FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 20 avril 1999
Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Comme cette session d'information ne peut durer qu'une demi-heure, commençons-la sans plus tarder. Je ne sais pas si M. Wright, le général Henault ou Mme Corneau peuvent rester un peu plus longtemps.
[Français]
Nous avions prévu que cette séance durerait une demi-heure et se déroulerait comme un briefing plutôt que comme une période de questions et réponses.
[Traduction]
Nous aimerions prévoir vingt minutes pour la session d'information et disposer de dix minutes pour les réactions.
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Pourquoi n'avons- nous que trente minutes?
Le président: C'est parce que l'on m'a dit que le ministère ne pouvait nous consacrer que ce temps-là.
Monsieur Wright, si vous pouvez rester plus longtemps...
M. Jim Wright (directeur général, Division de l'Europe centrale, de l'Est et du Sud, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Pour la première session, je peux rester un peu plus longtemps. Je ne sais pas ce qu'il en est du général ou d'Hélène, mais je crois que puisque nous allons vous rencontrer deux fois par semaine, nous ne voudrions pas prendre trop de votre temps. Pour la première session cependant, il se peut que nous ayons besoin d'un peu plus de temps pour vous transmettre l'information.
Le président: Je crois qu'il serait utile que vous puissiez rester un peu plus longtemps. Il serait bon également que nous puissions vous poser quelques questions.
Peut-être, M. Wright et général Henault, vous et Mme Corneau pourriez commencer par quelques minutes d'introduction; nous verrons ensuite le temps qu'il nous reste.
Merci beaucoup d'être venu. Je vous cède la parole.
M. Jim Wright: Merci beaucoup, monsieur le président.
Peut-être pourrais-je faire un rapport rapide de la crise du Kosovo à l'heure actuelle.
J'aimerais rappeler ce qu'est l'objectif de l'OTAN: un Kosovo multi-ethnique où tous les ressortissants du Kosovo se sentent en sécurité; l'OTAN a fixé cinq conditions qui sont les mêmes que celles du secrétaire général aux Nations Unies, Kofi Annan, et de l'Union européenne: premièrement, mettre un terme à l'épuration ethnique et aux massacres; deuxièmement, assurer le retrait des forces; troisièmement, permettre le retour des réfugiés; quatrièmement, permettre le déploiement d'une force internationale de maintien de la paix; cinquièmement, trouver une solution politique fondée sur les principes de Rambouillet.
La Russie a accepté quatre des cinq principes. La présence d'une force de maintien de la paix est une question qui n'est toujours pas réglée. Pour l'instant, Milosevic a refusé de répondre sérieusement aux conditions fixées par le secrétaire général des Nations Unies, par l'OTAN et par l'Union européenne. La diplomatie reste bien sûr l'approche que nous privilégions, mais toute initiative diplomatique doit raisonnablement donner lieu à une solution durable.
[Français]
Il y a maintenant deux questions clés dont nous, l'OTAN et les Nations unies sommes saisis: le mandat et la composition des forces internationales.
[Traduction]
Les Kosovars, les pays avoisinants du Kosovo, l'OTAN et nous tous sommes en faveur—et c'est ce que l'on retrouve dans le texte de Rambouillet—d'une force de l'OTAN du même genre que celle déployée en Bosnie. J'aimerais rappeler aux membres du comité que près de 40 pays participent à la force de stabilisation en Bosnie. Elle est dirigée par l'OTAN, mais inclut des pays comme la Russie, l'Ukraine et d'autres.
Ce que nous ne voulons surtout pas faire, c'est répéter certaines des erreurs commises en Bosnie avec la FORPRONU. C'était la force des Nations Unies qui au début de la crise de la Bosnie s'est rendue sur les lieux, pratiquement non armée. Nous ne voulons pas refaire l'erreur de la mission de vérification au Kosovo que l'OSCE a dirigée au Kosovo; il s'agissait là encore d'une force civile non armée qui a essayé de vérifier le maintien de la paix pendant la négociation des accords de Rambouillet.
La deuxième question essentielle
[Français]
est l'avenir du Kosovo. Dans le texte de Rambouillet, nous avons parlé de l'autonomie,
[Traduction]
l'autonomie pour les Kosovars, et au bout de trois ans, une conférence internationale déciderait de ce qu'il serait opportun de faire. Les Kosovars voulaient l'indépendance. La communauté internationale a rejeté cette idée. Personne en ce moment ne parle de changer le tracé des frontières; les pays de la région ne veulent pas d'une telle solution, car ce serait déstabilisant. Il est question en ce moment de l'éventualité d'un protectorat international, comme mesure transitoire, sous les auspices des Nations Unies, de l'OSCE et de l'Union européenne. Cette solution n'a pas encore été arrêtée.
Aucun partage en fonction des différentes ethnies ne sera toléré. Nous ne voulons pas donner l'impression d'appuyer l'épuration ethnique. Nous reconnaissons, tout comme la communauté internationale, que le Kosovo est multi-ethnique, à l'instar de tous les pays des Balkans, et nous voulons maintenir cette réalité.
L'OTAN, le G-8, les Nations Unies et l'Union européenne privilégient un règlement diplomatique de la crise.
[Français]
Nous étudions tous actuellement toutes les possibilités.
[Traduction]
Nous examinons également la reconstruction économique et institutionnelle du Kosovo et de la Yougoslavie, et—en priorité—l'instauration d'une meilleure société civile. Nous voulons également que toute cette région de l'Europe soit, au bout du compte, mieux intégrée dans les institutions européennes, y compris l'Union européenne. Tout en étant absorbés par la crise actuelle, nous devons également envisager l'avenir.
• 1525
Quelles réponses avons-nous reçu jusqu'à présent de la part du
président Milosevic? Plus de massacres, plus d'atrocités et plus
d'épuration ethnique. Il nous demande d'arrêter les bombardements
avant de passer aux pourparlers. En d'autres termes, il veut que
l'on respecte ses conditions. Pour ce qui est des cinq conditions
fixées par le secrétaire général des Nations Unies, par l'OTAN, et
par l'Union européenne, il a répondu jusqu'à présent qu'il pourrait
envisager une présence NU, mais pas de membres de l'OTAN et
seulement une force civile non armée.
[Français]
Nous avons répondu que ce n'était pas du tout acceptable et que ce n'était pas réaliste.
[Traduction]
Il veut une force qui ne sera pas solide, qui n'aura pas un commandement et un contrôle clairs et nets, dont il pourra ne pas tenir compte, comme cela a été le cas de la mission de vérification du Kosovo qui a mené à la crise actuelle. En pareil cas, les réfugiés ne rentreront pas chez eux et l'armée de libération du Kosovo ne rendra pas les armes.
Parlons maintenant de la Russie. Nous cherchons à faire intervenir de manière constructive le président Eltsine, le premier ministre Primakov, le ministre des Affaires étrangères Ivanov et l'envoyé spécial Chernomyrdin. La semaine dernière a eu lieu une rencontre positive entre la secrétaire d'État américaine, Mme Albright, et le ministre des Affaires étrangères, M. Ivanov. Tous deux ont déclaré poursuivre le même objectif en ce qui concerne quatre des cinq principes clés dont il est question actuellement. Grâce au G-8 et aux NU qui cherchent à faire intervenir la Russie et grâce à des contacts bilatéraux, nous essayons de voir si nous ne pourrions pas régler cette question par la voie diplomatique.
Des pressions politiques internes s'exercent également sur la Russie. Les élections de la Duma—les élections du parlement de Russie—doivent avoir lieu cet automne et les élections présidentielles, l'année prochaine. Il faut donc en tenir compte, lorsque l'on examine certains des messages qui nous arrivent de Moscou. Malgré ces pressions, le gouvernement de la Russie est engagé et essaye d'aider.
Pour ce qui est de la diplomatie, encore une fois, je pense qu'il est juste de dire que pour l'instant, il n'y a pas de solution miracle. Nous faisons maintenant de la diplomatie discrète, de la concertation à l'OTAN, au G-8 et aux NU. On s'est rendu compte dans le passé que si l'on va de l'avant et que l'on lance des initiatives unilatérales de paix qui ne sont pas complètement préparées, on se retrouve à faire le jeu de Milosevic. Chaque fois qu'une nouvelle initiative est annoncée publiquement, M. Milosevic l'interprète comme une concession qui lui serait faite. Il l'empoche, ne donnant rien en retour.
Le conseil de sécurité NU est engagé, tout comme Kofi Annan. Ils examinent très soigneusement et stratégiquement la façon de procéder. Je sais que Kofi Annan envisage de se déplacer d'ici quelque temps, mais aucune décision n'a encore été finalisée. Il faut être prudent et ne pas donner de trop grandes espérances en matière de diplomatie. Cela va prendre du temps, mais cela ne veut pas dire que rien ne se fait en coulisses; bien au contraire. En attendant, la campagne aérienne de l'OTAN se poursuit pour dégrader la puissance militaire de Milosevic et sa capacité d'opprimer les Kosovars. Tant mieux si cela fait réfléchir les Serbes quant à la sagesse des décisions de leurs leaders.
Pour ce qui est de la situation au Kosovo, d'après ce que nous savons actuellement, il y a au moins 400 000 personnes déplacées à l'intérieur du Kosovo qui s'enfuient. Les stocks d'aliments laissés par les organisations non gouvernementales ont été pillés et brûlés par les Serbes. Les Kosovars sont confrontés aux aléas du climat, à l'épuisement et aux atrocités. Cette semaine, les médias semblent de plus en plus démontrer l'existence de charniers. En ce moment, il n'y a pratiquement pas d'aide humanitaire qui arrive au Kosovo.
[Français]
Quant à la situation en Albanie, il y a actuellement quelque 355 000 réfugiés, dont un grand nombre habitent chez des familles albanaises.
[Traduction]
Au cours des 24 heures passées, l'exode des réfugiés s'est ralenti, les Serbes ayant fermé la frontière et rompu les relations diplomatiques avec l'Albanie. Il est clair que d'autres réfugiés vont se mettre en route. L'Albanie est l'un des pays d'Europe les plus pauvres. Elle a été confrontée à d'énormes problèmes politiques et économiques il y a deux ans, mais la crise actuelle permet en fait de donner au pays et au gouvernement une cause commune. Ils ont accueilli à bras ouverts les réfugiés kosovars. Le gouvernement fait du mieux qu'il peut, dans les circonstances, mais a besoin d'un appui international fort, qu'il obtient de l'OTAN, de l'OSCE, du HCNUR et des organisations non gouvernementales. Il est évident que l'Albanie aura besoin d'un soutien financier à court, à moyen et à long termes, y compris un appui budgétaire direct et un rééchelonnement des emprunts du FMI et de la Banque mondiale.
• 1530
Des incursions récentes de la Yougoslavie posent un problème.
Elles se produisaient auparavant et elles se poursuivent. La
présence de l'armée de libération du Kosovo et les incursions au
Kosovo sont également déstabilisatrices. Le rôle de l'OTAN en
Albanie consiste à participer à l'aide humanitaire, à protéger les
réfugiés et à se défendre. La force de l'OTAN en Albanie va bientôt
avoir un effectif de 8 000 personnes qui vont participer à l'aide
humanitaire. Par ailleurs, un deuxième groupe de forces de l'OTAN,
composé essentiellement d'Américains et dont l'effectif est de
3 000 personnes, doit arriver sur les lieux avec 24 hélicoptères
Apache.
Pour ce qui est de la situation en Macédoine, il faut dire que ce pays abrite près de 127 000 réfugiés en ce moment. Les Serbes ont fermé la frontière une nouvelle fois, mais on s'attend à ce qu'elle soit rouverte d'ici peu. Nous avons eu quelques difficultés au début avec le gouvernement macédonien au sujet des réfugiés, mais cette situation s'est réglée d'elle-même. Le HCR et l'OTAN entretiennent de bonnes relations avec le gouvernement macédonien.
Là encore, la Macédoine est un pays petit et pauvre. Elle a dit très clairement dès le départ qu'elle ne pourrait s'occuper que d'un certain nombre de réfugiés et ce nombre a été largement dépassé ces derniers jours. La démographie de la Macédoine est différente de celle de l'Albanie. Près de 23 p. 100 de la population de la Macédoine est de souche albanaise.
En Macédoine, près de 80 000 réfugiés—sur un total de 127 000—vivraient avec des familles albanaises de Macédoine. Au fur et à mesure que plus de réfugiés arrivent en Macédoine, ils sont envoyés vers l'Albanie ou, temporairement, vers des pays d'Europe, sous les auspices du HCR.
La Macédoine est un pays jeune, démocratique, tourné vers l'Ouest, qui a l'ambition de se joindre à l'OTAN et à l'Union européenne le plus tôt possible. Tout comme l'Albanie, la Macédoine aura besoin d'aide économique à court et à moyen termes.
Parlons maintenant brièvement de la politique des réfugiés. Le HCR et le gouvernement canadien privilégient une approche régionale de la crise jusqu'à ce que les réfugiés puissent retourner chez eux en sécurité. Leur préférence et la politique du HCR consistent à ne pas appuyer le concept de l'épuration ethnique. Ces gens-là veulent retourner chez eux. Le Canada maintient son offre d'accueil de 5 000 réfugiés, offre que le HCR garde en réserve pour l'instant. Selon l'évolution de la situation, on nous a dit très clairement—et nous avons parlé à Mme Ogata ces derniers jours—que si le nombre des réfugiés augmentait de façon dramatique, le HCR réexaminerait la solution régionale qu'il favorise actuellement à propos de cette crise.
Pour terminer, j'aimerais dire quelques mots sur le Tribunal criminel international de La Haye. Le gouvernement du Canada a donné un appui inconditionnel au procureur en chef, Mme Louise Arbour. Nous avons apporté une aide financière. Les Canadiens qui travaillent sur le terrain entendent les réfugiés leur parler d'atrocités et ces renseignements sont mis à la disposition des autorités de La Haye. Nous continuons à essayer de faire comprendre aux autorités yougoslaves leurs obligations en matière de coopération avec le Tribunal criminel international de La Haye en vertu de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité NU. Elles ont refusé de coopérer jusqu'à présent.
Ainsi se termine ma déclaration liminaire.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Wright.
Général Henault.
Lieutenant-général Raymond R. Henault (sous-chef d'État-major de la Défense, ministère de la Défense nationale): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs.
J'aimerais vous donner un bref aperçu des aspects militaires de ce conflit, qui, je l'espère, vous donnera une idée de la situation dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle. Je ne vais pas faire l'historique de ce que nous avons fait jusqu'à présent, mais plutôt vous donner une idée de l'état actuel des choses. Bien évidemment, si nous avons des sessions d'information régulières—nous prévoyons vous faire des mises à jour périodiques, également—nous n'allons pas revenir sur l'ensemble de la situation à chaque fois.
Du point de vue de l'OTAN, la campagne est très intense en ce moment. Elle s'est intensifiée sous plusieurs aspects. Tout d'abord, le nombre d'avions a augmenté ces derniers temps et continue d'augmenter; je pense que tout le monde le sait. C'est la même chose pour ce qui est du nombre d'heures d'opération des avions de l'OTAN par jour, ainsi que du nombre de missiles de croisière qui appuient l'opération. Il y a donc intensification de la campagne qui se traduit maintenant par des opérations menées 24 heures par jour. Il n'y a véritablement pas d'endroits protégés, que ce soit la nuit ou par temps nuageux, puisque les systèmes d'armes peuvent trouver leurs cibles grâce au GPS et à d'autres systèmes, des radars, etc., qui sont maintenant utilisés régulièrement.
• 1535
La campagne aérienne, comme vous le savez tous, vise à porter
atteinte à la capacité militaire et à l'infrastructure stratégique
de la Yougoslavie et, bien sûr, à mettre un terme à la catastrophe
qui se déroule sous nos yeux. Pour ce qui est de l'OTAN, plus de
600 avions sont utilisés; ce sont des avions à base terrestre. Il
y a en plus des avions basés sur porte-avions; le nombre des avions
augmente donc chaque jour.
[Français]
Treize nations membres de l'OTAN participent actuellement aux missions dans les Balkans et le nombre d'avions, qui s'élève en ce moment à 800, continue d'augmenter. Le théâtre des opérations comptera probablement 1 000 avions éventuellement.
[Traduction]
Ordinairement, 400 à 600 sorties sont effectuées chaque jour. Par comparaison, il y en avait seulement 250 par jour initialement. On se rapproche maintenant des 600 sorties par jour et bien sûr, ce nombre peut augmenter au fur et à mesure qu'augmente le nombre d'avions dans le théâtre d'opérations.
Je vous ferais remarquer toutefois que sur ces 600 sorties, près de 20 p. 100 seulement sont des missions offensives. Ce grand nombre d'avions dispose de nombreux avions de servitude. Après avoir parlé au Général Kinsman qui se trouvait tout récemment sur les lieux, je peux vous donner un exemple d'une journée où 500 sorties ont été effectuées. Près de 100 de ces sorties étaient des opérations d'aérotransport humanitaire. Environ 300 étaient des sorties de soutien—ravitaillement en vol, ce que nous appelons la suppression de la défense aérienne ennemie, patrouille aérienne de combat, avions escorteurs et autres fonctions de cette nature—seules 100 de ces sorties étaient véritablement des sorties offensives. Les CF-18 du Canada ont bien sûr participé à tous les aspects du conflit et à tous les types de sorties.
Les cibles de l'OTAN sont très variées et leur coordination est assurée au quartier général de l'OTAN par le Commandant suprême des Forces alliées en Europe et par tous les pays, bien entendu. Tous les pays membres de l'OTAN donnent leur avis sur tout le processus. Les cibles de la phase un, comme vous le savez sans doute, mais juste pour vous le rappeler, étaient... La phase un a marqué le début de l'opération. La phase zéro a été en fait le coup d'envoi de cette opération; il s'agissait véritablement de l'arrivée d'avions supplémentaires dans le théâtre d'opérations et de l'établissement de mécanismes de commandement et de contrôle, etc., nécessaires pour mener les opérations.
Lorsque nous sommes passés à la phase un—la phase offensive, véritablement—il a fallu tout d'abord détruire ou dégrader le plus possible le système intégré de défense antiaérienne, la structure de commandement et de contrôle du régime Milosevic ou du régime militaire, et également détruire le plus possible l'infrastructure de soutien de ces systèmes de défense antiaérienne et de ces éléments de commandement et de contrôle dont je viens de parler.
Nous en sommes maintenant à la phase deux des opérations qui vise davantage les blindés, l'artillerie et les forces de campagne au Kosovo. Elle a été élargie de manière à inclure les voies de communication, les ponts, les routes—qui ont servi de cibles ces derniers temps—et les systèmes d'alimentation en carburant et autres éléments de soutien nécessaires à la conduite d'opérations militaires.
Depuis tout récemment, cette phase vise également ce que l'on appelle les zones d'engagement du Kosovo, qui sont des zones ciblées par des avions armés normalement de munitions à guidage de précision, mais aussi, dans certains cas, armés d'une combinaison de munitions de précision et de munitions de non précision pour lutter contre les forces de campagne au Kosovo.
[Français]
Bien que les bombardements dégradent systématiquement les forces et l'infrastructure militaire yougoslave, le commandant suprême des forces alliées, le général Wesley Clark, et les représentants officiels de l'OTAN prévoient que la campagne aérienne se prolongera. Il est difficile de dire jusqu'à quand elle se prolongera, mais nous croyons qu'il faut compter en termes de semaines, sinon de mois.
La campagne aérienne est certainement délibérée. Sa durée va dépendre des facteurs indiqués par M. Wright un peu plus tôt, c'est-à-dire des conditions fixées par la communauté internationale pour la cessation des bombardements; elle pourrait donc se prolonger pendant quelque temps, voire des semaines, sinon des mois.
Je ferais remarquer que même après quelques semaines d'activité—nous en sommes à la quatrième semaine des bombardements—nos avions sont toujours en butte aux défenses antiaériennes des forces yougoslaves. Ces défenses antiaériennes ont évidemment été amoindries, et leur précision est fort contestable, lorsque l'on sait qu'aucun appareil de l'OTAN n'a été abattu, du moins intentionnellement, par des missiles surface-air. Un F-117 a été abattu sans qu'il ne soit encore confirmé si c'est par suite d'une attaque de missiles surface-air ou d'artillerie antiaérienne, ou à cause d'un problème mécanique. Par conséquent, jusqu'à présent, mis à part ce cas isolé, après plus de 6 000 missions au cours desquelles nos avions sont exposés pratiquement chaque jour à des systèmes surface-air, nous ne pouvons pas confirmer qu'un seul ait été abattu.
Les forces militaires, paramilitaires et policières de la Yougoslavie qui représentent le noeud du problème au Kosovo, poursuivent leurs opérations de lutte anti-guérilla au Kosovo contre essentiellement l'armée de libération du Kosovo, mais aussi très clairement, comme nous avons tous pu le voir ces dernières semaines, contre les Albanais du Kosovo. Elles continuent à débarrasser les villages des Albanais de souche et poursuivent leur campagne d'épuration ethnique qui dure depuis quelque temps, puisqu'elle remonte bien avant le début des bombardements. Il semblerait maintenant, d'après des rapports de renseignements que nous avons reçus, qu'elles installent des défenses renforcées et améliorées le long de la frontière entre le Kosovo et l'Albanie ainsi que le long de la frontière entre le Kosovo et la Macédoine.
Il s'agit, en termes militaires, de construction de retranchements. Nous nous en apercevons grâce à l'imagerie aérienne qui montre que des blindés sont enterrés, si vous voulez, jusqu'aux tourelles, et que d'autres positions défensives sont érigées le long de la frontière.
[Français]
En termes de forces terrestres, comme vous le savez très bien, l'OTAN entrevoit actuellement qu'une force d'application de la paix ne sera possible qu'une fois que l'accord aura été ratifié par elle et le gouvernement Milosevic.
[Traduction]
Pour ce qui est des forces terrestres, le seul projet que nous poursuivons pour l'instant à cet égard, c'est une mission de maintien de la paix, qui sera sans aucun doute mise sur pied après la cessation des hostilités.
À court terme, et peut-être même à long terme, l'OTAN va poursuivre la campagne aérienne. Comme l'ont indiqué le général Clark et le secrétaire général—avec l'appui de tous les pays—elle continuera de s'intensifier.
Une dimension va s'ajouter à notre capacité au cours des prochains jours; je veux parler de l'arrivée des hélicoptères Apache qui augmenteront la puissance de feu de l'opération aérienne. Ces hélicoptères sont en route depuis déjà quelques semaines. Ils ont besoin de nombreux avions de servitude qui ont dû bien sûr arriver dans le théâtre des opérations en provenance de l'Allemagne et dont le vol a été perturbé—tout comme les opérations aériennes, ces dernières semaines, dans certains cas—par le mauvais temps et d'autres facteurs du genre.
En ce qui concerne la contribution du Canada en particulier, vous savez que nous avons à l'heure actuelle 12 avions de chasse CF-18 à Aviano. Ces avions continuent de participer aux opérations aériennes chaque jour. Le nombre de leurs missions s'est intensifié et a augmenté. Ils sont passés de quatre à huit missions par jour au début de l'opération—ayant commencé les opérations dès le premier jour, ils ont pris part à cette campagne dès le début—à environ 12 à 16 missions. Aujourd'hui, ils ont effectué 16 missions au total.
Ils effectuent diverses missions, et participent aussi au largage de munitions à guidage de précision, que vous connaissez tous, et de munitions de faible précision. Même si celles-ci sont moins précises que les autres, les erreurs de tir demeurent très faibles.
Les CF-18, il y quelques années, se servaient de la désignation radar et de la désignation en mode visuel pour effectuer des bombardements, l'écart circulaire probable, comme nous l'appelons, ou l'écart du point de pointage n'étant à peine que de quelques mètres. Les systèmes dont sont munis ces avions demeurent très efficaces et ajoutent à la capacité de tir de ceux- ci. Ils prennent part également, bien sûr, à des combats air-air. Ces aéronefs polyvalents sont très performants, et donc très prisés des commandants de l'OTAN. Ils participent maintenant à toutes les missions, ce qui comprend le largage de munitions à guidage de précision et de munition de faible précision, les patrouilles aériennes de combat et d'escorte, ainsi de suite.
• 1545
Comme vous le savez, le gouvernement a offert six chasseurs
supplémentaires au SACEUR en fin de semaine. Ils vont être déployés
au cours des deux prochaines semaines, tout au plus.
Avec l'arrivée de ces nouveaux chasseurs, nos effectifs à Aviano vont augmenter légèrement pour atteindre environ 275 militaires, ce qui englobe le personnel navigant féminin et masculin, de même que le personnel de soutien de tous les milieux, forces aériennes et terrestres comprises, qui participent de près aux opérations aériennes à Aviano.
Je tiens à dire que les pilotes, l'équipe au sol et le personnel de soutien attachent beaucoup de sérieux à leur mission. Ils font leur travail de leur mieux. Ils ne le font pas, manifestement, pour la gloire. Ils font ce qu'ils ont été entraînés à faire aussi bien que nous pouvions l'espérer. Ils remplissent leur rôle avec dévouement et professionnalisme. Cela vaut aussi bien pour le commandant du contingent, le colonel Dwight Davies, que pour les militaires de tous grades stationnés à Aviano et à Vicenza.
Je tiens également à préciser qu'il y a plusieurs autres membres des Forces canadiennes qui participent à cette opération. Mentionnons la force aéroportée d'alerte lointaine de l'OTAN, basée à Geilenkirchen, où nous comptons 95 militaires qui sont stationnés là-bas depuis maintenant plusieurs années, soit depuis 1991 ou 1992. Ils effectuent en moyenne trois sorties par jour. Entre deux et huit militaires participent à ces missions à bord d'aéronefs d'alerte et de contrôle avancés de l'OTAN. Il s'agit d'aéronefs 707 qui sont équipés d'un radar à l'arrière.
Nous comptons également un grand nombre de militaires en Bosnie, soit près de 1 400. Ajoutons à cela ceux qui se trouvent à Sarajevo, ceux qui font partie du groupement tactique dans le secteur canadien, et ceux qui participent à des opérations en Macédoine et en Albanie. Récemment, nous avons affecté cinq militaires auprès du quartier général de la Force mobile du Commandement allié en Europe, qui participe aux opérations d'assistance humanitaire en Albanie notamment. Ils vont y rester pendant un certain temps. Quelques officiers d'état-major participent à la mise sur pied d'une brigade au Kosovo, la brigade britannique, stationnée à Skopje, en Macédoine. De plus, à peu près neuf militaires et civils canadiens participent à la nouvelle mission de vérification au Kosovo, sous l'égide de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Tous ces militaires sont placés sous le commandement du général Maisonneuve, en Albanie, et du colonel Caron, en Macédoine.
Il y en a d'autres, que je ne mentionnerai pas. Nous apportons une contribution non négligeable à l'opération, soit environ 1 700 militaires pour l'instant, sans mentionner les deux Hercules qui, au cours des dix derniers jours, ont transporté de l'aide humanitaire depuis le Danemark et la Norvège jusqu'en Albanie et en Macédoine.
J'ajouterais, avant de terminer, que le ministre de la Défense nationale, le chef d'état-major de la Défense et le chef d'état- major des forces aériennes se sont rendu, au cours des derniers jours, à Bruxelles, à Aviano et à Vicenza. Ils ont été fort impressionnés par ce qu'ils ont vu.
Comme nous le savons tous, les Forces canadiennes sont également prêtes à participer à l'opération de maintien de la paix qui sera mise sur pied une fois les hostilités terminées. Cette opération, comme je l'ai déjà dit, est connue sous le nom d'Op Kinetic. Elle engloberait les quelque 600 à 800 membres des Forces canadiennes du secteur de l'Ouest de la force terrestre, ce contingent étant composé à la fois d'un escadron de reconnaissance, d'une unité d'hélicoptères et de l'élément d'appui tactique multinational. Ils seront déployés dès que l'ordre en sera donné.
Deux de nos CC-130 Hercules, qui offraient de l'aide au plan humanitaire, ont maintenant complété leur mission et s'en retournent actuellement au Canada. C'est une mission dont nous nous sommes acquittés dans de brefs délais et avec beaucoup de fierté à la suite de la demande de l'ACDI, qui a sollicité notre aide afin d'assurer le transport de 250 000 livres de vivres dans la région.
[Traduction]
Ces deux Hercules ont transporté près de 250 000 livres d'aide humanitaire à l'Albanie et à la Macédoine.
Enfin, nous serons prêts, sur avis de 72 heures, à assurer le transport de réfugiés au Canada, comme l'a mentionné M. Wright, si nous recevons une demande en ce sens d'Immigration Canada et du HCNUR. Nous sommes prêts à accueillir jusqu'à 5 000 réfugiés dans diverses bases au Canada. Nous ne nous attendons pas à en recevoir autant dans l'immédiat, mais nous sommes prêts à les accueillir, si besoin est.
[Français]
Monsieur le président, c'est la fin de ma présentation. Je passe maintenant la parole à Mme Corneau.
Le président: Merci, lieutenant général Henault.
[Traduction]
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): J'invoque le Règlement. J'aimerais avoir des précisions au sujet de la réunion. Elle devait commencer à 15 h 15 et prendre fin à 15 h 45. Nous ne voulons pas qu'il s'agisse d'une simple séance d'information. Nous avons des questions à poser. Est-ce que le président peut nous dire pendant combien de temps la réunion va durer?
Le président: Vous n'étiez peut-être pas ici quand nous en avons parlé au début. Ces réunions visent à tenir les députés au courant de la situation. Nous voulons également prévoir du temps pour les questions. Je vais donc proposer que l'on consacre une minute aux questions et une minute aux réponses pour éviter les longs discours. Sinon, ça ne vaut pas la peine. Nous allons essayer de rester un autre 10 ou 15 minutes. C'est ce que nous allons faire aujourd'hui. Toutefois, la prochaine réunion, qui doit avoir lieu jeudi prochain, durera une demi-heure, pas plus. L'introduction aujourd'hui était plutôt longue, parce qu'il s'agit de la première séance d'information.
Lgén Raymond Henault: C'était pour lancer la discussion.
M. Svend Robinson: Monsieur le président, combien de temps pourrons-nous consacrer aux questions?
Le président: Nous pouvons probablement rester pendant encore 10 ou 15 minutes.
Madame Corneau, je crois comprendre que vous n'avez pas de remarques liminaires à faire. Vous êtes ici dans le simple but de répondre aux questions. Est-ce exact?
Mme Hélène Corneau (gestionnaire de programmes, Europe central et de l'Est, Agence canadienne de développement international): Oui.
Le président: D'accord.
M. Jim Wright: Nous allons rester aussi longtemps que le veut le président.
M. Svend Robinson: Nous avons de très sérieuses questions à régler, monsieur le président. C'est la première fois que nous avons l'occasion de le faire.
Le président: Non, c'est faux. Vous ne pouvez pas dire que c'est la première fois que vous avez l'occasion de le faire.
Une voix: Ne perdons pas de temps.
Le président: Ne perdons pas de temps, messieurs. Nous sommes ici pour nous renseigner sur la situation.
Monsieur Mills.
[Français]
M. Daniel Turp: Je ne comprends pas pourquoi vous êtes pressé, monsieur le président, alors que Jim Wright nous offre de rester plus longtemps.
Le président: Je ne suis pas du tout pressé.
M. Daniel Turp: Jim nous offre de rester avec nous et de répondre à nos questions, alors que vous nous laissez entendre qu'on est pressés et qu'il faudra partir dans dix minutes. Il y a quelque chose que je ne comprends pas dans votre attitude.
Le président: Nous avons autre chose à faire. On avait prévu que cette séance durerait une demi-heure et si on la prolonge de 20 minutes, nous serons encore ici à 16 h 15. Nous avions organisé cette séance afin que le plus grand nombre possible de parlementaires puissent y assister. Les membres de notre comité, ceux du Comité de la défense et certains sénateurs sont ici présents, et c'est pour cette raison que je désire limiter la durée des questions et réponses à une minute chacune.
[Traduction]
Monsieur Mills, voulez-vous commercer?
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Merci beaucoup.
Je vous remercie de nous avoir transmis ces informations. Je n'ai qu'une seule question à poser pour l'instant. Elle porte sur le rôle de l'Armée de libération du Kosovo, le rôle qu'elle pourrait jouer dans un avenir prévisible, et les liens qu'elle entretient avec l'OTAN.
M. Jim Wright: L'OTAN n'entretient aucun lien avec l'Armée de libération du Kosovo. Elle faisait partie de l'équipe de négociation kosovare, mais elle n'était pas la seule. Elle continue de jouer un rôle, comme on peut le voir aux nouvelles tous les jours. Elle continue de faire du recrutement et s'entraîne en Albanie.
La présence de réfugiés et de membres de l'Armée de libération de Kosovo en Albanie crée parfois une situation déstabilisante. Les Serbes font à l'occasion des incursions en Albanie. L'Armée de libération du Kosovo poursuit sa campagne au Kosovo et demeure à l'heure actuelle très active sur le terrain.
La communauté internationale a dit très clairement qu'elle ne fournira pas d'armes à l'Armée de libération du Kosovo. Elle nous a demandé de lui en fournir, et nous avons dit non. Nous ne sommes pas en faveur de cette option parce l'ONU a décrété un embargo sur les armes en 1992, si je ne m'abuse, et parce que tout accord de paix éventuel passerait par le désarmement de l'Armée de libération de Kosovo. Il n'y a donc aucun lien entre l'OTAN et cette force. Elle est active sur le terrain. Elle a parfois un effet déstabilisant, mais le rôle de l'OTAN, en Albanie, est de protéger les réfugiés et de participer au secours humanitaire.
Le président: Merci.
Monsieur Turp.
[Français]
M. Daniel Turp: Sera-t-il question vendredi, à l'OTAN, du conflit au Kosovo? Ce point est-il à l'ordre du jour? Qui représentera le Canada à cette réunion et qui sera de la délégation du Canada?
M. Jim Wright: À quelle réunion?
M. Daniel Turp: À la réunion du Sommet de Washington.
Certaines personnes prétendent qu'on devrait maintenant saisir les avoirs de la Yougoslavie comme mesure de représailles. La Yougoslavie a-t-elle des avoirs au Canada?
Finalement, qu'en est-il de l'approvisionnement pétrolier de la Yougoslavie?
M. Jim Wright: En ce qui concerne votre dernière question, la position du gouvernement du Canada est la suivante. D'une part, les pilotes de l'OTAN sont présentement en train de détruire les installations pétrolières en Yougoslavie. D'autre part, nous considérons que le pétrole est une ressource stratégique pour la Yougoslavie. Le Canada est en train de discuter de la possibilité d'une forme d'embargo ou de sanctions contre les importations de pétrole de la Yougoslavie. C'est une discussion qui se poursuit à l'OTAN présentement. Notre position est très claire: le pétrole est une ressource stratégique pour l'armée serbe.
En ce qui concerne le Sommet de l'OTAN à Washington, la délégation du Canada comprend le premier ministre, le ministre de la Défense nationale et le ministre des Affaires étrangères, soit MM. Chrétien, Axworthy et Eggleton. Il y a aussi le sous-ministre des Affaires étrangères.
M. Daniel Turp: L'ambassadeur du Canada à l'OTAN y sera-t-il?
M. Jim Wright: L'ambassadeur du Canada à l'OTAN, mon frère David, sera là, ainsi que l'ambassadeur du Canada à Washington.
M. Daniel Turp: Et ma troisième question?
Lgén Raymond Henault: Je peux vous confirmer que les installations d'entreposage et de raffinage de pétrole sont sur la liste des cibles et sont frappées assez régulièrement, presque à tous les jours maintenant.
En ce qui concerne l'arrivée de pétrole par les ports, ce à quoi vous faisiez allusion, je crois, cela se produit encore. En ce moment, il n'y a pas d'embargo, comme l'a dit M. Wright; c'est ce dont on discute présentement à l'OTAN. On analyse la situation afin de voir s'il est maintenant propice d'arrêter les arrivées de pétrole, tant civiles que militaires.
M. Daniel Turp: La Yougoslavie a-t-elle au Canada des avoirs qui pourraient être saisis?
Le président: Je suis désolé, monsieur Turp, c'est terminé.
M. Daniel Turp: Il faudrait que quelqu'un d'autre pose cette question.
[Traduction]
Le président: Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: Le 24 mars, quand les bombardements ont commencé, le ministre de la Défense a dit à la Chambre des communes, et je le cite: «L'objectif de l'intervention militaire de l'OTAN est clair: empêcher que les forces de sécurité yougoslaves ne commettent d'autres actes de violence au Kosovo et éviter une catastrophe humanitaire à grande échelle.» Ces objectifs ne sont pas près d'être atteints. Nombreux sont ceux qui diraient que la catastrophe humanitaire s'est, en fait, aggravée et que les objectifs militaires sont à tout le moins douteux pour l'instant.
M. Wright a parlé de l'importance du rôle joué par la Russie dans la recherche d'une solution politique. Il a dit que ce qui intéresse avant tout la Russie, c'est la composition de la force internationale de maintien de la paix. Je voudrais savoir ce qu'en pense le Canada.
Quand j'ai abordé la question avec le ministre de la Défense, la semaine dernière, il a dit que cette force doit être placée sous le commandement de l'OTAN, qu'elle peut comprendre d'autres pays, mais qu'elle doit être placée sous le commandement de l'OTAN. Ils ont dit qu'ils voulaient que la Russie en fasse partie, ainsi de suite, mais cette solution n'est pas acceptable aux yeux de la Russie.
• 1400
Est-ce que le Canada maintient toujours cette position? Ne
sommes-nous pas prêts à reconnaître que cette option n'est pas
acceptable, que nous pourrions très bien avoir sur le terrain une
force internationale composée, par exemple, de non-combattants
russes, entre autres, une option que la Russie jugerait acceptable?
Le président: Je m'excuse, mais vous parlez déjà depuis une minute et demie, donc...
M. Svend Robinson: Je ne veux qu'une réponse d'une minute. Je vais poser les deux autres très rapidement...
Le président: Écoutez, ce n'est pas juste envers les autres membres. Ce n'est tout simplement pas juste. Vous pourrez poser une autre question plus tard, si vous voulez.
Nous devons établir des règles. Le sujet est très complexe. Vous devez être prêts à respecter les règles du jeu. Vous ne pouvez pas poser cinq questions en une minute et tricher sur votre temps. Nous avons convenu d'avoir des questions d'une minute, et des réponses d'une minute.
Je m'excuse, monsieur Wright.
M. Jim Wright: Je pense que l'OTAN préférerait avoir une force placée sur son contrôle. Mais si j'ai soulevé ce pont, c'est parce qu'on ne s'entend pas là-dessus et qu'il s'agit-là d'un élément clé du processus. Il y a d'autres propositions sur la table.
M. Svend Robinson: Je voulais savoir quelle était la position du Canada.
M. Jim Wright: Le Canada veut que cette force de maintien de la paix dispose de règles d'engagement très claires, qu'elle soit placée sous le commandement et le contrôle d'une autorité bien précise, et qu'elle bénéficie de l'appui de la communauté kosovare.
M. Svend Robinson: Est-ce qu'elle doit être placée sous le commandement de l'OTAN? Est-ce là la position du Canada?
M. Jim Wright: La position du gouvernement du Canada s'aligne sur celle de l'OTAN, mais...
M. Svend Robinson: Doit-elle être placée sous le commandement de l'OTAN?
M. Jim Wright: J'ai dit que le gouvernement du Canada souhaite pour l'instant que la force de maintien de la paix dispose de règles d'engagement très claires, qu'elle soit placée sous le commandement et le contrôle d'une autorité bien précise, et qu'elle bénéficie de l'appui de la communauté kosovare. Je ne veux pas émettre d'hypothèses sur des éléments qui, franchement, font partie des démarches discrètes que mènent actuellement le Canada et d'autres pays sur le plan diplomatique.
Le président: Merci.
Monsieur Bachand.
[Français]
M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): J'aimerais remercier les gens de s'être déplacés; c'est très apprécié. J'espère qu'on va adopter cette mode de commencer un mois après le début des hostilités.
On parle de plus en plus de charniers... [Note de la rédaction: Difficultés techniques].
[Traduction]
Le président: Votre temps est écoulé.
M. André Bachand: Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Essayez d'être bref.
M. André Bachand: Si les micros fonctionnent, je serai très bref. J'espère que la guerre pourra l'être autant.
On parle beaucoup d'atrocités au Kosovo. Cependant, il nous est très difficile d'en juger à cause de l'absence sur le terrain des médias et de personnes officielles qui pourraient nous donner de l'information.
Concernant l'existence de charniers, quelqu'un du gouvernement du Canada, que ce soit le ministre de la Défense, le premier ministre ou le ministre des Affaires extérieures, a-t-il plus de preuves que ce que l'on voit à la télévision, ce qui nous permettrait peut-être même de vous appuyer davantage au niveau de la résolution du conflit au Kosovo? Avez-vous des preuves que vous pourriez partager avec nous sur les atrocités qui se déroulent au Kosovo? Comme parlementaires, nous pourrions alors être bien informés.
Le président: Merci. Général Henault.
[Traduction]
M. André Bachand: Eh bien, ce n'est pas la première fois qu'on montre de telles images à la télévision, n'est-ce pas? Je tiens à vous rappeler qu'il était censé y avoir des charniers en Roumanie. Or, on les cherche toujours.
[Français]
Le président: Général Henault.
Lgén Raymond Henault: Les seules preuves relatives aux atrocités au Kosovo sont surtout des preuves venant de systèmes électroniques aériens, c'est-à-dire de satellites ou d'avions non pilotés, en principe, qui ont survolé et trouvé, comme vous avez pu le voir sur CNN et d'autres médias, ce qui semble être des mass graves. Toutes les indications sont là.
C'est impossible à vérifier pour le moment, mais les indications sont là et les analystes ont une certaine assurance que c'est bien ce dont il s'agit. Ce sera impossible à vérifier jusqu'à ce que nous ayons des forces alliées au sol au Kosovo qui pourraient nous donner des explications sur ce que nous avons vu. Pour l'instant, nous n'en avons pas et nous devons nous fier aux moyens aériens que nous avons.
M. André Bachand: Quelle est la grandeur du petit carré noir que l'on voit? Au niveau de différents charniers, on voyait plutôt un amas de terre. Quelqu'un m'a posé cette question. On voit plusieurs tombes. Quelle en est la grandeur? Je sais que c'est difficile.
Lgén Raymond Henault: C'est très difficile à estimer, mais ce serait peut-être 100 mètres.
M. André Bachand: Chaque trou noir?
Lgén Raymond Henault: Non, la longueur de...
M. André Bachand: Pouvez-vous estimer la grandeur de chaque trou noir? On voit que ce sont des tombes.
Lgén Raymond Henault: C'est tout ce que je peux vous offrir comme information.
M. Jim Wright: On a une autre source d'information sur les atrocités, et c'est le témoignage des réfugiés. Des experts travaillent maintenant sur le terrain en Macédoine et en Albanie. Ils parlent chaque jour avec les réfugiés et transmettent cette information au Tribunal pénal international de La Haye. Ce n'est pas à nous de juger s'il y a des atrocités ou non, mais bien au tribunal, qui est dirigé par Mme Louise Arbour à La Haye.
[Traduction]
Le président: Monsieur Bryden.
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Pouvez-vous nous parler des efforts de mobilisation de la Serbie? Les électeurs de ma circonscription craignent que la Serbie ne mobilise des enfants pour cette guerre. Ils s'inquiètent aussi de la présence de Canadiens d'origine serbe dans les Forces canadiennes. Avez-vous pris des mesures pour éviter que ces vaillants soldats ne prennent part au conflit?
Lgén Raymond Henault: Je ne suis pas nécessairement au courant des efforts de mobilisation de la Serbie parce que, évidemment, nous n'avons pas d'informations sur les personnes qu'elle recrute dans l'armée. Toutefois, encore une fois, comme l'a indiqué M. Wright, certains réfugiés ont déclaré que l'armée serbe recrutait des personnes de tout âge, des personnes même très jeunes et très âgées. C'est la seule indication que nous avons à ce sujet pour l'instant.
Les Canadiens d'origine serbe qui se trouvent dans les Forces armées ne sont pas traités différemment des autres. Nous les considérons comme des Canadiens...
M. John Bryden: Bien entendu.
Lgén Raymond Henault: ... et nous n'avons pris aucune mesure du genre de celle que vous avez mentionnée.
Le président: Monsieur Martin.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Je tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
A-t-on envisagé la possibilité de créer une zone de refuge dans le sud du Kosovo, une zone qui serait protégée par des forces de l'OTAN et de la Russie? Cela nous permettrait de mieux protéger les civils, de faciliter l'arrivée de l'aide humanitaire et ainsi de répondre à leurs besoins pressants. Cela nous permettrait aussi de rapatrier les réfugiés au lieu de les envoyer au loin, ce qui compliquerait les choses. Quel est votre avis là-dessus?
Lgén Raymond Henault: Tout ce que je peux vous dire, c'est que le comité militaire explore plusieurs options. Cette question fait l'objet de nombreuses discussions depuis quelques semaines déjà, et par le comité militaire et par le Conseil de l'Atlantique Nord. Ils explorent toute une série d'options pour aider les personnes déplacées que nous avons vues, ou du moins dont nous avons entendu parler. Une zone de refuge est une des options envisagées. Or, elle est assez difficile à mettre en application, comme vous pouvez l'imaginer, puisqu'elle suppose l'envoi d'une force terrestre, ce que personne ne veut envisager pour l'instant. Donc, il n'est pas facile d'établir une zone refuge à l'intérieur du Kosovo. Il faut en fait envoyer des forces sur le terrain.
L'option qui consiste à accueillir les réfugiés à la frontière demeure, pour l'instant, la plus raisonnable. Toutefois, nous sommes en train d'étudier diverses solutions en vue de venir en aide aux personnes qui se trouvent toujours à l'intérieur de la province.
M. Keith Martin: Merci.
M. Jim Wright: Pour pouvoir créer une zone de refuge, il faut un milieu non hostile, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle au Kosovo. Nous serions obligés d'envoyer des forces terrestres dans un milieu hostile, et l'OTAN n'envisage pas cette option pour l'instant.
M. Keith Martin: Même si c'est la partie nord qui l'intéresse.
M. Jim Wright: Non.
M. Keith Martin: D'accord. Merci.
Le président: Monsieur Cannis.
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): J'ai deux brèves questions.
Est-ce que le bombardement accidentel de Kosovars par un pilote de l'OTAN va faire l'objet d'une enquête? Si oui, comment compte-t-on procéder?
Par ailleurs, j'ai lu qu'environ 80 000 réfugiés installés dans un camp avaient disparus pendant la nuit. On a dit qu'ils avaient été transférés ailleurs, mais personne ne sait où. J'aimerais savoir comment on peut déplacer 80 000 personnes pendant la nuit. Il faudrait à peu près 800 autobus qui transporteraient chacun une centaine de personnes. Le matériel que vous utilisez, les satellites par exemple, vous permettent de repérer assez facilement les charniers. Comment se fait-il que nous ne savons pas où ces réfugiés ont été transportés, et cetera? Vous pourriez peut- être nous donner des précisions là-dessus.
Lgén Raymond Henault: Je vais d'abord répondre à la première question, et ensuite laisser M. Wright répondre à celle qui porte sur les réfugiés.
Pour ce qui est des bombardements, l'OTAN a mené une enquête très approfondie. Aucune enquête n'a été menée à l'interne, bien entendu. L'OTAN a reçu plusieurs rapports sur l'incident. En fait, hier matin, le commandant de l'escadre, le brigadier-général Leaf, a expliqué ce qui s'était sans doute passé. Il y a encore beaucoup de confusion. L'OTAN a admis, je crois, qu'une erreur a été commise, mais on ne sait pas encore de façon précise ce qui s'est passé et il faut poursuivre l'enquête avant de connaître tous les détails.
Compte tenu de la confusion qui entoure les multiples opérations qui ont lieu dans la région, il va être très difficile d'établir avec précision ce qui s'est passé dans ce cas-ci.
M. Jim Wright: Pour ce qui est des réfugiés, je crois qu'ils ont été déplacés par autobus de la Macédoine vers l'Albanie. Cela s'est produit au tout début de la crise, alors que le gouvernement de la Macédoine était absolument dépassé par les événements. Ils avaient dit à l'origine qu'il n'accepterait que 20 000 réfugiés. Or, ils se sont retrouvés avec 100 000 réfugiés, un chiffre effarant, et ils ont organisé leur transfert pendant la nuit. Ils l'ont fait pendant la nuit, et ils ont été sévèrement critiqués par la communauté internationale et par le HCRNU. On leur a dit que la communauté était là pour les aider, mais qu'ils devaient respecter leurs engagements en vertu de la convention internationale sur les réfugiés.
Leur comportement, dans les premiers jours, ressemblait de près à celui de leurs voisins du Nord, et nous ne voulions pas que ce genre de chose se produise à nouveau. Depuis, nous bénéficions de l'entière collaboration du gouvernement de la Macédoine. Le HCRNU et l'OTAN travaillent de près avec eux pour faire en sorte que le dossier des réfugiés soit bien géré.
J'aimerais ajouter quelques mots au sujet du bombardement accidentel de l'OTAN. Quand cela s'est produit, l'OTAN a réagi assez rapidement et a indiqué qu'une erreur avait été commise. Elle en a accepté la responsabilité. Il ne faut pas oublier que, dans le cas de la Yougoslavie, quand vous avez plus d'un million de réfugiés qui sont déplacés, des milliers de personnes qui sont tuées, des charniers, tout cela, ce n'est pas une erreur. Ce sont des actes prémédités et criminels, et M. Milosevic ne s'en formalise pas.
Le président: Merci.
Monsieur Laurin.
[Français]
M. René Laurin (Joliette, BQ): Vous avez mentionné tout à l'heure que le Canada avait offert 6 autres avions qui seraient envoyés d'ici deux semaines. Est-ce que ce sont 6 avions plus les 18 déjà existants, ou plutôt 6 plus les 12 qu'on avait avant?
Lgén Raymond Henault: C'est 12 plus les 6 que nous venons d'offrir, pour un total de 18.
M. René Laurin: Cela fera 18.
Lgén Raymond Henault: Oui.
M. René Laurin: M. Wright a mentionné que l'aide humanitaire ne parvenait pratiquement pas aux points de destination. Pourquoi cette aide n'arrive-t-elle pas à destination et comment pouvons-nous faire pour nous assurer qu'elle s'y rende?
M. Jim Wright: Quand j'ai mentionné cela, c'était plutôt en lien avec l'aide humanitaire au Kosovo. L'environnement actuel du Kosovo empêche l'arrivée de l'aide humanitaire.
M. René Laurin: Cet après-midi, on a affirmé à Radio-Canada que 70 p. 100 de l'aide alimentaire ne parvient pas aux réfugiés parce qu'elle est confisquée par la mafia et qu'en conséquence, ce qu'on envoie du Canada et des autres pays ne parvient pas à destination. Êtes-vous au courant de cette situation et que peut-on faire?
Lgén Raymond Henault: Je ne suis pas au courant de ce rapport. Je vais passer la parole à Mme Corneau.
Mme Hélène Corneau: J'étais en Albanie la semaine dernière et j'ai parlé, à l'aéroport de Tirana, à des représentants du Programme alimentaire mondial. On m'a donné l'assurance que l'aide alimentaire était entreposée en lieu sûr, dans des entrepôts contrôlés par le HCR et par le Programme alimentaire mondial.
M. René Laurin: Il ne semble pas que ce soit le cas, selon la nouvelle d'aujourd'hui.
M. Jim Wright: On sait très bien qu'il y a des problèmes avec la mafia, surtout en Albanie. C'est un petit peu comme dans le wild West, mais la communauté internationale travaille très fort avec l'UNHCR, l'OTAN, les organismes non gouvernementaux et le gouvernement de l'Albanie pour s'assurer que cette aide alimentaire arrive à ceux qui en ont besoin, c'est-à-dire les réfugiés. Mais ce pays est très pauvre et est maintenant une nouvelle démocratie. Il a toutes sortes de problèmes, comme tout pays en transition.
M. René Laurin: Qu'en est-il de la confiscation possible des biens yougoslaves en sol canadien?
[Traduction]
Lgén Raymond Henault: Cette question n'est pas de mon ressort. Je ne le sais pas.
[Français]
Je n'en ai aucune idée.
M. Daniel Turp: Les biens ici, au Canada, ou en Yougoslavie.
M. Jim Wright: Non, il n'y en pas ici. Il y a seulement l'ambassade, la résidence et un consulat général à Toronto. Il n'y a que des propriétés.
Lgén Raymond Henault: J'aimerais mentionner une dernière chose.
[Traduction]
Le président: En cas de déclaration de guerre, la loi sur les biens immeubles des sujets d'un pays ennemi entrerait en vigueur immédiatement. Il doit y avoir beaucoup de Canadiens qui ont des biens. Votre réponse convient peut-être pour l'instant, monsieur Wright, mais il pourrait y avoir des points de détail juridiques qui...
[Français]
M. Daniel Turp: C'est le professeur de droit international qui parle.
M. René Laurin: M. Henault veut ajouter quelque chose.
[Traduction]
Lgén Raymond Henault: Puis-je ajouter quelque chose, monsieur le président?
Le président: Allez-y.
[Français]
Lgén Raymond Henault: Comme M. Wright l'a déjà mentionné, les conditions en Albanie sont très difficiles. Les routes sont presque impraticables, même dans les meilleures conditions, et il ne faut pas y penser lorsqu'il pleut beaucoup comme en ce moment. C'est peut-être une des raisons qui expliquent les difficultés à faire parvenir l'aide aux campements, etc. Beaucoup d'hélicoptères leur donnent un appui assez important, mais les routes sont un des facteurs qui rendent difficile le transport de l'aide humanitaire du port jusqu'aux campements.
Le président: Madame Finestone.
[Traduction]
L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): On a abordé la question des personnes disparues. Il y a, semble-t-il, un très grand nombre de réfugiés à l'intérieur du Kosovo qui se cachent dans les montagnes. D'autres ont disparu. Étant donné que nos avions peuvent déceler presque n'importe quoi, comment se fait-il que nous ne savons pas où sont passés ces réfugiés? Voilà pour ma première question.
Deuxièmement, j'ai été un peu surprise d'entendre quelqu'un dire—je ne me souviens pas qui—que la guerre va se prolonger, qu'elle va être assez longue, qu'il va falloir intensifier les combats en raison du mauvais temps. N'avions-nous pas prévu tout cela au début des opérations? N'avions-nous pas déterminé à l'avance la durée des bombardements et l'intensité de ceux-ci? Allons-nous tout simplement les poursuivre? Êtes-vous en train de dire que nous n'avions absolument aucune idée de ce que nous faisions, outre le fait que nous voulions mettre un terme au nettoyage ethnique dont sont victimes ces personnes...? Et je suis d'accord pour dire qu'il faut y mettre un terme.
M. Daniel Turp: C'est une très bonne question.
Le président: Général Henault.
Lgén Raymond Henault: Pour répondre à la deuxième question, l'organisation d'une campagne aérienne est un processus très long qui demande beaucoup de temps. Nous ne pouvons pas prévoir, bien entendu, les aléas climatiques. Nous ne pouvions pas prévoir que nous aurions du mauvais temps et cela a compliqué le déroulement des opérations parce que nous voulons absolument minimiser les dommages collatéraux. Nous voulons réduire au minimum les dommages causés aux infrastructures autres que militaires.
La campagne doit aller de l'avant, et nous devons composer avec tous les impondérables. De plus, la campagne aérienne, et je n'ai pas l'intention de décrire à nouveau tout le processus, doit avoir pour cible le système intégré de défense aérienne, ainsi de suite. C'est un processus qui est long, et il doit s'intensifier avant d'être considéré comme un succès.
Donc, personnellement, je crois que la campagne aérienne se déroule assez bien, compte tenu de...
Mme Sheila Finestone: Qu'est-ce qui avait été prévu? Voilà ma question.
Lgén Raymond Henault: Vous parlez des problèmes que pose les conditions atmosphériques?
Mme Sheila Finestone: Non. Est-ce qu'on avait prévu la durée et l'importance de cette campagne, puisqu'on avait déjà une idée des conditions atmosphériques, du théâtre d'opération qui nous attendaient?
Lgén Raymond Henault: Tout ce que je peux dire, c'est qu'aucune date limite n'avait été établie. Le ministre a été très clair. Le combat va prendre fin, comme M. Wright l'a mentionné, quand toutes les conditions imposées par la communauté internationale seront réunies. Il nous est impossible de dire quand le conflit va prendre fin.
Le président: Je suppose que, ce qu'on vous demande, c'est si vous aviez prévu ce que M. Milosevic allait faire?
M. Jim Wright: Tous ceux qui connaissent les Balkans et la politique de M. Milosevic savent très bien que cette opération va être longue et difficile. Je pense que le général vous a donné une réponse très détaillée.
Le président: Merci.
Mme Sheila Finestone: Mais où sont tous les réfugiés?
M. Jim Wright: Concernant les réfugiés, les chiffres à ce sujet varient beaucoup. Il y en a déjà beaucoup qui ont quitté le Kosovo, soit environ 700 000. Entre 400 000 et 600 000 Kosovars se trouvent toujours à l'intérieur du pays. Certains se cachent dans les montagnes, d'autres dans les forêts. Ils se cachent pour se protéger, parce qu'ils ont été chassés de leurs foyers par les forces serbes. Certains mouvements de réfugiés ont été repérés grâce aux photographies aériennes prise par l'OTAN, mais pas tous.
En général, quand d'importants mouvements de réfugiés se dirigent vers les frontières, nous le savons. Mais vous allez constater, si vous jetez un coup d'oeil à la situation géographique du pays, que les choses ne sont pas aussi simples que cela. Ces gens ont essayé de passer les frontières. Un jour elles sont ouvertes, le lendemain elles sont fermées. Compte tenu de ce qu'ils ont été obligés de subir, ils vont chercher à se cacher des Serbes.
Mme Sheila Finestone: Si vous pouvez les voir, les Serbes aussi peuvent les voir.
Le président: Nous avons trois autres intervenants. Nos collègues ont été fort généreux avec leur temps. Nous allons essayer de les garder encore cinq minutes.
Nous avons M. Crête, M. Earle et M. McKay. Monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président. M. Wright a mentionné qu'un travail en coulisse se faisait au niveau de la diplomatie. J'aimerais savoir si cela inclut un travail sur ce qui pourrait être présenté à l'Assemblée générale de l'ONU, par exemple en ligne avec le plan de paix de l'Allemagne ou toute autre forme d'exploration qui pourrait être faite pour trouver une solution diplomatique. Pourriez-vous nous dresser un portrait rapide de cela?
Pourriez-vous, madame Corneau, nous parler de l'état de la situation et de la qualité des camps de réfugiés?
M. Jim Wright: Je peux vous dire que le travail continue certainement en vue d'en arriver à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. L'Union européenne a fait une déclaration, la semaine passée, indiquant que c'est exactement ce qu'elle voudrait faire. Les discussions continuent avec M. Annan, les autres membres du Conseil de sécurité et les Russes, mais il faut avoir un consensus avant de présenter quelque chose au Conseil de sécurité.
• 1625
C'était vraiment un problème il y a quelques mois, surtout en rapport
avec les Russes et la Chine, mais on essaie maintenant de trouver des
solutions. On n'y est pas arrivé, mais le travail continue en vue de
présenter au Conseil de sécurité un plan de paix et un plan pour la
situation humanitaire.
M. Paul Crête: [Note de la rédaction: Inaudible] ...directement.
M. Jim Wright: Pas pour l'instant.
M. Paul Crête: L'Assemblée générale?
M. Jim Wright: Non.
Le président: Madame Corneau.
Mme Hélène Corneau: Lors de notre mission en Macédoine et en Albanie, nous avons visité cinq camps de réfugiés en Macédoine. Bien que ce ne soient pas des situations très faciles à vivre, je qualifierais la situation d'assez encourageante. Il y avait une très bonne distribution d'eau, des services de santé, des distributions d'aide alimentaire, et les conditions sanitaires étaient aussi sous contrôle. On a parlé au chef d'un hôpital dans un des camps en Macédoine et il nous a dit que l'état de santé des réfugiés était très bon, compte tenu des circonstances.
Du côté de l'Albanie, nous n'avons pas visité de camps. Nous avons par ailleurs visité un centre de transit dans le sud de la capitale, et je vous avoue que les conditions y étaient beaucoup moins favorables. Les gens étaient dans un hôpital désaffecté et devaient être évacués vers des camps par les autorités gouvernementales. C'était une situation très, très difficile.
M. Paul Crête: À quand remonte cette information?
Mme Hélène Corneau: Aux deux dernières semaines.
M. Paul Crête: Il y a deux semaines ou au cours des deux dernières semaines?
Mme Hélène Corneau: La semaine du 6 avril pour la Macédoine et la semaine subséquente pour l'Albanie.
M. Paul Crête: D'accord. Merci.
Le président: Monsieur McKay.
[Traduction]
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Vous êtes conscient du fait que les députés et les Canadiens doutent de plus en plus de l'efficacité des bombardements aériens. Vous avez carte blanche. Vous contrôlez l'espace aérien. D'après ce que nous entendons dire, nous avons causé beaucoup de dommages. Est-ce que les Canadiens peuvent raisonnablement s'attendre à ce que les bombardements permettent, à un moment donné, d'assurer le retour, en toute sécurité, des Kosovars dans leur pays?
Deuxièmement, et il s'agit d'une question essentiellement militaire, si vous pouvez repérer si facilement les Yougoslaves, pourquoi, pour l'amour du ciel, ne bombardez-vous pas leurs chars d'assaut? Ils forment la base même de leur puissance militaire.
Lgén Raymond Henault: Pour répondre à votre deuxième question, nous bombardons leurs chars d'assaut. Je ne peux pas vous dire combien ont été touchés, parce que je n'ai pas les chiffres avec moi. Nous avons détruit beaucoup de chars d'assaut, de pièces d'artillerie, de véhicules militaires de tous genres, de quartiers généraux, de complexes, ainsi de suite.
M. John McKay: Est-ce que le public a accès à ces renseignements?
M. Daniel Turp: Tony Blair a donné tous les chiffres ce matin. Pourquoi ne pouvez-vous pas nous les fournir?
M. John McKay: Je sais. Ils ont détruit 300 chars d'assaut.
M. Daniel Turp: Ce matin, Tony Blair, lors de la conférence de presse donnée avec Solana, a indiqué le nombre de chars et d'objectifs militaires qui avaient été détruits pendant la nuit. C'était incroyable. C'est lui qui a fourni ces chiffres.
M. John McKay: Alors pourquoi ne pouvons-nous pas y avoir accès?
Le président: On pourrait peut-être nous fournir, à la prochaine réunion, les données les plus récentes. Nous avons une autre réunion jeudi.
Lgén Raymond Henault: Certains pays ont accès à ces renseignements beaucoup plus rapidement que nous en raison du décalage entre les fuseaux horaires. Toutes sortes d'informations sont transmises. Nous pouvons uniquement vous donner ce que nous avons.
Le président: D'accord. En ce qui concerne les bombardements aériens...
Lgén Raymond Henault: Le Conseil de l'Atlantique Nord et la communauté internationale veulent poursuivre les bombardements, et nous faisons ce qu'on nous demande de faire. Nous nous sommes engagés dans cette voie. Nous comptons obtenir les résultats escomptés. Oui, nous allons finir par atteindre nos objectifs.
M. John McKay: Mais nous ne savons pas quand.
Lgén Raymond Henault: C'est exact.
Le président: Nous allons maintenant passer à M. Earle, et ensuite clore la réunion.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Voilà une très bonne entrée en matière pour ma question.
On nous a dit qu'environ 6 000 sorties ont été effectuées depuis le début de l'opération. On en dénombre plus de 600 par jour. On a également dit que des entrepôts, des raffineries et des chars d'assaut étaient ciblés.
Or, est-il vrai, d'après ce que j'ai entendu récemment, que des fumées toxiques sont dégagées dans l'atmosphère, que des substances toxiques polluent les cours d'eau, que nous risquons en fait de créer un désastre écologique? Nous voulons prévenir un désastre humanitaire, qui est le but de cette mission, mais sommes- nous certains que nous ne sommes pas en train de créer un désastre à long terme beaucoup plus grave avec tous ces bombardements?
J'aimerais également savoir si on a recourt à des munitions en uranium appauvri dans ce conflit.
Lgén Raymond Henault: En ce qui concerne les substances toxiques qui sont dégagées dans les cours d'eau, ainsi de suite, il est impossible de vérifier ce genre de chose parce que nous ne sommes pas présents au Kosovo, en Serbie, en Yougoslavie. Je ne peux donc pas répondre à cette question. Toutefois, si c'est effectivement ce qui est en train de se produire, alors c'est à cause des opérations actuelles, et c'est dommage. Mais je n'ai pas de renseignements là-dessus.
En ce qui concerne l'uranium appauvri, les Forces canadiennes n'ont pas de stocks de munitions en uranium appauvri. Nous n'utilisons pas ce genre de munitions.
Toutefois, les alliés, eux, en ont. On retrouve de l'uranium appauvri dans les obus de 30mm. On s'en sert parce que c'est une substance très dense qui perce le blindage... et en raison aussi de ses capacités de pénétration.
On utilise de l'uranium appauvri dans les Warthog A-10, les hélicoptères Apache, dans certains navires—pas des navires canadiens, parce qu'ils utilisent des armes différentes—depuis longtemps. Nous savons que l'uranium appauvri ne présente aucun danger pour l'environnement. Les agents propulseurs et autres substances peuvent nuire à l'environnement, mais c'est le genre de chose auquel il faut s'attendre, peu importe l'arme qu'on utilise. Or, l'uranium appauvri ne nuit pas à l'environnement.
À ma connaissance, il ne présente aucun danger. En fait, certains Américains qui ont été blessés par des éclats d'obus en uranium appauvri dans un autre conflit font l'objet d'un suivi depuis déjà un bon moment, et aucun effet secondaire n'a été décelé chez eux, mis à part la blessure qu'ils ont subie quand ils ont été touchés. Ce n'est pas une substance radioactive.
Le président: J'aimerais poser à M. Wright une question qui se rattache à celle de M. Earle.
J'ai participé, hier soir, à Toronto, à une séance d'information qui a été diffusée ce matin, à la radio. On a laissé entendre que les bombardements causaient beaucoup de dommages à l'environnement. Il est tout à fait normal de penser que, plus les bombardements vont se poursuivre, plus l'environnement va en souffrir. On a laissé entendre que le Danube, qui est très important à l'économie de la région, n'est plus praticable.
Est-ce que les alliés de l'OTAN vont s'engager, une fois les objectifs atteints, à participer à l'effort de reconstruction? Ou allons-nous simplement hausser les épaules et dire, tant pis, et laisser ces pays déjà désespérément pauvres sortir d'un trou encore plus profond?
M. Jim Wright: J'ai parlé de cette question dans ma déclaration liminaire. J'ai dit que, même si nous consacrons toutes nos énergies, pour l'instant, à la crise immédiate, nous pensons aussi au long terme. Il faudrait mettre sur pied un programme de reconstruction. C'est ce qui s'est fait en Bosnie. Il faudra le faire au Kosovo, en Yougoslavie. L'Union européenne le sait. Ses dirigeants ont déjà déclaré qu'ils sont prêts à lancer un programme de reconstruction.
Nous devons voir aussi si nous ne pouvons pas changer certains des comportements à l'origine de cette crise au Kosovo, amener la société civile yougoslave à participer à des activités de consolidation de la paix. Malheureusement, ce type de guerre cause des dommages à l'environnement. La communauté internationale devra se pencher là-dessus, de même que sur la reconstruction de la société dès que le conflit sera terminé.
Le président: La réunion a duré non pas une demi-heure, mais une heure vingt minutes. Je tiens à vous remercier tous les trois d'être restés plus longtemps. Nous avons l'intention de tenir ces séances régulièrement. Nous aurons l'occasion de poser d'autres questions jeudi, à 15 h 15. Nous espérons vous revoir à ce moment- là.
Monsieur Turp.
[Français]
M. Daniel Turp: Je voudrais juste faire un commentaire. Je disais à M. Reed ce matin que je trouve cet exercice très utile. J'apprécie la générosité de nos invités, de M. Wright en particulier, qui se présente aussi devant un autre comité et peut-être devant d'autres à chaque jour. Ce sont des briefings, des séances de cette nature qui vont peut-être faire taire les critiques, tout à fait justes à mon avis, voulant que les parlementaires ne soient pas convenablement informés. M. Wright et ses collègues semblent avoir le souci de nous informer.
Je vous avertis qu'on sera vigilants parce que, de toute évidence, une demi-heure ne suffisait pas aujourd'hui. Nous sommes ici depuis une heure et vingt minutes, et il me semble que c'est raisonnable. J'espère qu'on prévoira plus d'une demi-heure pour jeudi. Vous voyez l'intérêt que cela suscite dans chacun des partis politiques. J'espère, monsieur le président, que vous allez prévoir pour jeudi non pas de 15 h 15 à 15 h 45, mais au moins de 15 h 15 à 16 h 15 ou 16 h 30.
Le président: Nous ferons de notre mieux. Je suis conscient du fait que des députés autres que les membres du comité seront ici. Il faut satisfaire la plupart des députés, mais il faut aussi tenir compte de l'emploi du temps de nos invités. Merci beaucoup d'être venus.
La séance est levée.