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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES,

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 février 1998

• 1048

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest— Mississauga, Lib.): J'ouvre la séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous allons discuter aujourd'hui des activités du ministère avec M. Laverdure, sous-ministre adjoint pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord et notre émissaire spécial en Algérie.

Je suis sûre, monsieur, que vous avez comparu devant des comités à plusieurs reprises et que je n'ai donc pas à vous expliquer la procédure. Veuillez commencer. Je vous remercie.

[Français]

M. Claude Laverdure (sous-ministre adjoint, Europe, Moyen-Orient et Afrique du Nord, émissaire spécial en Algérie, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Madame la présidente, sans en faire un cas particulier, je voudrais noter, comme je viens de vous l'indiquer, que j'ai travaillé pendant quelques semaines convaincu que je comparaîtrait ce matin à huis clos devant le comité. Cet état de choses n'a jamais été contredit jusqu'à il y a 15 minutes. Je suis conscient que des gens ont fait la démarche de venir nous écouter ce matin. Donc, plutôt que de les décevoir et de dire que j'avais un accord avec ce comité, je vais me soumettre à une présentation publique.

Je voudrais souligner dès le départ qu'il y a certaines informations que j'avais l'intention d'utiliser, qui m'ont été confiées en toute confidence par des gens dont la vie pourrait être en danger si je les citais trop bien. Donc, j'éviterai de me reporter à certaines de ces confidences et je me contenterai dans un premier temps, si cela agrée au comité, de vous faire une présentation rapide de ma mission, de ses objectifs et de ce que je crois avoir été les résultats, après quoi, bien entendu, je répondrai à toutes vos questions.

• 1050

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Ce sera parfait.

[Français]

M. Claude Laverdure: Premièrement, pourquoi suis-je allé en mission à Alger? On a parfois dit qu'il s'agissait d'établir un dialogue avec les autorités algériennes. Je soulignerai dès le départ que ce dialogue existait déjà. Le ministre Axworthy avait, à quelques reprises, rencontré son collègue le ministre Attaf. On avait, bien entendu, discuté de questions de sécurité et de terrorisme ainsi que d'évolution politique et économique.

Vous vous souviendrez qu'au début janvier ou fin décembre, il y a eu une recrudescence des massacres. Nous avons examiné ensemble quelles étaient les possibilités d'intervention pour réussir à avoir un dialogue un peu plus étoffé et continu.

La solution qui avait été retenue était que le premier ministre Chrétien écrive une lettre au président Zéroual pour lui faire part d'un certain nombre d'idées sur lesquelles je reviendrai. Nous avions décidé également, pour marquer un point, de faire porter cette lettre par un émissaire spécial, ce qui est, en politique étrangère canadienne, relativement exceptionnel. On tenait de cette façon à marquer un point, à savoir que pour nous, c'était une démarche très importante.

[Traduction]

Quel était le contenu de cette lettre? Je crois que nous avons publiquement affirmé à plusieurs reprises que nous offrions nos sympathies et nos condoléances au peuple algérien. Deuxièmement, nous avons condamné le terrorisme en termes non équivoques. Troisièmement, nous avons offert aux autorités algériennes une aide humanitaire si elles jugeaient en avoir besoin. Quatrièmement, nous avons dit avoir l'impression que nos amis algériens manquaient de transparence et que les communications entre nous n'étaient pas suffisamment bonnes, ce qui en a amené certains à répandre des rumeurs et d'autres à se demander ce qui se passait vraiment en Algérie parce qu'on déplorait un manque de communication avec nos propres ONG, notre propre presse et même nos propres parlementaires.

Nous avons donc suggéré aux autorités algériennes quelques façons d'améliorer la situation, d'accroître la transparence et de faciliter leurs rapports avec nos compatriotes.

[Français]

En apportant cette lettre, j'ai voulu entreprendre ce dialogue continu et ouvrir une porte. Jusque-là, les discussions s'étaient passées principalement hors Algérie, et il fallait trouver un moyen de se rendre à Alger pour rencontrer les autorités et ceux qui se disent de l'opposition.

La porte, j'ai voulu l'ouvrir d'abord et avant tout pour le Canada, ce qui a été fait. Vous conviendrez avec moi qu'un de mes objectifs était aussi de laisser cette porte ouverte en partant. Il ne fallait pas qu'on la referme derrière moi et que j'aie raté cette occasion de poursuivre un dialogue.

Compte tenu des circonstances qui se développaient d'heure en heure, à mon arrivée, puisque j'étais le premier envoyé spécial ou émissaire spécial à pouvoir me rendre à Alger, j'ai souhaité laisser la porte ouverte derrière moi pour nos collègues européens et pour les représentants des Nations unies, puisque cette porte semblait encore fermée de façon hermétique, parfois plus pour eux que pour moi.

Sur ce plan-là, je pense qu'on peut se dire satisfait de notre démarche. J'ai été accueilli avec chaleur. J'ai eu droit à des entretiens francs, je pense, parce que j'apportais aussi un message franc de la part des Canadiennes et des Canadiens. J'ai eu des réponses à bon nombre de mes questions.

• 1055

On m'a aussi donné l'occasion de rencontrer des gens qui se disent en général de l'opposition. Il s'agissait de députés, d'éditorialistes, du président de la Ligue des droits de la personne, de la présidente de l'Association des victimes du terrorisme et du secrétaire général à la retraite du FLN. Donc, j'ai pu réunir un certain nombre de gens et leur poser les mêmes questions que je posais au ministre des Affaires étrangères pour essayer de mieux comprendre la situation et de leur expliquer la qualité de la préoccupation de leurs amis canadiens.

Pourquoi ai-je été accueilli de cette façon? Je pense que c'est parce que le Canada jouit toujours d'une excellente réputation auprès des Algériens et des Algériennes. Tant les autorités que les gens de l'opposition ne perçoivent pas le Canada comme un pays qui aurait un agenda secret. Ils ne perçoivent pas le Canada comme un pays qui fait de l'ingérence. Ils le perçoivent comme un pays qui est préoccupé par ce qui se passe dans un pays ami, qui veut comprendre et peut-être offrir sa coopération pour en arriver à une solution.

Bien entendu, vous comprendrez que je n'ai pas eu sur-le-champ toutes les réponses à la lettre de M. Chrétien, parce qu'il va de soi que, lorsque vous apportez une lettre, votre interlocuteur vous promet en échange une réponse écrite. Donc, le ministre des Affaires étrangères a lu devant moi cette lettre et l'a commentée dans certains cas; il a dit qu'il fallait attendre de recevoir la réponse du président Zéroual.

Cette réponse nous est parvenue la semaine dernière. Elle répond aux différents paragraphes de la lettre de M. Chrétien. Cela ne m'a pas empêché de dire au ministre des Affaires étrangères que, puisqu'on était face à face, il y avait un certain nombre de questions que je voulais soulever avec lui, et j'ai mis particulièrement l'accent sur l'aide humanitaire, les besoins des familles des victimes, le combat contre le terrorisme et toute cette question de transparence et de communication, autant à l'intérieur de l'Algérie qu'avec les étrangers, bien entendu, en commençant par les Canadiennes et les Canadiens.

J'ai, comme je l'indiquais, soulevé les mêmes points, les mêmes questions avec les personnes que je mentionnais plus tôt. De façon générale, ces gens défendaient des idées qui leur étaient propres. Donc, je ne peux dire qu'il y avait un consensus chez eux quant à la réponse qu'on donnait à mes questions. Dès que je soulevais une question, les chances étaient que je reçoive sept ou huit réponses semblables, mais dans lesquelles il y avait toujours des nuances. Le seul point sur lequel tous ces gens s'entendaient, c'était pour me dire de façon claire et précise qu'ils ne voyaient pas d'implication ou de participation des autorités, des forces armées et des forces policières dans les massacres que l'Algérie connaît depuis quelques mois.

Deuxièmement, ils craignaient tous, autant que les autorités en place, toute forme d'ingérence. Troisièmement, ils étaient d'avis que, jusqu'à nouvel ordre, l'Algérie n'avait pas besoin d'aide sur le plan humanitaire. L'Algérie a les moyens de répondre aux besoins des familles des victimes et, selon eux, elle le fait.

J'ai aussi mis l'accent sur une expérience qui n'est peut-être pas particulière au Canada, mais que l'on vit depuis quelques années au moins, à savoir que le combat contre le terrorisme a plus de chances de succès quand il se fait en équipe, c'est-à-dire avec des pays amis. Seul, même un grand pays comme l'Algérie risque d'avoir des problèmes pour trouver une solution à une question aussi dramatique. Donc, je n'ai pas offert d'appui technique d'aucune sorte, mais j'ai rappelé que même au niveau du G-7, les pays ont convenu il y a de nombreuses années que, pour réussir sur le plan du combat contre l'ingérence, il faut travailler en commun.

• 1100

Avant qu'on passe aux questions, vous me permettrez d'essayer de faire un bilan de ce que j'appellerais, non pas les résultats de ma mission—je n'ai pas cette prétention—, mais certains développements que nous avons constatés au cours des quatre dernières semaines.

Premièrement, la mission de la troïka européenne s'est rendue en Algérie, et je pense que nous avons pu jouer un rôle à ce niveau. J'ai dû me battre un peu avec le ministre des Affaires étrangères pour le convaincre qu'il fallait accueillir cette mission, même s'il avait l'impression qu'elle lui avait été mal présentée, et je me suis tourné dès l'heure suivante vers nos amis européens pour leur dire: «Attention, si vous continuez sur cette voie, vous ne pourrez peut-être pas vous rendre en Algérie, mais il y a moyen de s'entendre et cela vaut la peine que chacun mette un peu d'eau dans son vin de son côté pour qu'il y ait une telle mission de la troïka.»

[Traduction]

Deuxièmement, lorsque j'étais sur place, les partis d'opposition au Parlement ne sont pas parvenus à obtenir qu'un débat d'urgence ait lieu sur la question de la sécurité, ce que, à titre de Canadien, j'ai trouvé tout à fait étonnant puisqu'il s'agissait vraiment d'une situation d'urgence. J'ai insisté auprès du ministre et je lui ai dit que les parlementaires canadiens et que le peuple canadien ne comprendraient jamais que dans ces circonstances un débat d'urgence n'ait pas lieu.

Je crois qu'on m'a écouté. Heureusement, quelques jours plus tard—c'est notre ambassadeur qui nous l'a fait savoir—le premier ministre a rencontré pendant sept heures tous les parlementaires et il a dû répondre à leurs questions au sujet de la situation de la sécurité.

Lorsque j'étais sur place, j'ai aussi obtenu l'assurance du ministre que l'Algérie était prête à accueillir une délégation de parlementaires canadiens quand nous pourrions lui fournir une date ainsi que la liste des parlementaires devant faire partie de la délégation. Il m'a aussi dit qu'il s'assurerait lui-même qu'un visa soit émis sans tarder aux journalistes et aux représentants d'ONG canadiens.

Notre ambassadeur m'informe également que des émissions de télévision renseignent maintenant la population algérienne sur la situation intérieure. Les autorités algériennes ont refusé notre aide humanitaire, mais elles ont accepté que le Canada accroisse les crédits accordés à notre ambassade pour lui permettre de venir en aide aux enfants et aux femmes notamment qui souffriraient directement ou indirectement de la situation politique.

Dans le long entretien que j'ai eu avec le ministre des Affaires étrangères, il m'a assuré qu'au cours des prochaines semaines, l'Algérie présenterait un rapport devant le Comité des droits de la personne à Genève, c'est-à-dire avant que nous nous rencontrions à la fin mars. Le ministre m'a dit qu'il espérait que nous y verrions un esprit d'ouverture et de transparence et que ce rapport contiendrait tous les renseignements dont nous avons besoin.

Vous aurez constaté qu'une délégation de parlementaires européens s'est rendue ces derniers jours en Algérie. On nous dit aussi qu'une délégation de parlementaires espagnols se rendra cette semaine en Algérie si elle n'y est pas déjà. Le Japon souhaite aussi envoyer une délégation de parlementaires à Alger.

Je ne voudrais pas donner à entendre que tout cela s'est produit parce que j'ai rendu une visite d'un jour aux autorités algériennes, mais je crois que nous avons réussi à ouvrir une porte qui ne s'est pas refermée derrière nous.

• 1105

Le message que m'ont transmis les parlementaires de l'opposition avec qui j'ai discuté—et ils étaient tous d'accord là-dessus—est qu'ils souhaitaient qu'autant de gens que possible viennent en Algérie, qu'il s'agisse de parlementaires, de dirigeants d'ONG ou de journalistes de manière à ce qu'ils se trouvent tous les jours beaucoup de gens à Alger et en Algérie à poser des questions au sujet de la situation politique au pays.

De cette façon, les autorités s'habitueraient à l'idée qu'elles doivent être plus transparentes et qu'elles doivent justifier leurs actes. Je ne parle pas ici de la tenue d'une enquête. Je parle simplement de gens qui se préoccupent de la situation et qui veulent mieux comprendre ce qui se passe en Algérie.

Monsieur le président, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je m'arrêterai ici. Je sais que je vous ai résumé très brièvement ma mission, mais je préférerais maintenant répondre à vos questions. Je pourrais poursuivre encore longtemps, mais je crois qu'il vaudrait mieux que je réponde à vos questions.

Le président suppléant (M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk— Brant, Lib.)): Très bien.

Monsieur Grewal.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur le ministre, les Canadiens se préoccupent des questions de sécurité, du terrorisme, des révolutions sociales et de la mort d'innocents au Canada.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Vous voulez dire en Algérie.

M. Gurmant Grewal: Je m'excuse, en Algérie. Les Canadiens s'inquiètent de la situation.

Le gouvernement de l'Algérie a joué un rôle critique. Il n'a pas fait preuve de transparence et, comme vous l'avez mentionné, il n'a pas tenu un débat d'urgence. Le reste du monde estimait qu'il y avait urgence, mais pas les autorités algériennes. Notre premier ministre a exprimé ses condoléances au peuple algérien, mais dans ces circonstances, les condoléances ne suffisent pas.

J'aimerais aborder quatre questions principales.

L'aide que nous envoyons en Algérie devrait être liée au respect des droits de la personne. J'aimerais connaître votre avis là-dessus et j'aimerais aussi savoir ce qu'il en est de l'aide que l'ACDI a récemment accordée à l'Algérie. Quel rôle avons-nous joué dans ce domaine jusqu'ici et quel rôle pouvons-nous jouer à l'avenir? Après avoir évalué la situation et après en avoir discuté avec les délégations d'autres pays, qu'est-ce que vous nous recommanderiez?

La communauté internationale a mis beaucoup de temps à réagir à la situation en Algérie. Elle aurait dû le faire plus rapidement. Les Canadiens s'attendent à ce qu'on intervienne rapidement lorsque des innocents meurent.

Enfin, je m'inquiète beaucoup de l'exportation vers l'Algérie d'avions militaires équipés de dispositifs à l'infrarouge. Je crois que les États-Unis ont exporté vers l'Algérie ce genre d'avions militaires et que le Canada a eu un rôle à jouer à cet égard. Comment les Canadiens peuvent-ils approuver l'exportation d'équipement militaire vers un gouvernement en particulier qui respecte si peu les droits de la personne? Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

M. Claude Laverdure: Vous avez d'abord fait allusion à l'aide de l'ACDI et à la question du respect des droits de la personne en Algérie. L'ACDI accorde effectivement de l'aide à l'Algérie. Le programme d'aide est assez modeste, mais au cours des dernières années, nous avons appuyé la création d'un secteur privé et l'adoption de certaines réformes institutionnelles dans un pays qui se familiarise avec ces deux concepts.

Ces programmes ont été mis en oeuvre en collaboration avec les autorités algériennes dans des secteurs qu'on a jugé prioritaires. Il n'y a aucun lien direct avec la situation actuelle. Il s'agit de programmes qui étaient déjà en cours et tant que la situation en matière de sécurité n'empirera pas, nous espérons que les spécialistes canadiens qui exécutent ces programmes pourront poursuivre leur travail. Les représentants des organisations non gouvernementales et les parlementaires avec qui j'ai discuté ont tous convenu qu'il s'agissait bien de domaines prioritaires et que nous devrions poursuivre nos programmes.

• 1110

Comme je l'ai dit plus tôt, l'ambassade a un fonds Canada que nous comptons également accroître et dans lequel elle peut puiser pour venir en aide aux organisations non gouvernementales. C'est ce fonds qui nous permet d'offrir un programme de qualité en Algérie, programme qui, à mon avis, devrait être maintenu, du moins pour l'instant.

Deuxièmement, vous avez demandé quel rôle le Canada pouvait jouer pour favoriser une normalisation de la situation. Je crois que nous jouons déjà un rôle. Nous avons fait ressortir la nécessité d'un dialogue. Parce que nous nous considérons son ami, nous avons incité l'Algérie à faire preuve de plus de transparence. Nous l'encourageons, en un certain sens, à se préoccuper de sa réputation à l'étranger. Si l'Algérie ne permet pas à nos propres gens de se faire une meilleure idée de ce qui se passe dans le pays...

Nous avons offert une aide humanitaire. Si on demande notre aide dans ce domaine, nous pourrons peut-être aussi aider l'Algérie à lutter contre le terrorisme. Nous comptons également poursuivre nos discussions avec les ONG, les parlementaires et les journalistes algériens pour obtenir que les valeurs auxquelles nous tenons soient respectées en Algérie.

Comme vous, je me demande si la communauté internationale a fait connaître assez tôt sa préoccupation au sujet de la situation politique en Algérie. J'ai discuté de la question avec mes collègues européens ainsi qu'avec ceux de l'ONU. La difficulté est que nous avons affaire à un peuple très fier qui craint toujours une ingérence étrangère dans ses affaires internes. Nous devons trouver la bonne approche afin d'établir une très bonne relation entre nos deux pays. De cette façon, les Algériens sauront que nous nous préoccupons vraiment de ce qui leur arrive et que nous ne nous fixons pas des objectifs qu'ils jugeraient tout à fait inacceptables.

Je suis revenu sur la question de l'intervention des Nations Unies avec le ministre des Affaires étrangères. Malheureusement, jusqu'à récemment—et c'est peut-être encore le cas aujourd'hui—le représentant des Nations Unies était plus ou moins considéré comme persona non grata en raison de certaines déclarations faites par les Nations Unies qui ont déplu aux autorités algériennes. Quoi qu'il en soit, j'espère que les diverses institutions onusiennes pourront poursuivre leur travail en Algérie. On m'informe, par exemple, que l'UNICEF qui depuis deux ans n'avait plus de représentants permanents à Alger, en a maintenant un en la personne d'un citoyen canadien. Il est à espérer que cela permettra aux Nations Unies de montrer qu'elles ont un rôle utile à jouer en Algérie.

Vous avez posé une question au sujet des exportations américaines d'avions militaires. Je regrette de vous dire que je n'en sais pas très long là-dessus. Vous avez fait allusion au fait que ces avions pourraient comporter des pièces fabriquées au Canada. Je peux vous assurer que si c'était le cas, nos ministres devraient approuver les permis d'exportation. À ma connaissance, ils ne l'ont pas fait.

M. Gurmant Grewal: Puis-je intervenir rapidement là-dessus, monsieur le président?

Le président suppléant (M. Bob Speller): Monsieur Grewal, vous pouvez poser une très brève question.

M. Gurmant Grewal: Je vous remercie.

J'ai essayé de savoir pourquoi le Canada avait autorisé l'exportation de cet équipement militaire, et j'ai trouvé la réponse à ma question dans la presse. On n'a pas répondu directement à ma question. On a dit qu'on a simplement traduit ici le mode de fonctionnement de l'équipement infrarouge dont l'avion est pourvu. Je ne pense pas que cette explication soit valable. Environ 45 avions équipés de matériel à l'infrarouge ont été exportés en Algérie où ils servent à suivre les déplacements des rebelles. On s'en sert même dans des attaques contre les civils.

• 1115

M. Claude Laverdure: Mais le contenu canadien serait...?

M. Gurmant Grewal: Les avions contiennent de l'équipement fabriqué au Canada. On a cependant voulu faire du camouflage. On a expliqué la présence de l'avion au Canada par le fait qu'il a fallu traduire le mode de fonctionnement de l'équipement infrarouge.

M. Claude Laverdure: Je me renseignerai, mais je suis personnellement convaincu que nous n'avons jamais approuvé un permis d'exportation de ce genre.

Le président suppléant (M. Bob Speller): Je vous remercie, monsieur Grewal.

Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): D'abord, monsieur Laverdure, je vous remercie d'être devant nous. Par ailleurs, je suis un peu surpris qu'on ne vous ait pas informé qu'il s'agissait d'une séance publique puisqu'à notre séance de jeudi dernier, le président de ce comité—je crois que le secrétaire parlementaire était présent—nous a annoncé que la séance serait publique. J'ai personnellement insisté pour qu'elle le soit, de façon à ce que les personnes qui s'intéressent à l'Algérie et à votre mission, les organisations non gouvernementales et les journalistes soient informés du contenu de cette mission.

Nous ne savions pas quel était précisément votre mandat. La lettre dont vous nous faites part n'a jamais été rendue publique. Je souhaiterais qu'elle le soit et je pense qu'il y a beaucoup de gens qui aimeraient savoir quelles ont été les questions que vous avez posées. J'apprécierais aussi que la réponse des autorités algériennes soit rendue publique. Je vous fais cette demande et j'aimerais que vous m'indiquiez si vous pouvez y satisfaire.

J'aurais trois questions à vous poser.

J'aimerais savoir comment vous évaluez les relations entre la présidence et l'Assemblée nationale, donc les rapports entre l'exécutif et le législatif en Algérie. On a laissé entendre qu'à la suite du référendum constitutionnel, les rapports entre les pouvoirs exécutif et législatif étaient très inégaux et que l'Assemblée nationale avait peu, sinon pas de pouvoirs réels. J'aimerais aussi savoir comment vous évaluez les rapports entre cette présidence et l'armée, et quel rôle joue l'armée actuellement en Algérie. J'aimerais savoir si vous avez eu des rencontres avec des représentants des forces armées et ce que ces personnes ont pu vous dire de la situation.

Ma deuxième question porte sur l'hésitation des autorités algériennes à accepter l'idée d'enquêtes faites sous l'égide des Nations unies. Pourtant, ces enquêtes sont demandées par un très grand nombre de personnes, d'organisations et d'institutions internationales. Je vous rappellerai que ce ne sont pas seulement les ONG qui demandent de telles enquêtes.

J'aimerais savoir pourquoi les autorités algériennes sont si virulentes à l'égard des ONG. Elles le sont ici, d'ailleurs, puisque l'ambassadeur d'Algérie au Canada m'a dit ne pas du tout apprécier ce que les ONG ont dit sur la situation là-bas. Ce ne sont pas seulement les ONG qui réclament une enquête internationale. Les Européens, par l'intermédiaire du Conseil de l'Europe, l'ont fait; les États-Unis l'ont fait; nous, du Bloc québécois, pensons aussi qu'une façon d'être transparent est d'accepter l'idée d'une commission internationale d'enquête sous l'égide des Nations unies. Même ce comité a été d'avis qu'une commission pouvait être une façon intéressante de savoir ce qui se passe véritablement en Algérie.

Ma troisième et dernière question porte sur cette délégation de parlementaires canadiens qui pourraient se rendre incessamment en Algérie. Écoutez, s'il y a des problèmes de transparence avec l'Algérie, il y en a peut-être avec le Canada en ce qui a trait à cette délégation, puisque nous ne sommes pas vraiment informés du mandat que cette délégation doit avoir. Alors qu'on nous demande à nous, du Bloc québécois d'y nommer un représentant, nous ne sommes pas du tout informés à ce stade-ci sur les personnes que cette délégation pourra rencontrer et les conditions dans lesquelles ces rencontres pourraient avoir lieu. J'aimerais donc savoir si vous êtes associé à la préparation de cette mission. Quelles sont, d'après vous, les conditions dans lesquelles elle devrait se rendre en Algérie? Croyez-vous qu'une telle délégation pourrait jouer un rôle utile dans la suite des événements?

[Traduction]

Le vice-président (M. Bob Speller): Monsieur Laverdure...

[Français]

M. Daniel Turp: En même temps, j'aimerais savoir si vous pensez que des journalistes devraient faire partie de cette délégation du Canada, parce que je crois comprendre que d'autres délégations étaient accompagnées de journalistes.

• 1120

[Traduction]

Le président suppléant (M. Bob Speller): Monsieur Turp, vous avez posé plus de trois questions auxquelles M. Laverdure a répondu. Quant à savoir si, comme vous le laissez entendre, le comité devrait se réunir à huis clos, je préférerais que nous discutions de la question plus tard.

Quant aux questions politiques qui sont posées, il vaudrait peut-être mieux que ce soit M. Axworthy qui y réponde plus tard. Je suis cependant certain, monsieur Laverdure, compte tenu de votre longue expérience dans le service extérieur, que vous savez à quelles questions vous devez répondre...

Monsieur Laverdure.

M. Claude Laverdure: Je vous remercie, monsieur le président.

[Français]

Les premières questions portent finalement sur une analyse de la situation politique en Algérie. Ce n'est pas nécessairement quelque chose que j'ai pu approfondir pendant ma mission à Alger. Ce sont des questions sur lesquelles nous nous penchons de façon quotidienne avec notre ambassadeur, avec des contacts que nous avons en Algérie, pour chercher à faire une évaluation, évaluation qui n'est certes pas facile. Durant mon bref séjour, j'ai pu entre autres écouter les parlementaires de l'opposition et aborder ces mêmes questions avec des ambassadeurs de pays occidentaux en poste en Algérie, que notre ambassadeur avait réunis pour moi et avec lesquels j'ai eu un échange à bâtons rompus.

Ce qui frappe tous les observateurs, c'est que l'Algérie est dans une période de transition. L'Algérie, depuis l'indépendance, avait connu un régime qui ne laissait pas nécessairement beaucoup de place à la démocratie dans le sens où nous l'entendons et où les députés n'avaient pas le rôle que nous souhaitons leur voir jouer.

Les députés de l'opposition que j'ai rencontrés ont constaté avec moi certains développements dans la transition au niveau politique, mais demeurent, de façon générale, insatisfaits et frustrés du rôle qu'ils peuvent effectivement jouer.

Je ne les ai pas trouvés défaitistes ou pessimistes. C'est une chose pour laquelle ils se battent de jour en jour. Ils essaient de gagner du terrain. Je suis persuadé que si j'avais l'occasion d'y retourner bientôt, ceux qui m'ont dit: «Il faut qu'on ait un débat d'urgence et on l'aura» se réjouiraient au moins d'avoir franchi une nouvelle étape. Ils reconnaissent, comme je vous le disais, qu'une transition de ce genre met du temps à être complétée. Je pense qu'ils font preuve d'une certaine patience. Je crois aussi—quand je les écoutais et quand je lisais les journaux—qu'ils font preuve de beaucoup d'habileté pour faire avancer leurs idées et faire progresser le rôle que les parlementaires peuvent jouer.

Vous me demandez aussi quelle est la relation entre le président et les forces armées. D'abord, je n'ai pas rencontré de gens des forces armées ou des forces policières. Je vous dirais que là, on tombe dans l'analyse très difficile d'essayer de voir de l'extérieur ce qui se passe à l'intérieur, là où il y a peu d'information qui circule.

L'impression est—et je c'est une impression que j'ai entendue à plusieurs reprises—que les forces armées sont plutôt proches du pouvoir, qu'elles jouent un rôle important. Aux yeux de certains parlementaires, le président n'aurait pas les mains complètement libres et donc recevrait certains conseils ou certaines instructions du chef d'état major ou d'autres généraux. De l'extérieur, il est très difficile pour des observateurs, pour des diplomates d'arriver à des conclusions quand on ne peut pénétrer dans l'enceinte et voir exactement ce qui se passe.

• 1125

Ceux qui peuvent aider—et là les journalistes que j'ai rencontrés m'ont paru extrêmement compétents—, ce sont les gens des médias. Même les parlementaires de l'opposition reconnaissent que l'Algérie a désormais une presse fort libre, qui s'exprime librement, qui critique, qui questionne. Je crois qu'il y a un genre d'alliance entre plusieurs des partis politiques et certains journalistes pour s'assurer que c'est aussi un autre biais pour faire progresser la démocratie en Algérie.

Pour l'instant, heureusement, ces journaux semblent pouvoir continuer de publier. Je sais qu'ils se plaignent par moments au sujet de l'imprimerie et de la surveillance des textes, mais je pense qu'ils sont assez habiles pour faire passer des idées sans se placer dans des situations embarrassantes.

Pour ce qui est des questions d'enquête, j'y ait fait allusion très brièvement pendant ma présentation. Je ne voudrais pas tomber dans des questions de sémantique, mais les Algériens sont extrêmement bons pour définir les mots et leur portée. Ils vous diront clairement...

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Peut-être que M. Bachand aimerait ajouter quelque chose là-dessus, sinon M. Turp pourra poser une autre question.

[Français]

M. Daniel Turp: Madame la présidente, il faudrait quand même qu'il réponde à ces questions. Ce sont des questions importantes. Il a répondu seulement à la première question.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): C'est peut-être le cas, monsieur Turp, mais vous avez utilisé la majeure partie du temps imparti pour poser votre question. D'autres députés veulent aussi poser des questions et obtenir une réponse.

[Français]

M. Daniel Turp: Si vous voulez empêcher qu'on ait de bonnes informations utiles, faites cela; utilisez le temps de cette façon. Je trouve un peu ridicule que les questions importantes auxquelles le témoin veut répondre n'obtiennent pas de réponse.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Excusez-moi.

[Français]

M. Daniel Turp: Même la secrétaire participe à cela.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Turp, vous faites encore une fois perdre du temps au comité.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Avant d'aller plus loin, madame la présidente, je dois dire que je ne partage pas complètement ce que mon confrère Turp disait en ce qui a trait au huis-clos par opposition à la séance publique. J'aimerais vous demander, monsieur Laverdure, en vous remerciant d'être présent, bien sûr, si vous pensez qu'une courte séance à huis clos serait nécessaire à la compréhension de votre travail sur l'Algérie. Oui ou non? Excusez-moi, mais je ne veux pas me faire prendre par le temps.

M. Claude Laverdure: Écoutez, jusqu'à 10 h 30 ce matin, j'avais cru que c'était à huis clos. Je me suis rendu à l'évidence que ce ne l'était pas et j'espère que je pourrai habilement, pour ne pas compromettre qui que ce soit, répondre à vos questions sans nécessairement retourner au huis-clos.

M. André Bachand: Vous êtes un excellent diplomate et je l'accepte d'emblée. Donc, je suggère humblement, madame la présidente, que si le comité est d'accord, nous puissions, puisque l'Algérie est un dossier extrêmement important, siéger à huis clos pendant 15 minutes ou une demi-heure, de 12 h 00 à 12 h 30, pour être certains d'avoir toute l'information. Le dossier est très important, et il serait bon que le comité entende les informations de M. Laverdure pendant 15 minutes ou une demi-heure, sans nécessairement lui poser des questions. M. Laverdure pourra prendre le temps nécessaire. C'est important pour qu'on soit certains de bien saisir la portée du dossier.

On sait qu'au niveau international, il y a de la diplomatie qui se fait publiquement et de la diplomatie qui se fait dans les corridors. On fait cela, nous aussi, avant un vote en Chambre.

On parle beaucoup d'ingérence, de la peur d'ingérence du gouvernement algérien, et je les comprends. Je ne suis pas nécessairement d'accord sur l'ensemble de l'argumentation, mais je la comprends.

Je donne très rapidement un exemple. Je vous rappelle cependant que toute analogie ou tout exemple est boiteux. Pendant la crise d'Oka, des organisations internationales étaient venues voir ce qui se passait, et les gens, au Québec et au Canada, avaient été ébranlés parce qu'il y avait une organisation internationale qui venait voir ce qui se passait durant la crise d'Oka. C'était, pour certains, de l'ingérence. Donc, imaginez-vous ce que c'est lorsqu'on parle de la crise algérienne. C'est vraiment difficile.

Êtes-vous allé voir au niveau des pays voisins, comme au royaume du Maroc, etc.?

• 1130

Quel travail avez-vous fait au niveau des pays qui vivent avec l'Algérie sur ce continent, qui ont des relations privilégiées, entre autres au niveau de la religion? Quel travail pensez-vous que le Canada devrait faire au niveau des pays amis, mais au sens très géographique du terme, au sens très religieux et même au sens très politique de l'Algérie?

M. Claude Laverdure: Votre question rejoint l'introduction, dans laquelle vous parliez d'ingérence. Nous avons régulièrement des discussions avec les Tunisiens, les Marocains et les Égyptiens, sans parler des gens de l'autre côté de la Méditerranée, mais là les circonstances sont différentes.

Nous craignons que si la situation en Algérie ne trouve pas sa solution, les pays voisins puissent éventuellement subir les conséquences d'une crise algérienne qui se prolonge. Ces gens, je crois, sentent une menace peser, tout particulièrement sur la Tunisie et sur le Maroc.

Par contre, ils ont une approche, une attitude qui diffère de la nôtre, à savoir que ce sont aussi des pays qui craignent souvent l'ingérence, qui ne veulent donc pas en faire chez leurs voisins et qui sont plutôt portés à nous dire que nos inquiétudes sont peut-être exagérées et qu'ils sont d'avis que leurs voisins, leurs amis, leurs pairs algériens ont les choses en main. C'est une question de temps, ils vont y arriver et il ne faudrait pas que les pays amis, tel le Canada, fassent des pressions trop fortes pour compromettre ce développement.

Donc, lorsque nous parlons avec nos amis tunisiens, marocains et même égyptiens, nous ne pouvons qu'expliquer nos préoccupations. Mais nous ne sommes pas nécessairement toujours bien compris parce qu'eux voient les choses d'un autre oeil, et c'est difficile de dire que nous avons raison et qu'ils ont tort. Ils sont des voisins immédiats; comme vous dites, ils partagent la même culture et la même religion, et ils sont moins portés que nous à s'inquiéter de l'évolution car ils se disent que leurs frères ont les choses en main.

M. André Bachand: Madame la présidente, en terminant, j'aimerais réitérer ma demande de plus tôt. J'aimerais donc savoir si, avant la levée de la séance, le comité pourrait se prononcer sur une poursuite de la séance à huis clos. Je sais que tout le monde a un horaire extrêmement serré. Ce n'est pas parce que je suis de garde aujourd'hui en Chambre que je veux rester ici, mais je vous demande très humblement, madame la présidente, qu'on prenne une minute ou deux à la fin de la séance.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je comprends votre point de vue et si le comité le souhaite, nous pourrions peut-être poursuivre plus tard la séance à huis clos. Quelqu'un a-t-il quelque chose à dire là-dessus?

Mme Jean Augustine: Pendant combien de temps...

[Français]

M. André Bachand: Je ne voudrais pas retarder le processus actuel, mais si le comité est d'accord, à la fin de la réunion, avant de laisser nos invités partir, on pourrait prendre une minute ou deux pour en discuter.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Madame Folco.

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): On pourrait faire un premier tour et ensuite, s'il reste du temps après ce premier tour, on pourrait examiner la suggestion du député.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Nous réglerons la question à midi.

Une voix: Merci.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je vous remercie.

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine: Je vous remercie, madame la présidente.

Monsieur Laverdure, je crois que nous convenons que l'Algérie traverse une crise. Nous convenons aussi que trois choses préoccupent principalement la communauté internationale et la population canadienne. Il y a d'abord le silence des dirigeants. Deuxièmement, les terroristes islamiques ou l'armée ne font l'objet d'aucunes représailles. Enfin, on a l'impression que le régime censure l'information qui est diffusée.

Vous êtes allé en Algérie et vous avez fait des remarques que j'essaie de comprendre. Vous avez dit qu'il s'agissait d'un peuple fier qui croit à la démocratie et qui a fait preuve de patience.

J'aimerais savoir si vous pensez que l'Algérie respecte la communauté internationale et les conventions que, je présume, elle a signées—je songe notamment à la Convention sur les droits de la personne. Le gouvernement estime-t-il qu'il est de son devoir de protéger ses citoyens et de punir ceux qui ont engendré cette crise. Pensez-vous que l'Algérie reconnaisse les droits de ses citoyens et ses obligations comme État en vertu du droit international?

• 1135

M. Claude Laverdure: Je crois que l'Algérie montre maintenant qu'elle se préoccupe de sa réputation au sein de la communauté internationale. Les autorités algériennes ne sont pas indifférentes à ce qu'on pense d'elles. J'espère que de plus en plus de délégations de parlementaires et que de plus en plus de journalistes iront en Algérie pour que les Algériens puissent leur dire—et je suis sûr que c'est ce qu'ils vont leur dire—qu'ils vont respecter les règles du jeu ainsi que les accords internationaux qu'ils ont signés.

Il importe donc que des gens comme vous aillent sur place, comme je l'ai fait, posent certaines questions aux autorités algériennes et contestent à l'occasion leurs réponses. Le ministère des Affaires étrangères m'a dit clairement qu'il se préoccupe vraiment de la question des droits de la personne et qu'il était prêt à discuter avec vous, moi ou qui que ce soit d'autre de la situation dans son pays.

Pour ce qui est des droits de la personne, je pense que l'Algérie reconnaît déjà que, à certains moments, ses propres forces armées et forces policières n'ont pas respecté les droits de la personne. On nous dit avoir une liste des personnes traduites devant les tribunaux et qui auront un procès plus tard. On reconnaît donc que les droits de la personne ne sont pas toujours respectés, même par les forces armées.

J'espère que le rapport à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies à Genève dont j'ai parlé plus tôt jettera un peu plus de lumière sur la situation et montrera, vu que c'est une question au sujet de laquelle bon nombre d'entre nous avaient des doutes jusqu'à tout récemment, que l'Algérie se préoccupe de sa réputation à l'étranger, surtout auprès des pays amis. Je pense qu'elle veut s'assurer qu'elle conserve notre amitié et que nous pourrons être certains de ce qui se passe là-bas.

L'Algérie a donc besoin de faire partie de la communauté internationale. Elle ne veut pas qu'on la juge sans pouvoir s'expliquer.

Mme Jean Augustine: Relativement à l'image qu'elle projette, j'ai vu à la télévision les Européens qui sont allés là-bas et il m'a semblé qu'on se hâtait de les faire visiter pour qu'ils repartent au plus vite. Je n'ai pas eu l'impression que l'Algérie faisait preuve d'ouverture en disant: oui, nous voulons que les parlementaires viennent et posent des questions. Le reportage que j'ai vu montrait simplement les Européens aller où on leur disait sans pouvoir faire librement ce que vous nous dites que nous pourrions faire.

M. Claude Laverdure: Quand j'ai interrogé les représentants de l'Algérie au sujet de la possibilité d'obtenir des visas pour des journalistes canadiens, le ministre des Affaires étrangères m'a dit qu'il préférait voir des articles défavorables dans les journaux étrangers que de voir un seul journaliste étranger tué. C'est l'explication qu'on m'a donnée pour expliquer pourquoi les journalistes canadiens, et sans doute aussi les parlementaires et les fonctionnaires canadiens comme moi, doivent être accompagnés par toutes sortes d'agents de sécurité lorsqu'ils voyagent en Algérie et même à Alger. Vous pouvez avoir l'impression que ceux à qui vous parlerez ne seront pas aussi ouverts qu'ils auraient pu l'être autrement, surtout ceux que vous rencontrerez dans la rue, mais j'aurais du mal à nier le bien-fondé de cette explication parce qu'il y a effectivement un risque. Il y a des dangers et du terrorisme en Algérie et les autorités locales veulent s'assurer que rien ne vous arrivera.

• 1140

Bien sûr, nous n'avons pas l'habitude de cela au Canada, mais telle est la situation en Algérie à l'heure actuelle. Vous aurez donc toujours une escorte policière en ville et vous serez toujours entourés de policiers quand vous vous promènerez ou si vous voulez rencontrer les gens, mais pas, bien sûr, dans une ambassade ou dans une pièce où vous allez rencontrer certaines personnes. Quand j'ai eu mes entretiens avec les membres de l'opposition, ce n'était pas en présence de témoins, mais vous êtes toujours accompagné sur la rue.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Madame Folco, voulez-vous utiliser le reste du temps de parole de Mme Augustine?

[Français]

Mme Raymonde Folco: Certainement. Monsieur le sous-ministre adjoint, il me fait grand plaisir de vous parler aujourd'hui. C'est avec une très grande impatience qu'on attendait votre présentation de ce matin, et je sais que vos responsabilités vous appelaient ailleurs. J'espère d'ailleurs que nous pourrons avoir un huis-clos, peut-être tout de suite après ma question.

J'aurais deux questions à vous poser. Vous dites qu'il y a maintenant possibilité que d'autres délégations soient acceptées par le gouvernement algérien. Vous avez parlé du Japon, du Canada et de l'Europe. Il y en aura peut-être d'autres, ce qui semble indiquer que, même si les portes ne sont pas ouvertes, elles sont peut-être entrouvertes, ce qui est déjà un début.

Comment peut-on faire pour s'assurer que les résultats soient des résultats progressifs, pour éviter que ces délégations fassent des portraits superficiels de la situation après 48 ou 76 heures, donc non pas un portrait général, et que les conséquences de ces visites soient, par exemple, des recommandations de mettre un terme aux exécutions extrajudiciaires, etc?

Ma deuxième question touche...

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Pouvez-vous vous en tenir à cette seule question pour l'instant? Nous vous reviendrons au prochain tour pour continuer de nous en tenir à dix minutes.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): J'invoque le Règlement, madame la présidente.

Mme Raymonde Folco: Mais j'ai dix minutes, madame la présidente!

M. Benoît Sauvageau: Compte tenu de la grande impartialité qu'on vous reconnaît, je voudrais vous signaler que Mme Augustine a commencé son intervention à 11 h 32 et qu'il est actuellement 11 h 42. Donc, les dix minutes sont écoulées.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Non. J'ai noté 11 h 35 pour Mme Augustine.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Étant donné que vous avez minuté notre intervention avec parcimonie, je vous demanderais de faire preuve de la même attention dans ce cas-ci et de nous permettre de poser nos questions. Merci beaucoup.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Excusez-moi, monsieur Sauvageau. J'ai noté 11 h 35 et c'est à cela que je dois me fier.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Je vous remercie.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Vous pouvez continuer. Cependant, si nous n'avons le temps que pour une question, vous pourrez avoir la parole de nouveau la prochaine fois. Êtes-vous d'accord?

[Français]

Mme Raymonde Folco: Merci, madame la présidente.

M. Claude Laverdure: Les résultats que peuvent obtenir des délégations parlementaires dépendent des objectifs qu'on se fixe. Cela dépend de l'accord qu'on a avec les Algériens sur le contenu du programme, sur sa durée et de la possibilité, autant pour les parlementaires que pour des fonctionnaires comme moi, de tirer des conclusions après 24, 48 ou 72 heures. Ce n'est pas chose facile dans un pays—j'aurais peut-être dû le mentionner dans mon introduction—où la majorité de mes interlocuteurs m'ont avoué, lorsque je leur ai demandé ce qui se passait dans leur pays, l'Algérie, qu'ils n'en étaient pas certains. Je me dis toujours que, si on veut trouver une solution, il faut d'abord connaître le problème. Ils disent que c'est très complexe et qu'ils ne comprennent pas nécessairement ce qui se passe dans leur propre pays. Et il s'agit de gens qui sont nés là, qui sont impliqués, qui participent à l'évolution du pays. Nous arrivons à froid, même si on a lu tout ce qu'on pouvait avant d'arriver, et on voudrait, après 48 ou 72 heures, tirer des conclusions et faire des recommandations.

• 1145

Je pense que nous avons chacun des rôles à jouer. J'ose espérer, par exemple, que lorsque des parlementaires canadiens se rendront à Alger—ce n'est pas à moi de vous dire ce qu'il faut faire—, ce ne sera pas simplement une visite sans suivi. J'espère que vous engagerez sur place des discussions quant aux possibilités de maintenir entre vous un dialogue—je ne sais pas si vous faites cela par le biais d'associations parlementaires Canada-Algérie—et de poursuivre l'échange et d'encourager ces gens à venir aussi au Canada pour voir comment nous gérons notre Parlement et comment nous avons ces séances de comités parlementaires.

Il y a des choses qu'on peut apporter à l'Algérie et qui ne visent pas nécessairement la situation de sécurité et la situation de terrorisme actuelle. On peut aider au développement de la démocratie, et je pense qu'il n'y a personne de mieux placé pour le faire que les parlementaires. Tout en passant des commentaires sur la situation telle qu'elle se présente maintenant, vous pouvez apporter une contribution. Cela est peut-être le rôle principal d'une délégation parlementaire, mais je ne veux pas m'aventurer plus loin. Je ne suis pas parlementaire.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

À compter de maintenant, les députés auront cinq minutes chacun. Posez vos questions en conséquence.

Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Merci beaucoup, madame Beaumier. Vous êtes bien gentille.

Monsieur Laverdure, M. Turp a fait deux demandes en ce qui a trait à deux lettres, et vous n'avez malheureusement pas eu le temps d'y répondre. Acquiescez-vous à la demande de rendre publiques ces deux lettres?

M. Claude Laverdure: Écoutez, je pense que ce n'est pas ma décision à moi. Vous me permettrez d'en parler à mon ministre et de lui poser la question.

M. Benoît Sauvageau: D'accord. Et vous allez répondre par écrit au comité?

M. Claude Laverdure: Oui.

M. Benoît Sauvageau: Merci beaucoup.

Si vous le pouvez, dites-nous quel devrait être le mandat de la délégation parlementaire canadienne qui va aller en Algérie, pour faire suite à votre visite en Algérie.

M. Claude Laverdure: J'aime le fait que vous utilisiez l'expression «faire suite à». Je ne voudrais pas que ces missions-là soient séparées. J'espère qu'il y aura aussi des journalistes canadiens qui vont s'y rendre, soit avec vous, soit séparément. J'espère aussi que certaines ONG canadiennes vont demander des visas pour aller sur le terrain.

Pour moi, faire suite signifie continuer de garder la porte ouverte, continuer d'indiquer à nos amis algériens que nous voulons un dialogue et que nous n'allons pas là en tant que juges. On veut comprendre, et c'est ensuite qu'on pourra peut-être faire des suggestions ou des propositions, et peut-être même continuer d'insister—je ne sais pas si mes amis algériens vont me reprocher de dire cela—pour dire que même un pays qui a certaines richesses peut bénéficier d'un soutien au niveau de l'aide humanitaire. Il y a des choses qu'on peut apporter, qui ne sont peut-être pas disponibles aussi rapidement et aussi efficacement en Algérie. Il faut continuer de les encourager à discuter avec nous de coopération dans le domaine du combat contre le terrorisme.

Comme je viens de le dire, cela fait partie d'un suivi qui, à mes yeux, est très important. Il s'agit d'essayer, entre parlementaires, d'établir des liens durables qui vous permettront de correspondre et de les aider lorsqu'ils devront faire face à une autre situation. À mes yeux, il n'y a aucune ingérence quand des parlementaires travaillent ensemble et s'aident en disant par exemple: «Chez nous, voilà comment on obtient un débat d'urgence.» Je ne vois rien de mal là-dedans.

M. Benoît Sauvageau: Je vous remercie beaucoup de votre réponse.

Étant donné que la délégation doit partir dans un délai assez bref, nous a-t-on dit, si le mandat n'est pas clair ou s'il n'y a pas de mandat, doit-on cautionner ce genre de visite touristique ou doit-on exiger un mandat clair avant de mettre sur pied toute délégation comme celle-là? Qu'en pensez-vous?

M. Claude Laverdure: J'aimerais mieux que la réponse vienne des parlementaires eux-mêmes. Tout simplement, je suis d'avis que ce n'est pas une visite touristique, que vous devriez, entre parlementaires, établir vos objectifs et les soumettre à la partie algérienne, pour que toutes les choses soient claires avant de partir, en leur disant: «Voilà pourquoi nous venons. Voilà le genre de programmes que nous entendons mettre sur pied.»

M. Benoît Sauvageau: Vous souhaitez aussi, comme vous l'avez dit à deux ou trois reprises, que des journalistes accompagnent cette délégation parlementaire.

M. Claude Laverdure: Qu'ils aillent avec vous ou séparément, cela dépend de leur programme. J'en ai vu plusieurs à Paris la semaine dernière, qui ont l'intention de demander des visas, mais je ne sais pas s'ils voulaient accompagner la délégation parlementaire ou s'y rendre à titre individuel.

• 1150

Il est important que des journalistes canadiens y retournent, parce que les derniers y sont allés au mois de novembre, je crois.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Merci, madame la présidente. Je serai bref moi aussi parce que je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps.

La situation est vraiment tragique en Algérie et ce doit être difficile d'obtenir des renseignements sûrs, surtout de personnes qui font partie de l'opposition, et aussi difficile d'avoir accès à ces personnes. Je ne suis pas certain de vous avoir entendu dire si vous aviez rencontré des représentants de l'opposition et ce qu'ils disent à propos du fait qu'on les accuse d'avoir causé bon nombre de morts dans le pays.

D'autre part, je me demande aussi comment le gouvernement explique que, d'après lui, il y a eu 20 000 morts depuis les élections, alors que la communauté mondiale affirme qu'il y en a eu 80 000. L'écart est assez important. Y a-t-il une explication?

Enfin, j'essaie de tout mettre en perspective. Ce n'est pas la première fois qu'on se trouve devant une telle situation quelque part dans le monde. Étant donné votre longue expérience de la diplomatie, avez-vous de bons exemples à nous fournir de situations de ce genre qui ont pu être réglées? Il me semble au départ qu'on aurait tendance à dire qu'il n'y a pas grand-chose à faire. Les divergences sont tellement grandes. Ces divergences sont-elles généralement réglées par les armes ou avons-nous de bons exemples d'autres moyens de les régler?

M. Claude Laverdure: En effet. J'ai rencontré des représentants de l'opposition, des gens qui ont été dûment élus. C'est avec ces gens que j'ai parlé le plus longtemps pendant des heures et des heures. Je leur ai posé toutes sortes de questions parce que cela m'intéressait et me préoccupait. Je leur ai demandé comment ils envisageaient la situation et comment elle pourrait évoluer.

Comme je l'ai déjà dit, malheureusement, bon nombre d'entre eux m'ont dit avoir du mal à expliquer à un étranger comme moi exactement ce qui se passe en Algérie. Bien entendu, cela complique davantage les choses pour ce qui est de trouver une solution. Cela ne veut pas dire qu'ils ne se penchent pas sérieusement sur la question et qu'ils n'essaient pas de voir s'il y a de l'espoir et de la lumière au bout du tunnel.

Quel est le but de la violence? Quel est l'objectif des terroristes? Essaient-ils de prendre le pouvoir? Ont-ils des ambitions politiques ou essaient-ils simplement de détruire et de déstabiliser le pays? Ce sont des questions fondamentales et je ne suis pas certain que mes interlocuteurs aient vraiment pu me donner une réponse très claire.

Bien sûr, j'espère que si des parlementaires et d'autres Canadiens se rendent là-bas, ils pourront compléter les renseignements que j'ai pu obtenir.

Quant aux chiffres, il se passe vraiment des choses étranges. Si vous rencontrez le ministre des Affaires étrangères, il vous dira que cela fait quelques mois que l'on a des discussions au Cabinet pour savoir si, dans un cas comme celui-là, c'est-à-dire une situation de crise, il est plus sage de garder ces renseignements secrets et de ne pas les divulguer au public ou bien si on doit donner des chiffres. Il semble que le Cabinet lui-même n'ait pas été unanime là-dessus et que ceux qui préconisaient plus d'ouverture ont eu gain de cause.

Néanmoins, encore d'après le ministre, ce que craignaient ceux qui s'opposaient à la transparence semble être en train de se produire. On gonfle les chiffres. Si les autorités annoncent que 123 personnes ont été tuées, d'après le ministre, la presse dira automatiquement qu'il y en a eu 400.

M. Bob Speller: C'est la politique de la presse.

M. Claude Laverdure: Oui. D'après la presse, si vous dites 123, vous dissimulez une partie de la vérité et vous devez donc dire plus. C'est pour cela qu'il y a des écarts dans les chiffres et je pense que très peu d'entre nous pourront un jour savoir exactement quels sont les chiffres. Les autorités algériennes affirment de façon catégorique que les chiffres qu'elles ont donnés sont les bons et qu'elles ont fait le compte, qu'elles ont les corps et que la presse a tendance à gonfler les chiffres.

Pour ce qui est de trouver des solutions ailleurs, une solution doit exister quelque part. J'ignore ce qu'il faudrait faire exactement aujourd'hui, la semaine prochaine ou le mois prochain. J'espère que tous les Algériens ensemble pourront mettre au point une stratégie quelconque ou un plan pour appliquer une solution. J'espère que le parlement y participera. J'espère que le peuple algérien y participera.

• 1155

J'espère qu'on prendra des mesures pour démontrer que la «nécessité» du terrorisme a disparu. Les gens ne commencent pas à tuer sans raison. Peut-être ces raisons ont-elles changé. Quoi qu'il en soit, on n'a pas encore pu faire la preuve que ces raisons n'existent plus. Comment faire pour éliminer le terrorisme sinon en démontrant son caractère insensé à la majorité de la population du pays?

Mais je ne peux vous donner d'exemple d'endroits où j'ai travaillé auparavant. J'ai travaillé dans des endroits très particuliers, et je ne suis pas sûr que dans ces endroits, on ait jamais trouvé de solution. Mais je demeure optimiste.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Madame Debien, je vous prie.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Bonjour, monsieur Laverdure. Je vais droit au but avec trois questions très courtes.

Vous nous avez dit que la position de l'Algérie face à l'ONU était très négative. Pourquoi craint-on autant l'ONU?

Vous avez également dit que l'Algérie s'apprêtait à déposer un rapport à la Commission des droits de l'homme à Genève. Le Canada devrait-il appuyer la nomination d'un rapporteur spécial de l'ONU sur l'Algérie?

Vous nous avez dit que la situation était très complexe, très difficile et que même certains Algériens avaient peine à s'y retrouver. Ne croyez-vous pas qu'à cause de la complexité et de la gravité de la situation, seule une commission d'enquête internationale sous l'égide de l'ONU puisse faire la lumière? À combien de massacres devrons-nous encore assister avant que la communauté internationale ne bouge?

M. Claude Laverdure: Pourquoi l'attitude négative vis-à-vis de l'Organisation des Nations unies et de ses institutions? Cela ne m'a été expliqué plus clairement que cela, mais c'est principalement à cause, semble-t-il, de déclarations qui ont été faites au cours des derniers mois, soit par le secrétaire général, soit par des directeurs généraux d'institutions des Nations unies, qui commentaient la situation en Algérie en disant qu'il fallait faire une enquête, que les autorités algériennes avaient la responsabilité d'assurer la protection de leurs citoyens, et ceci et cela.

Les autorités algériennes semblent avoir accumulé une liste de tels irritants, à leurs yeux, et elles en sont venues à la conclusion, ce que je trouve très malheureux, que les Nations unies n'étaient pas un allié. Je pense que les choses devraient se corriger, parce que ces institutions peuvent sûrement apporter quelque chose à l'Algérie.

Vous dites que les Algériens vont faire un rapport à la Commission des droits de l'homme à Genève. Est-ce qu'éventuellement, après avoir pris connaissance de ce rapport, le Canada devrait favoriser l'envoi d'un rapporteur des Nations unies?

Comme vous le savez, il faut d'abord que la Commission des droits de l'homme discute du sujet, prenne connaissance du rapport et voie à quelles conclusions cela nous amène. L'envoi d'un rapporteur général des Nations unies est-il une solution? Faut-il plutôt envoyer des rapporteurs spécialisés, puisqu'il y a plusieurs sortes de rapporteurs aux Nations unies? Pourront-ils faire un travail utile? Y a-t-il d'autres solutions pour amener l'Algérie à faire davantage preuve de transparence?

Il est, à mes yeux, un peu tôt pour prendre une telle décision. J'ai hâte de voir ce que les Algériens nous donneront comme document de travail pour la Commission des droits de l'homme. Par contre, si nous constatons qu'il y a peu d'information dans ce rapport, je crois qu'avec des pays amis, au sein de la Commission des droits de l'homme, il faudra qu'on regarde comment on peut encourager l'Algérie à nous donner plus d'information.

• 1200

Cependant, je pense qu'il y aura un effort de la part des Algériens, dans ce rapport, pour faire en sorte qu'il y ait possibilité de satisfaire les pays amis, parce que je sais à quel point ils s'opposent, au fond, à l'envoi de rapporteurs.

Par contre, le ministre, et je pense qu'il a dit la même chose à la troïka européenne, a indiqué que si la Commission des droits de l'homme arrivait à la conclusion qu'il fallait envoyer un rapporteur en Algérie, il accepterait. Il faut voir quelle sera la qualité de leur rapport.

Quant à une commission d'enquête, la réponse que vous obtiendrez, catégoriquement et assez brutalement, des autorités algériennes sera: «Si vous voulez venir en Algérie pour répondre à la question de savoir qui tue, ne venez pas, car on sait qui tue.» Tous les Algériens sur la rue, sur le trottoir, dans les cafés, les gens de l'opposition, les journalistes savent qui tue. Ils vous le diront tous et ils auront tous la même réponse.

Donc, il n'y a pas seulement les autorités algériennes qui s'opposent à une enquête internationale, il y a aussi tous les Algériens que vous rencontrez. Je n'en ai pas pas entendu un seul qui ait dit: «Oui, nous avons besoin d'une enquête internationale.» Donc, peut-être qu'on utilise le mauvais mot ou peut-être qu'on présente mal les choses, mais quand on les présente de cette façon-là, ça passe.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Avant de répondre à la suggestion de M. Bachand de continuer à huis clos, nous devrions d'abord demander aux témoins s'ils sont disponibles.

Seriez-vous disponibles pour une longue période?

[Français]

M. Claude Laverdure: Oui.

[Traduction]

Mme Jean Augustine: Pourrions-nous savoir combien de temps cela prendrait? Nous avons d'autres engagements.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Peut-on prévoir une quinzaine de minutes?

[Français]

M. André Bachand: Si vous êtes d'accord, madame la présidente, et si le comité est d'accord, on pourrait demander à M. Laverdure de nous faire une présentation de 15 minutes. Cela nous empêcherait malheureusement de poser certaines questions, mais M. Laverdure pourrait nous donner au moins une présentation plus globale, ce qui nous permettrait éventuellement de lui poser d'autres questions. Je ne sais pas si le comité serait d'accord pour que M. Laverdure complète...

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Donc, 15 minutes à huis clos?

[Français]

M. André Bachand: Exactement, oui.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): D'accord, je vous remercie. Avons-nous un consensus à ce sujet?

Des voix: D'accord.

[Français]

M. Daniel Turp: Madame la présidente, puisque nous souhaitions que ce soit à huis clos et que nous pensions qu'il était important que toute la réunion soit tenue à huis clos, nous allons quitter cette réunion. Par ailleurs, nous remercions M. Laverdure d'avoir bien voulu se présenter devant le comité.

M. André Bachand: Ce n'est pas la Cour suprême ici, messieurs. Vous êtes les bienvenus.

M. Daniel Turp: Mais, madame, c'est très logique.

M. André Bachand: Oui, mais M. Turp n'a pas l'information totale.

M. Daniel Turp: Nous souhaitions que ce soit ajourné.

M. André Bachand: M. Laverdure a dit qu'il mettrait peut-être des vies en danger s'il parlait, et vous quittez. Les gens sauront quelle importance vous attachez au destin de l'Algérie, monsieur.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): À l'ordre, je vous prie. Nous allons poursuivre la séance à huis clos. La décision a été prise.

M. Bob Speller: Le Bloc va essayer d'exploiter politiquement cette question. Je trouve leur attitude très hypocrite car ils risquent de mettre en danger la vie de certaines personnes en partant et en demandant aux témoins, qui sont venus ici et qui nous ont dit qu'ils souhaitaient livrer leur témoignage à huis clos parce que cela pourrait compromettre la sécurité de quelqu'un...comment peuvent-ils essayer de faire des gains politiques dans une telle situation et affirmer que le gouvernement essaie de cacher quelque chose?

[Français]

M. Daniel Turp: Ce n'est pas notre intention, monsieur Speller. Notre intention était d'avoir un débat public. Nous pensons que le débat public suffit; on a eu l'information additionnelle. Le diplomate qu'est M. Laverdure a donné l'information nécessaire et il ne me semble pas nécessairement utile que la réunion se poursuivre à huis clos. Nous sommes très logiques avec notre position et nous ne voulons pas politiser cette discussion de façon à ce que vous ayez de l'information privilégiée que n'auront pas les journalistes et d'autres personnes.

Mme Raymonde Folco: Ce qui veut dire, monsieur Turp, qu'on ne peut s'attendre à vous voir vous lever en Chambre pendant la période des questions et dire que vous n'avez pas eu l'information que vous souhaitiez avoir.

M. Daniel Turp: Non, c'est exact, mais je pense que la réunion pourrait se poursuivre publiquement. M. Laverdure a bien répondu à nos questions, comme il le pouvait, mais il y a ici des gens qui souhaiteraient continuer d'être informés. Vous seul avez l'information qui devrait être partagée avec des journalistes et des représentants d'organisations non gouvernementales qui sont avec nous.

• 1205

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): D'accord, je ne pense pas qu'il y ait consensus au sujet de la prolongation de la séance.

[Français]

M. André Bachand: Non, ce n'est pas cela. Le Bloc québécois donne son accord à ce que le comité continue à huis clos. Cependant, ses représentants disent qu'ils vont quitter. Le Bloc ne bloque pas la poursuite du travail du comité. Ce qu'il dit, c'est qu'il aurait souhaité que toute la séance soit publique. Je ne crois pas que les gens du Bloc veuillent arrêter le travail du comité. Absolument pas. Ils ont fait valoir leur point de vue et je pense qu'on est capables de continuer. C'est important.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je pense qu'on est d'avis dans cette salle que cette initiative sera utilisée à des fins politiques. À tort ou à raison, c'est le sentiment qui a cours dans la salle, et je ne pense pas que nous ayons un accord pour qu'on poursuive à huis clos. Devrions-nous passer au vote? Je pense qu'il serait préférable que les députés s'entretiennent avec les témoins après la séance, si tel est leur désir.

[Français]

M. André Bachand: Je ne comprends pas pourquoi M. Speller se lève. Le parti ministériel semble être d'accord et les partis d'opposition sont d'accord qu'on continue à huis clos pendant au plus 15 minutes, mais les gens du Bloc n'y assisteront pas. Donc, pourquoi le comité serait-il empêché de poursuivre? Je vois qu'il y a consensus pour qu'on continue pendant 15 minutes à huis clos. Pourquoi le comité serait-il empêché de continuer? Je pense qu'il faut se faire confiance, autant au niveau du parti ministériel que du Bloc ou du Parti conservateur.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je suis à la disposition du comité. Comment voulez-vous procéder?

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Madame la présidente, nous avons déjà gaspillé la moitié des 15 minutes.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Vous avez raison.

M. Ted McWhinney: Je suis prêt à en discuter avec le ministre car il serait peut-être possible que M. Laverdure revienne...

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Une autre comparution?

M. Ted McWhinney: ...pour une séance à huis clos ou une séance publique. Mais maintenant je pense qu'il ne reste que sept minutes environ, monsieur Bachand, malheureusement.

M. André Bachand:

[Note de la rédaction: Inaudible]

[Français]

M. Ted McWhinney: Oui, mais on peut revenir.

[Traduction]

M. André Bachand: Voyons.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Non, les députés ont d'autres engagements. Je pense que nous avons déjà perdu suffisamment de temps avec cette discussion et la suggestion de M. McWhinney d'inviter de nouveau M. Laverdure pour une séance à huis clos semble l'idéal.

M. Ted McWhinney: Ou pour une séance publique.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Oui.

Merci. La séance est levée.