Bienvenue à la réunion numéro 16 du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
Conformément aux ordres de renvoi du 11 avril 2020 et du 26 mai 2020, le Comité poursuit son étude de la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19.
Conformément à la motion adoptée par la Chambre le 26 mai 2020, le Comité peut continuer à se réunir virtuellement jusqu'au lundi 21 septembre 2020 pour étudier des questions concernant la COVID-19 et d'autres questions. Certaines restrictions jusque-là imposées aux réunions virtuelles ont maintenant été éliminées. Le Comité peut maintenant étudier d'autres questions et, en plus d'entendre des témoignages, il peut aussi examiner des motions, comme il le fait normalement. Comme stipulé dans le dernier ordre de renvoi de la Chambre, toutes les motions feront l'objet d’un vote par appel nominal.
La séance d'aujourd'hui se déroule par vidéoconférence, et les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. La webdiffusion montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble des membres du Comité.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous appelle par votre nom. Lorsque vous êtes prêts, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro.
Avant de commencer, j'aimerais rappeler à tous les participants, et plus particulièrement aux témoins, de bien vouloir utiliser le canal de la langue dans laquelle vous vous exprimez. Si vous passez de l'anglais au français, et inversement, assurez-vous de changer de canal avant de parler dans l'autre langue.
J'aimerais maintenant remercier les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Nous accueillons Mme Armine Yalnizyan, économiste et titulaire de la bourse de recherche Atkinson sur l’avenir des travailleurs, qui témoigne à titre personnel. Nous recevons également M. Matthew Chater, président national et chef de la direction des Grands Frères Grandes Sœurs du Canada.
Madame Yalnizyan, la parole est à vous. Vous avez 10 minutes pour faire votre déclaration.
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup de l'invitation à témoigner devant votre auguste comité remarquablement travaillant.
Hier, la Banque du Canada a indiqué que le pire pourrait bientôt être passé pour l'économie, mais que le rythme de la reprise demeure très incertain. Pour les travailleurs canadiens, la reprise ne saurait venir trop tôt.
Dans l'Enquête sur la population active du mois dernier, Statistique Canada indique ceci: « En avril, plus du tiers [...] de la population active potentielle n'a pas travaillé ou a travaillé moins que la moitié de ses heures habituelles ». La mise à jour de demain devrait démontrer que la reprise se fera plus au masculin qu'au féminin, c'est-à-dire que plus d'hommes que de femmes retournent au travail. C'est très problématique pour la société, étant donné le rôle des ménages dans le potentiel de l'économie future. Avant la pandémie, les dépenses des ménages représentaient plus de 56 % du PIB, et sont un moteur de croissance du PIB de plus en plus important depuis des années, en raison de la baisse des investissements des entreprises et du ralentissement des exportations.
Le pouvoir d'achat des ménages a propulsé l'économie canadienne, et les revenus des femmes sont essentiels au maintien d'un pouvoir d'achat des ménages fort, en particulier pour la période postpandémique. On ignore le nombre exact de travailleurs jugés non essentiels pendant le confinement qui sera réembauché, car bon nombre des personnes qui ont perdu leur emploi étaient des femmes.
Les services de garde sont sans contredit le principal facteur limitatif du retour des femmes au travail. Plus simplement, il n'y aura pas de reprise sans les femmes ni, par conséquent, sans services de garde.
L'accélération des projets d'infrastructure prêts à être mis en chantier contribuera certainement à accélérer la reprise, mais il est mathématiquement impossible que l'augmentation du nombre d'emplois dans le secteur de la construction et de la réparation, à prépondérance masculine, compense le nombre d'emplois perdus par les femmes dans le secteur des services. En outre, la réparation d'infrastructures physiques essentielles n'empêchera aucunement la perte d'infrastructures sociales essentielles, ce qui est exactement ce qu'on s'apprête à faire.
Les frais des services de garde d'enfants sont la deuxième plus importante dépense des jeunes familles, après le logement. De nombreuses familles qui ont perdu des revenus ont dû céder leur place en garderie en raison des coûts élevés pour la conserver. De nombreuses garderies seront touchées, et les frais des services de garde augmenteront encore davantage, sans doute, en raison des nouvelles exigences de distanciation physique, de l'augmentation spectaculaire du ratio personnel-enfants et de l'ajout de nouveaux frais fixes pour l'EPI, le nettoyage et la superficie supplémentaire.
On ignore combien de garderies du réseau devront fermer dans la foulée de la pandémie. Aux États-Unis, on estime que la moitié des places en service de garde est menacée, ce qui représente 4,5 millions de places. Leur maintien coûterait 9,6 milliards de dollars supplémentaires par mois. Un projet de loi visant à empêcher la perte de cette infrastructure a été présenté. Évidemment, moins les places en garderie sont nombreuses, moins les femmes peuvent retourner au travail, même lorsqu'elles ont un emploi.
L'ironie, pour moi — et pour vous, j'espère —, c'est que les garderies subventionnées se financent, littéralement. Une étude réalisée par le célèbre économiste québécois Pierre Fortin et ses collègues a montré qu'en 2008, « chaque tranche de subvention de 100 $ du gouvernement du Québec à la garde lui a procuré un retour fiscal de 104 $ et a fait cadeau de 43 $ au gouvernement fédéral », qui n'a pas injecté un sou dans le programme.
Mais il y a plus: la version K-Tel. Les services de garde peuvent avoir un triple rôle dans la relance. Ils ne servent pas uniquement à faciliter le retour des femmes au travail et à créer des emplois. Il convient aussi de ne pas les limiter à de simples endroits où laisser les enfants pour que les mères puissent travailler, mais d'en faire des programmes abordables de haute qualité axés sur l'apprentissage précoce et accessibles à toutes les familles. Avec cette approche pour les services de garde, nous assurerons le meilleur avenir possible à la prochaine génération de jeunes Canadiens. Nous réduirons les dépenses publiques et augmenterons les revenus pour les gouvernements et la société. Nous sommes libres d'agir ou non, mais quoi qu'on fasse, nous récolterons ce que nous aurons semé aujourd'hui.
Les données américaines montrent que chaque dollar investi dans les programmes d'apprentissage précoce de qualité, en particulier dans les quartiers où les enfants ont plus de risques d'entrer à l'école sans préparation, rapporte de 4 $ à 8,75 $. Bien entendu, l'effet ne se limite pas aux enfants d'âge préscolaire.
Les données canadiennes d'Emploi et Développement social Canada, ou EDSC, montrent que les dépenses pour le programme Passeport pour ma réussite ont donné aux gouvernements un bénéfice net de plus de 2 000 $ par étudiant participant au programme et de plus de 5 000 $ pour les participants individuels, en raison de la baisse des dépenses et de l'augmentation des revenus.
Nous laisserions littéralement de l'argent sur la table si nous ne saisissions pas l'occasion pour améliorer notre infrastructure sociale essentielle en investissant dans l'enfance et les services de garde d'enfants de grande qualité.
La mise en œuvre d'une initiative nationale, en commençant dans nos grandes villes, où l'on retrouve les plus fortes concentrations d'enfants et de pauvreté, nous aiderait à maximiser leur potentiel et leur avenir, ainsi que les nôtres.
Au XXIe siècle, il est essentiel de préparer tous les enfants à l'apprentissage et de les appuyer tout au long de leur parcours scolaire. Ce n'est pas seulement une bonne chose à faire parce que la population vieillit.
Nous ne pouvons absolument pas nous permettre de négliger le développement des compétences de quiconque, étant donné la baisse constante du nombre de personnes en âge de travailler pour soutenir un nombre croissant de personnes trop âgées, trop jeunes ou trop malades pour travailler. Par conséquent, le nombre de places dans des services de garde de qualité ne doit pas être dicté par les forces du marché. Il faut plutôt intégrer les services de garde au système d'éducation, puisqu'il s'agit d'un service public pour lequel l'offre est actuellement insuffisante.
Dans les circonstances, je pense qu'une approche nationale et un rôle fédéral fort sont nécessaires. Je reconnais que c'est une position controversée.
Pourquoi le gouvernement fédéral devrait-il jouer un rôle dans la garde d'enfants qui, sur le plan constitutionnel, relève de la compétence des provinces? Il y a plusieurs réponses à cela. Premièrement, après la pandémie, exploiter un service de garde en toute sécurité sera plus coûteux: ratios de personnel plus élevés, quantités d'EPI nécessaires, augmentation du temps consacré au nettoyage, personnel mieux formé. Deuxièmement, les provinces et les municipalités manquent d'argent, une situation qui ne fera qu'empirer. Troisièmement, le gouvernement fédéral finance déjà les soins de santé et l'éducation postsecondaire; il y a donc un précédent. Enfin, même si nous n'augmentons pas les impôts pour avoir de meilleures garderies et offrir plus de places dès maintenant en raison des pressions découlant de la pandémie, la dette fédérale est la moins risquée et la moins coûteuse des dettes détenues par les agents économiques de la société. Je parle des ménages, des entreprises, des administrations municipales ou des gouvernements provinciaux, pour lesquels le coût de la dette est plus élevé que celui du gouvernement fédéral.
Je m'en voudrais de ne pas mentionner le nombre d'immigrants récents et de travailleurs migrants dont l'état de santé s'est dégradé ou qui sont même morts pendant la pandémie en raison de nos dispositions inadéquates pour un déconfinement sécuritaire. Nous avons besoin de meilleures mesures de protection pour tous les travailleurs.
À cet égard, je félicite tout particulièrement le gouvernement fédéral d'avoir proposé l'idée de 10 jours de congés maladie payés, une initiative louable qui aurait dû être mise en place bien avant la pandémie. De nos jours, il n'y a aucune excuse pour ne pas les offrir. Toutes les administrations devraient aller au front pour réclamer ce droit pour leurs travailleurs — leurs électeurs —, mais le gouvernement fédéral pourrait et devrait prêcher par l'exemple et faire exactement ce qu'il a demandé aux provinces dans sa propre administration.
En outre, l'exemple du recours à la main-d'œuvre à la demande et temporaire dans les établissements de soins de longue durée et pour la prestation des services devrait faire réfléchir tout le monde. En effet, l'économie à la demande se dessine, alors qu'employeurs et consommateurs recherchent une main-d'œuvre moins chère, plus rapide et à la demande, et les travailleurs ont moins de possibilités de retrouver leur ancien emploi.
J'invite le gouvernement fédéral à collecter de meilleures données et à suivre ce phénomène de très près. Actuellement, il ne fait l'objet d'aucun suivi et n'est même pas bien mesuré. Il aura un effet sur tout, du soutien au revenu et des programmes de développement des compétences aux recettes et à la dette publiques.
En conclusion, je tiens à dire que la pandémie a révélé que l'économie bienveillante, c'est-à-dire les soins de santé, les soins aux personnes âgées et les soins aux enfants, est le pilier central de l'économie essentielle. L'infrastructure sociale est tout aussi essentielle à notre fonctionnement quotidien, à la maison et au travail, que le sont les routes et les ponts. Comme la situation dans nos établissements de soins de longue durée l'a démontré, il est risqué de conjuguer soins et profits en tant qu'objectifs opérationnels.
Il nous faut des protocoles nationaux pour assurer une réouverture sécuritaire des services de garde, ce qui mettra sans doute à l'épreuve la coopération fédérale-provinciale-territoriale. Je ne sous-estime pas les défis que cela représente, mais nous savons tous qu'il est souvent plus facile de poursuivre un objectif commun lorsque l'argent vient d'ailleurs.
De qui s'agit-il? Nous tous, les Canadiens, collectivement, par l'intermédiaire de nos impôts. Sans ce but commun, moins de femmes retourneront au travail, ce qui retardera davantage la reprise économique pour tout le monde, travailleurs et entreprises. De grâce, ne nous infligeons pas cela.
Je vous remercie de votre temps et de votre attention. Je répondrai aux questions avec plaisir.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion d'être ici avec vous tous aujourd'hui et d'avoir entrepris ce travail important.
Je m'appelle Matthew Chater. Je suis le président et le directeur général des Grands Frères Grandes Sœurs du Canada. Je suppose que beaucoup d'entre vous savent ce que nous faisons, mais en bref, nous offrons des relations de mentorat, sur une base volontaire, à des jeunes qui vivent des difficultés et qui ont besoin de relations de développement supplémentaires. Les enfants et les jeunes qui participent à nos programmes subissent des stress toxiques en raison de difficultés comme la pauvreté, la maladie mentale, la négligence, la toxicomanie, les problèmes d'identité et toute une série d'autres facteurs. Soixante-trois pour cent des jeunes qui participent aux programmes des Grands Frères et Grandes Sœurs sont aux prises avec trois de ces difficultés ou plus, mais n'ont qu'une seule relation de développement, voire aucune, bien souvent.
C'est là que nous intervenons avec nos programmes de soutien et de mentorat. Nous offrons des relations de mentorat à plus de 41 000 jeunes au Canada. Nous fournissons ces services grâce au soutien de plus de 21 000 mentors adultes qui sont jumelés avec des jeunes dans nos agences locales réparties dans 1 100 collectivités partout au pays. Cela représente plus de quatre millions d'heures de bénévolat chaque année.
Le Comité sera particulièrement intéressé d'apprendre que ce travail est un investissement précieux dans l'avenir économique du pays et dans notre main-d'œuvre. Selon les recherches du Boston Consulting Group, chaque dollar investi dans nos programmes de mentorat donne un rendement de 23 $. En effet, ceux qui ont bénéficié de nos programmes sont plus susceptibles d'avoir un emploi, d'avoir des revenus plus élevés au cours de leur carrière, d'être en meilleure santé, tant mentale que physique, et de redonner à leur communauté plus tard dans la vie, en temps et en argent.
Autrement dit, les programmes de mentorat volontaire offerts par les Grands Frères Grandes Sœurs fonctionnent. Nous fournissons ce service de première ligne essentiel au Canada depuis plus de 100 ans, malgré les guerres et les récessions, une dépression et même les pandémies précédentes. Toutefois, comme vous, nous n'avons jamais vécu de situation semblable à la COVID-19, avec les répercussions humaines et économiques qui en résultent.
La pandémie a créé deux énormes difficultés pour nous. Premièrement, les dons des entreprises et des particuliers ont considérablement diminué. Nous avons déjà dû réduire notre personnel, comme beaucoup de nos agences locales. Pour la suite des choses, 88 % de nos agences locales prévoient effectuer d'autres mises à pied au cours des trois prochains mois.
J'ai entendu et je comprends les préoccupations des députés concernant le soutien aux organismes caritatifs qui, avant la pandémie, avaient peut-être un modèle d'affaires déficient. Nous ne faisons pas partie de cette catégorie. Nos campagnes de financement ont toujours été fructueuses et nous n'avons jamais vécu une telle situation dans notre histoire. N'oubliez pas que nos campagnes de financement du printemps — la période la plus chargée de l'année à cet égard, qui représente une source de financement essentielle pour le reste de l'année — n'ont pu avoir lieu. Par conséquent, la fédération des Grands Frères Grandes Sœurs prévoit un déficit combiné de 21 millions de dollars, et ce, seulement pour 2020. Nous nous attendons à une situation encore plus précaire en 2021.
Je tiens toutefois à être clair: notre priorité demeure de continuer à servir les 41 000 jeunes qui participent actuellement à nos programmes. Comme toujours, nous ferons le nécessaire pour maintenir ces relations, et nous avons mis en place une série de mesures pour passer de rencontres et de mentorat en personne à des relations virtuelles. Il convient d'en féliciter nos agences locales et nos nombreux bénévoles qui ont adapté leurs méthodes de prestation des services en cette période d'éloignement physique. Cela a aussi un coût, cependant, car nous devons tout faire par Internet, ce qui n'est pas facile pour un travail aussi délicat que celui de jumeler des mentors bénévoles et des jeunes par l'intermédiaire d'équipes de professionnels.
Nous devons composer avec ces coûts alors que nos ressources sont sollicitées comme jamais auparavant. En guise d'exemple plus concret, si un jeune n'a pas les moyens d'acheter un portable ou un autre appareil ou d'avoir un service Internet fiable, il ne pourra pas participer à une conversation, comme nous le faisons en ce moment, avec son mentor. Voilà le genre de situations que nous voyons au quotidien; nos agences membres doivent alors s'adapter et trouver des solutions.
Nous sommes reconnaissants des initiatives du gouvernement, comme la subvention salariale et le Fonds d'urgence pour l'appui communautaire, mais elles ne sont pas suffisantes, malheureusement. Je sais que d'autres organismes de bienfaisance et organismes à but non lucratif vous ont dit la même chose. Nous appuyons la demande d'Imagine Canada et de la coalition des organismes de bienfaisance et organismes à but non lucratif, par l'intermédiaire de War Child, pour la création d'un fonds de stabilisation pour la relance destiné aux organismes caritatifs. Nous espérons que le montant du fonds sera assez élevé pour remédier à nos problèmes de liquidités et de trésorerie.
Voilà les défis auxquels nous nous heurtons aujourd'hui, à mon avis. Il y a aussi ce que vous considérez sans doute comme notre défi de demain, tant pour notre organisme que pour la société canadienne en général, et qui est directement lié aux travaux du Comité.
Comme je l'ai mentionné au début, nous travaillons avec des jeunes qui vivent un stress toxique. La COVID-19 est une source de stress toxique pour tous, jeunes comme adultes. Imaginez toutefois l'effet sur un jeune qui vit déjà dans l'isolement, par exemple, et qui n'a pas d'école, qui ne peut compter sur un réseau de soutien, qui a peu de contacts avec ses amis — s'il en a —, et dont les parents ont peut-être perdu leur emploi. Ceux qui étaient le plus en difficulté avant la pandémie seront probablement les plus touchés par la pandémie.
Depuis le 12 mars, le nombre d'appels et de messages textes à Jeunesse, J'écoute a augmenté de 55 % et de 61 %, respectivement, et 76 % des appelants ont indiqué n'avoir personne d'autre à qui parler. Cela nous fend toujours le cœur, mais c'est encore pire aujourd'hui. Nous sommes reconnaissants des investissements du gouvernement du Canada dans ces services.
Jeunesse, J'écoute recommande le programme des Grands Frères Grandes Sœurs et considère qu'il s'agit d'un programme destiné aux jeunes qui offre un soutien continu en santé mentale. Cependant, notre situation actuelle est telle que nous parvenons à peine, lorsque nous y arrivons, à maintenir nos jumelages existants, et encore moins à composer avec l'afflux de nouveaux clients. Pour mettre les choses en perspective, nous avions déjà 15 000 jeunes sur notre liste d'attente avant la pandémie. Nous prévoyons une augmentation exponentielle, que nous constatons déjà dans de nombreuses régions, à mesure que nous sortirons de cette crise et que nous commencerons, collectivement, à nous remettre des effets dévastateurs de la COVID-19. Nos ressources, tant financières que bénévoles, seront alors mises à rude épreuve.
Le mentorat est certes essentiel pour la santé mentale des jeunes, mais il convient de garder à l'esprit que les jeunes d'aujourd'hui entreront sur le marché du travail dans les pires conditions des 100 dernières années, voire de tous les temps. Ils devront assumer les fardeaux financiers et sociaux de la pandémie. Voilà pourquoi les mentors ont un rôle si précieux en ce moment pour aider les jeunes à comprendre le monde. Il s'agit simplement de susciter de l'espoir là où il fait peut-être défaut.
Comme je l'ai déjà mentionné, les données montrent clairement que les programmes de mentorat de Grands Frères Grandes Sœurs ont une incidence sur l'emploi et les revenus futurs. Autrement dit, le mentorat a une incidence sur la santé émotionnelle et mentale, mais aussi sur le bien-être économique. J'ai donc deux demandes à faire au Comité aujourd'hui.
Premièrement, vous devriez mettre en place une subvention de stabilisation pour le secteur des organismes de bienfaisance et sans but lucratif, comme l'ont recommandé Imagine Canada et d'autres. Si cela n'est pas possible, vous devriez combler directement notre manque à gagner de 21 millions de dollars, étant donné notre rôle dans la prestation de services de première ligne pour les jeunes. Soyez assurés que 90 cents pour chaque dollar obtenu par notre organisme pendant cette période est directement consacré au soutien des jeunes et des familles par l'intermédiaire de nos agences membres. Notre organisme est l'un des rares organismes d'aide aux jeunes qui n'a pas besoin d'avoir pignon sur rue pour maintenir des services de première ligne. Nous intervenons directement là où vivent les jeunes vulnérables du pays en leur offrant des liens essentiels qui leur sauvent la vie.
Deuxièmement, vous devriez commencer à réfléchir à la période de relance et aux pressions énormes que subiront les jeunes et les organismes de services de première ligne comme le nôtre, notamment sur le plan de l'emploi des jeunes. Nous ignorons l'issue de cette expérience sociale et ses effets à long terme. Toutefois, nous savons, selon les recherches, que sans autres relations positives continues pour atténuer le stress toxique dont j'ai parlé plus tôt, les prochains [Note de la rédaction: difficultés techniques] problèmes, des troubles mentaux et des maladies mentales à des niveaux sans précédent. Cela a un coût qui peut être évité à l'aide d'investissements modestes. Chez Grands Frères Grandes Sœurs, nous visons à assurer la continuité des services et un avenir prospère pour les collectivités à la grandeur du Canada. Pour ce faire, nous avons besoin du soutien continu du gouvernement fédéral.
Je parle aux jeunes tous les jours, comme beaucoup d'entre vous, je pense. J'ai beaucoup de difficulté à saisir toutes les répercussions actuelles et futures de la pandémie sur la vie des jeunes. À cela s'ajoutent les enjeux complexes que nous constatons au sein des communautés racialisées. Affronter à la fois les incertitudes liées à la pandémie mondiale et ses problèmes systémiques continus est un véritable défi.
Nous serons toujours là pour eux, aussi longtemps que possible, mais nous avons besoin d'aide.
Je vous remercie de l'occasion d'être ici aujourd'hui. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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Parlons tout d'abord de l'insuffisance des services de garde, un échec du marché. Le rapport de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme est paru en 1970, ce qui veut dire que cela fera 50 ans en décembre. Nous parlons donc du besoin d'avoir des services de garde au sein du système d'éducation préscolaire depuis 50 ans, et depuis 50 ans, nous traitons cela comme une question de marché. C'est un choix familial. C'est un choix individuel. Laissons le marché décider comment les services seront offerts. Nous avons assisté à un échec systémique du marché. Nous allons maintenant assister à un échec monumental du marché lorsque ces centres vont fermer parce que les gens n'ont pas les moyens à l'heure actuelle de les utiliser, et lorsqu'ils auront les moyens de le faire, ces centres ne seront plus ouverts.
Donc oui, je pense que nous avons besoin d'une stratégie nationale de services de garde d'enfants. Oui, je pense qu'elle doit être financée par le gouvernement fédéral, en particulier dans la période postpandémie. Nous devons nous doter de protocoles nationaux pour que les réouvertures se fassent de manière sécuritaire. Les ratios adultes-enfants devront être très différents, il faudra plus de distanciation physique et il faudra garantir l'approvisionnent en équipement de protection individuelle.
Il ne s'agit pas d'un problème uniquement pour les provinces, tout comme la pandémie n'était pas un problème uniquement pour les provinces. Je suis fermement convaincue que nous avons besoin d'une stratégie nationale financée par le gouvernement fédéral pour pouvoir naviguer en toute sécurité jusqu'à la reprise.
Au sujet du congé de maternité et de paternité, nous savons que les services de garde qui coûtent le plus cher sont ceux pour les tout-petits. Nous savons également que partout dans le monde, et probablement dans 99 % des cas, c'est le parent qui est le mieux placé pour en prendre soin. Nous pourrions épargner de l'argent tout en leur fournissant de meilleurs soins en prolongeant ce congé, et nous pourrions examiner ce que d'autres pays font pour aider les parents à avoir les moyens de demeurer à la maison, mais je peux vous garantir que s'il s'agit de leur offrir un soutien qui représente 50 % de leur revenu…
Encore une fois, Québec est l'exception. Nous devons nous inspirer de ce qui se fait de mieux au pays et le reproduire à l'échelle du pays. Nous devons faire mieux qu'offrir un soutien basé sur l'assurance-emploi équivalant à 55 % du revenu, car les parents à faible revenu ne peuvent pas se permettre de ne recevoir que 55 % de ce qui constitue déjà un faible revenu.
Oui, il faut allonger les périodes, mais la participation demeurera ridiculement faible chez les personnes qui ne peuvent s'offrir une telle perte de revenus pour pouvoir demeurer à la maison avec leurs enfants.
Je répète encore une fois qu'il s'agit d'un échec du marché, et qu'il s'agit d'une question de bien commun. Nous aurons besoin de tout le monde dans 20 ans. Si nous n'investissons pas dans ces enfants maintenant, si nous en faisons fi, nous ne pourrons pas compter sur eux dans 15 à 20 ans. Je ne sais pas ce qu'il y a de si difficile à comprendre là.
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Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs les députés, bonjour.
Je m’appelle Angela Bonfanti et je suis la vice-présidente principale de la Fondation de l’INCA, soit l’Institut national canadien pour les aveugles.
Avant de commencer, j’aimerais prendre un moment pour souligner qu’il s’agit de la Semaine nationale de l’accessibilité. Si cette semaine est importante chaque année, elle l’est encore plus cette année, vu les événements actuels liés au racisme et à la discrimination.
Depuis plus de 100 ans, l’INCA lutte contre la discrimination et défend l’équité pour tous les Canadiens. Nous sommes au service de tous les Canadiens vivant avec une perte de vision, quels que soient leur âge, leur sexe, leur race ou leur orientation sexuelle, car la cécité, contrairement à un nombre regrettable de personnes dans notre monde actuel, ne fait pas de discrimination. Beaucoup trop de membres de notre communauté doivent faire face à la réalité d’être marginalisés non seulement en raison de la couleur de leur peau, par exemple, mais aussi de la nécessité qu’ils ont de se déplacer avec une canne blanche, par exemple, ou un chien d’aveugle. À l’INCA, nous avons travaillé avec diligence, et nous continuerons à le faire, jusqu’à ce que tout le monde puisse vivre, travailler et jouer sans entraves. Nous luttons contre la discrimination et défendons les droits de chaque Canadien.
J’aimerais profiter de cette occasion pour souligner l’impact de la COVID-19 sur plus d’un million et demi de Canadiens vivant avec une déficience visuelle. Le mandat de l’INCA est de supprimer les obstacles, de combattre les ramifications négatives de l’isolement et de faire ce que nous pouvons pour aider les Canadiens ayant perdu la vue à vivre la vie qu’ils ont choisie. À l’époque où l’isolement était imposé à tous, nous savions que notre communauté avait besoin de nous plus que jamais. Presque immédiatement, chacun des membres de notre personnel a pris le téléphone et a appelé tous les participants de notre base de données. Près de 10 000 Canadiens ont été appelés à ce jour.
Ces appels et ces conversations nous ont permis de comprendre ce que la communauté attend de nous pendant cette pandémie et au-delà. La réponse a donné lieu, rien qu’au cours des 11 dernières semaines, à la création de centaines de nouveaux programmes virtuels destinés à des milliers de Canadiens ayant une déficience visuelle. Nos programmes vont des séances de formation technologique aux programmes de soutien par les pairs, en passant par les services d’épicerie, le dépôt des ordonnances et le ramassage des médicaments pour nos clients qui en ont besoin.
En outre, comme nous ne le savons que trop bien, chaque ménage avec des enfants, y compris le mien, est devenu une école à part entière. Pour les familles ayant des enfants aveugles ou malvoyants...
Pour les familles avec des enfants ayant une déficience visuelle, de nouveaux défis se présentent. C’est pourquoi nous offrons un accès gratuit à des jeux éducatifs conçus pour les enfants aveugles. Nous veillons également à ce que les familles aient accès à des imprimantes 3D pour garantir la poursuite de l’apprentissage tactile. Ce n’est que le début pour garantir qu’aucun enfant malvoyant ne soit laissé pour compte.
C’est un changement permanent pour l’INCA. Nos offres virtuelles sont certainement là pour de bon. Nous avons essentiellement doublé notre offre de programmes sans pour autant doubler nos effectifs. Par conséquent, alors que nous entamons nos discussions sur le lancement des programmes en personne, nous devons garder à l’esprit la santé et la sécurité de notre personnel, d’autant plus que nombre de nos employés vivent avec une déficience visuelle.
En plus d’élaborer de toutes nouvelles offres de programmes virtuels, nous avons également pu, grâce à la rétroaction de notre communauté, élaborer des nouvelles initiatives de sensibilisation qui mettent l’accent sur les conséquences, certes involontaires, mais potentiellement dangereuses associées à l’éloignement physique.
Peu après le début de la pandémie, nous avons entendu des participants qui recevaient une attention négative et qui étaient victimes de discrimination alors qu’ils utilisaient des guides voyants pour accéder aux services essentiels. De nombreuses personnes aveugles ou malvoyantes dépendent de guides voyants pour les aider à se déplacer en toute sécurité à l’épicerie, à la pharmacie, chez leur médecin et à la banque, par exemple.
En réponse, nous avons lancé une campagne de sensibilisation du public assortie d’une importante couverture médiatique. Nous avons envoyé des lettres ouvertes aux législateurs, aux services de police, aux commissaires du transport en commun et aux chaînes de supermarchés et de pharmacies afin de nous assurer que les Canadiens ayant une déficience visuelle bénéficient des accommodements appropriés pendant cette période. Nous avons également sensibilisé le public à l’éloignement physique et aux chiens guides. Bien que les chiens guides soient formés pour aider leur partenaire à se rendre du point A au point B, ils ne comprennent pas la notion de distanciation physique. Ce ne sont pas les seuls problèmes dont nous avons entendu parler.
Cette pandémie a provoqué une grande anxiété chez les personnes handicapées, y compris les Canadiens ayant une déficience visuelle. Dans le cadre d’une enquête du Conseil canadien des aveugles, plus de 80 % des personnes interrogées craignaient de ne pas pouvoir payer leur épicerie, leurs médicaments ou même leurs factures mensuelles.
Bien que nous félicitions le gouvernement et les partis d’opposition d’avoir approuvé les modifications législatives visant à créer la Prestation canadienne d’urgence, il se peut que de nombreux Canadiens vivant sur ou sous le seuil de pauvreté n’y aient pas accès en raison du revenu minimum de 5 000 $ requis pour y avoir droit. Nous croyons comprendre que l’assurance-emploi est disponible; cependant, la Prestation canadienne d’urgence offre simplement plus d’argent, et elle serait très bien accueillie par une population où le revenu de la majorité est inférieur à celui des personnes non handicapées.
Nous prenons également acte de la lettre que la a envoyée aux provinces pour leur demander de ne pas récupérer les prestations d’invalidité, et nous demandons au gouvernement fédéral de continuer à plaider auprès des provinces sur cette question très importante.
Je voudrais également souligner que la Prestation canadienne d’urgence verse une prestation mensuelle de 2 000 $, mais que la prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada s’élève à 1 300 $ au maximum, avec un paiement mensuel moyen de 971 $. L’INCA recommande fortement de moderniser les prestations d’invalidité du RPC en fonction de la Prestation canadienne d’urgence. Si une pandémie peut montrer que les Canadiens, quelles que soient leurs capacités, ont besoin d’au moins 2 000 $ par mois pour survivre, il ne devrait pas en être autrement pour les personnes handicapées qui sont incapables de travailler. Le financement des interventions d’urgence pour les personnes handicapées est aujourd’hui très nécessaire. Si les personnes âgées ont accès à un versement unique de 300 $ non imposable, les personnes ayant une déficience visuelle méritent quelque chose de similaire.
Dans cet esprit, je voudrais veiller à ce que l’accessibilité et l’inclusion soient au premier plan de la prise de décisions au moment où l’économie commence à redémarrer. Notre monde est intrinsèquement tactile, et cette réalité est particulièrement importante pour les Canadiens qui voient essentiellement le monde par le toucher. Avec le désir croissant de tout faire sans contact, nous ne pouvons tout simplement pas éliminer complètement les éléments d’un monde tactile. Il y aurait de grands dangers et des obstacles pour les Canadiens ayant une déficience visuelle qui dépendent de ces éléments pour vivre en toute sécurité et de manière indépendante.
Alors que nous relâchons peu à peu les mesures d’éloignement physique et que nous rouvrons l’économie, les petites et grandes entreprises devraient chercher à employer des personnes handicapées. Les personnes handicapées vivent une vie pleine d’obstacles, et elles sont souvent laissées à elles-mêmes pour les surmonter et les contourner afin de réussir leur vie. Elles sont des innovatrices et des défenseures naturelles. Nous pensons que c’est exactement le type de talents dont les organisations ont besoin lorsqu’elles ouvriront leurs portes. Ce n’est pas le moment de mettre l’accessibilité et l’inclusion en veilleuse, mais bien de les mettre au premier plan, car elles créeront une valeur incroyable pour la main-d’œuvre canadienne. Ce n’est pas simplement la bonne chose à faire, je vous assure; c’est la chose intelligente à faire pour les entreprises.
L’hiver dernier, l’INCA a soumis un document de consultation prébudgétaire dans lequel il recommandait que le gouvernement fédéral finance le programme d’emploi de l’INCA appelé « Ouvrir les portes du travail ». Ce programme met en contact des demandeurs d’emploi aveugles ou malvoyants avec des employeurs qui veulent découvrir tout le potentiel des talents canadiens. Le moment est venu de poursuivre ce travail essentiel.
Enfin, je dois souligner la nécessité d’un soutien financier pour les secteurs sans but lucratif et caritatif du Canada. Depuis mars, la Fondation de l’INCA, comme beaucoup d’autres organisations dont vous avez déjà entendu les témoignages, a connu une diminution importante des dons. Ils sont nécessaires à la poursuite de nos activités. Même avec l’aide de la subvention salariale d’urgence du Canada, tout ce que nous faisons pour soutenir les Canadiens ayant une déficience visuelle pourrait très bien être mis en péril si nous ne recueillons pas les fonds dont nous avons besoin. En raison de la pandémie, nous nous attendons à ce que nos revenus continuent de diminuer au cours des mois et peut-être des années qui viennent.
Nous exhortons le gouvernement fédéral à donner la priorité aux incitatifs financiers pour les organisations qui desservent les plus vulnérables de notre société, comme les nombreux Canadiens vivant avec un handicap.
J’aimerais maintenant remercier le président et les membres du Comité de nous avoir donné l’occasion de mettre en lumière les répercussions de la COVID-19 sur les Canadiens ayant une déficience visuelle. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Je m'appelle Paulette Senior et suis présidente-directrice générale de la Fondation canadienne des femmes. Je suis heureuse de venir témoigner devant vous aujourd'hui.
La Fondation canadienne des femmes est la seule fondation publique d'envergure nationale au Canada dont l'objectif est d'améliorer la vie des femmes et des filles, de même que l'une des 10 grandes fondations pour les femmes dans le monde. Depuis plus de 30 ans, nos activités et notre aide financière visent à sortir les femmes de la pauvreté, à les aider à échapper à la violence, à leur offrir un lieu sûr et à les aider à prendre confiance en elles.
Je remercie le Comité de nous avoir invités à discuter cet après-midi de la question urgente de la réponse gouvernementale à la pandémie. Je dis « urgente » en raison de la mission de la Fondation canadienne des femmes, qui est « d’opérer un changement systémique et inclusif pour toutes les femmes », mais aussi parce que la pandémie de COVID-19 a eu une grave incidence sur les femmes. La sécurité, la subsistance et le mieux-être des femmes ont tous été mis en péril, et plus particulièrement chez les femmes des communautés marginalisées en raison de la discrimination systémique. La pandémie a jeté un éclairage cru sur la violence fondée sur le genre, la perte d'emploi chez les femmes, le travail de soignant et la nécessité des services de garde.
Le gouvernement fédéral a jusqu'ici pris beaucoup de mesures utiles. À mesure que les activités économiques reprennent, les investissements fédéraux seront cruciaux pour la sécurité physique et financière des femmes, pour leur mieux-être et pour l'égalité des genres. Les investissements de relance doivent inclure toutes les femmes, surtout celles qui font face à une grave discrimination systémique, et continuer à favoriser les gains en matière d'égalité. Pour ce faire, le gouvernement devra établir ses investissements de relance d'après une analyse inclusive et fondée sur le genre qui aura été menée dans une perspective intersectorielle.
Du million de personnes qui ont perdu leur emploi en mars, plus de 60 % étaient des femmes. Les données sur l'emploi pour le mois d'avril montrent une augmentation marquée du chômage chez les hommes en raison de l'arrêt des activités dans les secteurs de la construction et de la production manufacturière non essentielle, mais, à la fin d'avril, les femmes subissaient toujours les pertes les plus lourdes, puisqu'elles étaient 32 % à avoir perdu leur emploi ou la majorité de leurs heures de travail, comparativement à 29 % des hommes.
Ces pertes d'emploi sont très concentrées chez les travailleurs les moins payés. Les pertes d'emploi de février à avril chez les femmes gagnant 16 $ de l'heure ou moins, un groupe très racisé, étaient de plus de 50 %. Les 10 % des salariés les mieux payés, soit ceux qui gagnent au moins 48 $ de l'heure, ont quant à eux subi des pertes d'emploi de seulement 1 % et, dans tous les cas, il s'agissait de femmes. En gros, la perte d'emploi chez les femmes qui figurent parmi les 20 % des travailleurs les moins payés est 50 fois supérieure à celle chez les travailleurs les mieux payés. Voilà le genre de données fragmentaires révélées par l'analyse intersectorielle fondée sur le genre qui doit informer les investissements de relance.
La majorité des femmes sur le marché du travail, soit environ 56 %, occupent un poste dans les soins ou dans les services de restauration, voire un poste d'employée de bureau, de caissière ou de femme de ménage. Ces emplois sont en grande partie liés directement à la réponse à la pandémie, donc dans le secteur des soins, ou dans le secteur du détail, où la date de retour au travail demeure incertaine. On ne connaît pas encore l'ampleur de la perte d'emploi chez les femmes à long terme, mais elle sera majeure et probablement concentrée dans le secteur du détail.
Ce n'est pas le moment de mettre en chantier des projets d'infrastructure déjà prêts dont la main-d’œuvre est à 90 % masculine. Les travaux ont repris pas mal partout au pays et les données sur l'emploi qui seront diffusées demain vont probablement en tenir compte. Le temps est venu de mettre en œuvre une infrastructure sociale qui soutient le retour au travail des femmes.
Le déploiement rapide de la Prestation canadienne d'urgence ou PCU s'est avéré une stratégie d'aide au revenu utile pour les personnes qui y sont admissibles, mais il faut établir un plan pour les femmes dont les employeurs ne peuvent pas reprendre leurs activités après 16 semaines et qui font face à un chômage de longue durée. Les stratégies d'emploi doivent être analysées d'un point de vue intersectoriel et selon le genre, et elles doivent remédier aux problèmes structurels existants, comme l'écart salarial, qui ont été exacerbés par la pandémie. Le gouvernement fédéral doit aller de l'avant et mettre en œuvre les 10 jours de congé de maladie payés annoncés et continuer à mettre l'accent sur l'aide au revenu.
Les femmes, principalement des femmes noires et racisées, sont prédominantes dans le secteur des soins où elles assurent le soutien de première ligne et luttent contre la propagation du coronavirus. Et, trop souvent, elles occupent des emplois précaires à temps partiel dans des conditions à haut risque et sans le moindre congé de maladie payé. Les femmes représentent plus de 90 % des travailleurs de soutien qui sont actifs dans les établissements de soins de longue durée et assurent les soins à domicile dans notre collectivité. Plus de 65 % des...
Plus de 65 % des préposés à l'entretien dans les hôpitaux, les écoles et les immeubles de bureaux sont des femmes. La majeure partie du travail d'entretien, qui est maintenant vu comme essentiel, est depuis longtemps précaire: c'est un travail à temps partiel, peu rémunéré, souvent accordé en sous-traitance, sans protection, sans congé de maladie ni prestation d'assurance-maladie complémentaire. Les éclosions dans les établissements de soins de longue durée, qui affectent les résidents, le personnel et leur famille et peuvent entraîner des éclosions communautaires, trouvent leur source dans certains de ces problèmes chroniques. Quand aucun poste à temps plein n'est offert, les préposés aux services de soutien personnel peuvent plutôt occuper plusieurs postes à temps partiel dans différents établissements, ce qui accroît les risques de propagation du virus d'un établissement à l'autre.
En ce qui a trait à la réponse gouvernementale, le gouvernement fédéral doit assurer la présence d'une main-d’œuvre stable et à temps plein dans les établissements de soins de longue durée, une main-d’œuvre qui dispose d'assez de protection, tant sur le plan physique que des avantages sociaux, pour offrir des soins aux résidents et assurer leur mieux-être. C'est à l'avantage tant de la main-d’œuvre que des résidents, qui sont principalement des femmes, et de la collectivité en général. Il faut entre autres collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour veiller à ce qu'il y ait des normes d'emploi adéquates et rigoureusement appliquées, y compris l'accès adéquat à de l'EPI et le respect du refus d'exécuter un travail dangereux; offrir des postes à temps plein à un salaire supérieur à celui de subsistance; et mener un examen complet et non limité dans le temps de la structure, de la gestion et de la possession des établissements de soins de longue durée tout en mettant l'accent sur les femmes qui travaillent et vivent dans ces établissements.
La fermeture des centres de garde d'enfants et des écoles a imposé un fardeau triple à beaucoup de mères travaillant à temps plein qui, en plus de faire du télétravail, doivent gérer à la fois les enfants et les tâches ménagères. La pandémie montre à quel point les services de garde font maintenant partie intégrante de la collectivité. Sans eux, le Canada ne peut pas travailler. Les services de garde se sont avérés un service essentiel qui ne peut pas fermer ses portes. Les gouvernements provinciaux qui ont fermé tous les centres de garde ont rapidement dû en rouvrir certains pour accommoder les travailleurs jugés essentiels pendant la pandémie. Toutefois, le secteur des services de garde est fragmenté et sous-financé, en plus d'être généralement trop instable pour encaisser la chute des revenus tirés des frais de garde dans la foulée des fermetures dues à la pandémie.
Beaucoup de centres de garde ne se sont pas engagés à rouvrir leurs portes. Bien que la nécessité de pratiquer l'éloignement physique change la donne économique des services de garde, ils demeurent essentiels à la relance de l'économie et à l'égalité des genres. Il faut que le gouvernement fédéral assure le financement nécessaire au rétablissement sécuritaire des services de garde au niveau préalable à la pandémie et à la poursuite de leur expansion jusqu'à ce que l'on obtienne l'accès universel à des services de garde abordables. Le processus bilatéral avec les provinces et territoires doit se faire à courte échéance, soit d'ici trois à cinq ans.
En augmentant les risques de violence familiale et en réduisant la capacité des femmes à fuir la violence pour se réfugier dans un lieu sûr, le confinement a fait ressortir toute l'importance du secteur de la prévention de la violence. La Fondation canadienne des femmes s'est réjouie de l'annonce par le gouvernement fédéral d'une aide de 50 millions de dollars aux refuges pour femmes et aux centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle dans le cadre de ses mesures liées à la pandémie. Elle s'est associée à Femmes et Égalité des genres pour remettre une partie de ces fonds aux centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et à des organismes qui traitent de la violence fondée sur le genre de manière plus générale. Dans le cadre de ce processus, la Fondation a une fois de plus constaté l'ampleur des besoins.
Voici ce qu'a déclaré la directrice générale d'un centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle fort sollicité à propos de la transition vers le télétravail: « Nous avons dû investir dans un système téléphonique, puisque nous utilisions toujours celui qu'on nous avait donné en 1980. Nous n'avions pas les fonds nécessaires pour l'EPI du personnel et des bénévoles qui accompagnent les femmes à l'hôpital, au poste de police ou chez le médecin... Les fonds nous ont permis d'acheter de l'EPI... un système téléphonique et de la nourriture pour certaines clientes. Bien que je sois très reconnaissante pour ces 25 000 $, je dois être franche avec vous: c'est insuffisant. ...nous devons investir dans un système de clavardage pour les jeunes qui veulent texter... Nous avons dû faire des visites à domicile puisque nous craignions pour la vie de certaines clientes et, même si nous avons signalé la situation à la police, rien n'a été fait. Nous allons bientôt manquer d'EPI... Les bénévoles commencent à montrer des signes d'épuisement, et nous recevons en moyenne de 60 à 80 appels d'urgence par jour. »
Le gouvernement fédéral doit concevoir et mettre en œuvre un plan national d'action adéquatement financé sur la violence contre les femmes et fondé sur le genre qui reconnaît la nature essentielle de ce travail pour la société et l'égalité des genres.
Et, par « adéquatement financé », nous entendons un financement proportionnel aux coûts annuels de la violence qui s'élèvent à plusieurs milliards de dollars. Aussi, le gouvernement fédéral doit sans plus attendre terminer son plan d'action national et le mettre en œuvre pour remédier à la violence contre les femmes et les filles autochtones.
Pour résumer, le temps n'est pas à la timidité. La pandémie a braqué un projecteur puissant sur les grandes failles de la société canadienne en matière d'égalité. La réaction du gouvernement doit être tout aussi grande. Le changement structurel que nous proposons répondra aux besoins des femmes marginalisées en raison de la discrimination systémique, soit les femmes noires et racisées, les femmes des Premières Nations, les Métisses et les Inuites, les femmes ayant un handicap, les membres de la communauté LGBTQ2S et les personnes qui rejettent les normes de genre. Il renforcera notre système social qui pourra ainsi offrir suffisamment de soins en période de stress, entre autres à une population vieillissante largement composée de femmes, et favoriser une plus grande égalité des genres.
Je vous remercie de votre attention et serai heureuse de répondre à vos questions.
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Merci, et je remercie ma collègue Mme Kusie de sa considération.
Ce que j'ai compris, c'est qu'elle est ouverte à l'idée de substituer le numéro 4 pour traiter du secret professionnel de l'avocat et du secret du Cabinet, et de permettre le caviardage des documents pour protéger la vie privée des citoyens. Là encore, cela correspond à ce que les deux autres comités ont fait. Je pense qu'elle était d'accord avec cela.
Je pense que ses réserves concernent ma deuxième proposition, celle qui porte sur les courriels.
Ce que je dis à Mme Kusie, c'est que je pense que les gens qui préparent des documents officiels ou des documents qui ont trait aux conseils réfléchissent au sujet dont ils doivent traiter. Les courriels, même entre deux personnes que nous avons nommées dans ce contexte, peuvent être des courriels que les gens s'envoient avec désinvolture. Cela peut inclure toutes sortes d'observations qu'ils n'auraient jamais considérées comme pertinentes par rapport au sujet, mais qui feraient partie d'un autre courriel plus général où pourraient se retrouver des passages faisant allusion à la PCU ou à autre chose.
Je me demande si nous ne pourrions pas commencer par supprimer le mot « courriels », quitte à faire marche arrière si vous pensez qu'il manque quelque chose. Je crois simplement que nous n'avons pas besoin de tous les courriels qui ont été échangés.
Encore une fois, n'oubliez pas qu'il ne s'agit pas seulement des courriels entre ces personnes qui sont nommées; tout courriel que lapersonne aurait échangé avec une tierce partie en lien avec ce sujet serait également inclus. Je pense que c'est un champ d'application plutôt vaste. Au risque de me répéter, je ne pense pas que cela corresponde à ce qui a été demandé par d'autres comités.
Je vous demande humblement d'envisager la suppression du mot « courriels ». En cas de refus de votre part, je suis tout à fait disposé à proposer cela dans un amendement distinct dont nous pourrons débattre.