Merci, monsieur le président. Je suis très honoré d'avoir été invité à témoigner devant le Comité.
J'ai pris connaissance de tous les témoignages entendus par le Comité lors des réunions 3, 4 et 5, que la greffière m'a fait parvenir. Tous les témoins étaient de hauts fonctionnaires qui sont venus expliquer au Comité comment ils appliquent les politiques du gouvernement canadien à l'égard de la Chine.
Ce matin, je vais mettre en lumière certains aspects des relations sino-canadiennes que j'ai été déçu de ne pas voir être abordés dans les témoignages précédents, ainsi que certaines affirmations auxquelles je donne une interprétation différente. Pour conclure, je vais formuler quelques recommandations au gouvernement fédéral afin qu'il fasse valoir de manière plus efficace les intérêts du Canada dans ses relations avec la Chine.
En premier lieu, je tiens à dire que dans ma famille comme dans beaucoup de familles canadiennes, nous parlons chinois, pas anglais ni français. Je le souligne parce que, dans ma jeunesse, j'ai lu beaucoup de classiques chinois dans leur version originale. Voilà plus de 40 ans, j'ai eu le privilège exceptionnel d'être initié à l'histoire de la Chine antique grâce au programme de la faculté de philosophie de l'Université Fudan, à Shanghai.
C'est pourquoi j'ai été assez étonné de lire ceci dans le témoignage d'un haut fonctionnaire devant le Comité:
[...] accordent beaucoup d'importance aux valeurs du collectivisme et de la bonne entente, en raison de leur patrimoine confucianiste. Il faut comprendre à quel point la Chine chérit l'unité et les besoins de la société dans son ensemble, plutôt que la liberté de choix individuel... Nous devons tout simplement saisir cela. C'est ce qui façonne les Chinois.
Le même témoin ajoute ceci: « Certains éléments du collectivisme et de la bonne entente vont à l'encontre des droits de la personne. Ils sont différents. »
En parlant ainsi, notre ambassadeur se fait l'écho de la propagande officielle du Parti communiste chinois dirigé par le secrétaire général Xi Jinping. Le Parti communiste chinois maintient sa légitimité politique en se réclamant d'une culture traditionnelle qui, selon son interprétation, justifie que le pays maintienne un régime autocratique à parti unique en cette ère moderne.
Il s'agit d'une interprétation aberrante, qui selon moi est entièrement réfutée par les démocraties dynamiques, fondées sur le respect des droits de la personne et la primauté du droit, qui existent aujourd'hui à Taïwan et en Corée du Sud.
Une chose me trouble particulièrement au sujet de nos politiques à l'égard de la Chine. Si le Canada adhère à l'idée qu'elle chérit l'unité et les besoins collectifs au détriment de la liberté de choix individuel, est-ce qu'il faut comprendre qu'il restera les bras croisés devant la vaste et ignoble campagne de génocide culturel contre les Ouïghours et les autres ethnies musulmanes d'origine turque que les Chinois confinent, selon les informations que nous recevons, à ce qu'ils appellent des camps de rééducation, avec interdiction totale de pratiquer leur religion durant leur internement? Le témoin précédent ne savait pas combien d'Ouïghours sont internés, mais le Département d'État américain a parlé de trois millions. Ils sont en tout cas au moins 1 million, sur une population totale de 10 millions d'Ouïghours en Chine.
Ce n'est pas le seul exemple d'inaction du Canada. Pourquoi a-t-il inscrit le nom des dirigeants du Soudan, de la Russie, du Venezuela et de l'Arabie saoudite sur la liste Magnitsky créée en application de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, alors que les noms des complices d'actes de persécution contre des Tibétains, des Ouïghours, des adeptes du Falun Gong, des chrétiens ou des militants pour la démocratie y font cruellement défaut?
Il est clair selon moi que ces omissions envoient un message très clair à la République populaire de Chine: la diplomatie par prise d'otages et l'imposition arbitraire de sanctions commerciales contre le Canada sont des politiques gagnantes. L'absence de réponse ferme de notre part risque d'encourager le régime chinois à récidiver.
En second lieu, les fonctionnaires qui ont comparu devant le Comité au cours des réunions précédentes ont répété ad nauseam que dans ses relations avec la Chine, le Canada se concentre sur « la libération immédiate de Michael Kovrig et de Michael Spavor, ainsi que la clémence envers Robert Schellenberg ».
Or, quand elle a été interrogée à ce sujet, une fonctionnaire a indiqué qu'il y a deux Canadiens, M. Schellenberg et M. Fan Wei, dont la condamnation à la peine de mort est publique. Pourquoi l'attention est-elle concentrée sur Kovrig, Spavor et Schellenberg, trois Canadiens qui ne sont pas d'origine chinoise, et parle-t-on si peu de Huseyin Celil et de Fan Wei qui sont aussi Canadiens?
Je crois que c'est très inquiétant pour tous les Canadiens qui résidaient en République populaire de Chine avant d'obtenir leur citoyenneté canadienne et d'intégrer notre famille nationale.
Faut-il en déduire que nous nous rangeons tacitement aux arguments selon lesquels les personnes d'origine chinoise qui vivent au Canada conservent une obligation résiduelle d'allégeance à l'État chinois, même après l'obtention de la citoyenneté canadienne? Est-ce la raison pour laquelle notre gouvernement ferme pour ainsi dire les yeux sur le grave problème de harcèlement exercé par l'État chinois à l'endroit des personnes originaires de la République populaire de Chine qui vivent maintenant au Canada, alors qu'il s'agit d'une violation flagrante des droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés?
Pour terminer, j'aimerais donner quelques recommandations au gouvernement canadien pour l'aider à faire valoir beaucoup plus efficacement les intérêts du Canada en Chine.
Au fil des années, il devient de plus en plus évident que la République populaire de Chine n'a aucun respect pour les règles diplomatiques internationales. La semaine dernière, le bureau du président du gouvernement tchèque a admis le coulage d'un message reçu de l'ambassade chinoise à Prague. Dans ce message, la République populaire de Chine avertissait que si le président du Parlement tchèque décidait d'aller de l'avant avec son projet de se rendre à Taïwan, elle prendrait des sanctions contre trois sociétés tchèques ayant d'importantes activités en Chine, dont le célèbre fabricant de pianos Petrof.
Dans l'affaire tchèque, contrairement à celle qui a mené aux sanctions imposées à notre industrie du canola sous le prétexte d'une teneur trop élevée en impuretés dans les graines, la République populaire de Chine ne s'est même pas donné la peine de trouver un prétexte pour légitimer ses menaces de représailles commerciales contre tout pays insoumis à son programme politique. Les sociétés visées par les sanctions ont été choisies en raison de leurs liens avec des politiques influents à Prague.
Pour replacer l'affaire dans son contexte, il faut se rappeler que Taïwan a un gouvernement national totalement maître de son territoire, qui a été élu de manière légitime à l'issue d'un processus électoral libéral et démocratique. Par conséquent, qu'est-ce qui empêcherait le président du Parlement tchèque d'y aller? Le fait est qu'il ne s'y est jamais rendu parce qu'il est mort subitement et tragiquement il y a quelques jours.
Le Canada a perdu le respect du régime chinois à cause de son inertie malgré les outrages qu'il lui a fait subir. Il est grand temps de lui rendre la monnaie de sa pièce, notamment pour contrer l'importation illégale et soutenue du très dangereux fentanyl au Canada.
Quelles sont les conséquences pour nous?
Des témoins ont déclaré que les exportations vers la Chine représentent 4,7 % environ du commerce extérieur du Canada, et probablement moins dans les circonstances actuelles, alors que les exportations vers les États-Unis comptent pour 75 %. Nous vendons surtout des produits de base à la Chine, comme du canola, du soya, de la potasse ou du bois.
Dans l'éventualité très improbable que nous provoquions l'ire du régime chinois en restant fidèles à nos principes canadiens et à l'ordre international fondé sur les règles, et qu'il décide de nous fermer un peu plus les portes de son marché, les conséquences seraient certes dévastatrices pour certains secteurs et il faudra les indemniser. Cela dit, je ne crois pas que les dommages seraient aussi graves que ce que prétendent les protecteurs du régime; il existe une demande mondiale pour ces produits et nous pourrions certainement trouver preneurs ailleurs.
Je ne crois pas que l'attitude attentiste du Canada devant les atteintes répétées de la Chine aux règles établies en matière de diplomatie et de commerce internationaux lui permettra de stopper la détérioration de nos relations avec ce régime, et certainement pas de favoriser un dénouement heureux pour Celil, Spavor et Kovrig.
Si vous me le permettez, j'aimerais dire un dernier mot. Au début de l'année, mon amie Anne-Marie Brady a fait un compte rendu de l'enquête du Parlement néo-zélandais sur l'ingérence étrangère. Elle a expliqué dans le détail le vaste stratagème mis en œuvre par le Parti communiste chinois pour amener les politiciens, les universitaires et les gens d'affaires étrangers à faire la promotion de son programme par l'intermédiaire des lobbys politiques, des médias et des milieux universitaires. En plus des occasions d'affaires et des voyages gratuits en Chine offerte à coups de pots-de-vin, de ruses et d'autres manœuvres, des sociétés de conseils permettent à des conseillers très en vue d'empocher jusqu'à 150 000 dollars américains par année en étant simplement affiliés à des organismes de la République populaire de Chine. Tant qu'ils font la promotion des relations avec la Chine suivant sa propre rhétorique, les conseillers peuvent passer à la caisse.
J'invite instamment le Comité à jeter un sérieux coup d'œil à la Foreign Influence Transparency Scheme Act que l'Australie a adoptée en 2018. Le Canada doit reconnaître que des fonds chinois sont injectés dans nos campagnes électorales et que des politiciens et des fonctionnaires canadiens sont payés pour s'afficher comme des amis de la Chine.
Monsieur le président, je me réjouis de répondre aux questions complexes et corsées du Comité sur les sujets que j'ai abordés et les nombreux autres que j'ai dû, à regret, laisser de côté à cause de la contrainte de temps.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Avant de commencer, je vous prie d'excuser ma tenue très décontractée. Je suis à Toronto, en transit vers la Turquie, où je vais faire un trek. J'ai fait une escale pour témoigner devant vous.
Mon exposé durera à peu près huit minutes. Je vais essayer d'aller aussi vite que possible.
Je vous remercie de m'inviter à comparaître devant le Comité. C'est un honneur pour moi de pouvoir parler des relations entre le Canada et la Chine, auxquelles j'ai consacré une grande partie de ma carrière au sein du Service extérieur canadien.
J'ai le privilège d'observer les relations entre le Canada et la Chine et d'y participer depuis plus de 30 ans. En effet, j'ai été affecté à trois reprises à notre ambassade à Beijing entre 1984 et 2008. J'ai aussi occupé le poste de négociateur adjoint pour le Canada lors de l'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce, puis celui de directeur général pour l'Asie du Nord au sein du ministère qui s'appelle aujourd'hui Affaires mondiales Canada.
Ces missions étaient à la fois fascinantes et difficiles, car la gestion des relations entre le Canada et la Chine, même dans les meilleures conditions, est un véritable défi. La Chine est un pays complexe et plein de contradictions. Sur le plan diplomatique, elle peut agir avec douceur et doigté, mais elle peut également se montrer maladroite et brutale. Comme le Canada a maintenant pu le constater par lui-même, sa façon de traiter les pays, sauf les plus puissants, qui repose sur un régime de récompenses et de punitions, peut faire basculer les relations, qui se retrouveront alors au point mort. C'est ce que vit le Canada en ce moment. La Chine a arrêté les deux Michael en guise de représailles à la détention de Meng Wanzhou par le Canada et, de ce fait, les relations bilatérales ont atteint un creux inégalé depuis l'établissement des liens diplomatiques entre le Canada et la Chine, il y a 50 ans.
Dans le contexte de l'affaire Meng Wanzhou, le gouvernement devra faire des choix très difficiles. Il n'y a pas de solution parfaite. Il peut laisser l'affaire suivre son cours dans le système judiciaire. Si le juge décide que l'extradition doit avoir lieu, cela conduira à un procès et à de nombreuses années d'emprisonnement, dans des circonstances très difficiles, pour les deux Canadiens. Si le ministre de la Justice décide d'intervenir et de libérer Meng afin d'obtenir la libération des deux Michael, il récompensera le mauvais comportement de la Chine. N'oublions pas que ces deux hommes ne sont pas les premiers Canadiens à avoir été arrêtés arbitrairement en réaction à des mesures prises par le gouvernement du Canada. C'est pour cette raison que la décision qui sera prise doit absolument s'inscrire dans une stratégie plus vaste de gestion de nos relations avec la Chine.
La Chine considère cette affaire en termes géopolitiques, je crois, et l'arrestation de Meng Wanzhou fait partie d'une stratégie plus générale menée par les États-Unis pour entraver l'essor de la Chine et nuire aux principales entreprises chinoises. La Chine ne reculera pas. Je crois donc que la seule façon d'obtenir la libération des deux Michael est de libérer Meng Wanzhou, soit par une décision judiciaire, soit par un arrêté du ministre de la Justice.
Si la deuxième approche est adoptée, elle devra faire partie d'une décision d'ensemble qui inclurait le rejet de la proposition de Huawei en ce qui concerne le réseau 5G et le rétablissement de l'accès au marché du canola pour le Canada, ainsi que d'autres dossiers en suspens. Je pense aussi que le Canada pourrait jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration d'une réponse collective à l'une des pratiques de la Chine, soit celle consistant à prendre des personnes en otage. La Chine a recours à cette pratique en toute impunité depuis un certain temps et elle a emprisonné arbitrairement des citoyens de plusieurs pays. Si tous les pays touchés par cette pratique s'engageaient à intervenir collectivement lorsqu'un citoyen de l'un des pays est pris en otage, en prenant par exemple des mesures commerciales, ils enverraient un message fort à la Chine et lui signaleraient que de telles actions ne seront pas tolérées. Il s'agit d'une situation complexe et difficile, et il sera ardu de déterminer la voie à suivre à l'avenir. Il a été question, en particulier du côté de la Chine, de surmonter les circonstances actuelles et de remettre les relations entre les deux pays sur la bonne voie, en revenant à la situation antérieure à l'arrestation de Meng. Je ne crois pas que ce soit possible. Cette affaire a grandement entaché l'image de la Chine au Canada et a fondamentalement modifié l'opinion des Canadiens et probablement la relation elle-même.
La Chine est importante pour le Canada et elle le demeurera, tant à titre de puissance économique que d'acteur mondial. Cela dit, la situation actuelle a fait ressortir l'importance de faire preuve de lucidité en ce qui concerne la Chine et de comprendre ce qui motive ses décisions en matière de politique étrangère. L'approche de la Chine relativement aux affaires étrangères est rigoureuse, stratégique et fondée sur la puissance plutôt que sur les principes. Elle se concentre presque exclusivement sur la promotion de ses propres intérêts par l'exercice d'un pouvoir ferme et d'un pouvoir discret, y compris au sein des institutions mondiales. Son point de vue s'inspire de son histoire, marquée par le découpage du pays et l'invasion de celui-ci par des puissances étrangères à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Pour ces raisons, la Chine est déterminée à ne plus jamais être faible, et elle s'efforce donc de redevenir la puissance mondiale qu'elle a déjà été. Il y a un fort courant de scepticisme et de suspicion au sein du système chinois à l'égard des intentions et de l'objectif ultime de l'Occident en ce qui concerne la Chine.
Nous devons également garder à l'esprit qu'un élément fondamental de la politique étrangère chinoise — et en fait, de toute politique — est le maintien au pouvoir du Parti communiste. La direction est donc axée sur la stabilité, qui nécessite une croissance économique soutenue, des relations pacifiques aux frontières du pays et, de plus en plus, la prise en compte des préoccupations de la classe moyenne relativement à la dégradation de l'environnement et à la corruption. La préservation et le maintien de cette stabilité s'inscrivent également dans les efforts déployés par Xi Jinping pour renforcer la présence et le rôle de chef de file de la Chine sur la scène mondiale.
Pour gérer avec succès les relations avec la Chine, il faut avoir une idée claire des priorités et des intérêts du Canada et s'engager fermement à les faire progresser et à les défendre. Les récits des premiers missionnaires canadiens en Chine et de Norman Bethune, de même que la décision du Canada de vendre du blé à la Chine à la suite de la grande famine, sont autant d'éléments qui fournissent une belle mise en scène et du contenu réconfortant pour les discours, mais ils demeurent très peu pertinents. En effet, la Chine manie le pouvoir et respecte la puissance. Si nous défendons les intérêts du Canada de manière ferme et stratégique et connaissons notre pouvoir de négociation, nous nous ferons respecter. Par contre, si nous sommes trop conciliants par souci d'amitié ou par crainte d'offenser qui que ce soit, nous paraîtrons faibles. La Chine joue bien ce jeu.
Il est également important que le gouvernement évite de considérer la Chine sous un angle idéologique ou politique préconçu ou en se fondant sur une seule question. S'il le fait, il sapera notre capacité à tenir compte de la réalité complexe du pays et nos relations avec celui-ci.
Les deux dernières décennies ont été marquées par de grandes variations dans la manière dont les gouvernements qui se sont succédé ont initialement abordé la Chine. Une vision globale à long terme soutenue par tous les partis placerait le Canada dans une position plus avantageuse et plus uniforme pour gérer ses relations avec la Chine.
Dorénavant, le Canada doit adopter une approche équilibrée fondée sur une compréhension réaliste de la Chine telle qu'elle est, c'est-à-dire tant des possibilités qu'elle offre que des défis qu'elle représente. Cette approche devrait également orienter la façon dont le Canada aborde l'Asie dans son ensemble et tenir compte de la place qu'occupe la Chine dans notre manière d'aborder la région. En mettant fortement l'accent sur la Chine au cours des deux dernières décennies, le Canada a peut-être négligé des possibilités de nouer des liens plus étroits avec d'autres pays dont les marchés sont plus faciles à pénétrer et dont les systèmes sont fondés sur la primauté du droit. L' Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, devrait contribuer au rééquilibrage et à la diversification des intérêts commerciaux du Canada en Asie. Le fait que le Canada ait appuyé publiquement l'élargissement de l'accord pour que la Thaïlande et Taïwan en fassent aussi partie contribuera également à cette diversification.
Le Canada devrait également tenir compte de ses relations avec Taïwan, qui est une démocratie dynamique et progressiste et le seul pays asiatique à approuver le mariage entre personnes de même sexe. Le Canada et Taïwan entretiennent des relations commerciales saines qui offrent de bonnes perspectives d'avenir. La déclaration publique du , qui a appuyé la véritable participation de Taïwan à des organisations telles que l'OACI et l'Assemblée mondiale de la santé, est un excellent signe. Par contre, le Canada pourrait faire plus pour promouvoir ses intérêts à Taïwan. Une visite d'un ministre canadien responsable de l'économie, qui aurait pour but de soutenir les objectifs commerciaux du Canada, respecterait les paramètres de la politique d'une seule Chine et enverrait un important message tant à la Chine qu'à Taïwan.
Pour bien gérer les liens entre le Canada et la Chine, il faut faire preuve de coordination et de cohérence. De nombreux ministères fédéraux et la plupart des provinces ont des intérêts en Chine. Même si les provinces se font parfois concurrence pour les investissements et les étudiants, elles devraient être encouragées à adhérer au programme global du Canada en ce qui concerne la Chine. Pour ce qui est des questions essentielles et importantes comme les droits de la personne et le sort des deux Michael, tous les ordres de gouvernement du Canada devraient faire front commun et agir de manière cohérente dans leurs discussions avec leurs homologues chinois.
Les relations entre le Canada et la Chine sont difficiles en ce moment, et il n'y a pas de solution facile en vue. Cela dit, cette situation nous donne l'occasion d'évaluer objectivement la relation et de développer une approche réaliste et équilibrée en ce qui concerne nos liens avec cette importante puissance mondiale.
Je vous souhaite tout le succès possible dans le cadre de ces importantes délibérations.
Merci.
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Merci, monsieur le président, de me donner la possibilité de m'adresser au Comité, même si je le fais virtuellement par vidéoconférence puisque je me trouve à Singapour, à 15 000 kilomètres de vous.
J'étudie et j'enseigne dans le domaine des relations internationales depuis plus de 40 ans. Je me suis intéressé surtout aux relations entre les États-Unis et la Chine et entre le Canada et la Chine. Aujourd'hui, je vais me concentrer sur les relations entre les gouvernements du Canada et de la Chine. De toute évidence, les deux pays entretiennent une relation beaucoup plus vaste, qui englobe les mouvements de population ainsi que les échanges culturels, commerciaux et scolaires. Cependant, la période actuelle est marquée surtout par les grands enjeux politiques et la métamorphose des politiques publiques.
Je ne vous apprends rien en disant que le sort de Michael Kovrig, de Michael Spavor et de Meng Wanzhou a déclenché une crise diplomatique et un tourbillon émotionnel dans leurs pays respectifs. La confiance et le respect mutuels ont été fortement ébranlés. Plus récemment, l'apparition du virus COVID-19 a teinté les interactions du Canada avec la République populaire de Chine et notre perspective quant à la façon d'évaluer la compétence de son gouvernement.
Actuellement, nous sommes obnubilés par ces crises et autres controverses, et il est tentant de penser que tout rentrera dans l'ordre et que nos relations diplomatiques bilatérales reprendront là où nous les avons laissées. Je ne vois pas comment ce serait possible. Nous avançons maintenant en territoire inconnu, où les forces à l'œuvre dépassent largement les incidents isolés, les affaires consulaires ou les enjeux commerciaux tels que l'éventuelle participation de Huawei à notre réseau de télécommunications 5G. Ce que nous observons actuellement est un rééquilibrage complet des pouvoirs en matière économique, diplomatique et technologique, l'émergence d'un ordre mondial multipolaire et la résurgence d'une rivalité entre grandes puissances.
Ces 50 dernières années, il y avait un vaste consensus au Canada quant aux grandes lignes de notre politique à l'égard de la Chine, que nous en sommes venus à désigner comme notre « engagement » et qui à une époque faisait intervenir un partenariat stratégique entre nos deux pays. Cet engagement reposait sur trois piliers. Premièrement, il était entendu qu'un resserrement des relations avec la Chine s'avérait commercialement avantageux et un gage de prospérité pour les Canadiens. Deuxièmement, l'isolement de la Chine devait être rompu afin de favoriser son intégration dans ce que nous appelons maintenant un ordre international fondé sur les règles. Troisièmement, il fallait poursuivre un objectif moral de soutien à l'ouverture économique et sociale nécessaire à l'éventuelle libéralisation politique de la Chine.
Cet engagement à la canadienne était tributaire d'un contexte géopolitique dans lequel le Canada pouvait manœuvrer de manière indépendante advenant des différences de vues avec Washington. Par exemple, le Canada a reconnu la République populaire de Chine huit ans avant les États-Unis. Cette vision canadienne de l'engagement a été très fructueuse dans l'ensemble, mais le temps est venu de le repenser. Toutefois, il faut éviter de le faire dans un accès de colère contre certaines actions de la Chine ou par crainte du côté plus agressif de sa puissance et de son influence croissantes. Une refonte est nécessaire parce que de nouvelles circonstances sont apparues et que rien ne laisse présager un changement de sitôt.
L'équilibre géopolitique et géoéconomique est en mutation. La Chine fait dorénavant partie des puissances mondiales, elle est présente au sein de toutes les instances internationales ou presque, et elle s'est révélée capable de créer les siennes. Elle craint de moins en moins de faire valoir ses intérêts et de mettre en doute le parti pris libéral de ces instances, et particulièrement pour ce qui concerne les droits de la personne et la démocratie. La Chine n'a plus besoin du soutien du Canada comme avant, et il lui arrive même de défier directement ses prises de position.
L'idée que l'ouverture économique entraînerait une libéralisation politique nous apparaît aujourd'hui erronée, du moins pour l'instant. Il faut remonter jusqu'au règne de Mao Zedong pour voir un régime aussi répressif que celui de Xi Jinping tant sur le territoire de la Chine qu'à sa périphérie. Selon le nouveau consensus qui a émergé aux États-Unis sous les pressions de l'administration Trump, qui jouit cependant d'un assez large appui bipartisan sur ce point, la version américaine de l'engagement est révolue. Aujourd'hui, la Chine est perçue comme faisant partie d'un continuum de compétiteurs, d'adversaires, de rivaux ou d'ennemis stratégiques. Washington exerce des pressions tous azimuts, sur les plans militaires, diplomatiques et économiques, pour contrer la montée en influence et en puissance de la Chine. Comme Henry Kissinger l'a déclaré récemment, cette campagne prépare le terrain à une guerre froide entre les États-Unis et la Chine.
Comme nous pouvons en déduire des pressions très peu subtiles qu'exerce Washington sur le Canada et d'autres gouvernements concernant Huawei et le réseau 5G, le coût de faire cavalier seul pourrait être considérable. Pris en étau entre les aspirations de Xi Jinping pour la Chine, les élans protectionnistes de Donald Trump et la lutte géostratégique de plus en plus affirmée entre les deux, comment le Canada peut-il s'en sortir?
J'aurais trois recommandations.
La première serait de ne pas alimenter le risque d'une guerre froide version 2.0 et de cesser les mesures d'isolement ou de confinement de la Chine, et de travailler plutôt à l'assouplissement du cadre politique. L'un des moyens pour y arriver serait de mettre au point une politique d'engagement avec la Chine version 2.0 ou, si vous préférez, une politique d'engagement post-engagement. Nous pourrions aussi décider de coexister avec la Chine. Aucune de ces stratégies ne vise à changer la Chine, mais plutôt à trouver des façons de vivre avec elle. Aucune ne cherche à la confiner à des rôles prédéfinis d'amie ou d'adversaire, de partenaire ou de concurrente, d'alliée ou de menace existentielle, mais plutôt à faire en sorte que les valeurs et les intérêts canadiens orientent la ligne de conduite à suivre au cas par cas. Une approche de coopération est à privilégier dans des domaines comme le changement climatique, la gouvernance économique et financière mondiale, le maintien de la paix, le domaine agrotechnologique ou l'Arctique. En revanche, rien ne nous empêche de nous défendre contre les immixtions de la Chine dans nos affaires internes ou ses violations flagrantes des droits de la personne et autres comportements du genre.
Deuxièmement, il faut que la lutte pour le respect de l'ordre international fondé sur les règles fasse partie intégrante de la promotion d'une réforme des instances comme l'Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale, ainsi que des négociations relatives aux instruments comme l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste. Il faut repousser à tout prix les tentatives visant à ébranler ou à démanteler le système multilatéral fondé sur les règles, qu'elles émanent de la Chine ou, comme nous l'observons de plus en plus souvent, des États-Unis. Pour jouer ce rôle, nous devons recouvrer notre identité de puissance moyenne qui respecte son alliance avec les États-Unis, mais qui conserve son libre arbitre pour pouvoir offrir son soutien à la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, dirigée par la Chine, ou faire une évaluation objective de l'initiative de route de la soie, qui toutes les deux proposent une nouvelle perspective de la coopération internationale et du développement.
Le Canada ne serait pas du côté des États-Unis ni du côté de la Chine sur tous les enjeux, mais il ne serait pas seul. Il vaut la peine d'examiner attentivement la manière dont d'autres pays aux prises avec des dilemmes analogues à l'égard de la Chine adaptent leurs politiques, à commencer par l'Australie, le Japon, Singapour et peut-être le Royaume-Uni.
Ma dernière recommandation serait de recadrer notre relation en déterminant comment il faut réagir devant une Chine de plus en plus présente, influente et, à l'occasion, qui se mêle de nos affaires. Nous devons aiguiser notre sensibilité et notre vigilance afin de protéger nos valeurs et nos institutions canadiennes. Cependant, il faut absolument éviter de démoniser ou de dramatiser les actions de la Chine et leurs répercussions, de la mettre au pilori en lui prêtant tous les torts dans les jeux d'influence et d'ingérence, et de stigmatiser les Canadiens d'ascendance chinoise en mettant en doute leur intégrité et leur loyauté.
Par exemple, comment continuer d'accueillir des étudiants chinois et de faire des échanges en matière de recherche dans nos universités dans un contexte où il devient nécessaire de protéger notre propriété intellectuelle et la sécurité nationale parce que nous sommes en concurrence technologique avec la Chine et que nous subissons des pressions extraterritoriales de la part des États-Unis? Il ne sera pas aisé de trouver un nouveau consensus national et un nouveau discours autour des relations avec la Chine, et d'inscrire cet exercice dans un cadre multipartite. Rien de systématique n'a été tenté de ce côté depuis 1966.
Je suis convaincu que les travaux et les recommandations du comité spécial auront une grande incidence.
Merci infiniment.
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Merci, monsieur le président.
Oui, je suis très inquiet devant la montée de la Chine, et particulièrement de voir des citoyens de la République démocratique de Chine qui occupent des fonctions clés au sein d'organismes multilatéraux et qui en profitent pour décrédibiliser leurs objectifs, sans doute sur ordre de Beijing. Je fais référence à des organismes comme Interpol, l'OACI ou d'autres instances de l'ONU.
De manière générale, pour ce qui a trait aux infiltrations de l'État chinois au Canada, au contraire d'autres pays, nous ne disposons pas encore de lois sur le transfert de technologies classifiées à ses agents. Vous savez peut-être qu'il n'y a eu aucune affaire mettant en cause de tels actes ces dernières années, selon ce que j'en sais, alors que d'autres pays ont pris les moyens pour demander des comptes à ces agents. Je pense notamment au Bureau de sécurité publique et à ces agents chinois qui viennent au Canada sous de faux semblants afin d'exercer des pressions sur des personnes qui se trouvent ici. Comment la GRC intervient-elle? Si elle découvre que des personnes sont venues au Canada sous de faux semblants, elles sont immédiatement renvoyées en Chine, sans avoir à rendre compte de leurs actes.
Je redoute de manière générale la menace que représente l'ambition de la Chine de subvertir les instances sur lesquelles repose l'ordre mondial, comme l'OMC et les Nations unies, et de les remplacer par ce que le secrétaire général du parti, Xi Jinping, a défini en octobre 2017 comme la « communauté à la destinée commune pour l'humanité ». Il s'agit en fait d'une réorientation de l'ordre mondial, qui repose sur l'intime conviction du déclin des États-Unis et de leur remplacement par la Chine, qui se reflète notamment dans une initiative comme l'initiative de route de la soie, dont l'objectif est de recentraliser l'infrastructure mondiale à Beijing.
Nous devons rester à l'affût de ce qui se trame, de concert avec nos alliés, et en particulier les États-Unis, où il existe un consensus politique non partisan autour de cette question. M. Trump n'est pas tout seul. Mme Pelosi, son adversaire et présidente de la Chambre des représentants, a aussi plaidé pour la défense des principes de l'ordre fondé sur les règles, qui protège des puissances moyennes comme le Canada contre la domination arbitraire des superpuissances hégémoniques. La Chine m'inquiète d'autant plus que les valeurs fondatrices du régime sont très loin de celles qui font du Canada une grande nation.
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Monsieur le président, vous me permettrez de remercier chaleureusement nos témoins de leurs présentations, qui me sont apparues extrêmement éclairantes.
M. Burton déplorait le fait qu'il avait certainement d'autres points à aborder et d'autres contributions à nous faire.
J'invite nos témoins à ne pas hésiter à nous transmettre ultérieurement tout commentaire ou toute observation qu'ils voudraient nous faire sur quelque sujet que ce soit. Leur contribution peut être des plus éclairantes pour notre comité.
J'essaie de faire une synthèse de tout ce que nous avons entendu de la part de nos témoins et j'en retiens essentiellement quatre thèmes.
Premièrement, l'ère mythique des relations entre la Chine et le Canada appuyées sur l'amitié, la collaboration, les missionnaires, Norman Bethune, le blé canadien et la reconnaissance de la République populaire de Chine par le Canada avant les États-Unis, tout cela est terminé. Nous sommes dans une nouvelle phase.
Deuxièmement, la Chine est évidemment une puissance en croissance et elle accorde, d'ailleurs, une valeur à la puissance ou à l'aspiration à la puissance.
Troisièmement, conséquemment, le Canada devrait adopter une approche plus déterminée et manifester davantage de fermeté à l'égard du gouvernement de la République populaire de Chine.
Quatrièmement et finalement, le Canada devrait tenter de développer une réponse multilatérale aux gestes posés par la Chine en violation des règles internationales qui ont cours présentement et qui ne semblent être respectées d'aucune façon par les autorités chinoises.
Si j'essayais de dresser cette synthèse, en ces quatre points, de ce que vous nous avez présenté, ferais-je une bonne lecture de ce sur quoi vous avez cherché à attirer notre attention ce matin?
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Je vous dirai deux choses.
L'une est que le ton est important, comme c'est le cas dans tous types de relations, et que si les déclarations publiques sont parfois utiles, elles sont également des instruments émoussés et doivent être appariées à d'autres types d'interventions qui ne se font pas en public.
La seconde chose que je vous dirai est que plus vous pourrez leur communiquer un dossier d'analyse pour les convaincre que ce que vous essayez de faire est, par exemple, de défendre les intérêts de la Chine et non pas simplement de prôner vos propres valeurs et plus vous serez efficaces.
Par exemple, dans le domaine des droits de la personne, si vous pouvez leur présenter un argument… Prenons un autre exemple, celui du coronavirus. Si vous voulez parler de transparence et de gouvernance, vous pouvez monter un dossier d'analyse pour la Chine dès maintenant, derrière les portes closes en disant: « Regardez, votre pays a été paralysé pendant un mois alors que vous auriez pu contenir l'épidémie. Votre système implique la façon dont vous exercez les contrôles avec son manque de transparence, et la répression que vous avez exercée contre les personnes qui s'efforçaient avant tout de vous prévenir de ce danger. Cela devrait vous alerter. » Pour l'essentiel, vous pouvez prétendre que le respect des droits de la personne et une plus grande démocratie génèrent une situation plus stable et offrent davantage de possibilités de s'attaquer aux défis actuels et à long terme, dans n'importe quel pays.
Un autre exemple pourrait être celui de la question des Ouïghours, qui ont été traités de façon abominable. Nous pourrions parler de l'expérience canadienne et leur dire: « Vous savez, nous avons des Autochtones et nous les avons maltraités. Cela s'est avéré très coûteux en termes sociaux et financiers à cause de l'incroyable mauvaise gestion que nous avons faite de cette question. » Plus vous présenterez des problèmes de cette façon et plus vous constaterez que vos auditeurs sont prêts à vous écouter.
Mesdames et messieurs du Comité spécial de la Chambre des communes sur les relations sino-canadiennes, je vous remercie de me faire l'honneur de témoigner devant vous aujourd'hui.
[Français]
Je suis très reconnaissant d'avoir l'occasion qui m'est offerte de témoigner devant vous, et je serai heureux de répondre à vos questions en anglais ou en français.
[Traduction]
Cette année marque le 50e anniversaire de l'établissement de relations bilatérales entre la République populaire de Chine et le Canada. Elle marque également le 50e anniversaire du début de mon apprentissage du chinois. J'estime ce moment particulièrement opportun pour examiner nos relations bilatérales. Mon mémoire se divise en trois parties. Dans la première, je passe en revue le modèle de nos relations. Dans la deuxième, je présente ma vision de la nature du régime chinois et des restrictions qu'il impose à nos relations bilatérales et à nos relations avec nos alliés. Et enfin, dans la troisième partie, je décris l'état actuel de nos relations et comment elles pourraient évoluer à l'avenir.
Nous avons commencé à négocier l'établissement de relations bilatérales en 1968, une époque à laquelle la République populaire de Chine se trouvait pratiquement isolée sur le plan diplomatique pendant l'agitation sans précédent appelée la Révolution culturelle. Le point de départ de notre initiative ne visait pas à appuyer le régime chinois, ni à espérer que la Chine se transforme en une sorte de Canada. À l'époque, la situation des droits de la personne était beaucoup plus inquiétante qu'elle ne l'est aujourd'hui. L'idée sous-jacente à l'établissement de nos relations diplomatiques — et je fais référence au professeur Paul Evans sur cette question, étant donné qu'il est l'auteur d'un livre sur la question — était de faire entrer la Chine dans la communauté des nations au nom de la paix et de la sécurité mondiales, de diversifier nos relations et nos échanges commerciaux internationaux et de montrer que nous pouvions jouer le rôle d'un acteur indépendant sur la scène internationale.
Nos efforts finirent par être récompensés bien au-delà de nos espérances initiales. La République populaire de Chine fit son entrée à titre de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies quelques mois après l'établissement de relations diplomatiques, en octobre 1970. En l'espace de 10 ans, la Chine a amorcé le processus de réforme et d'ouverture qui a conduit à la croissance spectaculaire que l'on connaît. Le Canada a joué un rôle en tant que partenaire de la réforme et de l'ouverture de la Chine par l'entremise de programmes de l'ACDI, qui a vu le jour en 1981. La réforme et l'ouverture de la Chine ont suscité l'espoir que cette évolution conduirait à la pleine participation de cette dernière à l'ordre international libéral.
Mais cet espoir initial a été ébranlé par les événements de la place Tiananmen en 1989. Lorsque les réformes économiques chinoises ont repris en 1991-1992, les programmes de l'ACDI se sont également poursuivis, et l'espoir a été rallumé, quoique selon une trajectoire plus prudente et à plus long terme. Les efforts de la Chine pour adhérer à l'Organisation mondiale du commerce symbolisaient cette tentative renouvelée, et c'est dans ce contexte qu'en 1998, le premier ministre chinois en exercice Zhu Rongji avait qualifié le Canada de « meilleur ami de la Chine ». Les efforts canadiens facilitèrent l'adaptation des institutions et du système juridique chinois aux exigences d'un système de libre marché lorsque la Chine adhéra à l'OMC en janvier 2001.
Au XXIe siècle, la Chine n'a plus besoin de l'encadrement du Canada, ni de son aide pour lui ouvrir des portes. Juste comme la réussite de la Chine commençait à se faire sentir, nos relations ont perdu leur raison d'être stratégique globale. La croissance spectaculaire de l'économie chinoise devint la nouvelle justification de notre relation, mais nous fûmes déçus que nos antécédents ne nous valent pas de traitement de faveur sur le marché chinois. Même l'approche d'Équipe Canada n'a pas permis de freiner le recul de nos parts de marché dans l'économie chinoise et nos échanges commerciaux ont sombré dans des déficits persistants aux termes desquels pour chaque dollar dépensé par les Chinois chez nous nous achetons pour 2 $ de marchandises chez eux. Nous avons été incapables d'établir une perspective stratégique dans nos relations, tant sous les gouvernements libéraux que conservateurs. Depuis une quinzaine d'années, la puissance de la Chine s'est accrue, et nos espoirs déçus s'imprègnent de plus en plus de peur.
Pour ce qui est de la nature du régime chinois, depuis l'accession au pouvoir de Xi Jinping lors du 18e congrès du parti, en 2012, la Chine est passée de la défense de sa différence à titre d'exception à l'universalité des valeurs libérales à la célébration de sa gouvernance fondée sur ses propres traditions culturelles et sur les réalisations du régime communiste.
Xi a pris soin de ne pas dire que le modèle chinois devrait être copié ou imposé, mais il présente néanmoins l'expérience de son pays comme un modèle à suivre pour les pays en développement. Il vaut toutefois la peine de rappeler qu'au moment où le Canada a reconnu la Chine, en octobre 1970, le président Mao et le Parti communiste chinois prônaient toujours la révolution mondiale et le renversement du capitalisme. Mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Les préoccupations de Beijing concernant la démocratie libérale découlent en grande partie de sa crainte pour la sécurité intérieure de son propre régime. La Chine ne cherche pas agressivement à saper les autres régimes. Contrairement à la Russie. À titre de plus grand pays exportateur du monde, la Chine s'est essentiellement engagée vis-à-vis d'un ordre commercial international fondé sur des règles. La Chine tente de cimenter son statut au moyen d'initiatives telles que la route de la soie et la BAII, la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures.
Ces efforts pour accroître la prospérité et la connectivité grâce à la BRI et à la BAII ne constituent pas en soi une menace pour le Canada. Les investissements dans les biens publics, comme l'infrastructure, porteront fruit, et ce, même si nous n'en sommes pas des bénéficiaires ou des participants directs. De plus, un engagement plus étroit nous permettra d'exercer une certaine influence, comme par l'entremise de notre adhésion à la BAII, dans le cadre de la direction et de la gestion de ces programmes. Nous affrontons la Chine comme un concurrent prospère qui a adapté ses méthodes de marché en vue d'atteindre les objectifs établis par l'État. Cela représente un défi, mais ne constitue pas en soi une menace à l'ordre fondé sur des règles.
Le régime léniniste chinois est conçu pour tenir les dirigeants politiques à l'écart d'une influence externe, qu'elle soit intérieure ou internationale; toute sa perspective est donc fondée sur son propre isolement par rapport à ce qui est extérieur à la Chine, à l'interne ou à l'externe. Toutefois, la survie continue du Parti communiste chinois — la République populaire de Chine a survécu désormais plus longtemps que l'Union soviétique — exige qu'il s'adapte et qu'il tire des leçons. La Chine est sensible, dans le meilleur et dans le pire sens du terme, à l'opinion extérieure et à la critique venant de la base.
Le rêve du grand rajeunissement de la nation chinoise repose sur la réunion avec le monde, et non sur l'isolement de la Chine. Les centaines de milliers d'étudiants chinois au Canada sont une expression concrète de cet idéal. Notre stratégie doit tenir compte de différentes représentations de la volonté du peuple chinois, tout en reconnaissant que le gouvernement chinois avec lequel nous transigeons est mandaté par l'État chinois pour prendre des engagements. Nous n'avons aucun pouvoir sur sa volonté de changement ou sur le moment où pourrait survenir ce changement, et nous n'avons pas non plus notre mot à dire à ce sujet.
La prospérité canadienne et l'influence mondiale dépendent de la viabilité de notre relation avec la Chine. Actuellement, notre relation avec la Chine est la pire de tous les pays du G7, mais on constate des signes de dégel. Ce dégel alimente l'espoir d'une amélioration, mais je suis d'accord avec d'autres Canadiens qu'il n'y aura aucune amélioration fondamentale tant que les deux Michael n'auront pas été libérés.
En diplomatie, les Chinois emploient souvent cette expression qiutong cunyi qui signifie insister sur les points de convergence, tout en conservant les différences. Nous devons élaborer une stratégie qui nous permettra de faire justement cela, et ce, même si nous entretenons de sérieuses préoccupations en matière de droits de la personne, surtout en ce qui concerne les camps du Xinjiang. La Chine est indissociable du destin de la planète, et tout espoir de l'isoler ou de la contenir est voué à l'échec. Il y a un éventail d'enjeux, qu'il s'agisse du changement climatique ou de la santé dans le monde, sur lesquels nous n'avons pas d'autre choix que de travailler avec la Chine. Notre prospérité, comme celle de la Chine, repose sur un système commercial ouvert fondé sur des règles. Il est impossible de protéger ce système et un environnement sain pour l'innovation mondiale sans la Chine.
:
Je vous remercie, monsieur le président et membres du Comité.
Je suis honoré de contribuer aujourd'hui à vos délibérations en vous communiquant quelques fruits de mes recherches et de mes observations sur les relations entre le Canada et la Chine.
Je salue le travail important de votre comité, et je reconnais l'urgence d'évaluer cette relation, étant donné la situation de nos concitoyens incarcérés en Chine, en particulier Michael Kovrig et Michael Spavor. Nous reconnaissons tous le mauvais tournant pris par la relation entre le Canada et la Chine depuis l'arrestation de Mme Meng Wanzhou, le 1er décembre 2018, et celle des deux Michael, le 10 décembre 2018.
[Traduction]
Je reconnais également que nous sommes réunis aujourd'hui alors que sévit une crise de santé publique qui touche de nombreux diplomates canadiens en Chine, dont l'ambassadeur. Cette crise a entraîné la plus grande mise en quarantaine de villes de l'ère moderne, et des souffrances terribles.
Je saisis aussi l'occasion de remercier la greffière et le personnel du Comité qui font la différence chaque jour, ainsi que les pages, le hansard, les traducteurs et les greffiers. L'un de mes étudiants a travaillé comme page l'année dernière, et ce fut pour lui une formidable formation.
J'aimerais commencer par deux points importants. Je me concentrerai ensuite sur certains aspects clés du système international et ses liens avec les relations sino-canadiennes; je présenterai quelques points sur la Chine et quelques répercussions pour le Canada. Premièrement, le relâchement des relations sino-canadiennes s'insère dans une période plus étendue de grande perturbation dans la politique mondiale. De nos jours, tous les pays doivent adapter leur attitude dans les affaires internationales et réagir aux mouvements des autres. Deuxièmement, dans ce contexte, les priorités du Canada sont de faire preuve de résolution dans la défense des intérêts nationaux et dans la recherche de voies réalisables pour défendre l'ordre international fondé sur des règles de concert avec des partenaires clés. Un multilatéralisme efficace doit sous-tendre l'action du Canada sur la scène internationale.
Je vais maintenant vous faire part de certains points sur le contexte international et sur leur incidence sur les relations sino-canadiennes.
J'appelle cette époque l'ère des perturbations. Dans une large mesure, la crise sino-canadienne s'inscrit dans la crise encore plus vaste que vivent les États-Unis et la Chine, et elle sert de prisme pour les défis posés à l'ordre fondé sur des règles.
Permettez-moi de développer mon idée à l'aide de cinq principaux facteurs et leurs répercussions.
Premièrement, nous vivons au milieu d'une crise de la mondialisation. Nous assistons à des échanges commerciaux qui atteignent des sommets, à un mouvement vers la régionalisation et la démondialisation des chaînes d'approvisionnement mondiales. Les inégalités introduites à l'échelle mondiale ont entraîné une forte polarisation et des tensions dans les démocraties les plus avancées. Nous vivons une époque marquée par l'anxiété et la colère dans des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Italie, la Grèce, la Pologne, et bien d'autres.
Deuxièmement, notre système économique subit des changements systémiques en raison de la combinaison du changement climatique et de la quatrième révolution industrielle. Ces deux forces suscitent une concurrence encore plus échevelée.
Troisièmement, nous venons tout juste de traverser l'un des plus grands changements de puissance économique de l'histoire moderne. Entre 2000 et 2018, plus de 20 % du PIB mondial en dollars historiques est passé des mains des pays de l'OCDE à celles d'économies émergentes. De ce pourcentage, 60 % — c'est-à-dire 12 points — est allé à la Chine. Le reste est allé à l'Inde, à l'Asie du Sud-Est, à l'Asie centrale et à l'Afrique. Le FMI estime que l'Asie représente 60 % de la croissance mondiale aujourd'hui et pour la prochaine décennie. L'économie ouverte a facilité ce changement, mais il est également important de mentionner que la Chine et l'Inde ne font que revenir à la place qu'elles ont occupée pendant 2 000 ans jusqu'en 1820, c'est-à-dire avant la révolution industrielle et la colonisation. Dans le cadre de ce changement, nous constatons que la Chine s'affirme davantage, de même que l'Inde, la Russie, l'Indonésie et l'Afrique.
Quatrièmement, la Chine aujourd'hui représente 16 % du PIB mondial en dollars historiques, et 19 % pour ce qui est de la PPA. Ce sont les chiffres de 2018. Entre 2012 et 2020, la Chine a représenté un tiers de la croissance mondiale. La Chine est un géant dans tous les domaines, de la santé à l'énergie renouvelable, en passant par l'intelligence artificielle, les mégadonnées, les étudiants étrangers et les membres de la force de maintien de la paix des Nations Unies. Nous ne pouvons pas travailler sur un enjeu mondial quelconque aujourd'hui sans que ce soit avec la Chine. Nous observons également un regroupement des sous-régions asiatiques, comme l'Asie du Sud, l'Asie du Sud-Est, l'Asie centrale et la Chine. Ces régions s'étaient dissociées depuis l'époque coloniale — pendant plus de 200 ans, et de fait, depuis la chute de Tamerlan, le dernier conquérant mongol, en 1405.
Cinquièmement, nous assistons actuellement à un bouleversement de l'ordre international. En effet, les États-Unis, le pays ayant créé l'ordre libéral, se trouvent sous la gouverne de l'administration Trump, qui se retourne contre de nombreuses institutions multilatérales que les États-Unis avaient eux-mêmes créées et soutenues depuis la Deuxième Guerre mondiale. Nous ignorons pour le moment s'il s'agit d'un rajustement de négociation ou d'une perturbation à long terme de la recherche de l'ordre amorcée il y a une centaine d'années par Woodrow Wilson, après la Première Guerre mondiale.
Les conséquences de ces cinq perturbations et des changements systémiques sont une période de rivalité géopolitique croissante. Je vois un dynamisme extraordinaire. Je vois également des fausses perceptions considérables, étant donné que chaque puissance analyse les actions des autres à travers son propre cadre et ses propres récits historiques. Par exemple, l'arrestation de Mme Meng Wanzhou, en décembre 2018, a déclenché dans la population chinoise et au sein du gouvernement des réactions extrêmement fortes révélatrices d'une profonde incompréhension des intentions réelles du Canada. Bien entendu, on peut en dire autant des Canadiens. De tels malentendus pourraient être dissipés en cherchant des indices en Europe.
Je suis également frappé qu'Internet n'ait pas permis de raffiner les perceptions entre les groupes ou les nations, mais qu'il ait plutôt contribué à les exacerber en s'en faisant l'écho et en créant une surcharge. Dans ce contexte, il est essentiel de commencer par comprendre ce qui motive les autres acteurs afin de trouver les voies réelles pour faire avancer les choses. Il est essentiel d'éviter les cycles émotifs de représailles qui ne font qu'empirer les choses pour tous les protagonistes.
À titre d'exemple, il suffit de voir le signal d'alarme envoyé à l'Union européenne par Josep Borrell, actuel haut représentant de l'Union européenne, dans une lettre d'opinion publiée le 8 février 2020 dans Project Syndicate. Il a exhorté l'Europe à prendre acte du fait que, dans le monde actuel, les grands acteurs ont tendance à ne plus respecter les règles du jeu, mais à plutôt opter pour le regroupement des enjeux et la politique de la force. Il a exhorté l'Union européenne à adopter une réflexion stratégique, à mettre en place des leviers et des coalitions. Notre principal allié en Asie, le Japon, tient le même discours.
Je vais maintenant vous dire deux ou trois choses sur la Chine et la gouvernance chinoise ainsi que sur les perceptions des Chinois.
La Chine est complexe et paradoxale. Elle a acquis une énorme puissance à l'échelle internationale, et pourtant elle fait face aujourd'hui à plus d'incertitudes à l'échelle nationale et internationale qu'à tout autre moment depuis la fin de l'époque de Mao. Voici un aperçu de quelques-uns de ces défis.
Premièrement, au sujet de la gouvernance chinoise, si vous avez parlé à des citoyens de la classe moyenne chinoise au cours des dernières années, vous en aurez retenu un immense sentiment d'espoir et de soulagement d'avoir survécu à un grand traumatisme. En 1820, la Chine était un pays riche et pacifique, elle représentait 30 % de l'économie mondiale. Après 1820, elle a traversé deux guerres de l'opium, a perdu d'importants marchés et a dû abandonner son autonomie aux mains de puissances occidentales et du Japon. Elle a vécu en outre de grandes révoltes paysannes ayant entraîné la mort de plus 50 millions de personnes vers la fin des années 1800. Le grand espoir de la révolution de 1911 avec Sun Yat-Sen a été immédiatement suivi par la fragmentation du territoire en régions sous la férule de seigneurs de guerre, de décennies de guerre civile, de l'invasion par le Japon qui a entraîné la mort d'encore 20 millions de personnes, d'autres guerres civiles et de la guerre de Corée. La Chine a bien connu quelques bonnes années, entre 1952 et 1957, mais elles ont été suivies de la folie de la campagne anti-droite, le Grand bond en avant qui a entraîné une famine responsable de la mort de 50 millions d'autres Chinois; cette campagne a été suivie plus tard de la Révolution culturelle de Mao. Rien de surprenant à ce que la classe moyenne soit favorable à la stabilité et qu'elle considère les présentes décennies comme la période la plus favorable en Chine depuis 150 ans, une ère de prospérité et de possibilités.
Bien entendu, la population soutient largement le régime. Nombre de Chinois éprouvent un réel sentiment de grand progrès, de santé et de prospérité croissantes, de plus grande liberté — sauf en ce qui a trait à la liberté politique, et plus précisément, à la capacité de critiquer le Parti.
On constate également, bien entendu, le désir croissant d'obtenir plus d'information et de faire entendre sa voix, particulièrement dans les médias sociaux. Par ailleurs, étant donné que la classe moyenne ne représente que 25 % de la population, il n'est pas encore dans son intérêt de remettre le pouvoir à l'autre 75 % de la population qui reste. Il suffit de penser à la Thaïlande et à la réaction des chemises jaunes contre l'ancien premier ministre Thaksin qui avait été élu démocratiquement. Ce que j'entends, toutefois, ce sont les aspirations à une évolution au fil du temps qui entraînerait plus de liberté politique et une meilleure gouvernance sans le traumatisme de la fragmentation nationale ou des changements de dynastie passés.
Deuxièmement, étant donné l'histoire politique longue et compliquée du pays qui s'étend sur des milliers d'années, et compte tenu du fait que la Chine représente une part importante de l'expérience collective de l'humanité, la population et le gouvernement chinois s'attendent à ce que l'on reconnaisse cet héritage. L'actuel gouvernement peut bien adopter une structure léniniste, il reste qu'il agit souvent comme un gouvernement qui a hérité des pratiques et des normes des dynasties antérieures.
Troisièmement, même si la Chine n'adhère pas au pilier politique de l'ordre libéral, il reste que sa gouvernance est néanmoins fragmentée et pluraliste. Même si Xi Jinping accapare les pouvoirs et exerce une répression dans de nombreux domaines comme les médias, la structure du pouvoir demeure celle d'un leadership collectif. Lorsque Xi n'obtient pas l'appui des 25 bureaux politiques ou des 7 comités permanents, il ne peut pas aller de l'avant. De fait, pour demeurer en poste pour un troisième mandat, après 2022...
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Trêve de plaisanteries, la Canada West Foundation a été créée il y a 50 ans pour des occasions semblables à celle que nous avons aujourd'hui afin de veiller à ce que l'Ouest puisse faire entendre sa voix dans les affaires qui façonnent le pays, mais aussi pour que l'Ouest puisse contribuer à créer un Canada fort et prospère. Si l'Ouest est fort, le Canada l'est aussi, et cela n'est jamais aussi évident que dans nos relations avec l'Asie.
Nous avons vécu des moments difficiles, tant dans l'Ouest que dans le reste du pays. Nous en vivons encore aujourd'hui, mais nous continuons de travailler en vue d'atteindre la vision de l'Ouest fort dans un Canada fort. Étant donné ce qui s'est produit aujourd'hui, il est à espérer que le reste du pays continuera de répondre et de faire appel à nous.
En ce qui concerne l'Asie et l'engagement, nous aimerions faire part de trois points au Comité.
L'Asie et l'engagement du Canada figurent au centre des intérêts de la Canada West Foundation. Nous avons effectué des modélisations — des évaluations des incidences économiques — que les membres d'un autre comité avaient demandées au gouvernement, et ce, afin que le Parlement puisse disposer de données et de renseignements lui permettant de comprendre les accords commerciaux. Nous les avons faites pour le PTPGP avant que le gouvernement ne le fasse.
Ces renseignements étaient essentiels pour permettre au comité de comprendre la situation. Ils étaient essentiels pour que le pays dispose des données nécessaires pour comprendre la situation et pour empêcher le pays et le gouvernement de faire l'erreur catastrophique de se retirer de l'accord du Partenariat transpacifique. Compte tenu de l'état de nos relations avec les États-Unis et la Chine, il est facile de voir que la production de ces renseignements était non seulement visionnaire, mais aussi très importante.
Nous aimerions faire part au Comité de trois points, et nous espérons qu'ils guideront votre réflexion à l'avenir et les questions que vous poserez aux autres témoins.
Le premier point, c'est que la relation du Canada avec la Chine passe par l'Ouest. En effet, l'Ouest est le centre et le point de mire de notre engagement avec la Chine. Il est vrai que d'autres régions du pays y participent, mais c'est dans l'Ouest que les choses se passent concrètement. C'est l'Ouest qui intervient immédiatement, d'une manière qui n'a rien à voir avec ce qui se passe dans les autres régions du pays.
Deuxièmement, l'agriculture est un élément clé de cette relation. Les données que vous avez devant vous, et que ma collègue passera en revue avec vous, le montrent.
Troisièmement, l'agriculture pourrait peut-être nous fournir une idée de la solution ou de la manière de ranimer notre engagement.
[Français]
Elle pourra faciliter le renouvellement de cette relation au moment opportun.
[Traduction]
Il s'agit de la manière dont nous pourrions potentiellement ranimer notre engagement lorsque le moment sera favorable.
Je cède maintenant la parole à ma collègue, notre économiste en politique commerciale, qui passera en revue certains des renseignements que nous avons produits.
Monsieur le président, je vous remercie.
[Traduction]
Je vais commencer par vous citer quelques chiffres. Même si les États-Unis sont et continueront d'être notre plus important partenaire commercial, la croissance moyenne du commerce bilatéral avec la Chine au cours des 10 dernières années a été de 12 % — comparativement à 4 % avec les États-Unis — et 65 % de ce commerce bilatéral avec la Chine s'effectue avec les quatre provinces de l'Ouest. La Chine est devenue un important partenaire commercial pour le Canada et pour l'Ouest canadien.
[Français]
Notre engagement avec notre deuxième partenaire commercial en importance va continuer d'augmenter.
[Traduction]
Le commerce avec la Chine est particulièrement important pour l'agriculture. Si vous regardez le diagramme 6 dans le mémoire que je vous ai distribué, vous verrez que plus de 10 milliards de dollars, ou 37 % de l'ensemble des exportations du Canada vers la Chine, sont des exportations agricoles, et que 75 % de ces exportations agricoles vers la Chine proviennent des quatre provinces de l'Ouest canadien.
[Français]
C'est pour cette raison qu'une mauvaise relation avec la Chine nuit aux échanges commerciaux provenant du Canada, particulièrement dans l'Ouest du pays.
[Traduction]
Nous en avons eu des preuves lors de nos récents démêlés avec la Chine concernant le canola, le porc, le bœuf et le soya.
Par conséquent, le Canada doit pouvoir compter sur la certitude de l'accès au marché avec la Chine, ce qui signifie réduire ou atténuer les mesures arbitraires qui ont fait du tort aux agriculteurs et réduit les exportations canadiennes. Et ce qui signifie également qu'il faut se pencher sur les barrières non tarifaires à long terme pour l'agriculture canadienne.
Bien que le commerce des produits agricoles soit important pour le Canada — il est important pour l'Ouest canadien —, l'agriculture ou la sécurité alimentaire, plus précisément, est très importante pour la Chine. Nous en avons eu des indications claires dans ses plans quinquennaux. Nous en voyons des preuves dans « Made in China 2025 », sa politique industrielle dont l'un des éléments vise l'autosuffisance en agriculture en mettant l'accent sur la technologie agricole intelligente. Nous en voyons des signes dans la route de la soie qui met l'accent sur la connectivité de l'infrastructure et des transports terrestres et maritimes comme moyen d'assurer la certitude de l'approvisionnement agricole à long terme.
L'OCDE a également établi des prévisions de la consommation agricole d'ici 2028. La Chine arrive en tête dans de nombreux secteurs agricoles qui sont importants pour les exportations canadiennes, comme le porc, les oléagineux, le tourteau protéique, le soya et les céréales.
[Français]
Alors, l'intérêt de la Chine est la sécurité agroalimentaire et l'intérêt du Canada est d'avoir la certitude d'accéder au marché chinois. L'agriculture est donc un intérêt essentiel commun aux deux pays, mais cet intérêt est motivé par des nécessités différentes.
:
En effet, si on regarde les intérêts dans l'agriculture, d'un côté, la Chine cherche à obtenir la sécurité alimentaire — la certitude d'avoir accès à l'approvisionnement. Même si la Chine vise l'autosuffisance pour certains produits de base, la demande globale fait en sorte qu'elle aura toujours besoin d'un apport étranger, pas seulement à titre de filet de sécurité, mais pour nourrir sa population.
D'un autre côté, le Canada a besoin d'avoir la certitude d'avoir accès au marché. Si nous sommes prêts à ce que des producteurs risquent leur ferme, risquent leur investissement, risquent des choses qui appartiennent à leur famille depuis des générations, il nous faut une certitude concernant l'accès au marché. Cette certitude vient tout juste d'être redéfinie dans la phase un de l'accord commercial entre les États-Unis et la Chine.
Chez Canada West, nous travaillons à un projet qui examine comment d'autres pays s'en sortent avec les questions de barrières non tarifaires avec la Chine. Nous avons étudié l'Australie et la Nouvelle-Zélande, évidemment, mais aussi le Brésil. Je suppose qu'ici, au Comité, vous entendez toujours parler de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis, mais le Brésil offre des perspectives intéressantes.
Si on regarde la phase un de cet accord, les États-Unis se sont attachés à redéfinir ce qu'ils entendent par la certitude d'avoir accès au marché. Dans le cadre de cet accord, les États-Unis ont obtenu plus ou moins 121 concessions précises. De ce nombre, 51 sont ce que j'appellerais des engagements et des concessions hyper-spécifiques. Ces concessions sont de telle nature que, dans les 20 jours suivant la réception d'une mise à jour mensuelle de la liste des usines américaines produisant des aliments pour animaux de compagnie et des aliments pour animaux ne provenant pas de ruminants que les États-Unis ont jugées admissibles à l'exportation, la Chine doit enregistrer ces usines, publier les mises à jour de la liste sur le site Web des douanes chinoises — le GACC — et permettre les importations d'aliments pour animaux en provenance des usines américaines inscrites sur cette liste.
Et c'est la même chose pour le porc. Et aussi pour le bœuf.
Ces types de certitude d'avoir accès au marché sont l'obstacle. Ils reviennent essentiellement à nous exclure du marché chinois.
Si on pense à l'accès, et à ce qu'il faudrait obtenir de la Chine, l'agriculture offre peut-être une solution. Si nous décidions d'engager la Chine et de lui garantir l'accès à l'offre canadienne — pas que nous allons envoyer une certaine quantité, mais que nous n'allons imposer aucune restriction politique à l'accès de la Chine aux produits alimentaires, à l'accès de la Chine à la technologie agricole, à la capacité de la Chine d'investir dans la biotechnologie agricole ou d'y avoir accès, à la capacité de la Chine d'investir dans la production agricole, à la capacité de la Chine d'investir dans la transformation de produits agricoles —, nous disposerions des éléments potentiels d'un accord.
Cette attitude nous distingue des Américains qui ont utilisé historiquement les produits alimentaires comme une arme politique. Il y a seulement deux mois, l'ancien sous-secrétaire des États-Unis menaçait la Corée du Nord de sanctions touchant les produits alimentaires. Nous nous distinguons des Américains, nous déterminons en quoi nous sommes différents, et nous nous dotons des moyens de convaincre la Chine de prendre un nouveau départ dans nos relations. Évidemment, la Chine voudra davantage, mais ce serait un début.
Pour le Comité...
:
Je vous remercie de votre question. Je vais répondre en anglais.
[Traduction]
Oui, la personnalité de Xi Jinping y est pour quelque chose. Je dirais qu'il s'agit d'une combinaison de facteurs — autrement dit, la Chine connaît un essor. Elle est devenue plus puissante. Les difficultés éprouvées par l'Occident pendant la crise de 2008, les difficultés aux États-Unis et les problèmes continus avec les guerres au Moyen-Orient ont donné une chance à la Chine et Xi Jinping l'a saisie.
L'autre raison est que beaucoup de Chinois en étaient conscients. L'hypothèse selon laquelle la Chine finira par converger avec l'Occident ne circule pas qu'en Occident. Beaucoup de dirigeants communistes chinois — et je crois Xi Jinping lui-même — sont inquiets à l'idée qu'à mesure que la Chine s'intégrera dans le système mondial fondé sur des règles, les Chinois commencent à se demander si le Parti communiste chinois a un rôle à jouer et s'il a une raison d'être. Nous voyons, depuis l'accession au pouvoir de Xi Jinping, un réel effort pour essayer de renforcer l'idéologie, le rôle et les méthodes du Parti communiste chinois.
Quant à la dernière partie de votre question, j'ai écrit dernièrement une partie d'un débat sur le coronavirus et son incidence sur la vie politique chinoise. Je pense que, d'une certaine manière, Xi Jinping est débordé. Son assurance a disparu. Je ne peux pas prédire quand ou comment des changements s'opéreront en Chine. C'est comme prédire des tremblements de terre. Nous savons où se trouvent les lignes de faille, mais nous ne savons pas quand le séisme se produira.
Il me semble que, sous la surface, des questions se posent sur la gestion de la gouvernance et qu'elles finiront par éclater et, oui, cela fera peut-être partie d'un changement dans le temps. J'ai déclaré publiquement ne pas être certain qu'il ira au bout de son troisième mandat. C'est une hypothèse tout à fait personnelle, mais elle repose sur ma connaissance du fonctionnement des processus communistes chinois.
:
Je vous remercie, monsieur le président, et je le répète, c'est très révélateur.
Le courriel fait état du point de vue d'un dirigeant de l'UBC: [Traduction]
Je recommanderais une réunion avec tous les acteurs.
Yves, vous devriez demander cette réunion le plus tôt possible...?
Vous avez répondu ceci: [Traduction] « Je viens d'envoyer le courriel général qui déclenche le message. »
Je vous ai également demandé si les professeurs qui siègent au China Council participent à des négociations commerciales avec Huawei. Vous avez dit que non. J'ai un courriel que vous a envoyé à Paul Evans le 9 mars. Voici ce que vous écrivez: [Traduction]
Meigan a organisé une très bonne réunion pour moi mercredi avec six de ses [...] collègues des sciences appliquées. Discussion éclairée et animée sur l'expérience du travail avec la Chine, sur des questions relatives à Huawei en particulier, et sur l'évolution du contexte pour de futures collaborations.
Concilier les préoccupations liées à la sécurité nationale et les risques connexes, d'une part, et les progrès en matière de recherche et de sciences, d'autre part, est compliqué et c'est une question à laquelle nous pensons tous. Pour l'instant, il n'y a eu aucune interaction avec Ottawa à ce sujet, mais il y a de toute évidence un intérêt à ce qu'il y en ait une.
J'ai proposé une deuxième réunion avec le même groupe ou un groupe un peu plus grand ou le groupe plus petit de l'UBC (quatre sur cinq étaient présents) qui négocie avec HW en ce moment. Meigan a fait valoir que c'est un dossier où l'UBC pourrait jouer un rôle national de premier plan. Elle mènera des consultations internes. Gail nous a informés.
Je vous ai aussi demandé si le China Council jouait un rôle direct dans les activités de financement de l'université ou s'il donnait des conseils à ce propos. Vous avez répondu que non, pas depuis de nombreuses années.
Le 20 mars 2019, vous avez adressé à plusieurs collègues un courriel intitulé « Mesures de suivi stratégiques concernant l'UBC et la Chine » qui porte notamment sur le comité consultatif du président (CCP) sur la Chine. À propos de ce comité consultatif, vous disiez que Jack Austin, qui est un des coprésidents du China Council, était enthousiasmé par ce processus et pensait qu'il était la clé de meilleures relations de l'UBC avec la Chine, mais aussi des activités de financement liées à la Chine.
Le procès-verbal de la réunion du China Council du 12 septembre 2018 dit: [Traduction] « Mobilisation communautaire et CCP: compléter le comité consultatif du président sur la Chine [...] inclure de [...] hauts dirigeants de la société civile (et futurs collecteurs de fonds), car cela pourrait avoir une énorme incidence sur la réputation, les réseaux et les activités de financement de l'université. »
J'ai demandé s'il était question au conseil des décisions relatives aux diplômes honorifiques décernés. Vous avez répondu que non, mais d'après l'ordre du jour du 18 janvier 2019, l'UBC a décerné un diplôme honorifique à Kevin Rudd, ancien premier ministre australien.
J'ai demandé si le SCRS avait émis des mises en garde sur les risques d'une collaboration avec Huawei. Vous avez répondu que non, pas à votre connaissance, mais le 22 janvier 2019, Paul Evans vous a écrit pour vous dire que [Traduction] « le SCRS a déjà émis des mises en garde sur les risques de recherches et d'autres formes de collaboration avec Huawei en particulier ».
Monsieur le président, à la lumière de ces éléments, je souhaite donner avis de la motion suivante:
Que le comité entreprenne une étude comportant au moins quatre séances sur les relations entre les universités canadiennes et des entités contrôlées par le gouvernement chinois, que dans le cadre de cette étude, le comité entende les coprésidents de l'UBC China Council, et que le comité rende compte de ses conclusions à la Chambre.
Il s'agit d'un avis de motion. Je ne propose pas la motion, je donne seulement un avis oral de motion.
:
Je vous remercie, monsieur Dubourg.
Évidemment, je voudrais répondre. C'est important.
[Traduction]
Je tiens d'abord à remercier le député de ces questions.
J'aimerais commencer par dire que c'est vraiment sorti du contexte. C'est aller chercher la petite bête et en faire tout un plat.
Tout d'abord, ce n'est pas représentatif de la fonction habituelle. Sur les 200 entrevues que j'ai probablement accordées en trois ans, il s'agit de celle à propos de laquelle j'ai demandé quelques idées, mais n'en ai reçu aucune, ce qui fait que j'ai parlé librement. Il faut placer tout cela dans un contexte plus général.
Ensuite, j'ai bien dit que je n'avais pas eu de contact direct avec le SCRS, mais que Paul Evans avait communiqué avec moi. C'est exactement ce que vous trouvez dans ces courriels.
Enfin, en ce qui concerne le CCP, le conseil consultatif du président, il s'agit d'une vieille idée qui remonte à 2014 ou 2015. On en a parlé au conseil, mais sans aboutir à rien pour l'instant. Il n'en est rien ressorti. Avant tout, l'idée était de créer un groupe consultatif qui ne serait pas concerné principalement par les activités de financement. Vous avez relevé des petits bouts de remarques, mais il faut tenir compte du principal objectif.
Je tiens aussi à ce qu'il soit clair que le China Council a contribué, par exemple, à convaincre le président de ne pas avoir d'Institut Confucius à l'UBC. Nous nous sommes renseignés. Nous avons eu des entrevues avec le gouvernement et nous avons conclu que c'était risqué. Nous avons résisté et nous avons déconseillé d'avoir cet institut. Nous avons contribué à la venue du Dalaï-Lama à l'UBC. Nous sommes très neutres. Nous sommes très heureux et très fiers du rôle que nous jouons pour ce qui est de faire entendre les différents points de vue. Il est très important de souligner que les éléments qui ont été présentés ne sont pas représentatifs.
Il y a eu, comme le mentionnent les courriels, une discussion sur Huawei qui a été déclenchée par les consultations de Paul Evans à Ottawa. Il y en a eu à AMC, mais pas au SCRS, et nous y avons appris qu'il y avait des inquiétudes à Ottawa, ce qui nous a incités à organiser la réunion. Le thème n'en était pas la gestion des médias, mais la réponse à apporter à ce que le gouvernement nous avait fait savoir. Nous avons parlé très franchement et nous avons décidé de suivre, de surveiller ce qui se passait et de nous montrer très prudents.
Une des conséquences a aussi été que l'administratice chargée du dossier, la vice-présidente à la recherche, Gail Murphy, est venue à Ottawa, où elle a été informée. Elle l'a fait non pas en tant que membre du China Council, mais en qualité de vice-présidente à la recherche, de sorte qu'elle est responsable de la gestion de cet aspect.