Bienvenue à la 12e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes. Conformément aux ordres de renvoi adoptés le 24 mars, le 11 avril et le 20 avril 2020, le Comité se réunit pour entendre des témoignages au sujet de la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19.
La réunion d'aujourd'hui se tient par vidéoconférence, et les délibérations seront accessibles sur le site Web de la Chambre des communes. C'est toujours la personne qui parle qui apparaît à l'écran, plutôt que l'ensemble du Comité.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je prononce votre nom. Quand vous êtes prêt à parler, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro.
Avant que nous commencions, j'aimerais rappeler à tout le monde qu'il faut utiliser le canal de la langue dans laquelle vous vous exprimez.
J'aimerais maintenant remercier les témoins de leur présence. Nous accueillons Mme Tammy Schirle, professeure au Département d'économie de l'Université Wilfrid-Laurier. Elle comparaît à titre personnel. Nous accueillons également M. Kim Moody, chef de la direction et directeur des services de conseil en matière de fiscalité canadienne chez Moodys Tax Law. Il manque notre troisième témoin, qui se joindra peut-être à nous pendant les déclarations préliminaires. Il s'agit de Mme Michelle Guy, associée-gérante de Guardian Law.
Madame Schirle, veuillez commencer votre déclaration préliminaire.
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Bonjour, monsieur le président. Je vous remercie, vous et les membres du Comité, de me donner l'occasion de participer à la réunion d'aujourd'hui.
Pour mettre ma déclaration en contexte, j'aimerais préciser que je suis économiste du travail. Mon travail de recherche et d'enseignement porte sur les programmes de soutien du revenu, l'expérience des femmes sur le marché du travail, les décisions concernant la retraite et le lien entre le travail et la santé.
Je me concentrerai aujourd'hui sur deux questions connexes. Tout d'abord, je parlerai des mesures à prendre à moyen terme au cours des prochains mois en m'intéressant à la partie de la main-d'œuvre qui subit les contrecoups des fermetures causées par la COVID-19. Ensuite, je parlerai des investissements qui seront nécessaires à long terme pour renforcer notre infrastructure de soins afin qu'au sortir de la récession, la croissance économique du Canada soit mieux soutenue.
Concernant le premier sujet, j'espère que les données sur l'emploi du mois d'avril refléteront l'ampleur des répercussions que la COVID-19 a sur les pertes d'emplois rémunérés. Pour la suite des choses, nous devons penser à la durée du chômage et aux cas où la durée de l'épisode de chômage sera la plus importante. Je m'attends à ce que les premières personnes qui ont perdu leur emploi en raison des fermetures causées par la COVID-19 seront aussi les dernières à retrouver un travail rémunéré. Ces pertes ont été subies surtout par des femmes qui occupent des emplois dans lesquels on est en contact avec le public. De plus, elles ont été subies par les personnes ayant les salaires les plus bas, le moins d'ancienneté, un salaire horaire et, dans bien des cas, par les plus jeunes travailleurs.
Nous nous attendons à ce que, au fur et à mesure de la réouverture des provinces, certaines industries se remettent sur pied rapidement. Par exemple, je ne pense pas que les pertes que les secteurs de la fabrication et de la construction ont subies en avril persisteront. Certains services ne reprendront que partiellement puisque les exigences relatives à la santé et à la sécurité empêcheront une réouverture complète. D'autres services auront de la difficulté à avoir une demande suffisante de réouverture tant que les clients ne se sentiront pas en confiance quant à leur santé et à leur sécurité financière. Au bout du compte, cela signifie que certains secteurs tarderont à offrir un travail rémunéré à leurs anciens employés. Bien entendu, certains emplois rémunérés ne reviendront jamais. Certains emplois ont disparu. Je doute que la reprise complète soit pour bientôt.
Pour les emplois qui deviennent disponibles, décider de retourner au travail n'est pas toujours chose simple. Avant tout, les travailleurs doivent avoir l'assurance que leur employeur leur offre des conditions de travail sécuritaires et devront trouver un moyen de transport sûr. Compte tenu des éclosions importantes en milieu de travail, les gens évalueront les risques pour eux et, en fin de compte, pour leurs familles lorsqu'ils détermineront s'il vaut la peine d'occuper un emploi.
Ensuite, de nombreuses familles devront trouver des moyens de gérer leur rôle d'aidant, qu'il s'agisse de soins aux enfants, aux aînés ou à d'autres membres de la famille qui sont incapables de s'occuper d'eux-mêmes. Nous savons que ce travail incombe surtout aux femmes. Compte tenu de cela, au cours des prochains mois, nous devons nous assurer que les politiques seront conçues pour offrir un soutien continu aux gens qui ne pourront pas retourner au travail lorsque la PCU prendra fin. Pour certains, cela peut être en juillet. On pourrait fournir une aide similaire à l'assurance-emploi, tout en tenant compte des lacunes dans la couverture de l'assurance-emploi, qui s'accompagnerait de services d'aide à la recherche d'emplois et à la formation pour les gens qui ont perdu leur emploi pour de bon. La formation pourrait viser à faire passer de nombreuses femmes d'emplois à bas salaire dans des professions à prédominance féminine à des emplois mieux rémunérés dans des professions à prédominance masculine et à qualifications comparables.
Les mesures de soutien du revenu doivent être conçues pour favoriser un retour partiel au travail. Des allocations de retour partiel favoriseront un partage entre les membres d'une famille des responsabilités liées aux soins. Par exemple, cela permettrait à la mère et au père de s'absenter du travail pendant un certain temps pour jongler avec les horaires des enfants, et la mère n'aurait pas à arrêter de travailler complètement.
Dans sa forme actuelle, la PCU ne favorise pas ce type de transition. C'est ce qui m'amène à parler de mon deuxième sujet. Je crois que les répercussions que la crise a eues sur les femmes et leur travail, rémunéré ou non, ont fait en sorte que plus de gens comprennent que notre infrastructure de soins ne convient pas. Il nous faut bâtir une infrastructure moderne, efficace et fiable pour gérer cette partie de notre économie si nous voulons améliorer la productivité et accélérer notre reprise.
Qu'est-ce que j'entends par infrastructure? Après les récessions précédentes, nous avons mis l'accent sur des projets d'infrastructure prêts à démarrer, comme la construction de routes pour stimuler l'économie. Les routes font partie de notre infrastructure de transport qui nous permet d'aller travailler et d'acheminer les marchandises vers les marchés plus facilement, en faisant du commerce à l'extérieur de nos propres collectivités. Il n'y a pas un individu ou une entreprise qui construiraient ces infrastructures de manière indépendante, car les bénéfices individuels ne sont pas assez importants pour les inciter à le faire. Nous construisons les routes à l'aide des fonds publics précisément parce que cela soutient l'ensemble de l'économie et favorise la croissance économique. Nous embauchons ensuite des personnes, que nous formons et payons bien pour entretenir cette infrastructure. Il s'agit d'un investissement important et à long terme, dont les coûts sont permanents, qui soutient le bon fonctionnement d'une économie.
D'un point de vue historique, l'infrastructure canadienne de soins a été conçue comme un système très décentralisé. Des personnes, principalement des femmes, étaient chargées de s'occuper des membres de leur famille et de leurs voisins qui étaient incapables de s'occuper d'eux-mêmes. Cela a coûté très cher. Les économistes s'entendent pour dire que les coûts d'opportunité sont tout aussi importants que n'importe quels autres coûts, et que les pertes de revenus pour chaque personne qui prodigue des soins s'additionnent rapidement. En l'absence de formation destinée à un grand nombre d'aidants, bien des personnes vulnérables ne reçoivent pas assez d'aide. Celles qui n'ont pas de membres de leur famille disponibles pour les aider doivent carrément s'en passer.
Aujourd'hui, nous avons mis en place un petit système de soins, dont l'étendue varie en fonction des provinces, mais il demeure très décentralisé et continue à limiter les possibilités de travail de nombreuses femmes. Nous pouvons faire mieux.
En investissant sérieusement dans les garderies et les centres de soins de longue durée, nous pouvons garantir un réseau stable et fiable de dispensateurs de soins. Cela permettrait aux gens qui ne pouvaient pas le faire auparavant en raison de leurs responsabilités d'aidants de se spécialiser là où ils sont le plus productifs, que ce soit dans un domaine de soins ou dans un autre domaine de travail.
Une transition vers la spécialisation dans le domaine où chaque personne détient un avantage comparatif, et de possibles économies d'échelle, permettrait de stimuler la productivité de la main-d'œuvre et, en définitive, la croissance économique.
Je ne prétends pas qu'il s'agit d'un petit investissement. Il est énorme, mais le coût actuel de notre système de soins décentralisé, inefficace et souvent de qualité inférieure est également énorme. Nous devons tenir pleinement compte des coûts qui sont liés à ce système.
Je ne prétends pas non plus que c'est simple, mais je pense que la construction de cette infrastructure avec nos provinces, nos territoires et nos communautés autochtones vaut la peine.
Je vous remercie de m'avoir accordé du temps et je serai ravie de répondre à toutes les questions des membres du Comité.
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Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité pour parler de la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19.
Je m'appelle Kim Moody. Je suis comptable professionnel agréé et chef de la direction et directeur des services de conseils en matière de fiscalité canadienne chez Moodys Tax Law et Moodys Private Client, à Calgary, en Alberta. Je travaille depuis longtemps dans le secteur de la fiscalité canadienne; j'ai occupé différents postes de direction, dont président de la Fondation canadienne de fiscalité, coprésident du Comité mixte sur la fiscalité de l'Association du Barreau canadien et de Comptables professionnels agréés du Canada, et président de la Society of Trust and Estate Practitioners Canada.
J'ai l'intention de me servir de ma déclaration préliminaire pour faire quelques brèves observations sur certains des défis auxquels nous sommes confrontés en ce qui concerne la Prestation canadienne d'urgence; faire quelques suggestions simples pour répondre à ces défis; et parler brièvement de certaines autres prestations pour les aînés.
Pour commencer, j'aimerais féliciter le gouvernement d'être intervenu rapidement pour mettre en œuvre la PCU. Je conviens certainement qu'il était préférable de chercher à agir rapidement plutôt que parfaitement. Il est indéniable que la PCU a permis aux Canadiens qui sont dans une situation difficile et qui doivent subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille d'avoir de l'argent dans leurs poches. Il n'existe aucun guide sur la façon de répondre à un défi aussi inhabituel et il faut, encore une fois, féliciter le gouvernement de sa réponse rapide.
Cependant, maintenant que deux mois ont passé et étant donné que nous avons une vue d'ensemble plus claire qu'au début de la crise, le fait qu'il soit si facile d'obtenir des fonds, et ce, aussi rapidement, pose certains problèmes et a des conséquences imprévues. Bien que ces problèmes sont bien connus, je vais vous parler de quelques-uns d'entre eux que nous vivons avec nos clients et amis.
Des gens reçoivent des versements de la PCU en double. Au sein de notre cabinet comptable, nous connaissons de nombreux enfants et amis de clients qui reçoivent 4 000 $ par mois, et ils se demandent ce qu'ils doivent faire.
Des personnes qui ne sont clairement pas admissibles à la PCU, généralement parce qu'elles n'ont pas gagné un revenu d'au moins 5 000 $ en 2019 ou dans les 12 mois précédant la date de demande, ou parce qu'elles ne répondent pas à l'exigence d'être sans travail pendant au moins 14 jours consécutifs pour des raisons liées à COVID-19 — mon fils a des amis qui travaillaient et qui ont demandé la PCU — reçoivent les fonds. Souvent, c'est quelqu'un qu'elles connaissent qui les encourage à faire une demande.
Des personnes qui ont été mises à pied temporairement refusent de retourner au travail après qu'on leur a offert de le faire, et veulent plutôt continuer à recevoir la PCU. Bien que je ne sois pas avocat spécialisé dans le droit du travail, il me semble que ces personnes peuvent avoir quitté leur emploi volontairement, ce qui correspond au texte législatif auquel je ferai référence dans un instant. Si c'est exact, alors elles ne demeureraient pas admissibles à la PCU, conformément au paragraphe 6(2) de la Loi sur la prestation canadienne d'urgence. Certains avocats spécialisés en droit du travail que je connais ont confirmé un tel traitement; cependant, je ne vois aucune application de cette disposition.
Il semble que la PCU rivalise avec l'embauche d'employés et constitue un véritable obstacle lorsque les employeurs commencent à embaucher. Nos clients et amis nous ont dit que d'anciens employés aiment mieux être en vacance en bénéficiant de la PCU plutôt que de retourner au travail. Nous voyons ce phénomène en particulier chez les employés à temps partiel.
Par exemple, ma sœur et mon beau-frère possèdent et exploitent une boulangerie prospère au Calgary Farmers' Market. Au début de la crise, ils ont mis à pied la plupart des membres de leur personnel en raison de la baisse attendue des revenus. Au fur et à mesure que la crise a progressé, la demande de pain a augmenté et a largement dépassé leurs attentes. En conséquence, ils ont dû réembaucher certains de leurs employés et en embaucher de nouveaux. Il va sans dire qu'il est difficile d'embaucher tous les employés qu'il faut lorsque l'entreprise rivalise avec la PCU. C'est la réalité.
Des médias ont récemment parlé d'une note de service adressée aux membres du personnel d'Emploi et Développement social Canada qui traite les demandes de PCU qui les informait qu'ils devaient approuver les demandes, même si une personne avait démissionné volontairement, si une personne avait été congédiée pour un motif valable, ou si la demande globale était litigieuse. Il semble que ces demandes seront examinées ultérieurement. Cette situation me sidère et sidère de nombreux Canadiens. Bien que le gouvernement ait manifestement opté pour la rapidité plutôt que pour la perfection, on ne voit pas pourquoi il faudrait fermer les yeux sur l'examen des demandes litigieuses, voire frauduleuses. Sur la base de l'expérience de notre cabinet, on pourrait raisonnablement supposer que 10 % des demandes présentent des problèmes.
Étant donné que le directeur parlementaire du budget estime que la Prestation canadienne d'urgence coûtera 35,4 milliards de dollars au Canada, 10 % de ce montant représente 3,54 milliards de dollars. C'est un montant important à tous points de vue. Il faut mettre les choses en perspective.
En 2019, l'Agence du revenu du Canada a publié son cinquième rapport sur le soi-disant écart fiscal, en se concentrant sur l'impôt sur les sociétés. D'autres rapports publiés par l'ARC ont examiné la fraude liée à la taxe sur les ventes, l'évasion fiscale au pays et le recours aux paradis fiscaux à l'étranger. Le rapport ministériel de 2019 estime que pour l'année d'imposition 2014, les entreprises canadiennes ont réussi à payer de 9,4 à 11,4 milliards de dollars de moins de ce qu'elles auraient dû payer en impôts.
Personnellement, j'ai beaucoup de difficulté avec ces estimations. À titre anecdotique, je crois qu'elles sont extrêmement élevées, mais ce n'est que mon avis. Il faudrait ajuster ces estimations pour qu'elles soient dans une catégorie plus crédible, c'est-à-dire de 3 à 5 milliards de dollars.
Le quatrième rapport sur l'écart fiscal, publié en juin 2018, aborde l'écart fiscal international et les impôts des particuliers. L'Agence du revenu du Canada indique ce qui suit:
Selon les vérifications internationales réalisées entre 2014-2015 et 2016-2017, près d'un milliard de dollars de revenus ont été découverts et ont fait l'objet d'une cotisation pour 370 particuliers, 200 sociétés et un petit nombre de fiducies. Au total, 284 millions de dollars en impôts supplémentaires ont été repérés, dont 23 % étaient attribuables à des particuliers et 77 % à des sociétés et à des fiducies qui leur étaient liées.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au gouvernement au sujet de la réponse à la COVID-19.
En guise de présentation, je suis avocate spécialisée en droit de la famille à Vancouver, en Colombie-Britannique. Je suis propriétaire d'un cabinet de droit appelé Guardian Law. J'exerce le droit de la famille depuis 12 ans. Je suis préoccupée par l'impact de la pandémie sur les familles qui dépendent des pensions alimentaires pour enfants et pour époux pour répondre à leurs besoins quotidiens et je suis également préoccupée par la situation, car il n'existe aucun programme fédéral pour combler ce manque de revenu.
Dans mon cabinet, presque tous les dossiers débouchent sur un type ou un autre de pension alimentaire pour enfants ou pour époux. Comme vous le savez peut-être, la pension alimentaire pour enfants est prescrite par les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants. La pension alimentaire pour époux est calculée, dans presque tous les cas, à l'aide des Lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux. En vertu de l'alinéa 11(1)b) de la Loi sur le divorce, le tribunal ne peut pas accorder le divorce si aucune pension alimentaire pour enfants n'est en place et n'est versée.
En matière de politique publique, les pensions alimentaires pour époux et pour enfants sont des outils essentiels pour assurer l'égalité entre les ménages et pour veiller à ce que le ménage qui assume la plus grande responsabilité de soins aux enfants — et dans la plupart des cas, il s'agit d'un ménage où il y a une femme — ait un revenu stable et soit compensé pour les limites que l'exercice des responsabilités parentales impose à la capacité du parent à s'engager dans la vie active. Les pensions alimentaires pour époux et pour enfants sont largement acceptées par la société comme étant nécessaires pour garantir une répartition équitable des revenus.
En raison de la COVID-19, de nombreux employés ont été mis à pied ou des propriétaires d'entreprise ont subi une réduction importante de leurs revenus en raison de la fermeture de leur entreprise. Par conséquent, les payeurs se trouvent dans une situation où ils réduisent considérablement ou suppriment complètement les paiements de pensions alimentaires pour époux et pour enfants. Des personnes complètement désespérées sont venues me consulter, car malheureusement, elles n'ont aucune aide à leur disposition, puisque la définition du revenu utilisée dans le cadre de la Prestation canadienne d'urgence n'inclut pas les pensions alimentaires pour enfants ou pour époux.
De plus, la subvention salariale ne considère pas que le paiement d'une pension alimentaire pour enfants ou pour époux représente une forme de salaire...
Je peux faire un bref exposé, car c'est un enjeu assez simple.
Comme je l'ai dit plus tôt, je suis avocate spécialisée en droit de la famille à Vancouver depuis les 12 dernières années, et tous mes dossiers débouchent sur un type ou un autre de pension alimentaire pour enfants ou pour époux. Les pensions alimentaires pour enfants ou pour époux découlent d'une loi fédérale et sont réputées être des éléments nécessaires à notre tissu de soutien social.
Certains de mes clients sont venus me consulter, car leur situation est désespérée. En effet, ces personnes comptent, dans une large mesure, sur la pension alimentaire pour enfants ou pour époux pour joindre les deux bouts, mais le payeur a perdu sa source de revenus principale, que ce soit parce qu'il a été mis à pied ou parce qu'il fait face à une réduction importante de ses revenus d'entreprise en raison d'une fermeture ou d'une perte de revenu. Par conséquent, ces gens cessent de payer ou réduisent grandement la pension alimentaire pour époux ou pour enfants qu'ils payaient.
Le problème, dans ce cas-ci, c'est que la personne qui compte sur ce revenu pour payer les dépenses liées aux enfants, qui sont les membres les plus vulnérables de notre société, n'a aucun programme vers lequel se tourner pour tenter de remplacer ce revenu. En effet, la définition de revenu utilisée dans le cadre de la Prestation canadienne d'urgence n'inclut pas la pension alimentaire pour enfants ou pour époux, et le programme de subvention salariale ne considère pas le paiement d'une pension alimentaire pour enfants ou pour époux comme faisant partie du salaire.
Ces parents, qui sont habituellement des femmes, sont désespérés lorsqu'ils me consultent, car ils n'ont aucun moyen de joindre les deux bouts. Même si ces personnes réussissent à négocier une cessation des paiements avec leur propriétaire ou le titulaire de leur hypothèque, les factures continuent de s'empiler. Elles doivent continuer de nourrir leur famille. Elles doivent continuer de payer pour ces choses au bout du compte. Dans la plupart des cas, ces personnes vivent d'une paye à l'autre.
Je pense donc qu'il faut revoir la définition du revenu aux fins de la Prestation canadienne d'urgence de façon rétroactive, afin que nous puissions accorder des fonds à ces personnes. Nous pouvons aussi redéfinir le salaire et les traitements dans le cadre du programme de subvention salariale, afin d'inciter le payeur à remplir ses obligations et lui offrir un programme qui lui permet d'obtenir une certaine indemnisation pour ces dépenses.
C'est essentiellement ce que je propose. Je serai heureuse de répondre à vos questions, le cas échéant.
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Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à Mme Schirle.
Nous sommes heureux que vous comparaissiez devant notre comité. J'ai beaucoup aimé les commentaires que vous avez formulés ce matin au sujet des femmes dans la population active. Cela me rappelle ma belle-mère, qui est une immigrante et qui travaille dans un établissement de soins, mais qui a été mise à pied pendant la COVID-19.
J'aimerais vous poser de brèves questions sur les commentaires que vous avez formulés dans un article publié dans le Globe and Mail la semaine dernière.
Dans le même article que j'ai mentionné lors de notre dernière réunion, une autre personne interrogée se demandait — et cela concerne la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti — pourquoi les libéraux n'avaient pas simplement versé le paiement d'urgence unique aux personnes âgées par l'entremise du Supplément de revenu garanti, ce qui aurait automatiquement ciblé les personnes âgées à faible revenu.
Le fonctionnaire fédéral qui a comparu devant notre comité la semaine dernière a déclaré que le gouvernement estime que toutes les personnes âgées ont été touchées d'une façon ou d'une autre par l'augmentation des coûts, et il a donc simplement fondé le calcul de ces 300 $ sur toutes les personnes admissibles à la Sécurité de la vieillesse.
À votre avis, le fait de limiter le versement de ce financement d'urgence unique aux bénéficiaires du Supplément de revenu garanti ou même l'imposition d'un seuil plus strict pour les bénéficiaires de la Sécurité de la vieillesse aurait-il permis de régler la question de manière satisfaisante? Avez-vous une autre solution possible pour aider les personnes âgées, à part un paiement global à tous les bénéficiaires de la Sécurité de la vieillesse?
Je pense que les interprètes éprouvent des difficultés, mais j'essaierai de répondre.
Nous savons que les étudiants auront du mal à entrer sur le marché du travail. S'ils essaient de le faire pendant une récession normale, ils subiront une réduction importante de leurs salaires escomptés, une perte qu'il faudra une dizaine d'années pour combler.
Dans ce scénario, leur premier emploi n'est pas l'emploi idéal. L'objectif est de décrocher un emploi, n'importe lequel, et beaucoup d'emplois qui leur sont offerts, actuellement, ne contribueront pas à leur cheminement de carrière. Nous nous inquiétons beaucoup pour les nouveaux diplômés.
Dans beaucoup d'universités, le nombre d'inscriptions aux cours d'été a augmenté. Nous soupçonnons donc beaucoup d'étudiants de choisir de poursuivre leurs études, en acquérant d'autres compétences avant de se diriger vers le marché du travail. Ça leur semble un scénario optimiste, mais en fin de compte, ils devront foncer et affronter la concurrence. Comme beaucoup de lieux de travail semblent évoluer vers plus de télétravail, les modalités des premiers réseautages coïncidant avec le début de leur première carrière et l'apprentissage en cours d'emploi ne sont pas évidentes. Ils éprouveront de nombreuses difficultés.
J'ai l'impression que les étudiants qui retournent aux études à l'automne sont assez bien protégés par les politiques mises sur pied, mais je m'inquiète beaucoup pour les nouveaux diplômés qui se lancent dans une carrière.
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Monsieur le président, honorables membres du Comité, mesdames et messieurs, je vous remercie. C'est un honneur pour moi d'être avec vous aujourd'hui.
Alors que nous avons pris conscience de l'incidence de la COVID-19 sur nos vies, nous souhaitons tous pouvoir revenir à la normale. C'est alors que la réalité nous frappe et que nous constatons avec appréhension que nous devrons accepter à contrecœur cette nouvelle normalité.
En ce qui concerne les personnes handicapées, la relance de l'économie canadienne, puis le gage d'une prospérité économique encore plus grande pour l'avenir, je crois que nous ne devrions pas nous contenter d'une nouvelle normalité. Je pense que nous devrions plutôt aspirer consciemment à une nouvelle normalité qui soit meilleure et accessible. Cette normalité doit préconiser la Loi canadienne sur l'accessibilité, tant dans son esprit que dans son texte législatif. Elle ne doit pas être vue comme un fardeau, mais plutôt comme une multitude d'avantages fortuits, que nous n'avons même pas pu envisager jusqu'à présent.
Entre autres choses, à moins que nous voulions tous porter des gants à l'année, l'installation de portes automatiques sans contact partout où c'est possible dans notre société ne devrait plus être considérée comme un simple ajout à l'accessibilité. Il y aura beaucoup d'autres options à envisager.
Mardi, c'était en Ontario la Journée des préposées et préposés aux services de soutien à la personne. Hier, c'était la Journée mondiale de sensibilisation à l'accessibilité. Le 31 mai débute la Semaine nationale de l'accessibilité, une initiative bienvenue du gouvernement fédéral.
Ces dates sont importantes, car elles englobent de façon générale les trois types de personnes handicapées qui, selon Statistique Canada, représentent 22 % de notre population. Tout d'abord, il y a les personnes comme moi qui sont handicapées, mais qui, grâce à l'utilisation d'appareils fonctionnels, vivent essentiellement une vie indépendante. Deuxièmement, il y a ceux qui ont besoin de l'aide quotidienne d'un préposé aux services de soutien à la personne, ou PSSP, pour participer à la société, à l'école ou sur le marché du travail. Troisièmement, il y a les personnes âgées qui ont des problèmes de mobilité, de même que les jeunes adultes dont le handicap est suffisamment grave pour que leur seule option soit de rester dans une maison de soins de longue durée ou une résidence pour aînés, indépendamment de leur âge. Nous avons un membre de la famille qui correspond exactement à cette catégorie.
Ce sont ces deux derniers groupes qui sont les plus touchés aujourd'hui par la COVID-19. En ce qui concerne les PSSP, je constate que le gouvernement envisage de créer un programme de formation pour les chômeurs canadiens afin d'aider les foyers de soins de longue durée. La a déclaré que, même si ces foyers sont de compétence provinciale, l'initiative serait à la disposition de toute province qui chercherait de l'aide pour ces établissements pendant la pandémie.
Je félicite la ministre d'avoir ajouté que la crise ne frappe pas seulement les soins de longue durée, mais aussi tous les établissements collectifs, y compris les établissements de soins en résidence pour personnes handicapées. Elle a déclaré ceci: « Toute situation de vie collective doit véritablement être décortiquée avec honnêteté. Au Canada, nous avons besoin d'une meilleure façon de procéder à cet égard. » Je suis tout à fait d'accord avec elle.
Le 5 mai, mon compagnon d'armes Jeffrey Preston, professeur d'étude sur la condition des personnes handicapées au Collège universitaire King's, s'est adressé à votre comité. Il a souligné le besoin d'avoir une meilleure façon de faire les choses à l'avenir lorsqu'il vous a dit ce qui suit:
Nous devons sécuriser nos établissements de soins de longue durée afin d’éviter la propagation du virus d’une unité à l’autre et d’une installation à l’autre. Il est essentiel de soutenir les efforts des provinces pour prendre soin des soignants, notamment en augmentant le nombre de préposés aux bénéficiaires et en leur accordant des congés payés réguliers pour se ressourcer ou lutter contre les maladies. L'augmentation du nombre de personnes travaillant dans ces fonctions est, je crois, essentielle. Cela signifie aussi, cependant, qu’il faut réexaminer les pratiques passées où nous avons placé des personnes handicapées de tous âges dans des établissements médicaux [...] en raison du manque de logements accessibles et abordables.
La pandémie qui nous frappe est sans doute le plus grand défi sociétal qui s'est présenté à notre nation. Je vous renvoie donc tous à un article qui est paru le 14 mai dans theconversation.com, et qui porte sur le coronavirus dans les soins de longue durée pour les personnes handicapées au Canada. Ce brillant article a été rédigé par les professeures Gillian Parekh, de l'Université York, et Kathryn Underwood, de l'Université Ryerson.
Voici ce qu'elles disent de la catastrophe qui frappe nos établissements de soins de longue durée — et c'est vraiment une catastrophe:
Quand nous songeons à l'identité des personnes qui sont touchées de manière disproportionnée par la pandémie, nous ne pouvons nous empêcher de nous demander comment il est possible que la discrimination fondée sur la capacité physique façonne la vision des personnes dont la vie est valorisée ou non. Alors que les gouvernements prévoient un « retour à la normale » malgré les graves problèmes systémiques qui subsistent dans les établissements de soins de longue durée, s'agit-il vraiment de la normalité à laquelle nous voulons revenir?
Non, ce n'est pas le cas. Nous avons besoin d'une meilleure façon de procéder à l'avenir. La discrimination basée sur la capacité physique est une forme de négligence bénigne. Mmes Parekh et Underwood ont conclu leur article en citant Mia Mingus, une militante pour les droits des personnes handicapées: « On se demande alors quels corps sont jugés précieux, désirables et jetables. »
On nous a dit à maintes reprises de faire confiance à la science pour la suite des choses. C'est assurément important. Mais maintenant que 76 jours se sont écoulés au Canada depuis le premier décès attribuable à la COVID-19, il est temps de faire des calculs. Notre population compte 37 500 000 habitants. En date d'hier, plus de 6 150 Canadiens sont morts de la COVID, et nous nous classons au 11e rang dans le monde. Au total, 80 % de ces personnes, soit 4 920 Canadiens, se trouvaient dans des foyers de soins de longue durée ou des maisons de retraite, et la plupart souffraient d'un handicap.
Nous nous souvenons tous de l'accident d'autocar survenu à Humboldt. Il y a 16 personnes qui ont perdu la vie, et le pays était en deuil. Au cours des 76 jours où il y a eu des décès liés à la COVID, le bilan des morts chez nos aînés handicapés a été l'équivalent de quatre accidents de Humboldt par jour pendant 76 jours. Ce sont les chiffres, et il y en a d'autres.
Quelles leçons pouvons-nous tirer de ces chiffres? Prenons l'exemple du Japon, qui compte une population de 126 000 000 habitants, dont 25 % sont des personnes âgées. Pourtant, en date d'hier, il y a eu 771 décès liés à la COVID au sein de la nation japonaise. Le pays se classe au 73e rang mondial. Or, le nombre de décès au Canada chez les aînés seulement est six fois supérieur au nombre total de décès au Japon, à l'échelle du pays. Sa population est 3,3 fois supérieure à celle du Canada, et, pourtant, son bilan des décès attribuables à la COVID représente 13 % de celui du Canada. Pourquoi? Il y a des motifs détaillés. En résumé, les Japonais ne se serrent pas la main et ne l'ont pas fait depuis des siècles. Ils se saluent plutôt en s'inclinant. Depuis l'accident nucléaire de Fukushima survenu en 2011, l'utilisation de masques et de désinfectants pour les mains s'est généralisée et est totalement acceptée.
Plus près de chez nous, le Nouveau-Brunswick...
Je m'appelle Bill Adair, directeur général de Lésions médullaires Canada. Je suis heureux de vous parler aujourd'hui de la réponse du gouvernement du Canada à la COVID-19. Je suis particulièrement heureux de le faire alors que notre organisation célèbre son 75e anniversaire.
Lésions médullaires Canada a été fondée par des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale qui souffraient de lésions de la moelle épinière. Ils étaient déterminés à rentrer au Canada et à en faire un pays plus inclusif et accessible. Je suis fier d'être ici avec les mêmes intentions pour représenter notre organisation et nos fondateurs.
Selon les estimations, il y a 68 000 personnes qui vivent avec des lésions de la moelle épinière au Canada. Environ une personne par jour s'ajoute à ce nombre. Lésions médullaires Canada a pour mandat de soutenir le cheminement des personnes, afin qu'elles retrouvent une vie indépendante et épanouie.
La COVID-19 pose de nombreux défis aux personnes atteintes de lésions de la moelle épinière. Pour rester en santé, les meilleurs conseils médicaux consistent à se laver les mains et à garder une distanciation sociale. Les personnes quadriplégiques au niveau supérieur — qui ont des fonctions limitées à partir du cou — pourraient trouver que le lavage des mains n'est pas une tâche simple, pas plus que le port de gants ou d'un masque. De plus, de nombreuses personnes souffrant de lésions de la moelle épinière font appel à un préposé aux services de soutien à la personne, ou PSSP, pour les aider dans les activités quotidiennes. La distanciation sociale est impossible dans une telle situation.
Pour les personnes atteintes de lésions de la moelle épinière en milieu hospitalier ou en réadaptation, la COVID-19 constitue une grave menace en raison de l'exposition accrue, et aussi parce que ces gens ont souvent plus de mal à respirer et à actionner leurs poumons. Lorsque ces personnes sortent de l'hôpital, la grave pénurie de logements abordables et accessibles ne leur laisse pas d'autre choix que de s'installer dans des établissements de soins de longue durée, ce qui les met en grand danger, comme nous le savons. En raison du nombre très limité d'équipements de protection individuelle, ou EPI, les PSSP arrivent parfois sans gant ni masque au domicile des gens. Cela met les bénéficiaires du service dans une situation très vulnérable. La personne peut refuser le service, mais comment fera-t-elle alors pour manger, aller aux toilettes, se coucher ou se lever le matin? Les PSSP qui sont dans la collectivité ont besoin d'équipements de protection au même titre que dans les hôpitaux et les centres de soins de longue durée.
Heureusement, les PSSP sont désormais considérés comme des travailleurs essentiels et ont reçu une rémunération supplémentaire en guise de reconnaissance. Lésions médullaires Canada appuie sans réserve ce changement, qui a toutefois eu des effets de ricochet. Soudain, certains PSSP ne pouvaient plus fournir de services aux personnes dans la collectivité. Ce changement a mis de la pression sur les épaules de la famille et des amis, qui devaient alors trouver de l'aide. Les gens se sont empressés de trouver de nouveaux PSSP en pleine pandémie. Aussi, certaines personnes ont essayé de verser un montant égal au salaire majoré, ou même de payer plus cher pour garder leur PSSP. C'était toutefois pratiquement impossible pour les personnes touchant un revenu fixe.
Il y a eu aussi des dépenses supplémentaires à la charge des patients pour des services tels que la collecte des ordures, la livraison de l'épicerie, la réparation d'équipements pour les personnes handicapées ou l'achat en gros de fournitures médicales en raison de leur disponibilité.
À ce jour, le gouvernement du Canada a apporté son soutien aux travailleurs, aux parents, aux sociétés, aux propriétaires de petites et moyennes entreprises, aux travailleurs, aux familles, aux enfants, aux étudiants, aux Autochtones, aux sans-abri, aux femmes victimes de violence, aux personnes âgées, aux jeunes, aux transformateurs de fruits de mer, aux producteurs laitiers, aux fournisseurs agricoles, aux sociétés énergétiques, aux entreprises touristiques et aux organisations sportives et culturelles. Les Canadiens peuvent certes être fiers de vivre dans un pays dont le gouvernement est attentif aux valeurs fondamentales, et où nous prenons soin les uns des autres.
Même si certaines personnes souffrant de lésions de la moelle épinière sont admissibles à l'aide financière annoncée par notre gouvernement, les gens qui reçoivent des prestations d'invalidité n'y ont pas droit et sont laissés pour compte.
En 2019, la prestation d'invalidité moyenne du Régime de pensions du Canada, ou RPC, était d'à peine plus de 1 000 $ par mois, et la prestation maximale que quiconque pouvait recevoir était tout juste supérieure à 1 300 $ par mois. Même si elles ont accès à d'autres programmes de financement provinciaux et territoriaux, le fait est que de nombreuses personnes qui reçoivent du soutien pour les personnes handicapées vivent dans une grande pauvreté.
Par ailleurs, Lésions médullaires Canada doit relever le défi de maintenir son soutien aux personnes dans le besoin. Une de nos organisations provinciales a dû fermer ses portes, et une autre est dangereusement près de lui emboîter le pas puisque les campagnes de financement n'ont pas porté leurs fruits. Les Canadiens tiennent les cordons de leur bourse, et les gens n'assisteront pas aux activités de financement. Il est vrai qu'une somme de 350 millions de dollars a été annoncée en avril, mais le processus de demande a été lancé cette semaine seulement. Nous devons maintenant engager un processus complexe pour réclamer cette aide, ce que nous allons faire, mais la situation place notre fédération dans une situation très périlleuse. Mais surtout, ce sont les personnes que nous servons qui sont pénalisées.
Cela étant dit, des changements sont survenus en raison de la COVID-19, et Lésions médullaires Canada espère qu'ils seront maintenus à l'avenir. Les services de santé par vidéoconférence sont une option formidable. Pour les personnes atteintes de lésions de la moelle épinière qui ne peuvent pas sortir de la maison ou qui ont du mal à se déplacer, il s'agit d'un réel avantage qui devrait être maintenu.
Les Canadiens se sont bien adaptés au travail à domicile. À l'avenir, nous espérons qu'un plus grand nombre d'emplois seront annoncés comme pouvant être réalisés à partir d'un bureau à domicile, ce qui augmentera le taux d'emploi des personnes handicapées.
Les femmes handicapées sont deux fois plus susceptibles que les autres femmes de subir des violences émotionnelles, physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire actuel ou d'un ex-partenaire. Comme nous nous réfugions tous à la maison, les femmes victimes de violence sont isolées avec leur agresseur. La COVID-19 a mis en lumière cet épouvantable problème systémique, que nous devons résoudre à l'échelle du pays.
Les personnes souffrant de lésions de la moelle épinière et bénéficiant d'une aide aux personnes handicapées sont maintenues dans une situation financière désespérée. Elles doivent littéralement choisir entre se nourrir et acheter des médicaments, puis entre payer le loyer ou la réadaptation.
Lorsque les Canadiens ont perdu leur emploi en raison de la COVID-19, la PCU leur donnait droit à un revenu de base de 2 000 $. Nous demandons un revenu de base universel pour les personnes atteintes de lésions de la moelle épinière et d'autres handicaps, et qui reçoivent une aide aux personnes handicapées. La société n'a aucun avantage à maintenir les gens dans la pauvreté et la vulnérabilité.
J'aimerais conclure en formulant les recommandations qui suivent.
La première consiste à mettre en place un plan d'intervention d'urgence coordonné pour les personnes handicapées, qui sera mis en œuvre dans tout le Canada, pour que nous soyons prêts à intervenir en cas d'éventuelles urgences à l'échelle locale, provinciale, territoriale et nationale.
La deuxième recommandation vise à augmenter le nombre de logements accessibles et abordables dans tout le Canada.
La troisième préconise de fournir de l'équipement de protection individuelle aux travailleurs de la santé en milieu communautaire.
La quatrième consiste à continuer à payer les PSSP à leur juste valeur maintenant et à l'avenir.
Ensuite, il faut augmenter les versements dans le cadre des programmes de financement direct — les fonds qui aident les gens à vivre dans la collectivité — afin que ces personnes puissent vivre dans leur milieu en toute sécurité et de manière indépendante.
Pour les personnes qui reçoivent une aide aux personnes handicapées, il faut également fournir l'aide financière nécessaire afin de couvrir les coûts supplémentaires liés à un handicap qui sont attribuables à la pandémie.
Une autre recommandation consiste à maintenir les services de santé par vidéoconférence après la COVID-19.
Il faut aussi mettre en œuvre une stratégie nationale pour lutter contre la violence à l'égard des femmes.
De plus, il faut mettre en place un revenu de base universel pour tous les Canadiens, y compris les personnes handicapées.
Enfin, nous recommandons de mettre en œuvre une stratégie nationale à l'égard des personnes handicapées et de prendre des moyens pour accroître la participation au marché du travail.
Depuis le 11 mars, date à laquelle l'Organisation mondiale de la santé a déclaré pour la première fois que la COVID-19 est une pandémie, les plus vulnérables d'entre nous attendent de recevoir une aide. Tous les Canadiens veulent vivre dans le respect et la dignité. Nous sommes tous dans le même bateau, et personne ne devrait être laissé pour compte.
Je vous remercie.
Je m'appelle Olivier Villeneuve et je suis le directeur de l'organisme Mouvement personne d'abord de Sainte-Thérèse, dont la principale mission est de défendre collectivement les droits des personnes vivant avec une déficience intellectuelle.
Notre philosophie est de mettre les personnes en avant. Ce sont elles qui décident des grandes orientations et des dossiers que nous allons traiter. C'est pourquoi je vais faire une courte présentation. Ensuite, Mme Louise Bourgeois, qui vit avec une déficience intellectuelle, va vous parler de son expérience dans le cadre de la pandémie.
En temps de pandémie, les différents paliers gouvernementaux ont tout intérêt à ce que chaque citoyen ait accès à de l'information dont la forme et le contenu sont accessibles à sa condition. Dans ce contexte, l'information est en amont de tout le reste. Si je suis bien informé, mes comportements refléteront les bonnes pratiques de prévention de la contagion et j'aurai le réflexe d'aller au bon endroit passer un test de dépistage, selon ma situation. Plus important encore, si le citoyen canadien est bien informé, cela atténuera son sentiment d'incertitude et sa détresse et l'aidera à maintenir une bonne santé mentale.
En tant que société, nous avons le devoir de tout mettre en œuvre pour que chacun des citoyens, peu importe sa condition, ait une chance égale d'avoir accès à de l'information compréhensible et au même moment. Il s'agit du droit à l'égalité protégé par la Charte canadienne des droits et libertés.
Pour la personne parlant anglais, les contenus seront traduits dans sa langue. Pour la personne atteinte de cécité, une version en braille sera fournie. La personne qui vit avec une déficience intellectuelle a elle aussi besoin que l'on adapte la forme et le contenu de l'information qu'elle reçoit, afin qu'elle soit en mesure de jouer son rôle de citoyen responsable.
Une personne vivant avec une déficience intellectuelle apprendra mieux si on utilise les bonnes stratégies de communication, tout comme le langage des signes est une bonne stratégie pour soutenir une personne atteinte de surdité. Elle maîtrisera davantage la teneur du message si l'on parle ou écrit l'information dans sa langue. Verbalement, il est recommandé d'utiliser des phrases courtes avec des mots concrets et simples véhiculant une seule idée. Lui parler lentement, sans, toutefois, l'infantiliser, est une stratégie gagnante.
Pour ce qui est de l'information écrite, mentionnons que certains n'ont pas la capacité de la lire ou ont une faible littératie. Par exemple, des affiches publicitaires ou des textes d'information sur la pandémie devraient en tout temps contenir des phrases utilisant des mots simples et concrets, ainsi que des images appuyant le contenu de l'information.
Nous avons sondé une cinquantaine de personnes vivant avec une déficience intellectuelle au cours des dernières semaines, et il est clair que la COVID-19 a un effet néfaste significatif sur leur qualité de vie. Le château fort de leur sécurité s'est effondré à la suite de l'atteinte draconienne aux routines. Le château fort du sentiment de contrôle sur leur vie s'est également effondré, compte tenu du traitement difficile de toutes ces informations complexes et contradictoires. Présentement, nous avons tous l'impression de vivre sur une autre planète. Imaginez l'immense sentiment de vide qu'éprouvent ceux pour qui traiter l'information au fur et à mesure qu'elle arrive est un plus grand défi.
La table étant mise, nous vous soumettons bien respectueusement deux pistes de solution en lien avec le problème d'accès à de l'information accessible et compréhensible pour tous les citoyens, dont ceux qui vivent avec une déficience intellectuelle.
Premièrement, le gouvernement fédéral devrait constamment avoir le réflexe d'adapter l'information véhiculée en langage simplifié. Deuxièmement, il faudrait que les fonctionnaires fédéraux experts en intervention auprès des personnes vivant avec une déficience intellectuelle s'assurent que les communications, peu importe leur forme, respectent les bonnes stratégies de communication que je viens de décrire.
Au nom des membres de notre organisme, nous tenons à vous remercier sincèrement de cet exercice bien noble, celui de rendre le Canada plus inclusif.
En guise de conclusion, voici le témoignage de Mme Bourgeois, une adulte vivant avec une déficience intellectuelle dans le contexte de cette pandémie.
Je lui cède la parole.
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Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant le Comité.
Au départ, j'ai eu peur. J'avais beaucoup d'inquiétudes. Je me demandais si le Mouvement personne d'abord de Sainte-Thérèse serait fermé pour toujours. Je ne savais pas où on s'en allait. Je me sentais seule et isolée. J'étais inquiète devant la pandémie, car, pour moi, c'était l'inconnu. Je ne savais pas ce que c'était, la COVID-19. C'était la première fois que j'entendais cela. J'étais confuse.
J'avais beaucoup de difficulté à obtenir de l'information. Ce n'était pas clair. Ce n'était pas rassurant d'entendre dire qu'il fallait rester à la maison. Cela signifiait-il qu'il fallait rester à l'intérieur et ne plus jamais sortir dehors? L'information arrivait très en retard. J'écoutais les informations et, deux minutes plus tard, l'information simplifiée arrivait.
Par ailleurs, l'accès au matériel de protection est difficile pour nos membres, qui n'ont pas beaucoup d'argent pour se le procurer. Le Mouvement fournira donc tout le matériel de protection, y compris les masques.
Ensuite, pour ce qui est de l'information et des explications, il ne faut pas employer des mots à 100 $, parce que nos membres ont beaucoup de difficulté à comprendre. Il faut que ce soit clair et qu'il y ait des images,des pictogrammes. Cela pourrait être une image où on voit trois tables, une personne à chaque table, puis une flèche entre deux personnes et le chiffre 2 pour indiquer qu'il doit y avoir une distance de deux mètres entre elles.
Je vous remercie de m'avoir accueillie et de m'avoir permis de vous offrir mon témoignage.
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Je vous remercie de votre question, madame Chabot.
En effet, il y a une littérature abondante sur le sujet. Au Québec, il y a eu beaucoup de partenariats entre les milieux universitaires, ceux de la santé et le monde communautaire pour aller chercher des données probantes et faire ce qui se fait le mieux.
Il existe un site Web appelé Infos-accessibles, qui présente justement des stratégies à cette fin. Il fournit des références sur les bonnes pratiques visant à rendre les textes simples, et il donne des exemples sur les bonnes pratiques de rédaction et celles qui visent l'utilisation d'images pour appuyer le message.
Il est donc extrêmement important d'avoir en tête la condition des personnes vivant avec une déficience intellectuelle. De 1 à 3 % des gens vivent avec une déficience intellectuelle, ce qui représente environ 500 000 citoyens canadiens.
Même en l'absence d'un diagnostic de déficience intellectuelle, beaucoup de gens ont ce qu'on appelle une faible littératie. On leur rendrait service en gardant en tête que beaucoup ont de la difficulté à interpréter l'information qui leur est donnée. Surtout en temps de COVID-19, l'information jaillit de toutes parts. Une journée, c'est blanc, une autre journée, c'est noir, et c'est normal. C'est une science qui n'est pas exacte et que l'on tente de vulgariser.
Pour répondre à votre question, madame Chabot, effectivement, il existe des sites à l'intention d'un organisme ou d'un pays qui veut aller chercher du contenu et savoir comment rendre ses communications accessibles. Le site Infos-accessibles en est un bel exemple.