires international, en particulier la finance internationale, sans oublier les banques au Canada, et ensuite songer à des coalitions axées sur des enjeux précis.
    Merci beaucoup, monsieur Harris.
    Voilà qui met fin à l'audition du premier groupe de témoins.
     Au nom du Comité, je vous remercie beaucoup. Nous vous sommes très reconnaissants du temps que vous nous avez accordé, et je suis sûr que nous sommes tous navrés de vous avoir fait attendre pendant que nous discutions de questions importantes pour le Comité.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pendant que nous prenons des dispositions pour entendre les prochains témoins. Veuillez être prêts dans quatre ou cinq minutes.
    Merci beaucoup.
(1240)

(1245)
    La séance reprend. Je souhaite à nouveau la bienvenue aux députés et aux témoins.
    J’ai quelques indications à donner aux nouveaux témoins.
     Avant de commencer à parler, attendez que je vous donne la parole en vous désignant par votre nom. Lorsque vous êtes prêt à parler, vous activez votre micro en cliquant sur l'icône. Je dois préciser que, au stade des questions des députés, ceux-ci diront qui doit répondre et vous n'aurez pas à attendre mon signal.
     Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
    Pendant la vidéoconférence, l’interprétation fonctionne à peu près comme au cours d'une séance ordinaire. Vous avez le choix, au bas de l'écran, entre le son du parquet, l’anglais et le français. Lorsque vous parlez, si vous prévoyez alterner entre les deux langues, vous devrez également changer de canal d’interprétation pour qu’il corresponde à la langue utilisée. Vous pouvez faire une courte pause lorsque vous changez de langue.
    Un rappel aux témoins: si vous avez besoin de l'interprétation vers le français, vous devez sélectionner le canal anglais, au bas de l'écran. Si vous avez besoin de l'interprétation vers l'anglais, c'est l'inverse.
    Lorsque vous ne parlez pas, mettez votre micro en sourdine.
    L’utilisation du casque d’écoute est fortement encouragée.
    Je souhaite la bienvenue au deuxième groupe de témoins. Nous accueillons, à titre personnel, Stéphane Chatigny, avocat; au nom de Human Rights in China, Sharon Hom, directrice exécutive; et, de l’Université de Surrey, Malte Philipp Kaeding, professeur adjoint en politique internationale.
(1250)

[Français]

    Nous allons commencer par l'intervention de M. Chatigny.
    Vous avez la parole pour 10 minutes.
    Très bien, monsieur le président. Je vous remercie.
    Je remercie le Comité spécial de bien vouloir entendre mes commentaires aujourd'hui au sujet des relations sino-canadiennes et de la situation actuelle à Hong Kong.
    Avocat depuis 1992, j'ai eu l'expérience unique de vivre à Hong Kong pendant 10 ans, soit de 2008 à 2017.
    Dans ma pratique professionnelle, je me concentre sur l'immigration économique au Canada et, plus spécialement, sur le programme des immigrants investisseurs du gouvernement du Québec. J'ai assisté plus de 2 000 candidats à ce programme, principalement des dirigeants et des propriétaires d'entreprises privées établies en Chine continentale, à Taïwan et à Hong Kong. Ces candidats m'ont raconté comment ils étaient devenus riches, en Chine et ailleurs autour de ce pays, lequel a mis moins de 30 ans à atteindre le statut de deuxième puissance économique mondiale et rivalise maintenant avec l'Amérique du Nord et l'Union européenne dans plusieurs secteurs industriels.
    Pendant toutes ces années, j'ai vécu à Hong Kong, une démocratie de 7,5 millions d'habitants, sans avoir de crainte vis-à-vis de l'État. J'ai aussi circulé à Taïwan, une autre démocratie asiatique de 23 millions d'habitants, toujours sans craindre l'État.
    Les populations de Hong Kong et de Taïwan sont courageuses et déterminées. À l'instar des Canadiens, elles veulent élire librement leur gouvernement et continuer de vivre dans un environnement légal qui est transparent et prévisible, qui porte les valeurs, les libertés et les garanties démocratiques énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Basic Law of Hong Kong et la Constitution de Taïwan.
    Comme l'ont souligné plusieurs témoins avant moi, les liens entre Hong Kong et le Canada sont étroits, et la crise actuelle sur ce territoire exige une attention et une action ferme et coordonnée de la part du gouvernement canadien.
    Vivre à Hong Kong, c'est se trouver dans la périphérie corrosive d'un régime autoritaire dur et d'un système de gouvernement en parfaite contradiction avec les valeurs démocratiques que porte et défend chaque avocat canadien.
    Quand je rentrais chez moi, à Hong Kong, après chaque séjour en Chine continentale, je respirais plus profondément, comme soulagé, habité par l'impression de m'être trouvé pendant quelques jours dans un environnement social placé sous une cloche de verre, grouillant d'individus policés, endoctrinés, neutralisés, à qui le Parti communiste chinois ne permet qu'un spectre de vie limité à une existence économique.
    Depuis peu, grâce à de puissants algorithmes et à un réservoir grandissant de données, la Chine soumet les individus et les entreprises sur son territoire à une cote de crédit social qui tient notamment compte de la navigation et des commentaires sur le Web.
    Or, la loi relative à la sécurité nationale de Hong Kong de juillet 2020 étend cette cloche de verre liberticide au-dessus de la démocratie de Hong Kong. Le Parti communiste chinois amorce ainsi l'application de son écosystème d'hypersurveillance et de répression bien avant juillet 2047, en violation de la Déclaration commune sino-britannique de 1984.
    Cet écosystème produit l'autocensure, un réflexe de protection qui m'a semblé profondément ancré chez les habitants de la Chine continentale, d'autant plus que la délation est encouragée et même organisée.
    Véritable cheval de Troie dans le système juridique de Hong Kong, la loi relative à la sécurité nationale produit déjà l'autocensure chez les Hongkongais. Des individus et des organisations ferment leurs comptes sur les réseaux sociaux de façon précipitée, retirent le carré jaune et les livres qui peuvent fâcher. La loi inocule ainsi une peur de l'État qui n'existait pas auparavant. Au bout du compte, le régime communiste confinera les Hongkongais à un spectre de vie limité à une existence économique.
    Cet été, j'ai mis la main sur l'édition de janvier-février 2008 de la revue Foreign Affairs dont le titre était « Changing China ». Cela m'a fait plutôt sourire, 12 ans plus tard. Espérer changer la Chine, c'est nourrir l'espoir d'amener sa classe dirigeante à réformer sa gouvernance politique et économique et de l'amener vers le respect de la règle de droit, des droits de la personne et de l'économie de marché. L'épreuve des faits, depuis 20 ans, révèle une certaine naïveté.
    L'instinct crédule et imprudent du gouvernement du Canada, des entreprises et des établissements de recherche et d'enseignement du pays est parfois consternant.
    Dès mes premières années en Chine, j'ai espéré des déclarations comme celle faite en mars 2019 par le président français, M. Emmanuel Macron, qui affirmait que « le temps de la naïveté européenne est révolu » dans les relations avec la Chine.
    La sympathie et l'engagement de l'Occident envers cette belle et noble civilisation, entretenus en dépit de son régime répressif et prédateur, ne se sont pas convertis en confiance, bien au contraire, et ce sont les peuples qui sont finalement privés d'une relation plus fertile.
(1255)
    Depuis 2014, le président Xi Jinping convie sa population à poursuivre « le rêve chinois de la grande revitalisation de la nation chinoise ». La légitimité et la sincérité de cet appel paraissent indiscutables pour ce pays longtemps surnommé « the sick man of Asia ».
    Cependant, la propagande actuelle conduit à des sentiments nationalistes presque fanatiques et xénophobes, dans une société privée d'informations fiables et critiques. De plus, cette propagande trouve un terrain fertile dans une éducation nationale qui met l'accent sur les 100 ans d'humiliation de la Chine aux mains des puissances étrangères.
    Dès à présent, il est nécessaire que le Canada tienne pour acquis que le régime chinois, dans sa poursuite d'un socialisme avec des caractéristiques chinoises, est profondément opposé à plusieurs valeurs occidentales.
    En septembre 2013, le magazine Mingjing, basé aux États-Unis, a publié un document qui était destiné au 18e congrès du Parti communiste chinois et qui s'intitule « Communiqué sur l'état courant de la sphère idéologique — Une note du bureau général du Comité central du Parti communiste chinois ». Le document souligne la constance de la lutte idéologique et énonce des mises en garde contre les tendances, activités et positions idéologiques erronées telles que la promotion de la démocratie constitutionnelle occidentale, les valeurs universelles, la société civile, le néo-libéralisme et la conception occidentale du journalisme.
    Il semble irréaliste de croire encore que la Chine changera dans le sens que nous souhaitons. Au XXIe siècle, le risque est plutôt que ce soit le régime communiste qui nous change dans un sens que nous ne voulons pas.
    Dès lors, il devient éminemment important pour le Canada de s'assurer que nos relations avec ce pays, devenu prééminent dans l'ordre international, ne nous amènent pas à relativiser et à atténuer le contour et l'importance de nos normes, de nos valeurs et de nos intérêts.
    Dans sa relation avec le Canada, le régime chinois applique une approche holistique où plusieurs aspects, même très éloignés, peuvent servir de points de pression, y compris des points de pression manifestement en dehors des normes internationales, tels que la détention de Kevin et Julia Garratt, en 2014, et celle de Michael Kovrig et Michael Spavor, en 2018.
    Chaque silence, chaque omission d'agir ou chaque compromis sur nos valeurs, nos normes ou nos intérêts alimente le confort du régime dans la pratique de l'intimidation. Il est nécessaire que le Canada prive le régime chinois des effets souhaités, c'est-à-dire l'autocensure et le bon comportement.
    Avec nos alliés, il nous faut développer et soutenir une vigilance et une action internationales, interdisciplinaires et interministérielles sans cesse mieux coordonnées à l'égard des comportements du régime chinois, notamment en matière de droits de la personne, d'interférence dans la vie politique étrangère, d'intimidation en sol étranger, d'érosion des droits civils et politiques à Hong Kong et à Taïwan, de vol de propriété intellectuelle, d'espionnage industriel, d'intelligence artificielle et de partenariats éducatifs, scientifiques et commerciaux qui font courir un risque à l'autonomie, à la sécurité ou aux intérêts économiques du Canada.
    Cette vigilance permettra de mener à l'égard de la Chine une politique étrangère, commerciale et de sécurité nationale sans cesse plus fidèle aux réalités et à l'identité des 37 millions de Canadiens, incluant les 300 000 citoyens canadiens qui vivent à Hong Kong.
    Assurons-nous que la Chine ne nous changera pas.
    Je vous remercie.
(1300)
    Merci beaucoup.

[Traduction]

     Nous entendrons d'abord Mme Hom, qui aura 10 minutes. Je vous en prie.
     Merci de me donner l’occasion de témoigner devant le Comité. C’est vraiment un honneur et un défi de prendre la parole après les témoins qui ont présenté des points de vue aussi solides et éclairés la semaine dernière et ce matin. Ils ont notamment mis en évidence l'évolution critique observée à Hong Kong, évolution qui ne sera pas sans conséquence pour les Canadiens tant à Hong Kong que dans leur propre pays. La COVID-19 a montré très clairement que les répercussions sur la santé et la stabilité du monde et de la région ne connaissent pas de frontières.
    Je suis Hongkongaise de naissance et je possède la résidence permanente à Hong Kong. Je suis également professeure émérite à la faculté de droit de la City University of New York. J’ai enseigné le droit pendant 18 ans, et j’ai notamment formé des avocats, des juges, des professeurs de droit et des cadres juridiques chinois pendant 10 ans, à partir de la fin des années 1980.
    Mon organisation, Human Rights in China, a vu le jour en mars 1989 pour appuyer le mouvement démocratique de la même année. Dans un cadre international des droits de la personne, nous appuyons les défenseurs des droits de la personne et les groupes de la société civile pour promouvoir la protection des droits de la personne. Nous sommes présents à Hong Kong depuis 1996.
    La dernière fois que je suis venue à Ottawa, c’était en 2012, pour la conférence du Congrès international des parlementaires sur le Tibet. La question que Mme Zann a posée ce matin au sujet des signaux prémonitoires a été pour moi un rappel. En fait, les politiques de Pékin, la militarisation et la sécurisation complète, y compris les lois sur la sécurité nationale et les tactiques de répression sociale et de contrôle, ont été déployées il y a des décennies et ont clairement montré ce qui se tramait pour Hong Kong. Il aurait fallu qu'on ait la volonté politique d'en prendre conscience.
    Je commencerai par un point d'ordre général, avant de faire quelques observations improvisées et de me concentrer sur la loi sur la sécurité nationale. Je voudrais ensuite passer directement aux recommandations, en espérant que, à la faveur des questions, nous pourrons avoir une discussion plus poussée.
    Ce que je veux dire par-dessus tout, c’est qu’il est très important que le Comité, dans son rapport ou tout autre résultat concret découlant de cette série d’audiences, fasse attention à la façon de présenter les faits. Les grands titres de Hong Kong qui proclament la mort de Hong Kong, la fin de Hong Kong telle que nous la connaissons, disant que le pays n'a aucun avenir, etc., sont en fait des descriptions sinistres fondées sur des faits quotidiens qui donnent à réfléchir: attaque en règle contre la primauté du droit, les valeurs et le mode de vie de Hong Kong, attaque qui a effectivement mené à la censure, plombé le climat, etc. Mais je tiens à nous exhorter tous à la prudence, lorsque nous parlons de Hong Kong, en nous gardant de reprendre ou de mettre en exergue ce récit tronqué inspiré par le désespoir, d'autant plus qu'on se prononce prématurément sur un avenir qu'il reste à écrire.
     Il est important de tenir compte, dans le débat public au Canada et dans les recommandations du gouvernement, du fait que, même si le droit de réunion pacifique a été vidé de presque toute sa substance à Hong Kong, les Hongkongais ne sont pas silencieux et n’ont pas perdu espoir. Vous pouvez voir la une du Apple Daily au sujet du nouveau mur de Lennon. Les Hongkongais écrivent en ligne: « Nous sommes toujours en vie. Arrêtez de dire que nous sommes morts. Nous avons besoin de solidarité et de soutien concret, et non de lamentations funèbres. » Un militant a répondu à la question de M. Williamson, qui voulait savoir s’il y avait des raisons d’espérer: « Nous n'avons pas perdu. C’est simplement que nous n’avons pas encore gagné », reconnaissant qu'il y a encore une longue route à parcourir.
    Il ne faut donc pas adopter, consciemment ou non, les versions officielles de Pékin, qui contribuent au travail de sape des organes officiels de propagande.
    On a beaucoup parlé et discuté de la loi sur la sécurité nationale, et les critiques générales ont beaucoup porté sur la façon dont elle contribue à l’écosystème, sur son importation à Hong Kong depuis la Chine continentale, mais je voudrais ajouter rapidement quelques points.
    Le nouveau Bureau de la sécurité nationale est composé de personnel dépêché par la Chine continentale pour superviser tout le travail lié à la sécurité nationale. Non seulement ces personnes ne sont-elles pas assujetties à la compétence de Hong Kong, mais elles détiennent également un document d’identité délivré par le Bureau, et tout véhicule utilisé par le titulaire est soustrait à l’inspection, à la fouille ou à la détention par les agents d’application de la loi de Hong Kong. Il y a quelques jours, un incident a mis en cause Ted Hui, un législateur de Hong Kong. Il a été suivi pendant des jours, comme d’autres législateurs, par des gens cachés dans des voitures banalisées ou sombres. Il est allé leur demander qui ils étaient et pourquoi ils le suivaient. La voiture l’a heurté, et il a appelé la police. Les policiers sont arrivés et ont plaqué au sol Ted Hui, le législateur, et la voiture qui l’avait heurté, dont les occupants n'ont pas été interrogés, est partie sous escorte. C’est vraiment très préoccupant.
(1305)
    L’autre exigence dont je tiens à parler, qui n’a pas été soulignée, c’est que les dirigeants des nouveaux services de sécurité nationale de la police de Hong Kong doivent prêter le serment d’allégeance et respecter l’obligation du secret. Ce n’est pas très bon pour la transparence et la lutte contre l’impunité, ni pour la bonne gouvernance qui est nécessaire pour le milieu des affaires, pour la protection des citoyens canadiens et celle de tous ceux qui se trouvent à Hong Kong.
    Enfin, en vertu du règlement d’application de l’article 43, la police de Hong Kong, qui n’a déjà pas de comptes à rendre, a maintenant des moyens renforcés de procéder aux arrestations.
    Je vais parler d’extraterritorialité dans un instant.
    Les Canadiens et le Comité sauront parfaitement comprendre les problèmes de traduction. La loi sur la sécurité nationale à Hong Kong est la seule de la RAS de Hong Kong dont la version chinoise a seule force de loi. Mais une lecture attentive de la « traduction » anglaise proposée par le gouvernement de la RAS suffit pour relever des erreurs, des omissions et des traductions trompeuses.
    Ainsi, à l’article 1, le texte chinois fait suivre du mot dang l'énumération des types de problèmes visés par la loi. Or, ce terme ne figure pas dans le texte anglais. Que signifie-t-il? Il veut dire « et autres ». Autrement dit, la liste de ce qui est visé par la loi n'est pas exhaustive.
    De plus, dans d’autres dispositions, l’expression gung tung, « responsabilité commune », n’a pas d'équivalent dans la version anglaise.
    Aux articles 9 et 10, l'équivalent d'« universités » n’existe pas dans le texte chinois, qui dit hok haau, c'est-à-dire « écoles ». C’est un problème à cause de tout le débat sur la liberté universitaire. De quelle façon la loi s’applique-t-elle aux établissements d’enseignement supérieur?
    Voici une autre traduction trompeuse: le chinois hoeng gong tung baau est traduit par « Hong Kong people », c'est-à-dire « peuple de Hong Kong ». Or, cette expression veut dire plutôt « compatriotes de Hong Kong », ce qui porte toutes les résonances de l'adhésion au parti.
    Quant aux préoccupations relatives à la mise en œuvre, je voudrais dire ceci rapidement, puisque je suis à court de temps. C’est comme si, dans l'empressement à adopter cette loi, on avait décollé dans un avion et qu'on ne savait plus comment atterrir.
    Bon nombre des questions de procédure et de fond, sur lesquelles j’espère que vous pourrez poser des questions, n’ont pas été mûrement réfléchies ni abordées. Par exemple, le droit civil prédomine sur le continent, et la common law à Hong Kong. On tente maintenant de fusionner les deux, en vertu de l’article 55, pour les causes qui seront jugées sur le continent selon un système « légaliste-fasciste-staliniste », comme l’a décrit le sinologue Barmé. Même la Cour suprême du Canada s’assure que vos juges ont des connaissances en droit civil et en common law. Or, rien de tout cela n’existe là-bas.
    Comme je n’ai plus de temps, je vais passer aux recommandations.
    J’ai cinq recommandations à soumettre au Comité et au gouvernement.
    D’abord, toutes les recommandations — l'action multilatérale, les sanctions conjointes, les sanctions ciblées, les refuges sûrs, etc. — sont extrêmement importantes et ont été réitérées avec beaucoup de vigueur.
    J’ai une proposition au niveau national concernant les instituts Confucius. Étant donné qu’il y a des controverses — et je ne veux pas me mêler des controverses internes —, vous pourriez songer à adopter l’approche suédoise en les fermant tous, ou bien l’approche américaine, qui consiste à les désigner comme des « missions étrangères ». Cela enverrait un message conforme aux valeurs canadiennes et à votre engagement à l’égard de la liberté d’expression.
    Nous n’avons plus de temps.
    Quant aux exhortations au sujet du recours aux normes, aux institutions et aux valeurs internationales en matière de droits de la personne — cela répond à la question de M. Harris sur la façon dont nous pouvons amener la Chine à adopter un système davantage fondé sur des règles —, oui, cela vaut pour le long terme, mais il y a aussi des possibilités dans l'immédiat. Premièrement, la loi sur la sécurité nationale de Hong Kong est la seule loi continentale qui incorpore explicitement le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Si nous prenons l’article 4 au sérieux, nous devrions examiner les possibilités qui se présentent, et le gouvernement du Canada pourrait se servir des problèmes énumérés par le Comité permanent comme autant de préoccupations au regard des normes internationales. Il y aura élection au Conseil des droits de l’homme. La Chine se présente. Vous devriez prendre position à ce sujet. Vous pouvez aussi utiliser plus largement les tribunes existantes, comme l’Union interparlementaire et le CCI, bien sûr.
    Je suis désolée, mais mon temps de parole est écoulé. S’il vous plaît, posez-moi des questions sur tout ce que je n’ai pas pu aborder.
    Merci.
(1310)
     Merci beaucoup, madame Hom.
    Nous allons maintenant entendre M. Kaeding, s'il vous plaît, pour 10 minutes.
    C'est un grand honneur, en même temps qu'un privilège, de pouvoir témoigner à cette importante audience, qui arrive à point nommé. Merci beaucoup au Comité de m'avoir invité.
    J'effectue des recherches sur Hong Kong depuis près de 20 ans. Ces dernières années, j'ai fait des recherches sur le mouvement du localisme et de l'indépendance. Je vais utiliser une approche de psychologie politique pour expliquer comment les événements récents survenus à Hong Kong remettent vraiment en question la perception ou, comme Mme Hom l'a mentionné, le récit au sujet de la Chine. Il est utile d'établir un nouveau récit sur les relations sino-canadiennes, pour faciliter toutes les mesures à prendre pour le Canada au niveau de la diplomatie, des sanctions et des réfugiés, que mes estimés collègues ont déjà décrites en détail dans le cadre d'autres audiences.
    Nous savons déjà que les engagements internationaux de la République populaire de Chine ne sont pas crédibles. La RPC utilise son propre récit pour dévaluer les traités et les institutions internationales. Pékin, comme vous l'avez déjà entendu, a commencé à Hong Kong, dès 1997, à abolir les conseils élus, à modifier le système électoral et à faire dérailler la démocratisation en imposant une démocratie à la chinoise. Après le Mouvement des Parapluies de 2014, il ne restait plus vraiment d'espoir pour les réformes démocratiques promises dans la Loi fondamentale.
    La question qui se pose aujourd'hui, bien sûr, est la suivante: pourquoi cette loi musclée, avec toutes ces arrestations et disqualifications et ce report des élections législatives? Je soutiens que les actions du régime de Pékin sont en fait motivées par la peur. L'arrestation de Jimmy Lai et d'Agnes Chow, le raid sur l'Apple Daily, les arrestations du groupe d'adolescents qui débattaient de leur indépendance — autant d'incidents, bien sûr, qui devraient intimider les Hongkongais. En même temps, cela montre à la clientèle chinoise que le régime est très sévère à l'égard des groupes dits séparatistes de connivence avec les forces étrangères.
    Nous devons comprendre que le régime de Pékin règne par la peur, mais qu'il est aussi lui-même motivé par la peur, c'est-à-dire la peur de fissures dans son élite dirigeante, la peur de ralentissements économiques et la peur d'un mécontentement croissant de sa population. C'est pourquoi, malgré la disqualification des candidats de l'opposition, le gouvernement de Hong Kong a quand même reporté les élections du Conseil législatif. Pékin craignait de ne pas être en mesure de transporter des milliers de sympathisants pro-Pékin du continent qui sont toujours des électeurs inscrits à Hong Kong. Le gouvernement pro-Pékin compte beaucoup sur l'attribution de ces votes, sans lesquels il ne peut garantir le contrôle complet à Hong Kong. Pire encore, il ne peut pas communiquer le résultat à ses citoyens chinois.
    Nous savons que Xi doit être très dur sur Hong Kong, parce que Pékin a été complètement surpris par le mouvement anti-extradition l'année dernière. Il craint surtout les tactiques et les attitudes radicales des protestataires. Le répertoire des protestations, y compris le slogan principal, est inspiré du mouvement dit localiste. Permettez-moi d'en dire quelques mots.
    Les localistes veulent protéger les valeurs démocratiques de Hong Kong ainsi que son identité culturelle propre. Entre le début et le milieu de la décennie 2010, ils ont vu la Chine rompre toutes ses promesses et affaiblir de façon de plus en plus flagrante le cadre de deux systèmes dans un même pays. Les localistes ont vraiment été les premiers à remettre en question la relation avec la Chine et à exprimer leur méfiance à l'endroit de Pékin et de ses promesses. Certains ont réclamé un référendum sur l'avenir de Hong Kong, et d'autres, l'indépendance de Hong Kong.
    J'ai fait de nombreuses entrevues très secrètes avec les dirigeants et une foule de sympathisants de ces localistes. Bon nombre d'entre eux, bien sûr, se disaient uniquement Hongkongais, et pas Chinois. La partie la plus marquante, c'est qu'ils n'avaient pas peur de payer un prix personnel extrêmement élevé pour la protection de Hong Kong. Après les succès remportés aux élections du Conseil législatif de 2016, une foule de localistes ont été acculés à la faillite, exilés ou condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement. Nous avons entendu parler d'Edward Leung, qui purge toujours une peine d'emprisonnement de six ans.
    L'élimination des localistes a vraiment creusé le désespoir dans la société. Mme Hom a déjà mentionné ce sentiment. Les localistes offraient l'indépendance de Hong Kong comme une sorte d'espoir à leurs sympathisants, en leur permettant de composer avec les émotions négatives infligées par la pression chinoise. Cette idée au départ farfelue de l'indépendance de Hong Kong unit aujourd'hui la jeune génération après la répression du mouvement actuel. Autrement dit, l'indépendance de Hong Kong est un mécanisme palliatif psychologique qui résulte de la répression menée par les gouvernements de Hong Kong et de Pékin.
(1315)
    La deuxième chose que je veux souligner au sujet du mouvement actuel, c'est qu'il reprend une part des idées et du répertoire de ces localistes. Un élément clé est l'idée de l'auto-sacrifice, ou ce qu'ils appellent la destruction mutuelle. « Si nous brûlons, vous brûlerez avec nous », pourrait-on dire. Cela montre, en fait, que beaucoup de Chinois de la Chine continentale — des cadres, des gens d'affaires ou des familles de la classe moyenne — utilisent Hong Kong pour leur sécurité personnelle, pour obtenir un passeport différent ou pour garder leurs biens à l'étranger, en raison des incertitudes permanentes du système chinois. On n'est jamais en sécurité en Chine, peu importe ce que l'on fait.
     Au cœur de l'idée de destruction mutuelle, se trouve le rejet de l'approche instrumentale du Parti communiste chinois pour ce qui est du système libéral de Hong Kong. L'idée de destruction mutuelle transforme, chez les Hongkongais, la peur de l'érosion autoritaire en une peur concrète pour l'élite chinoise: d'abord en créant une situation économique et politique imprévisible à Hong Kong par des protestations et différentes choses, et ensuite, en refusant à Hong Kong, par des sanctions internationales, par exemple, la capacité d'être un refuge.
    Vous vous souviendrez qu'il y a eu très peu de réactions lorsque la Chine a été dénoncée pour son traitement des Ouïghours. La Chine n'a pas fait grand-chose lorsqu'elle a reçu des critiques, mais dès que la cible est devenue Hong Kong, le gouvernement Xi est allé jusqu'à mettre en œuvre la loi sur la sécurité nationale, de portée extraterritoriale, et dont on peut même dire qu'elle légalise la diplomatie des otages. La réaction exagérée que nous observons confirme, je crois, la peur de la Chine.
    Je conclurai en parlant de ce que tout cela signifie pour le Canada. Au moment où Hong Kong et les États-Unis ferment leurs frontières à l'élite dirigeante chinoise, le Canada pourrait devenir une destination cible. Si on laisse faire, le système démocratique du Canada sera vite confronté à l'érosion autoritaire et à la mobilisation politique du PCC, comme on l'a vu à Hong Kong.
    À mon avis, le Canada devrait être conscient des peurs du régime chinois. Elles font partie du récit que Mme Hom a mentionné. Si nous constatons que la Chine elle-même a vraiment peur, nous verrons que le régime chinois n'est pas tout-puissant et que la coalition au pouvoir laissera paraître de nombreuses fissures éventuelles. Ce nouveau récit serait une bonne base d'alliance avec des pays d'optique commune pour dénoncer et limiter l'affaiblissement des institutions démocratiques et ouvertes par les régimes autoritaires.
    Compte tenu du solide héritage de diplomatie créative et très efficace du Canada, je suis convaincu que le Canada a les responsabilités et les moyens de protéger les Hongkongais et notre foi commune en la démocratie.
    Merci beaucoup de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous allons maintenant passer à la première série de questions.
    D'abord, monsieur Williamson, vous avez six minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être là aujourd'hui. Vous avez tous apporté de l'information très solide et très pertinente avec vos perceptions.
    Je vais commencer par Mme Sharon Hom.
    Tout d'abord, merci beaucoup de m'avoir redressé l'échine. Mes questions sont parfois rhétoriques, mais il est toujours bon d'entendre les motifs d'espoir et les raisons pour lesquelles nous devons en faire plus plutôt que moins pour les Hongkongais, tout en songeant à la meilleure façon d'aider nos amis de Taïwan, leurs voisins.
    Plus tôt aujourd'hui, j'ai trouvé que Mme Ong avait tout à fait raison de dire que Hong Kong est toujours la poule aux œufs d'or pour les dirigeants chinois et pour le pays. C'est dire que le territoire ne deviendra pas soudainement ou rapidement — ou peut-être même graduellement — juste une autre ville chinoise, en raison de la richesse et de la prospérité qu'elle perdrait. Cela profitera aux dissidents comme aux militants de Hong Kong qui poursuivent le combat de la liberté et des droits de la personne.
    Vous avez demandé quelques minutes. Pourriez-vous peut-être nous dire en 90 secondes tout ce que vous vouliez dire, mais n'avez pas eu la chance de dire? Je vous arrêterai après 90 secondes, parce que je suis, moi aussi, soumis aux contraintes de l'horloge et au regard attentif de notre grand frère ici.
(1320)
     Je ne dirai pas tout ce que j'aurais à dire, monsieur Williamson, mais je vous remercie beaucoup de votre question.
    Hong Kong est effectivement la poule aux œufs d'or, mais Pékin ne la garde pas dans une ferme en libre parcours. Première chose. À moins que le renminbi ne remplace le dollar américain comme monnaie principale à l'échelle planétaire, Hong Kong conservera son importance, et pas seulement parce que les Hongkongais résisteront jusqu'au bout à l'idée de n'être un jour qu'une ville chinoise comme les autres. Voilà qui est important.
    J'aimerais ajouter ce matin que ce qui est bon pour l'entreprise canadienne, ou bon pour toutes les entreprises, c'est la primauté du droit. Il faut de l'information. Le marché ne peut pas fonctionner sans information. Avec de l'information approuvée, contrôlée et censurée, il n'y a pas de véritable marché concurrentiel. Je pense que nous devrions insister là-dessus. Ce n'est pas seulement pour les défenseurs des droits de la personne qu'il nous faut de la transparence, de l'information exacte, la primauté du droit et des tribunaux indépendants; c'est important pour toutes les parties prenantes à Hong Kong.
    Je tiens à dire que je suis heureuse que vous... Nous voulons vous faire redresser l'échine. Comme nous le disons — je crois que cela est en passe d'être bientôt censuré —, Ga yáu, « Ajoutez du pétrole! » Continuez. C'est très important.
    Bien dit.
    M. Harris a demandé ce matin comment nous pouvons amener la Chine à adopter un système à base de règles et comment nous pouvons l'amener là où nous voulons qu'elle aille.
    Je vais devoir vous interrompre dans environ 15 secondes, mais allez-y.
    La question n'est pas de savoir où nous voulons qu'elle aille. La question est plutôt de savoir comment nous aidons les gens de Hong Kong à imprimer à leur gouvernement l'orientation qu'ils veulent. Ce n'est pas ce que veulent les États-Unis, l'Occident, ou les multilatérales; c'est ce que nous voulons. Telle est la question, à mon sens.
    Merci.
    Monsieur Kaeding, j'ai trouvé votre perception bien spéciale. Vous nous avez donné une petite idée de la façon de penser des fonctionnaires du continent. Vous avez dit qu'on ne peut pas faire confiance à Pékin, ce qui est lourd de conséquences, car si l'on ne peut pas faire confiance à un partenaire, il faut le traiter comme indigne de confiance.
    Quelle devrait alors être la politique du Canada? Dans ce cas, le Canada devrait-il avoir des relations commerciales avec la Chine continentale en même temps qu'avec Hong Kong, mais aussi avoir le courage de dénoncer et de protester lorsque Pékin est déphasé, comme ce n'est malheureusement pas le cas de nos jours? Est-ce la combinaison du commerce, qui est à l'avantage mutuel des deux parties, et du fait d'élever la voix, de trouver notre voix au Canada, et peut-être de suivre l'exemple de l'Australie et de certains autres pays asiatiques qui sont plus proches de la Chine continentale? Qu'auriez-vous à dire à ce sujet?
    Oui, je suis d'accord avec vous pour dire que nous ne pouvons pas revenir à ce qu'on appelle maintenant une nouvelle guerre froide et nous isoler complètement, mais je pense qu'il est très, très important d'élever la voix, et de le faire, comme un grand nombre de mes collègues l'ont mentionné, en nous alliant avec d'autres de manière à collaborer et à reconnaître que nous devons tenir un même discours — les pays libres, comme on dit, avec l'Union européenne, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et l'Australie — pour proclamer que la Chine dépasse les bornes de l'acceptable dans une société fondée sur les règles internationales — en étant conscients que les institutions peuvent être modifiées par l'interprétation des Chinois.
    D'accord. Cela signifierait, bien sûr, que, lorsque vous parlez, il peut y avoir un retour de fouet contre les relations commerciales, mais que c'est le prix à payer pour nous affirmer.

[Français]

    Finalement, monsieur Chatigny, vous ne pensez pas qu'il y ait beaucoup de choses que le Canada ou ses alliés puissent faire pour changer Pékin. Vous ai-je bien compris?
    Il vous reste 20 secondes pour répondre.
(1325)
    Je vous remercie de la question.
    En fait, je crois que les alliés peuvent, d'une manière coordonnée, parvenir à changer la Chine. Ce que j'ai voulu dire, c'est que nous devons éviter que la Chine nous change. C'est l'une des prémisses de mon message.
    Maintenant, pouvons-nous encore changer la Chine? Si nous voulons la changer, il nous faut perdre notre naïveté. Tant que nous conserverons celle-ci, nous ne changerons pas la Chine.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Williamson.
    Monsieur Oliphant, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Avant de continuer dans le même sens que M. Williamson, dont j'ai trouvé les questions fort intéressantes, j'aurais quelques brèves demandes à faire.
    Madame Hom, je vous saurais gré de nous fournir par écrit un aperçu de votre analyse de la loi, notamment pour ce qui est des problèmes de traduction. Vous aideriez ainsi le Comité à profiter vraiment de votre expertise juridique en la matière. C'est un peu différent; nous avons eu des commentaires génériques au sujet de la loi, mais vous étiez entrée dans les menus détails, et nous n'avons pas le temps pour cela ici. Je fais cette demande par l'entremise du président.
    Monsieur Chatigny, encore une fois, j'aimerais sonder la profondeur de vos connaissances en matière d'immigration. Si vous avez des suggestions précises à nous faire, compte tenu du nouveau contexte de Hong Kong, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous les transmettre. Si vous pouviez nous fournir quelque chose par écrit, même si c'était par courrier, pour exposer certains de vos points clés sur l'immigration, cela pourrait nous être utile.
    Pour revenir aux excellentes questions de M. Williamson, la contrepartie de la poule aux œufs d'or est que nous devons trouver une façon de condamner fermement les actions de Pékin à Hong Kong. Nous devons trouver un moyen de porter un grand coup, mais on nous a déjà dit aujourd'hui que le coup doit être évidemment ciblé et ne pas faire mal aux Hongkongais. Ce matin, Mme Ong a fait valoir que si nous allions trop loin, nous pourrions anéantir les avantages de Hong Kong pour que Pékin veuille protéger son succès.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez, madame Hom, et peut-être vous aussi, monsieur Kaeding, si c'est possible.
    Merci.
    Le 5 juillet, Human Rights in China a publié une version bilingue et annotée des premiers commentaires sur la loi. Nous pourrions vous l'envoyer. Nous sommes en train d'établir une annotation mise à jour pour signaler tous les problèmes de traduction, avec commentaires. Nous serions heureux de vous envoyer cela également, parce que nous pensons que le diable se cache dans les détails. En particulier, en cas de poursuites en vertu de la loi, les réflexions de haut niveau ne seront pas utiles, et, en tant que décideurs, vous devez vraiment entrer dans les détails.
    En second lieu, en ce qui concerne les sanctions ciblées, il est important de savoir que, lorsque nous disons « ciblées »... Dans le cas des sanctions de type Magnitski, les groupes de Hong Kong, la population de Hong Kong et les chercheurs de Hong Kong ont créé de gigantesques bases de données et publié des rapports qui ont nommé des personnes, en particulier le Front uni, qui est un peu plus énigmatique depuis cinq ans. J'exhorte le Comité à se pencher sur certains de ces rapports. Nous pourrions vous envoyer des citations, mais l'annexe est très intéressante, car elle renferme des noms.
    Les sanctions ciblées devraient viser les personnes qui ont joué un rôle de leadership et exercé le rôle de premier plan dans la mise en œuvre de la propagande, de la pression, de l'intimidation et de la surveillance des Canadiens et des Chinois de souche, et pas seulement au Canada. Nous savons ce qu'il en est. Le phénomène n'est pas nouveau pour nous ni pour moi personnellement. Je pense que ce serait utile...
    Je dois vous interrompre ici. Merci.
    Monsieur Kaeding, vous pouvez également répondre à cette question si vous le souhaitez. J’ai une bonne réponse, mais j’ai une autre question pour vous. Brièvement, avez-vous des commentaires à ce sujet?
    En quelques mots, je suis tout à fait d’accord avec Mme Hom pour dire que des sanctions individuelles, ciblées, à grande portée... et donc que plus il y a de gens, mieux c’est. Je ne suis pas d’accord avec Mme Ong pour dire que cela nuira à l’économie de Hong Kong.
    Qu'est-ce qui vous permet de dire cela?
    C’est exactement ce que le mouvement essaie de faire. Nous ne viserons pas les opérations bancaires normales; nous viserons le capital rouge, c’est-à-dire les gens du Front Uni.
(1330)
    Je vois. Merci.
    Ma principale question est la suivante: dans quelle mesure le mouvement de Hong Kong que vous avez appelé localiste est-il homogène? Tous les mouvements que l'on peut observer à l'échelle de la planète sont généralement composés de gens aux objectifs différents qui se regroupent ponctuellement pour obtenir satisfaction. Dans quelle mesure le mouvement de Hong Kong est-il homogène, et quelles sont les divisions?
     Très brièvement, le mouvement localiste fait partie du mouvement anti-extradition. J’ai essayé d'expliquer que cela a inspiré une grande partie du mouvement de l’année dernière, mais le mouvement localiste est différent. À l’intérieur de ce mouvement, on trouve toutes sortes de gens: des gens qui veulent un référendum, des gens qui veulent l’indépendance, des gens qui veulent simplement reculer de 10 ans. L’an dernier, les principaux objectifs unifiaient étonnamment le mouvement; je parle des cinq revendications dont nous avons beaucoup entendu parler.
    Très bien.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Oliphant.

[Français]

    Je cède maintenant la parole à M. Bergeron pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins d'apporter encore une fois un éclairage extrêmement pertinent qui alimente nos réflexions sur la situation actuelle en Chine, particulièrement à Hong Kong.
    J'aimerais offrir un peu de temps à M. Chatigny afin qu'il nous fasse part de sa grande expérience en matière d'immigration.
    Après les événements de la place Tian'anmen, le Canada a déployé des efforts pour favoriser la sortie des activistes. On se trouve maintenant face à un certain nombre de handicaps. Le premier est évidemment la pandémie actuelle. En raison de celle-ci, le Canada a suspendu la plupart de ses opérations relatives aux visas, à l'accueil, et ainsi de suite. Je dirais que le deuxième handicap est le fait que les autorités chinoises menacent d'empêcher le départ des activistes. Le troisième handicap possible est que tous et toutes, à Hong Kong, n'auront pas nécessairement les moyens de quitter la région pour rejoindre le Canada.
    Sur la base de votre expérience, quels moyens suggéreriez-vous au gouvernement canadien, par l'entremise de notre comité, pour permettre la sortie des activistes, compte tenu de ces différents obstacles?
    Je vous remercie de la question, monsieur Bergeron.
    Comme je l'ai indiqué dans mon allocution, mon expertise en matière d'immigration est fortement concentrée sur le programme des immigrants investisseurs du gouvernement du Québec.
    En ce qui concerne le premier obstacle, soit la pandémie qui suspend tous les programmes d'immigration à l'heure actuelle, à vrai dire, cette réalité touche tous les programmes. À ce sujet, je n'ai donc pas particulièrement de recommandations à faire.
    En matière d'immigration, je pense qu'il y a des compétences importantes au sein du ministère de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Je crois que la principale recommandation est d'agir urgemment et de se pencher immédiatement sur la question.
    Merci, monsieur Chatigny.
    J'aimerais revenir sur les propos de M. Kaeding concernant les raisons ayant amené le gouvernement chinois à intervenir à Hong Kong par l'entremise de la loi sur la sécurité nationale. C'était, semble-t-il, en raison d'une crainte à divers égards, notamment la crainte du mouvement en faveur de l'indépendance. Or, ce que je comprends de votre propos, c'est que l'intervention du gouvernement chinois a pour ainsi dire accentué ce désir d'indépendance, particulièrement chez les jeunes.
    Est-ce que j'ai bien compris le sens de votre intervention?

[Traduction]

    Merci beaucoup pour la question.
    Oui, exactement, c’est mon principal argument, à savoir que, en raison de la répression qui dure depuis quelques années maintenant, le mouvement localiste a fait naître l’idée de l’indépendance comme espoir auquel s’accrocher, comme mécanisme d’adaptation psychologique. Désormais, les pressions supplémentaires déclenchées par l'adoption, l’an dernier, de la loi sur la sécurité nationale ne feront qu’alimenter ce mouvement d’indépendance.
(1335)

[Français]

    Je dois admettre que votre propos m'a paru extrêmement rafraîchissant. En effet, nous faisons souvent face à la difficulté découlant du fait que la Chine est la superpuissance montante et que nous avons peu de moyens pour faire plier le gouvernement chinois. Cependant, vous avez mis le doigt sur cet élément fondamental qu'est la peur. Avec la peur vient une vulnérabilité qui, je pense, devrait nous permettre d'intervenir.
    J'ai une dernière question à vous poser. Vous avez évoqué un sondage que j'ai trouvé intéressant. Il faisait état du fait qu'une bonne partie des Hongkongais se sentaient d'abord hongkongais et non chinois. Cela m'a interpellé, étant donné que les Hongkongais partagent un long héritage culturel et historique.
    Comment expliquez-vous que, désormais, un bon nombre de Hongkongais n'aient plus le sentiment d'être chinois?

[Traduction]

     On peut effectivement constater que le sentiment identitaire des Hongkongais augmente progressivement, surtout maintenant que les pressions s'exercent plus durement. Plus de 80 % des jeunes s’identifient désormais complètement à Hong Kong, et pas du tout à la Chine. Ils essaient même de se distancer sur le plan ethnique.
    Ils partagent souvent l'idée que leurs valeurs fondamentales sont très, très différentes de celles de la Chine continentale. Comme vous l’avez dit, il y a une langue différente, ce qui est très important, une expérience historique différente et un mode de vie différent. Tous ces éléments font partie de l'identité de Hong Kong. Beaucoup de jeunes ont cette mémoire, grâce à leurs parents, et maintenant tout cela a été détruit par l’influence chinoise.
    Merci beaucoup, monsieur Bergeron.
    Monsieur Harris, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les trois témoins de nous avoir présenté cette analyse très importante et pénétrante.
    Je vais commencer par vous, monsieur Chatigny. Vous avez dit que vous aviez aidé plus de 2 000 entrepreneurs à venir au Canada par l’entremise du Québec et de son programme. Puis-je vous demander si leur entrée au Canada faisait partie de l’expansion de la Chine dans le monde des affaires, ou était perçue comme telle par eux, ou s’il s'agissait pour eux d'une démarche personnelle? Je comprends bien que cela dépend des cas, mais y a-t-il une tendance générale? Cela fait-il partie de la stratégie de la Chine pour accroître ses intérêts commerciaux ailleurs?

[Français]

    Non. J'ai rarement eu le sentiment que l'immigration au Canada des gens d'affaires de la Chine faisait partie d'une stratégie ou d'une philosophie d'expansion économique. La plupart du temps, il s'agit simplement de faire venir ici les membres de leur famille et de faire entrer leurs enfants dans les meilleures écoles et universités du monde. Il faut dire que le Canada est un excellent produit dans le domaine et dans l'industrie de l'immigration.
    Généralement, comme vous le savez probablement, l'épouse et les enfants viennent au pays, tandis que le candidat reste en Chine et continue d'y exploiter son entreprise.

[Traduction]

    Merci. Cela répond à ma question.
    Quand on observe la situation de Hong Kong, le rôle de Hong Kong, et les 30 années pendant lesquelles la Chine a connu une expansion rapide pour devenir une puissance importante, il est évident que cela a été en partie attribuable aux ressources financières développées à Hong Kong. À votre avis, cela risque-t-il de changer maintenant? Est-ce qu'il le faudrait, compte tenu de l’expansion déjà rapide que nous constatons? La Chine dépend-elle moins de Hong Kong et de ses finances?

[Français]

    Je vous remercie de la question.
    Au sujet du lien économique entre Hong Kong et la Chine, je dispose de quelques données. Tout d'abord, 70 % des offres publiques initiales à la Bourse proviennent encore de compagnies chinoises. Par ailleurs, le lien économique d'exportations et importations entre Hong Kong et la Chine est maintenant réduit à presque 5 %. Si mon souvenir est bon, il était de 29 % il y a quelques années. Cela a donc beaucoup diminué.
    Dans le programme des immigrants investisseurs, il y a très peu de candidats de Hong Kong, mais cela va probablement changer dans les prochaines années.
(1340)

[Traduction]

    Merci.
    Madame Hom, votre question sur ce que veulent les Hongkongais par rapport à ce que nous voulons est très intéressante. Vous avez peut-être mal interprété ma suggestion. Ce que nous voulons et espérons, c’est que la primauté du droit occupe une place plus importante dans les relations du Canada avec le reste du monde. Cela inclurait évidemment les droits de la personne dans toute la limite du possible.
    Pour ce qui est de la liste des revendications — le suffrage universel, les cinq revendications, le localisme, les mesures législatives demandées, etc. —, cela forme un tout, à mon avis. Devrions-nous, d'après vous, privilégier certaines de ces revendications et trouver des moyens de les appuyer?
     Merci.
    Je ne cherchais pas à attribuer des intentions impérialistes à qui que ce soit, mais à propos de la question, il faut savoir que, en date du 7 juillet 2020, 15 246 481 personnes avaient participé à 1 096 manifestations. Tout cela est documenté et suivi régulièrement par des gens et des groupes de Hong Kong qui étayent les analyses et les recherches sur la situation en cours.
     S'agit-il d'un mouvement monolithique? Non, l'âge des participants et leurs antécédents sont très divers. Il y a les jeunes... Il faut rappeler que 80 % des personnes arrêtées l’an dernier dans le cadre du mouvement étaient des jeunes — pas selon la définition du Parti communiste, qui va jusqu’à 40 ou 45 ans, mais des gens de moins de 30 ans. Il y a parmi eux des travailleurs sociaux, des fonctionnaires, des journalistes, des travailleurs de la santé. Le mouvement a entraîné une croissance rapide des syndicats à Hong Kong. Il se passe donc beaucoup de choses, et le mouvement est diversifié.
    Vous avez souvent entendu les slogans « Sois comme l’eau » et « Aucun chef », mais ce qui importe, ce sont les cinq revendications, dont une seule a été satisfaite, à contrecœur et douloureusement, tandis que les quatre autres sont toujours en suspens: fin de l’impunité pour les responsables des violences policières, suffrage universel promis dans le cadre du principe « Un pays, deux systèmes » et respect des droits et libertés.
    Vous pouvez constater que plus de 500 000 personnes ont voté pour la démocratie aux primaires et que 17 des 18 districts ont été remportés par le camp prodémocratie. C’était un vote de confiance. C’est ce que veulent les gens de Hong Kong, et ce sont des signaux assez forts.
    Merci, madame Hom.
    Je vous remercie, vous en particulier, mais aussi vous, messieurs, de nous avoir fait caresser l'espoir que des efforts sont en cours, des efforts que le Canada devrait appuyer.
    Merci, monsieur Harris.
    Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions.
    Monsieur Albas, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J’aimerais remercier tous nos témoins de ce dont ils ont rendu compte aujourd’hui.
    Monsieur Chatigny, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vais commencer par vous.
    Je m’inquiète de la sécurité des quelque 300 000 Canadiens qui habitent à Hong Kong. Je me demande également si le gouvernement canadien serait prêt à faire le nécessaire si beaucoup d’entre eux décidaient de rentrer au pays, alors qu'ils pourraient être nombreux à ne pas avoir les documents requis, par exemple un passeport canadien.
     Vous avez dit, je crois, que le régime communiste en Chine pourrait exercer un certain contrôle sur les autorisations de départ, selon les documents de voyage que ces personnes auront en main. Est-ce une préoccupation, et que fait le gouvernement canadien pour régler cette question rapidement?

[Français]

    Encore une fois, je dois signaler que mon expertise en immigration se limite au programme des immigrants investisseurs du Québec.
    Au-delà de cela, je crois que les meilleures compétences se trouvent présentement au sein du gouvernement, en l'occurrence au ministère de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.

[Traduction]

    Eh bien, l’ancien ambassadeur Mulroney est venu nous parler de la nécessité pour le Canada de prendre des mesures, en collaboration, bien sûr, avec ses alliés, mais surtout de repenser son cadre de politique étrangère à l'égard de la Chine.
    Maintenant, compte tenu de tout ce qui s’est passé à Hong Kong, on peut se demander si la Chine respecte sa propre politique de « Un pays, deux systèmes. » Je m’inquiète également de ce que cela pourrait signifier à l'égard d'autres aspects de cette politique, notamment en ce qui concerne Taïwan.
    Je vais d’abord poser la question à Mme Hom, et je demanderai peut-être aux deux autres témoins de se prononcer eux aussi.
    Croyez-vous que Taïwan sera la prochaine cible, après Hong Kong?
(1345)
     Je ne suis pas dans la tête de l'autoritaire secrétaire général Xi Jinping, mais il est clair que Taïwan intéressait déjà les dirigeants chinois en 1984. L’idée de « Un pays, deux systèmes » visait à convaincre Taïwan que c’était la solution à la réunification avec le continent. La raison en est que Deng Xiaoping pensait que, 50 ans plus tard, le continent aurait rattrapé son retard et serait plus ouvert et réformé. Mais, depuis 2013, ces espoirs ont malheureusement été anéantis par l'action de Xi Jinping.
    Mais revenons à la question. Je pense que Taïwan a bien observé la situation de Hong Kong et conclu: « Un pays, deux systèmes, ce n'est pas pour nous. » À mon avis, cela exacerbe les tensions de part et d'autre du détroit, parce que les choses sont maintenant très claires. Le président de Taïwan a clairement déclaré qu'il n'y aurait pas de retour. On leur a dit qu’ils ne pouvaient pas déclarer leur indépendance. Eh bien, ils n’ont pas besoin de déclarer leur indépendance. C’est déjà un pays. La géopolitique n'est pas mon domaine — je ne suis qu’une avocate spécialisée dans les droits de la personne —, mais je pense que le Canada devrait envisager de renforcer le soutien et la reconnaissance de Taïwan à l'échelle internationale et trouver des moyens de créer des liens diplomatiques pour lui donner force.
    Il n’y a pas que Taïwan, comme nous l’avons vu dans la région de la mer de Chine méridionale. Le Japon est un peu nerveux. Tout le monde est nerveux dans la région. En passant outre la primauté du droit, en bafouant ses propres obligations internationales et en ignorant les normes internationales, non seulement en matière de droits de la personne, mais aussi en vertu du droit maritime international, en vertu du droit des traités, etc., la Chine crée une situation dangereuse non seulement pour les 300 000 Canadiens installés à Hong Kong et dans les environs, mais, de fait, pour les 7,4 millions de personnes qui y vivent.
    Il est très important de tenir bon en ce qui concerne Hong Kong. Nous sommes en première ligne pour défendre la région.
    Oui. Je vous remercie de votre témoignage.
    Monsieur Kaeding, vous n’avez pas eu l’occasion d’intervenir. Quel est votre avis au sujet de Taïwan? Est-ce que ce sera la prochaine cible?
    Comme Mme Hom, je dirais que c’est très difficile à prédire.
    Comme j'ai essayé de l'expliquer, la Chine est poussée par toutes ces craintes, et il pourrait donc très bien s'agir d’une erreur de calcul du régime chinois, où on se dit: d’accord, peut-être faut-il faire plaisir à Xi Jinping; ou: Xi Jinping s’inquiète des troubles intérieurs ou de la chute du PIB et essaie de détourner l’attention en alimentant l’hypernationalisme en Chine. Ce sont des conséquences imprévues, ou peut-être prévues.
    Je ne crois pas que Taïwan soit visée par une stratégie précise, mais elle est toujours sur la liste des questions à régler.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Albas.
    Je cède maintenant la parole à M. Dubourg pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    C'est à mon tour de saluer tous les témoins qui participent aujourd'hui à cette séance portant sur un dossier si important.
    Je ne dispose pas de beaucoup de temps, mais je voudrais adresser ma première question à Mme Hom.
    Madame Hom, vous avez 18 ans d'expérience en tant que professeure. Vous avez formé des juges ainsi que des avocats dans diverses écoles. Je voudrais que vous continuiez à nous faire part de vos connaissances.
    Vous avez dit, lors d'une entrevue accordée en mai 2020 au Hong Kong Free Press, que le changement était toujours apporté par le peuple et non par des réformes mises en œuvre par le gouvernement.
    Dans le contexte de cette nouvelle loi sur la sécurité nationale, pensez-vous toujours que les manifestations du mouvement prodémocratie à Hong Kong vont finir par connaître du succès?
(1350)

[Traduction]

     J'ai vraiment besoin de prendre du recul pour pouvoir réfléchir à toute l’expérience des dernières années.
    Je vous dirai, très rapidement, que j'ai retiré une chose très importante de la formation que j’ai dispensée en Chine continentale: il faut faire appel à des « bras ». On ne peut instaurer la primauté du droit si l'on ne peut compter sur des gens. Voilà pourquoi il était si important de former de jeunes avocats et de jeunes enseignants. D'ailleurs, c'est maintenant à leur tour de relever l'énorme défi des réformes juridiques sur le continent. Et c'est ce qu'ils font.
    Je suis très impressionnée par le fait que ce comité parlementaire, plus que n'importe quel autre devant lequel j’ai comparu, ait effectivement lu nos écrits et qu'ils nous les resservent. C’est la question des droits de la personne. Personnellement, sur un plan intellectuel, je suis assez pessimiste, mais en tant qu’avocate et militante des droits de la personne, je n'ai pas vraiment ce luxe. Notre travail consiste à proposer une solidarité et un espace sûr qui permettent aux Hongkongais de poursuivre le travail. Le syndicat des étudiants de Hong Kong a fait paraître une annonce pleine page pour dire que ses membres sont prêts à mourir, qu'ils sont prêts à donner leur vie pour la liberté, avec une lettre d’introduction percutante citant Mme Hannah Arendt sur le totalitarisme. Même dans ces circonstances difficiles, on voit ces étudiants, ces jeunes gens, continuer de parler haut et fort.
    Je dois ajouter que, sur le continent, là où une véritable répression s'exerce depuis 75 ans, il existe un soutien pour les Hongkongais. Les Chinois du continent sont poursuivis, emprisonnés, harcelés. Douban est la plus grande plateforme en ligne qui permet d'avoir accès à des films et à des médias sociaux. Il y a des millions d’abonnés. Malgré toute cette répression, quelqu’un vient d’afficher un commentaire sur la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong. Douban a eu l'audace et le courage de lui donner une étoile. Pour moi, cela revient à dire que nous pensons gagner parce qu'ils ne peuvent pas tous nous tuer.
    C'est la métaphore du coq: « Même si l'on tue tous les coqs, le jour continuera de se lever. » C’est un fait.
    Merci beaucoup. Je n’ai qu’une autre question, si j’en ai le temps.

[Français]

    Vous avez formé ces avocats. Vous avez même dit que, dans le cas de plusieurs articles et éléments de cette nouvelle loi, la traduction était erronée.
    Comment ces jeunes avocats vont-ils protéger ou défendre ces gens qui manifestent? Le Canada peut-il fournir un soutien dans cette situation?

[Traduction]

    C’est une excellente question, et c'est de ce côté-là qu'il faut agir. Le Canada a participé à de nombreux échanges juridiques sur la primauté du droit, tout comme les États-Unis et l’Union européenne. Dans ces échanges, si on veut participer et faire quelque chose d’utile, il faut penser au soutien technique. Les avocats du continent ne connaissent pas la common law de Hong Kong. Les avocats de Hong Kong ne connaissent pas les légalités socialistes du continent, quelle que soit la façon dont on décide d'appeler cela. Il faut une formation à ce sujet.
    Je rappelle également que les juristes de Hong Kong participent depuis le 1er juillet à l’organisation d’ateliers juridiques détaillés sur la façon dont nous élaborons et comprenons... et nous devrions appuyer ces initiatives.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Dubourg.
    Monsieur Genuis, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins. Je trouve ce groupe de témoins très inspirant.
     Madame Hom, je vous remercie de votre invitation à l’optimisme. Nous avons vu comment les mouvements populaires ont pu apporter des changements incroyables dans des environnements où on ne s'y attendait peut-être pas. Je pense que le courage des manifestants de Hong Kong peut être un exemple pour nous, parlementaires. On nous dit parfois d'être prudents, parce qu’il faut craindre les mesures de rétorsion éventuelles du gouvernement chinois, mais nous avons l'exemple inspirant de personnes qui sont conscientes des conséquences majeures sur leur vie et leur sécurité, mais qui défendent pourtant avec courage les principes de justice et de liberté.
    Je rappelle que nous venons de célébrer le 75e anniversaire de la victoire dans le Pacifique, en rendant hommage aux soldats canadiens qui ont donné leur vie pour la liberté de Hong Kong. J’espère que nous, membres de ce comité et parlementaires, allons continuer en suivant leur exemple et celui de ces manifestants.
    Pourriez-vous nous parler des répercussions positives que la prise de position des Hongkongais pourrait avoir en aval? Nous avons parlé des répercussions négatives éventuelles sous la forme des mesures que le gouvernement chinois pourrait prendre à l'égard de Taïwan et d'ailleurs. Qu’en est-il des répercussions positives éventuelles de la prise de position des Hongkongais au sujet de leurs droits fondamentaux? Dans quelle mesure celle-ci pourrait-elle inspirer la réaction des continentaux aux violations de leurs droits humains?
(1355)
     Merci, monsieur Genuis. Je suis vraiment désolée de n'avoir pas pu vous rencontrer en février, quand j'ai pris la parole à Vancouver. Je suis très heureuse d’avoir enfin l’occasion de vous voir et de vous rencontrer, et j’espère que nous en aurons encore l’occasion.
    Premièrement, il y a en fait des effets positifs en aval pour tous les membres du mouvement, et nous sommes très inspirés par chaque voix qui s'exprime, chaque publicité qui est postée et chaque action qui est menée.
    Deuxièmement, cet effet en aval nous touche, ce qui incite la censure de Pékin à intervenir. Cet effet positif en aval inspire les défenseurs des droits de la personne et les simples citoyens de la Chine continentale.
    Troisièmement, cet effet en aval n'est pas unique, puisqu'il s'inscrit dans un mouvement mondial important contre les régimes autoritaires. Nous constatons la même chose au Bélarus et contre les violences policières aux États-Unis, au Tibet et contre les Ouïghours. Tous ces mouvements s’inspirent les uns des autres et apprennent leurs stratégies les uns des autres, mais je pense que le mouvement de Hong Kong a été particulièrement inspirant parce que les gens de Hong Kong ont fait front, contre toute attente et de façon incroyable, ce que la communauté diplomatique considère comme impossible parce qu'elle est trop prudente.
    Je dirais que le temps de la naïveté est bel et bien révolu, mais il est également clair qu'on ne peut plus parler d'aboutissement possible de nos relations avec la Chine, après 30 années de tentative. Je pense qu’il est temps de reprendre cette stratégie à zéro et de l'articuler en plaçant les gens en son centre.
    Merci beaucoup.
    Pourriez-vous aussi nous parler de la question des sanctions dont les deux groupes de témoins ont traité. Je n’ai entendu aucun de nos témoins aujourd’hui déclarer qu’il était opposé à des sanctions ciblées en vertu de la loi Magnitski. J’ai entendu dire que nous voulions nous assurer que nos sanctions ciblent ceux qui violent les droits de la personne, que nous n’imposions pas de sanctions générales et mal dirigées contre toute une économie. De toute façon, la tendance en matière de sanctions consiste à se concentrer sur les coupables tout en essayant de ne pas nuire aux innocents.
    Pouvez-vous nous dire comment nous pouvons cibler efficacement les sanctions de façon à toucher les responsables de la répression et non pas les mauvaises personnes?
    Je suis d’accord avec M. Kaeding pour dire que les sanctions devraient être aussi générales que possible dans le cas des personnes ciblées, c’est-à-dire de celles qui font partie du Front Uni, de la police et de l’administration de la RAS de Hong Kong.
    Je veux aussi vous mentionner que des listes exhaustives ont déjà été compilées par les gens de Hong Kong. J’exhorte le Comité à les examiner quand viendra le temps de réclamer des sanctions ciblées. Choisissez vos cibles, parce que, je vous le dis, il y a des centaines de noms.
    Le deuxième élément de toute sanction ciblée consiste à ne pas simplement faire des menaces. Il faut joindre le geste à la parole et il faut voir des résultats.
    Enfin, les dirigeants de la Chine continentale à Hong Kong ont un intérêt dans la façon dont la crise de la RAS va se dénouer, car ils veulent protéger leurs investissements, leurs positions privilégiées dans l’immobilier et partout ailleurs. Je pense qu’il faut les cibler de façon générale, et ces personnes ont toutes été identifiées.
    Oui.
    Merci beaucoup.
    C’est le fondement même des sanctions Magnitsky, n’est-ce pas? Elles ciblent les personnes et pas le peuple.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Genuis.
    Nous allons maintenant passer à Mme Zann pour cinq minutes. Allez-y.
    Merci beaucoup.
    Je suis désolée de continuer à poser des questions au même témoin, mais je suis très curieuse.
    Madame, vous avez dit qu'un certain nombre de personnes de la Chine continentale s’inquiètent de ce qui se passe à Hong Kong. L’autre jour, j’ai indiqué à un autre comité que j’avais vu à la télévision des entrevues de gens vivant en République de Chine qui ne semblaient pas penser que cette nouvelle loi était un problème particulier, qu’elle visait davantage à protéger la Chine dans son ensemble et à les protéger.
    Dans quelle mesure la population de la Chine continentale est-elle au courant de ce qui se passe et que pense la majorité des gens des changements que le gouvernement essaie de mettre en œuvre à Hong Kong?
(1400)
    Si on peut parler de diversité dans le cas des 7,4 millions d'habitants de Hong Kong, on peut dire la même chose du milliard de Chinois continentaux...
    Bien sûr.
    N'oublions pas que les ressortissants du continent qui sont interviewés à la télévision publique ne peuvent pas dire n'importe quoi. Bien sûr, certains croient en la diplomatie du loup guerrier, mais je crois que, si on leur posait la question, ils avoueraient qu'il vaut mieux être prudent à la télévision.
    Il y a des signes qui ne trompent pas, malgré ce que j'ai dit. En effet des gens ordinaires de Chine continentale, comme des chauffeurs de taxi — pas des militants — déclarent leur appui aux gens de Hong Kong dans les médias sociaux, et sont arrêtés pour cela. Voilà, je crois, qui montre à quel point cette vague est puissante, car en dépit de toute la censure, il est impossible d'arrêter la circulation de l’information, malgré la loi en vigueur, malgré tout l’appareil législatif, policier et technologique. D'ailleurs, nous n’avons pas parlé des aspects technologiques qui seraient peut-être un bon thème pour une séance de suivi.
    Tout cela est donc extrêmement important. En fait, nous avons tenté de recenser les cas d'appui pour le mouvement par des résidents de la Chine continentale. Je trouve à la fois surprenant et encourageant de voir qu’une personne... La loi continentale exige l’enregistrement du nom réel. Autrement dit, quand on publie ou qu'on fait quoi que ce soit en ligne sur le continent, il faut décliner sa véritable identité, ce qui revient à dire que les autorités peuvent vous retracer à partir de votre adresse IP. Ainsi tout Chinois qui critique ouvertement la loi sur la sécurité nationale de Hong Kong est vraiment courageux.
    On peut dire tout ce qu'on veut en Chine, à condition que ce soit conforme au discours du parti. Dès qu'on remet ce discours en question ou qu'on le module, on court le risque de se faire accuser d’incitation à la révolte, de sédition, de manque de loyauté, de sinophobie, etc.
    Je ne suis pas certaine d’avoir répondu à la question.
    Merci beaucoup.
     Je reste un peu perplexe après ce que vous avez dit tout à l’heure, soit que nous devrions être très prudents et ne pas laisser tomber Hong Kong en agissant comme si tout était perdu, parce qu'il est possible que la RAS aboutisse dans sa quête démocratique, contre vents et marées. Vous avez également dit que nous ne devrions pas imposer de sanctions risquant de nuire au peuple chinois.
    Quand vous parlez de sanctions ciblées, jusqu'à quel point écartez-vous la possibilité de sanctions générales appliquées, par exemple, aux exportations de produits agricoles ou des produits de la mer à destination de la Chine, et des choses de ce genre?
    Je ne suis ni économiste ni experte en la matière. Nous n’avons pas pris de position très ferme à l'égard des sanctions générales, parce que cela exige une connaissance qui va au-delà de la question des droits de la personne. Par contre, un des Instituts Confucius qui était sur le point de fermer exporte du homard vers la Chine. Eh bien, il ne va pas fermer à cause du problème du homard.
    Je sais que d’autres intérêts sont en jeu, mais des sanctions ciblées — je l’ai déjà dit et je ne veux pas le répéter dans ce temps limité — peuvent donner des résultats si vous ciblez plus que les 12 noms. Il y a en fait un mème qui circule à Hong Kong, et je ne dirai pas ce qu'il dit à cause des mots employés, mais sachez qu'il s'inspire du film Ocean’s Eleven ou L'inconnu de Las Vegas.
    Quand je dis qu'il ne faut pas mettre tout Hong Kong sous embargo, je veux parler de la nécessité de maintenir les solutions humanitaires urgentes sur lesquelles tout le monde se concentre afin de faire sortir ceux qui doivent sortir et de...
    Merci.
    Je vous exhorte à tenir compte de la situation de ceux qui choisissent de rester ou de ne pas partir. C’est ce que je voulais dire.
    Merci beaucoup. Merci de cette précision.
    Merci, madame Zann.

[Français]

    La parole est maintenant à M. Bergeron pour deux minutes trente secondes.
    Merci, monsieur le président.
    D'abord, en ce qui concerne les sanctions, je vais peut-être lancer un pavé dans la mare, mais il m'apparaît que, si l'on veut nuire à la poule aux oeufs d'or qu'est la République populaire de Chine, il vaut peut-être la peine, effectivement, d'envisager des sanctions qui auront une incidence sur l'efficacité économique de Hong Kong. Quoi qu'il en soit, les témoins voudront peut-être s'exprimer sur la question.
    Par ailleurs, dans la foulée de la question posée par mon collègue M. Dubourg, j'aimerais savoir, madame Hom, quel rôle pourrait jouer le Canada sur le plan de la loi, en se fondant sur son expérience en matière de bijuridisme et de bilinguisme. Quelle forme cette aide pourrait-elle prendre?
(1405)

[Traduction]

     Premièrement, il faut appuyer les juristes, particulièrement à Hong Kong, qui travaillent dans les universités et les facultés de droit où ils font un travail technique très concret et réfléchissent de façon constructive à ce qui peut être fait pour interpréter, appliquer et restreindre la loi. Comme nous le savons, la loi sur la sécurité nationale et le code pénal, en vertu de la jurisprudence en common law, doivent être interprétés et appliqués de la façon la plus restrictive et la plus étroite possible, et non de façon générale. Ce n’est qu’une règle générale.
    Deuxièmement, pour ce qui est du soutien, je pense que nous devons nous concentrer sur ce qu'il est possible de faire, non seulement pour punir, menacer et condamner, mais aussi pour offrir un soutien proactif et constructif. Par exemple, la Chine a le statut d'observateur au Conseil de l’Arctique, où le Canada joue un rôle important. Il faut voir la chose comme dans le dossier de la durabilité environnementale. Le Canada et d’autres pays analysent et évaluent la durabilité des activités commerciales et d'autres types d'activités. Il faut faire la même chose dans le cas des droits de la personne. Il faut intégrer les constats dans les plans d’investissement. Il faut appliquer la diligence raisonnable aux droits de la personne également, sinon on ne fait preuve d'aucune diligence raisonnable, pas plus sur le plan de la politique gouvernementale qu'en matière de commerce.

[Français]

    Il vous reste 15 secondes.
     Mme Hom voudra peut-être se prononcer sur la question de nuire à la poule aux œufs d'or.

[Traduction]

    Il ne vous reste que quelques secondes.
    Disons simplement qu'il ne faut pas nuire à Hong Kong de façon générale. Je pense que cela va de soi. Le tout est de faire la différence entre intervention chirurgicale et intervention tous azimuts.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Harris, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    J’espère que vous m’entendez. J’ai dû passer à un téléphone cellulaire. La pile de mon téléphone de fonction est à plat.
    Nous vous entendons.
    D’accord.
    Monsieur Kaeding, des témoins précédents ont laissé entendre que Hong Kong pourrait aller dans un sens ou dans l’autre. Des personnes très en vue ont été arrêtées lors d'opérations de répression éclairs, mais d'autres aussi l’ont été, remarquez bien. La loi est l’objet d’une application très sélective. Donc la situation pourrait aboutir dans un sens ou dans l’autre. La répression pourrait se poursuivre ou diminuer.
    Vous ne pouvez pas prévoir, bien sûr, mais est-ce que notre réaction pourrait influer sur le cours des événements? La réaction des Canadiens pourrait-elle avoir un effet?
    Bien sûr, vous avez raison de dire que nous ne savons pas de quelle façon les Chinois vont appliquer la loi, mais on peut constater que Mme Carrie Lam n'a pas dit vrai, au début, quand elle a affirmé qu’il n’y aurait qu’un très petit nombre de personnes touchées. La répression est plus vaste que nous ne le craignions. Sans la réaction du Canada et d'autres pays aux vues similaires, les Chinois supposeront que l'affaire est dans le sac, qu’ils ont réussi à intimider les Hongkongais et à obtenir ce qu’ils veulent de cette RAS sans aucune réaction de la communauté internationale. Je pense donc que le Canada devrait réagir.
    Merci.
    Madame Hom, pourriez-vous nous en dire plus sur une chose que vous avez déclarée plus tôt? Vous avez dit avoir « foi » dans le lent balancier de l’histoire qui tend vers la justice. Je pense que c’est un commentaire très optimiste et réfléchi. Vous avez également dit que les Hongkongais savent qu’ils doivent jouer le long jeu dans la durée. M. Jimmy Lai, même depuis sa récente arrestation, a parlé du fait qu’il faudrait peut-être apporter des changements tactiques pour être efficace et créatif à long terme.
    Pouvez-vous nous dire quelles pourraient être les prochaines étapes pour le mouvement prodémocratie et ce que nous devrions surveiller et encourager autant que faire se peut?
    Veuillez répondre en 15 secondes, s’il vous plaît.
    Prendre au sérieux l’article 4 de la loi sur la sécurité nationale et la protection du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le PIRDCP. Du point de vue de la compétence conférée par l’article 55, les affaires portées devant les tribunaux continentaux ne peuvent tomber sous le coup du droit pénal et du droit de la procédure pénale en vigueur sur le continent, auxquels la Chine veut les assujettir. Cependant, il va falloir que la communauté internationale et le Canada se fassent entendre pour s’assurer que toute affaire jugée par les tribunaux continentaux obéisse d’abord et avant tout aux protections découlant de l’application régulière de la loi en vertu de l’article 4 de la loi sur la sécurité nationale ainsi que du PIRDCP.
     À l’heure actuelle, les Chinois sont prudents à cet égard. Le premier cas qu’ils présenteront sera, comme il se doit, passé à la loupe de la communauté internationale...
(1410)
    Merci, madame. Le temps de M. Harris est écoulé.
    Nous sommes arrivés au terme du temps alloué à notre second groupe de témoins, et donc à la fin de la séance.
    Tout d’abord, au nom de tous les membres du Comité, je remercie infiniment les témoins. Nous vous sommes très reconnaissants de votre présence, de votre temps et de vos témoignages.
    Je vois des députés applaudir de loin.
    Je rappelle aux membres du Comité que notre prochaine réunion aura lieu le mardi 25 août, à 11 heures, heure de l’Est.
    Pour ceux d’entre nous qui sont en Nouvelle-Écosse, ce sera bien sûr à midi. Pour M. Harris, ce sera un peu plus tard, une demi-heure plus tard pour être exact.
    Merci beaucoup. La séance est levée.
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