FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 28 avril 1999
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour et bienvenue au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité examine les priorités qui vont guider le Canada au cours des négociations entreprises dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. En outre, le Sous-comité du commerce international examine les intérêts prioritaires du Canada dans le processus de création d'une zone de libre-échange dans les Amériques.
Notre comité tient des audiences publiques dans les différentes régions du pays sur les grandes orientations de la politique canadienne en matière de commerce international à un moment où certains pays vont être appelés à prendre des décisions lourdes de conséquence au cours des négociations multilatérales organisées par l'OMC et devant des instances régionales en formation comme le projet de zone de libre-échange des Amériques.
Le comité et son sous-comité du commerce entreprennent ces vastes consultations publiques sur les priorités canadiennes à l'égard de l'OMC et de la ZLEA en reconnaissant avec le ministre du Commerce international, Sergio Marchi, l'importance de donner aux Canadiens davantage de moyens de participer à l'élaboration de la position que le gouvernement du Canada va adopter au cours de ces négociations.
En mars, le comité s'est rendu au Québec et dans les provinces Atlantiques. Cette semaine, la moitié des membres du comité tiennent des audiences dans les trois provinces de l'Ouest, et les autres au Manitoba et en Ontario. Nous espérons recueillir un ensemble d'opinions qui soient aussi représentatives que possible des opinions des Canadiens et les reprendre dans un rapport que nous espérons pouvoir présenter d'ici le début de l'été, bien avant les grandes rencontres commerciales internationales qui vont se tenir à la fin de l'année.
Avant d'entamer ces consultations dans les régions, le comité a tout d'abord entendu au mois de février le ministre et ses collaborateurs, après quoi nous avons organisé un certain nombre de tables rondes à Ottawa avant le début de ces audiences. À la mi-avril, plus de 100 témoins avaient présenté au comité des exposés qui portaient sur toute une série de questions et de problèmes importants, et au cours des deux derniers jours à Vancouver, nous avons entendu quelque 70 témoins de plus.
Comme le ministre Marchi l'a déclaré dans sa déclaration d'ouverture, le commerce international est devenu de nos jours une question locale. Ce qui se produit au cours de négociations lointaines a des conséquences qui nous touchent jusque dans nos activités quotidiennes. Cette tendance va inévitablement s'amplifier avec la mondialisation des échanges et l'élaboration d'une politique commerciale ne peut être confiée à un petit groupe de fonctionnaires; il faut que l'ensemble de la société et tous les paliers de gouvernement y participent.
• 0905
C'est pourquoi les membres du comité considèrent que ces
audiences constituent une étape importante qui va contribuer à la
réalisation de cet objectif. Nous avons été véritablement
impressionnés par la qualité des témoignages et des mémoires qui
ont été présentés. C'est un processus d'écoute et d'apprentissage
permanent.
Sur ce point, je suis heureuse d'annoncer que notre comité a ajouté à son site Internet une série de thèmes de discussion et des questions à l'intention du public.
Je suis également heureuse de vous annoncer que nous avons l'intention d'ajouter à notre rapport un guide du citoyen de l'OMC. Nous invitons tous les citoyens canadiens à continuer à participer, au cours des semaines et des mois qui vont suivre, aux travaux parlementaires dans ce domaine et à en suivre les progrès.
Cela dit, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue ce matin. J'aimerais que mes collègues se présentent eux-mêmes rapidement.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Je suis le député de Peace River et le critique du commerce de l'opposition officielle.
[Français]
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Je me nomme Benoît Sauvageau et je suis député du Québec et porte-parole au Commerce international.
[Traduction]
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Je viens de la région centrale de l'Ontario. Je suis le vice-président du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire et dans une autre vie, j'élève des poules et des poulets dans un système de gestion de l'offre.
M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Je suis le secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international. Je suis un député du sud-ouest de l'Ontario.
Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Je suis députée d'une circonscription de la région de Toronto mais pas de Toronto.
M. Murray Calder: Je crois que nous sommes voisins.
Mme Colleen Beaumier: C'est exact. Je suis la présidente du sous-comité des droits de la personne internationaux.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Bonjour. J'ai le privilège et l'honneur de présider les audiences de consultation que nous tenons dans les provinces de l'Ouest. Je suis également la présidente du sous-comité des investissements, des litiges commerciaux et du commerce international; je suis également députée de Toronto, je représente de la circonscription de Parkdale—High Park.
Mme Colleen Beaumier: Personne n'est parfait.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'aimerais souhaiter la bienvenue à MM. Grieve et Makaryshyn. Nous allons vous demander de présenter vos commentaires, après quoi nous aurons une période de questions. Bonjour et bienvenue.
M. Willie Grieve (vice-président, Service de la réglementation, BCT.Telus): Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité. Merci de me donner l'occasion de prendre la parole devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je suis le vice-président du service de réglementation de BCT.Telus et je suis accompagné aujourd'hui de John Makaryshyn du département des affaires gouvernementales et communautaires de BCT.Telus.
Récemment formée suite à une fusion entre Telus et BC Telecom, BCT.Telus est la deuxième compagnie de télécommunications au Canada. En incluant nos filiales et les coentreprises auxquelles nous participons, nous employons 25 000 Canadiens et gérons des actifs de près de 9 milliards de dollars. Les compagnies du groupe BCT.Telus offrent des services de communications voix et données, des services de communications visuelles ainsi que des services d'information et de publicité.
Nous sommes heureux d'avoir l'occasion d'offrir nos commentaires sur les questions d'importance qui occuperont le gouvernement canadien au cours de la prochaine conférence ministérielle de l'OMC. Comme l'a indiqué l'honorable Sergio Marchi quand il s'est présenté devant vous, 40 p. 100 du PIB du Canada est relié aux exportations. Si vous incluez les importations, les échanges internationaux représentent près de 75 p. 100 de notre PIB. Le ministre Marchi a souligné le fait que le Canada ne peut pas se permettre d'être un simple observateur dans le processus d'établissement des règles gouvernant le commerce international, compte tenu de l'importance de ce domaine pour notre économie. Nous sommes tout à fait d'accord avec le ministre.
La modernisation de l'infrastructure des télécommunications au Canada est le produit de lignes de conduite qui reconnaissent l'importance d'un milieu concurrentiel pour encourager les entreprises à offrir aux Canadiens les moyens nécessaires d'établir des liens entre eux et avec le monde.
Pour solidifier davantage l'industrie canadienne, un certain nombre de questions doivent être abordées. Les thèmes dont nous voudrions discuter aujourd'hui appartiennent à trois catégories: le commerce électronique, les investissements étrangers, la concurrence dans les télécommunications et les politiques de réglementation sur lesquelles vont porter les négociations de l'OMC sur les services de base dans le domaine des télécommunications.
Tout d'abord, le commerce électronique. Comme vous le savez, nous avons assisté au cours de ces quelques dernières années à une croissance explosive du World Wide Web sur Internet. Les transactions commerciales électroniques ont également connu une croissance proportionnelle à celle-là. Le commerce électronique réduit de façon importante les coûts associés aux méthodes commerciales traditionnelles et permet aussi aux consommateurs d'épargner du temps. Le commerce électronique offre le potentiel d'assurer une croissance des échanges pour l'ensemble du Canada, de renforcer l'économie canadienne, de créer des emplois et d'améliorer le niveau de vie des Canadiens.
Une des conclusions issues de la conférence ministérielle de l'OCDE, tenue l'année dernière à Ottawa, est que le commerce électronique ne pourra se développer que s'il est encadré par une structure juridique solide. Comment l'OMC va-t-elle traiter les questions concernant le commerce électronique? Voilà la grande question. Le gouvernement canadien a adopté une position de chef de file dans la promotion d'un environnement juridique international qui soit stable, transparent, flexible, sans discrimination, et neutre sur le plan de la technologie.
• 0910
Les prochaines négociations commerciales de l'OMC vont porter
sur de nombreuses questions reliées au commerce électronique mais
j'aimerais vous parler rapidement ce matin des recommandations que
nous formulons dans deux domaines.
Les droits de douane. Dans leur déclaration ministérielle de 1998, les ministres de l'OMC se sont engagés à ne pas imposer de droits de douane sur les produits livrés électroniquement.
Nous recommandons au gouvernement canadien d'appuyer au sein de l'OMC les efforts déployés pour maintenir la pratique actuelle qui consiste à ne pas imposer de droits de douane sur les transmissions électroniques.
La vie privée, l'authentification électronique et la cryptographie. Nous appuyons le projet de loi du gouvernement canadien en matière de vie privée et d'authentification électronique, le projet de loi C-54, ainsi que la politique sur la cryptographie qui le sous-tend.
Nous recommandons que le gouvernement canadien travaille à ce que les accords commerciaux soient conformes aux politiques du Canada dans ce domaine et avec les lignes de conduite de l'OCDE en matière de vie privée et de cryptographie. Cela permettra d'éviter que les politiques de certains pays constituent des obstacles au commerce international.
Nous allons maintenant parler des investissements étrangers. Au-delà de l'établissement de règles de base correctes pour traiter des questions reliées au commerce électronique international, la croissance rapide de l'infrastructure globale des télécommunications dépend de l'engagement des instances internationales à promouvoir une liberté du marché qui encourage la concurrence et l'investissement. La libéralisation des échanges favorise le jeu de la concurrence, stimule l'innovation et le développement économique et profite aux consommateurs.
C'est pourquoi nous appuyons les efforts que déploient les gouvernements en vue de libéraliser les règles en matière de propriété étrangère dans le secteur des télécommunications et de la radiotélédiffusion. Les efforts exercés pour libéraliser les règles en matière d'investissement ne pourront que profiter aux Canadiens et encourager les investissements dans les infrastructures au Canada et dans les autres pays qui favorisent la concurrence et les investissements.
Réciproquement, les pays qui tentent de limiter l'investissement étranger direct ou l'accès aux marchés intérieurs ralentiront le développement de leur infrastructure et priveront leur économie de l'accès à des produits et à des services à des coûts concurrentiels, compromettant ainsi leur propre capacité concurrentielle et limitant leur qualité de vie.
Pour réaliser l'objectif de connectivité fixé par le ministre Manley et pour aller au-delà—en offrant aux Canadiens des services Internet sur large bande et de nouveaux outils de commerce électronique—nous devons encourager l'investissement international au Canada.
Pour ce qui est de la réglementation et de la concurrence dans les télécommunications, nous croyons qu'il est important pour le gouvernement canadien de prendre un peu de recul et d'examiner à nouveau la façon dont l'OMC a abordé la concurrence et la réglementation dans les télécommunications au sein de l'accord sur les télécommunications de base.
Nous pensons que le fait d'inclure les télécommunications dans les négociations sur les services a gommé les distinctions importantes qu'il faut faire entre les services de télécommunication et les autres types de services. Il en est résulté que certains concepts et idées exprimés dans le document de référence, qui a été conçu, en partie, pour établir des normes que les pays membres pourraient utiliser pour mesurer le succès de leur engagement en matière d'accès à leur marché, pourraient en fait être interprétés d'une façon qui entraverait le développement de la concurrence.
Pour dissiper tout malentendu, il faudra réaffirmer les objectifs du document de référence qui visent à faciliter la concurrence et l'accès aux télécommunications, objectifs auxquels nous souscrivons sans réserve.
Nous trouvons toutefois inquiétant que le document de référence semble s'inspirer d'idées, de notions et de principes américains, dont plusieurs ont été repris dans la Loi américaine de 1996 sur les télécommunications et qui ont fait l'objet de contestations judiciaires aux États-Unis.
En fait, les études démontrent de plus en plus que le Congrès américain et le FCC ont commis des erreurs graves dans l'établissement d'un système concurrentiel dans le domaine des télécommunications aux États-Unis. Ces études indiquent qu'une bonne partie des politiques adoptées par le Congrès américain et le FCC en matière de concurrence dans les communications ne sont pas fondées sur le droit de la concurrence mais plutôt sur des principes économiques qui privent les consommateurs et l'économie des bienfaits de la concurrence.
En fait, le CRTC a rejeté plusieurs politiques américaines pour ces mêmes motifs dans sa décision de 1997 sur la concurrence locale, décision qui a d'ailleurs fait marque.
Nous voudrions que le gouvernement canadien s'assure que les États-Unis ne réussissent pas à imposer leur volonté à la communauté internationale, en favoriser des interprétations du document de référence qui empêcheraient les Canadiens de profiter pleinement de la concurrence dans le domaine des télécommunications.
Il faudra, par exemple, veiller à ce que les notions d'interconnexion, d'établissement essentiel et de fournisseur majeur notamment, définies dans le document de référence, soient interprétées de façon à favoriser la concurrence dans la fourniture d'installations et de services de télécommunications.
Le Canada a déjà beaucoup fait dans le domaine de la concurrence dans les services et les installations de télécommunications. Nous ne devrions pas nous asseoir sur nos lauriers et voir nos réalisations minées par des interprétations opportunistes du document de référence, un document fondamentalement favorable à la concurrence.
• 0915
Nous recommandons donc au gouvernement canadien de chercher à
clarifier le document de référence et, au besoin, de le modifier de
façon à promouvoir les politiques du gouvernement canadien qui
visent à favoriser la concurrence, tant sur le plan des services
que des installations dans le secteur des télécommunications.
En conclusion, nous encourageons le gouvernement canadien à prendre, au cours de la conférence ministérielle, l'initiative d'encourager les pays membres à s'engager plus clairement encore à prôner la concurrence, l'ouverture des marchés et à adopter des politiques qui facilitent les investissements dans l'infrastructure.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui et de vous présenter notre point de vue sur la conférence ministérielle qui doit être tenue prochainement. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie beaucoup, monsieur Grieve, et merci pour vos recommandations.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Merci, madame la présidente.
Je suis très heureux de vous accueillir comme témoins ce matin. J'ai compris de votre exposé que vous aimeriez qu'on élargisse à d'autres domaines les négociations de l'OMC. Pour le moment, deux sujets sont à l'ordre du jour, les services et l'agriculture. Il y a beaucoup de gens qui demandent qu'on élargisse les sujets de négociations. Est-ce que les sujets que vous voudriez voir aborder font tous parties du domaine des services? Comment aimeriez-vous que l'OMC procède?
M. John Makaryshyn (Département des affaires gouvernementales et communautaires, BCT.Telus): Nous ne demandons pas que l'on accorde un traitement spécial au commerce électronique et à d'autres domaines non visés par les ententes cadres au sein du processus de l'OMC. Les ententes en vigueur comme le GATT, l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, l'APIC, et les autres documents permettent de régler la plupart des questions que soulève le commerce électronique.
Cela dit, si les ministres de l'OMC pouvaient s'entendre rapidement sur quelques sujets, comme sur le principe de la non-imposition de droits de douane sur les transmissions électroniques, nous en serions très heureux.
M. Charlie Penson: Vous avez parlé de concurrence et de réglementation. Est-ce qu'un renforcement du droit international de la concurrence serait ce que vous recherchez pour ces domaines?
M. Willie Grieve: Notre principal souci pour cette ronde de négociations est d'éviter que le document de référence soit interprété comme s'il portait uniquement sur les services. J'ai mentionné, vous vous en souvenez, dans mes commentaires que les télécommunications vont être comprises dans les négociations sur le commerce des services.
Mais cette question comporte en fait deux parties. Les services de télécommunications sont des services. Ce ne sont pas des produits mais ils sont fournis à l'aide de réseaux d'installations, d'une infrastructure. Le débat qui s'est tenu à l'OMC et dans une bonne partie des pays d'Europe et aux États-Unis, en fait les politiques américaines vont délibérément dans cette direction, vise à permettre aux nouvelles entreprises d'utiliser des infrastructures appartenant à d'autres pour fournir des services et non à les obliger à investir dans des infrastructures pour que l'on puisse retirer tous les bienfaits de la concurrence. À part la question des investissements étrangers directs, nous ne demandons pas que les négociations portent sur d'autres sujets que les services mais nous voulons qu'il soit bien compris que lorsque l'on parle de commerce et de services de télécommunications, on n'aborde que la moitié de la question. Si l'on s'intéresse uniquement à cet aspect, on risque de freiner la libre concurrence parce que l'on ne traite pas de la concurrence sur le plan des infrastructures.
M. Charlie Penson: Vous ne voulez donc pas que les négociations portent uniquement sur le domaine des services.
À l'heure actuelle, le programme de négociation de l'OMC pour l'an 2000 comprend deux sujets. L'un est l'agriculture et l'autre les services. Il y a beaucoup de gens qui demandent que l'on élargisse cette liste et que le Canada devrait participer à la conférence ministérielle de Seattle cet automne pour demander que l'on aborde d'autres sujets.
Je vous demande donc, à nouveau, s'il est possible de régler ces questions avec des négociations qui porteraient uniquement sur le secteur des services, sans aucun ajout, ou si l'on devrait plutôt ajouter d'autres sujets de négociations? Est-il possible de répondre à vos préoccupations en axant les négociations sur les seuls services?
M. Willie Grieve: Il est tout à fait possible de répondre à nos préoccupations qui découlent du document de référence en faisant porter les négociations sur les services, dans la mesure où les investissements étrangers touchent la fourniture des services. Mais là encore, je ne pense pas que l'on puisse examiner la question des services sans tenir compte du fait que ces services sont fournis à l'aide d'une infrastructure. On risque de se priver des avantages que pourrait apporter la concurrence dans le domaine des services si l'on ne tient pas compte à la fois des services et de l'infrastructure.
• 0920
Laissez-moi vous faire une brève comparaison, qui se trouve
dans le mémoire. Prenez le cas d'un pays qui ne possède qu'une
seule compagnie aérienne, et que ce pays décide d'ouvrir ce marché.
Les négociateurs se réunissent et demandent quelles sont les
conditions d'entrée? Essentiellement, les conditions d'entrée
seraient que les autres compagnies auront accès aux aéroports et
aux créneaux d'atterrissage. Personne n'aurait l'idée de demander
à la compagnie aérienne nationale de prêter ses avions aux nouveaux
venus. Ces derniers vont se procurer leurs propres avions. C'est la
même chose avec les cabinets de comptables. S'il y avait un cabinet
de comptables bénéficiant d'un monopole et que l'on voulait ouvrir
le marché, on ne demanderait pas à ce cabinet de comptables de
fournir ses bureaux et ses ordinateurs aux nouveaux cabinets de
comptables.
C'est pourtant exactement ce qui se passe dans les télécommunications. Les nouveaux arrivés affirment qu'ils veulent fournir leurs services et exigent que le gouvernement et les autorités de réglementation leur permettent d'utiliser les installations des entreprises déjà établies à un prix réglementaire fixé très bas pour qu'ils puissent vous concurrencer et rentabiliser leurs activités en utilisant vos installations. En procédant de cette façon, on n'obtient pas les avantages qu'apportent les investissements dans les nouvelles technologies, et qu'il serait normal d'obtenir. Les Américains se sont engagés dans cette direction et ce sont eux qui ont imposé le choix de certains mots dans le document de référence.
Nous pensons que le CRTC et le gouvernement canadien ont adopté la position qu'il fallait sur ce sujet lorsqu'ils ont encadré la concurrence au Canada, et que cela est tout à fait conforme au document de référence. Nous ne voulons pas qu'au cours de ces négociations, on laisse les États-Unis imposer au Canada les interprétations qui leur conviennent car cela risquerait de nuire à tout ce que nous avons fait jusqu'ici et que nous essayons toujours de faire. C'est là ce que nous craignons. Lorsque l'on parle des services, il ne faut pas oublier qu'il faut des infrastructures pour les fournir, et dans les télécommunications, c'est un aspect très important.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
Monsieur Sauvageau.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Bon matin, messieurs. Je vous remercie d'avoir présenté votre document en français. C'est apprécié. Il faut le souligner car cela n'arrive pas souvent. Je trouve que c'est une bonne idée.
J'ai deux petites questions. La première concerne la première de vos quatre recommandations. Si je me trompe, vous me rappellerez à l'ordre. Vous dites:
-
Nous recommandons au gouvernement canadien d'appuyer
au sein de l'OMC les efforts de rendre permanente la
pratique actuelle de ne pas imposer de frais
douaniers sur les transmissions électroniques.
Pourrait-on imposer des frais douaniers sur les transmissions électroniques? Est-ce physiquement possible et, dans l'affirmative, comment?
[Traduction]
M. John Makaryshyn: C'est une bonne question. Il est peut-être impossible d'imposer ce genre de droits sur les transmissions électroniques. Une précision, nous ne parlons pas ici de la livraison de biens matériels qui ont été commandés par Internet, par exemple, mais de transmissions électroniques comme l'envoi d'un fax ou d'un courriel par Internet. C'est une remarque très intéressante. Même si l'on tentait de le faire, il n'est pas sûr que l'on pourrait vraiment imposer ce genre de droits de douane sur ce type de transaction.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Merci.
Ma deuxième question concerne les investissements étrangers. Dans votre texte, vous dites:
-
À cette fin, nous appuyons les efforts du
gouvernement de libéraliser les règles de propriété au
sein de l'industrie des télécommunications et de la
radio-télédiffusion.
Les efforts de libéraliser des
règles ayant trait aux investisseurs se traduiront en
bénéfices pour les Canadiens et encourageront les
investissements dans les installations, au Canada et dans
d'autres pays.
Si je comprends bien, vous dites qu'on doit laisser tomber les barrières pour attirer des investisseurs étrangers qui viendront investir dans les télécommunications, la radio, etc. Une telle politique ne vous ferait-elle pas craindre la propriété directe? Par exemple, les Américains détiendraient des chaînes de production de radio et de télé canadiennes et, après un petit bout de temps, ils changeraient la programmation, et le contenu canadien disparaîtrait.
[Traduction]
M. Willie Grieve: Il faudrait commencer par distinguer la programmation et, là encore, l'infrastructure que l'on utilise pour la diffuser, que ce soit par c'ble optique ou satellite.
• 0925
Ce que nous proposons aujourd'hui, et le facteur temps joue un
rôle important ici, c'est pourquoi je vais m'expliquer, c'est de
libéraliser les investissements étrangers dans les infrastructures
nécessaires à la fourniture des services de télédiffusion, ainsi
que des services de télécommunications et de communication. Il y a
des règles qui s'appliquent aux investissements étrangers.
Selon la Loi sur les télécommunications, la propriété canadienne et les règles relatives au contrôle sont basées sur la propriété des installations de transmission et selon la Loi sur la radiodiffusion, la directive que le gouvernement a donné au CRTC, est que pour obtenir un permis, une entreprise de radiodiffusion doit être de propriété canadienne, selon un certain pourcentage.
Pour le moment, nous ne nous opposons pas à ce que le gouvernement préserve les règles en matière de propriété étrangère ou qu'il impose des restrictions à l'investissement étranger dans le cas des entreprises de programmation, par opposition aux entreprises de distribution. Cela s'explique pour deux raisons. Tout d'abord, pour ce qui est de la distribution, l'Internet et les nouveaux médias se développent rapidement. On peut parler d'explosion. L'utilisation de l'Internet augmente de façon exponentielle, elle double pratiquement tous les ans. Il existe une demande de plus en plus forte pour un accès à Internet sur large bande, un accès à haute vitesse.
Au cours des audiences qu'a tenues le CRTC au début de l'année sur les nouveaux médias, nous avons prédit que dans cinq à sept ans, on constaterait une diminution importante des recettes de publicité, et, d'une façon générale, du contrôle exercé par le gouvernement sur ce qui entre dans les foyers canadiens, comme il le fait aujourd'hui gr'ce au système de permis.
Tout d'abord, les Canadiens exigent que l'on investisse dans une infrastructure capable de fournir des services à haute vitesse. Cela coûte très cher mais nous ne pouvons pas rester inactifs. Il n'existe pas, au Canada, les ressources qui permettraient de construire nous-mêmes plusieurs réseaux concurrentiels. Nous n'avons pas le capital qui nous permettrait de construire un tel réseau aussi rapidement que nous aimerions le faire. Nous pourrions y parvenir progressivement mais le temps est un facteur essentiel de nos jours. C'est pourquoi nous estimons que les investissements étrangers au Canada pourraient aider à financer le genre de réseau dont nous avons besoin pour pouvoir fournir aux Canadiens d'ici cinq à dix ans des services à haute vitesse, utilisant une large bande, sur Internet.
D'après nous, ce qui vous préoccupe principalement dans l'industrie de la téléradiodiffusion, c'est davantage la programmation et le maintien d'un contenu canadien; vous voulez veiller à ce que les Canadiens aient accès à une programmation canadienne de qualité. Cela appelle deux remarques. Tout d'abord, le règlement actuel de la télédiffusion au Canada est fondé sur l'idée qu'il s'agit d'un système fermé qu'il est possible de réglementer. Nous pensons qu'il est possible de la réglementer comme nous l'avons fait jusqu'ici, avec des permis, en prévoyant des conditions relatives au contenu canadien et à l'investissement canadien et en définissant ce qui constitue un contenu canadien. Cela pourra continuer à se faire pendant un certain temps.
Le problème vient du fait qu'il existe au Canada un secteur de la radiodiffusion très important et très dynamique, les secteurs de la production, de la musique, du cinéma, qui obtient d'excellents résultats avec la structure actuelle de l'industrie de la radiodiffusion. Internet se développe et il nous sera impossible de contrôler ce que va offrir Internet. Il va donc falloir permettre à l'industrie canadienne de se transformer, de façon à ce que d'une industrie de diffusion, ce qu'elle est actuellement, elle devienne une industrie des nouveaux médias qui devra faire face à une concurrence mondiale parce que nous ne pourrons pas contrôler les programmes, ni ce qui entrera dans les foyers canadiens. Les gens pourront choisir eux-mêmes ce qu'ils veulent.
Le problème est donc de trouver le moyen d'introduire un contenu canadien sur Internet. La bonne nouvelle est que, dans l'ensemble, le contenu canadien est déjà là; il suffit donc de transformer l'industrie et de financer la programmation qui nous paraît importante sur le plan culturel et que l'on ne pourrait produire autrement.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Sauvageau.
Monsieur Calder.
M. Murray Calder: Merci beaucoup, madame la présidente.
Willie, dans votre exposé, vous avez dit que le commerce électronique a besoin d'un cadre juridique international et de mesures de protection internationales. Je suis d'accord avec vous sur ce point, si l'on pense qu'avec le commerce électronique que nous avons aujourd'hui, il n'est même pas possible de vendre un ensemble de chambre à coucher, si vous avez suivi ce qui est arrivé avec l'ensemble de la chambre de sir John A. Macdonald.
• 0930
Le problème qui se pose à l'heure actuelle au gouvernement du
Canada, avec l'explosion d'Internet, est que les domaines régis par
la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications
se chevauchent de plus en plus. Ils se rapprochent constamment. Si
nous voulons mettre en place un cadre juridique et des mesures de
protection internationales, il va nous falloir commencer par régler
nos problèmes nationaux avant de s'attaquer au marché mondial.
Nous devons nous demander comment nous ferons pour imposer des normes internationales à tous les pays, lorsque nous aurons résolu nos propres problèmes internes? Ces normes internationales devront s'appliquer à tous les aspects, de la censure jusqu'à la protection des transactions commerciales. Nous savons qu'à l'heure actuelle, cette protection n'existe pas. Si un jeune de 13 ans peut utiliser le système pour faire une offre incroyable de 900 000 $ pour un ensemble de chambre à coucher et si le système accepte une telle offre, cela veut dire que le système n'est pas au point. Si nous voulons nous lancer dans le commerce électronique, comment allons-nous régler les aspects internationaux de ce commerce?
M. Willie Grieve: Il n'est jamais facile d'harmoniser les réglementations. Il n'est pas facile d'harmoniser les règles qu'appliquent les provinces ou les compagnies de téléphone, il sera certainement encore plus difficile d'amener tous les pays à s'entendre sur un ensemble de règles. Il y a un aspect dont nous avons beaucoup parlé dans notre secteur, c'est le fait que tous les pays n'en sont pas au même stade de développement.
Nous parlons au Canada d'un service téléphonique universel et de la nécessité d'un tel système, mais nous avons déjà un réseau téléphonique. En Pologne, lorsque le gouvernement a décidé d'ouvrir ce marché, il a proposé aux entreprises intéressées de faire une offre pour certaines régions du pays et de venir y construire un réseau téléphonique parce que, bien souvent, il n'y en avait pas. La situation est tout à fait différente dans certains pays.
Cela dépasse le cadre de notre discussion. Il faut bien comprendre que nous devons adopter des principes sages mais si nous commençons à demander à tous les pays de mettre en oeuvre ces principes ou de procéder de telle façon pour le faire, nous aurons beaucoup de mal à les en convaincre. Il est peu probable que l'on puisse imposer à tous les pays une méthode à suivre pour appliquer ces principes.
M. Murray Calder: L'autre aspect que l'on devrait ajouter à ce cadre de négociation est celui des protections. Il y a des pays comme les États-Unis, qui ont beaucoup d'argent, qui sont en mesure de confier à des experts les négociations sur le commerce électronique, l'industrie, l'agriculture, la culture, ou n'importe quel domaine. Mais un pays du tiers monde ne dispose pas du même budget que les États-Unis et ne pourra envoyer à ces négociations qu'une seule personne qui devra s'occuper du commerce électronique, de l'industrie, de l'agriculture et de la culture. Cette personne devra tout faire.
Je me demande si ces pays ont des spécialistes capables de faire tout cela, et c'est là que je vois un problème. Les pays qui ont beaucoup d'argent pourront pratiquement imposer la façon dont ces négociations vont être menées.
Je me demande si vous avez des commentaires à faire sur une formule qui serait équitable pour tous, et qui s'appuierait sur des règles internationales.
M. Willie Grieve: Je crois que cela nous ramène au même principe. Pour ce qui est du commerce international, les pays n'en sont pas tous au même stade de développement et ne disposent pas tous des mêmes ressources; il faut donc commencer par formuler des principes fondamentaux qui puissent se traduire par un ensemble de règles. Lorsque l'on conclut ce genre d'ententes, il faut éviter de préciser de façon trop détaillée la façon dont chaque pays devra la mettre en oeuvre. Chaque pays est différent, chaque pays a une histoire, un certain niveau de développement technologique et des particularités.
Je crois que du point de vue du Canada... Je reviens au document de référence dont on vient de parler. C'est le même genre de chose.
• 0935
Dans l'ensemble, ce document de référence énonce un certain
nombre de principes mais de temps en temps, il se rapproche du
modèle américain qui consiste à préciser de façon très détaillée,
ou du moins c'est ce qu'il semble faire, la façon de le mettre en
oeuvre. La solution à tous ces problèmes consiste, d'après moi, à
rester au niveau des principes, à formuler des principes très
généraux. Rien n'empêche de préciser à l'occasion certaines choses,
si le besoin s'en fait sentir. Il me paraît dangereux d'essayer
d'obliger tous les pays à procéder d'une certaine façon, car cela
risque de bloquer le processus.
M. Murray Calder: Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller.
M. Bob Speller: Merci.
Messieurs, je vous remercie pour votre exposé. C'est un exposé intéressant parce que vous signaler certains domaines précis dans lesquels vous aimeriez que l'on apporte des changements.
Je n'ai qu'une question à vous poser. Vous avez parlé du document de référence et des notions d'interconnexion, d'établissement essentiel et de fournisseur majeur. Que veulent dire ces notions?
M. Willie Grieve: Je peux vous dire qu'il existe de nombreux études sur le sens de chacune de ces notions. L'aspect intéressant est que ces notions évoluent. Si l'on veut les formuler en termes simples, l'interconnexion est définie, dans le document de référence, comme étant le fait de relier les réseaux de deux entreprises. Par exemple, supposons que MetroNet Communications vienne offrir à Calgary un service de téléphone local. Les clients de cette entreprise vont vouloir appeler les clients du réseau Telus. Il faut que les deux réseaux soient reliés pour qu'un client de Telus puisse appeler un client de MetroNet et vice versa. Voilà ce qu'est, en gros, l'interconnexion.
On a également donné à cette expression un sens plus large qui englobe des aspects comme le dégroupement, qui est une notion tout à fait différente qui désigne l'utilisation de certains éléments qui font partie d'un réseau. Cela consiste à laisser un concurrent construire une partie de l'infrastructure dont il a besoin et à obliger ensuite l'entreprise déjà installée à lui offrir son réseau pour qu'il l'utilise ensuite pour ses propres besoins. Le concurrent est autorisé à utiliser une partie du réseau de l'entreprise installée sur le marché ou d'une autre entreprise.
La question n'est pas de savoir si le dégroupement est une bonne ou une mauvaise chose. Il faut plutôt se demander s'il est bon ou mauvais d'obliger une entreprise à dégrouper ses services et à offrir l'usage d'une partie de son réseau, même contre son gré. C'est dans ce contexte qu'a été prononcé le jugement de la Cour suprême des États-Unis qui annulait la décision de la FCC sur ce point.
M. Bob Speller: Le dégroupement est donc le fait de se connecter, ou plutôt, de passer...
M. Willie Grieve: Il faut qu'il y ait connexion.
M. Bob Speller: C'est ce qu'on appelle le dégroupement.
M. Willie Grieve: L'interconnexion est la possibilité d'échanger des appels entre deux réseaux concurrents. Il y a dégroupement lorsqu'une entreprise se connecte à certaines parties du réseau d'une autre entreprise, qu'elle utilise ensuite pour ses propres fins.
M. Bob Speller: Que sont les établissements essentiels?
M. Willie Grieve: C'est une notion du droit de la concurrence. Dans le domaine des télécommunications, une entreprise peut être obligée de dégrouper ses services ou de fournir une composante de son infrastructure à un de ses concurrents, pour que celui-ci puisse lui faire concurrence, dans le seul cas où le concurrent ne peut lui-même louer, acheter ou construire lui-même cette composante. C'est la notion d'installation goulot. En fait ces deux termes, établissement essentiel et installation goulot, sont utilisés de façon interchangeable.
S'il s'agit d'une composante que personne ne possède et que personne ne peut obtenir et si le refus d'en partager l'utilisation empêcherait toute concurrence et créerait un monopole, la composante en question constitue un établissement essentiel qui doit être dégroupé et dont l'utilisation doit être permise à tous les concurrents, que ce soit dans le secteur des télécommunications ou dans un autre secteur.
M. Bob Speller: Fournisseur majeur.
M. Willie Grieve: Je crois que c'est le terme européen qui traduit la notion nord-américaine de fournisseur dominant ou de fournisseur pouvant influencer le marché, il désigne une entreprise qui peut influencer les prix, dicter la qualité des produits et l'évolution du marché à cause de sa taille. C'est le côté de l'offre qui limite en fait l'accès à ce genre de marché. Il n'y a pas de concurrence sur le plan de l'infrastructure ou des investissements dans l'industrie, de sorte que ces entreprises peuvent dicter les prix, elles peuvent imposer leurs conditions à ceux qui souhaitent entrer dans ce marché. Le droit de la concurrence traite d'aspects comme la position dominante, la position quasi monopolistique et le comportement anticoncurrentiel de ce genre d'entreprise.
M. Bob Speller: Pour bien comprendre tout cela, vous dites donc que c'est la façon dont ces notions sont interprétées qui influence la concurrence...
M. Willie Grieve: Oui. Un dernier mot sur la notion de fournisseur essentiel. On pourrait interpréter la définition de cette expression qui se trouve dans le document de référence en disant que l'entreprise qui est propriétaire d'un établissement essentiel ou qui le contrôle est un fournisseur important. Cette définition fait référence au marché, sans toutefois le définir.
Par conséquent, en théorie, on pourrait dire qu'une entreprise qui possède une installation essentielle à Grande Prairie au Canada est tout d'un coup considérée comme un fournisseur important dans l'ensemble du Canada et doit respecter toutes les obligations qui lui incombent en vertu du document de référence. Eh bien, cela n'a vraiment aucun sens pour nous mais c'est le genre de chose que les Américains et certains Européens souhaiteraient voir imposer. En fait, je connais des Européens qui aimeraient imposer ce genre de chose à certaines entreprises américains qui ne sont même pas, d'après moi, des fournisseurs importants ou occupant une position dominante. L'interprétation que l'on donne à ces termes joue donc un rôle très important.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup encore une fois, messieurs Grieve et Makaryshyn. Merci beaucoup de nous avoir remis un mémoire très important et d'avoir également abordé certaines questions essentielles au cours de la période des questions. Merci d'avoir bien voulu vous joindre à nous.
M. Willie Grieve: Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous allons maintenant entendre MM. Mirus, Chambers et Mme Smythe.
Bienvenue au comité.
Monsieur le professeur Mirus, je crois savoir que vous êtes directeur du Centre for International Business de l'Université de l'Alberta. Bienvenue. Je vais vous demander de bien vouloir lancer la discussion.
M. Rolf Mirus (témoignage à titre personnel): [professeur et directeur, Centre for International Business, Université de l'Alberta] Merci beaucoup.
Mesdames et messieurs, je suis très heureux d'être ici. Je vais parler des huit points dont je parle dans mon mémoire. Je ne vais toutefois pas vous en faire lecture.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Mirus, vos documents vont faire partie du compte rendu, que vous les lisiez ou non, et c'est pourquoi nous préférerions que vous nous en présentiez un résumé. Cela nous laisserait davantage de temps pour les questions et les réponses.
M. Rolf Mirus: Très bien.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
M. Rolf Mirus: Mon collègue et moi sommes ici en tant que représentants du monde de l'économie et de la recherche dans ce domaine, ce qui nous amène à étudier certains faits. Les commentaires que nous allons formuler ne sont pas aussi précis que ceux que contenait l'exposé de BCT-Telus. ils sont de nature plus générale mais ils vous offriront peut-être une vue d'ensemble qui vous sera utile pour replacer toutes ces questions dans leur contexte.
Le premier point que je tiens à signaler est que d'une façon générale, les échanges commerciaux ont profité à tous les Canadiens, quelle que soit leur situation sociale, tant aux pauvres qu'aux riches. Il y a des gens qui sont obsédés par l'équilibre de la balance commerciale. Les retombées positives du commerce viennent en fait du volume des exportations et des importations. C'est pourquoi il ne faut pas vouloir à tout prix que les exportations soient supérieures aux importations. L'essentiel est qu'il y ait des échanges commerciaux parce que les importations et les exportations, permettant aux Canadiens d'acheter des produits à meilleur prix et ainsi, tout le monde en profite. C'est une remarque très générale mais qu'il ne faut pas oublier.
• 0945
Deuxièmement, les Albertains en particulier ont retiré
beaucoup d'avantages de la récente libéralisation des échanges
commerciaux qu'ont introduit l'ALE, l'ALÉNA et l'OMC. Si vous
regardez le petit tableau qui se trouve dans notre mémoire, vous
constaterez que les exportations albertaines ont augmenté de
236 p. 100 entre 1988 et 1998. Ce chiffre aurait encore été
largement supérieur s'il n'y avait pas eu, l'année dernière, une
chute du prix du pétrole. L'Alberta est le premier exportateur
parmi les provinces de l'Ouest, puisque qu'elle exporte
30 milliards de dollars de produits, soit près de 17 milliards de
plus qu'en 1988.
Ma troisième remarque est que l'Alberta doit diversifier ses marchés d'exportations, parce que celles-ci sont encore trop concentrées sur le marché américain. La libéralisation à une grande échelle, celle qui sera discutée lors de la conférence ministérielle de Seattle et par la suite, est une bonne chose. L'Alberta est la province de l'Ouest qui dépend le plus du marché américain et qui pourrait donc profiter le plus de la diversification de ses marchés, si l'on procédait à une libéralisation plus large encore des échanges commerciaux au palier multilatéral.
Il s'est produit une chose surprenante, et c'est là mon quatrième point, c'est que l'Alberta a développé une industrie avec valeur ajoutée, gr'ce à laquelle cette province est moins sensible aux variations cycliques de l'économie. Les industries à valeur ajoutée, comme la transformation de la viande, le papier et les panneaux, l'équipement, le matériel électrique, les instruments de précision, croyez-le ou pas, les avions et les pièces, ainsi que les meubles, se sont multipliées et elles sont très prospères. Les exportations en provenance de ce secteur ont augmenté de plus de 800 p. 100 au cours de la période de 10 ans qui nous sépare de l'adoption de l'ALE. L'ALE et l'ALÉNA ont entraîné la création d'une industrie compétitive qui aide à amortir le contrecoup des variations brutales que connaît le secteur des ressources.
Il est maintenant essentiel de s'attaquer aux barrières non tarifaires qui demeurent. Pour les petites entreprises de fabrication de l'Alberta, les plus nombreuses, les mesures douanières et l'existence de normes très diverses constituent des obstacles qui les empêchent d'avoir accès à certains marchés.
En outre, une libéralisation multilatérale des échanges commerciaux, en particulier une réduction des barrières non tarifaires, offrirait de nombreux autres possibilités d'exportation à ces entreprises albertaines. Cela créerait non seulement des emplois bien rémunérés mais stabiliserait aussi l'économie de la province.
Il existe encore des irritants dans l'ALÉNA qui nuisent à nos rapports avec nos partenaires commerciaux, le Mexique et les États-Unis, mais ces irritants font p'le figure par rapport aux problèmes que rencontrent les exportateurs albertains de produits agricoles dans le reste du monde. Nous avons recensé les tarifs de douane qui s'appliquent aux exportations albertaines et ces tarifs sont parfois exorbitants. Il y a des droits qui vont jusqu'à 100 et 200 p. 100 de la valeur du produit, dans certains cas.
Notre liste mentionne que Taiwan, la Corée du Sud et le Japon imposent des droits de douane de 35 à 50 p. 100 sur la viande de boeuf. En Corée et aux Philippines, les droits sur la viande de porc sont de 25 et 40 p. 100 respectivement. Et la liste s'allonge, avec les haricots et les pois secs pour lesquels les droits sont de 30, 100 et 200 p. 100 respectivement pour la Corée, l'Inde et le Bangladesh. De façon générale, les entreprises de l'agroalimentaire doivent faire face à des droits de douane particulièrement élevés: 10 p. 100 sur les engrais en Australie, 40 p. 100 sur le soufre au Maroc, en Inde et en Indonésie et les fibres artificielles et synthétiques font l'objet de droits élevés dans la plupart des pays d'Asie.
Nous croyons qu'avec l'OMC, les exportateurs albertains devraient obtenir un accès plus large au marché mondial. Il faudrait supprimer tous les subsides accordés à l'exportation des produits agricoles parce que ces mécanismes ont tendance à nuire à l'efficacité du marché. Il faudrait procéder à une réduction progressive des subsides nationaux ainsi qu'à celle des barrières non tarifaires au commerce. Par exemple, il faudrait des normes sanitaires et phytosanitaires qui soient fondées sur des notions scientifiques et non pas sur un genre de boîte noire. Les exportateurs albertains pourraient ainsi tirer avantage des possibilités qu'offre la spécialisation qu'ont permise l'ALÉNA et l'ALE.
• 0950
Je vais dire quelques mots au sujet des services. Le Western
Centre for Economic Research, c'est-à-dire mon collègue, le
professeur Chambers, et ses chercheurs, ont effectué une étude du
secteur des services en Alberta. L'étude a porté sur six secteurs,
les services dans le domaine du pétrole et du gaz, les services
environnementaux, les services informatiques et les logiciels,
l'architecture, l'ingénierie et les services de construction, les
services de transport et les services de santé, et elle a permis de
constater que 20 à 40 p. 100 du chiffre d'affaires de ces quatre
premiers secteurs, c'est-à-dire sans compter les services de santé,
dépendaient des exportations.
Les entreprises de service albertaines savent qu'il existe des possibilités à l'étranger. Elles se préparent à augmenter leurs exportations et profiteraient d'une libéralisation qui faciliterait les exportations. Les entreprises de la plupart de ces secteurs considèrent que la libéralisation des échanges commerciaux leur offre des possibilités de croissance très intéressantes. C'est ce qui explique qu'elles aient planifié leur pénétration dans les nouveaux marchés que représentent le Chili et le Mexique. Plus de 30 p. 100 des entreprises qui ont répondu au sondage projetaient de travailler dans ces deux pays. Nous en avons donc déduit que la libéralisation des services à l'échelle mondiale profiterait aux fournisseurs de services albertains de ces cinq secteurs, et très probablement, à plusieurs autres.
Mes deux autres remarques concernent les investissements étrangers directs. Vous avez peut-être lu dans les journaux récemment que Statistique Canada a publié des chiffres indiquant que les investissements entrant au Canada et en sortant s'équilibrent. Nos recherches indiquent que, dans un environnement commercial libéralisé, les entreprises étrangères choisissent de s'établir au Canada parce qu'en combinant leurs capacités particulières, qu'il s'agisse de technologie, de marques de commerce ou autres, aux ressources canadiennes, elles sont en mesure d'être compétitives.
Si l'on examine les investissements étrangers au Canada en 1996, il s'agit de données obtenues conformément à la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats, en vertu d'un pouvoir attribué par le Parlement, on constate que les 350 milliards d'actifs qui sont majoritairement de propriété étrangère génèrent un chiffre d'affaires de 343 millions de dollars et des bénéfices d'exploitation de près de 21 milliards de dollars. En moyenne, et c'est là l'aspect important, la rentabilité de ces actifs représente près de 150 p. 100 de celle des entreprises de propriété canadienne. Les entreprises étrangères peuvent donc constituer un modèle pour les entreprises canadiennes dans le domaine de la technologie, du style et des techniques de gestion. Elles sont beaucoup plus efficaces que les entreprises canadiennes et elles offrent un exemple de la bonne façon de faire des affaires. C'est pourquoi l'Alberta a tendance à bien accueillir les investissements étrangers directs.
Mais, et ce sera ma dernière remarque, du même coup, les entreprises canadiennes qui possèdent des capacités uniques ont l'occasion de construire des installations à l'étranger et de les exploiter, tant dans les pays industrialisés, dans les pays de l'OCDE, par exemple, que dans les pays en développement. Dans certains cas, la survie de l'entreprise canadienne peut dépendre d'un service ou d'une installation qui produit une composante qui se trouve à l'étranger. Il serait donc bon d'avoir des règles qui s'appliquent tant aux investissements étrangers au Canada qu'aux investissements canadiens à l'étranger.
C'est pourquoi nous pensons qu'il serait souhaitable d'en arriver à un accord multilatéral sur les investissements tant au niveau de l'OMC, à un niveau multilatéral, le plus général possible, sans se limiter aux pays de l'OCDE.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue. Vous allez entendre de nombreux témoins, en particulier des témoins qui représentent des groupes d'intérêt. N'oubliez pas que la libéralisation des échanges profite à tous les secteurs de la société canadienne et que ce sont les pauvres qui profitent le plus de l'accès à des produits d'importation bon marché. La libéralisation des échanges a un effet négatif sur certains, ce qui est regrettable, mais si l'on protégeait certaines industries, cela reviendrait à taxer tous les Canadiens et à privilégier le lobbying et non les efforts déployés pour améliorer les produits et les services.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Mirus.
Monsieur Chambers.
M. E.J. Chambers (témoignage à titre personnel): [professeur et directeur, Western Centre for Economic Research] Je serais heureux de répondre à vos questions.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Madame Smythe.
Mme Elizabeth Smythe (témoignage à titre personnel): [professeure, Sciences politiques, Concordia University College of Alberta] Merci beaucoup.
Je tiens à remercier madame la présidente et tous les membres du comité de nous avoir donné l'occasion de vous parler de cette importante question. Je vais fonder mes remarques sur les recherches que j'ai effectuées en qualité de professeur de sciences politiques au sujet des négociations sur les règles en matière d'investissement devant l'OMC et l'OCDE. Certains d'entre vous se souviennent peut-être que j'ai comparu devant le sous-comité au cours des négociations sur l'AMI.
• 0955
Ma recherche la plus récente porte sur la participation du
Canada aux travaux du groupe de travail sur le commerce et les
investissements dans le cadre de l'OMC. Je me trouvais à Genève en
décembre pour des entrevues, et je crois pouvoir vous parler du
point de vue qu'ont sur ces questions les autres membres de l'OMC
et ses fonctionnaires.
Je vais principalement parler de deux aspects des questions qui font partie du mandat de votre comité. Il s'agit, premièrement, des nouveaux domaines ou secteurs qui devraient faire partie des priorités canadiennes pour les négociations prévues dans le cadre de l'OMC et deuxièmement, la façon dont il faudrait mener ces négociations, en particulier sur le plan de la transparence et de la consultation, tant au Canada qu'à l'OMC.
Je tiens à dire au départ que je suis convaincue qu'il est dans l'intérêt du Canada d'appuyer l'idée d'une économie internationale réglementée. Je pense également que l'instance qui se prête le mieux à la négociation de règles commerciales est l'OMC. Cependant, je crois qu'il faut également reconnaître qu'étant donné le niveau d'intégration qui existe entre les économies des divers pays, l'ampleur de la dépendance commerciale et l'intégration de la production, il est impossible de séparer le commerce des investissements. Là encore, j'accepte le fait que ces deux aspects vont ensemble.
La mondialisation a toutefois eu un autre effet. Elle s'est accompagnée depuis une vingtaine d'années d'un certain nombre de répercussions qui, d'après certains économistes, sont en train de saper la légitimité même des règles établies tant au niveau national qu'international. Cela vient du fait que l'expansion du commerce et des investissements que le monde a connu après la guerre a obligé les États à amortir le coût du passage à une économie internationale plus ouverte et à redistribuer de façon plus équitable entre les divers pays et économies les avantages en découlant.
Lorsque l'on parle de la nécessité d'adopter des règles dans le cadre de l'OMC, il faut se poser trois questions essentielles. Qui va établir les règles? Quelles devraient être ces règles? Qui profitera des diverses règles établies?
Il me paraît essentiel que le Canada participe aux négociations de l'OMC en recherchant un équilibre entre les règles qui facilitent la participation de tous les pays à l'économie mondiale et celles qui laissent aux États la responsabilité d'assurer la cohésion sociale, de protéger l'environnement et de préserver leur identité culturelle.
Je vais donc parler des sujets qui sont déjà inscrits à l'ordre du jour de l'OMC. Nous savons tous déjà fort bien, j'en suis convaincue, que les questions clés de l'agriculture et des services font déjà partie du programme des négociations qui vont avoir lieu prochainement. Il s'agit de domaines qui touchent de très près les intérêts du Canada, les témoins vous l'ont déjà dit et je suis tout à fait d'accord avec eux.
Rien n'empêche toutefois les membres de l'OMC de soulever d'autres questions, dont certaines seront très controversées, et qui, si elles génèrent un consensus suffisamment large, pourraient faire l'objet d'une autre ronde de négociations. Deux de ces questions sont le commerce, l'environnement et le travail.
Je ne vais pas aborder ces questions en détail parce qu'elles ne font pas partie de mon domaine de spécialisation mais je crois que vous comprenez tous que, dans certains cas, ces préoccupations découlent du fait que les règles de l'OMC semblent aller à l'encontre des réglementations nationales et que, dans d'autres cas, elles constituent une réalité politique. L'Union européenne et les États-Unis ne pourront se lancer dans de nouvelles négociations sans aborder ces sujets.
Je veux parler en particulier des sujets qui devraient figurer à cet ordre du jour. Beaucoup de Canadiens ne savent pas que le Canada essaie, en collaboration avec l'Union européenne et le Japon, essayé depuis 1995 de persuader les membres de l'OMC de négocier des règles d'investissement multilatérales. Pourtant, le gouvernement n'a jamais clairement précisé quelles étaient les règles que le Canada souhaitait voir adopter ou négocier dans le cadre de l'OMC. Cela est assez surprenant, si l'on pense à la controverse qu'a suscitée le projet d'AMI.
D'après les représentants du gouvernement canadien, nous avons besoin de l'AMI pour bien faire savoir que le Canada est heureux d'accueillir les investissements étrangers et pour protéger les entreprises canadiennes qui investissent à l'étranger. Malgré l'échec de l'AMI, nous avons enregistré une augmentation de 17 p. 100 pour la seule année 1998 pour ce qui est des investissements canadiens à l'étranger. Ce sont des chiffres de Statistique Canada. La moitié des investissements canadiens à l'étranger sont déjà visés par l'ALÉNA, puisqu'ils concernent les États-Unis, et le Canada poursuit un programme de conclusion d'ententes bilatérales sur les investissements pour couvrir les autres pays.
Une des lacunes de l'AMI qui nous a été mentionnée est que cet accord n'englobait pas les pays en développement ne faisant pas partie de l'OCDE, un secteur où les investissements canadiens sont en augmentation.
• 1000
Le Canada a prétendu qu'il fallait adopter ces règles si l'on
voulait protéger les investissements canadiens à l'étranger. Il a
également mis de l'avant un argument altruiste d'après lequel ces
investissements sont nécessaires pour les pays en développement qui
recevraient davantage de capitaux si on libéralisait les règles en
matière d'investissement. En fait, la plupart des flux de capitaux
qui ne se dirigent pas vers l'OCDE vont vers dix grands pays, la
plus grande partie allant directement en Chine. En réalité, les
investissements à l'étranger sont influencés par l'existence de
possibilités économiques, l'équation risque et rentabilité, et il
existe de nombreux petits pays moins développés qui ont libéralisé
leurs règles dans ce domaine sans en retirer aucun avantage.
Dans le cas de l'AMI, le projet d'accord était tiré en grande partie des traités bilatéraux sur les investissements et de l'ALÉNA. Aujourd'hui les représentants de l'OCDE, l'Institut C.D. Howe, le Washington Institute for International Economics, ainsi que les représentants canadiens eux-mêmes s'entendent pour dire que les parties de l'AMI et de l'ALÉNA qui traitent de la protection des investisseurs et du règlement des litiges entre l'État et les investisseurs sont en fait insuffisantes et lacunaires et qu'elles pourraient avoir pour conséquence imprévue de limiter les mesures tout à fait légitimes que prennent les États dans l'intérêt public.
Nous avons essayé de parler à nos partenaires de l'ALÉNA des problèmes que soulève le chapitre 11 sans aucun succès. Puisque nous n'avons pas résolu les problèmes que pose le chapitre 11, quel est le genre de protection des investisseurs que l'on voudrait voir l'OMC adopter?
J'aimerais faire également d'autres remarques. L'OMC s'est déjà attaquée en partie aux règles en matière d'investissement. Il était prévu dans le MIC de procéder à une révision de cet accord après cinq ans, période qui va se terminer d'ici la fin de l'année. Les États-Unis se plaignent déjà de la façon dont l'APIC est mis en oeuvre, parce qu'ils le trouvent incomplet. L'Inde se plaint du fait que l'APIC nuit à son programme de développement économique. Il me paraîtrait prudent d'évaluer l'APIC et éventuellement de le renforcer avant d'entamer de nouvelles négociations sur un document plus large.
Deuxièmement, l'AGCS vise les investissements dans un certain nombre de secteurs. L'AGCS reconnaît qu'un des moyens de fournir des services est de s'établir dans un pays, en essence, d'y investir. À mesure que d'autres secteurs vont faire l'objet de négociations et être libéralisés dans le cadre de l'AGCS, ces règles vont s'appliquer à d'autres investissements étrangers dans des domaines comme la transparence et la non-discrimination.
L'avantage qu'offre l'AGCS est qu'il est très souple. À la différence de l'AMI, qui contenait un ensemble fixe d'obligations et un nombre limité de réserves, l'AGCS permet aux États de contrôler le rythme et l'ampleur de la libéralisation de façon à pouvoir préserver leurs objectifs sociaux et économiques.
Je recommande donc en premier lieu que le Canada ne cherche pas à faire porter la prochaine ronde de négociations de l'OMC sur des règles élargies en matière d'investissement. Je vais donner plusieurs raisons qui devraient pousser le Canada à ne pas s'engager dans cette direction. L'une d'entre elles vient du fait qu'un bon nombre de pays en développement s'opposent à cette orientation.
Un bon nombre des témoins que vous avez entendus ont parlé du fait que certains pays en développement ont des capacités limitées. La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement a tenu compte de ces capacités limitées et a démarré une étude de deux ans sur l'encadrement multilatéral des investissements et les façons de renforcer la capacité de négocier des pays les moins développés. Ce rapport va être remis au cours de la dixième session de la Conférence au début de l'année 2000. Je pense qu'il serait prudent d'attendre que les pays moins développés puissent bénéficier de cette opération de renforcement de leurs capacités avant de se lancer dans des négociations dans le cadre de l'OMC.
Je recommande en deuxième lieu de créer un processus de consultation beaucoup plus large et plus représentatif dans le domaine du commerce et des investissements avant d'entreprendre des négociations dans ce domaine. Je tiens à signaler que le système CCCE/GCSCE est maintenant désuet et non représentatif. Le commerce n'englobe pas que le commerce, cela devient évident. Il est évident qu'après l'expérience que nous avons connue avec l'AMI, le ministre du commerce actuel est beaucoup plus réceptif à l'idée de consulter la population.
Il faudrait toutefois que ce processus soit davantage structuré et qu'il ne dépende pas du bon vouloir d'un seul ministre. L'ancien modèle, tant au niveau interministériel qu'à celui des consultations sectorielles, est tout simplement dépassé.
Deuxièmement, j'aimerais insister sur la nécessité de renforcer le rôle que doit jouer le Parlement dans ce domaine. Un des aspects les plus positifs de l'expérience que nous avons eue avec l'AMI a été le rôle qu'a joué votre comité et le sous-comité, parce qu'ils ont réussi à susciter un large débat sur cette question. Je crois qu'il faut y voir un précédent, qui devrait être structuré et qui mérite qu'on lui consacre des ressources.
• 1005
Troisièmement, il me paraît très important que l'action du
Canada à l'OMC soit plus transparente et plus précise. Il faut que
le gouvernement procède à de véritables consultations. Il ne suffit
pas de concevoir un site Web accrocheur. Les groupes et les
organismes ont besoin de savoir que ce qu'ils font savoir au
gouvernement et ce que le gouvernement déclare aux autres groupes
est accessible à tous. En accordant un accès privilégié à certains
groupes, le gouvernement ne peut que saper la confiance de la
population et susciter le cynisme à l'égard des consultations.
Enfin, il faudrait que le Canada préconise de façon plus active la
transparence et l'ouverture dans le cadre des travaux de l'OMC, et
qu'il devienne lui-même un modèle de gouvernement ouvert en
déposant en temps utile les documents qu'il entend lui-même
présenter à l'OMC.
Je suis toutefois réaliste. Il est évident que la question des investissements pourrait être ajoutée à la liste des sujets à l'ordre du jour de l'OMC malgré le peu d'enthousiasme que manifestent les États-Unis pour une telle chose et malgré l'opposition des pays en développement. Cela pourrait représenter le résultat d'un compromis. Par exemple, l'Union européenne pourrait dire que, si l'on veut faire des progrès sur l'agriculture, il faudrait que les sujets à négocier soient plus larges et englobent les investissements. Il se pourrait donc que le Canada soit amené sans le vouloir à négocier des règles en matière d'investissement.
Je recommande en quatrième lieu que, si le gouvernement canadien est à un moment donné obligé de négocier des règles en matière d'investissement, il accorde cette fois-ci une importance égale aux mesures permettant aux États de légiférer pour préserver leur identité culturelle, la qualité de l'environnement et pour renforcer la cohésion sociale. Il faudrait donner à cet aspect une importance égale à celui des intérêts des investisseurs nationaux et étrangers.
Excusez-moi, je ne trouve pas dans mon mémoire la citation avec laquelle je voulais terminer. Je voulais vous montrer que je suis au courant de ce que font les économistes. Je vais citer le commentaire d'un économiste américain, Dani Rodrik, qui va à l'encontre de la sagesse conventionnelle et qui lance un avertissement concernant la nécessité de veiller à préserver la légitimité de la libéralisation généralisée. Il a affirmé ceci dans un article récent
-
Le principal défi auquel fait face de nos jours le capitalisme
mondial consiste à continuer à justifier sur le plan politique et
interne la légitimité d'une libéralisation générale des échanges.
Sans cette légitimité, le capitalisme mondial sera incapable de
durer, c'est là une vérité qu'il ne faudrait pas oublier.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, madame Smythe. Merci de nous avoir présenter un exposé stimulant et très équilibré.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Merci.
J'ai oublié tout à l'heure de souhaiter la bienvenue à notre comité permanent dans ma province d'origine, l'Alberta, une province qui montre l'exemple dans bien des domaines, notamment celui de la réduction des impôts, ce qui permet aux entreprises canadiennes d'être un peu plus compétitives.
Je tiens à remercier les témoins pour les exposés qu'ils nous ont présentés. Messieurs Edwards et Mirus, je pense vraiment que l'on devrait vous entendre davantage. Il faudrait faire connaître plus largement les avantages qui découlent des accords commerciaux que nous avons signés. Je voudrais également signaler qu'on entend souvent des témoins dire que c'était là une très mauvaise idée et qu'il y en a même qui voudrait que l'on abolisse l'accord du libre-échange. Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Mirus, lorsque vous dites que ces accords profitent à tout le monde. Je crois que, depuis quelques années, l'ouverture de l'économie dans un pays comme le Chili a permis de réduire de beaucoup la pauvreté gr'ce à la libéralisation du marché.
Je suis également d'accord avec Mme Smythe au sujet de la consultation de la population, mais cela soulève également certains problèmes. Notre comité tient des audiences à Ottawa et dans les régions. À Winnipeg, lundi, il y avait tellement de personnes qui voulaient prendre la parole que nous avons dû limiter les interventions à cinq minutes. Les témoins ont souvent un mémoire que nous pouvons examiner par la suite, mais cela pose des problèmes, parce que les gens veulent présenter leur point de vue. Si l'on veut structurer ces consultations, il faudra penser à un processus plus efficace. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
J'ai assisté à une conférence qui regroupaient des législateurs canadiens, mexicains et américains à Mexico au printemps dernier, pour parler de la première décennie de l'ALÉNA, de l'accord de libre-échange. Nous sommes tous arrivés à la conclusion que pour pouvoir libéraliser davantage les investissements et le commerce, il va falloir montrer à la population comment cela a profité à tous. Il ne suffit pas de dire que les entreprises en ont profité; il faut montrer que la population elle aussi en a tiré profit. Et je pense que c'est bien ce qui s'est passé.
• 1010
Un membre du Congrès américain du Missouri disait qu'il
existait une usine dans sa circonscription qui fabriquait un
produit qui était pratiquement uniquement destiné au Mexique. Les
personnes qui travaillaient dans cette usine devait donc leur
travail à ces échanges commerciaux. Lorsqu'il a parlé
individuellement à ces travailleurs, la plupart d'entre eux étaient
contre l'accord commercial conclu avec le Mexique et les accords
commerciaux, en général. Je crois que c'est là une difficulté
réelle.
Je me demande comment nous pourrions... C'est un bon début, d'après moi. Il faut montrer à la population tous les avantages. Avez-vous des idées sur la façon dont on pourrait rejoindre tous les Canadiens?
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Qui aimerait commencer? Monsieur Chambers.
M. E.J. Chambers: C'est une question très importante. Je n'ai pas de réponse simple à vous donner. Je ne pense pas qu'il existe une réponse simple ou une réponse unique à cette question.
Il me semble qu'une bonne partie des débats que suscitent les accords commerciaux et les accords de libre-échange portent sur la redistribution des revenus et évidemment, les difficultés d'accès au marché du travail que rencontrent certains ménages dans certains secteurs de la société. Il me paraît tout à fait faux d'affirmer que cela soulève des problèmes de répartition des revenus. Il est certes impossible de nier qu'il existe des problèmes de redistribution des revenus au Mexique et que l'on retrouve également ces problèmes dans d'autres économies nord-américaines. Mais il serait absurde de déduire du fait que ces problèmes de redistribution des revenus sont associés aux accords de libre-échange, qu'il existe une relation de cause à effet entre ces deux aspects.
Je crois qu'il existe d'autres problèmes, des problèmes plus larges. La rapidité des changements technologiques et la capacité des programmes de formation et du système scolaire à s'adapter à ces changements technologiques me paraît être la question essentielle. Il est vrai que la fermeture ou la restructuration d'usines fait l'objet de beaucoup de publicité, ce qui n'est pas toujours le cas pour les ouvertures d'usines ou les nouveaux projets.
Je suis convaincu que le commerce a un effet positif. Le grand défi consiste, bien entendu, à veiller à ce que les bénéfices découlant de ce commerce soient répartis de façon raisonnable et acceptable entre tous les membres de la société. Il n'existe pas de réponse unique à cette question. J'ai peut-être parlé un peu comme un professeur mais je suis vraiment convaincu que ce sont là les questions essentielles.
Mme Elizabeth Smythe: Je veux poursuivre sur ce sujet.
Je souscris à la plupart des remarques de M. Chambers. Je tiens seulement à vous rafraîchir la mémoire et à vous signaler que lorsque nous parlons de l'ALÉNA et de ses effets ainsi que du fait que la population a du mal à reconnaître les avantages que lui procure le commerce, je crois qu'il faut rappeler que l'ALÉNA a coïncidé avec un certain nombre d'autres événements. Je vous rappelle que l'un de ces événements a représenté un changement très important, par exemple, l'assurance-emploi. Le Canada a connu une restructuration, qui a duré près de dix ans et qui a coïncidé avec une réduction importante du secteur public et l'érosion de ce que l'on peut appeler le filet de sécurité social.
Je ne dis pas que le déficit et la dette n'étaient pas des sujets de préoccupation tout à fait légitimes. Je me demande simplement s'il faut vraiment se surprendre de ce que les gens ne se sentent pas en sécurité? Pouvez-vous vraiment être surpris de leur réaction en sachant que la semaine dernière Northern Telecom a adressé un message très direct aux travailleurs canadiens: Acceptez des réductions de salaire, acceptez nos conditions où nous déménageons au Sud. Ces éléments expliquent que la population ne se sent guère en sécurité face à l'avenir, et cela coïncide avec une autre vague de libéralisation.
Je reconnais qu'il n'est pas possible d'établir un lien entre ces deux aspects. Cela ne tient pas, ce n'est pas justifié par les faits. Mais comment se surprendre qu'il existe un tel sentiment d'insécurité? C'est pourquoi j'ai mentionné que la mondialisation doit tenir compte de la nécessité pour les gouvernements de jouer un rôle qui consiste à veiller à ce que ces bénéfices soient répartis de façon plus équitable et à préserver la cohésion sociale et l'identité culturelle.
M. Charlie Penson: Ma question suivante porte sur les barrières non tarifaires, dont a parlé M. Mirus. Il y a dans le domaine de l'agriculture, la question des hormones utilisées pour les bovins et il y a la question des organismes modifiés génétiquement, dont le colza est un bon exemple. Je parlais à des sénateurs américains dans le Montana et un de ces sénateurs avait proposé un projet de loi d'après lequel la viande de boeuf porterait l'étiquette boeuf USDA (département de l'agriculture des États-Unis) et la viande de boeuf importée n'aurait pas droit à ce label et par conséquent, personne ne l'achèterait aux États-Unis. Voilà le genre de réaction que l'on observe. Au cours des dernières négociations, l'OMC s'est penchée sur la question des obstacles non tarifaires mais ce problème demeure. Sur la question des hormones utilisées pour l'élevage bovin, l'Union européenne a vu sa demande rejetée mais elle n'a toujours pas appliqué la décision.
Comment obtenir des pays qu'ils appliquent ces décisions ou comment améliorer le mécanisme de règlement des litiges pour que ces pays ne puissent poursuivre dans cette voie?
M. Rolf Mirus: Je vais essayer de répondre à cela mais je crains que ma réponse ne vous paraisse guère satisfaisante. Ces problèmes existent depuis un certain temps. La seule façon de les régler est d'y travailler. Cela ne sera pas facile. Par exemple, la viande de boeuf exportée par les États-Unis au Japon, exportée par le Canada au Japon, avec des systèmes de marquage différents... Nos producteurs de boeuf soutiennent que leur viande est meilleure que le boeuf américain de qualité supérieure, et que notre boeuf triple A ou double A est meilleur que le boeuf américain de qualité supérieure. Il faut s'en tenir aux principes fondamentaux et ne pas se perdre dans les détails. Nous avons entendu les représentants de BCT.Telus qui nous conseillaient de ne pas nous perdre dans les détails parce que nous n'y arriverons jamais.
Pour ce qui est des principes fondamentaux, les pays européens ont réussi à s'entendre entre eux. Il y avait dix, onze, quinze pays qui avaient chacun des normes différentes et ils ont dû régler ce problème. C'est un processus lent, long, pénible et qui connaît des périodes de recul.
M. Charlie Penson: Pour ce qui est des organismes modifiés génétiquement, je vois que vous proposez que l'on demeure sur le plan scientifique. Il y a des témoins qui nous ont dit que la science progressait lentement et que l'on approuvait souvent ce genre de produits sans en connaître vraiment les effets. Comment répondre à ces critiques en conservant ce cadre d'analyse, selon lequel on doit se fonder sur les meilleures preuves scientifiques disponibles?
M. Rolf Mirus: En tant qu'économiste, je me sens obligé de ne pas aborder cette question. Je n'aime pas parler des aspects scientifiques. C'est une question qui relève, d'après moi, des scientifiques. Il faut arriver à déterminer quelle est l'opinion prépondérante, c'est ce qui se fait dans la plupart des domaines. Pour ce qui est du règlement des litiges, je crois que nous avons fait beaucoup de progrès. L'OMC dispose de beaucoup plus de pouvoirs. Vous avez vu les décisions que cet organisme a rendues. Certaines n'étaient pas très favorables au Canada si je peux mentionner l'affaire Bombardier, qui portait sur le programme canadien de Partenariats technologiques. Nous faisons des progrès et les pays qui ne respectent pas les règles devront en assumer les conséquences.
Pour ce qui est des pays moins développés, comme mon collègue Smythe l'a mentionné, historiquement ce sont les pays moins développés et les petits pays qui profitent le plus des échanges commerciaux. C'est eux également qui profitent le plus des investissements étrangers pour ce qui est de la gestion d'entreprise. Il est donc dans leur intérêt de se joindre aux autres pays. En fait, j'aimerais que les négociations organisées dans le cadre de l'OMC touchent le plus grande nombre de pays possible. Les petits pays comme le Canada, tout comme les pays moins développés, ne peuvent rien contre les méchants garçons, comme les États-Unis et l'Europe, en particulier pour ce qui est des investissements étrangers.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): M. Speller a une question sur ce sujet.
M. Bob Speller: Ma question porte sur l'idée qu'il faut avant tout faire preuve de prudence et je crois que c'est une excellente question. Je me demande si les deux autres témoins pourraient parler de cet aspect, parce que c'est une question dont nous parlent souvent certains groupes qui disent que la science est une bonne chose et qu'il faut se fonder sur les données scientifiques mais...
Mme Elizabeth Smythe: Nous ne parlons pas de science. Je crois que nous parlons de réglementation. La réglementation consiste à définir le cadre dans lequel la science est... Là encore, ce n'est pas vraiment mon domaine mais il existe deux philosophies différentes en matière de réglementation. Il y a le principe de la prudence et celui du risque. Ce sont des philosophies différentes. Je pense que vous avez tout à fait raison. Les négociations vont être très difficiles. Je ne pense pas que cela soit une question de faits, c'est plutôt une question de réglementation.
M. E.J. Chambers: Permettez-moi d'intervenir sur ce point. Il a fallu attendre pratiquement la fin de ce siècle pour amener les tarifs douaniers à leurs niveaux actuels et il est heureux que nous ayons tenu compte du long terme au cours de ces 50 dernières années, et cela est très important. Je crois que le gouvernement canadien devrait exiger que les négociations portent sur les barrières non tarifaires. Je crois que c'est un sujet qui devrait figurer dans toutes les négociations et celles-ci ne devraient pas se limiter exclusivement à l'agriculture.
En fait, pour les exportations des produits de pointe, qui comportent une valeur ajoutée importante, les questions de standardisation et d'harmonisation des règles jouent un rôle essentiel. Et après avoir parlé aux exportateurs albertains, et nous en avons rencontré un grand nombre ces dernières années, nous avons constaté que les questions de standardisation et d'harmonisation sont pour eux plus importantes que les tarifs douaniers.
Il est évident que l'on peut toujours remplacer les tarifs douaniers par divers types d'obstacles non tarifaires; et le genre et le nombre d'obstacles que l'on peut placer pour vous bloquer sont inimaginables. Mais il est manifestement dans l'intérêt de notre pays, en particulier lorsqu'on essaie d'augmenter le contenu en valeur ajoutée des exportations et leur sophistication, de mettre ce sujet à l'ordre du jour, et de continuer à en parler jusqu'à ce que l'on obtienne les résultats souhaités.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
M. Charlie Penson: J'aurais une brève question et je vois que ma présidente va limiter mon temps de parole. Si nous n'avons pas le temps de terminer, j'aimerais que vous m'envoyiez une réponse par écrit.
Pour ce qui est du changement qui s'est produit sur le plan des investissements étrangers, car de nos jours, les Canadiens investissent davantage à l'étranger que dans leur propre pays, et cela depuis deux ou trois ans, je me demande si vous pouvez nous parler de cette tendance et de ses causes.
M. Rolf Mirus: Nous avons constaté, dans une étude récente, que ce n'est pas une tendance générale, et je parle des investissements étrangers, des investissements directs qui s'accompagnent d'une prise de contrôle sur les biens de production. Cela veut dire que, même dans ce cas, il y a, d'après les statistiques, deux situations différentes: la participation étrangères à 10 p. 100 et la véritable propriété étrangère qui représente plus de 51 p. 100 du capital. Si l'on examine les entreprises dont le capital est principalement étranger, on constate que les entreprises canadiennes ont investi à l'étranger et que les entreprises étrangères ont investi au Canada mais il y a eu des années où les investissements étrangers étaient supérieurs aux investissements canadiens à l'étranger.
Le ministre Marchi s'inquiète de la tendance des entreprises canadiennes à investir à l'étranger mais cela ne me paraît pas du tout inquiétant, si l'on tient compte du contexte historique. Par exemple, le Canada a préservé un pourcentage important des investissements provenant de l'extérieur. Si l'on tient compte de la croissance qu'ont connue la Chine et l'Amérique du Sud, on s'attendrait à ce que ces régions attirent les investissements étrangers et que, par conséquent, la part des investissements étrangers effectués dans des pays comme le Canada et les États-Unis se réduise. Qu'il s'agisse du Canada ou des États-Unis, la part des investissements étrangers dans ces pays par rapport à l'ensemble des investissements diminue, mais sur ce point, le Canada n'est pas très différent des États-Unis.
Je peux donc vous dire que je ne m'inquiète pas, je dors très bien. Je m'inquiète plutôt de ma déclaration de revenu.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.
Monsieur Sauvageau.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Madame, messieurs, soyez les bienvenus. Merci d'être parmi nous.
Mon premier commentaire portera sur les règles sanitaires et phytosanitaires. Vous dites, comme mon ami et collègue Charlie l'a souligné, qu'elles devraient être basées sur la science.
Monsieur Mirus, vous dites que vous êtes économiste et que vous ne voulez pas vous prononcer sur la science. Je ne veux pas de réponse, mais je me pose quand même une question. Est-ce que la science est neutre? Les Européens donnent une version de la chose et les Canadiens en donnent une autre. C'est peut-être une affirmation intéressante, mais je me posais cette question.
Dans votre tableau, au point 2, vous prouvez avec des chiffres que l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et l'ALÉNA par la suite ont été rentables pour les Canadiens. Je vais vous poser une question. Si vous avez la réponse, vous pouvez nous la donner tout de suite; sinon, envoyez-la au comité. Pouvez-vous nous faire parvenir ce même tableau, mais pour les années 1978 à 1988, c'est-à-dire les 10 années précédant l'Accord de libre-échange, afin qu'on puisse voir quelle a été l'augmentation des exportations? C'est mon premier commentaire.
• 1025
Vous affirmez, chiffres
à l'appui, que cela a été bénéfique pour les exportations
canadiennes et vous affirmez plus loin, mais
sans tableau et sans chiffres, que cela a aussi été
bénéfique pour les Canadiens pauvres.
Pourriez-vous nous le prouver au moyen
d'un tableau similaire à celui par lequel vous avez
prouvé que c'était bénéfique
pour les exportations? Si oui, j'aimerais que vous
nous donniez les
chiffres pour 1978 à 1988 et pour 1988 à 1998, pour
illustrer la situation qui prévalait dans
les 10 années précédant l'ALÉNA et celle qui a prévalu
dans les
10 années qui l'ont suivi.
Étant donné que nous sommes à Edmonton pour moins de 24 heures, je vais prendre le risque de poser ma troisième question. Autrement, je craindrais de me faire renvoyer. Vous dites au point 4 de votre deuxième paragraphe qu'il est essentiel d'éliminer ou de diminuer les tarifs douaniers et que les mesures frontalières constituent de sérieux obstacles.
Vous savez qu'on est dans une période de grands ensembles économiques, de regroupement des marchés, de mondialisation. Rester chez soi pourrait sembler un peu rétrograde pour certains. Compte tenu du lien très étroit qu'il y a entre l'Alberta et les États-Unis en matière d'échanges et ainsi de suite, avez-vous envisagé, dans vos études, l'annexion de votre province aux États-Unis? Sinon, pourquoi ne l'avez-vous pas fait?
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Mirus, pourquoi ne commencez-vous pas?
M. Rolf Mirus: Nous n'avons pas inclus les chiffres pour la période 1978-1988, mais nous pourrions le faire.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous vous en serions reconnaissants.
M. Rolf Mirus: La libéralisation des échanges commerciaux a commencé en 1988 avec l'ALE, et c'est cet aspect que nous avons principalement étudié. Mais cela peut se corriger. Je pense que le volume des échanges n'a pas autant augmenté au cours de cette période qu'il ne l'a fait depuis 1988.
Le deuxième point concernait la science.
[Français]
Monsieur Sauvageau, je regrette de ne pas bien parler français.
M. Benoît Sauvageau: Moi, je ne parle pas bien anglais.
M. Rolf Mirus: Je n'ai jamais appris le français à l'école.
[Traduction]
Le deuxième point concernait la science. Il faut reconnaître que la science véhicule des valeurs. Je parle d'en arriver à des propositions sur lesquelles des personnes raisonnables peuvent s'entendre, et nous voyons que les Européens et les Américains ne s'entendent pas. Ils vont donc devoir continuer à négocier. Il va s'ajouter d'autres preuves et il est possible qu'il y ait un retournement de l'opinion scientifique.
Si l'on se place dans une perspective historique, on constate que la question de l'hormone bovine est une question de bien peu d'importance. Je travaille beaucoup avec la Chine et j'en suis arrivé à penser à très long terme, en pensant à ce qui va arriver lorsque je ne serai plus là.
Pour ce qui est de la troisième question que vous avez soulevée, à savoir la pauvreté, les recherches effectuées dans le domaine de l'économie démontre que les restrictions au commerce touchent les pauvres de façon disproportionnée. Et je vais vous dire pourquoi. Ce sont les Canadiens qui, à cause de politiques gouvernementales peu judicieuses, ont permis à des Chinois de Hong Kong de devenir des millionnaires. Il y a un bon nombre de millionnaires à Hong Kong qui se sont enrichis sur le dos des Canadiens pauvres.
C'est une autre histoire qui est bien connue et voilà comment cela s'est produit. Nous avons limité l'importation de tissus à bon marché, que les Canadiens pauvres achètent beaucoup plus que les autres Canadiens. Cela leur permet d'étirer leur budget. En limitant l'importation de ces tissus bon marché, disons sous forme de chemises, nous créons une rareté artificielle au Canada. Le prix de ces chemises augmente en conséquence. Lorsque le prix de ces chemises augmente parce qu'il y a des quotas, c'est le producteur étranger qui en bénéficie, c'est ce qui se passe. La situation a maintenant changé parce que la répartition des quotas a été modifiée mais c'est ce qui se passait jusque-là. Cela a amené le producteur étranger de chemises à bon marché à Hong Kong à se demander «Pourquoi travailler? Pourquoi ne pas me contenter de vendre le droit que je possède d'expédier ces chemises au Canada et dans les autres pays développés? Il suffit de les expédier et de faire travailler d'autres personnes.» Ces propriétaires étrangers de quotas ont donc vendu leur droit d'expédier x chemises au Canada, ils ont vendu ce droit pour des millions de dollars et ils ont pris leur retraite. Ce sont d'autres qui ont fabriqué les chemises. Cela ressemble un peu aux permis de taxi.
• 1030
C'est comme cela que nous avons fabriqué des millionnaires à
Hong Kong sur le dos des Canadiens. Je dois dire que, lorsque je
suis dans cette ville, j'ai du mal à accepter cela.
Ce n'est pas la seule histoire. Le sucre aux États-Unis, le contingentement des importations de voiture, cela a pour effet d'augmenter artificiellement le prix des produits importés et dans la mesure où ces produits sont achetés par des Canadiens pauvres, il existe des faits qui le démontrent, ils paient un prix plus élevé. Pour eux, ce prix élevé est beaucoup plus lourd que pour une personne riche.
M. Benoît Sauvageau: Très bien et la dernière.
M. Rolf Mirus: J'ai oublié votre dernière question.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): L'annexion de l'Alberta aux États-Unis.
M. Rolf Mirus: Je ne... l'annexion par les États-Unis?
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Non, l'union de l'Alberta avec les États-Unis.
M. Rolf Mirus: Je ne pense pas que je verrai cela de mon vivant.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Ce n'est pas cela que je vous demandais. Il y a beaucoup de gens qui disent que rester chez soi, c'est une position un peu rétrograde à l'ère des grands ensembles économiques et des grands marchés. Vous êtes liés très étroitement aux Américains, et vous le prouvez par des tableaux, et vous demandez l'élimination de tous les obstacles frontaliers. Pour aller plus loin, je vous demande si vous avez étudié la question de l'annexion et, sinon, pourquoi.
[Traduction]
M. Rolf Mirus: J'ai peut-être mal compris. Je vis au Canada. Je viens d'Allemagne, je suis un immigrant allemand. J'ai étudié aux États-Unis et je vis au Canada. Je suis heureux d'y vivre.
M. Benoît Sauvageau: C'est une bonne raison.
M. E.J. Chambers: Permettez-moi de répondre à cette question. Je pense personnellement que les Albertains ne souhaitent aucunement s'unir aux États-Unis. Permettez-moi de dire quelques mots au sujet de cette question.
L'accord sur le libre-échange a eu pour conséquence de permettre aux hommes d'affaires de l'Alberta de tirer profit de cet accord dans un environnement relativement sûr, cela leur a permis d'apprendre comment l'on exporte dans une situation où les règles juridiques sont bien établies, ce qui a beaucoup apporté aux exportateurs albertains.
Autrement dit, ils ont appris; ils ont augmenté leur capacité d'exporter dans un environnement relativement sûr et dont la taille représente plus de 100 fois celle du marché albertain. C'est de ça dont il s'agit ici et non pas d'une éventuelle union politique ou de quelque chose de ce genre.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Calder.
M. Murray Calder: Merci, madame la présidente. D'après ce que j'ai entendu, je dirais que, dans cette communauté économique mondiale, qui est en fait ce qu'est l'OMC, la règle de base est que si nous voulons faire concurrence aux autres, nous devons être compétitifs. Êtes-vous d'accord avec cela? Oui. Très bien.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Inscrivez «oui» dans le compte rendu.
M. Rolf Mirus: C'est un oui.
M. Murray Calder: Essentiellement, et cela touche ce qu'a dit Elizabeth au sujet de Nortel... par exemple, les réductions de salaire que Nortel demande à cause des programmes qui existent au Canada. Nous avons un système de santé qui est différent de celui des autres pays. Nous avons des programmes sociaux qui sont différents des autres. Bien entendu, tout cela se répercute sur la structure des salaires, et cela entraîne des coûts généraux qui n'existent probablement pas aux États-Unis, du moins sur une échelle comparable, ni dans des pays semblables.
Si l'on applique la première règle, selon laquelle pour faire concurrence aux autres, il faut être soi-même compétitif, cela veut-il dire que nous allons éventuellement devoir adopter des normes internationales en matière de santé et de services sociaux? Il est évident que, s'il existe dans un pays des normes plus élevées dans ces deux secteurs, cela risque de nuire à la compétitivité de ce pays. Des commentaires?
Mme Elizabeth Smythe: Permettez-moi de faire un bref commentaire. Si nous voulons concurrencer l'autre, nous devons être nous-mêmes compétitifs. Je crois qu'il faut faire attention au sens que nous donnons au mot compétitif. Je pourrais soutenir, par exemple, que l'Indonésie est un pays très compétitif à cause du très faible coût de sa main-d'oeuvre. Je devrais peut-être ajouter que ce très faible coût de la main-d'oeuvre s'explique parce que le gouvernement a battu et tué les personnes qui avaient créé des syndicats libres. Est-ce bien ce que nous voulons dire par compétitif?
M. Murray Calder: Eh bien, dans une telle situation, si la main-d'oeuvre coûte très peu cher, cela veut dire que le niveau de vie est également très bas.
Mme Elizabeth Smythe: Je voulais simplement faire remarquer que la plupart des gens n'ont pas grand-chose à dire au sujet de leur niveau de vie et de la redistribution du revenu. Pourquoi qualifions-nous une situation de dumping, par exemple, et nous ne le faisons pas dans un autre cas? Nous considérons que le fait de subventionner un certain produit au Canada et de l'exporter constitue du dumping. Nous ne considérons pas que le fait de réprimer les syndicats constitue du dumping ou une subvention à l'exportation. Je voulais montrer que le sens du mot compétitif varie selon le point de vue où l'on se place.
L'autre remarque est que je n'ai pas dit que Northern Telecom avait mal analysé la situation; bien au contraire. Son analyse est très bonne, le capital est mobile, la main-d'oeuvre ne l'est pas; par conséquent, le capital est plus puissant que la main-d'oeuvre lorsqu'il y a négociation. Par conséquent, puisque Northern Telecom a un pouvoir plus grand, cette entreprise peut obliger les travailleurs à faire des concessions. D'où vient cette mobilité du capital? Cela vient du fait que certains pays ont libéralisé leurs règles en matière d'investissement, notamment. Northern Telecom peut déménager. Pourquoi, à cause de choses comme l'ALÉNA.
Je ne dis pas que cela est mauvais, que cela ne favorise pas l'efficacité, que cela n'aide pas à réduire les coûts, et que ce n'est pas, en fin de compte, bénéfique. Je tiens simplement à observer que, lorsqu'on crée une situation où le capital est mobile, on modifie les rapports de force et il doit y avoir une certaine compensation si l'on veut que les citoyens et les travailleurs ordinaires qui ne sont pas mobiles eux soient favorables à la libéralisation.
M. Murray Calder: Mais il y a également d'autres... Je vais vous donner un autre exemple que celui de Nortel. Lorsque le gouvernement fédéral a aboli la LGTO et la FFA, par exemple,... cela a créé dans l'est de la Saskatchewan et au Manitoba des conditions qui font qu'il n'est pas rentable d'expédier des céréales vers les ports de Vancouver. Par contre, nous pouvons vendre ces céréales sous une autre forme. Nous pourrions les vendre en les plaçant dans une peau de porc ou une peau de boeuf.
Lorsque la famille McCain a acheté Maple Leaf Foods de Hillsdown Holdings, la première chose qu'elle a faite, parce qu'elle pense au marché mondial, a été de parler à ses ouvriers et de leur dire «Eh bien, vous allez accepter une réduction de salaire de 40 p. 100 pour que nous puissions expédier sur le marché mondial nos produits à valeur ajoutée et demeurer compétitifs». C'est exactement ce qui s'est produit et cela a en fait déclenché une réaction en chaîne dans l'ensemble du pays parce que Quality Packers, en Ontario, a dû faire la même chose car sinon cette entreprise n'aurait plus été compétitive.
Voilà où est le problème. Je dis simplement que nous allons peut-être nous trouver dans une situation où il va falloir uniformiser les normes à l'échelle mondiale, car il sera impossible autrement de demeurer compétitif.
Mme Elizabeth Smythe: Oui, je crois que nous allons devoir réduire les écarts entre les normes nationales et je pensais qu'il faudrait nous attaquer à cet aspect à l'échelle mondiale, tout en reconnaissant que l'État a un rôle à jouer dans ce processus, celui de faciliter la transition.
M. Murray Calder: Oui.
M. Rolf Mirus: J'aimerais ajouter un commentaire à l'observation de mon collègue.
Si l'on prend le cas des bas salaires, comme, par exemple, en Indonésie, on constate que ces bas salaires s'expliquent parce que la productivité est faible. Si l'on tient compte de la production de ces travailleurs indonésiens, on constate qu'ils ne sont pas concurrentiels par rapport aux travailleurs américains. En 1990, en Indonésie, les salaires ajustés pour tenir compte de la productivité étaient, en moyenne, supérieurs à ceux qui étaient versés aux travailleurs américains.
Lorsque les gens parlent de ces pays à bas salaire, l'erreur qu'ils font est d'oublier, parce qu'ils ne sont pas économistes, ni spécialistes du domaine, que le salaire est une chose mais qu'il faut également tenir compte de la quantité de produits que ces travailleurs produisent en moyenne dans ces pays. Lorsque l'on tient compte de cet aspect, lorsque l'on parle du coût réel de la main-d'oeuvre, c'est une image fort différente qui apparaît. Avec ces rajustements, on constate que fabriquer un produit en Allemagne coûte 25 à 40 p. 100 plus cher qu'aux États-Unis et on peut observer que les sociétés étrangères investissent peu en Allemagne. Voilà ce que je voulais ajouter.
Pour ce qui est des pressions qui poussent à l'harmonisation des normes, si l'on pense aux industries de pointe, aux industries basées sur la matière grise, on constate qu'il existe un marché mondial et que, dans celui-ci, la main-d'oeuvre est mobile. Il est malheureusement vrai que les travailleurs non spécialisés ne sont pas mobiles parce qu'ils n'ont pas d'autre alternative. Il y a des postes à l'université, dans la faculté d'administration et dans d'autres domaines que nous n'avons pas réussi à combler parce que nos Canadiens... Stephen Sapp, Ph.D., de l'université Northwestern... nous essayons de l'embaucher mais il a reçu une offre plus intéressante des États-Unis. Mon fils étudie aux États-Unis et je crains qu'il ne revienne jamais. C'est la situation qui existe dans ce secteur du marché de la main-d'oeuvre. Cette main-d'oeuvre est mobile et, il n'y a pas que le capital.
M. Murray Calder: Me reste-t-il encore du temps?
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui.
M. Murray Calder: Je vais donc changer très rapidement de sujet et parler des tarifs douaniers et de la réduction des subventions, domaine dans lequel le Canada est vraiment un leader. Nous sommes très en avance sur les autres pays.
Le mois dernier, des membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire ont comparu devant la Commission sur le commerce international à Washington. Je leur ai demandé quels étaient les sujets qu'ils souhaitaient négocier? Ils m'ont répondu qu'ils voulaient tout négocier. Quel est leur objectif ultime? Leur objectif ultime est de supprimer complètement les tarifs douaniers et les subventions. Je leur ai dit alors qu'il n'existait pas au Canada de tarif sur le sucre ni sur les arachides et je leur ai demandé s'ils étaient prêts à supprimer immédiatement leurs tarifs pour qu'ils se mettent à notre niveau?
Après avoir constaté que nous avons de l'avance sur les autres, il faut nous demander ce qu'il faut faire? Allons-nous attendre que les autres pays nous rattrapent ou allons-nous continuer à avancer? Comment réagir face à cet écart?
M. Rolf Mirus: Permettez-moi de faire un bref commentaire sur ce point qui, je le crains, ne va pas être très constructif. Tous les pays ont des choses à cacher. La gestion de l'offre est à l'origine de nombreuses difficultés au Canada et les éleveurs de bovins n'ont qu'une h'te, c'est pouvoir exporter. Dans une certaine mesure, cela reflète un problème politique interne et je ne crois pas qu'il va se régler rapidement. Dans une certaine mesure, il faut comprendre que, lorsque les Américains bousculent les autres et exigent des choses, ce n'est qu'une stratégie de négociations et que nous devrons choisir de façon très judicieuse la façon dont nous allons réagir à ce genre de comportement.
M. Murray Calder: Je tiens à faire une mise en garde au sujet de la gestion de l'offre. Les Américains ont eu des expériences intéressantes pour ce qui est des arachides, du coton, du sucre et des produits laitiers de l'Est...
M. Rolf Mirus: Oui, mais nous connaissons mal ce que font les 50 États au niveau local pour attirer les investissements. Nous n'avons pas les moyens d'effectuer toute cette recherche. Il faut éviter de se perdre dans les détails, vous avez parfaitement raison.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Je veux être sûr de bien comprendre.
Monsieur Mirus, avez-vous dit que vous ne pouviez pas nous fournir de tableaux sur la pauvreté à cause des influences extérieures? Vous allez nous les fournir?
[Traduction]
M. Rolf Mirus: Non. J'ai dit que les études économiques indiquent que les restrictions apportées aux échanges commerciaux nuisent aux secteurs les plus pauvres de notre société, et j'ai parlé de...
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Ce n'est pas la question. Je vous demande si vous allez nous fournir des tableaux sur l'évolution de la pauvreté au Canada de 1978 à 1988 et de 1988 à 1998.
[Traduction]
M. Rolf Mirus: Non, je ne peux pas vous donner de preuves concernant l'élimination de la pauvreté. Cela ne relève pas de mon domaine. Mais je connais des études qui montrent que s'il n'y avait pas eu tous ces programmes sociaux au Canada, les revenus auraient été encore plus mal répartis.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Comment pouvez-vous affirmer que cela a aidé les pauvres si vous ne pouvez pas le prouver?
[Traduction]
M. Rolf Mirus: Je crois que cela peut se démontrer. Le professeur Chambers et moi sommes en train d'effectuer une étude pour tenter de déterminer si les réductions tarifaires et la réduction des prix découlant de la libéralisation du commerce international ont influencé le prix des produits que nous importons. C'est une étude très complexe et qui va prendre du temps parce qu'il faut vérifier les réductions qu'ont subies les droits de douane et également déterminer si les réductions prévues ont été introduites ou si elles ont même été augmentées. Il n'est donc pas facile d'obtenir tous ces renseignements mais nous essayons de le faire. Nous ne les avons pas pour le moment.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Quand on dit qu'il y 500 000 enfants pauvres de plus au Canada depuis cinq ans, ce n'est pas vrai? C'est un mystère ou une aberration de Statistique Canada?
M. Rolf Mirus: Je ne suis pas prêt à parler de cette question parce qu'il est très difficile de définir ce qu'est la pauvreté; les gens ne s'entendent pas sur cette notion.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je remercie les témoins.
J'aimerais conclure en présentant quelques remarques. Je crois avoir compris où M. Sauvageau voulait en venir. Vous avez commencé votre exposé en disant qu'il était évident que les échanges commerciaux étaient à l'avantage de tous et qu'il n'existait aucun rapport entre l'augmentation de la pauvreté que nous connaissons actuellement et le libre-échange. Nous avons entendu des choses tout à fait contraire dans l'Ouest. On nous a dit que le commerce était néfaste et qu'il avait augmenté l'écart existant entre les riches et les pauvres. Je n'ai pas oublié ce que vous avez dit, madame Smythe, à savoir qu'on ne peut se limiter au commerce. Mais c'est là le genre de questions que l'on pose à notre comité et je crois qu'il est important d'essayer d'y répondre. Malheureusement, le temps est écoulé.
Madame Smythe, pour ce qui est des problèmes que soulève le chapitre 11, je suis tout à fait d'accord avec vous. D'après les informations communiquées par les médias au sujet de la réunion des ministres du libre-échange qui s'est tenue vendredi, l'idée avancée par le ministre du Commerce du Mexique de lancer une campagne de relations publiques a été très mal reçue. Je peux vous le dire. Là encore, je tiens à examiner la façon dont l'on pourrait aborder les problèmes que pose le chapitre 11 et nous serions heureux de recevoir vos conseils à ce sujet.
Nous aimerions également recevoir vos commentaires sur la façon de parvenir à une redistribution équitable de la richesse qu'apporte le commerce, pour que ce message soit transmis à la population. Nous aimerions avoir votre assistance sur ce point.
Encore une fois, merci beaucoup d'être venus. Merci pour vos exposés et merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Comme je l'ai déjà dit à Vancouver, nous ne faisons que commencer ces consultations. Nous espérons que cela va nous permettre d'entamer un dialogue permanent avec vous. Nous vous invitons à nous communiquer d'autres documents concernant ces questions et vos préoccupations. Merci beaucoup.
Je vais maintenant demander à Shawna Vogel, membre du conseil d'administration d'Economic Development Edmonton, à prendre place.
Mesdames et messieurs, puis-je vous demander de prendre place pour que nous puissions commencer. Nous avons un horaire assez chargé. Si nous commençons rapidement, nous aurons le temps de poser des questions.
Madame Vogel et monsieur Edwards, je vous souhaite la bienvenue au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je crois savoir que M. Edwards va présenter Mme Vogel.
M. Jim Edwards (porte-parole, Economic Development Edmonton): Oui. Merci, madame la présidente. Je suis heureux que l'on m'ait donné cette possibilité.
Je note que le ministre du Commerce international, l'honorable Sergio Marchi, a déclaré que le commerce international est devenu une question locale. En fait, j'ai dirigé une délégation qui se rendait à Londres pour rencontrer le haut-commissaire MacLaren l'été dernier, et nos vis-à-vis ont fait remarquer qu'ils rencontraient rarement des délégations locales. Je crois que cela sera de moins en moins rare. Je ne sais pas s'il va se constituer des Cités-États à l'échelle mondiale mais il demeure que toutes les économies, qu'elles soient régionales, municipales ou provinciales, font face à une concurrence mondiale. C'est la réalité, c'est le défi et c'est la beauté de la chose.
J'ai avec moi la directrice du conseil du secteur privé qui gouverne Economic Development Edmonton, un organisme de la ville d'Edmonton mais dont 60 p. 100 des recettes proviennent de l'exploitation d'un centre de recherche, d'un centre de conférence et de ses activités dans le domaine du développement commercial et technologique ainsi que du tourisme dans la région.
• 1050
Notre administratrice est Mme Shawna Vogel, une commercialiste
bien connue qui fait partie du cabinet Cruickshank Karvellas
d'Edmonton.
Madame Vogel.
Mme Shawna Vogel (membre du conseil d'administration, Economic Development Edmonton): Merci.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à vous parler. Mes commentaires seront très brefs. Je ne vais pas prendre trop de votre temps. Vous avez un résumé de mes remarques qui tient en une page.
Je tiens d'abord à vous mentionner que l'Alberta et Edmonton sont vraiment en faveur de la libéralisation des échanges. Notre économie exploite de mieux en mieux les possibilités que nous offre le marché international. Nous utilisons ces nouvelles possibilités pour amortir les cycles de prospérité et de récession que nous avons connus parce que notre économie dépendait principalement des produits de base et de nos ressources naturelles.
Notre économie a beaucoup évolué et nous recherchons des opportunités qui ne se limitent pas à vendre nos ressources naturelles. Nous sommes à la recherche d'opportunités qui nous permettent d'offrir à d'autres pays notre expertise dans le développement de ces ressources. Nous sommes également en train de nous diversifier dans de nouveaux secteurs de l'industrie. Pour nous, le marché mondial est un aspect important de la croissance de notre économie.
Cela ne figure pas dans mon sommaire mais Economic Development Edmonton a défini un certain nombre de secteurs qui vont connaître une bonne croissance à Edmonton et nous avons projeté de concentrer nos efforts dans ces secteurs.
L'un d'entre eux est le secteur de l'information. Nous avons mis sur pied ce que nous avons appelé le programme 7-25. Aujourd'hui, dans l'économie de la région d'Edmonton, le secteur de l'information représente 7 p. 100 et nous voulons faire passer ce pourcentage à 25 p. 100. Le marché de l'industrie de l'information est par nature mondial. Nous ne cherchons pas nécessairement à vendre nos services en Alberta, ni même au Canada. Notre croissance se fera sur les marchés mondiaux.
J'ai parlé des services. Je pense que les services représentent un secteur clé pour nous. Les dispositions de l'ALÉNA concernant le commerce des services ont joué un rôle très important en Alberta. L'AGCS a également joué un rôle très important. Nous voulons voir se développer le commerce des services et libéraliser ce secteur. Voilà les points positifs.
J'aimerais maintenant parler d'un des principaux obstacles au commerce et aux services. Je vais me limiter au Canada et aux États-Unis mais je crois que ce problème ne concerne pas uniquement ces deux pays. C'est un problème qui existe entre le Canada et les autres pays: il s'agit de voyage international, du déplacement des hommes d'affaires à l'étranger.
Selon l'ALÉNA, il n'est pas nécessaire d'avoir un établissement commercial aux États-Unis pour pouvoir y exercer des activités commerciales. Cela est une illusion. En réalité, et je vais vous donner quelques exemples, si l'on veut véritablement exercer des activités aux États-Unis et y vendre nos services, nous sommes obligés de créer une filiale ou une succursale américaine. L'immigration américaine nous pose toujours des problèmes. Notre champ de pratique est le droit international des affaires et je suis très occupée à essayer d'obtenir des visas d'affaires pour que nos gens d'affaires puissent se rendre aux États-Unis. C'est un vrai cauchemar.
Je vais vous donner quelques exemples. Je ne peux pas vous dire combien d'hommes d'affaires se sont fait dire par les services d'immigration américains, que ce soit à l'aéroport international d'Edmonton ou de Calgary ou au poste frontière de Sweetgrass, qu'ils volaient le travail des Américains. C'est la première chose qu'on leur dit.
Non, nous ne volons pas le travail des Américains. Nous demandons des visas. Selon l'ALÉNA, nous avons le droit d'obtenir ces visas. Nous ne prenons pas la place des Américains mais c'est ce qu'on nous dit.
Les services d'immigration américains ont une attitude agressive et arrogante à l'endroit de nos hommes d'affaires. En fait, j'ai un client qui demandait un visa de la catégorie professionnelle, ou comme on l'appelle aux États-Unis, la catégorie T-N1, à titre de consultant en gestion et un fonctionnaire de l'immigration américaine basée à Calgary lui a dit: «Je sais à quoi ressemble un consultant en gestion et vous ne paraissez pas en être un.» Je ne sais pas très bien à quoi ressemble un consultant en gestion mais il semble que ce gars-là n'avait pas l'air d'en être un.
• 1055
Oh, excusez-moi, est-ce qu'il y a un consultant en gestion
dans la salle? C'est probablement ce dont un consultant en gestion
doit avoir l'air. Si nous avions su...
Des voix: Oh, oh!
Mme Shawna Vogel: Je tiens à préciser que je comprends fort bien que les services d'immigration américains et canadiens, tout comme ceux des autres pays, doivent appliquer les règles et les règlements et ne pas laisser entrer n'importe qui. Je signale simplement que nous avons négocié un accord commercial qui accorde un droit d'entrée et que cette entente n'est pas appliquée. Lorsque nous négocierions des accords commerciaux ou des modifications à ces accords avec d'autres pays, il faudrait se souvenir de ce que nous avons connu avec les Américains et veiller à mettre en place des recours ou des mécanismes qui permettent de faire respecter les dispositions de ces accords.
J'ai mentionné qu'Edmonton concentrait ses efforts sur les industries de pointe et de l'information. C'est dans ce secteur, avec peut-être celui de la construction ou du pétrole, que nous connaissons le plus de difficultés pour envoyer des gens aux États-Unis. C'est un véritable casse-tête que d'essayer de trouver les moyens d'obtenir un visa pour ces personnes. Il y a bien certaines catégories, consultant en gestion et analyste concepteur, pour les professionnels mais elles ne correspondent pas toujours à la réalité.
J'aimerais parler d'une autre catégorie. Nous avons constaté qu'il existe une demande dans les économies en développement pour le savoir des pays occidentaux, ce qui ne peut que favoriser la croissance de notre économie. Nous sommes prêts à fournir ce savoir. Cela représente une possibilité très prometteuse pour nous. Nous avons également découvert qu'il existait une demande de connaissances aux États-Unis dans certains secteurs où nous sommes spécialisés. Il est pratiquement impossible pour un homme d'affaires canadien d'obtenir un visa lui permettant d'aller donner des cours de formation aux États-Unis. Il n'y a aucune catégorie qui convienne et les services d'immigration américains vous disent eux-mêmes qu'ils ne savent pas comment classer cette personne.
Enfin, nous voulons encourage la vente de produits à l'étranger. Il me paraît encourageant de voir certaines entreprises vendre leurs produits sur une base régionale, qui pourrait être par exemple le «nord-ouest du Pacifique», l'Alberta, la Colombie-Britannique et un État du nord-ouest du Pacifique. Cela est très bien. Un problème se pose lorsque l'entreprise américaine embauche un agent des ventes au Canada et lui demande de représenter l'entreprise dans l'ensemble du territoire; il n'existe aucune catégorie de visa qui permettrait à cette personne de se rendre aux États-Unis pour rencontrer des clients.
Nous nous heurtons donc à de nombreux problèmes pratiques lorsque nous voulons que nos hommes d'affaires puissent tirer avantage de l'ALÉNA. Comme je l'ai dit, il semble que nous soyons obligés de créer des filiales ou des succursales américains pour pouvoir y transférer nos gens. De sorte que nous sommes obligés d'avoir dans ce pays un établissement commercial. Voilà ce que j'avais à dire au sujet des services d'immigration des États-Unis.
Pour ce qui est des services en général, et de la négociation d'accords commerciaux, il existe un certain nombre de dispositions qui aideraient beaucoup nos entreprises. Il faudrait vraiment essayer d'abolir les règlements gouvernementaux qui accordent un traitement favorable aux fournisseurs de services nationaux ou qui accordent un tel traitement à ceux qui viennent de certains pays en particulier. Je veux parler de la clause de la nation la plus favorisée et je crois que même s'il s'agit là d'une disposition que l'on retrouve couramment dans les accords commerciaux, elle a des répercussions concrètes et que nous devons faire quelque chose à ce sujet.
J'ai parlé des restrictions au transfert de personnel mais il faudrait également parler des restrictions au transfert d'équipement nécessaire à la réalisation d'un projet. J'ai appris au cours de mes activités que, dans un certain nombre de pays, il est très difficile d'obtenir du gouvernement des renseignements sur les règles et les règlements applicables au commerce des services et que cela cause un problème grave.
Enfin, nous aimerions que l'on examine la question des exigences techniques, c'est-à-dire des normes qui ne sont pas fondées sur les compétences et la performance et qui empêchent un fournisseur de services d'obtenir le permis ou le certificat nécessaire.
Le dernier sujet que j'aimerais traiter est celui du commerce des marchandises. J'ai joint deux tableaux à mes notes. Le premier indique les 25 principales catégories de produits agricoles qui sont encore visées par des tarifs douaniers. J'ai consacré beaucoup de temps aux services mais les exportations agricoles jouent un rôle clé dans l'économie de l'Alberta et même dans la région d'Edmonton. Ces produits agricoles font face à des droits de douane et nous vous invitons à demander la réduction ou la suppression de ces tarifs.
• 1100
La deuxième feuille jointe indique les 25 principaux produits
d'exportations non agricoles qui sont visés par les tarifs. Là
encore, nous vous invitons à obtenir la réduction ou la suppression
de ces tarifs.
Voilà ce que j'avais à dire. Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Edwards, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Jim Edwards: Pour revenir aux apparences, je tiens à vous signaler que votre greffière m'a fait une remarque lorsque nous sommes arrivés. Elle m'a fait le plus beau compliment du monde. Elle m'a dit que j'avais l'air d'un député.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Edwards, je crois savoir que vous avez déjà été député.
M. Jim Edwards: J'ai même déjà présidé un comité permanent de la Chambre des communes et c'est pourquoi je tiens à vous souhaiter la bienvenue à Edmonton. Je sais que les budgets ne sont plus ce qu'ils étaient mais je vous félicite d'avoir fait voyager le comité pour prendre connaissance des problèmes et des défis, tels qu'ils sont vus dans les différentes régions du pays. Nous serions très heureux de répondre aux questions des membres du comité.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup. Avant de passer aux questions, j'aimerais dire à Mme Vogel que nous avons entendu hier des représentants du Cascadia Institute, du Discovery Institute, du Pacific Corridor Enterprise Council, et qu'ils ont exprimé des préoccupations semblables au sujet des problèmes frontaliers. Nous avons également entendu Dorothy Riddle de Service-Growth Consultants, qui a signalé la plupart des problèmes dont vous avez fait état. Ils ont été, pour la plupart, repris dans les exposés que nous avons entendus hier et je vous remercie d'avoir ainsi confirmé la gravité de ces problèmes.
Monsieur Penson, notre temps est très limité et nous allons donc prévoir deux à trois minutes par question. Si nous avons le temps pour une deuxième ronde...
M. Charlie Penson: Il m'est impossible de me présenter en deux minutes.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Penson, je ne pense pas qu'il soit nécessaire que vous vous présentiez.
M. Jim Edwards: Vous n'avez pas besoin d'être présenté, monsieur.
M. Charlie Penson: Eh bien, merci.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de Economic Development Edmonton. Vous avez soulevé des questions très importantes.
D'une façon générale, je dirais qu'une bonne partie des problèmes que vous rencontrez dans le domaine de l'immigration et du passage des frontières sont des problèmes qui continueront à se poser et qu'il faudra régler dans le cadre de l'accord de libre-échange et je crois qu'aujourd'hui, il serait très difficile de conclure un accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique. Je suis heureux que cela soit fait, parce qu'un tel accord semble comporter de nombreux avantages et qu'il est toujours possible de régler par la suite ce genre de problème.
L'agriculture est mon domaine et je connais bien ces problèmes. Les tarifs auxquels nous faisons face ne sont pas le plus souvent ceux des États-Unis; il faudrait élargir les négociations tenues dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce pour résoudre les problèmes qui se posent en Europe, au Japon et en Corée, par exemple.
Il y a deux sujets qui doivent être négociés cette année, les services et l'agriculture. Je crois comprendre que vous aimeriez que l'on élargisse les négociations et que l'on aborde aussi d'autres sujets.
Mme Shawna Vogel: J'ai déjà fourni des avis au gouvernement de l'Alberta sur un certain nombre de sujets commerciaux, et je continue à le faire, mais je sais que si l'on augmente le nombre des sujets de négociation, on risque souvent de ne rien obtenir. Nous avons fait quelques progrès pour l'agriculture mais je crois qu'il reste de nombreux problèmes à résoudre et au lieu de risquer de ne rien obtenir parce que les sujets sont trop nombreux, j'hésiterais plutôt à ajouter d'autres sujets de négociation.
M. Charlie Penson: Je vous pose la question parce qu'il y a beaucoup de gens qui pensent que des pays comme ceux de l'Union européenne auront du mal à renoncer à certaines choses dans le domaine de l'agriculture s'ils ne peuvent prouver qu'ils ont fait des gains dans d'autres secteurs et qu'il faudrait donc inclure dans cette négociation le droit de la concurrence internationale, la propriété intellectuelle, avec les services.
Mme Shawna Vogel: Je crois que cela est juste et c'est ce qu'ont indiqué divers groupes nationaux et internationaux qui s'occupent de commerce électronique, par exemple. C'est un sujet qu'il faudrait examiner avant que le commerce électronique ne puisse plus être réglementé. Il y a peut-être un compromis à faire sur ce point. C'est un secteur sur lequel nous n'avons pas beaucoup travaillé. Nous pensons que l'OCDE et bien sûr les États-Unis et d'autres pays vont s'intéresser à cet aspect et j'aimerais également que l'on élargisse ces négociations. J'ai vu ce qui est arrivé avec l'accord multilatéral sur les investissements et ce qui s'est produit lorsqu'on a essayé de l'élargir; cela comporte toujours un risque.
M. Charlie Penson: Très bien.
Lundi, à Winnipeg, le conseil du canola a indiqué que si l'on arrivait à supprimer tous les droits de douane pour ce produit, autrement dit, si l'huile de canola était traitée de la même façon que les graines de canola au Japon et en Corée, cela entraînerait une augmentation de quatre milliards de dollars du chiffre d'affaires des agriculteurs canadiens. Avez-vous fait des calculs au sujet des droits de douane sur les produits agricoles et industriels qui sont encore en vigueur et l'effet qu'une suppression de ces droits aurait sur l'économie de notre province?
Mme Shawna Vogel: Non. Je suis sûre que le ministère de l'Agriculture de l'Alberta possède cette information. Si vous le souhaitez, je pourrais demander qu'on vous la transmette.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Si vous pouviez trouver cette information et la transmettre à notre greffière, je l'apprécierais beaucoup.
Mme Shawna Vogel: Très bien, je vais noter cela.
Pour résumer, vous voulez savoir ce qui se passerait si l'on supprimait tous les droits de douane pour les produits figurant sur ces listes.
M. Charlie Penson: Oui.
Je crois que mes trois minutes sont écoulées.
Mme Shawna Vogel: J'aimerais dire une dernière chose au sujet de l'agriculture. Au risque d'irriter les spécialistes de l'agriculture, je dirais que, si l'on élargit les négociations sur l'agriculture, il faut savoir que la gestion de l'offre en fera également partie.
M. Charlie Penson: Oui.
M. Calder n'est pas dans la salle en ce moment, mais je suis sûr qu'il aurait quelques commentaires à faire à ce sujet.
M. Bob Speller: Madame Vogel, qu'avez-vous dit au sujet de la gestion de l'offre?
Mme Shawna Vogel: Je dirais qu'il est évident que d'autres pays vont vouloir négocier cet aspect si l'on élargit la liste des questions reliées à l'agriculture. Notre système de gestion de l'offre continue à faire l'objet de pressions de la part des autres pays.
M. Bob Speller: Je ne vois pas très bien...
M. Charlie Penson: Même s'il n'y avait que deux rondes de négociations sur l'agriculture, ce sujet serait à l'ordre du jour.
Mme Shawna Vogel: Si je représentais un autre pays et que je craignais d'avoir à faire des compromis, j'essaierais certainement de vous obliger à négocier cet aspect.
M. Bob Speller: Pour un pays, la gestion de l'offre consiste un peu à gérer ses propres produits de base. Tant que cette gestion fait l'objet de mesures internes, je ne vois pas très bien en quoi cela intéresse les autres pays. C'est une question distincte. Les tarifs constituent une question distincte de la gestion de l'offre.
Mme Shawna Vogel: Ces deux questions se recoupent complètement lorsque vous êtes un pays de l'Union européenne et que le Canada vous demande de réduire vos tarifs. Je crois que l'Union européenne vous répondra en disant qu'elle va imposer un tarif de 300 p. 100.
M. Bob Speller: Quelle est l'importance de la gestion de l'offre en Alberta?
Mme Shawna Vogel: Je dirais que cette question est peut-être plus importante pour le Québec que pour l'Alberta pour ce qui est des produits laitiers. Je crois que vous allez entendre des représentants de l'agriculture? Cela est prévu n'est-ce pas?
M. Charlie Penson: Nous allons rencontrer des représentants du gouvernement de l'Alberta.
Mme Shawna Vogel: Je préférerais en fait m'en remettre à eux.
M. Charlie Penson: Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Madame Beaumier.
Mme Colleen Beaumier: Je voudrais revenir à la question des visas. Le problème vient-il des règles ou plutôt de l'attitude protectionniste de certains Américains, et non du gouvernement?
Je sais qu'en Ontario, lorsque l'on a appliqué l'accord de libre-échange aux produits manufacturés, on les bloquait à la frontière parce que l'étiquette «Fabriqué au Canada» ne plaisait pas à la personne qui contrôlait la frontière, et non au gouvernement.
L'été dernier, en Colombie-Britannique, certains producteurs ont eu du mal à faire passer la frontière à leurs expéditions de bleuets. Ils ont été bloqués à la frontière sans qu'il y ait vraiment de décision officielle de prise à ce sujet. Je suppose qu'on attendait que ces bleuets pourrissent avant de les laisser passer la frontière.
Cela vient-il des règles ou de la façon dont elles sont appliquées?
Mme Shawna Vogel: Je sais que nous avons eu des problèmes de passage de frontière avec des produits venant de l'Alberta. Il était très difficile de faire traverser le poste-frontière de Sweetgrass à nos expéditions de viande. Cela s'est produit il y a un an et demi ou deux ans.
Je dirais que ce sont les deux. Je me ferais l'écho des commentaires de M. Penson et je dirais que, lorsque l'on a négocié l'ALE et ensuite l'ALÉNA, on a déployé beaucoup d'efforts pour réglementer les visas. Je crois qu'avec la façon dont notre économie se développe, il existe un certain nombre de catégories qui... L'application du chapitre sur les entrées temporaires a causé de nombreux problèmes. Mais je dirais qu'il est certain qu'il existe une attitude générale parmi les fonctionnaires de l'immigration pour qui il faut empêcher les produits de passer à moins d'être obligé de le faire.
Mme Colleen Beaumier: Très bien, je vous remercie.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Pour poursuivre dans la même veine, l'un des commentaires qui a été fait hier au sujet du chapitre sur les autorisations de séjour temporaire étaient que le cas des consultants en gestion et des analystes de systèmes faisait problème, parce qu'à la différence des avocats et des ingénieurs, ils ne pouvaient prouver qu'ils exerçaient bien cette profession en montrant un diplôme. Par conséquent, si l'on veut régler cette question, ne faudrait-il pas définir à quoi correspondent ces professions? Cela serait-il utile au lieu de laisser cela à la discrétion de l'agent d'immigration concerné?
Mme Shawna Vogel: J'aimerais que la liste des professions soit révisée. La catégorie «consultant en gestion», par exemple, est définie de deux façons. Dans le chapitre sur l'autorisation de séjour temporaire lui-même, on peut être un «consultant en gestion», et je mets des guillemets, si on se rend aux États-Unis pour donner une consultation dans un domaine de spécialisation dans lequel elle travaille depuis cinq ans.
Je sais que les services d'immigration américains lorsqu'ils doivent définir ce qu'est un «consultant en gestion» appliquent leur manuel ou le règlement, en privilégiant la première partie de la définition, c'est-à-dire, la personne qui va visiter une entreprise ou examiner la façon dont elle est administrée. Je crois que les services d'immigration américains auraient beaucoup plus de mal à classer une personne qui donnerait une consultation dans son domaine de spécialisation; mais cela est regroupé avec la catégorie de consultant en gestion. C'est là une difficulté que pose cette catégorie.
Pour ce qui est des analystes de système, l'immigration américaine a interprété cette notion, correctement je crois, comme désignant une personne qui s'occupe de l'ensemble d'un système informatique et non pas de la saisie de données. Le problème vient du fait que j'ai des clients qui élaborent des logiciels de jeux sur ordinateur. Lorsqu'ils veulent envoyer des employés pour travailler avec leurs clients qui leur ont demandé d'élaborer un jeu, la personne envoyée n'a pas nécessairement fait de l'analyse de système mais elle a peut-être travaillé à d'autres aspects du secteur des services et des consultations informatiques qui ne sont pas visés par la définition. Ce sont donc là deux problèmes qui découlent de cette absence de définition.
Je devrais toutefois mentionner que j'ai déjà eu un problème avec un avocat. On aurait pensé que la catégorie des avocats serait facile à définir; il suffit de montrer son diplôme. Le problème vient du fait qu'il faut également respecter la réglementation locale en matière de permis d'exercice. J'ai connu un cas, et cela n'est pas rare, où l'avocat d'une société pétrolière multinationale dont le siège était à Calgary se rendait une fois par mois à Houston pour passer une semaine avec la haute direction et qui fournissait en fait des conseils juridiques pendant qu'il se trouvait là-bas mais non pas des conseils juridiques sur les lois des États-Unis ou du Texas.
Les services d'immigration américains m'ont dit: «Prouvez-moi que cette personne respecte les dispositions du Texas en matière de permis.» J'ai communiqué à plusieurs reprises avec le barreau du Texas et qui m'a dit «Eh bien, il n'est pas nécessaire d'avoir un permis dans cet État.» J'étais donc placé devant un dilemme. Je disais au barreau «il me faut un document émanant de lui et, c'est la seule façon que je peux envoyer cette personne travailler dans cet État.» Mais il me répondait «Mais vous n'avez pas besoin d'un permis d'exercice. D'après nous, vous ne pratiquez pas le droit dans cet État.» Voilà le problème que cela pose.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Pensez-vous que ce soient les questions et les définitions que nous devrions aborder au cours des négociations sur la création de la zone de libre-échange des Amériques? Ce qui permettrait d'élargir peut-être cette liste ainsi que le nombre des personnes qui peuvent obtenir une autorisation de séjour temporaire?
Mme Shawna Vogel: J'ai pensé que ce serait là l'occasion de le faire et c'est pourquoi je vous ai présenté ces observations aujourd'hui. Je ne voudrais certainement pas que l'on renégocie l'ALÉNA. Je ne pense pas que cela serait une bonne chose. L'on pourrait peut-être saisir l'occasion et créer un groupe de travail composé de représentants du Canada, des États-Unis et du Mexique, qui travailleraient sur la question des séjours temporaires, il en existe peut-être un, je dois dire que je n'en sais rien, et qui pourrait s'attaquer à ces problèmes. Il est possible que les problèmes que nous connaissons soient aussi vécus par d'autres. Le ministère de l'Immigration du Canada doit également interpréter ces articles et il est possible que certains Américains aient éprouvé certaines difficultés.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.
Encore une fois, je vous remercie beaucoup d'être venus, madame Vogel et monsieur Edwards.
S'il y a d'autres questions ou si vous aimeriez approfondir certains sujets que vous avez abordés ou s'il se produit des changements qu'il serait bon de porter à notre attention, n'hésitez pas à contacter notre greffière et à nous transmettre d'autres renseignements. En fait, comme je l'ai dit, le processus de consultation vient de commencer et il est loin d'être terminé. Nous espérons que ce dialogue va être permanent et lorsque l'on parle de dialogue, il faut que l'information circule dans les deux sens.
Merci beaucoup d'être venus.
Mme Shawna Vogel: Merci de nous avoir invités.
[Français]
M. Jim Edwards: Merci, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'aimerais inviter les représentants de la Canadian Dehydrators Association à prendre place.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Benoit, bienvenue au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je crois savoir que vous représentez la Canadian Dehydrators Association. Nous sommes heureux d'entendre votre exposé et nous espérons pouvoir également vous poser des questions.
Merci d'être venu.
M. Garry Benoit (directeur général, Canadian Dehydrators Association): Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné la possibilité de prendre la parole.
J'aimerais exposer les opinions du secteur de la luzerne déshydratée au sujet de la prochaine ronde de négociations de l'OMC. Le processus de consultation générale dont ces audiences font partie est un des rares signes encourageants dans la situation actuelle. Notre industrie est en crise, en grande partie à cause des subventions que reçoivent nos concurrents.
Nous vous avons remis un mémoire détaillé et je vais prendre quelques minutes pour présenter notre industrie et attirer votre attention sur les questions qui nous paraissent particulièrement importantes.
Sur une base nationale, plus de 80 p. 100 de la production de notre industrie est exportée. Nous représentons 29 usines de traitement, ou à peu près; cela change parfois un peu. Le gros de la production vient de l'Alberta, en fait 60 p. 100 environ de la production est générée en Alberta, et le reste ou presque, dans le nord-est de la Saskatchewan. Il y a quelques petites usines de traitement au Manitoba et nous avons quatre ou cinq membres en Ontario et un membre au Québec. Le gros de notre production concerne donc l'Alberta et la Saskatchewan.
Nos exportations s'élèvent à 700 000 tonnes par an, ce qui représente une valeur d'environ 130 millions de dollars. Certains d'entre vous savent que l'industrie est dans l'ensemble située à la périphérie des parties cultivées des Prairies. Nos usines créent plus de 1 000 emplois spécialisés dans ces collectivités rurales, elles représentent plus de 13 millions de dollars en salaires directs et des retombées d'environ 67 millions de dollars par an. L'usine de séchage, bien souvent une société à grand nombre d'actionnaires, est bien souvent la seule industrie de la collectivité.
• 1125
Aujourd'hui, en Alberta, les usines de séchage sont assez
nombreuses dans le bassin de la Peace River, une région où
l'élevage n'est pas développé comme ailleurs et où la luzerne est
une culture rentable dans le genre de rotation utilisée dans cette
région. Cette culture est très bonne pour les sols et c'est une
culture de diversification qui est rentable; la luzerne est donc
une culture importante. Bien souvent on a construit ces usines de
traitement parce que les agriculteurs cherchaient à diversifier
leur culture, à s'intéresser à d'autres produits pour ne pas se
contenter de toujours faire du blé. Le traitement de la luzerne a
été une activité très rentable dans les régions de ce genre.
Il existe également des usines en Alberta, au nord d'Edmonton, et nous avons également des usines de traitement dans la région irriguée du sud de l'Alberta. L'industrie est donc bien répartie dans la province.
Je vais vous rappeler comment l'on procède habituellement; dans les régions du Nord, on livre à l'usine la luzerne fraîchement coupée, 24 heures par jour de juin à octobre. La luzerne est envoyée à l'usine de traitement le jour même où elle est coupée; elle contient alors 65 p. 100 d'humidité, et elle est traitée pour conserver les parties nutritives à leur concentration maximale et pour la réduire sous une forme exportable. Même si le temps n'aide pas, il est possible de faire du fourrage de bonne qualité et de sceller les éléments nutritifs au moment où ils sont à leur meilleur sans qu'ils soient abîmés par la pluie ou le soleil. Nous obtenons un produit de bonne qualité qui est destiné à des marchés très exigeants, comme le Japon.
Les gouvernements successifs ont vu en nous un modèle d'industrie à valeur ajoutée dans les Prairies, qui produit les meilleurs produits au monde de la façon la plus rentable possible.
Nous regrettons profondément de devoir dire que notre réussite est en train de s'effriter. Le principal problème vient du fait que l'Union européenne accorde aux producteurs une subvention de plus de 100 $ la tonne. Il est important de noter qu'il ne s'agit pas d'une subvention à l'exportation. C'est une subvention qui est payée directement aux producteurs pour chaque tonne traitée et expédiée.
Les producteurs européens vendent depuis l'année dernière des produits lourdement subventionnés sur le marché japonais, un des plus importants pour nous, et d'autres. Cela a eu pour effet de ramener les prix à un niveau inférieur de 50 $ la tonne à ce qu'il était en mars 1998, lorsque ces ventes ont commencé.
L'arrivée des producteurs européens a fait chuter nos prix rapidement et supprimé nos débouchés.
Pour ce qui est de notre point de vue sur la prochaine ronde de l'OMC, nous disons au gouvernement depuis plus d'un an, que l'industrie canadienne ne peut attendre encore des années pour obtenir un accord négocié dont il n'est même pas sûr qu'il nous aidera. Il nous est impossible de survivre, quelle que soit la période considérée, lorsque le prix mondial de la luzerne est inférieur à son coût de production au Canada à cause des excédents créés par les subventions.
Nos usines sont en train de ralentir leur production et il y aura des pertes d'emploi et de graves conséquences économiques dans les régions où sont situées nos usines.
Le ministre Vanclief a soulevé cette question avec les commissaires et les ambassadeurs de l'UE et une requête a été transmise à l'Union européenne. Il est évident que les efforts du gouvernement n'ont rien donné.
Supposons que nous réussissions à survivre. Supposons qu'avec l'aide du gouvernement, nous survivions et qu'il reste suffisamment d'usines en activité en 2001, 2002 ou 2003 pour tirer profit des négociations de l'OMC. Quel est l'avis que notre association voudrait communiquer au gouvernement au sujet des négociations dont nous parlons ici?
Il paraît évident que les négociations doivent déboucher sur des résultats concrets dans un délai très court. Le Canada doit collaborer avec les autres pays pour veiller à ce que les négociations portent sur la libéralisation du commerce et la réduction des subventions et la suppression des obstacles qui faussent le jeu des forces du marché. Je ne pense pas que les négociations commerciales devraient déboucher sur des mesures protectionnistes. Il s'agit de supprimer les obstacles et de véritablement libéraliser les échanges commerciaux.
• 1130
Nous recommandons que les pays membres montrent dès le départ
leur bonne foi en s'engageant à continuer à réduire les subventions
et les tarifs pendant que se déroulent les négociations et à
limiter volontairement l'exportation des produits fortement
subventionnés qui nuisent aux industries des pays membres qui leur
font concurrence. Je pense qu'il serait également souhaitable de
poursuivre la réduction des subventions et des tarifs douaniers
avec la même vigueur que nous l'avons fait pendant la période où
s'appliquait le dernier accord.
Au cours de la dernière ronde de négociations, nous avons commis une erreur en ne faisant rien au sujet des subventions agricoles qui faussent la concurrence. Je parle de la protection accordée jusqu'en 2004 contre l'exercice des recours fondés sur un préjudice grave aux termes du document du GATT sur les subventions, pourvu que le pays concerné atteigne les cibles fixées en matière de réduction des subventions. Les négociateurs s'attendaient à tort que la réduction des subventions ait pour effet de redresser suffisamment la situation et donc de rendre cette exception acceptable. La réduction des subventions doit être beaucoup plus forte et décidée par produit.
Au cours de la prochaine ronde de négociations, il faudra supprimer tant les subventions à l'exportation et à la production. Les subventions internes et pour l'exportation des céréales et des oléagineux qu'accordent les Européens et les Américains nous sont préjudiciables. Nous avons créé un surplus général, créé par les subventions, qui rend la situation très difficile pour les agriculteurs canadiens et les producteurs de céréales en général, et ceux qui produisent la luzerne en particulier.
Je le répète, le principal problème commercial qui existe aujourd'hui ne concerne pas les subventions à l'exportation. C'est une subvention qui est versée directement aux producteurs et non à l'agriculteur et qui est versée au moment où la luzerne est expédiée de l'usine. Ce genre de subvention fausse particulière les échanges parce qu'elle encourage la production et la mise en marché quelles que soient les conditions du marché. Cette politique européenne est à l'origine des immenses excédents qui existent et qui, comme je l'ai mentionné, déprime gravement nos marchés.
L'Europe est notre problème immédiat mais les Européens ne sont pas les seuls à offrir des subventions à leurs producteurs. Le Département de l'énergie des États-Unis offre une subvention à la transformation qui encourage l'utilisation des tiges de luzerne pour produire de l'électricité. Ce programme a pour effet indirect de faire apparaître sur le marché de la feuille de luzerne à haute concentration en protéines et par surcroît, subventionnée. Avec ce programme, l'industrie de la déshydratation américaine risque de se développer considérablement. Si ce programme énergétique s'avère non rentable, comme nous le pensons, il aura néanmoins permis de construire gr'ce à ces subventions de nouvelles usines très performantes qui vont ensuite nous concurrencer directement. Nous parlons de quantités qui sont supérieures à la production totale américaine en produits déshydratés et égale à la production canadienne annuelle de ces produits. Une nouvelle usine va entrer en service au Minnesota. Nous parlons d'une usine subventionnée à hauteur de 43 millions de dollars.
Je vais résumer très rapidement nos recommandations. Les voici: premièrement, réduction importante produit par produit des subventions internes créatrices de distorsion, comme la subvention européenne versée aux sécheries; deuxièmement, veiller à ce que les programmes de subventions étrangers dans le domaine de la déshydratation ne soient plus généreux que les subventions pour les céréales fourragères et les autres produits fourragers, ce qui est d'après nous le cas, et nous pensons que c'est peut-être le secteur où les subventions sont les plus généreuses en Europe; troisièmement, un élargissement de la définition de subventions agricoles pour viser les programmes financés par d'autres ministères du gouvernement, comme le Département de l'énergie des États-Unis, qui servent à augmenter la production et les exportations; quatrièmement, sanctionner les pays qui intentent des poursuites commerciales dans le seul but de nuire à la concurrence. Les États-Unis nous ont traîné dans la boue en invoquant l'article 302, je crois que c'était celui-là, parce qu'ils estimaient que la Loi sur le transport du grain de l'Ouest nous accordait un avantage indu en matière d'accès au marché japonais.
• 1135
Nous recommandons que l'on supprime les effets de distorsion
des échanges que causent les centrales d'achat et réduise de façon
importante les tarifs. Nous préconisons une suppression générale
des tarifs applicables aux produits déshydratés, d'autres groupes
en ont d'ailleurs beaucoup parlé. Depuis quelques années, les
avantages naturels dont jouissait l'industrie canadienne des
produits déshydratés a disparu à cause des subventions accordées
par les autres pays qui faussent la concurrence. Le futur de notre
industrie dépend de notre capacité à réduire les effets à court et
à long terme de ces pratiques.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Benoit.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Merci.
Bienvenue, monsieur Benoit. Je comprends parfaitement vos préoccupations. J'ai une grosse usine de déshydratation dans ma circonscription. C'est peut-être la plus grosse sécherie du Canada, pour ce qui est des céréales, et elle se trouve dans ma circonscription. Je comprends parfaitement l'importance de cette activité.
Vous avez tout à fait raison de parler d'industrie modèle. Dans un premier temps, le gouvernement du Canada a demandé aux agriculteurs de diversifier leurs activités, de ne pas se contenter de toujours faire pousser du blé et de s'intéresser à d'autres cultures. C'est une plante qui est cultivée pour la déshydratation et qui constitue une excellente culture dans un secteur, l'ouest du Canada, où le sol s'est détérioré gravement, les réserves de sol de surface ayant diminué de 50 p. 100 depuis que l'agriculture a commencé il y a près d'un siècle.
Voici donc une industrie qui a décidé d'améliorer les sols en mettant sur pied une industrie spécialisée et dont la survie est maintenant menacée, en grande partie à cause des subventions européennes, pas uniquement européennes mais c'est certainement un élément important.
Si ces négociations durent quatre ou cinq ans, même en supposant que nous réussissions à obtenir par négociation que ces subventions soient réduites, votre industrie serait-elle en mesure de survivre? Vous avez dit que vous devez faire face à des subventions de 50 $ la tonne accordées par l'Union européenne et qui nuisent à vos débouchés sur le marché japonais.
M. Garry Benoit: J'ai parlé de plus de 100 $. Cette subvention varie entre 117 et 180 $.
M. Charlie Penson: Oh, excusez-moi, très bien.
M. Garry Benoit: C'est donc une subvention très importante. Elle est bien souvent supérieure au prix total de nos produits, lorsqu'on les expédie de l'usine de traitement.
M. Charlie Penson: Eh bien, la question n'est toujours pas réglée.
M. Garry Benoit: Je ne voulais pas trop exagérer mais le calcul varie avec la valeur de l'ECU puisque la subvention est formulée en ECUs; selon le dernier calcul que j'ai effectué, cette subvention s'élevait à 117 $.
C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons et qui est encore aggravée par la crise financière qui sévit en Asie. Les pays cherchent à faire baisser les prix par tous les moyens.
Pouvons-nous survivre et pour combien de temps? Il y a déjà quelques usines qui n'ont pas pu survivre sur les 30 qui existaient au départ, je pense à une usine de la région de Peace River et une en Ontario. Il y en a certainement d'autres qui connaissent des difficultés, et l'on ne peut pas tout bl'mer sur la subvention européenne, mais notre industrie a déjà fait beaucoup d'efforts. Mais elle doit maintenant faire face à des subventions de ce genre alors qu'elle a déjà subi de grosses pertes dans le passé, l'une d'entre elles étant causée par l'abolition de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest; nous avons abandonné tout cela d'un seul coup. Lorsque l'on dépend des exportations, et que l'on exploite une industrie qui est très rentable, il est très difficile de s'ajuster à une situation nouvelle et maintenant il faut faire face... Nous vivons une époque très difficile.
Il y a aussi les producteurs qui cultivent la terre et préparent les champs pendant trois ou quatre ans pour la luzerne. Ils font tous les travaux des champs. Nous avons soutenu que les producteurs de luzerne auraient dû avoir accès au programme d'aide en cas de catastrophe pour nous aider à survivre. Ils ont tellement investi dans l'équipement et ils sont en train de travailler les champs en ce moment. Ils pourraient montrer leur comptabilité et prouver que leur revenu représente moins de 70 p. 100 de ce qu'il était au cours des trois dernières années, même lorsqu'ils connaissaient déjà des difficultés, comme dans la région de Peace River.
• 1140
Il aurait été très facile au gouvernement de nous aider à
survivre, de préserver un peu mieux notre industrie pendant cette
période en nous donnant accès à ce programme. Ce n'est pas ce qu'il
a fait, nous n'avons pas eu beaucoup d'aide pour passer...
M. Charlie Penson: Je voudrais parler d'une question dont vous avez déjà un peu parlé. Vous avez parlé, je crois, du fait qu'on avait renoncé au droit commercial au cours des négociations initiales, de sorte que l'on a renoncé au recours contre le dumping pourvu que l'agriculture soit comprise dans la ronde de l'Uruguay. Il y a eu ensuite le programme qui a été fixé pour les négociations commerciales de l'an 2000. Je crois comprendre que le droit commercial, comme le dumping et les droits compensateurs, ne s'appliquerait pas pendant cette période. Est-ce bien ce dont vous avez parlé?
M. Garry Benoit: Oui, il y a eu une exemption à l'égard de...
M. Charlie Penson: Je vais simplement préciser certaines choses. Vous avez dit que, si vous aviez bénéficié de cette protection, vous auriez pu prendre des mesures contre certains fournisseurs étrangers qui faisaient du dumping dans les marchés où vous exportiez. Est-ce bien cela?
M. Garry Benoit: Oui. Cela nous aurait donné au moins la possibilité de prendre certains moyens. C'est un cas où l'on pourrait imposer des droits compensateurs. À cause de l'importance des subventions européennes, ces fournisseurs ont durement touché nos débouchés au Japon. Nous aurions eu certains recours ou du moins l'espoir d'en exercer quelques-uns.
M. Charlie Penson: Je peux donc en conclure que si nous n'arrivons pas à obtenir des résultats du côté des subventions, notre comité devrait recommander de mettre fin à la renonciation aux recours commerciaux jusqu'en 2004.
M. Garry Benoit: C'est exact.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Calder.
M. Murray Calder: Merci beaucoup, madame la présidente.
Bonjour, Garry. Je vais poser quelques questions.
Vous mentionnez dans votre troisième remarque au sujet d'une aide à court terme que vous avez besoin d'une aide pour la période de transition. Votre industrie est particulièrement intéressante. Le Comité permanent de l'agriculture a étudié votre industrie. Vous proposez un produit fini, un produit à valeur ajoutée et vous aimeriez qu'il soit considéré comme un produit primaire. Est-ce bien cela?
M. Garry Benoit: C'est un processus complètement intégré, je pense, qui commence par la préparation des champs mais nous allons un peu plus loin et utilisons un processus à valeur ajoutée.
M. Murray Calder: Mais vous voulez tout de même qu'il soit considéré comme une composante fourragère comme les céréales. Vous prenez la luzerne, vous séparez les feuilles des tiges et vous produisez un aliment granulé riche en protéines mais vous voudriez que l'on considère ce produit comme un produit fourrager primaire.
M. Garry Benoit: On l'utilise comme un ingrédient des aliments pour bétail, même si c'est un produit transformé.
M. Murray Calder: Oui. C'est peut-être un peu de là que vient le problème. Ce processus à forte valeur ajoutée comprend une usine de traitement et les producteurs primaires qui l'alimentent mais il arrive aussi que ces producteurs primaires se chargent de la transformation. C'est le problème que nous avons essayé de régler.
Vous dites avoir besoin d'une aide temporaire. À quelle sorte d'aide pensez-vous?
M. Garry Benoit: L'aide la plus évidente aurait pu provenir du programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole.
M. Murray Calder: Le programme ACRA.
M. Garry Benoit: Oui. Nos producteurs cultivent la terre et s'ils ne peuvent prouver que leur revenu a chuté et qu'il représente moins de 70 p. 100 de ce qu'il était les années précédentes, ils ne peuvent bénéficier de ce programme. On aurait pu tout simplement accepter cette catégorie de producteurs.
En fait, il est probable que la plupart de nos usines en Ontario et au Québec ont présenté des demandes. C'est un détail technique qui nous a empêchés d'utiliser ce programme parce que les grandes sécheries de l'Ouest ne déclarent pas de revenu agricole alors que les usines plus petites qui se trouvent en Ontario et au Québec déclarent un revenu agricole, ce qui leur donne le droit de participer à ce programme. C'est une sorte de raison technique.
Je crois qu'avec un peu de créativité et de souplesse... On craignait beaucoup d'ouvrir une autre boîte de Pandore. Je ne pense pas qu'il existe d'autres secteurs qui se trouvent dans une situation comparable à la nôtre et qui aient subi une catastrophe liée au revenu à cause des subventions européennes et toutes ces raisons, la crise asiatique, la dépendance à l'égard des exportations, et le reste.
M. Murray Calder: Cet aspect nous a beaucoup compliqué les choses et je crois que nous essayons encore de voir dans quelle catégorie nous pourrions vous placer.
Lorsque la LTGA a été supprimée, on a distribué 1,6 milliard de dollars aux agriculteurs. Les membres de votre association ont-ils reçu une partie de ces fonds?
M. Garry Benoit: Oui. Ils ont calculé une sorte de moyenne. Cela représentait environ deux à trois ans d'augmentation de leurs frais de transport parce que cela a été versé aux entreprises de transformation. Il y a donc eu une période d'ajustement.
C'est du passé maintenant mais nous avons beaucoup apprécié cette aide. Notre association a déployé beaucoup d'efforts pour être sûre de pouvoir en profiter. Notre cas est tout à fait particulier. Nous sommes toujours obligés de démontrer que notre situation est comparable à celle d'autres catégories et que nous devrions pouvoir profiter de ces programmes. Nous l'avons fait et nous en sommes reconnaissants envers le gouvernement.
M. Murray Calder: Vous avez sans doute utilisé cet argent pour rénover vos installations et améliorer l'efficacité de vos opérations.
M. Garry Benoit: C'est exact. Il s'est fait beaucoup de choses nouvelles, on a élargi les tronçons de chargement pour que l'on puisse accueillir 50 wagons. Nous avons fait ce genre de choses.
M. Murray Calder: La situation est donc que les Européens accordent à leurs entreprises de transformation une subvention de 100 $ la tonne et ils se sont pratiquement emparé des marchés que vous aviez créés au Japon et aux États-Unis. Avez-vous une idée de ce que l'on pourrait faire contre les Européens? Cela me paraît, d'après ce que vous avez dit, une pratique commerciale tout à fait inéquitable.
M. Garry Benoit: Nous avons longtemps cherché un moyen. Gr'ce à ces subventions, ce secteur s'est développé à un rythme extraordinaire. Ces entreprises ont utilisé une période de base qui était exceptionnellement élevée. Ils ont réussi à multiplier par trois leur production gr'ce à ces subventions. Ils ont connu des années exceptionnelles qu'ils ont utilisées comme période de référence. Ils ont effectivement réduit les subventions comme l'exigeait le GATT mais en utilisant des montants qui avaient atteint un niveau ridicule à titre de période de référence. Juridiquement et techniquement, ils ont fait...
M. Murray Calder: En 1993, les Européens ont négocié une clause de report qui me paraît un peu difficile à accepter. Quel effet a-t-elle eu sur votre industrie? En termes simples, cette clause de report permet aux producteurs d'utiliser l'année suivante la subvention qu'ils n'ont pas reçue pour l'année précédente. Ils peuvent même les reporter pendant deux ans. Ils doivent toutefois les utiliser en 1999 et en 2000 parce que nous avons adopté une règle qui les oblige à accepter ces subventions ou à les perdre. Cela pourrait se traduire, si l'on prend le cas du blé, par exemple, par une subvention supplémentaire qui porterait sur 37,8 millions de tonnes. Cela touche-t-il votre industrie?
M. Garry Benoit: Cela ne nous touche pas directement parce que l'entreprise de transformation européenne obtient une subvention fixe quel que soit le prix du marché, jusqu'à un plafond de 4,4 millions de tonnes. Cette entreprise obtient le prix qu'elle peut et elle a droit ensuite à cette subvention. Le système est donc différent et je ne pense pas que cela nous touche.
M. Murray Calder: Très bien. Sur le plan interne, il faudrait donc trouver une meilleure définition de votre industrie pour que nous puissions négocier...
M. Garry Benoit: Nous préférerions que l'on supprime les subventions.
M. Murray Calder: Oui. J'ai bien compris cela.
M. Garry Benoit: Mais que peut-on faire lorsque...
M. Murray Calder: C'est bien là la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement.
M. Garry Benoit: Oui.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Benoit, je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation du comité. S'il apparaît d'autres problèmes dont vous aimeriez parler au comité, n'hésitez pas à nous transmettre d'autres mémoires ou documents. Nous serions heureux de les inclure dans notre rapport. Encore une fois, merci d'être venu et de nous avoir fait part de vos préoccupations.
Mesdames et messieurs, la séance est levée jusqu'à 13 heures.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Très bien, monsieur Murray, êtes-vous prêt?
M. John Murray (membre (Yellowknife), Alternatives North): Est-ce que tout le monde est arrivé?
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Il y a quelqu'un qui arrive en ce moment mais je préfère ne pas attendre parce que vous êtes venu de Yellowknife et c'est un long voyage.
Je vous souhaite la bienvenue. Excusez notre retard mais nous allons vous accorder tout le temps prévu. Au nom du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, je vous souhaite la bienvenue et je suis impatiente d'entendre votre exposé.
M. John Murray: Madame la présidente et honorables membres du comité, honorable public aussi, je vais témoigner devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international pour l'Alternatives North.
Il ne faudrait pas voir dans le débat sur le libre-échange une bataille entre la droite et la gauche. S'il y a effectivement des personnes que l'on qualifie de socialistes qui s'opposent au libre-échange, il y a également des milliardaires très intelligents comme le politicien Ross Perot aux États-Unis et le Britannique sir James Goldsmith qui s'y opposent aussi.
Les anciennes catégories de gauche et de droite ont perdu de leur intérêt à cause des changements profonds qui ont eu lieu au cours de ma vie, la Deuxième Guerre mondiale, et une série pratiquement ininterrompue de guerres, de guerres froides, de querelles ethniques et des guerres de religion. Il y a aussi les risques de catastrophes écologiques que pourraient nous attirer le nucléaire, la destruction de la couche d'ozone, et le réchauffement global. Il y a en outre la destruction de nos économies traditionnelles, de la vie familiale et des cultures traditionnelles par la libéralisation des échanges et par la mondialisation de l'économie.
J'étudie l'histoire depuis longtemps et je suis consterné de voir toutes ces croisades et guerres saintes qui devraient être de l'histoire ancienne mais qui semblent se perpétuer. Ces événements attristants sont venus s'ajouter aux guerres de classes qui ont débouché sur le massacre de kulaks et de nobles, de communards et d'intellectuels.
Ces taches dans notre histoire viennent de la diffusion massive de notions étroites par des personnes que les psychiatres appellent «les bonnes gens», c'est-à-dire les gens qui sont convaincus d'avoir toujours raison. Une bonne partie des maux que le monde a connus depuis ces derniers siècles, ont été causés par des fanatiques qui pensent uniquement en termes économiques. Il y a des formes de capitalisme et de communisme qui se ressemblent beaucoup, dans la mesure où l'économie joue un rôle prépondérant. On mesure souvent l'économie en terme de PIB, parfois de PNB, qui consiste à mesurer ce qui est échangé dans une économie.
Les gens qui vivent en paix à la ferme et qui produisent ce dont ils ont besoin, la mère de famille qui reste chez elle pour s'occuper de ses enfants, la famille autochtone qui pêche et chasse pour ses besoins, n'influencent aucunement le montant du PIB. Ce n'est que lorsque les cultures traditionnelles sont détruites et que les gens échangent leurs produits et leur travail contre de l'argent que ces activités sont considérées comme ayant de la valeur. Même lorsque le producteur primaire obtient peu d'argent, il suffit que les produits soient vendus plusieurs fois avec bénéfices par l'intermédiaire pour qu'ils aient de la valeur pour le PIB.
Je ne dis pas que l'argent n'a aucune utilité mais il est impossible évaluer la prospérité d'un pays ou le bonheur d'une personne en se basant uniquement sur le montant du PIB ou sur le montant des recettes nationales provenant du commerce international.
Supposons, par exemple, que des milliers de mineurs soient mis à pied à cause d'une chute des prix des métaux et que des milliers d'agriculteurs fassent faillite à cause de la chute du prix mondial de leurs produits. Ces personnes vont peut-être être forcées de vendre leur maison, de payer des frais de déménagement et éventuellement accepter des emplois mal payés et de travailler dans des usines ou dans le secteur des services. Ces secteurs vont peut-être prospérer, ce qui est bon pour le PIB et l'économie, si l'on pense en ces termes, mais ce qui est catastrophique pour ces personnes.
Un autre exemple est le fait que les catastrophes qui ont touché des millions de personnes comme le nettoyage ethnique au Rwanda, le démembrement de la Yougoslavie, l'emploi de bombes atomiques, la guerre du Golfe, et toutes les catastrophes environnementales comme celle de Three Mile Island et de Tchernobyl, ou du Love Canal, ont eu un effet positif sur le PIB de certains pays et sur l'économie à cause des déplacements massifs de population et éventuellement, des nouvelles constructions.
On pourrait également affirmer que les forts taux de criminalité profitent énormément aux trafiquants de stupéfiants, donnent des emplois aux entreprises de construction de prison, aux gardiens, aux policiers, aux juges, aux avocats, aux prestataires de services et le reste. Ces façons d'augmenter le PIB ne profitent pas à la plupart des personnes concernées et elles sont souvent mauvaises pour l'environnement, elles détruisent des sociétés entières et même parfois les gouvernements concernés.
• 1315
Dans l'ensemble, la plupart des accords de libre-échange que
l'on prépare actuellement semblent refléter les idées des personnes
qui pensent avoir raison. La plupart des gouvernements des pays les
plus puissants et les plus développés sur le plan économique, comme
les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada, semblent animés d'une
envie irrésistible de conclure l'AMI sans avoir suffisamment
consulté la population. Cette consultation ne devrait pas se
limiter à quelques audiences. Il faudrait informer le public de la
nature et des effets de tous ces systèmes de libre-échange. Que ce
soit les élèves du primaire ou les adultes, toute la population
sera éventuellement touchée par ces accords.
Une fois le public informé des conséquences des diverses formes de libre-échange, notamment par la diffusion d'études effectuées par les ONG, les gens devraient avoir ensuite le droit de faire des choix et de voter. Je crois que la plupart des Canadiens ne veulent pas libéraliser les échanges avec les pays qui persécutent les syndicalistes, les minorités ethniques ou les autres religions ou qui ont tout simplement des gouvernements instables ou dictatoriaux.
Il faut reconnaître que le Canada n'a pas de quoi être très fier de ce qu'il a fait dans le domaine du commerce, lorsqu'il a tout fait pour vendre des réacteurs nucléaires qui peuvent servir à faire de la recherche nucléaire et à produire des armes à des États qui risquent de se faire la guerre, comme l'Inde et le Pakistan, ou à des dictateurs comme en Argentine, en Indonésie, en Roumanie et en Chine. L'idée que le gouvernement ne devrait subventionner que l'industrie de l'armement, et c'est le genre de choses qui est régulièrement demandé dans les accords de libre-échange, est désolante. Et l'idée que l'on devrait assouplir les normes écologiques, les normes en matière de main-d'oeuvre et de droits de la personne pour uniformiser les règles du jeu est également désolante.
J'ai deux suggestions personnelles au sujet des subventions et elles ne correspondent pas aux mentalités que reflètent l'AMI ou l'ALÉNA. Pour l'Arctique de l'Ouest, je propose que l'on utilise de la façon suivante le fonds de 250 millions de dollars qui va servir à restaurer le site de la Giant Mines de Royal Oak's à Yellowknife après sa mise hors service. Les mineurs des Territoires du Nord-Ouest qui risquent d'être mis à pied à cause de la fermeture de la mine devraient suivre des cours en techniques de nettoyage et ensuite il faudrait les encourager à former une coopérative qui se chargerait de nettoyer ce site et d'autres mines en utilisant cette somme de 250 millions de dollars. Deux cent cinquante millions de dollars pour restaurer un site minier ne paraît pas démesuré pour les territoires.
Au Nunavut, les Inuits devraient avoir droit aux mêmes avantages fiscaux que ceux qui sont accordés aux Indiens visés par les traités. On devrait utiliser des fonds pour installer un ou deux médecins dans chaque collectivité, quel que soit le coût de l'opération. Les infirmières devraient être suffisamment rémunérées et il devrait y avoir dans chaque collectivité suffisamment d'infirmières pour que celles-ci soient disposées à y demeurer. Les gens du Nunavut devraient pouvoir suivre des cours qui les prépareraient à tous les emplois qui existent ailleurs au Canada et on devrait leur demander dans quel domaine ils veulent travailler, et leur donner une formation dans ce domaine, dans leur propre collectivité. Après avoir été formés, les Inuits devraient obtenir une exemption d'impôt sur les sociétés, pendant quatre ou cinq ans, s'ils créent une entreprise.
Si vous pensez que cela est trop demander, vous devriez examiner la façon dont les gouvernements fédéral et territorial ont traité les Inuits dans le passé, et bien sûr, c'est la même chose pour les Dénés, les Inuvialuit et les Inuits qui sont aujourd'hui en quelque sorte obligés de rester dans les territoires de l'Ouest.
Je ne voulais pas trop allonger mon mémoire et j'ai joint une liste des articles que j'ai écrit sur des sujets comme le Plan vert, les questions concernant le Nord et les Autochtones, la mine Kiggavik, une mine d'uranium pour le Nord, etc. Si cela vous intéresse, vous pourriez également examiner ces articles.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Si vous pouviez nous remettre un exemplaire, la greffière nous en fournira ensuite des copies. Je m'assurerai que cela se fasse dès son retour.
M. John Murray: Très bien. Voici quelque chose que je vais vous distribuer pour que vous puissiez le consulter. C'est un compte rendu des besoins des Territoires du Nord-Ouest comparativement à nos besoins nationaux: le taux de suicides dans les Territoires du Nord-Ouest est le double de celui du reste du Canada; pendant une période donnée le taux d'homicides commis par un conjoint dans les Territoires du Nord-Ouest était neuf fois plus élevé que dans le reste du Canada. Il y a bien d'autres choses comme cela. Je vous les fais passer. Si vous avez des questions à poser, j'y répondrai avec plaisir.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Voici Christine, notre greffière. M. Murray a de la documentation. C'est un ensemble d'articles qu'il a rédigés.
M. John Murray: Je m'attends à ce que vous ayez des questions à poser.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Effectivement, nous en avons. Je vais lancer la période des questions mais, auparavant, je vous remercie une fois encore, monsieur Murray, d'avoir fait tout ce chemin depuis Yellowknife pour venir nous rencontrer aujourd'hui.
Je pourrais poser les premières questions en disant que l'une des choses que cherche à faire notre comité, c'est d'impliquer la société civile dans notre action. C'est l'une des raisons de notre présence ici. Le ministre Marchi n'a pas manqué d'indiquer que les questions qui touchaient le commerce étaient devenues des questions locales au point où ce que nous faisons et ce que nous mangeons à la table familiale est le résultat de décisions qui sont prises au plan international, et il est donc temps aujourd'hui d'impliquer la société et de récupérer le pouvoir de décision chez nous. Cela fait partie de notre action ici aujourd'hui.
Vous nous dites en fait dans votre document que la consultation ne devrait pas se limiter à quelques audiences. Pouvez-vous vous expliquer davantage? Comment peut-on faire participer les gens? Vous avez dit entre autres qu'il fallait prendre en compte les informations diffusées par les ONG. C'est quelque chose que l'on nous a dit bien clairement à Vancouver, où l'on a parlé de la nécessité de faire des recherches indépendantes. Nous avons reçu aujourd'hui des universitaires, qui ont fait état de recherches. L'une des questions que l'on se pose, c'est comment s'assurer que ces recherches sont indépendantes? Avez-vous d'autres idées précises concernant la façon dont on peut faire participer plus utilement la société civile?
L'une des choses dont nous sommes fiers—et je sais que tout le monde n'a pas accès à l'Internet—c'est la publication des documents de discussions sur Internet. Nous espérons pouvoir sensibiliser le public et lui permettre de consulter un guide du citoyen sur l'Organisation mondiale du commerce pour que les gens se familiarisent avec la chose. Il ne s'agit pas de s'informer auprès des médias, mais de s'informer en lisant une petite brochure. Je pense donc que l'on avance dans la voie que vous préconisez, mais j'aimerais que vous nous donniez des précisions parce que je considère que c'est le point essentiel. Comment s'assurer de l'efficacité des consultations et nous donner les moyens d'apprendre en n'oubliant pas que notre temps et nos ressources sont limités?
M. John Murray: Pour ce qui est des ressources, je dirais que les conséquences éventuelles du libre-échange sur le Canada impliquent des coûts et des ressources bien supérieurs à tout ce que l'on pourrait dépenser en organisant des audiences et en sensibilisant le public à la question. Personnellement, j'ai enseigné épisodiquement pendant 23 ans, à tous les niveaux, de la maternelle à la 12e année, sans compter l'enseignement pour les adultes—toutes sortes de cours. J'ai suivi des centaines de cours dispensés par d'autres et je connais très bien le mécanisme de l'enseignement. La meilleure façon de faire comprendre les choses, ce n'est pas nécessairement en recourant à l'Internet.
Prenons le cas de la plupart des Autochtones dans le Nord, ils ne vont pas avoir l'Internet et il est probable que ce que l'on va y mettre, notamment en ce qui concerne les organismes gouvernementaux, sera formulé d'une manière qu'ils ne pourront pas comprendre. Je dirai qu'il vous faut peut-être subventionner un programme scolaire, y compris à l'école élémentaire et secondaire, par exemple, et consacrer des crédits supplémentaires à des cours visant à familiariser le public en général avec les notions d'économie contemporaine, le libre-échange, etc.
C'est incroyable, ce que peut ignorer le public. Je suis sûr qu'il y a bien des gens dans les territoires, et j'en ai rencontrés un grand nombre, qui ne savent pas vraiment quelle est la différence entre le gouvernement municipal, le gouvernement territorial et le gouvernement fédéral. Certains d'entre, lorsqu'ils vont voter, ne savent même pas vraiment pour qui ils votent, si c'est pour la constitution du gouvernement fédéral, du gouvernement du territoire ou pour toute autre chose.
Je pense qu'il faudrait que les gens en sachent bien davantage au sujet des gouvernements. Il faut qu'ils comprennent bien mieux l'économie, l'environnement, le libre-échange. Le commun des mortels dans les territoires reçoit tout simplement trop peu d'information.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je ne veux pas monopoliser les questions ici, mais je pense entre autres à ce dont vous nous parlez au sujet des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut et je me demande si vous voyez un quelconque avantage à se servir de ces accords que nous sommes en train de passer pour promouvoir la diffusion dans le reste du monde des produits du Nord et de l'Arctique, des produits qui viennent des peuples autochtones? Est-ce que selon vous nous pourrions nous servir de ces accords pour faire connaître au monde tout ce qu'il y a de merveilleux dans le Nord?
M. John Murray: Je pense que les ententes économiques, comme le libre-échange et la mondialisation sont devenues bien trop vastes comparativement aux besoins des Autochtones.
J'ai connu suffisamment de collectivités autochtones dans l'est comme dans l'ouest de l'Arctique et j'ai par ailleurs vécu dans des réserves indiennes du nord de l'Ontario et autres, dans de petites localités autochtones partout au pays. Les Autochtones des territoires n'ont pas besoin d'un grand accord international, mais d'un véritable encouragement à prendre part à la vie économique canadienne. Ils ont été complètement laissés de côté. Les politiciens et les économistes aiment à évoquer des règles du jeu qui sont les mêmes pour tous. Ces gens sont loin de pouvoir jouer le même jeu; ils ne sont même pas sur le terrain. Voilà un siècle qu'ils sont tenus à l'écart sur le plan économique. L'enseignement que leur a dispensé le gouvernement a été aberrant. Il a éloigné les gens des écoles. Bien des habitants de l'est de l'Arctique n'ont pas été plus loin que la 5e ou la 6e année étant donné les nombreux abus qui ont été commis dans les écoles résidentielles, ce qui fait que l'on n'a pas poussé les enfants à aller à l'école.
En grande partie, l'amélioration du niveau d'instruction dont on parle aujourd'hui est artificielle: il s'agit de parquer un peu plus d'enfants dans les écoles. Toutefois, ils ne reçoivent pas une instruction correspondant aux niveaux qu'ils devraient atteindre. Ils ne bénéficient pas d'un enseignement qui tienne compte de leur situation. On ne consacre pas suffisamment de crédits à l'enseignement dans les langues autochtones—nootka et déné; slave.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Calder, vous avez une observation à faire.
M. Murray Calder: John, vous êtes un enseignant. Je crois comprendre que dans le système d'enseignement du Nunavut on a prévu qu'au minimum pendant les quatre premières années à peu près—et ça se poursuit plus tard—l'enseignement est dispensé principalement dans la langue inuite pour ne pas qu'elle se perde et pour protéger le patrimoine des enfants. J'ai raison en disant cela?
M. John Murray: Oui, c'est ce que l'on a entrepris mais, d'une certaine façon, ça reste insuffisant. Les enseignants inuits ne sont pas suffisamment bien payés.
J'ai rencontré certains enseignants qui donnent des cours d'artisanat traditionnel dans les écoles. Ils sont bien moins payés que la plupart des enseignants non autochtones parce que la plupart d'entre eux n'ont pas encore fait suffisamment d'études. Il s'agit donc en fait de consacrer suffisamment de crédits à l'enseignement des Inuits pour qu'ils puissent ensuite apprendre aux autres. Sinon, ils se retrouvent tout simplement tout en bas de l'échelle salariale et n'ont pas une formation suffisante pour donner des cours aux autres.
M. Murray Calder: Sans vouloir qu'ils perdent leur patrimoine ancestral ou qu'ils oublient leur histoire, ne vont-ils pas se placer dans une situation d'infériorité s'ils s'obligent à parler inuit pendant les quatre premières années au minimum? Combien d'autres pays, dans le monde des affaires, vont utiliser à la base la langue inuite? Est-ce que cela ne va pas les désavantager?
M. John Murray: On pourrait le penser, mais je ne le crois pas si l'on fait bien les choses. Dans la plupart des petites localités, la langue parlée à la base, c'est la langue autochtone, qu'il s'agisse de l'une des langues dénées ou des langues inuites. Par conséquent, lorsqu'ils vont à l'école, le choc culturel est généralement trop grand s'ils doivent abandonner soudainement la langue autochtone pour ne plus parler qu'anglais.
Je pense qu'un certain nombre d'expériences faites par Sylvia Ashton-Warner et d'autres chercheurs en Nouvelle-Zélande, par exemple, auprès des Maoris, semblent indiquer que les Autochtones s'en sortent bien mieux s'ils reçoivent un enseignement dans leur propre langue pendant les premières années d'école pour que les parents et les anciens qui ne parlent pas très bien anglais au sein de la collectivité puissent être en quelque sorte en communication avec les enfants. Par la suite, lorsqu'ils prennent de l”ge et qu'on leur enseigne les mêmes matières, les mathématiques et tout le reste, ils ont la possibilité de pratiquer davantage l'anglais et d'autres langues.
M. Murray Calder: C'est exactement ce que je dis. Si au départ ils parlent la langue inuite et si au plan international c'est l'anglais qui a cours, je dirais qu'ils sont immédiatement désavantagés.
M. John Murray: Pensez à un autre groupe qui était dans cette situation il n'y a pas si longtemps, je l'ai connu. Les Québécois étaient véritablement désavantagés comparativement au reste du Canada. Les revenus avaient tendance à être inférieurs, par exemple. Il n'y avait pas suffisamment de Québécois dans les professions libérales. Ils ont pris un certain nombre de mesures pour s'en sortir et de manière générale nombre de Québécois s'assurent d'apprendre au départ leur propre langue. Même si ce n'est plus la langue qui prédomine en Amérique du Nord, en Amérique du Sud ou en Europe, ils veulent que leurs enfants apprennent leur propre langue pour maintenir leur culture, après quoi il est bon bien sûr qu'ils s'intéressent aux autres grandes langues.
M. Murray Calder: Avouez cependant que lorsque vous comparez la langue inuite au français ou à l'anglais, vous poussez le bouchon un peu loin.
M. John Murray: Effectivement.
M. Murray Calder: Parce qu'au Nunavut, s'il n'y avait pas l'argent du gouvernement, qui représente entre 80 et 90 p. 100 de l'économie, il n'y aurait pas 25 000 personnes dans la région et la population serait revenue à son niveau historique, soit aux alentours de 2 000 ou 3 000 personnes.
M. John Murray: C'était peut-être un peu plus que cela. Toutefois, il faut en convenir: la plupart des gens ici ne sont pas des immigrants; ce sont des Inuits.
M. Murray Calder: C'est exact, ce sont des Autochtones.
M. John Murray: Quatre-vingt-cinq pour cent des gens ici sont des Inuits et ils seraient donc là de toute façon. Parlez à ces gens, j'ai bien du mal à comprendre, et il en va probablement de même pour vous, à quel point ils sont attachés à leur collectivité. J'ai parlé récemment à un certain nombre de gens de Keewatin, et ils sont terriblement attachés à leur localité. Nombre d'entre eux détestent s'en éloigner pendant plus de quelques mois. Ils n'ont pas vraiment envie, par exemple, de trouver un travail ailleurs.
Ça va être très difficile. De la façon dont je vois les choses, si le gouvernement fédéral ne veut pas avoir à verser des milliards de dollars en assistance sociale au Nunavut au cours des 100 prochaines années, il lui faudra veiller à ce que ces gens reçoivent véritablement une bonne instruction. Je crois qu'ils ont davantage besoin d'instruction que d'emploi, même si cela nous oblige à doubler les crédits que nous leur versons actuellement pendant, disons, cinq ou dix années.
À long terme, tout le monde au Canada se portera mieux si les Inuits, et certains Dénés aussi, font de bien meilleures études et obtiennent une qualification qu'ils voudront et qu'ils pourront utiliser au sein de leur propre collectivité. J'ai vu des localités où le taux de chômage était de l'ordre de 75 p. 100 et l'on voit constamment arriver des menuisiers, des plombiers et toutes sortes d'autres personnes non autochtones qui se chargent du travail à faire dans ces localités parce que la population d'ici n'a pas la formation nécessaire. Elle n'a pas non plus envie de s'éloigner de chez elle pour recevoir cette formation.
M. Murray Calder: On en revient à la question fondamentale qui est de savoir si les Inuits veulent s'assimiler à l'ensemble du Canada. Ceux qui l'ont fait s'en sont très bien sortis. Les autres... Nous savons déjà quel a été leur sort.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Excusez-moi, monsieur Sauvageau, d'avoir sauté votre tour.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Je suis un peu abasourdi. On a déjà cité des propos d'une de mes collègues lors d'une séance de comité dans l'Est. Je ne sais pas si ceux-là vont sortir, mais comme propos paternalistes et mesquins, j'ai rarement entendu pire.
Avec tout le respect que je dois à mon collègue Calder, je pense qu'au tout début de notre histoire, ils n'étaient pas 2 000 dans le Nord. Ils étaient un peu plus nombreux que cela. Après avoir fait une visite avec le Comité des affaires étrangères au cercle polaire et vu les conditions de vie de ces gens-là, on ne peut pas penser qu'il y en a 23 000 qui sont allés là-haut pour se faire payer de l'assurance-chômage par le gouvernement fédéral. Affirmer une telle chose en comité... Vous avez dit qu'ils étaient 2 000 et qu'ils sont maintenant 23 000, et que 90 p. 100 du budget vient du fédéral. Qu'est-ce que cela veut dire? Un et un font deux. On n'a qu'à comprendre ce que vous avez dit, et c'est à peu près cela.
Cela dit, je ne partage pas cette opinion et je vais passer à autre chose. Et il ne faut pas oublier qu'on a fait là un véritable dépotoir. Comment appelle-t-on les gros radars qu'on a mis en haut? Vous pouvez peut-être m'aider, monsieur Murray, vous qui êtes dans le Nord. Des dépotoirs ont été installés tout autour de cela pour les résidus des armées canadienne et américaine. Ce n'est pas juste des humains qu'on envoie au nord du 60e parallèle. On y envoie aussi des cochonneries, monsieur Calder. Les gens qui sont là-haut vivent selon leur histoire, selon leur évolution et selon leur mentalité. Je pense qu'on leur doit le respect et qu'on doit voir à les éduquer de la première à la quatrième année non pas dans la langue de la supériorité, mais dans la langue de leur histoire. Si l'anglais est la langue de la supériorité, il y a beaucoup d'infériorité au Canada, monsieur Calder. Je m'excuse.
• 1335
Cela dit, on a fait un rapport sur le
circumpolaire il y a deux ou trois ans, après une longue
visite dans vos communautés. On a constaté le
problème de revenus de ces communautés et on a
fait plusieurs recommandations en vue d'améliorer le
commerce entre les populations circumpolaires, entre
autres au niveau de la
construction, si ma mémoire m'est fidèle.
Vous avez
en matière de construction et d'infrastructures
une certaine expertise qu'on n'a pas plus dans le Sud.
Je voudrais savoir si vous avez entendu parler de ce rapport sur le circumpolaire, sur les pays partageant le 60e parallèle. Comment a-t-il été reçu dans votre communauté? Quand j'ai demandé la parole, j'avais l'intention d'intervenir sur un ton humoristique, mais j'ai changé d'avis après avoir entendu les recommandations. Je voulais intervenir en disant que vous demandez au gouvernement d'informer et d'éduquer la population, mais que la population a aussi son mot à dire là-dedans. Elle doit se montrer intéressée. Je fais une petite blague qui m'est inspirée par mon collègue de droite. Vous dites que souvent les gens ne connaissent pas la différence entre le fédéral, le provincial et le territorial. Vous m'avez peut-être éclairé. Je me demandais pourquoi les libéraux avaient été élus, et vous avez répondu à ma question. Merci.
C'est une plaisanterie. Je les respecte beaucoup.
[Traduction]
Des voix: Oh, oh!
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Murray, est-ce que vous voulez répondre?
M. John Murray: Oui, bien sûr.
Je ne suis pas très au courant des dernières conclusions de la Conférence circumpolaire, parce que je n'ai pas assisté aux réunions. Généralement, ce ne sont que les Autochtones des territoires qui s'y rendent.
Je suis assez d'accord avec les propos de M. Sauvageau. Il apparaît à certaines personnes que la population autochtone augmente beaucoup. Les choses que l'on me dit, les propos des non-Autochtones, ont de quoi horrifier. Certains d'entre eux sont en plus censés être de gauche. Ils nous disent: «Oh!, ce taux de natalité, c'est une véritable bombe à retardement, la population autochtone augmente tellement.»
Dans le livre Eco-Wars on nous dit que lorsque les Européens sont arrivés en Amérique, il y avait quelque 50 millions d'Autochtones et que la plupart d'entre eux ont été exterminés d'une façon ou d'une autre, bien souvent de manière délibérée. Souvent, c'était dû aux maladies, avec les nouvelles maladies qui ont été introduites. Le relevé des sites archéologiques nous montre qu'il y avait d'immenses villes dans toute l'Amérique du Nord, même dans des régions comme la Louisiane, le Mississippi, le Kansas, etc. Il y avait des villes occupant plusieurs milles carrées, par exemple, sans parler de l'Amérique centrale, des Aztèques, des Mayas, etc.
La plupart de ces peuples ont été exterminés lors de l'invasion européenne. On peut parler d'holocauste. Le premier véritable holocauste a été l'extermination des peuples autochtones d'Amérique par les maladies, la mise en esclavage dans les mines, les très mauvais traitements, sans compter les simples guerres, qui ont elles aussi joué un rôle.
Les choses étant ce qu'elles sont, 50 millions de personnes réussissaient à vivre avant que nous n'arrivions et, si nous n'étions pas venus, elles continueraient à vivre très bien. Leur nombre aurait probablement augmenté et elles auraient peut-être atteint un plus haut degré de civilisation que celui qui était le leur. Toutefois, on les a fait considérablement régresser. Dans certaines collectivités des Territoires du Nord-Ouest, comme dans le delta du Mackenzie, entre 80 et 90 p. 100 des habitants ont été exterminés au XXe siècle par des maladies telles que les épidémies de variole. Des tribus entières ont été littéralement rayées de la carte, ce qui a fait disparaître toute une partie de leur culture et de leur société. Leurs chamans, leurs chefs, leurs anciens et bien d'autres personnes en sont morts et il a été difficile de tout reconstituer.
Donc, ne serait-ce qu'au nom de la justice, nous devrions veiller à ce que... J'ai parlé essentiellement du Nunavut, mais les Dénés et les Métis des territoires de l'Ouest ont besoin du même type d'aide.
• 1340
On a fait certaines choses. Vous pourriez constater qu'une
bonne part des crédits fédéraux accordés aux territoires ont été
mal utilisés. C'est comme dans un filtre à café où ce qui est
précieux, c'est le grain moulu. L'écoulement se fait lentement et
l'on en a juste le goût au fond de la cafetière alors que le grain
moulu reste en haut dans le filtre.
Je dirai que je n'ai jamais vu une ville dans laquelle il y autant de cliques qu'à Yellowknife, chacun cherchant à mettre la main dans la poche de son voisin. Vous pourriez verser 10 milliards de dollars de plus aux territoires qu'à l'heure actuelle, si vous les donnez aux gens qui les ont administrés par le passé sans vérifier avec soin ce qu'ils en font, ils resteront toujours aussi mal utilisés.
On peut voir des systèmes scolaires dans certaines des villes les mieux administrées de l'Ouest, comparativement à ce qui se passe dans l'est de l'Arctique, où la situation est tout simplement catastrophique.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: C'est le problème. Quelle est la solution?
[Traduction]
M. John Murray: Quelle est la solution? Je dirais que si vous donnez de l'argent aux territoires, assurez-vous qu'il aboutit entre les mains de ceux qui en ont besoin.
Je pense immédiatement à une façon dont le gouvernement fédéral pourrait augmenter les revenus d'un grand nombre de gens pauvres. Vous avez entendu parler des rangers? Ce sont les membres des groupes autochtones qui reçoivent des fusils et des munitions et un très faible salaire pour constituer l'amorce d'une armée dans le Nord, pour des raisons de souveraineté et autres. Il suffirait de tripler leur salaire pour que cela profite dans l'ensemble aux pauvres.
Ne vous adressez pas aux comités des hôpitaux; parlez aux infirmières et aux médecins et demandez-leur pour quelle raison ils ne veulent pas rester dans des petites localités comme Baker Lake, Chesterfield, etc. Si vous voyiez ces localités, c'est tout simplement horrible. Celui qui tombe vraiment malade lorsqu'il y a une tempête de neige, ce qui fait qu'un avion ne peut pas se poser pendant une ou deux semaines, s'il a besoin par exemple d'une opération cardiaque ou s'il a fait une attaque ou quelque chose de ce genre, que va-t-il lui arriver? Il n'aura au maximum qu'une ou deux infirmières pour le soigner.
Une demi-douzaine au moins de localités de la région de Keewatin devraient avoir un médecin et n'en ont pas. Un médecin viendra peut-être leur rendre visite une fois par mois et dans certains cas ce sera chaque fois un médecin différent. Le roulement des infirmières est constant. J'ai parlé à bon nombre d'infirmières, et les conditions qui règnent dans la plupart des localités sont trop difficiles pour qu'elles y restent.
Pour ce qui est des soins de santé, on est donc au niveau du tiers monde ou même pire. Je suis sûr qu'il est bien plus facile de voyager par la route dans la plupart des régions de l'Inde ou de la Chine. Dans l'est de l'Arctique, l'isolement est complet, tout se fait par avion. La plupart des frais médicaux résultent du transport par avion des malades, pour qu'ils puissent aller voir les médecins plutôt que de faire venir par avion les médecins, les infirmières, etc. dans les localités.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Murray et monsieur Sauvageau.
Il ne nous reste malheureusement plus de temps. Merci encore d'avoir pris le temps de venir par avion de Yellowknife pour vous adresser au comité. Nous vous en sommes très reconnaissants. Si vous avez d'autres préoccupations à nous faire connaître, n'hésitez pas à les faire parvenir à la greffière, qui nous les communiquera.
Merci beaucoup, monsieur Murray.
M. John Murray: Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vais maintenant donner la parole à Jan Slomp et à George Calvin, qui représentent le Syndicat national des cultivateurs.
Bienvenue devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je crois savoir que vous représentez ici le Syndicat national des cultivateurs. Vous pouvez commencer et nous passerons ensuite aux questions. Nous vous avons alloué une demi-heure.
Ah, oui. Quelqu'un vient de me rappeler que nous avons vu hier à Vancouver le président du Syndicat national des cultivateurs.
Mettez-vous à l'aise.
M. Jan Slomp (directeur de district, Syndicat national des cultivateurs): Merci, madame la présidente.
Je remercie les membres du comité. Je m'appelle Jan Slomp. J'ai émigré d'Europe il y a dix ans avec ma famille en provenance d'Europe pour installer une exploitation laitière dans le centre de l'Alberta. Nous sommes tout à fait heureux d'habiter et de travailler depuis lors au Canada. Notre exploitation, qui compte plus de 80 vaches laitières, fournit du travail et un revenu décent à deux familles.
• 1345
Le système canadien de régulation de l'offre a donné de bons
résultats dans l'ouest comme dans l'est du Canada. Le rendement
raisonnable de la main-d'oeuvre et des investissements nous confère
l'obligation de produire aussi nos quotas quotidiens lorsqu'il est
plus difficile de le faire. Lorsque la production est plus facile
à obtenir, les rendements raisonnables nous obligent à limiter la
production en fonction des normes exigées par le consommateur.
Notre système ne nous oblige pas à faire appel aux contribuables
pour éliminer les excédents, contrairement à ce qui se passe aux
États-Unis ou dans la communauté européenne. Les secteurs dans
lesquelles on pratique la régulation de l'offre n'ont pas besoin
non plus de programmes de compensation des revenus en cas de
catastrophe.
Notre système canadien de régulation de l'offre va être attaqué lors du prochain cycle de négociations de l'OMC. Je demande instamment aux négociateurs commerciaux canadiens de protéger et de défendre véritablement la régulation de l'offre telle que nous la connaissons. Aucune modification du système ne devrait être négociée sans qu'au préalable on ait consulté comme il se doit les secteurs concernés par la régulation de l'offre.
De manière générale, j'invite fortement votre comité à bien prendre acte de la présentation faite par le SNC hier, je crois, à Vancouver, au sujet des répercussions des négociations de l'OMC et de la FTAA sur le bon fonctionnement des organismes de mise en marché, des filets de sécurité et des programmes s'appliquant aux agriculteurs.
Je conclurai sur un certain nombre de questions et de commentaires susceptibles de vous aider à déterminer quels doivent être vos objectifs lors des négociations commerciales. Que gagne le Canada lorsqu'il double ses exportations dans le secteur agroalimentaire tout en laissant à ses producteurs agricoles un revenu agricole net réalisé inférieur de 19 p. 100 à ce qu'il était y a dix ans dans l'ensemble des secteurs? Certains secteurs sont en fait très au-dessous de ce chiffre.
Savez-vous que l'État de la Californie dispose pour le lait d'un système de régulation de l'offre très semblable à celui de l'Alberta? Ce système ne porte pas le nom de régulation de l'offre et lorsqu'on parle ici de «quotas», on parle là-bas de «regroupements». Le mécanisme des prix est toutefois le calque, ou pratiquement le calque, de notre système canadien. La plupart des États des États-Unis envisagent l'adoption de ce système.
Savez-vous que le Canada importe 4 p. 100 de produits laitiers étrangers, contre trois pour cent pour les États-Unis et 2,7 p. 100 pour la communauté européenne? La politique d'autosuffisance alimentaire de la Chine est le pilier de son développement rural durable. Sa production agricole a augmenté de 6,7 p. 100 par an au cours des 20 dernières années. Elle suit la progression de la demande nationale. Au cours des 10 dernières années, les importations de produits agroalimentaires ont par ailleurs doublé au Canada. Pourquoi abandonner des marchés intérieurs stables et rémunérateurs pour rechercher des débouchés fluctuants et dont le rendement est limité à l'étranger? Quels sont les intérêts que nous servons?
Je vous remercie.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Calvin, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. George Calvin (directeur de district, Syndicat national des cultivateurs): Oui, mais je n'ai pas de rapport écrit.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Très bien. Vous n'avez pas à rédiger un rapport par écrit. N'hésitez pas à nous le présenter plus tard si vous le souhaitez. Même lorsque vous avez un rapport par écrit, nous préférons parfois que vous en dégagiez les grandes lignes et les principales recommandations en détachant le message que vous voulez que nous transmettions à Ottawa.
Monsieur Calvin, vous avez la parole.
M. George Calvin: Très bien.
Avant d'arriver ici aujourd'hui, nous avions l'impression que nous ne disposions à nous deux que de dix minutes, de sorte que nous avons plus de temps que prévu.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui, effectivement.
M. George Calvin: C'est une très bonne chose.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous voulons aussi que vous nous laissiez du temps pour poser des questions parce que nous considérons que c'est ce qui donne les meilleurs résultats.
M. George Calvin: C'est très bien.
Je veux que le comité comprenne bien que nous devons protéger notre système de réglementation de la mise en marché, nos secteurs dans lesquelles nous appliquons la régulation de l'offre, ainsi que la Commission canadienne du blé. Nous ne pouvons pas abandonner ces mécanismes et espérer pouvoir concurrencer les grandes entreprises du monde entier. Prenons le cas de l'Ontario. On nous dit que les agriculteurs de l'Ontario peuvent acheminer des céréales de l'autre côté de la frontière quand ils le veulent. C'est ce que nous disent les gens qui veulent se débarrasser de la Commission du blé, et nous savons que ce n'est pas vrai.
• 1350
La Commission du blé de l'Ontario est un système à guichet
unique, de même que la Commission canadienne du blé, qu'il nous
faut conserver. Les agriculteurs de chez nous qui pensent pouvoir
se débarrasser de la Commission du blé et rester concurrentiels se
bercent d'illusions, j'en ai bien peur. Ce sont les agriculteurs
des États-Unis qui veulent faire entrer des céréales au Canada pour
les commercialiser par l'intermédiaire de la Commission du blé. Il
y a des agriculteurs aux États-Unis qui réclament un système
semblable à celui de notre Commission canadienne du blé. Les
agriculteurs des États-Unis nous ont dit: «Si nous avions un
système comme le vôtre, nous pourrions consacrer plus de temps à
l'agriculture.»
Je vais vous citer les propos de Mme Ur qui, je crois, est députée du sud de l'Ontario. Je lui ai parlé à Calgary lorsque le Comité permanent sur l'agriculture et l'agroalimentaire s'y est présenté, et voici ce qu'elle m'a dit. Si je me souviens bien, avec son mari elle faisait pousser du tabac, ils ont abandonné cette production pour se lancer dans une exploitation relevant du jardinage. Je la cite: «Nous avons un office de commercialisation. Nous n'aurions pas le temps de nous charger nous-mêmes de la commercialisation.» Il en est de même ici.
Les grosses sociétés des États-Unis veulent détruire la Commission du blé parce qu'elle les empêche de faire des profits. Nous devons donc chercher à la protéger.
Jan a parlé des exportations. De 1975 à aujourd'hui, nos exportations de produits à valeur ajoutée ont été multipliés par cinq et demi. Au cours de cette période, les revenus agricoles ont diminué de 25 p. 100.
Lors des négociations, nous ne voulons pas que le gouvernement fédéral abandonne notre système de réglementation de la commercialisation pour pouvoir obtenir des débouchés dans d'autres pays afin de vendre sur des marchés peu rémunérateurs. Cela ne fera que nous causer un préjudice. Nous devons passer plus de temps à approvisionner nos marchés ici au Canada, où les prix sont plus élevés. Nous ne voulons pas que l'on nous enlève nos meilleurs outils.
Je tiens aussi à mentionner le rapport Estey. Ce rapport préconise entre autres que l'on supprime le plafonnement du fret s'appliquant au transport des céréales. Ce serait une erreur. Le coût du transport des céréales était appelé à baisser au cours des six prochaines années, je pense que le montant était de 40 millions de dollars, mais aucun contrôle n'était prévu après six ans. Je suis inquiet. Je n'aimerais pas que l'on donne toute liberté aux sociétés de chemin de fer, parce qu'il n'est pas facile de traiter avec elles.
J'ai une ligne de chemin de fer qui traverse mon exploitation agricole et j'ai voulu un jour négocier avec la compagnie au sujet de l'emprise. Il y a des mauvaises herbes et la barrière le long de la ligne de chemin de fer est en ruine. J'ai voulu enlever cette barrière et dégager toute une bande parce qu'il arrive que les trains allument des incendies. C'est arrivé à deux reprises dans ma ferme. Après un échange de lettres, j'ai dû abandonner, complètement découragé. La barrière est toujours là. Heureusement, il n'y a pas eu d'incendie récemment.
Vous avez une brochure du comté d'Athabasca. Je l'ai reçue par la poste hier et elle décrit très bien la situation. J'ai décidé de l'inclure dans le dossier pour votre information.
• 1355
Je ne vois pas beaucoup d'autres choses à dire. Ah oui, il y
a aussi cette disposition du rapport Estey. Estey a recommandé que
l'on écarte la Commission canadienne du blé du transport jusqu'aux
ports, que la Commission canadienne du blé ne s'occupe plus de
faire transporter les céréales jusqu'aux ports. Ce serait une
erreur, entre autres parce que les gains supplémentaires tirés
éventuellement du mélange des différentes qualités sur place dans
les Prairies iraient alors aux entreprises de commercialisation des
céréales et aux sociétés de chemin de fer, et non pas aux
agriculteurs. Il faut que la Commission du blé continue à
intervenir à la sortie de la ferme.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Calvin et merci encore, monsieur Slomp.
Nous allons passer aux questions. Monsieur Penson, vous avez la parole.
M. Charlie Penson: Je vous remercie.
Je remercie les témoins d'être venus ici. J'étais lundi aux séances du comité à Winnipeg pendant que le reste des membres de ce groupe se trouvait à Vancouver et je n'ai donc pas assisté à l'exposé du SNC de Vancouver mais à celui de Winnipeg.
J'ai déjà entendu cet argument, monsieur Calvin, selon lequel les exportations augmentent dans le secteur de l'agriculture alors que les profits diminuent. Je viens moi-même de ce milieu et je sais bien de quoi vous parlez. Il m'a semblé toutefois qu'à Winnipeg les intervenants alléguaient que l'accord commercial, qui avait soumis l'agriculture aux règles commerciales arrêtées lors du cycle d'Uruguay, n'avait en fait absolument pas été profitable à l'agriculture. Je pense qu'on en vient à cette conclusion lorsqu'on examine les revenus agricoles nets.
Étant donné que l'agriculture a été soumise aux règles du commerce pour la première fois en 1993 ou en 1994 lors du cycle d'Uruguay et qu'elle ne l'avait jamais été auparavant, on a convenu à l'époque que l'on ne pourrait pas réaliser beaucoup de choses lors d'une première étape mais que c'était un début permettant de mettre en place des règles commerciales en matière agricole et d'essayer de réduire progressivement les droits de douane et les subventions dans le monde entier, pour que les Canadiens puissent mieux exercer leur concurrence en fonction de leur production et bénéficier de certains avantages comparatifs plutôt que d'avoir à concurrencer le Trésor public d'autres pays et d'autres ensembles commerciaux, tels que l'Union européenne ou les États-Unis.
J'avancerai donc que l'on n'en a pas retiré tous les bénéfices parce que la réduction des subventions et des droits de douane n'a été que d'environ 15 p. 100 au cours de ces six premières années. De plus, on est parti de très haut en se fondant sur l'année 1986, date à laquelle les subventions n'ont jamais été aussi élevées dans le monde, à mon avis. Toutefois, on avait de l'espoir et on s'attendait à ce qu'une fois entamé le cycle suivant, qui doit intervenir l'année prochaine, des progrès significatifs pourraient être réalisés.
Si donc nous sommes d'accord pour dire que l'on n'en a pas retiré les bénéfices, le potentiel est énorme. Notre comité a entendu par exemple de nombreux producteurs de céréales, d'oléagineux et de viande de boeuf qui veulent obtenir une réduction des subventions et des droits de douane dans le monde et bénéficier de meilleurs débouchés pour leurs produits. Qu'avez-vous à répondre à ma question?
M. George Calvin: Eh bien, je ne sais pas si je vais pouvoir vous donner la réponse que vous attendez ou si j'ai bien compris mais...
M. Charlie Penson: Donnez-moi simplement votre réponse.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui, n'hésitez pas à donner votre avis. Ce sont les règles du jeu.
M. George Calvin: Bon, très bien.
Pour ce qui est de la viande de boeuf, oui, je sais qu'il y a des gens qui veulent se débarrasser des subventions, mais il me semble que si nous le faisons au Canada, ni les États-Unis, ni le marché commun européen, n'en feront autant. Aux États-Unis, les agriculteurs sont subventionnés bien plus qu'ici avec des méthodes différentes. Il en est de même en Europe. C'est l'une des choses qui nous inquiète.
Les producteurs de bétail veulent se débarrasser des subventions, mais quand ils en voient une, ils se précipitent dessus comme tout le monde. Il y a eu un programme donc j'ai oublié le nom. Je ne sais plus qui m'a donné ce renseignement, mais je sais qu'il est exact sinon je ne vous en parlerais pas. Il y a des producteurs de bétail qui ont retiré jusqu'à 100 000 $ de ce programme. En effet, ils apprécient eux aussi les subventions.
C'est donc une question difficile à régler. Il faut bien nous assurer que nous sommes protégés parce que nous ne sommes qu'une petite minorité au sein de la population du Canada, c'est de l'ordre de 3 ou 4 p. 100.
M. Charlie Penson: Bon, très bien, je ne pense pas qu'il y ait de désaccord jusqu'à maintenant.
M. George Calvin: Non.
M. Charlie Penson: Si d'autres pays versent de grosses subventions et ne veulent pas coopérer, la question n'est pas facile à régler. Toutefois, ne serait-il pas mieux pour le Canada, qui possède un grand territoire et où il faut parcourir de longues distances pour aller jusqu'aux ports, d'exercer sa concurrence en fonction de sa production plutôt que de recourir aux subventions telles qu'elles existent dans d'autres pays?
M. George Calvin: Oui, peut-être. Je ne suis pas nécessairement contre.
M. Jan Slomp: Accepter l'idée que l'on peut en finir avec les subventions versées à l'agriculture dans d'autres pays du monde et donner l'exemple au Canada avec de faibles subventions... Je pense que les subventions versées à l'agriculture par le Canada sont inférieures à celles de la Turquie. Nous donnons vraiment l'exemple au monde pour ce qui est de la faiblesse des subventions versées à l'agriculture.
Si vous croyez cependant que l'Europe et les États-Unis vont suivre, vous vous bercez d'illusions, j'en ai bien peur. J'ai dix amis au moins qui exercent des activités agricoles en Europe. Ils sont révoltés parce que leurs prix baissent du fait de la nécessité de respecter les règles de l'OMC, et les subventions versées directement augmentent.
Ces agriculteurs travaillent entre 60 et 80 heures par semaine pour gagner leur vie. Leurs prix baissent, mais leurs subventions directes augmentent. On ne parle pas de subventions, on s'est entendu là-dessus—c'est un paiement effectué tout simplement au comptant.
Le problème, c'est que sur le plan politique ces propositions sont d'ores et déjà inacceptables. Si donc au Canada, en donnant généreusement l'exemple et en voulant que cette politique s'étende au monde entier, nous croyons que le reste du monde va suivre, nous nous leurrons complètement.
M. Charlie Penson: Il ne faut pas en préjuger. L'exemple que vous nous donnez me fait dire que les agriculteurs canadiens ont très peu de subventions comparativement au reste du monde. Je pense que je suis d'accord. Mais qu'avons-nous à perdre, si c'est le cas, en allant négocier et en demandant à ces pays d'éliminer progressivement leurs subventions? Comme vous le savez, l'Union européenne, avec ses 15 pays membres, est largement restée hors de la portée des agriculteurs canadiens. Pire encore, pour ce qui est des céréales, des oléagineux et de la viande de boeuf, elle brade sa production excédentaire sur les marchés des pays tiers que nous approvisionnons normalement. Nous devons concurrencer des produits vendus à rabais en faisant baisser nos prix. Qu'avons-nous à perdre, par conséquent, en allant là-bas...
M. Jan Slomp: Nous ne leur donnons peut-être pas de subventions, mais nous leur accordons l'accès au marché canadien. Ainsi, lors du dernier cycle de négociations, nous avons obtenu 4 p. 100 d'importations dans le secteur des produits laitiers, et nous nous attendons tous à ce que le marché des États-Unis soit ouvert à tout le monde. Nous ne pouvons pas exporter sur le marché des États-Unis.
M. Charlie Penson: Nous en arrivons ici au coeur du problème, j'ai l'impression. Nous avons au moins deux intérêts contradictoires ici. Nous voulons pouvoir accéder aux marchés et obtenir une réduction progressive des subventions pour nos céréales, nos oléagineux et notre viande de boeuf, mais nous ne voulons pas remettre en cause notre régulation de l'offre—c'est essentiellement ce que vous nous dites—lors de ce prochain cycle.
M. Jan Slomp: Ce que je me demande, c'est pourquoi nous recherchons de nouveaux débouchés à l'étranger qui paient mal tout en sacrifiant des marchés intérieurs stables et rémunérateurs?
M. Charlie Penson: La réponse, je pense, c'est parce qu'il y a différentes composantes au sein de ce secteur agricole. C'est pourquoi le comité et le gouvernement du Canada vont éprouver quelques difficultés lors de ce prochain cycle de négociations. Par conséquent, dans le cas des céréaliers qui doivent subir les prix les plus bas depuis 20 ans, je suis d'accord avec M. Calvin pour dire qu'il y a là un problème très grave. Il me semble toutefois que ce secteur sortirait gagnant si lors du prochain cycle nous pouvions obtenir une certaine réduction des subventions dans le monde.
C'est donc un secteur qui gagnerait—je sais que c'est ainsi qu'on voit les choses—et vous nous dites de ne pas remettre en cause pour autant notre régulation de l'offre.
M. Jan Slomp: C'est bien cela. Je considère que l'on ne doit pas défavoriser un secteur pour en favoriser un autre. Le marché international des produits laitiers a toujours été avant tout un marché dans lequel la production est bradée et ce sera toujours le cas.
M. Charlie Penson: Je ne suis pas sûr que ce soit là une position crédible pour les négociateurs commerciaux. Mais, quoi qu'il en soit, je comprends votre point de vue.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): M. Calvin voulait ajouter quelque chose.
M. George Calvin: Le programme favorisant les exportations aux États-Unis, que vous connaissez bien, nous fait beaucoup de mal. Bien entendu, c'est aussi le cas des subventions versées par la communauté européenne.
M. Charlie Penson: Ces gens continuent à vendre de l'orge aux parcs d'engraissement du sud de l'Alberta. Je vous signale en passant que le programme favorisant les exportations des États-Unis a subventionné l'orge vendu à nos parcs d'engraissement.
M. George Calvin: Effectivement, et ces subventions sont plus élevées que notre prix total.
M. Murray Calder: Allez-y, Charlie.
M. Charlie Penson: Je dis simplement que c'est ce qui prouve que les subventions sont mauvaises et qu'elles nous portent préjudice. Je ne pense pas que nous soyons d'accord.
M. George Calvin: Si tout le monde fait la même chose, ça pourrait marcher.
M. Charlie Penson: Effectivement.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Calder.
M. Murray Calder: Merci beaucoup. Je vais tout simplement reprendre au point où en était Charlie.
Vous ne le savez peut-être pas, mais dans une vie antérieure j'ai déjà été producteur de poulets, de sorte que je m'intéresse de près à la question.
Lorsqu'on a négocié la création de l'OMC en 1993, on est parti simplement du principe que le cycle infernal de la baisse des prix allait être enrayé. Nous savons que ce n'est pas vrai parce qu'avec ce principe, on ne peut pas produire à perte pendant une longue période sans que la banque finisse par reprendre l'exploitation. C'est aussi simple que cela.
Nous savons qu'il y a des subventions qui nous viennent d'Europe. Nous savons qu'aux États-Unis, par exemple, par l'entremise de la FAIR Act, de la Farm Debt Act et du farm aid package, environ 15,2 milliards de dollars ont été injectés dans l'agriculture l'année dernière. Le Congrès a d'ailleurs lui-même remis en question sa propre politique d'aide agricole étant donné qu'il a rencontré des difficultés qu'il n'avait pas vraiment prévues.
Tout d'abord, je vous informe que George et Jan, Bob Speller et moi-même sommes coprésidents de ce que nous appelons à l'heure actuelle le caucus SM-5, qui réunit les cinq groupes faisant appel à la régulation de l'offre. Ils ont adopté de concert une position commerciale commune qui a été acceptée par la Fédération canadienne de l'agriculture. Je suis très heureux de ce qui a été fait jusqu'à présent. Si le SNC n'a pas encore pris connaissance de cette position, je lui conseille de le faire.
Vous avez parlé du rapport Estey. Je faisais partie du groupe d'étude pour le compte de la Commission canadienne du blé lorsque nous avons étudié le projet de loi C-72 afin que la CCB soit plus transparente et qu'au sein du conseil d'administration regroupant 15 membres, cinq membres soient nommés par l'État et dix soient élus. Je pense que cela a modernisé la Commission canadienne du blé. On lui a donné la transparence nécessaire et on a réglé bien des problèmes qui pesaient sur son fonctionnement. Je suis d'accord avec vous, elle fonctionne bien maintenant.
J'aimerais connaître votre opinion. Vous avez déjà évoqué un certain nombre de points sur lesquels vous trouvez qu'il y a quelques lacunes, mais nous en revenons toujours à cette question de la définition des subventions.
Les États-Unis ont décidé d'employer des moyens différents. Voyez par exemple la façon dont ils entretiennent le réseau du Mississippi; ils assurent la formation du corps des sapeurs de l'armée sur ce réseau. Bien entendu, il ne s'agit pas d'une subvention. Si nous faisions la même chose sur le fleuve Saint-Laurent, c'en serait une.
Je me demande comment procéder dans le cadre de ces négociations pour s'entendre sur des règles communes sur la façon de promouvoir le commerce, sur ce qu'est une subvention et tout le tralala. Dans le cas des produits laitiers, par exemple, nous leur avons accordé un accès à 4 p. 100 de notre marché, mais du fait des règlements phytosanitaires s'appliquant par exemple au yaourt et aux crèmes glacées, on ne bénéficie pas du même accès au marché des États-Unis. Étant donné que nous avons en réalité en matière alimentaire des normes de qualité qui sont parmi les meilleures au monde, je considère pour ma part que c'est de la foutaise.
Comment faire en sorte que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde, alors qu'à mon avis ce n'est pas le cas maintenant?
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous signale en passant que vous disposez de cinq minutes pour répondre à cette question.
M. George Calvin: On parle constamment d'équilibrer les règles du jeu, mais il semble qu'on ne réussisse jamais à l'obtenir et, comme vous venez de le mentionner, je ne vois pas vraiment comment nous y parviendrons. Vous nous avez montré comment ils subventionnaient en quelque sorte leurs voies d'eau sans que l'on parle dans ce cas de subvention.
Il faut que nos législateurs se montrent fermes dans tout ce qu'ils font pour protéger les agriculteurs et notre système de régulation de l'offre. Je ne sais pas vraiment quoi vous répondre—Jan pourra peut-être le faire—pour vous dire comment équilibrer les règles du jeu.
Les États-Unis sont un très grand pays, l'Union européenne un très grand groupe et je ne suis pas sûr que nous puissions restreindre leur action. Il semble que jusqu'à présent nous n'ayons pas réussi. Je ne peux pas vous en dire plus.
M. Murray Calder: Sur ce point précis, est-ce que ces restrictions ne devraient pas provenir de la communauté économique dans son ensemble, ce qui nous éviterait de chercher à restreindre l'action de groupes qui ont dix fois notre taille?
M. George Calvin: Peut-être. Je n'en suis pas sûr.
M. Jan Slomp: Nous ne pouvons qu'accorder davantage de contrôle. Nous ne pouvons pas gagner. Nous devons absolument nous assurer de ne rien concéder lorsqu'il n'y a rien à gagner en contrepartie. Cela peut paraître protectionniste, mais j'ai bien peur que ce soit la seule façon de défendre la cause du Canada.
M. Murray Calder: Je suis d'accord au départ avec votre affirmation selon laquelle nous devançons les autres pays pour ce qui est de la réduction des subventions. Nous sommes désormais face à un dilemme. Allons-nous traîner les pieds pendant que les autres nous rattrapent? Est-ce là une position commerciale acceptable? Allons-nous poursuivre—comme un élève bien docile, ce qui n'est pas trop pour me plaire—la mise en oeuvre du programme tel qu'il a été convenu, alors que tout le monde ne respecte pas nécessairement les règles et que certains ont décidé de les contester? Nous avons agi et ils ont discuté des règles. Nous avons mis notre agriculture en difficulté du seul fait que nous avons adopté cette position.
M. George Calvin: Nous ne pouvons pas continuer à démembrer nos programmes alors que les autres ne le font pas. Ils ont du rattrapage à faire. C'est aussi simple que cela.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): C'est magnifiquement dit.
Monsieur Slomp, avez-vous un dernier commentaire à faire?
M. Jan Slomp: Si les négociations commerciales se déroulent alors que la position canadienne est arrêtée dans un tel esprit, je suis moins inquiet.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie de vos commentaires.
Oui, monsieur Calvin, vous avez la parole.
M. George Calvin: Un simple commentaire. Je ne vous ai pas parlé en fait de moi. Vous connaissez mon nom. J'ai une femme et deux fils qui ont quitté la maison. Nous avons une ferme à New Norway, au sud de Camrose.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Slomp, où se trouve votre ferme?
M. Jan Slomp: Elle est à Rimbey. À ma connaissance, c'est l'un des plus beaux coins du Canada.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup d'être venus. Je crois savoir que vous avez fait une longue route pour venir témoigner devant le comité. Nous avons particulièrement apprécié votre intervention.
Comme nous le disons à tous nos témoins, s'il y a des questions qui sont portées à votre attention—monsieur Calvin, vous avez évoqué la Commission du blé, la question du fret et le rapport Estey—et dont vous voulez tenir le comité au courant, n'hésitez pas à nous contacter. Vous connaissez les membres de ce comité. Vous avez toujours la possibilité de nous faire parvenir un document ou de nous appeler. Le dialogue se fait dans les deux sens. Nous sommes ici pour vous écouter et pour apprendre, mais nous n'y réussirons pas s'il n'y a pas en permanence un dialogue.
Monsieur Sauvageau, vous voulez dire un dernier mot.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Je veux simplement ajouter que le Comité de l'agriculture a aussi déposé un rapport sur les négociations de l'OMC.
[Traduction]
Le comité de l'agriculture a présenté un rapport sur l'agriculture et sur les questions liées à l'OMC. Vous pourriez peut-être prendre note de ce rapport.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Là encore, vous pouvez toujours intervenir à ce sujet.
Oui, monsieur Calvin.
M. George Calvin: Excusez-moi, mais je n'ai pas vraiment entendu ce qu'a déclaré l'intervenant.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): M. Sauvageau nous a dit que le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire avait déposé un rapport à la Chambre des communes au sujet de l'Organisation mondiale du commerce. Nous vous invitons à vous en procurer une copie. Je vous répète que M. Calder est le vice-président du comité de l'agriculture. Vous pouvez faire vos commentaires à son comité et au nôtre.
Merci encore d'être venus. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.
M. Jan Slomp: Merci.
M. George Calvin: Je vous remercie.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vais donner la parole à M. Gary Leithead de l'Alberta Forest Products Association. Vous pouvez vous avancer à la table.
Monsieur Leithead, soyez le bienvenu. Je crois comprendre que vous représentez l'Alberta Forest Products Association. Bienvenue devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous sommes prêts à écouter votre intervention. Nous vous avons réservé entre une demi-heure et 45 minutes pour que vous nous présentiez votre exposé et que nous puissions ensuite vous poser des questions.
M. Gary Leithead (porte-parole, Alberta Forest Products Association): Je vous remercie. Mon exposé est loin de faire 45 minutes, je vais donc vous le lire et je suis tout disposé à répondre ensuite aux questions que vous voudrez me poser.
Je vais tout d'abord vous parler un peu de l'Alberta Forest Products Association, vous dire qui nous sommes et aborder ensuite les questions précises que nous voulons soulever devant votre comité.
L'Alberta Forest Products Association est une association de l'industrie forestière qui représente la grande majorité des producteurs et fabricants de bois, de panneaux d'aggloméré, de p'te, de papier et de produits transformés du bois dans la province de l'Alberta. L'AFPA—c'est le sigle de l'Alberta Forest Products Association—a principalement pour objet de parler au nom de l'industrie des produits forestiers de l'Alberta de manière à créer un milieu favorable aux entreprises afin de garantir la viabilité à long terme des entreprises membres, de promouvoir la permanence des ressources forestières et d'aider les membres en leur fournissant des services précis.
Comme le font essentiellement toutes les sociétés forestières du Canada, tous les membres de l'AFPA exportent leur production. Sur un total de 4,5 milliards de dollars de produits forestiers sortis de l'Alberta en 1997, 51 p. 100, soit environ 2,3 milliards de dollars, ont été exportés. À l'échelle canadienne, sur 71,4 milliards de dollars de produits forestiers, les exportations se sont montées à 55 p. 100, soit à environ 39 milliards de dollars. Cela revient à dire toute l'importance des échanges pour le succès des entreprises ici en Alberta, pour l'ensemble de l'industrie et pour tout le Canada. Il est clair que le secteur forestier est la plus grosse industrie du Canada.
Étant donné l'importance des échanges pour nos membres, nous saisissons cette occasion pour faire part au comité de nos recommandations concernant les politiques à suivre par le Canada lors du prochain cycle de négociations aux fins de l'OMC.
Le premier enjeu est celui des subventions. Nous avons suivi avec intérêt, assis au fond de la salle, les questions qui ont été posées sur tout ce qui entoure les subventions. Je vais moi aussi vous faire part de notre opinion. Il est indéniable que des problèmes continuent à se poser au sujet des subventions. Toutefois, nous nous intéresserons en particulier à la définition des subventions et aux problèmes que cela entraîne. Même si la définition est devenue plus claire lors du dernier cycle de négociations, des difficultés subsistent et il reste du travail à faire dans ce domaine.
À titre d'exemple, les États-Unis continuent à notre avis à chercher par tous les moyens à étendre cette définition en fonction de leurs objectifs. La prétention en cours, selon laquelle les restrictions à l'exportation se ramènent à des subventions susceptibles de compensation illustre bien cette réalité. Je prendrai l'exemple de l'industrie forestière en Colombie-Britannique. Apparemment, vous étiez en Colombie-Britannique hier et vous en avez peut-être entendu parler. La Colombie-Britannique a imposé une restriction du fait que l'on ne peut pas exporter des billots provenant des terres de la Couronne. Les États-Unis soutiennent que même s'il ne s'agit pas d'une subvention financière, l'existence de cette restriction entraîne une diminution du coût des billots pour l'industrie de la Colombie-Britannique, ce qui fait qu'elle est subventionnée. Par conséquent, les Américains poursuivent l'affaire auprès des représentants de la Colombie-Britannique.
• 1420
Si je prends la définition canadienne, pour qu'il y ait
subvention, il faut qu'il y ait un avantage financier, si vous
voulez, dont bénéficie l'industrie. La définition du terme de
«subvention» est au coeur de la question. C'est un exemple que nous
connaissons assez bien. Nous n'avons pas été attaqués sur ce point
en Alberta, mais je prends l'exemple de la Colombie-Britannique
pour illustrer mon propos.
Nous recommandons par conséquent que les négociateurs cherchent en priorité à préciser davantage la définition des subventions en s'assurant qu'il est bien mentionné que les restrictions à l'exportation ne sont pas des subventions susceptibles de compensation, obligeant ainsi les États-Unis à respecter leurs obligations en vertu de l'accord sur les subventions au sein de l'OMC.
Je veux aborder ensuite la question des procédures de classification en douane. L'industrie forestière continue à éprouver comme par le passé de graves difficultés concernant les décisions prises unilatéralement par les États-Unis, qui visent à changer les classifications en douane des produits. On en a vu un exemple récent avec le débat concernant les montants prépercés entre le Canada et les États-Unis, et plus récemment encore, en ce qui a trait au bois à tête non dégrossie. Ces exemples montrent qu'il est nécessaire de toute évidence d'améliorer les règles s'appliquant aux procédures de classification en douane, y compris les dispositions portant sur les révisions multilatérales, et surtout qu'il convient de recourir à des décisions internationales contraignantes exigeant que les services des douanes des différents pays se conforment à ces directives.
La question suivante est celle des conditions générales d'accès. Le critère de référence ici, c'est l'Asie. En Asie, les droits de douane et d'autres restrictions importantes à l'importation continuent à jouer un grand rôle pour empêcher le développement du commerce des produits forestiers. Le marché asiatique des produits forestiers est important, comme l'a démontré la baisse récente de la demande asiatique de produits forestiers et les conséquences qu'elle a eues sur les ventes de l'Alberta et du Canada. Le bois d'épinette, de pin et de sapin en provenance du Canada continue à se voir imposer des droits de douane de 4,8 p. 100 lorsqu'il entre au Japon. Les exportateurs de bois canadiens se trouvent donc désavantagés comparativement à leurs homologues japonais qui, bien souvent, continuent à importer en franchise des billots d'épinette. Une fois transformés en bois d'oeuvre, les billots d'épinette entrent directement en concurrence avec le bois d'épinette, de pin et de sapin que nous exportons au Japon.
Il y a un autre domaine—je ne vais pas m'étendre là-dessus, mais je suis sûr que vous en avez entendu parler en Colombie-Britannique—c'est celui de l'accord actuel sur le bois de résineux passé entre le Canada et les États-Unis. Au bout du compte, on peut dire qu'il a permis aux États-Unis d'atteindre les objectifs qu'ils s'étaient fixés concernant la réduction des importations de bois en provenance du Canada tout en créant par la même occasion d'énormes difficultés à notre industrie. Là encore, sans entrer dans tous les détails du débat portant sur le bois d'oeuvre et sur les résineux—et ce débat dure depuis de nombreuses années—il nous suffira de dire qu'il est indispensable que le Canada continue à chercher dans ce domaine à supprimer tous les droits de douane et autres restrictions à l'importation.
La question suivante que je tiens à soulever est celle du lien entre les accords commerciaux et les mesures prises en matière d'environnement. L'industrie forestière en Alberta et au Canada a obtenu de bons résultats en matière d'environnement, surtout lorsqu'on les compare à ceux des pays concurrents. Notre industrie s'efforce d'apporter des améliorations dans ce domaine gr'ce à des initiatives telles que le programme d'entretien forestier de l'Alberta Forest Products Association. Ce programme vise à améliorer les résultats obtenus en matière d'environnement par les entreprises qui en sont membres tout en faisant connaître ces résultats à la population albertaine. Nos membres appuient résolument ce programme et se rendent compte que notre industrie est tributaire d'un bon environnement. Même si l'industrie cherche à toujours faire mieux, il ne doit y avoir aucun lien entre les dispositions liées à l'environnement et les accords passés en matière de commerce et d'investissement. Si on liait les deux, on donnerait aux critiques une autre occasion de harceler les exportateurs canadiens.
Des mécanismes existent d'ores et déjà pour traiter des questions d'environnement. L'accord collatéral sur l'environnement qui relève de l'ALÉNA, intitulé Accord nord-américain sur la coopération environnementale, en est un exemple. Ces questions doivent rester distinctes et ne pas être utilisées comme un moyen de limiter le commerce.
• 1425
La dernière question dont je veux parler est celle de
l'homologation des forêts. La pratique consistant à faire
homologuer les forêts pour garantir la durabilité de la ressource
continue à se développer. Les promoteurs de ce projet sont en
grande partie des pays qui y voient un moyen d'obtenir davantage de
débouchés pour leurs propres industries. Parallèlement, la
confusion s'accroît au niveau des producteurs et des clients—et,
ajouterai-je, sur le plan politique. Les différents clients peuvent
voir là la nécessité de se procurer des produits homologués, et les
différents producteurs, la nécessité de répondre aux besoins de
leurs clients et de se faire homologuer.
• 1430
Toutefois, on ne s'entend pas pour l'instant sur ce que
signifie l'homologation, quelles normes doivent être adoptées, etc.
Il ne faudrait pas par conséquent que les gouvernements se servent
de l'homologation des produits pour imposer des restrictions à
l'importation. Il convient que le Canada s'assure que les pays
concurrents n'imposent pas des règles d'homologation pour en faire
une barrière au commerce.
Ce sont là les quelques points que j'ai relevé à votre intention. Nous sommes tout disposés à répondre à vos questions.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Leithead, de ces recommandations très détaillées et très précises concernant les problèmes auxquels fait face votre industrie.
Je vais maintenant passer aux questions. Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Merci.
Soyez le bienvenu, monsieur Leithead. J'apprécie aussi votre mémoire.
Je n'ai certainement rien à objecter à la plupart de vos recommandations. Je pense qu'il nous faut rechercher une meilleure définition des subventions au sein de l'OMC. Ce sera peut-être dur à obtenir, mais il nous faut le faire. Là où j'ai des réticences, je pense, c'est sur la question du bois de résineux.
M. Gary Leithead: C'est aussi notre cas.
M. Charlie Penson: Oui, mais je constate que selon vous cela a causé «d'énormes difficultés» à l'industrie forestière.
M. Gary Leithead: Oui.
M. Charlie Penson: Il me semble que le Canada s'en sort mieux avec un système de règles comme celui de l'ALÉNA, de l'accord de libre-échange ou de l'Organisation mondiale du commerce. Il semble que tout le monde se soit quelque peu laissé emporter par l'optimisme en ce qui concerne cet accord sur le bois de résineux, et que nous ayons pensé que nous allions obtenir la paix pendant cinq ans avec les Américains dans l'industrie forestière, alors que nous constatons qu'il n'en est rien avec les mesures de reclassification. Ce qui me paraît bizarre, c'est pourquoi l'industrie—je signale que cela remonte à trois ans—accepte de se soumettre à un système de régulation de l'offre comportant des quotas et de partir d'une industrie axée sur le marché qui est probablement la moins subventionnée au Canada pour lui imposer un système de quotas administré par des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qui probablement ne comprennent rien à l'industrie au départ?
J'ai dans ma circonscription une usine comprenant 50 employés, qui opère depuis plus de 50 ans et qui pour l'essentiel n'a reçu aucun quota parce que cette année-là elle n'a rien produit du fait qu'elle rénovait son outillage dans le cadre d'un projet d'expansion de deux millions de dollars. Elle avait acheté des droits sur de nouveaux territoires forestiers et elle a failli faire faillite en essayant d'arracher un quota du ministère.
Ma question est essentiellement la suivante. Comme vous nous le dites, nous avons une très longue tradition de conflits concernant le bois de résineux. Pourquoi ne pas laisser cette affaire suivre son cours en espérant qu'on puisse la résoudre en la soumettant à l'Organisation mondiale du commerce une fois que l'accord sur le bois de résineux sera venu à expiration? Si l'on nous impose des droits compensatoires en conséquence, si les Américains nous disent au bout du compte: «Vous subventionnez et nous allons vous imposer des droits en conséquence», pourquoi ne pas porter l'affaire devant l'Organisation mondiale du commerce, qui compte 134 pays membres et au sein de laquelle la décision échappe en grande partie aux deux adversaires pour être confiée à un groupe indépendant? Y avez-vous pensé?
M. Gary Leithead: Oui. Je pense que dans un monde parfait ce serait peut-être la solution logique. La question du bois de résineux est en quelque sorte un feuilleton; il y a des hauts et des bas et l'on passe par toutes les émotions.
Nous avons pris les Américains au mot lorsque les droits compensatoires ont été imposés. Ils ont modifié leur définition des subventions et, en conséquence, lorsque nous avons passé l'accord actuel s'appliquant au bois de résineux, nous avons estimé qu'en raison du changement de définition des subventions opéré par les Américains, nous avions bien moins de chance d'obtenir le libre-échange sur le bois. Je pense qu'au dernier moment... les négociations ont d'ailleurs été difficiles. J'étais à Washington à deux heures du matin en train d'argumenter au sujet du bois de résineux.
• 1435
Je pense que ce qui a amené l'industrie et le gouvernement
fédéral canadien à adopter une gestion de l'offre s'explique par le
fait que nous ne parvenions pas à calmer les Américains et à les
amener à modifier leur définition des subventions et que nous
risquions d'être continuellement harcelés par des réclamations
alléguant l'existence de subventions et tout ce qui découlait du
fait qu'ils modifiaient constamment les règles. Donc, à la dernière
minute, nous avons concocté ensemble l'accord actuel sur le bois de
résineux en croyant à tort que nous allions avoir la paix pendant
cinq ans et que pendant tout ce temps nous allions pouvoir régler
les questions de subventions et autres choses de ce genre pour ne
plus avoir à nous battre sur tout ce dossier du bois de résineux.
M. Charlie Penson: Monsieur Leithead, je pense que nous avons pu constater par expérience, entre autres, que l'historique que vous venez de nous faire est exact; dans une large mesure, les Américains ont modifié les règles, ce qui faisait qu'il était très peu probable que nous obtenions gain de cause devant le comité de règlement des différents de l'ALÉNA, et la pression était donc très forte. Toutefois, le cycle de négociations d'Uruguay venait parallèlement de se conclure au sein de l'Organisation mondiale du commerce. La procédure mise en place était très supérieure à celle de l'ancien GATT. Lorsque j'en ai parlé à l'époque aux gens de l'industrie forestière, certains d'entre eux ne s'en rendaient même pas compte. Ils pensaient devoir opérer en vertu d'une ancienne règle du GATT—un règlement sur cinq ans, etc.
Donc, compte tenu des difficultés que vous avez éprouvées dans le cadre de l'accord actuel de cinq ans, je vous demande s'il ne serait pas préférable, étant donné que l'OMC a de toute évidence changé et que la résolution des conflits est plus rapide qu'avant, que l'on cesse finalement d'aménager des quotas et une régulation de l'offre? Vous savez, laisser la question de côté. Les grosses sociétés américaines n'agrandissent pas leur exploitation dans ma circonscription, dans la région de Peace River, où elles exercent leurs activités; elles s'agrandissent en Saskatchewan. C'est indépendamment de l'accord sur le bois de résineux et c'est ainsi que l'on joue actuellement le jeu. Donc, si nous pouvions en revenir à une économie de marché, est-ce que ce ne serait pas préférable?
M. Gary Leithead: C'est indéniable. Nous sommes partisans du libre-échange; nous y croyons. Il n'en reste pas moins que le dossier du bois de résineux nous enseigne...
M. Charlie Penson: Mais pourquoi ne pas laisser à l'OMC le soin de décider si oui ou non nous subventionnons?
M. Gary Leithead: Il y a des risques là aussi.
M. Charlie Penson: Lesquels?
M. Gary Leithead: La définition en soi du terme de subvention. Tant qu'elle ne sera pas précisée et que tous les pays ne se seront pas entendus sur cette définition en étant disposés à en accepter les conséquences, le simple fait... Si nous portons l'affaire devant l'OMC, il y a des risques pour le Canada parce que l'on peut soutenir que certaines subventions ont cours dans le secteur forestier. Nous devons être très prudents avant de faire cela parce que si nous ne réglons pas auparavant la question de la définition des subventions, nous pourrions nous retrouver face à de graves difficultés.
M. Charlie Penson: Vous n'êtes donc pas sûr que le Canada gagnerait devant l'OMC en vertu de la définition actuelle des subventions?
M. Gary Leithead: Pas compte tenu de la marge de manoeuvre dont disposent les Américains, qui semblent pouvoir changer la définition à volonté.
M. Charlie Penson: C'est très bien. Je vous remercie.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Sauvageau.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Merci, monsieur Leithead, de votre exposé.
Contrairement à ce qu'on a entendu hier sur une industrie semblable à la vôtre en Colombie-Britannique, votre commentaire est plutôt rassurant. J'aimerais vous poser des questions sur le paragraphe dans lequel vous parlez des relations entre l'environnement et votre industrie. Vous dites qu'on a un bon palmarès environnemental quand on se compare à d'autres pays. Je vous dirai qu'on pourrait même remplacer le mot «pays» par le mot «provinces». J'aimerais vous demander un peu plus d'explications sur ce programme par lequel vous informez la population sur l'utilisation de la forêt et vous demander aussi si ce programme est exportable dans d'autres provinces canadiennes. Dans d'autres provinces, vous ne semblez pas avoir aussi bonne presse qu'ici. Je dis bien «semblez» parce qu'on ne passe qu'une journée ici.
[Traduction]
M. Gary Leithead: Vous connaissez l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, elle a un programme qui fait appel à la prévention. C'est un programme national. Notre programme est en quelque sorte calqué sur celui-là.
• 1440
Nous soutenons que l'on a la possibilité en Alberta de faire
deux choses: améliorer les résultats de l'industrie en matière
d'environnement tout en communiquant ces résultats à la population
de l'Alberta. L'idée, c'est que si l'on réussit à atteindre ces
deux objectifs, le gouvernement n'a plus en quelque sorte à faire
le gendarme et à imposer à l'industrie toutes sortes de
restrictions ou d'obligations en matière d'environnement.
Voilà quel est l'objectif. Je remettrai aux membres du comité des copies du programme d'entretien forestier pour qu'ils prennent le temps de le consulter. Nous disons qu'effectivement ce programme peut être repris par d'autres et nous sommes tout à fait disposés à en discuter avec n'importe quel groupe industriel, qu'il relève du secteur forestier ou de tout autre secteur, d'ailleurs, qui chercherait à se familiariser avec ce programme. Nous estimons que c'est un bon programme. Il a bien entendu été fait pour l'Alberta, mais il est évident qu'il peut être adapté ailleurs étant donné que le modèle original nous vient du programme de prévention de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Est-ce qu'il y a des gens de la société civile qui siègent avec vous dans le cadre de ce programme? De quelle façon la consultation ou la transmission de l'information au public se fait-elle?
[Traduction]
M. Gary Leithead: Excusez-moi, je n'ai pas compris la première partie de votre question. La société civile...
[Note de la rédaction: Inaudible]
Une voix: ...groupes environnementaux.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Est-ce qu'il y a des...
[Traduction]
M. Gary Leithead: Oh oui, même si ces gens viennent et repartent. Lors de création du programme il y avait 17 personnes—qui représentaient tous les secteurs de la population de l'Alberta—qui se sont impliquées. À ce stade-là, il y avait au moins deux organisations écologiques. L'une d'entre elles a choisi de ne plus participer au programme et s'est retirée, mais l'autre est encore là et nous continuons à nous rencontrer même si la création du programme date de 1992 ou 1993, je crois.
Nous continuons à tenir des assemblées d'actionnaires, c'est ainsi que nous les appelons, avec ces parties prenantes à l'origine pour les tenir au courant et leur demander des directives et autres conseils concernant l'orientation du programme. Donc, effectivement, nous faisons participer le public, y compris les organisations écologiques.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Merci.
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller.
M. Bob Speller: Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup d'être venus témoigner aujourd'hui. Je tenais simplement à poursuivre sur un point. Généralement, c'est une question que pose Charlie. Je sais qu'il y a des députés qui demandent au gouvernement de révoquer cet accord dès maintenant. Est-ce que c'est le point de vue de votre organisation ou envisagez-vous de le mener à échéance? Vous savez certainement que le gouvernement a porté l'affaire des douanes devant l'Organisation mondiale des douanes, qui va en fait se réunir en mai...
M. Gary Leithead: Oui.
M. Bob Speller: ...et que nous ne manquons pas de contester toutes les dispositions qu'on prises les Américains jusqu'à présent.
En second lieu, vous ne m'chez pas vos mots concernant le préjudice que vous a causé cet accord. Comme vous l'avez signalé, cependant, c'est pourtant l'industrie qui l'a réclamé au départ, mais considérez-vous aujourd'hui qu'il faut dès maintenant l'abroger?
M. Gary Leithead: Je pense que notre plus grosse difficulté à l'heure actuelle, en dépit du fait que nous avons la régulation de l'offre, les droits de douane et autres dispositions s'appliquant à tous ceux qui veulent exporter aux États-Unis en plus de leur quota, c'est que les gens qui soutiennent... Je ne le dirai pas en ma qualité de représentant de l'AFPA, mais personnellement je considère que ceux qui préconisent une révocation de l'accord le font parce qu'ils n'ont pas de quota. C'est une question qui ne touche pas les Américains. C'est le Canada qui s'est chargé de l'affectation des quotas dans le cadre de l'application de l'accord.
Je pense donc qu'avant de penser à révoquer l'accord avec les Américains, le Canada devrait se pencher sur le mécanisme d'affectation des quotas pour voir si l'on ne peut pas résoudre certains problèmes qui se posent ici au Canada.
M. Bob Speller: Comme vous le savez, ces consultations ont déjà débuté et les gens de l'industrie eux-mêmes se rencontrent pour en parler.
M. Gary Leithead: Oui, effectivement. Nous nous rencontrons aussi en Alberta.
M. Bob Speller: C'est exact.
Je vous remercie.
M. Gary Leithead: Excusez-moi, mais vous n'aviez pas une deuxième question à poser?
M. Bob Speller: Vous avez en quelque sorte répondu aussi à la deuxième question. S'il est besoin... Voulez-vous que l'on révoque dès maintenant l'accord et, en second lieu, voulez-vous que l'on adopte un accord du même genre? Je pense vous avoir entendu dire que dans la mesure où le mécanisme d'affectation des quotas était juste...
M. Gary Leithead: Oui. Quant à révoquer l'accord actuel, j'estime qu'il nous faudrait peut-être revoir le mécanisme d'affectation des quotas.
Les gens de l'industrie discutent à l'heure actuelle de ce qui va se passer en 2001, lorsque l'accord actuel viendra à échéance, et effectivement il y a un débat en Alberta—le même que celui qui a cours en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec. Je vous avoue bien franchement que j'espère qu'en fin de compte—et suffisamment tôt—l'industrie canadienne pourra en arriver toute ensemble à un consensus pour dire au gouvernement fédéral ce qu'il nous faut faire sur toute cette question. Disons que c'est peut-être optimiste, mais...
M. Bob Speller: C'est aussi notre souhait.
M. Benoît Sauvageau: Comme le secteur agricole...
M. Gary Leithead: Pour ce qui est de...
M. Benoît Sauvageau: Pour que le gouvernement fédéral adopte une position unique.
M. Gary Leithead: Il y a une position unique en agriculture?
M. Benoît Sauvageau: Oui.
M. Gary Leithead: Il se pourrait qu'il y en ait plusieurs.
Des voix: Oh, oh.
M. Gary Leithead: Quoi qu'il en soit, c'est ça l'idée.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'ai deux autres personnes sur ma liste pour le premier tour de questions.
Madame Beaumier, puis M. Calder.
Mme Colleen Beaumier: Dans la dernière phrase de votre intervention, vous nous avez dit que l'on ne s'entendait pas sur le sens d'homologation. J'aimerais que vous m'expliquiez ce qu'entend l'industrie du bois par homologation.
M. Gary Leithead: Très bien. Il s'agit d'exploiter une forêt durable. Les gens qui cherchent à obtenir une homologation partent du principe qu'il faut s'assurer à la base de ne pas épuiser les ressources forestières. Nous soutenons que les forêts sont une ressource renouvelable et nous faisons du reboisement afin de garantir à jamais un approvisionnement forestier pour les générations futures, que les forêts soient exploitées, qu'elles soient transformées en parc, qu'elles aient un but écologique, ou quelle que soit leur utilisation. Finalement, les groupes d'utilisateurs et les clients veulent qu'on leur garantisse qu'au bout du compte il s'agit là d'une industrie durable et renouvelable.
Il nous faut donc le mesurer. La confusion vient du système de mesure. Quel système va-t-on utiliser pour effectuer les mesures et pour faire savoir aux groupes de clients, aux consommateurs et à tous les intéressés que nos forêts sont véritablement durables?
Il y a trois initiatives à l'heure actuelle. L'une d'entre elles est celle de l'ACNOR—l'Association canadienne de normalisation. Il y a aussi la série de normes ISO 14000 en ce qui a trait à la durabilité des forêts. La troisième est celle du Forest Stewardship Council, qui est un projet d'homologation patronné par la communauté écologiste.
Trois projets d'homologation sont donc en présence. Ils ont tous leurs avantages et leurs inconvénients. Lorsqu'on est en présence de trois projets concurrents, il y a automatiquement une certaine confusion. Nous recommandons que le gouvernement se tienne à l'écart du débat. Laissons à l'industrie et aux groupements de consommateurs le soin de résoudre la question. Nous demandons simplement qu'on laisse évoluer les choses pour qu'elles se décantent. L'industrie fait des interventions pour faire état des initiatives d'homologation qu'elle préfère.
J'ajouterai que notre programme d'entretien forestier peut éventuellement associer—pas entièrement—les deux projets. Nous vérifions le rendement de nos entreprises dans le cadre de notre programme d'entretien forestier et nous entrevoyons au minimum une équivalence partielle avec les trois projets d'homologation nationaux ou internationaux dont je viens de parler. Nous voyons une certaine relation entre notre solution albertaine et ce qui se passe sur la scène internationale.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie.
Monsieur Calder.
M. Murray Calder: Merci, madame la présidente.
Gary, j'aimerais revenir à votre premier point, qui est celui des subventions. Voici ce que vous avez déclaré:
-
Que les négociateurs cherchent en priorité à préciser davantage la
définition des subventions en s'assurant qu'il est bien mentionné
que les restrictions à l'exportation ne sont pas des subventions
susceptibles de compensation, obligeant ainsi les États-Unis à
respecter leurs obligations en vertu de l'accord sur les
subventions au sein de l'OMC.
• 1450
En substance, je pense que vous nous demandez comment on peut
établir une définition internationale du terme de «subvention» sans
que les États-Unis puissent la changer. À la base, il y a quelque
134 pays à l'heure actuelle à l'OMC, et 30 autres veulent s'y
joindre. J'avoue que je suis bien d'accord avec votre déclaration.
Revenons donc à la définition d'une subvention. Les subventions que
nous avons dans l'agriculture, dans l'exploitation forestière, dans
l'industrie et ailleurs sont toutes différentes les unes des
autres. Vous nous dites cependant qu'il nous faut trouver une
définition valable pour toutes. Est-ce possible?
M. Gary Leithead: Je pense qu'on peut le soutenir à certains égards. Ainsi, pour ce qui est des subventions financières directes, nous devrions pouvoir en arriver à un accord sur ce genre de chose. Si l'on verse directement une subvention en espèces à une industrie quelconque pour qu'elle fasse quelque chose ou encore pour qu'elle produise certaines quantités, il est plus facile, je pense, de retracer la chose. On peut soutenir que le fait que le gouvernement goudronne les routes est une subvention. S'il n'y avait pas de routes, vous ne pourriez évidemment pas transporter votre production vers un pays concurrent et, par conséquent il n'y aurait plus à s'inquiéter pour la concurrence... On peut aller toujours plus loin jusqu'au point où... on n'en finit pas à un certain point. L'exercice devient presque ridicule lorsqu'on applique une définition très large des subventions.
Je sais que c'est très difficile. Je ne vais pas dire que c'est facile. Toutefois, si l'on cherchait à faire en sorte que les gens s'attaquent au départ aux subventions directes, on arriverait peut-être à une certaine logique.
M. Murray Calder: Je suis d'accord avec vous sur ce point. En dernière analyse, il s'agit en fait ici de faire respecter les politiques.
Je reprends l'exemple du Mississippi. Si le Canada versait chaque année des crédits gouvernementaux au titre de l'administration du réseau du Saint-Laurent, les États-Unis diraient immédiatement que nous subventionnons le réseau, mais le fait qu'ils assurent la formation de leurs sapeurs militaires en faisant en sorte qu'ils entretiennent le réseau du Mississippi n'est pas assimilé à une subvention.
Nous en venons donc au respect de l'application des politiques. Comment les faire respecter dans une telle situation? Il s'agit bien évidemment d'une subvention, mais qui s'écarte juste suffisamment de la définition pour la tourner. Si nous réussissons à adopter une définition internationale, n'allons-nous pas en fait nous causer un plus grave préjudice qu'à l'heure actuelle?
M. Gary Leithead: Je pense qu'il faut que cela se fasse à l'échelle internationale. Je le dis parce que le Canada a davantage besoin des États-Unis comme partenaire commercial qu'ils n'ont besoin de nous. Si nous commençons à nous jeter des pierres, ils ont davantage de munitions.
M. Murray Calder: Effectivement.
M. Gary Leithead: La seule solution, je crois, c'est de nous allier à des pays qui pensent comme nous au sein de l'OMC, de militer autant que nous le pouvons en faveur d'une définition commune que le Canada peut accepter, puis de rallier les différentes forces pour que les Américains nous accordent au moins une certaine attention. Il est inutile que le Canada cherche à affronter directement les Américains. Je pense que l'OMC peut certainement être l'instance au sein de laquelle nous pourrons faire valoir notre cause et améliorer au maximum la définition des subventions.
M. Murray Calder: C'est pour l'essentiel ce qu'ont fait les Américains lors du dernier cycle de négociations, lorsqu'ils ont obtenu que 116 pays sur 117 acceptent la «tarification».
Des voix: Oh, oh!
M. Gary Leithead: Oui, effectivement. Il nous faut poursuivre nos efforts.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Penson, vous aviez une rapide observation à faire.
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
M. Charlie Penson: ...mieux délimiter la question de la subvention. J'ai toujours pensé qu'il était préférable que les gens qui connaissent la question mieux que nous ne se contentent pas de définir le problème, mais apportent aussi des solutions. Selon votre association, quelle devrait être la définition des subventions dans l'industrie forestière? Je pense qu'il serait utile que les associations forestières fassent connaître cette définition au ministère en prévision du prochain cycle de négociations, parce que vous connaissez certainement mieux que nous les problèmes qui se posent dans l'industrie.
M. Gary Leithead: Je n'ai pas de réponse pour l'instant, mais nous pourrions certainement y réfléchir et vous en reparler plus tard.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie.
Une dernière question, peut-être, monsieur Leithead? Vous avez parlé du travail que vous avez réalisé dans le cadre de votre programme de développement durable des forêts, et pourtant vous nous dites dans votre mémoire qu'il ne doit pas y avoir de lien entre les dispositions liées à l'environnement et les accords portant sur le commerce et les investissements. Pourtant, vous pratiquez d'ores et déjà le développement durable...
M. Gary Leithead: C'est exact. C'est du point de vue de l'industrie, d'une industrie à l'autre. Il ne faut pas que les gouvernements jouent un rôle dans l'homologation parce que s'ils le font, ce qui va se passer—et les pays scandinaves en sont un bon exemple—c'est qu'ils vont imposer des restrictions en matière d'environnement de manière à appuyer leur industrie.
Il nous faut donc être très prudents lorsque nous entrons dans le débat portant sur l'environnement. Ça devient un autre domaine dans lesquels les gouvernements—pas tous les gouvernements, mais certains gouvernements—peuvent agir pour restreindre la circulation des produits et donc protéger ou abriter leur industrie contre la concurrence.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Très bien.
Je vous remercie. Votre exposé s'est révélé plein d'enseignements, très précis. Merci de nous avoir aidé à nous pencher sur toute cette question des subventions et à appréhender certains des problèmes qui touchent votre industrie.
Merci beaucoup d'être venus.
M. Gary Leithead: Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Chers collègues, je sais que c'est inquiétant, mais nous sommes en fait un peu en avance. Faisons une pause de cinq minutes.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Chers collègues, nous allons reprendre nos consultations.
Nous sommes heureux d'avoir parmi nous cet après-midi Raj Pannu, qui est député de l'Assemblée législative. Il est surtout le critique pour les questions commerciales du Parti néo-démocrate de l'Alberta.
Vous êtes le bienvenu, monsieur Pannu. Merci d'avoir pris le temps de venir nous voir malgré vos horaires très chargés.
M. Raj Pannu (député, Assemblée législative de l'Alberta): Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Bonjour à tous.
Au nom du petit groupe parlementaire des néo-démocrates à l'Assemblée législative de l'Alberta, je vous souhaite chaleureusement à tous la bienvenue dans notre belle province et dans sa capitale.
• 1515
Mon intervention sera très courte. Je ne dispose, si j'ai bien
compris, que de cinq minutes environ, après quoi vous pourrez me
poser quelques questions. Je me ferai un plaisir d'y répondre.
Je vais passer directement au texte et avec votre permission, madame la présidente, le lire pour qu'il soit consigné dans le procès-verbal.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui, faites.
M. Raj Pannu: Le projet d'accord multilatéral sur les investissements, dont le sigle est l'AMI, qui a été récemment négocié au sein de l'OCDE, l'Organisation pour la coopération et le développement économique, est récemment mort de sa belle mort. C'était un mauvais accord pour les Albertains et les Canadiens. Il favorisait fortement les sociétés transnationales au détriment des gouvernements démocratiquement élus qui légifèrent dans l'intérêt public.
Il apparaît aujourd'hui que l'AMI n'est pas disparu mais qu'il a quitté l'OCDE pour se réinstaller dans le cadre du prochain cycle de négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
Depuis 1994, nous opérons dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain. L'ALÉNA a été le premier accord commercial international conférant aux sociétés étrangères le droit de poursuivre les gouvernements adoptant des lois les empêchant de faire des profits.
Nous avons été aux premières loges pour assister au scénario, avec lequel nous sommes tous tristement familiers, qui s'est déroulé entre le gouvernement canadien et la société américaine Ethyl Corporation. La menace d'un procès et d'une demande de 350 millions de dollars présentée par Ethyl Corporation au gouvernement canadien au titre du manque à gagner résultant de l'interdiction d'une substance toxique, un produit ajouté à l'essence appelé MMT, a amené notre gouvernement à revenir sur l'interdiction de cette substance toxique, faisant passer ainsi les intérêts et les bénéfices d'une grosse société avant ceux de la sécurité publique. Je répète que ce n'était qu'une simple menace. De toute évidence, il s'agit là d'un accord qui favorise les investisseurs étrangers en leur permettant de contester les mesures locales qui s'opposent à leurs droits internationaux.
La relance des négociations si peu de temps après que les gens, dans le monde entier, n'ont pas caché leur opposition aux négociations de l'AMI, nous montre à quel point ce sont les intérêts des entreprises qui guident notre action. Les discussions ont été suspendues face à l'opposition publique. Toutefois, j'espère sincèrement que le gouvernement fédéral ne cherche pas à cacher l'AMI comme on le fait pour la protection des témoins en le travestissant, en changeant son nom et son adresse et en le réinstallant ailleurs dans le monde en espérant que ce même public, qui s'est opposé avec tant de force à cet accord, admettra sans trop de difficulté qu'il s'agit d'un nouvel accord amélioré.
Le report des négociations de l'AMI a donné au comité permanent de la Chambre des communes la possibilité de disséquer les parties mauvaises de l'accord et de les améliorer. Les néo-démocrates fédéraux ont d'ores et déjà demandé instamment au gouvernement de se doter de nouvelles formes d'administration locale permettant d'obliger les grosses sociétés internationales de rendre des comptes dans l'intérêt public.
Le Canada doit avoir un régime économique général s'appuyant sur certaines règles et dont on fait respecter l'application, afin d'exiger que tous les pays et toutes les sociétés respectent les normes fondamentales du droit du travail en matière de liberté d'association, de liberté des négociations collectives, d'interdiction du travail forcé, de suppression de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine et de non-discrimination sur le lieu de travail. Des normes similaires s'imposent aussi en matière de protection de l'environnement.
Dès le début des négociations de l'AMI, la population albertaine, et de toute manière celle du Canada en général, s'est rendu compte que l'AMI plaçait les profits avant les gens. Je n'ai rien contre les règles, et mes collègues fédéraux non plus, mais nous sommes opposés à un régime économique axé sur des règles conçues en faveur des sociétés géantes, qui confèrent des droits spéciaux aux investisseurs.
Nous ne pouvons pas entériner un accord qui confère un statut inacceptable aux transnationales. Nous ne pouvons pas entériner un accord qui lie le Canada pendant 20 ans.
L'ALÉNA peut être résilié avec six mois de préavis. Selon les clauses de l'AMI, il faudrait que le Canada donne un préavis de cinq ans et qu'il s'engage ensuite à honorer pendant 15 autres années ses obligations en cours envers les sociétés et les investisseurs existants.
Voilà quelles sont mes trois recommandations: premièrement, que les ONG fassent officiellement partie de la délégation canadienne lors du prochain cycle de négociations de l'OMC; deuxièmement, que le gouvernement fédéral parte du principe que tout projet de libéralisation supplémentaire des règles d'investissement fasse partie du cycle de négociation du millénaire au sein de l'OMC; troisièmement enfin, que le gouvernement fédéral collabore avec les autres pays membres de l'OMC à la mise en application d'un impôt sur la spéculation monétaire conformément à la motion récemment adoptée par la Chambre des communes.
• 1520
Voilà qui met fin à mon exposé. Je me ferai un plaisir de
répondre à vos questions.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.
Monsieur Pannu, juste avant que je laisse à mes collègues le soin de poser leurs questions, vous nous avez dit dans votre exposé que nous avions ici la possibilité de disséquer l'AMI. Savez-vous que l'année dernière un sous-comité a effectivement procédé à des audiences et a produit un rapport déposé devant la Chambre des communes au sujet de l'accord multilatéral sur les investissements?
M. Raj Pannu: Je n'ai pas vu ce rapport. Je ne savais pas que le comité avait délibéré sur cette question.
Nous avons incité notre gouvernement, sans succès, à en faire de même au niveau provincial. Plusieurs grandes manifestations ont eu lieu dans la ville, auxquelles ont assisté nombre d'Albertains et de Canadiens s'inquiétant au sujet de l'AMI. Une très forte opposition a été publiquement exprimée par bon nombre d'Albertains, et nous n'avons pas manqué de nous joindre à eux.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous invite à vous procurer une copie de ce rapport. Ce sous-comité était présidé par M. Speller, et M. Penson, M. Sauvageau et moi-même en faisions partie.
M. Raj Pannu: Je serais très heureux d'en avoir une copie.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Le rapport qui a été déposé était très détaillé.
Je n'avais pas l'intention d'entamer moi-même les questions.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Je tiens simplement à vous signaler, monsieur Pannu, qu'il y a aussi des sociétés multinationales canadiennes. Je suis sûr que vous en êtes conscient.
J'étais au Chili il y a quelques années et j'ai pu voir effectivement qu'il y avait bon nombre de nos sociétés minières qui y étaient installées. Nous avons désormais davantage d'investissements directs étrangers à l'extérieur du Canada que nous n'en recevons au Canada. Si les Canadiens sortent de chez eux et font des affaires dans le reste du monde...
Dans certaines régions du monde, ces entreprises ne sont pas protégées en cas d'expropriation. Je tiens à vous rappeler qu'un grand nombre de ces sociétés canadiennes qui exercent leur exploitation sont cotées en bourse. Les Canadiens y ont aussi placé de l'argent en achetant des fonds communs de placement, des actions et des obligations.
Je me demande si vous ne vous opposez pas par principe à l'accord plutôt qu'à l'accord lui-même. Ne pensez-vous pas que dans certaines circonstances il faut que les société canadiennes soient protégées en cas d'expropriation? Si cette protection est accordée, je crois comprendre que l'un des grands principes mis en oeuvre serait d'aménager un système de règlement des conflits permettant de régler les problèmes en temps utile plutôt que d'avoir à attendre 15 ans pour savoir qui a raison.
Avez-vous des objections à faire dans ce cadre?
M. Raj Pannu: Tout d'abord, je dois dire que c'est une excellente question. Dans mon exposé, j'ai parlé des multinationales «étrangères». Ce qui me préoccupe—et je suis sur la même longueur d'onde que de nombreux Albertains en la matière—c'est le pouvoir toujours plus grand des multinationales, qu'elles soient canadiennes ou étrangères, face aux gouvernements démocratiquement élus. La question est en fait de savoir qui a le pouvoir d'établir des politiques influant directement sur l'intérêt général.
Je suis donc tout aussi préoccupé par le pouvoir dont peut disposer une multinationale canadienne au Chili à la suite de l'AMI que je le suis par la toute puissance d'Ethyl Corporation au Canada. Tous les démocrates doivent se demander avant toute chose, dans un monde économique en pleine évolution, quel doit être le rapport de forces entre d'une part les pouvoirs publics et démocratiques et, d'autre part, les pouvoirs privés multinationaux et transnationaux.
Pour moi, c'est l'essentiel de la question. Le reste, ce ne sont que des détails.
M. Charlie Penson: Je suis d'accord avec vous. Je pense que vous avez bien défini la ligne de démarcation, si l'on peut dire.
Je crois savoir cependant que la prétendue affaire d'Ethyl Corporation porte en grande partie sur une loi canadienne adoptée pour interdire l'utilisation du MMT, non pas pour des raisons de santé ou selon des indices probants relatifs à l'environnement—on s'est bien gardé de les alléguer parce qu'on ne semblait pas pouvoir en apporter la preuve—mais plutôt sur l'importation du MMT au Canada et sur son interdiction en ce qui a trait au franchissement des frontières provinciales. Ce sont essentiellement les gouvernements provinciaux qui ont traduit le gouvernement fédéral en justice et qui l'ont fait reculer.
M. Raj Pannu: Je n'ai aucune sympathie pour la cause de ces gouvernements provinciaux qui ont intenté cette action pour protéger éventuellement leur territoire provincial contre l'empiétement du gouvernement fédéral. Nous vivons dans une fédération politique complexe dans laquelle à mon avis les pouvoirs du Parlement fédéral sont très précisément contrebalancés par les pouvoirs des assemblées et des gouvernements provinciaux. J'en suis conscient. Il n'en reste pas moins que l'on a pu interdire le MMT en Californie mais pas au Canada, quelle qu'en soit la raison. Voilà qui devrait inquiéter tous les Canadiens, notamment ceux d'entre nous qui exercent de très grandes responsabilités publiques.
M. Charlie Penson: Toutefois, monsieur Pannu, d'après mon interprétation des dispositions du chapitre 11, que nous avons signé dans le cadre de l'ALÉNA, le chapitre traitant de l'investissement, on ne peut empêcher le Canada d'interdire un produit s'il est prouvé qu'il porte préjudice à notre environnement; rien n'empêche les gouvernements de procéder à une interdiction s'il y a des risques pour la santé. Toutefois, dans ce cas-ci, il y avait ni l'un ni l'autre.
M. Raj Pannu: Vous venez d'attirer mon attention sur le fait que les gouvernements provinciaux sont intervenus. Je connais mal la nature de l'action entreprise par les gouvernements provinciaux pour empêcher le gouvernement fédéral d'interdire que le MMT puisse franchir les frontières interprovinciales et je ne peux donc pas débattre utilement de cette question avec vous.
Pour ce qui est de l'application du chapitre 11 de l'ALÉNA, on peut évidemment en débattre. Les critiques de l'ALÉNA n'ont pas manqué d'interpréter différemment ce chapitre et d'autres clauses de l'ALÉNA vont lier les mains des gouvernements signataires sur des questions telle que celle qui a impliqué Ethyl Corporation.
M. Charlie Penson: Toutefois, je pense que nous sommes d'accord pour dire que si un produit risque de causer un préjudice à notre environnement ou de menacer la santé d'un membre quelconque de la population canadienne, les gouvernements doivent avoir le droit de l'interdire.
M. Raj Pannu: En effet. Et seuls les gouvernements élus, les gouvernements démocratiques, doivent avoir ce droit.
M. Charlie Penson: Je suis d'accord. Je vous demande cependant de vérifier la chose. Je considère que ce droit existe d'ores et déjà selon les clauses du chapitre 11 de l'accord que nous avons passé sur les investissements entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
M. Raj Pannu: Je suis tout disposé à réexaminer la question.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
[Français]
Monsieur Sauvageau.
M. Benoît Sauvageau: Bonjour, monsieur Pannu. Cela me fait plaisir de vous rencontrer. J'ai quelques questions à vous poser, mais je vais d'abord faire un commentaire sur la taxe Tobin parce que vous en avez parlé à la fin de votre exposé.
Je voudrais vous rappeler que le Nouveau parti démocratique a proposé à la Chambre des communes une motion modifiant la définition de la taxe Tobin pour en faire une taxe sur les transactions financières plutôt qu'une taxe sur la variation de la spéculation des taux de change. Si la motion du NPD est adoptée à Ottawa, quand vous irez aux États-Unis et convertirez 100 $ canadiens en argent américain, ce qui fera bien peu d'argent, vous serez taxé parce que c'est une transaction financière. Ce n'était pas cela, la taxe Tobin. Je veux vous préciser que telle était la motion proposée par le Nouveau parti démocratique à Ottawa.
Mon propos va porter sur votre première recommandation. Vous demandez que les ONG soient représentés pendant les négociations. Vous êtes parlementaire et vous savez qu'on doit être prudent lorsqu'on offre des choses comme celle-là. Quels ONG seront représentés et combien y en aura-t-il? De quelle façon seront-ils choisis? Au nom de qui parleront-ils? Par exemple, si on choisissait le Conseil des Canadiens, un syndicat quelconque et un groupe environnemental, est-ce que ce serait suffisant et est-ce que ce serait bien choisi? Est-ce que les autres ONG ne pourraient pas se plaindre?
• 1530
Ce n'est pas évident, mais je
vais essayer de trouver une solution parce qu'il faut
essayer de trouver des solutions. Je vais vous demander
ce que vous en pensez.
Supposons qu'avant les négociations de l'OMC, on fasse une consultation canadienne à laquelle on inviterait les ONG pour influencer les négociateurs. Ce serait une première étape. Donc, tous les ONG pourraient venir nous rencontrer. Jusque-là, ça va bien?
Lors d'une deuxième étape, on déposerait un rapport comportant des recommandations reflétant les propositions des ONG et on remettrait ce rapport aux négociateurs en leur disant que c'est à partir de cette base qu'on doit déterminer ce qui est négociable et ce qui ne l'est pas.
Lors d'une troisième étape, pendant les négociations, qui pourront durer deux ou trois ans, au moyen d'une consultation publique du même genre, on tiendrait les ONG au courant de l'évolution des négociations et, après les négociations, quand on aurait obtenu le rapport final, on demanderait aux parlementaires de s'interroger sur le document afin de savoir si on doit le signer ou non. Croyez-vous qu'on atteindrait alors les objectifs de votre première recommandation?
[Traduction]
M. Raj Pannu: Vous venez de me présenter un grand nombre de possibilités et je dois faire bien attention de ne pas répondre précipitamment. Je peux évidemment donner une première réponse à certaines propositions que vous faites.
Je considère bien sûr que les modalités de la représentation des ONG au sein de la délégation canadienne peuvent être simples. Vous avez mentionné trois ONG importantes, trois groupements d'ONG. L'un représente le mouvement syndical, la deuxième organisation, vous l'avez mentionné, c'est le Conseil des Canadiens, et la troisième...
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Les environnementalistes.
[Traduction]
M. Raj Pannu: Oui. Quoi qu'il en soit, vous en avez mentionné trois. Je pense qu'il serait bon de faire entendre la voix des ONG, comme vous l'avez indiqué, pour que votre comité en prenne acte. C'est indéniablement une bonne chose. Toutefois, je considère que cela n'exclut absolument pas la nécessité de la présence des ONG; autrement dit, il faut que certains représentants de la société civile figurent personnellement au sein de la délégation. Le problème est alors de savoir comment procéder?
[Français]
M. Benoît Sauvageau: D'accord. Vous parlez d'une représentation de la société civile. Je veux bien. Il est bon de nous poser le problème, mais essayons de trouver une solution ensemble.
Le Conseil des Canadiens, présidé par Maude Barlow, représente au-delà de 20 000 Canadiens. Nous avons rencontré les représentants de cet organisme à Vancouver. Nous avons rencontré à Vancouver 70 témoins qui représentaient chacun 70 000, 20 000, 80 000 ou 50 000 personnes. Nous avons donc entendu l'opinion d'environ 250 000 personnes. J'ai demandé aux responsables de ces organismes quel était leur processus de consultation de leurs membres. On nous accuse de consulter de façon un peu biaisée, mais ils ne nous ont pas dit de quelle façon ils consultaient leurs membres. On a rencontré des porte-parole d'au-delà de 200 000 Canadiens. Je pense donc qu'on a en notre possession la position d'au-delà de 200 000 Canadiens.
N'est-ce pas là la façon de consulter les ONG? Sinon, comment peut-on les consulter?
M. Raj Pannu: Bien évidemment, vous nous amenez à nous demander si la voix de ces 250 000 personnes a bien été représentée dans les interventions de leurs délégués, et c'est une excellente question. Est-ce que vous préféreriez organiser un référendum national ou un plébiscite sur la question? Si vous voulez vraiment connaître l'opinion de chacun au sujet de l'OMC, vous pourriez éventuellement envisager l'organisation d'un plébiscite national sur la question de l'OMC ou de l'AMI. Je vous invite tout à fait à y penser.
Je considère qu'il y a d'autres moyens qu'un plébiscite national pour y parvenir. Je pense qu'il vous faut faire confiance aux organisations représentatives lorsqu'elles vous disent qu'elles parlent au nom de leurs membres. Si vous aviez des raisons de douter de la validité de ces affirmations, la meilleure solution serait évidemment d'organiser un plébiscite national, plutôt que de vous contenter de ne pas écouter ces organisations ou de ne pas envisager leur représentation au sein de la délégation nationale qui va aller négocier quelque part les clauses de l'OMC.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: D'accord. Si vous proposez un référendum ou un plébiscite sur l'OMC, on va aller dans la futurologie, si vous me le permettez. Ce référendum serait remporté par des gens qui veulent le libre-échange. Est-ce que par la suite les ONG ne pourraient pas dire qu'ils n'ont pas eu un combat à armes égales parce que les moyens financiers des multinationales, des grandes sociétés et des gouvernements qui y étaient favorables étaient supérieurs aux moyens financiers des autres groupes? Est-ce qu'on ne risque pas de se retrouver dans un cul-de-sac?
[Traduction]
M. Raj Pannu: Il n'y a aucune raison de se retrouver dans un cul-de-sac, à mon avis. Dans une démocratie, on peut toujours discuter; on peut toujours s'opposer. Toutefois, ceux qui ne sont pas d'accord après avoir débattu selon des règles admises par tous les participants doivent à mon avis savoir accepter leur défaite. Je ne pense pas que vous trouverez des organisations, si elles sont invitées à prendre part à un tel plébiscite... Je ne vois pas pourquoi il en serait ainsi. S'il est dans l'intérêt général d'organiser un plébiscite, si l'on part de ce principe, la tenue d'un plébiscite répondra alors à l'intérêt général. Je suis sûr alors que votre comité envisagera de donner à ces ONG des moyens financiers suffisants pour qu'elles puissent bien faire connaître leur point de vue, de même que le feront les multinationales en tablant sur leurs propres ressources.
Il s'agit par là d'encourager la discussion et le débat démocratique. Et si—je le suppose, je n'ai aucune raison de penser le contraire—votre engagement politique est suffisamment fort, il ne sera pas impossible à mon avis de trouver les crédits publics permettant aux ONG de prendre part à cet exercice national.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Un rapport a été déposé par le gouvernement de la Colombie-Britannique. Ce dernier a fait une étude sur l'AMI et déposé un rapport. Ce ne sont pas des questions biaisées, car je ne veux pas mal paraître. Selon vous, est-ce que les ONG de Colombie-Britannique ont été consultés?
[Traduction]
M. Raj Pannu: Je n'en ai pas la moindre idée et je ne peux donc pas vous fournir cette information. Je n'en sais rien.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: D'accord. Si le gouvernement de l'Alberta avait accepté cette consultation, est-ce que les ONG de l'Alberta auraient tous été consultés?
[Traduction]
M. Raj Pannu: C'est une question fondée sur des hypothèses, mais si je devais participer à cet exercice... et il me faut vous faire part de mon expérience. L'année dernière, j'ai siégé au sein d'un comité d'audiences publiques sur la justice regroupant tous les partis dans la province. Pendant quatre mois, nous avons parcouru toute la province et nous avons écouté tous ceux qui sont venus nous dispenser leurs conseils. Toute cette opération a très bien marché.
• 1540
Sur la foi de cette expérience, si le gouvernement de
l'Alberta avait écouté nos conseils et institué un organe
d'audiences publiques, il aurait certainement bénéficié de la
participation de toutes les ONG intéressées. Je dois dire qu'il
aurait bénéficié de cette procédure, qui aurait donné satisfaction
à tout le monde, comme ce fut le cas pour celle dont je vous ai
parlé concernant l'organisation des audiences publiques sur la
justice.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Merci de votre indulgence, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.
Pour conclure, monsieur Pannu, je vous entends recommander au gouvernement fédéral de ne pas négocier la question des investissements. Je peux vous garantir que les investissements ne sont certainement pas à négocier pour l'instant. Cet accord va être discuté lors de la conférence de Seattle que vont organiser les ministres en décembre, de sorte qu'il n'est absolument pas garanti que les investissements vont être englobés dans les négociations à l'OMC.
Excusez-moi, mais j'aimerais apporter une précision ici, lorsque vous nous dites que nous avons précipité les négociations... C'est en 1994 qu'il a été décidé de tenir des discussions au sein de l'OMC lors du cycle de 1999-2000, avant même que l'AMI existe. Il appartiendra donc encore aux ministres de décider à Seattle s'il convient de négocier à ce moment-là la question des investissements.
M. Raj Pannu: Merci, madame la présidente. Je me rends compte que la procédure est en cours depuis 1994. Je sais aussi que l'OMC est une instance bien plus large qui réunit des pays venant du monde entier... l'Inde ne manquant pas d'être représentée... pour ce qui est de la Chine, je n'en suis pas sûr. Ces gouvernements du moins, si ce n'est leur population, s'inquiètent très fortement au sujet des dispositions prises au sein de l'OMC.
En tant que canadiens, nous avons la possibilité de jouer un rôle de chef de file dans l'aménagement du nouvel ordre mondial qui apparaît progressivement. Nous devons non seulement tenir compte de nos intérêts, mais aussi de la protection et de la promotion des intérêts de nos propres multinationales qui sont implantées aujourd'hui au Chili et ailleurs.
En fait, il nous faut aussi considérer les Chiliens et leur avenir ainsi que la vie et les intérêts de l'Inde, parce que c'est uniquement en tenant compte de l'intérêt global des sociétés et des investisseurs ainsi que de tous les citoyens du monde que nous parviendrons à créer un système mondial juste, pacifique et stable.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie de cette éloquente conclusion. Merci encore d'avoir pris le temps de venir rencontrer le comité.
M. Raj Pannu: Merci beaucoup.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous avons réussi à réunir nos derniers témoins pour constituer un groupe et nous les laisserons donc parler chacun à leur tour pour ne pas avoir à nous précipiter à la fin.
Je vais demander maintenant à Mme Elizabeth Reid et au Dr Bill Blanchard, de l'Alberta Friends of Medicare Society, de se présenter à la table. J'appellerai aussi à se présenter M. David Parker, de l'Edmonton Friends of the North Environment Society, de même que M. Brian King.
Je propose que nous laissions à chacun de nos témoins le soin de présenter leur exposé, après quoi nous leur poserons des questions. Cela nous laissera davantage de temps pour nous concentrer sur les questions plutôt que de faire un travail haché. C'est plus efficace.
Bienvenue devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous sommes très heureux que vous ayez pu vous joindre à nous aujourd'hui. Nous attendons avec impatience vos exposés. Je vois que vous avez aussi des mémoires, n'hésitez donc pas à vous adresser au comité comme vous l'entendez, soit en lisant votre mémoire, en le résumant, en faisant d'autres commentaires ou en choisissant la solution qui vous paraît la meilleure. Je m'en remets à vous.
Mme Elizabeth Reid (présidente, Alberta Friends of Medicare Society): Nous aussi, nous cherchons avant tout l'efficacité.
Le Dr Bill Blanchard, qui représente Friends of Medicare, m'accompagne aujourd'hui; c'est notre principal chercheur. Nous vous avons fait parvenir au préalable une documentation et nous avons apporté aujourd'hui un mémoire, mais, ne sachant pas de quels délais nous disposions, nous nous félicitons avant tout de pouvoir engager le dialogue avec vous sur les questions qui nous amènent aujourd'hui.
• 1545
Je tiens à dire aussi que j'ai vraiment apprécié que tous vos
fonctionnaires aient le temps... Je sais qu'il n'est pas facile de
parcourir le pays en tous sens et de loger dans des chambres
d'hôtel. Je suis très heureuse que nous puissions mener nos
affaires au Canada comme nous le faisons parce que les t'ches sont
très lourdes et je vous tire mon chapeau à tous. Je vous en
remercie.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
Mme Elizabeth Reid: Avec Bill, nous sommes ici à deux titres: tout d'abord en tant que simples citoyens canadiens préoccupés par les accords commerciaux passés récemment, et en second lieu, plus particulièrement en tant que représentants de Friends of Medicare. Nous considérons que ces accords commerciaux ont de profondes répercussions sur la vie des Canadiens. C'est en partie la raison de notre présence ici. Ce n'est pas ce que fait normalement Friends of Medicare.
En tant que simples citoyens, nous estimons que par rapport à la tradition, le processus de négociation et de mise en oeuvre de ces accords commerciaux d'application généralisée a été très rapide. Ces accords sont énormes, ils sont très complexes, ils constituent en fait ce que l'on peut appeler une véritable aventure. Certes, ils ont pu apporter de véritables avantages sur le plan du commerce, mais nous estimons qu'ils ont par ailleurs entraîné une renonciation à des pans entiers de notre souveraineté nationale.
C'est une chose qui nous préoccupe et nous nous demandons si le Canada a suffisamment réfléchi à la question pour savoir ce que nous retirons par ailleurs de ces accords commerciaux.
Par conséquent, nous nous adressons à vous pour que vous incitiez le gouvernement à suspendre tout élargissement des accords existants. Nous devons nous accorder suffisamment de temps pour étudier en profondeur les effets de cette perte de souveraineté. Les simples citoyens canadiens doivent avoir largement la possibilité de faire entendre leur voix. Il est possible qu'ils veuillent limiter les pertes de souveraineté que nous concédons en contrepartie des avantages commerciaux.
Étant donné l'ampleur des répercussions de ces décisions, il faut à notre avis que tous les Canadiens soient impliqués.
J'ai entendu la dernière partie des échanges que vous avez eus avec M. Pannu, et je crois comprendre que la question vous préoccupe. C'est donc une chose sur laquelle nous devons nous pencher.
Par ailleurs, je suis ici avec Bill en qualité de représentante de Friends of Medicare. Il s'agit d'un groupe de bénévoles, à but non lucratif, regroupant toutes sortes de groupements communautaires et de particuliers qui s'intéressent à la préservation et à l'amélioration de notre réseau public de soins de santé. En Alberta, c'est particulièrement important, au cas où vous ne le sauriez pas. Notre groupe existe en fait depuis 20 ans en Alberta, de sorte que ce n'est pas quelque chose de nouveau. Il semble que la question soit toujours d'actualité en Alberta.
Nous nous attachons à relever les effets de ces accords commerciaux et les répercussions qu'ils peuvent avoir sur les soins de santé. Nous pourrions vous faire parvenir certaines données. Nous sommes très préoccupés. Le système de soins de santé du Canada, unique au monde, est sérieusement menacé par ces accords. Nous essaierons de vous faire comprendre pourquoi.
Ainsi dans le cadre de l'accord ADPIC actuel de l'Organisation mondiale du commerce, on refuse désormais au Canada le droit souverain de revenir à un régime d'homologation obligatoire, même modifié. Pendant 70 ans, ce système a permis de contrôler très efficacement les prix des médicaments au Canada. L'homologation obligatoire n'est peut-être pas le seul moyen efficace de contrôler le prix des médicaments, mais il a un rôle très utile à jouer. Nous n'avons plus, en tant que canadiens, l'autorité souveraine d'y recourir. Nous ne pouvons plus le faire.
Ce qui nous préoccupe encore plus, cependant, c'est la menace potentielle de l'ALÉNA. Nous avons rencontré il y a quelques mois le ministre provincial de la Santé et il nous a assuré que l'ALÉNA ne posait aucun problème. Nous ne sommes pas rassurés.
La section de l'ALÉNA qui est censée protéger l'assurance-santé est notoirement ambiguë, et je cite le chapitre 11, où l'on nous dit:
-
Le Canada se réserve le droit d'adopter ou de maintenir toute
mesure concernant les services d'application du droit public et les
services correctionnels, ainsi que les services suivants dans la
mesure où ils constituent des services sociaux établis ou maintenus
à des fins d'intérêt public [...]
La liste se poursuit et l'on mentionne ensuite la sécurité de revenu, la sécurité sociale, l'enseignement public, etc., y compris la santé.
Dans la pratique, l'ambiguïté vient de la formule suivante «dans la mesure où ils constituent des services sociaux établis ou maintenus à des fins d'intérêt public». Nous ne sommes pas les seuls à nous être très fortement inquiétés de cette disposition.
Bryan Schwartz, qui est professeur de droit à l'Université du Manitoba, a déclaré qu'il était bien difficile de savoir comment un comité de règlement des conflits de l'ALÉNA allait interpréter l'expression «services sociaux dispensés à des fins d'intérêt public».
• 1550
La légitimité de cette préoccupation est confirmée par
l'interprétation donnée à l'État de l'Oregon par un négociateur
commercial des États-Unis. Il a déclaré que cette réserve ne
s'appliquerait pas même si les services du gouvernement étaient
«dispensés par une entreprise privée, à but lucratif ou non». Ce
sont les gens des États-Unis qui, bien entendu, nous préoccupent
fortement ici.
Il est possible que l'assurance-santé, sous sa forme actuelle, bénéficie d'une certaine protection en vertu de l'ALÉNA, ne serait-ce que pour des raisons historiques. Savez-vous cependant à quel point l'Alberta se prépare à apporter de véritables bouleversements à l'assurance-santé? Le gouvernement provincial actuel persiste à vouloir adopter une loi en faveur des hôpitaux privés, à but lucratif, par le biais du malheureux projet de loi 37.
Cela se fait malgré la forte opposition des citoyens de notre province. Si la loi est adoptée, et une fois que ces hôpitaux privés auront été créés, les soins de santé au Canada seront sans aucun doute considérés comme une entreprise. Les très grosses multinationales de la santé vont alors s'engouffrer dans cette brèche.
Il convient de corriger cette erreur commise dans l'ALÉNA. Il n'y a pas encore eu de contestation, mais une fois que l'on aura ouvert des hôpitaux privés et à but lucratif, ces contestations auront lieu. Pourquoi alors ne pas reprendre cette clause et la corriger? Nous ne voulons absolument pas que vous répétiez cette erreur dans les nouveaux accords commerciaux. Nous ne sommes pas les seuls à le dire.
Le gouvernement du Manitoba s'est montré tellement préoccupé par ce genre de clause dans un projet de document antérieur sur l'AMI que l'assemblée législative a officiellement adopté la résolution suivante; je cite:
-
Qu'il soit résolu que l'Assemblée législative s'oppose à l'AMI sous
sa forme actuelle; et
-
Qu'il soit résolu en outre que l'Assemblée législative du Manitoba
invite fortement le gouvernement fédéral à s'assurer que tout AMI
prévoie expressément une réserve détaillée et illimitée protégeant
la santé, l'enseignement et les services sociaux [...]
À titre de conclusion, pour les raisons indiquées dans notre mémoire et exposées ici aujourd'hui, nous vous invitons à faire deux choses.
Tout d'abord, nous vous demandons de ralentir le rythme des futures négociations. Il faut laisser le temps aux simples citoyens canadiens de faire la part des choses entre l'augmentation des échanges, dont nous avons tous bénéficié, et la perte de souveraineté qui va inévitablement s'ensuivre. Nous considérons que ces décisions sont du même niveau que celles qui impliquent un changement de notre constitution. Elles exigent nécessairement l'accord de tous les Canadiens, et il y a de nombreux moyens pour y parvenir dont nous pourrions bien entendu parler comme vous l'avez fait précédemment.
En second lieu, nous insistons particulièrement sur un point, et nous aimerions que vous nous posiez par la suite des questions à ce sujet. Chaque fois qu'un nouvel accord est signé, quelles que soient les circonstances, il faut que l'on prévoit une dérogation totale et sans ambiguïté pour les services de santé et autres services sociaux que les Canadiens apprécient tant. Ces domaines devraient tout simplement être intouchables et nous ne pensons pas que c'est dans ce sens qu'est rédigé l'ALÉNA.
Je vous remercie. Nous sommes prêts à répondre par la suite à vos questions.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup. Nous aurons des questions à poser. Vous pourrez peut-être nous aider à résoudre certains des problèmes que vous avez posés.
Monsieur Parker.
M. David J. Parker (porte-parole, Edmonton Friends of the North Environment Society (EFONES)): Merci.
Je répète ce qu'a dit Mme Reid. J'ai moi-même essayé de me faire élire à deux reprises pour le compte du Parti vert. Sachant le travail que vous avez dû accomplir, sans être sous le regard des caméras de télévision et autres choses de ce genre, j'ai beaucoup d'admiration pour le temps et les efforts que vous consacrez à la chose publique. Je ne pense pas que je pourrais le faire tout en restant marié.
Je vais lire mon mémoire. Ce n'est pas une chose que j'aime faire, mais les idées ne viennent pas facilement lorsqu'on ne s'est pas préparé.
Au cours des 20 dernières années, la théorie universellement acceptée par les responsables de l'économie a consisté à dire que le libre jeu du marché menait à la prospérité universelle. Au cours de cette même période, nous avons vu les disparités entre les revenus des riches et les pauvres se creuser à un niveau qui aurait été inconcevable au cours des années 60. Les économies nationales des pays représentant la moitié environ de la population mondiale se sont écroulées. Quelque 750 millions de personnes sont en proie à la famine.
Face à ces vérités incontournables, la conclusion qui semble s'imposer est de continuer dans la même voie.
La liberté de déplacement et l'afflux sans restriction des capitaux internationaux amènent quelques grosses entreprises triées sur le volet à dominer le monde et cause la destruction des petites économies durables et nationales. Cette manie de la mondialisation ne peut que déboucher sur une catastrophe dont on ne peut pas encore imaginer la nature.
On se complaît à dire aujourd'hui que l'effondrement économique du Sud-Est asiatique n'a été qu'une mauvaise passe et que la dynamique propre à la théorie de l'ouverture totale des marchés va permettre à tout le monde de se relever. Voilà déjà plusieurs décennies que l'on entend ce genre de discours.
• 1555
À l'image des changements climatiques dans le monde, cette
hypothèse est celle de l'autruche qui plonge sa tête dans le sable
lorsqu'elle est menacée. Ce n'est pas parce que la solution est
difficile et risquée qu'il faut l'ignorer. En cas de crise, il faut
prendre des risques pour trouver les solutions—et la crise dont je
parle est une crise environnementale. Je me rends compte qu'au bout
de toutes ces années nous ne sommes que quelques-uns encore à nous
préoccuper de cette crise de l'environnement. Dieu sait quand elle
passera au premier plan.
Je voudrais parler tout d'abord de la taxe Tobin. La première étape, et il convient de féliciter le gouvernement canadien à ce titre, est de passer une motion parlementaire visant à «imposer une taxe sur les transactions financières.» Il y a longtemps que l'on devrait avoir adopté cette taxe et, si elle avait été mise en place il y a deux ans, on aurait peut-être pu éviter la déb'cle de l'été dernier. Une faible taxe sur les transactions internationales pénaliserait les placements de capitaux à court terme tout en n'ayant pratiquement pas d'effet sur les investissements à long terme.
Les placements à court terme et non garantis incitent les gouvernements très peu démocratiques à se doter d'infrastructures inutiles, à acheter des armements ou à faire disparaître les capitaux par népotisme. Dans la plupart des cas, la population ne bénéficie aucunement de ces placements et elle en est presque universellement affectée étant donné que la dette subsiste. Les sociétés occidentales, et non pas les populations occidentales, en bénéficient en vendant des armes, des réacteurs nucléaires, des barrages, des usines exploitant la main-d'oeuvre, ainsi que des déchets industriels, agricoles et toxiques à ces pays pour se retirer ensuite dès qu'elles ont l'impression que les bénéfices vont baisser, comme cela s'est passé l'été dernier dans le Sud-Est asiatique.
Il y a ensuite le problème de la souveraineté nationale. La toute puissance des capitaux sur les marchés empêche les gouvernements nationaux d'agir conformément à ce qu'ils considèrent comme étant l'intérêt de leurs citoyens. Si une nation souveraine estime qu'un produit ou qu'une entreprise va porter préjudice à sa population, la société commerciale attaquée peut s'opposer à la législation.
Le MMT en est un bon exemple et je me félicite d'être arrivé avant la fin de l'intervention de M. Pannu, parce qu'il semble que nous ayons en grande partie les mêmes intérêts. Vous êtes au courant de la récente affaire dans laquelle une société américaine a poursuivi avec succès le gouvernement canadien, qui l'avait empêché de commercialiser un produit jugé dangereux. Ce même produit est interdit dans nombre des États du pays dans lequel est domiciliée cette société. Combien de pouvoirs vont encore perdre les gouvernements nationaux élus au profit des sociétés multinationales au nom du libre-échange?
Pour ce qui est maintenant de l'hormone de croissance bovine, gr'ce à une campagne publique intense, ce produit n'est toujours pas autorisé au Canada. La seule raison d'être de la somatotropine bovine recombinante, la BST, est d'augmenter les rendements laitiers à un coût énorme pour la santé des animaux et à un risque que l'on peut soupçonner pour les consommateurs. Étant donné qu'il y a surproduction de lait et de produits laitiers à l'heure actuelle, pourquoi même envisager l'utilisation d'un tel produit chimique? Les effets pernicieux de cette drogue sont inconnus à l'heure actuelle étant donné que les recherches n'ont pas été faites ou ont été étouffées.
Gr'ce aux efforts diligents et courageux de certains scientifiques de Santé Canada, des preuves notables de coercition et d'un complot éventuel ont été mises à jour. Peut-on être sûr que les marges de profit de Monsanto Corporation vont toujours être subordonnées à la santé de la population canadienne?
Il y a aussi la question des bananes des Antilles. La décision récente de la cour internationale d'autoriser la communauté européenne à acheter d'autres bananes que celles en provenance des Antilles a marqué un grave recul. Les pratiques en matière d'environnement des producteurs des Antilles sont très supérieures à celles des États de l'Amérique centrale, dont proviennent la grande majorité des bananes, mais de ce fait elles coûtent plus cher.
En vertu des règles du commerce international moderne, le produit le moins cher l'emporte sur tous les autres, quels que soient ses coûts d'un point de vue environnemental ou social. La philosophie de la production la moins chère, sans tenir compte des coûts pour l'environnement, détruit l'harmonie écologique et sociale et va à l'encontre de la pratique d'un développement durable.
Au sujet des aliments génétiquement modifiés, l'Inde lutte pour préserver ses méthodes agricoles traditionnelles face aux tentatives qui visent à la rendre dépendante des semences génétiquement modifiées. On ne pourra plus, comme on l'a toujours fait, replanter les semences des récoltes précédentes si les voeux des sociétés transnationales sont exaucés.
Il semble que l'on veuille que les agriculteurs autochtones deviennent dépendants de semences qui produisent des récoltes stériles. Le revenu minime des agriculteurs dans ces campagnes ne suffiront pas à couvrir le coût de l'achat annuel de nouvelles semences. Une fois dépendants, ils devront en grande majorité quitter leurs terres et rejoindre la masse toujours croissante des pauvres dans les villes.
Les consommateurs britanniques vont-ils être obligés d'accepter les aliments génétiquement transformés malgré leur bon sens et contre leur volonté? Va-t-on au moins les autoriser à exiger que ces produits transformés génétiquement soient étiquetés en conséquence? Est-ce que les études portées à l'attention du grand public par les scientifiques des gouvernements font être autorisées à limiter les marges de profit des grandes sociétés? Au contraire, est-ce que les expériences faites au sujet de notre santé vont se poursuivre, les supermarchés servant de laboratoires?
• 1600
Il y a aussi la question des forêts durables. Les groupements
d'écologie forestière d'Amérique du Nord ont très bien réussi à
convaincre les transformateurs de bois européens à boycotter les
coupes de forêt anciennes. Pouvons-nous être sûr que ces réactions
positives face au déboisement du continent ne seront pas annulées
par les nouvelles règles du libre-échange? Il y a déjà des
précédents de régressions commerciales de ce type. Le boycott avec
succès de la pêche au thon causant la mort des dauphins a été jugé
comme étant une pratique commerciale déloyale et, par conséquent,
on continue à pratiquer cette pêche.
Pour ce qui est des avantages du libre-échange, toutes les restrictions commerciales n'ont pas des conséquences écologiques pernicieuses. Les décisions supprimant les pratiques commerciales déloyales peuvent réduire le montant des subventions accordées à des productions anti-écologiques. La communauté européenne et les États-Unis se livrent depuis longtemps une guerre des subventions sur le blé, qui s'est traduite par une énorme surproduction et par la disparition des petites fermes rentables d'un point de vue écologique.
Les élevages modernes, avec leurs méthodes intensives, devraient être remis en question en raison des coûts écologiques qu'ils entraînent. Les coûts sur l'environnement sont rarement pris en compte dans la production pétrolière lorsqu'on se penche sur des questions comme les changements climatiques, les déversements de pétrole, les brouillards urbains, la disparition de la nature vierge et l'abandon d'autres solutions plus écologiques—énergie éolienne, énergie solaire, etc.
En conclusion, il faut bien voir que le monde ne peut pas se permettre de conférer à ses six millions d'habitants les mêmes rythmes de consommation excessive dont bénéficient les Canadiens. D'après les études récentes, il faudrait cinq autres planètes pour répondre à cette condition. Il est indispensable que les pays occidentaux se rendent compte que nous pouvons maintenir un excellent niveau de vie, et même l'améliorer, tout en nous dotant d'une société durable. Simplement en supprimant les déchets et les excès, qui n'ajoutent rien à notre bien-être, nous pouvons nous donner le temps d'aborder le difficile problème que nous pose la crise actuelle de l'environnement.
Les pratiques commerciales peuvent être un outil très efficace pour paver la voie à une société durable, à condition d'être bien utilisées. Si les législations commerciales restent entre les mains de ceux qui sont avant tout motivés par le profit, nous n'atteindrons pas cet objectif. Bien avant l'effondrement de l'écologie de la planète, on assistera à un véritable chamboulement économique. L'écologie peut se passer de l'économie, mais l'inverse n'est pas vrai.
Je recommande que dans toutes les lois adoptées à l'avenir, les objectifs et les finalités du développement durable priment par rapport au commerce—et je me rends bien compte que la notion de développement durable, ce qu'elle signifie en réalité, est encore en cours d'élaboration.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Parker.
Vous venez de soulever en fait des questions très importantes sur lesquelles il nous faudra nous pencher. Merci beaucoup de l'avoir fait.
Avant de passer aux questions, il y a une chose que je veux porter à votre attention. Dans l'une de vos recommandations, vous préconisez que l'on fasse une réserve explicite, détaillée et sans restriction concernant la santé. Notre sous-comité, dont il y a ici quatre membres, s'est effectivement penché sur l'accord multilatéral sur les investissements en novembre dernier. Ce rapport a été déposé à la Chambre des communes en novembre. Ce sous-comité était présidé par Bob Speller. C'était l'une de ses recommandations, qui a été acceptée par notre gouvernement. Je tenais donc à ce que vous le sachiez.
Mme Elizabeth Reid: C'est un bon travail. Je vous félicite.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je me demandais si vous étiez au courant. Ne manquez pas de consulter ce rapport, mais en fait le ministre Marchi a fait savoir qu'il était d'accord avec cette recommandation.
Mme Elizabeth Reid: Puis-je poser alors une question? Que fait-on au sujet de la clause qui figure dans l'ALÉNA?
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous nous sommes penchés sur l'AMI. Vous avez soulevé une question bien importante, mais notre recommandation était...
Mme Elizabeth Reid: C'était au sujet de l'AMI. Très bien, je comprends.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Bien, nous allons nous pencher sur cette clause dans l'ALÉNA, mais je tiens à vous dire auparavant qu'à mon avis vous avez évoqué une préoccupation importante et que vous nous avez fait comprendre, avec vos amis de Medicare en Alberta, que nous avions un grand besoin d'agir. Je vous signalerai cependant que ce n'est pas uniquement en Alberta que les soins de santé posent de gros problèmes, tout particulièrement avec la diminution des ressources enregistrées ces dernières années. Nous savons que les transferts fédéraux au titre de la santé et des services sociaux ont été ramenés de 18,5 milliards de dollars à 11 milliards de dollars, même si l'on en a rétabli une partie aujourd'hui. Cela s'est réparti sur tout le pays.
Mme Elizabeth Reid: Effectivement.
M. Charlie Penson: Je me demandais simplement si vous aviez aussi une section en Saskatchewan, où l'on a dû fermer 40 hôpitaux ces dernières années. C'est une question de pure forme.
Revenons donc à vos préoccupations de fond concernant l'ALÉNA. Je veux vous interroger au sujet du chapitre 11, celui qui traite de l'investissement dans l'ALÉNA, que vous avez qualifié d'ambigu. Cela nous renvoie aussi à l'accord de libre-échange avec les États-Unis, qui remonte à 1988, de sorte que cela fait plus de dix ans. Est-ce que vous avez pu constater certaines difficultés concernant cette prétendue exemption des services sociaux telle qu'elle est libellée dans cet accord?
Mme Elizabeth Reid: Eh bien, je pense qu'il nous faut revenir aux observations que vous avez faites tout à l'heure. Bien évidemment, nous savons que dans tout le pays, tout le monde a souffert dans le secteur de la santé. Je faisais plus particulièrement allusion aux pressions qui s'exercent à notre avis sur l'assurance-santé dans l'ensemble du Canada en raison des mesures prises par notre gouvernement provincial. Je crois savoir que l'Ontario, depuis l'élection du nouveau gouvernement, met en place nombre de stratégies du même type. Il ne faut donc pas dire que tout le monde n'a pas souffert. C'est bien évidemment le cas.
Pour ce qui est de nos préoccupations concernant l'ALÉNA, non, nous n'en avons pas connaissance, mais nous savons que notre gouvernement provincial a fait de gros efforts. Le Collège des médecins et des physiciens remet chaque fois sur le tapis la possibilité d'ouvrir des hôpitaux privés à but lucratif—c'est ainsi qu'il faut les appeler—pouvant exercer leurs activités en Alberta. En lisant cette clause... nous avons fourni une documentation en provenance d'autres commentateurs, mais je ne pense pas en fait qu'il est besoin d'être expert en la matière. Il suffit de la lire pour comprendre que cela ne s'applique qu'à un régime public. Disons qu'un hôpital privé et à but lucratif a pour finalité de procurer un rendement sur l'argent des investisseurs. Donc, dès qu'ils vont s'ouvrir dans notre province, je considère—et c'est notre conviction—que l'on va pouvoir s'engouffrer dans cette brèche au chapitre des soins de santé.
Nous savons que notre système de soins de santé manque de crédits au Canada. Il en est ainsi, comme vous le signalez, depuis que l'on a pratiqué les importantes réductions des paiements de transfert. Nous continuons à manquer de crédits. En regardant ce qui se passe ailleurs, nous constatons que c'est lorsque le régime public manque de crédits que l'on commence à voir apparaître un système à deux vitesses. Une fois que le premier hôpital privé à but lucratif va être mis en place, les autres vont suivre très vite. On finira par avoir...
Je ne voudrais pas être alarmiste, mais il suffit de voir ce qui se passe en Australie ou en Grande-Bretagne. Un certain nombre de médecins membres de Friends of Medicare m'ont dit: «C'est à dessein que j'ai quitté la Grande-Bretagne parce que je voyais ce qui allait arriver. Pourquoi faisons-nous la même chose ici à l'heure actuelle?» Voilà ce qu'ils me disent.
M. Charlie Penson: Oui. Il me semble cependant que l'on joue ici quelque peu sur les hypothèses. Et si le gouvernement de l'Alberta décidait de récupérer toutes les fermes, y compris ma ferme à Grande Prairie? N'est-ce pas là qu'une simple hypothèse? Je pense qu'il me faut en revenir à l'accord de libre-échange lui-même et à l'ALÉNA. Si le régime de soins de santé reste le même, pour l'essentiel, que celui qu'on a connu au cours des 30 dernières années, n'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire que l'exemption qui figure dans cet accord, au chapitre 11, sert bien ses objectifs, qui est d'exonérer ce secteur de l'application de l'accord?
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Docteur Blanchard.
Dr Bill Blanchard (président, Comité de recherche, Alberta Friends of Medicare Society): Puis-je apporter un commentaire? Je pense que dans la situation actuelle, si tout reste en l'état, cette clause permettra de protéger le régime de soins de santé au Canada pour des raisons simplement historiques. Ce qui nous fait peur, si la situation évolue, ce qui est le plus probable si le gouvernement de l'Alberta poursuit ses projets, et c'est absolument évident dans notre esprit, il suffit de voir ce qu'a fait notre gouvernement au cours des quatre dernières années, que ce soit en paroles ou en actes, pour conclure qu'il est absolument déterminé à faire une large place aux hôpitaux privés en Alberta. Si la situation évolue, pourquoi courir un risque avec la formulation ambiguë de cette clause de réserve?
Je sais que l'on vous donne beaucoup de choses à lire. On vous envoie constamment des documents. Toutefois, avez-vous reçu une copie de l'examen de l'ALÉNA effectué par Bryan Schwartz?
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Il a été cité dans le rapport sur l'AMI.
Dr Bill Blanchard: J'en ai un exemplaire ici. C'est le seul dont je dispose, mais je peux en faire une copie et je me ferai un plaisir de vous la remettre. Je pense que ça fait vraiment réfléchir.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie, mais nous l'avons, docteur Blanchard.
M. Charlie Penson: Docteur Blanchard, simplement pour poursuivre dans cette voie...
Dr Bill Blanchard: La question cependant—et j'insiste peut-être trop là-dessus—c'est pourquoi prendre ce risque? À partir du moment où nous réussissons à formuler une clause de réserve claire et incontournable, en disant que l'on ne peut pas toucher à la santé, on ne prend plus ce risque.
M. Charlie Penson: C'est juste.
Vous semblez être conscient de la part prise par le gouvernement provincial dans toute cette affaire. Lorsque le réseau de soins de santé a été mis en place il y a une trentaine d'années, le gouvernement fédéral finançait à peu près les deux tiers du coût. Nous avons en quelque sorte un système différent ici en Alberta, les consommateurs payant aussi une prime. Quoi qu'il en soit, il faut un certain montant d'argent pour administrer un réseau de soins de santé. Lors de ce même débat sur les soins de santé qui s'est déroulé il y a 30 ans, je crois que le gouvernement fédéral avait dit que sa part ne tomberait jamais au-dessous de 50 p. 100 du total. Aujourd'hui, il m'apparaît que c'est environ 11 ou 12 p. 100.
Est-ce qu'il ne vous manque pas un élément important ici dans vos critiques? Les crédits ont baissé et pourtant il y a deux paliers de gouvernement en cause. Il est indéniable que le gouvernement fédéral s'est largement dégagé du financement des soins de santé.
Dr Bill Blanchard: Oui. Ma conviction—et je pense que c'est aussi le point de vue de Friends of Medicare, mais je m'avance peut-être un peu—c'est que ce n'est pas le manque de crédits qui est véritablement dangereux pour le régime de soins de santé au Canada. C'est un élément critique et c'est un danger, mais ce n'est pas le principal danger. Le grand danger, c'est la privatisation.
M. Charlie Penson: Toutefois, la proportion, le pourcentage, a changé considérablement.
Dr Bill Blanchard: Bien sûr. Oui, nous sommes d'accord, et c'est bien dommage.
Mme Elizabeth Reid: Nous n'avons pas manqué de faire un grand nombre d'interventions auprès du gouvernement fédéral à ce sujet et nous continuons à le faire, le débat continue.
J'en reviens à la question que vous avez posée un peu plus tôt: n'exagérez-vous pas un peu lorsque vous parlez de tous ces problèmes? Nous avons nous aussi fermé un grand nombre d'hôpitaux en Alberta il y a quelques années et l'un d'entre eux, l'hôpital Grace, un hôpital de charité construit avec l'argent des contribuables ainsi qu'avec les dons de l'Armée du salut, a été fermé. Il a aujourd'hui été loué à une organisation à but lucratif et il fonctionne en quelque sorte comme un hôpital privé à but lucratif. Il fait tout ce que l'on fait dans un hôpital et c'est une organisation privée à but lucratif. Ça s'en vient. Il exécute déjà des travaux sous contrat pour le compte du régime d'indemnisation des accidents du travail, ce genre de choses.
Donc, quand vous nous dites que nous exagérons... Ils sont prêts, et c'est le groupe des ressources sur la santé qui intervient depuis deux ans devant le Collège des médecins et des chirurgiens pour qu'il change les politiques et la réglementation, sans jamais se servir du terme «hôpital» pour pouvoir commencer à opérer de cette manière. Par conséquent, je ne...
M. Charlie Penson: Il est possible qu'un peu plus de crédits fédéraux pourraient...
Mme Elizabeth Reid: En fait, cela améliorerait considérablement la situation. La privatisation ne se ferait pas. Il n'y aurait pas de queue et de protestation si nous avions un réseau public financé comme il se doit. En Grande-Bretagne, en Australie—regardez autour de vous dans le monde—les réseaux publics se dégradent et l'on voit apparaître des établissements privés et à but lucratif lorsqu'on ne verse pas suffisamment de crédits. Nous avons les ressources nécessaires. Nous pouvons le faire. Il nous faut faire ce choix politique.
M. Charlie Penson: Très bien.
M. Bob Speller: Et cela nous vient du Parti réformiste.
M. Charlie Penson: Tout à fait, et vous feriez bien de nous écouter.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Sauvageau, c'est votre tour.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Je vais vous poser une question, madame Reid. Je veux bien comprendre. J'ai parfois l'impression de venir de loin. Dans votre présentation, vous dites que le premier rôle du gouvernement fédéral est de transférer les impôts que nous payons tous, comme Canadiens et Canadiennes, à la province de l'Alberta. Son deuxième rôle est de négocier le chapitre 11 de l'ALÉNA, car le provincial ne peut négocier le chapitre 11 de l'ALÉNA sur les soins de santé. Je comprends bien jusqu'à maintenant? C'est tout?
[Traduction]
Mme Elizabeth Reid: Je pense que le gouvernement fédéral a un rôle considérable à jouer pour montrer la voie. C'est le gouvernement fédéral qui encadre le projet. Votre collègue nous a parlé de ce qui s'est passé il y a 30 ans. Je renchérirai en fait en disant que le régime d'assistance médicale et de soins de santé dans notre pays est toujours en évolution. Il me semble qu'il change constamment, ce qui est normal, parce que notre conception des soins de santé évolue constamment.
Le rôle du gouvernement fédéral est fondamental car c'est lui qui peut prendre l'initiative et avoir un projet nous amenant à signer un contrat les uns avec les autres, au sein de notre société, pour que tous ceux qui ont besoin d'être soignés puissent bénéficier de soins de santé. Nous apprenons aujourd'hui en écoutant les nouvelles que les médecins de Calgary ont décidé de remettre un document à leurs malades lorsqu'ils leur prennent un rendez-vous avec un spécialiste ou lorsqu'ils font faire une opération. Ils se couvrent ainsi pour ne pas avoir de responsabilités légales au cas où le malade mourrait avant d'avoir pu obtenir ce service. C'est absurde. Nous manquons terriblement de crédits.
Je respecte M. Rock à bien des égards, mais je pense que ni lui, ni le gouvernement fédéral, n'ont suffisamment élevé la voix pour faire respecter ce contrat que nous avons les uns envers les autres et pour que les provinces trouvent les moyens d'y parvenir.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Sauf pour les transferts d'argent, n'est-ce pas la province qui devrait exercer le rôle de leader?
[Traduction]
Mme Elizabeth Reid: La réalité c'est qu'en Alberta, notre gouvernement provincial est fermement convaincu que les établissements privés et à but lucratif sont meilleurs. Il trouve donc tous les prétextes pour tout privatiser chaque fois qu'il le peut. Je sais que d'autres provinces dans notre pays ont fait de même. Mais lorsque l'on entreprend de privatiser les soins de santé et les services hospitaliers, et lorsqu'on se dote de toutes sortes de politiques et de lois pour y parvenir, un petit groupe comme le nôtre—disons que c'est à la fois un petit et un grand groupe, mais nous sommes des citoyens qui ne disposent pas de personnel—doit lutter pour faire face à ces multiples tentatives devant de nombreuses instances pour finalement... Je pense que le gouvernement fédéral a un très grand rôle à jouer sur le plan de la persuasion morale.
M. Benoît Sauvageau: Très bien.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie.
Monsieur Speller, puis M. Cullen.
M. Bob Speller: Merci, madame la présidente. Je tiens à remercier les intervenants de leurs observations. Pour enchaîner sur ce qu'a dit M. Penson, madame la présidente, j'ai été quelque peu surpris par certains de ses commentaires, compte tenu de la position adoptée par le Parti réformiste pour ce qui est de la médecine privée. Certains députés du Parti réformiste parlaient d'une refonte complète de la Loi canadienne sur la santé—d'abroger la Loi canadienne sur la santé. Je suis sûr par ailleurs que les chiffres que nous avons cités ne tenaient pas compte des changements apportés aux points d'impôt. On a parlé uniquement des montants en dollars versés au titre des soins de santé.
J'aimerais que l'on parle un peu de ce que vous avez déclaré au sujet d'Ethyl Corp. Je n'en suis pas sûr—je sais que vous rapprochez l'affaire du chapitre 11—mais j'avais compris que le gouvernement fédéral avait fini par signer un accord avec Ethyl Corp. et que l'affaire n'est pas allée jusqu'au tribunal ou jusqu'à un organisme chargé de prendre une décision. À la suite d'une décision prise dans le cadre d'un accord sur le commerce intérieur, par un groupe mis sur pied par les ministres fédéraux et provinciaux pour traiter des barrières commerciales interprovinciales... Ce groupe s'est penché sur les raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral avait interdit le commerce transfrontières à l'importation du MMT, et il avait statué à l'époque que ce commerce n'était pas légal à l'intérieur du Canada. Cela n'avait rien à voir avec le chapitre 11. Le gouvernement fédéral n'avait aucun droit de procéder ainsi.
Avant que l'on statue ainsi—et c'était la ministre Copps qui était aux commandes à l'époque—on a transmis tout le dossier à Santé Canada. Santé Canada a statué qu'aucune preuve médicale ne justifiait en droit que le Canada prononce une interdiction. Par la suite, on s'est d'ailleurs adressé aux constructeurs automobiles pour voir s'il n'y avait pas moyen d'agir de ce côté. Les constructeurs automobiles ont répondu qu'effectivement cela encrassait les circuits. Nous avons donc soutenu cette thèse dans le cadre de l'Accord sur le commerce intérieur et lorsqu'on nous a demandé de donner des preuves, les constructeurs automobiles ont répondu qu'ils étaient encore en train d'étudier le dossier et qu'ils ne les avaient pas encore. Le gouvernement fédéral s'est retrouvé avec un dossier vide et on lui a demandé les raisons de l'interdiction. Où étaient les preuves? Il n'y avait aucune preuve. Malheureusement, il n'y avait aucune preuve sur le plan de la santé, et j'ai lu de nombreux rapports. Il y a en fait nombre d'excellents rapports aux États-Unis qui démontrent qu'il peut y avoir des effets pernicieux. Malheureusement, Santé Canada, les médecins et les scientifiques n'ont pu confirmer qu'en réalité nous avions des raisons de prononcer cette interdiction.
Par conséquent, le gouvernement fédéral a réglé l'affaire avec Ethyl et nous en sommes maintenant à chercher des raisons d'interdire ce produit pour des questions de santé. Si ces raisons de santé se matérialisent, le gouvernement fédéral a bien l'intention de prononcer l'interdiction en faisant état de preuves scientifiques.
M. David Parker: Est-ce que cela n'est pas le signe d'une lacune dans la loi, puisqu'à partir du moment où vous faites enquête, vous devriez pouvoir mettre en place une législation pour que le gouvernement d'un pays souverain, pour protéger sa population, puisse prendre des décisions qui ne soient pas contestées, même s'il ne dispose que d'éléments de preuve limités? N'est-ce pas votre mandat? Est-ce que je me trompe? Je vois que vous secouez la tête.
M. Murray Calder: Je vais vous répondre.
M. Bob Speller: Allez-y.
M. Murray Calder: Ce n'est pas nécessairement qu'il y a une lacune dans la loi ou quelque chose comme ça. C'est le fait que nous avons été amenés à croire qu'il y avait des preuves scientifiques qui démontraient que ce produit posait un risque pour l'environnement. Puis, lorsque nous sommes allés chercher ces preuves scientifiques, elles n'ont pas pu nous être fournies et nous nous sommes retrouvés sans rien du tout. Voilà ce qui s'est passé en résumé.
Dr Bill Blanchard: Je tiens à bien comprendre. Je pense que ça va en fait dans les deux sens. Nous devons nous aussi nous informer. Il est certain que nous ne sommes pas des spécialistes de la question. Toutefois, vous nous dites que l'une des raisons pour lesquelles on n'a pas pu y parvenir, c'est tout simplement parce que nous n'en avions pas le pouvoir. C'est bien ça?
M. Bob Speller: Non, nous ne disposions pas des preuves scientifiques.
Dr Bill Blanchard: Très bien. Je ferai donc une comparaison avec les médicaments, pour prendre un exemple. D'une certaine manière, le fabriquant qui veut mettre un médicament sur le marché doit prouver qu'il n'est pas dommageable pour la santé et qu'il a bien les effets prévus. Si l'on accepte cette analogie, je ne vois pas pourquoi un gouvernement souverain ne pourrait pas interdire cela.
M. Bob Speller: Mais ce n'est pas un médicament. Non, je comprends votre argument. Je cherchais simplement à vous expliquer la procédure selon laquelle... c'est parce qu'un certain nombre de groupes viennent nous dire que cette question relève de toute évidence du chapitre 11 et que le gouvernement fédéral n'a rien pu faire. Toutefois, cela n'a rien à voir avec le chapitre 11.
En fait, n'importe quelle société qui se trouve aujourd'hui au Canada peut traduire le gouvernement fédéral devant les tribunaux, ou tout autre palier de gouvernement, si elle a l'impression... N'importe quelle société étrangère, de même que n'importe quelle société canadienne.
Dr Bill Blanchard: Donc, cela n'a absolument rien à voir avec l'ALÉNA.
M. Bob Speller: Non, absolument rien à voir.
Dr Bill Blanchard: Très bien.
M. Bob Speller: Comme vous le savez, nous avons interdit le plomb par le passé et nous avions les preuves scientifiques pour le faire. Étant donné l'existence de ces preuves, cela nous a été possible.
Je sais que vous avez parlé de la Californie et des autres États américains... La Californie est le seul que je connaisse. Il se peut qu'il y en ait d'autres aux États-Unis. En vertu des règles établies, Ethyl peut les traduire devant les tribunaux si elle le veut. Elle ne le fera pas au titre du chapitre 11 mais en vertu du droit américain. L'une des difficultés qu'elle rencontre vient du fait que ce produit a été interdit en Californie bien avant, et qu'elle n'a jamais pu le commercialiser dans cet État. Il ne s'agit donc pas de l'adoption d'une loi. On n'a jamais réussi à commercialiser ce produit là-bas.
Mais à l'heure actuelle—et je cite le dossier de mémoire—Ethyl doit procéder à des études en vertu de la Loi sur la protection de l'environnement. Elle est en train d'effectuer ces études concernant les répercussions sur la santé. Une fois que ces études seront publiées, Ethyl pourra traduire la Californie devant les tribunaux. Je ne sais pas si elle le fera.
Dr Bill Blanchard: Je ne voudrais pas pousser trop loin l'analyse parce qu'il est possible que ce ne soit pas le bon exemple. Toutefois, si la chose n'a rien à voir avec l'ALÉNA, pourquoi le gouvernement a-t-il versé une indemnisation au titre du manque à gagner?
M. Bob Speller: Il a versé une indemnisation parce que, comme toute autre société, canadienne ou autre, Ethyl exerçait déjà ses activités au Canada. En raison de la décision prise par le gouvernement fédéral, qui a été jugée illégitime, elle a perdu ce marché au Canada. Le règlement s'est donc fait sur cette base. Il n'avait rien à voir avec le chapitre 11. C'est une chose que n'importe quelle société existante avait le droit de faire. Je veux dire par là que toute société au Canada avait ce droit.
M. David Parker: Si l'on compare à d'autres questions, comme je l'ai fait dans mon mémoire en ce qui concerne les changements climatiques; les données scientifiques en matière de changement climatique restent incertaines. Est-ce que cela signifie qu'une société étrangère peut venir nous dire que l'on ne peut pas recourir à des méthodes économisant le combustible, à des panneaux solaires, etc., en partant de la même hypothèse?
M. Bob Speller: Non.
M. David Parker: Il est certain qu'il faut durcir la loi lorsque les craintes sont aussi enracinées... Vous nous dite que ce n'est pas encore le cas. Toutefois, pourquoi le gouvernement du Canada a-t-il prononcé au départ cette interdiction s'il n'y avait aucune crainte en la matière? Voyez-vous ce que je veux dire? S'il n'y avait aucune crainte au départ, pourquoi en est-on arrivé à ce point?
M. Bob Speller: Le ministère a certainement pensé à ce moment-là qu'il y avait des preuves scientifiques dans un ou plusieurs domaines, mais malheureusement ça ne s'est pas matérialisé.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller, je crois que M. Sauvageau veut vous poser une question. Je ne veux pas vous interrompre, mais cela fait suite à notre discussion.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: J'ai une question pour vous, monsieur Speller. Nonobstant les clauses scientifiques et les preuves qu'on n'a pas ou qu'on a, après qu'on a eu interdit à la compagnie Ethyl de vendre des MMT au Canada, est-ce que les compagnies canadiennes ont pu vendre des additifs pour l'essence à base de MMT?
M. Bob Speller: Oui, elles ont pu le faire. On ne pouvait pas transférer ce produit entre plusieurs provinces ou plusieurs entreprises.
M. Benoît Sauvageau: C'était un gros problème.
M. Bob Speller: Oui. Elles pouvaient le faire en Alberta. C'est pourquoi le gouvernement de l'Alberta a en fait contesté l'affaire et a gagné devant la Commission sur le commerce intérieur.
M. Benoît Sauvageau: La société américaine n'avait donc pas à se défendre; la société canadienne n'était pas fondée à fabriquer ce même produit.
M. Charlie Penson: C'est Ethyl qui le fabriquait.
M. Bob Speller: C'est Ethyl, mais le gouvernement n'a pas pu trouver d'autres moyens... Le gouvernement a pris une décision. Il voulait interdire ce produit et la seule façon d'y parvenir selon lui était de procéder de cette manière.
M. Charlie Penson: Qui s'est révélée illégale.
M. Bob Speller: Oui, en raison de l'accord. Il ne disposait pas des données à l'époque pour procéder ainsi, ce qui ne veut pas dire que le gouvernement fédéral ne voulait pas le faire. D'ailleurs, il effectue lui-même les études, tant du point de vue de la santé... et les études effectuées par les constructeurs automobiles étaient censées être terminées il y a un an, mais je crois qu'elles vont sortir à l'automne, et l'on disposera peut-être des données pour faire quelque chose.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Bien évidemment, vous venez tous de soulever une question très importante.
M. Penson veut ajouter quelque chose.
M. Charlie Penson: J'ai cru comprendre qu'en Californie, lorsqu'on a interdit le MMT, un autre additif a été utilisé à sa place. Les responsables s'aperçoivent aujourd'hui que l'additif de remplacement qui est fabriqué ici en Alberta pose des problèmes, la société albertaine va devoir cesser ses activités et elle est de toute façon très menacée parce que c'est elle qui fabriquait cet additif de remplacement. J'ai cru comprendre que l'on a conclu que le MMT n'était pas aussi dangereux que le produit servant de remplacement. C'est donc en quelque sorte un cercle vicieux.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Vous venez de soulever de toute évidence des questions très importantes qui méritent d'être discutées.
Monsieur Calder, vous vouliez dire quelque chose.
M. Murray Calder: En guise de conclusion rapide, étant un partisan de l'éthanol, je préférerais que nous utilisions un dérivé de l'alcool pour oxygéner le carburant, ce qui réglerait en grande partie ce problème. Cela a pour effet d'augmenter la production de maïs, de blé, des autres céréales, et l'on obtiendrait également des drêches de brasserie, en tant que sous-produit.
M. David Parker: Sans parler de l'avantage qu'il y a à produire des aliments pour faire fonctionner les voitures.
M. Murray Calder: Eh bien, ce serait un cycle écologique parfait, si l'on utilisait l'alcool pour oxygéner le carburant. Les sous-produits de ce processus, ce sont les drêches de brasserie, qui sont utilisées pour l'élevage des porcs et des bovins, pour les produits laitiers, et le sous-produit de ces industries c'est principalement le fumier, un engrais qui augmente la production du maïs. Il est difficile d'imaginer un cycle plus écologique.
M. David Parker: Je n'avais jamais pensé que nous aborderions de telles questions, mais lorsqu'on utilise des aliments pour nourrir le bétail et produire des protéines à un taux de 1 à 15 ou 1 à 20, cela constitue une autre perte importante.
M. Murray Calder: Oui. Mais là encore, si vous voulez, je pourrais vous parler des indices de transformation et des choses de ce genre, mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'aborder ces questions techniques.
Il y a un sujet dont j'aimerais par contre vous parler... Dans votre exposé vous parlez de la BST, la somatotropine bovine. Vous parlez également des aliments modifiés génétiquement.
Pour ce qui est de la BST, comme je l'ai déjà dit, je suis membre du Comité permanent de l'agriculture et je suis un de ceux qui ont voté contre l'utilisation de la BST. Un des chercheurs de Monsanto, M. Elliot Block, nous a transmis l'étude que nous avons utilisée pour obtenir par la suite un moratoire de trois ans dans lequel il affirmait que l'on n'avait pas suffisamment étudié l'effet de cette hormone sur les primates, à l'étape prénatale.
Je peux vous dire que la BST avait fait l'objet d'une multitude d'expériences aux États-Unis depuis 1985, mais nous avons découvert que cet aspect-là n'avait pas vraiment été vérifié. C'est ce qui nous a permis d'obtenir ce moratoire.
• 1635
Il y a aussi les semences qui donnent des récoltes stériles.
Je suis également d'accord avec vous là-dessus parce que cela
empêche l'agriculteur de réutiliser ses semences. Je veux dire par
là qu'il ne peut reprendre les semences provenant d'une variété
toute nouvelle créée par les entreprises de semences. Ces
entreprises essaient d'utiliser ces semences donnant des récoltes
stériles pour pouvoir récupérer leurs coûts de recherche. Voilà ce
que je vois.
Ces deux aspects soulèvent d'après moi un problème mais ma question est, en tenant compte... L'économie se mondialise de plus en plus et il est évident que nous ne pouvons plus nous passer de la biotechnologie. Si l'on regarde ce qui se passait en 1970... nous pensions à 1995 en nous demandant comment nous pourrions nourrir les cinq milliards d'habitants de la planète, et au fait que nous avions pratiquement atteint, à trois pour cent près, les limites de la production agricole. Eh bien nous avons eu toute une surprise. Lorsque l'année 1995 est arrivée et que le Conseil mondial de l'alimentation s'est réuni à Washington pour examiner le document Vision 2020, la population de la planète s'approchait de six milliards, et nous avons maintenant atteint ce chiffre. Nous nous demandions comment on allait pouvoir nourrir huit milliards d'habitants d'ici l'an 2020, et je crois que l'on peut ramener cela à 2010, parce que nous atteindrons probablement ce chiffre à ce moment-là. La biotechnologie va donc jouer un rôle particulièrement important pour l'agriculture et nous permettre de nourrir tous ces gens.
J'aimerais savoir comment vous pensez que l'on pourrait introduire ces facteurs dans ces discussions, parce qu'il est évident qu'ils en constituent un élément essentiel.
M. David Parker: Je suis sûr que vous avez toutes sortes de chiffres qui démontrent que la production alimentaire est insuffisante mais là encore, pour répéter ce que j'ai déjà dit, l'idée de nourrir les animaux avec des protéines pour pouvoir alimenter la population mondiale... D'après les éditeurs de la revue World Watch, cela est tout à fait impossible. Il est impossible d'alimenter les habitants de notre planète en se nourrissant comme le font les nord-Américains, avec de la viande, du poisson et le reste. Nous sommes obligés de devenir végétariens.
Il y a aussi le fait que l'offre excédentaire d'aliments dans le reste du monde découle principalement de problèmes de redistribution. Les pays occidentaux s'approprient des quantités énormes de nourriture, et ils en privent par conséquent les pays du tiers monde, il y a aussi le fait que nos techniques de fabrication d'aliments, les sociétés multinationales qui utilisent des méthodes intensives, les mettent en faillite. Il faut se demander si nous voulons que tous ces gens consomment comme nous de façon excessive ou considérer qu'il est naturel qu'ils se contentent d'une agriculture de subsistance pendant un certain temps, au moins jusqu'à ce que l'on parvienne à stabiliser la population.
M. Murray Calder: Je ne suis pas du tout d'accord avec vous parce que votre comparaison est fausse, et je vais parler des indices de transformation. Avec les progrès que nous faisons ici dans le domaine de l'aquaculture, l'indice de transformation pour le poisson, par exemple, est de 1,2 à 1. Autrement dit, avec 1,2 livre d'aliments, on obtient une livre de viande. Dans le secteur du poulet, on est en train d'atteindre un indice de 1,385 à 1. Nous avons obtenu tout cela parce que nous avons procédé à des modifications génétiques et réussi à augmenter considérablement l'indice de transformation dans ces deux cas, le poisson et la volaille.
Il faut également tenir compte du fait, David, que toutes nos industries sont à l'écoute du consommateur. Si vous me dites que les consommateurs vont se contenter de manger des céréales et rien d'autre, j'aurais du mal à vous croire.
M. David Parker: Bien sûr, il y a d'autres aspects, la production de poisson, par exemple. Il est bien connu que la pisciculture est source de maladies et qu'elle transmet des maladies aux autres poissons, qu'elle détruit l'écologie des bassins hydrographiques dans lesquels ces poissons sont rel'chés, l'élevage intensif occasionne un ruissellement qui introduit dans la nappe phréatique des substances qui causent l'eutrophisation et qui contamine cette nappe avec des nitrates, notamment.
• 1640
La viande, si nous continuons à la produire en utilisant des
méthodes aussi intensives, contient des substances
antibactériennes, des hormones, et une quantité de gras élevés.
Vous dites qu'on arrive à un indice de transformation égal à 1, et
que l'on obtient un poids supérieur à celui des aliments que l'on
utilise, mais que faites-vous des éléments nutritifs qu'on retrouve
dans les plantes comparés à ceux que l'on retrouve dans la viande?
Je dirais qu'on en perd une quantité considérable. L'obésité, les
maladies de coeur, les accidents cérébrovasculaires ainsi que le
cancer, toutes ces maladies que l'on retrouve en Amérique du Nord,
viennent principalement de la façon dont les gens se nourrissent.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Messieurs, je vais vous demander de conclure, parce que notre temps est pratiquement écoulé. Nous ne pouvons pas poursuivre cette discussion.
Je vous remercie d'être venus.
Soyez très bref, monsieur Blanchard. On m'a surnommée la sorcière du temps.
Dr Bill Blanchard: La guillotine.
C'est une question brève. Vous avez déjà mentionné que cela avait déjà été en fait introduit...
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Avec la recommandation que le sous-comité du commerce international a présenté au ministre, qui a été acceptée par le ministère et le premier ministre. Cela concernait précisément l'AMI. Ce serait donc la position que nous adopterions pour les négociations si nous décidions à Seattle d'ajouter...
Dr Bill Blanchard: Est-ce que cela vaudrait également pour l'OMC et l'ALE?
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui.
Dr Bill Blanchard: Est-ce que l'on peut trouver cela sur Internet?
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Absolument. Cela a été présenté à la Chambre en novembre dernier.
Dr Bill Blanchard: Je devrais donc être capable de trouver cela sur Internet?
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui.
Dr Bill Blanchard: Bien. Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Encore une fois, je vous remercie d'être venus. Je suis désolée de ne pas disposer de plus de temps. Nous essayons d'entendre le plus grand nombre de témoins possible.
Encore une fois, je l'ai déjà dit à tous les témoins qui sont intervenus, ce n'est pas la fin de nos consultations; c'est le début du processus et cela nous donne l'occasion de nous rencontrer. Si vous avez d'autres choses à ajouter aux questions que vous avez soulevées, n'hésitez pas à contacter le comité par l'intermédiaire de la greffière ou des membres du comité. C'est un dialogue permanent. Ce n'est pas la fin du dialogue. Nous devons communiquer les uns avec les autres.
Merci beaucoup d'être venus.
Notre prochaine réunion aura lieu à 8 h 30 à Calgary. La séance est levée.