CC38 Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité législatif chargé du projet de loi C-38
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 8 juin 2005
¼ | 1845 |
Le président (M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.)) |
Mme Joanne Cohen (coordonnatrice, Coalition des Rabbins libéraux canadiens) |
¼ | 1850 |
¼ | 1855 |
Le président |
Mme Katherine Young (professeure, Université McGill, à titre personnel) |
½ | 1900 |
½ | 1905 |
Le président |
M. Bruce Goertzen (à titre personnel) |
½ | 1910 |
½ | 1915 |
Le président |
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC) |
Mme Katherine Young |
½ | 1920 |
M. Rob Moore |
M. Bruce Goertzen |
M. Rob Moore |
½ | 1925 |
M. Bruce Goertzen |
M. Rob Moore |
Le président |
M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ) |
M. Bruce Goertzen |
M. Réal Ménard |
M. Bruce Goertzen |
M. Réal Ménard |
½ | 1930 |
M. Bruce Goertzen |
M. Réal Ménard |
M. Bruce Goertzen |
M. Réal Ménard |
Mme Joanne Cohen |
M. Réal Ménard |
½ | 1935 |
Mme Katherine Young |
M. Réal Ménard |
Mme Katherine Young |
M. Réal Ménard |
Le président |
Mme Katherine Young |
Le président |
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD) |
Mme Joanne Cohen |
½ | 1940 |
M. Bill Siksay |
Mme Joanne Cohen |
M. Bill Siksay |
Mme Joanne Cohen |
M. Bill Siksay |
Le président |
Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.) |
½ | 1945 |
M. Bruce Goertzen |
Mme Françoise Boivin |
M. Bruce Goertzen |
Mme Françoise Boivin |
M. Bruce Goertzen |
Mme Françoise Boivin |
M. Bruce Goertzen |
Mme Françoise Boivin |
M. Bruce Goertzen |
Mme Françoise Boivin |
M. Bruce Goertzen |
Mme Françoise Boivin |
M. Bruce Goertzen |
Mme Françoise Boivin |
M. Bruce Goertzen |
Mme Françoise Boivin |
M. Bruce Goertzen |
Mme Françoise Boivin |
Mme Katherine Young |
Mme Françoise Boivin |
Mme Katherine Young |
½ | 1950 |
Mme Françoise Boivin |
Mme Katherine Young |
Mme Françoise Boivin |
Mme Katherine Young |
Mme Françoise Boivin |
Mme Katherine Young |
Mme Françoise Boivin |
Mme Katherine Young |
Mme Françoise Boivin |
Mme Katherine Young |
Mme Françoise Boivin |
Mme Katherine Young |
Mme Françoise Boivin |
Mme Katherine Young |
Mme Françoise Boivin |
Le président |
Mme Françoise Boivin |
Le président |
M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC) |
Mme Joanne Cohen |
M. Brian Jean |
Mme Joanne Cohen |
M. Brian Jean |
Mme Joanne Cohen |
M. Brian Jean |
Mme Joanne Cohen |
M. Brian Jean |
Mme Joanne Cohen |
M. Brian Jean |
Le président |
½ | 1955 |
M. Brian Jean |
Le président |
M. Brian Jean |
Le président |
M. Brian Jean |
Le président |
M. Brian Jean |
Le président |
M. Brian Jean |
Mme Joanne Cohen |
M. Brian Jean |
Mme Joanne Cohen |
M. Brian Jean |
Mme Joanne Cohen |
M. Brian Jean |
Mme Joanne Cohen |
M. Brian Jean |
Mme Joanne Cohen |
M. Brian Jean |
Mme Joanne Cohen |
M. Brian Jean |
Mme Joanne Cohen |
¾ | 2000 |
M. Brian Jean |
Mme Katherine Young |
M. Brian Jean |
Mme Katherine Young |
M. Brian Jean |
Mme Katherine Young |
M. Brian Jean |
Mme Katherine Young |
M. Brian Jean |
Mme Katherine Young |
M. Brian Jean |
Mme Katherine Young |
Le président |
M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.) |
¾ | 2005 |
Mme Joanne Cohen |
M. Russ Powers |
Mme Joanne Cohen |
Le président |
M. Réal Ménard |
M. Bruce Goertzen |
¾ | 2010 |
M. Réal Ménard |
M. Bruce Goertzen |
M. Réal Ménard |
¾ | 2015 |
Mme Katherine Young |
M. Réal Ménard |
Mme Katherine Young |
M. Réal Ménard |
Mme Katherine Young |
M. Réal Ménard |
Le président |
M. Réal Ménard |
Mme Joanne Cohen |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
Mme Katherine Young |
Mme Anita Neville |
Mme Katherine Young |
¾ | 2020 |
Mme Anita Neville |
Mme Joanne Cohen |
Mme Anita Neville |
Mme Joanne Cohen |
¾ | 2025 |
M. Réal Ménard |
Mme Joanne Cohen |
M. Réal Ménard |
Mme Joanne Cohen |
Le président |
M. Bill Siksay |
Mme Katherine Young |
M. Bill Siksay |
Mme Katherine Young |
M. Bill Siksay |
Mme Katherine Young |
M. Bill Siksay |
Mme Katherine Young |
M. Bill Siksay |
Mme Katherine Young |
M. Bill Siksay |
Mme Katherine Young |
¾ | 2030 |
M. Bill Siksay |
Mme Katherine Young |
M. Bill Siksay |
Mme Katherine Young |
M. Bill Siksay |
Mme Katherine Young |
M. Bill Siksay |
Mme Joanne Cohen |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.) |
Mme Katherine Young |
¾ | 2035 |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Mme Katherine Young |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Mme Katherine Young |
Mme Joanne Cohen |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Mme Joanne Cohen |
Le président |
Mme Joanne Cohen |
Le président |
M. Mark Warawa (Langley, PCC) |
M. Bruce Goertzen |
M. Mark Warawa |
M. Bruce Goertzen |
M. Mark Warawa |
M. Bruce Goertzen |
M. Mark Warawa |
M. Bruce Goertzen |
M. Mark Warawa |
M. Bruce Goertzen |
M. Mark Warawa |
M. Bruce Goertzen |
M. Mark Warawa |
¾ | 2040 |
M. Bruce Goertzen |
M. Mark Warawa |
Mme Katherine Young |
¾ | 2045 |
Le président |
M. Réal Ménard |
Le président |
CANADA
Comité législatif chargé du projet de loi C-38 |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 8 juin 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¼ (1845)
[Français]
Le président (M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.)): Bonsoir.
[Traduction]
Bienvenue au Comité législatif chargé du projet de loi C-38.
Bienvenue à tous. Je vous remercie d'être disponibles et d'avoir accepté notre invitation.
Je suis certain que vous avez été mis au courant de la procédure normale et de la façon dont nous procéderons ce soir. Les témoins ont 10 minutes pour faire des observations préliminaires. Ensuite, nous aurons le premier tour de questions-réponses et commentaires, de sept minutes par parti, puis d'autres tours, de cinq minutes cette fois.
La séance débute à 18 h 45 et se terminera par conséquent à 20 h 45, sauf si elle tombe en panne ou que nous la suspendons plus tôt, mais je ne le pense pas.
Nous donnons d'abord la parole à Mme Cohen, de la Coalition des Rabbins libéraux canadiens. Vous disposez de 10 minutes.
[Français]
Nous recevons trois témoins ce soir: la représentante de la Coalition des rabbins libéraux canadiens, ainsi que Mme Young et M. Goertzen, qui témoigneront à titre personnel.
[Traduction]
Mme Joanne Cohen (coordonnatrice, Coalition des Rabbins libéraux canadiens): Bonsoir, mesdames et messieurs.
Je m'appelle Joanne Cohen. Je suis spécialisée en études juridiques et j'ai publié des ouvrages en études juives. Je témoigne aujourd'hui à titre de coordonnatrice de la Coalition des Rabbins libéraux canadiens en faveur des mariages entre les conjoints de même sexe.
Nous avons été des intervenants précoces et influents dans des affaires de mariages entre conjoints de même sexe portées devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique et la Cour d'appel de l'Ontario et dans le renvoi à la Cour suprême au sujet du mariage entre conjoints de même sexe. En outre, nous avons témoigné aux audiences du Comité de la justice sur le mariage entre conjoints de même sexe en 2003.
Je suis coauteure et organisatrice du plaidoyer interconfessionnel en faveur du mariage entre conjoints de même sexe et des libertés religieuses, présenté à Ottawa en février 2003, avec des exposés du rabbin Justin Lewis et de la révérende Jackie Harper, de l'Église Unie. J'ai publié des études dans ce domaine et je suis la principale auteure d'interventions devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique et devant la Cour d'appel de l'Ontario qui ont été rendues possibles grâce à deux subventions d'un organisme subventionnaire indépendant du gouvernement du Canada, le Programme de contestation judiciaire d'un montant total de 70 000 $.
Dans la tradition juive, nous avons une expression qui signifie qu'il faudrait qu'on se rencontre dans des circonstances plus agréables.
Des voix: Oh, oh!
Mme Joanne Cohen: Je voudrais vous présenter notre mémoire aujourd'hui. Je suis très heureuse de vous voir et de participer à vos audiences, mais j'aurais préféré que ce ne soit pas nécessaire.
Je voudrais vous présenter brièvement le mémoire que nous avons présenté à la Cour suprême, dont vous avez un exemplaire. La Coalition des Rabbins libéraux canadiens en faveur des mariages entre les conjoints de même sexe a été créée sur mon initiative en 2002. Je ne suis pas rabbin, mais je suis diplômée de la Faculté hébraïque et ai été membre de l'Association pour les études juives canadiennes. J'ai écrit des ouvrages en études juives qui ont été publiés et je suis également la première représentante lesbienne déclarée au Congrès juif canadien.
Quand nous avons entendu les premiers témoignages présentés en cour, nous avons été très préoccupés par la haine à peine voilée qui s'en dégageait, comme si le mariage entre conjoints de même sexe pouvait constituer un quelconque obstacle à l'exercice des libertés religieuses au Canada.
Nous représentons une coalition de plus de 25 rabbins de dénominations juives libérales, à l'échelle nationale, qui sont actuellement disposés à pratiquer ou pratiquent déjà des mariages entre conjoints de même sexe. Ils considèrent l'intégration des membres homosexuels et lesbiens de la congrégation et de leur famille comme un aspect clé de leur théologie; cette attitude est d'ailleurs démontrée dans les résolutions théologiques qu'ils ont adoptées au début des années 90. En outre, dans un souci d'action et de justice sociales, à l'instar des prophètes de la Bible, ils sont entièrement en faveur de l'égalité des homosexuels et des lesbiennes dans la société canadienne.
Par conséquent, nous estimons que notre droit à la liberté de conscience et de religion, en conformité de l'alinéa 2a) de la Charte des droits et libertés, et que notre droit à la même protection et aux mêmes bénéfices de la loi, conformément au paragraphe 15(1) de la Charte, sont touchés par le projet de loi dont votre comité est saisi. C'est ce qui explique notre présence ici ce soir.
Nous appuyons le droit des couples juifs de même sexe de célébrer des cérémonies de mariage entre conjoints de même sexe, qui est dûment reconnu en droit canadien. Nous appuyons le droit des couples de même sexe interconfessionnels et non juifs d'obtenir un mariage civil valide entre conjoints de même sexe, droit qui soit transférable et reconnu à l'échelle nationale, et dûment reconnu en droit canadien. Nous appuyons le droit des rabbins et de leurs congrégations de célébrer un mariage entre conjoints de même sexe s'ils en décident ainsi et nous protégeons leur autonomie à cet égard. Divers rabbins et diverses congrégations ont des politiques et procédures personnelles à cet égard. Nous appuyons également le droit des autres dénominations religieuses et des membres de leur clergé d'en décider eux-mêmes et le respect de leur autonomie. Nous sommes en faveur du droit des couples interconfessionnels et non juifs de même sexe d'obtenir un mariage civil valide dans les mairies par exemple, dûment reconnu en droit canadien, à travers le pays.
Actuellement, nos rabbins de Toronto et de Montréal et ceux de la Colombie-Britannique et d'autres provinces, bref les rabbins de sept provinces et territoires canadiens, peuvent célébrer des mariages entre conjoints de même sexe, mais en Alberta, les familles et les intérêts de certains rabbins et couples sont également menacés par ce projet de loi. Si nos couples se mariaient à Toronto et déménageaient en Alberta, leur mariage et leur relation ne seraient pas reconnus dans cette province. Par conséquent, nos libertés religieuses, nos droits à l'égalité et notre dignité humaine, comme dans l'affaire Law c. Canada, demeurent affectés. C'est pour nous et pour les membres de la communauté gaie et lesbienne une démarche douloureuse de devoir constamment défendre devant le gouvernement notre mode de vie qui est affecté par les stigmates de l'homophobie à peine voilée qui se dégage de nombreux exposés faits par d'autres témoins.
¼ (1850)
Je voudrais brièvement faire des commentaires sur deux affaires qui ont un rapport avec la question. À titre de spécialiste en études juives, j'ai le plaisir d'esquisser un tableau chronologique détaillé de l'homophobie, et en particulier de l'homophobie religieuse, y inclus un historique de l'holocauste, contexte dans lequel des Juifs et des homosexuels, à la suite de plébiscites populaires, ont vécu de terribles souffrances parce qu'ils constituaient des minorités très impopulaires à l'époque.
C'est le même processus que les membres de ce comité imposent en fait actuellement à notre communauté et nous vous prions de mettre un terme à cette situation. Je voudrais parler maintenant d'une affaire pertinente, l'affaire Zylberberg c. Sudbury Board of Education. C'est une affaire concernant l'obligation de réciter le Notre-Père dans les écoles publiques. La cour a jugé que l'imposition par l'État du Notre-Père dans les écoles publiques dans une société multiculturelle était anticonstitutionnelle.
De même, dans une affaire qui marque une étape importante remontant à 1985, l'affaire R. v. Big M Drug Mart Ltd., la cour a statué qu'un propriétaire de pharmacie juif de l'Alberta faisait l'objet d'une discrimination injuste parce qu'il avait été pénalisé pour avoir ouvert son magasin le dimanche, parce qu'il ne célébrait pas le sabbat chrétien. Le juge Dickson a alors défini la liberté religieuse comme suit. Je voudrais conclure mon exposé en lisant ce passage du jugement, parce que je pense qu'il a un rapport avec la question présentement à l'étude, avec la protection des libertés religieuses et le rôle de l'État :
Une société vraiment libre peut accepter une grande diversité de croyances, de goûts, de visées, de coutumes et de normes de conduite. Une société libre vise à assurer à tous l'égalité quant à la jouissance des libertés fondamentales... La liberté doit sûrement reposer sur le respect de la dignité et des droits inviolables de l'être humain. Le concept de la liberté de religion se définit essentiellement comme le droit de croire ce que l'on veut en matière religieuse, le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d'empêchement ou de représailles... |
La liberté peut ... se caractériser... par l'absence de coercition ou de contrainte. Si une personne est astreinte par l'État ou par la volonté d'autrui à une conduite que, sans cela, elle n'aurait pas choisi d'adopter, cette personne n'agit pas de son propre gré et on ne peut pas dire qu'elle est... libre. |
En s'inclinant devant ce témoignage de l'Église catholique et des églises de dénomination chrétienne et des autres dénominations opposés au mariage entre conjoints de même sexe, en prétextant que vous ne faites que suivre les ordres de vos électeurs qui sont opposés à ce type de mariage, en nous menaçant de la tyrannie de la majorité et des vicissitudes d'un vote, vous agissez en fait d'une façon antidémocratique, d'une façon qui est anticonstitutionnelle au Canada et qui, d'après les jugements de nombreuses cours d'appel et de la Cour suprême du Canada et selon la jurisprudence pertinente, porte une atteinte à nos droits, à nos dignités et à nos libertés en tant qu'êtres humains.
Mesdames et messieurs, je vous remercie pour votre attention.
J'attends impatiemment vos questions de fond sur notre mémoire.
¼ (1855)
Le président: Merci.
Madame Young.
Mme Katherine Young (professeure, Université McGill, à titre personnel): Je voudrais attirer votre attention sur le fait que j'ai trois mémoires différents. L'un est intitulé « Les adultes gais et les enfants : Les droits en conflit ». Je pense qu'il a été traduit et que tout le monde en a un exemplaire.
Des voix: Non.
Katherine Young: Nous l'avons pourtant remis il y a une semaine et, par conséquent, je ne sais pas ce qui s'est passé.
Vous aurez le texte du court mémoire que je lirai ce soir d'ici à demain. Il contient les amendements que je propose au projet de loi C-38. J'ai également un article du Globe and Mail qui se rapporte à mes commentaires sur la liberté universitaire.
Je lis donc mes amendements.
Préambule :
Attendu que l'éthique exige des chercheurs qu'ils surveillent l'effet de leurs recherches sur les personnes touchées;
Attendu que la redéfinition du mariage pour y inclure les unions de personnes du même sexe constitue une expérience sans précédent comportant des risques pour les enfants et d'autres personnes;
Attendu que les groupes de pression, les journalistes et mêmes les universitaires ont intimidé les chercheurs qui produisent des données ne soutenant pas la redéfinition du mariage et ont essayé activement de les réduire au silence;
Attendu qu'il n'existe pas de consensus sociétal sur la redéfinition du mariage de manière à y inclure les unions de personnes du même sexe; et
Attendu que la liberté de conscience et la liberté universitaire sont des valeurs canadiennes importantes;
Je propose les amendements suivants au projet de loi C-38.
1. Le gouvernement chargera Statistique Canada de recueillir des données sur la manière dont cette nouvelle loi touche les enfants, à la fois les enfants de parents de même sexe et les enfants de parents des deux sexes, afin de déterminer si la parenté biologique, le fait que les parents sont des deux sexes et le mariage ont une importance.
2. Le gouvernement formera un comité composé de spécialistes des sciences sociales, de chercheurs en sciences humaines et d'éthiciens, chargé de produire des questions et des méthodes destinées à recueillir des données sur les effets de la redéfinition du mariage. Ce comité pourra soit ne comporter aucun chercheur s'étant prononcé pour ou contre le principe examiné ou être composé de tenants des deux thèses, en nombre égal.
3. Le gouvernement veillera à garantir un accès libre à ces données et fournira des fonds de recherche afin que les chercheurs puissent les analyser de différents points de vue.
4. Un comité parlementaire examinera le travail de recherche sur ces données à tous les cinq ans, au cours des 50 prochaines années, afin de déterminer les effets néfastes de la redéfinition du mariage sur les enfants, les femmes, les hommes et la société. Si des effets négatifs se manifestent, le comité recommandera au Parlement de reconsidérer la Loi sur le mariage civil.
5. Le gouvernement prendra des mesures pour assurer la liberté universitaire des enseignants et des étudiants de faire des recherches sur la question ou de débattre des recherches réalisées par d'autres sans être contestés par les commissions des droits de la personne.
Voilà mes recommandations. Je passe maintenant à l'analyse.
Comme nous l'avons écrit, le Dr Paul Nathanson—il a déjà comparu au cours d'une version antérieure du présent comité—et moi-même :
[...] résister à l'épreuve juridique et morale, les tenants de la redéfinition du mariage auraient besoin de solides preuves issues d'études psychologiques ou sociologiques montrant que les risques de préjudice pour les enfants sont faibles. Or, ces personnes ne disposent pas de telles preuves, pas plus qu'elles n'ont d'éléments probants d'études historiques ou interculturelles. |
La redéfinition du mariage afin d'y inclure les couples de personnes du même sexe constitue une expérience considérable et sans précédent historique faite sur les enfants, et donc sur les générations à venir. Les démocraties occidentales modernes reconnaissent que les enfants constituent le groupe de personnes le plus vulnérable, parce qu'ils n'ont pas la maturité nécessaire pour donner un consentement éclairé.
La nouvelle Loi sur le mariage nécessiterait des études longitudinales (portant sur plusieurs générations) et des études fondées sur des méthodes solides (impartiales), comparant des enfants nés des techniques génésiques ou élevés par deux parents sociaux mariés du même sexe et des enfants élevés par leurs parents biologiques mariés.
½ (1900)
Dans l'intervalle, nous devons continuer d'évaluer la preuve des études dont nous disposons déjà. En fait, la preuve existante en sciences sociales montre clairement que les enfants qui ne vivent pas avec leurs deux parents biologiques mariés courent beaucoup plus de risques que ceux-là qui sont dans cette situation. D'ici à ce que la preuve du contraire soit faite, les chercheurs devraient partir du principe que, par analogie, les enfants de couples de personnes de même sexe courent les mêmes risques que les enfants de parents seuls.
Étant donné que les enfants ne peuvent pas donner leur consentement éclairé au mariage de personnes de même sexe ni à toute autre expérience sociale, nous devrions à tout le moins prendre très au sérieux les témoignages des enfants qui sont nés grâce à l'insémination artificielle et des enfants qui ont été adoptés, au sujet de leur profond désir d'avoir des rapports solides avec leurs parents biologiques.
Voici un autre problème. Les tribunaux canadiens ont nié l'existence de risques pour les enfants et n'admettent pas que les droits des homosexuels adultes sont en contradiction avec ceux des enfants. Par exemple, l'analyse des risques contenue dans les affidavits concernant la cause Halpern a été qualifiée par les juges de simple effort de spéculation ou de défense d'une cause. Cette attitude dénote une négligence grave.
Toute analyse éthique repose, en définitive, sur l'évaluation des risques. Selon Margaret Somerville, le risque est souvent le plus important des facteurs pertinents du point de vue éthique :
Et même quand on examine seulement les risques physiques, il y a de l'incertitude, car les scientifiques ne s'entendent pas sur l'ampleur ni la prévalence d'un risque donné. Cela signifie que nous ne pouvons pas insister sur la certitude. Nous pouvons toutefois insister sur l'honnêteté, la bonne foi (spécialement en l'absence de conflits d'intérêts) et l'absence de négligence dans l'évaluation des risques [...] La probable réversibilité du risque compte également, pour l'éventualité où [le pire] se produirait. Il repose sur nos épaules la plus sérieuse obligation de ne pas causer de préjudice irréversible, dans le cas d'enfants. |
J'ajouterais que le fait d'être né selon un plan, par insémination artificielle, en l'absence de toute information sur le donneur et donc, sans aucune chance de trouver le père biologique, pourrait constituer un préjudice irréversible pour l'enfant.
La redéfinition du mariage implique par ailleurs une redéfinition de l'adoption. Si le mariage donne le droit de fonder une famille, ce qui sera le cas si la nouvelle loi est adoptée, les adultes auront le droit d'adopter. L'adoption deviendra par conséquent une institution centrée sur les adultes alors qu'elle a toujours été jusqu'à présent centrée sur les enfants.
Que dire des enfants autochtones qui ont été pris dans leur foyer et placés dans des pensionnats dirigés par des blancs? À cette époque, le gouvernement supposait simplement que leurs parents biologiques n'avaient pas d'importance. Tout ce qui comptait était l'objectif noble, vraisemblablement fondé sur le bon sens, d'assimiler ces enfants à la société blanche.
Aujourd'hui, nous procéderions autrement. En fait, nous payons aujourd'hui chèrement pour les pots cassés au nom de la sociologie appliquée. Combien de fois devrons-nous répéter les mêmes erreurs?
Si le gouvernement tient absolument à redéfinir le mariage et à privilégier les droits des adultes au détriment des droits des enfants, j'exhorte le comité à accepter pour le projet de loi C-38 les amendements que je propose au début de cette présentation.
Enfin, je voudrais faire quelques commentaires personnels. Pour comprendre le contexte culturel et politique du débat, nous devons connaître les motivations personnelles et les objectifs idéologiques. Cela dit, je voudrais vous faire part de plusieurs expériences personnelles.
Lors d'une réunion de l'Association de droit Lord Reading, le 4 mai 2005, j'ai entendu Martin Cauchon parler de son rôle dans le débat sur la redéfinition du mariage. M. Cauchon a dit qu'il souhaitait être connu comme le ministre canadien de la Justice qui a redéfini le mariage afin d'y inclure les couples de personnes de même sexe et a légalisé la marijuana. Étant donné que les causes sur le mariage ont été entendues pendant son mandat, j'en déduis que le ministère de la Justice s'était déjà fait une opinion avant que le débat ne commence.
Ce constat m'a aidée à comprendre quelques autres choses que j'ai personnellement vécues. J'ai abordé les risques dans mon affidavit, mais ils ont été considérés par les juges comme de simples spéculations. Ensuite, dans le cadre de l'appel, personne n'a pris la peine d'essayer de réfuter mes arguments, bien qu'ils aient été fondés en grande partie sur les questions abordées dans mon affidavit. Ce manque d'engagement envers la preuve porte à conclure que les juges n'en avaient cure. Pourquoi? Probablement parce qu'ils étaient intéressés uniquement par ce que certains universitaires appellent la recherche universitaire engagée. Selon cette école, connaissez votre but et choisissez la preuve dont vous avez besoin pour l'atteindre. Dans ce cas, si la redéfinition du mariage était politiquement opportune, à quoi bon faire semblant de défendre la définition historique? Cela expliquerait pourquoi il n'a pas été fait appel des jugements devant la Cour suprême du Canada.
½ (1905)
Au cours de 30 années passées en tant qu'universitaire, je n'ai jamais été soumise aux abus que j'ai connus en rapport avec ma position sur la question. Cela a commencé lorsqu'il a été annoncé que Margaret Somerville et moi-même serions appelées à titre de témoins experts dans la cause Halpern et que les paragraphes qui résumaient notre position ont été rendus publics. Plusieurs de nos collègues de McGill ne tardèrent pas à lancer une campagne tous azimuts par courriels et cartes postales contre nous, contenant souvent des messages nous traitant d'homophobes. Ils réclamaient que l'université nous retire nos mandats. Ils ont organisé des manifestations à l'extérieur de nos salles de classe.
Aussi déplaisant cela fut-il, j'ai admis que le débat public est un volet tout à fait acceptable dans une vraie démocratie, mais pas lorsque les gestes consistent à faire taire l'opposition en la personne de témoins experts. Les autorités de Justice Canada et de l'Université McGill craignaient que des gestes de violence ne soient posés et nous ont offert de la protection, mais cela ne fut pas nécessaire.
Ce qui fut plus dérangeant fut une rencontre que Nathanson et moi-même firent avec Anne Goldwater, un incident qui s'est également produit le mois dernier, à la réunion de l'Association de droit Lord Reading. Nous avons dû essuyer une pluie d'injures, y compris des vulgarités, de la part d'un membre du Barreau du Québec. Lorsque des avocats se comportent de la sorte, je me pose des questions non seulement au sujet du manque de décorum public et au sujet des tentatives de me faire taire par l'intimidation, mais je crains aussi de faire l'objet d'actions stratégiques contre la participation aux affaires publiques.
Je vous remercie pour votre attention.
Le président: C'est maintenant au tour de M. Goertzen. Vous disposez de 10 minutes.
M. Bruce Goertzen (à titre personnel): Merci beaucoup. Je me contenterai de lire mes notes qui vous ont été envoyées par la voie électronique hier; elles seront donc probablement traduites sous peu.
Je m'appelle Bruce Goertzen et je suis commissaire de mariage dans et pour la province de la Saskatchewan. J'occupe ce poste depuis 1984. C'est alors la personne en charge de la section du mariage de Justice Saskatchewan qui m'a demandé d'assumer ces fonctions. Depuis lors, j'ai officié à 288 mariages et j'en ai d'autres prévus pour cet été.
Outre les fonctions que je viens de mentionner, je suis un des nombreux Canadiens qui croient vraiment dans le sens des paroles de l'hymne national canadien. Dans l'hymne, nous demandons clairement à Dieu de protéger notre pays. Si nous avons l'audace de demander à Dieu de protéger notre pays, ne devrions-nous pas lui faire la grâce de suivre ses enseignements sur des questions comme celle du mariage? La Charte canadienne des droits et libertés début ainsi : « Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit ». Nous devons nous demander si nous ne devrions pas conserver les lois et les enseignements de Dieu.
Mes convictions religieuses, en tant que personne qui a accepté Jésus-Christ comme son seigneur, son maître et son sauveur, me dictent de suivre les enseignements de la Parole de Dieu. Je crois que la Parole de Dieu est claire dans le chapitre 2, verset 24 de la Genèse qui dit ceci : « C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair ». Mes convictions religieuses personnelles entrent donc en conflit avec le projet de loi C-38 et avec le ministère de la Justice de la Saskatchewan.
Mes fonctions de commissaire de mariage et mes opinions religieuses bien arrêtées, qui sont les mêmes que celles qui étaient connues avant que je sois nommé à ce poste en 1984, m'ont forcé à faire appel devant vous et devant la Saskatchewan Human Rights Commission pour la protection de mes droits.
Depuis que je suis commissaire de mariage, j'ai entendu le ministre fédéral de la Justice, M. Irwin Cotler, dire qu'il devrait y avoir une possibilité de protéger les libertés religieuses d'un commissaire de mariage tel que moi, tout en permettant aux couples de même sexe de faire célébrer solennellement leur union. Comme le ministre fédéral de la Justice le suggère, il existe des possibilités de protéger le commissaire de mariage, mais la célébration du mariage relève de la compétence des provinces et pas de celle du gouvernement fédéral. Ce projet de loi ne devrait pas être adopté avant que le ministre fédéral et les ministres provinciaux de la Justice se soient entendus sur une solution afin de protéger les droits de tous.
Je pense que le ministre de la Justice de la Saskatchewan, M. Frank Quennell, enfreint l'esprit et la lettre du Saskatchewan Human Rights Code et de la Charte des droits et libertés en refusant d'élaborer des dispositions protégeant ma liberté de religion et celles d'autres commissaires de mariage.
J'ai présenté une demande à la Saskatchewan Human Rights Commission pour la protection de mes libertés religieuses. J'ai présenté mon mémoire le 18 janvier 2005 à la commission des droits de la personne, après avoir reçu une lettre en date du 1er novembre 2004 de M. Lionel McNabb, directeur du service des mariages, dans laquelle il m'annonce que je serai obligé de présider au mariage de personnes de même sexe en Saskatchewan.
J'ai présenté une demande pour que ma plainte soit transmise à la Saskatchewan Human Rights Commission pour médiation, mais je n'ai pas été informé de la position du gouvernement de la province à ce sujet.
La lettre de M. McNabb signale qu'un commissaire de mariage est un fonctionnaire du gouvernement . Le ministre provincial de la Justice laisse entendre par contre que le gouvernement ne peut être obligé de répondre aux desiderata des commissaires de mariage, parce qu'ils sont des « statutory officers » ou des titulaires d'une charge créée par une loi et pas des employés.
Il est très regrettable qu'il n'y ait pas de définition précise de « statutory officer », car ces personnes occupent un poste créé en vertu d'une loi dont les fonctions sont énoncées de façon plutôt floue. Il est intéressant de signaler que la plupart des lois fédérales et provinciales, y compris celles de la Saskatchewan, n'utilisent pas du tout le terme « statutory officer ».
½ (1910)
D'après les employés du service des mariages de Justice Saskatchewan, les commissaires de mariage ne sont pas des employés du gouvernement. Ils sont nommés par le ministre en vertu de la partie de la Loi sur le mariage intitulée « Mariage civil » afin d'accomplir une fonction statutaire, à savoir d'effectuer les mariages civils. Ce ne sont pas des fonctionnaires salariés, mais on leur verse un montant forfaitaire par mariage et ces honoraires sont payés par les parties au mariage et pas par le gouvernement.
Il est intéressant de signaler que le montant des honoraires est fixé par le gouvernement. C'est également le gouvernement qui fixe les heures des mariages et les paroles prononcées au cours de la cérémonie. Les commissaires de mariage ne sont protégés par aucune des lois concernant la fonction publique et ne sont pas syndiqués; ils ne sont par conséquent pas protégés par une convention collective. Il est peut-être également intéressant de signaler que la Loi sur le mariage permet apparemment le licenciement du commissaire de mariage sans préavis, en l'absence de critères ou sans motif précis.
Les employés de la Saskatchewan Human Rights Commission ont indiqué qu'il n'y a actuellement aucune réponse précise à la question de savoir si la protection des droits de la personne garantie par le Saskatchewan Human Rights Code est accessible aux commissaires de mariage désireux de déposer une plainte pour discrimination dans l'emploi fondée sur la religion ou les principes.
Après de nombreuses discussions, il semblerait que l'on puisse accorder à un groupe de personnes un certain droit ou privilège aux dépens d'un autre groupe. Étant donné que la Saskatchewan Human Rights Commission et la Charte canadienne des droits et libertés ne protègent peut-être pas les commissaires de mariage en Saskatchewan, ni dans les autres provinces d'ailleurs, je vous demande en leur nom de modifier ce projet de loi, voire de le faire retirer, tant que l'on ne sera pas parvenu à protéger les droits de tous les Canadiens et Canadiennes. Quel type de victoire serait-ce si l'on retirait un droit à une personne pour le donner à une autre?
En conclusion, les commissaires de mariage qui ont des opinions religieuses bien arrêtées ne sont pas opposés à un groupe d'individus. Nous demandons tout simplement de nous permettre de dire que nous ne voulons pas célébrer un mariage en ayant la certitude que nous ne ferons pas l'objet de sanctions prises par la Commission des droits de la personne ou par les cours ou que nous ne perdrons une source de revenus en étant licenciés pour avoir défendu nos convictions religieuses. Veuillez prendre les points suivants en considération lorsque vous présenterez votre rapport sur ce projet de loi.
Premièrement, ne modifiez pas la définition du mariage qui a été votée et adoptée par 216 voix contre 55 à la Chambre des communes il y a environ cinq ans. Ce vote indiquait clairement que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme. Toute modification de cette définition forcerait les commissaires de mariage tels que moi d'aller à l'encontre de leurs convictions religieuses personnelles s'ils veulent continuer à fournir un service aux habitants de leur localité.
Deuxièmement, n'adoptez pas le projet de loi, parce que tel qu'il se présente, il ne protège pas toutes les libertés canadiennes. D'après le Star Phoenix, le premier ministre lui-même a dit que le gouvernement protégerait les juges de paix. Cependant, en Saskatchewan, les juges de paix ne peuvent pas célébrer des mariages. Et les commissaires de mariage? N'adoptez pas une loi en pensant que les tribunaux régleront les questions qui restent ambiguës. Les commissaires de mariage ne peuvent pas le faire.
Troisièmement, accordez clairement votre protection, maintenant et à l'avenir, aux commissaires de mariage qui refusent de célébrer des unions de personnes du même sexe, conformément à l'esprit de la Charte canadienne des droits.
Je vous remercie pour votre attention.
½ (1915)
Le président: Merci.
Bien, nous commençons le premier tour de questions par le Parti conservateur.
Monsieur Moore. Vous disposez de sept minutes.
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC): Je remercie les témoins.
Nous apprécions vos exposés. Je pense qu'il est particulièrement intéressant d'entendre les opinions des commissaires de mariage parce qu'en raison de vos convictions religieuses ou de vos convictions profondes, vous êtes des personnes sur lesquelles ce type de décisions ont un impact. Cela nous permet de mettre un visage sur ces personnes, lorsque nous signalons que la modification de la définition du mariage aurait un impact sur les droits d'autres personnes. Nous avons appris aujourd'hui que vous pourriez être les premiers touchés. Il est possible qu'un large groupe de Canadiens ne soient pas aptes à participer à la vie publique en raison de leurs convictions religieuses.
Ma première question s'adresse à Mme Young. Pourriez-vous faire quelques commentaires sur le contexte international? On nous dit qu'aucune autre cour de quelque pays que ce soit, y compris notre Cour suprême du Canada, ni aucune cour internationale, n'a jugé qu'il était nécessaire de modifier la définition du mariage pour accommoder les droits de la personne. Vous pourriez peut-être faire des commentaires sur l'expérience dans d'autres cultures et dans d'autres pays, si vous savez comment ils ont procédé en la matière.
Mme Katherine Young: Nous avons affaire en l'occurrence à deux contextes. L'un est le contexte historique dans lequel le mariage, dans toutes les cultures, a toujours été l'union d'un homme et d'une femme. C'est la norme. J'ai fait de la recherche interculturelle sur un échantillon important et j'ai relevé environ neuf caractéristiques universelles. Nous avons relevé également plusieurs caractéristiques quasi universelles puis quelques caractéristiques variables. Cette nouvelle loi est donc sans précédent dans l'histoire, si ce n'est que des lois semblables ont été présentées au cours des dernières années dans quelques pays occidentaux.
Cela dit, je pense qu'il est très important que le Canada n'oublie pas la position des Nations Unies à cet égard. Les Nations Unies sont opposées au mariage entre conjoints de même sexe. L'article 7 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des enfants stipule que l'enfant a le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux; cet article a été rédigé à une époque où nous savions que les parents étaient un parent de sexe masculin et un parent de sexe féminin.
L'article 23, deuxième point du Pacte international relatif aux droits civils et politiques reconnaît le droit de se marier et de fonder une famille à partir de l'âge nubile. Toutes les autres références dans ce document concernent toutes les personnes. Celle-ci concerne un homme et une femme.
La position des Nations Unies en ce qui concerne le mariage entre conjoints de même sexe a été contestée en Nouvelle-Zélande. Je suis sûre que vous êtes au courant de l'affaire Quilter v. Attorney General en 1998. Ensuite, la question a été portée devant les Nations Unies dans l'affaire Joslin v. New Zealand. Le Comité des droits de l'homme de l'ONU a pris, en juillet 2002, une décision dans laquelle il maintenait la position des Nations Unies à savoir que le mariage est une union entre un homme et une femme.
Le Canada a signé ces traités des Nations Unies et, par conséquent, notre position actuelle va à l'encontre de celle des Nations Unies dans ce domaine. Nous pouvons, bien sûr, invoquer une certaine supériorité morale en disant que les autres pays nous emboîteront le pas.
Je suis professeure d'hindouisme. C'est ma spécialisation. Je suis spécialisée en religion comparative et en éthique comparative. Je connais très bien les cultures asiatiques pour avoir travaillé et mené des études dans plusieurs pays, notamment en Inde, en Indonésie et au Japon. Ce sont de vigoureuses traditions familiales et, lorsqu'on rejette les définitions du mariage possédant les caractéristiques universelles qui sont associées à ces traditions, on crée des fondamentalismes, car le centre disparaît. Ce sont des populations très religieuses qui penchent vers la droite. C'est donc ce qui arrive dans de tels cas.
Notre position va à l'encontre de celle des Nations Unies... et, alors que l'on entame un débat sur la question dans ce forum, le Canada a fait du lobbying pour tenter d'intégrer l'orientation sexuelle et le mariage entre conjoints de même sexe aux documents de l'ONU, mais mobilise maintenant les troupes dans l'autre camp. Je prédis une recrudescence du fondamentalisme dans ces pays à la suite de ce changement.
½ (1920)
M. Rob Moore: Je vous remercie, madame Young. J'ai deux autres questions à vous poser si je dispose encore d'assez de temps.
Vous dites que, dans le contexte international, ce type d'union n'a pas été déclaré un droit de la personne qui nécessiterait une modification de la définition du mariage. Nous savons d'ailleurs que d'autres propositions ont été faites pour régler les questions d'égalité lorsqu'il s'agit des droits, des avantages et des obligations associés aux couples de conjoints de même sexe. M. Goertzen m'a toutefois également appris que, à titre d'employé, à titre de commissaire de mariage, on peut avoir l'impression d'avoir été privé de ses droits.
Je voudrais que vous fassiez quelques commentaires à ce sujet. J'ai entendu vos commentaires sur votre expérience. Y en a-t-il d'autres dans votre province? Nous avons entendu un témoin de Terre-Neuve et un témoin de l'Ontario, deux commissaires de mariage, qui ont fait des commentaires semblables aux vôtres. Je me demande toutefois quelle approche vos collègues adoptent, comment ils s'adaptent à la situation et s'ils ont la sensation d'être marginalisés ou mis sur une voie de garage en raison de leur attachement à une définition du mariage qui aurait été considérée comme l'unique définition du mariage il y a quelques années. Personne n'aurait jamais mis cette définition en doute lorsque vous êtes devenu commissaire de mariage. Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?
M. Bruce Goertzen: Oui.
À présent, en Saskatchewan, deux personnes, dont moi-même, ont porté plainte devant la Commission des droits de la personne. Trois d'entre nous ont déclaré à la télévision nationale qu'ils étaient opposés au mariage de conjoints de même sexe. Huit autres commissaires de mariage ont démissionné. Je suis certain que beaucoup d'autres attendent dans l'ombre la décision de la Commission des droits de la personne, après quoi, quelle que soit la décision, bien d'autres commissaires démissionneront peut-être.
M. Rob Moore: Bien.
Pensez-vous, d'après les entretiens que vous avez eus avec vos collègues, que ceux qui resteront, même s'ils continuent d'assumer leurs fonctions, pensent que c'est une atteinte à leurs droits?
Pensez-vous en outre que l'on dispose d'une certaine marge de manoeuvre en la matière? Vous avez déclaré à juste titre que la Cour suprême a spécifié que pour protéger les commissaires de mariage, une loi de la province était nécessaire. C'est un domaine extérieur au champ de compétence du gouvernement fédéral. Pensez-vous qu'il serait raisonnable que le gouvernement fédéral négocie avec les provinces, avant de mettre cette loi-ci en oeuvre, pour pouvoir mettre en place des mesures de protection afin de répondre aux besoins des personnes dont les convictions religieuses ou les principes ne leur permettent pas d'accepter ce type de mariage?
½ (1925)
M. Bruce Goertzen: Je pense qu'il serait très sage de la part du ministre de la Justice d'en discuter avec les autres ministres de la Justice. Je pense que c'est une situation inhabituelle. Le département des droits de la personne a un rôle très spécifique et très restreint, à savoir que si vous êtes victime de discrimination en raison de votre religion, il prendra votre défense. Quelle différence faites-vous entre de la discrimination à mon égard, parce que je n'admets pas le mariage de conjoints de même sexe et la discrimination à l'égard d'une autre personne qui a peut-être des convictions religieuses différentes?
Je pense qu'en Saskatchewan, de nombreux membres tels que moi, lorsque je reçois un appel téléphonique... si vous me téléphoniez aujourd'hui pour me demander de présider à votre cérémonie de mariage, je vous demanderais le nom de la fiancée, le nom du fiancé et d'autres renseignements. Quand je me serais assuré que vous êtes un homme et une femme, j'irais consulter mon agenda pour voir quand je serais disponible.
Lorsque ce sont par exemple deux femmes qui me font la demande... ce qui m'est arrivé il y a quelques jours, lorsqu'une femme m'a demandé tout simplement si je célébrais des mariages entre conjoints même sexe, je dois répondre que non. J'ai toutefois conseillé à cette femme d'aller trouver un autre commissaire de mariage qui est prêt à le faire.
D'après les règles du département des droits de la personne, le gouvernement de la Saskatchewan est obligé de faire des accommodements pour les personnes qui ont des convictions religieuses. La seule chose que je lui demande, c'est de faire également des accommodements pour moi.
M. Rob Moore: Je vous remercie.
[Français]
Le président: Nous passons maintenant au Bloc québécois et à M. Ménard.
M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ): Je vous remercie, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Goertzen. Je n'ai pas très bien compris quel est votre statut. Vous n'êtes pas ministre du culte, vous n'êtes pas employé de la fonction publique et vous parlez comme si vous n'étiez pas agent public. Légalement, quel est votre statut aux yeux de la Saskatchewan?
[Traduction]
M. Bruce Goertzen: Mon statut est celui de commissaire de mariage. D'après le gouvernement de la Saskatchewan, je ne suis pas un fonctionnaire, mais je suis titulaire d'une charge créée par une loi.
Mes convictions religieuses personnelles...
[Français]
M. Réal Ménard: Ce n'est pas ce dont je parle. Si vous le permettez, on reviendra à vos convictions. Il nous faut les faits. Ce n'est pas possible que vous ne soyez ni ministre du culte, ni fonctionnaire, ni agent public. Vous devez être l'un des trois si vous avez le droit de célébrer un mariage. Votre opinion personnelle — excusez-moi — n'a aucune importance si vous êtes un agent public, et je comprends que c'est ce que vous êtes. Vous appliquez une loi de la Saskatchewan. Êtes-vous un agent public, oui ou non?
[Traduction]
M. Bruce Goertzen: Bien. Je dirais que oui, je suis un agent public. Étant donné que je suis un agent public, mes convictions personnelles doivent être protégées dans une certaine mesure.
[Français]
M. Réal Ménard: D'accord, on échangera à ce sujet. Toutefois, il faut situer les choses dans leur juste perspective. Sauf le respect que je vous dois, vous faites un détournement de débat.
Ce projet de loi a été déposé par des législateurs qui sont tous des élus. Être un élu, cela doit représenter quelque chose dans votre échelle de valeurs. Ce projet de loi protège des ministres du culte qui ne seront jamais mis en instance de célébrer des mariages à l'encontre de leur dogme ou de leur religion. Aucun député autour ce cette table ne serait à l'aise si ces dispositions n'existaient pas.
Vous, vous inversez le débat. On parle de mariage civil, vous vous dites agent public, vous appliquez une loi de la Saskatchewan et vous voulez les mêmes protections qu'un ministre du culte. Je regrette, mais il y a là quelque chose d'illogique. Quand les conservateurs ont donné le nom des témoins, j'avais l'impression que des ministres du culte avaient été mis en instance de célébrer des mariages. Cela m'aurait mis drôlement mal à l'aise.
Vous n'êtes pas un ministre du culte, vous êtes un agent public. Vos opinions personnelles n'ont aucune importance pour la fonction pour laquelle vous avez été élu. Vous avez l'entière liberté d'expression et de religion. Quand on est un agent public, comme l'ensemble des agents publics dans n'importe quelle circonstance, on doit appliquer la loi pour laquelle on est mandataire. Je n'ai pas compris les arguments qui vous vaudraient une dérogation. Vous pouvez penser ce que vous voulez, dire ce que vous voulez, mais si vous êtes un agent public, ayez l'honnêteté de vous présenter comme tel à nous.
Cela fait une sacrée différence, monsieur le président, de ne pas faire cette nuance. S'entend-on à ce sujet? Sur le plan de l'honnêteté intellectuelle, il y a eu une petite déviation dans votre discours.
½ (1930)
[Traduction]
M. Bruce Goertzen: Je pense que j'étais honnête, monsieur. Je me suis présenté comme Bruce Goertzen, un commissaire de mariage dans et pour la province de la Saskatchewan. Pour moi, c'est très honnête.
Puis-je parler de mes convictions personnelles, puisque vous y avez fait allusion?
M. Réal Ménard: Non, je ne veux pas poser une question sur vos convictions personnelles à ce sujet.
M. Bruce Goertzen: Je ne parle pas de mes convictions, monsieur, je parle de vos convictions.
Êtes-vous par exemple en faveur de la peine capitale, monsieur? Ce que j'essaie de dire, monsieur...
[Français]
M. Réal Ménard: Laissez-moi poser une question à Mme Cohen et je vous reviendrai. On pourra échanger ensuite sur ce que je pense de la peine capitale. Je comprends mieux votre statut et je vous remercie de me l'avoir précisé.
Madame Cohen, vous avez effectué un certain nombre de recherches. On n'est pas dans un système de droit, contrairement à l'Allemagne ou à d'autres pays. Les conventions internationales ne touchent pas le droit de notre régime interne, sauf par traité de ratification. Selon votre connaissance des textes produits par les Nations Unies, contrairement à ce qui disent certains académiciens, avez-vous déjà vu dans la Convention internationale relative aux droits de l'enfant une référence autre qu'à la famille? Si on demandait à notre agent de recherche de déposer cette convention dont le Canada est signataire, y verrait-on les mots « homosexuel » ou « hétérosexuel »? Avez-vous la conviction qu'on s'en tiendrait au mot « famille » sans autre définition? C'est absolument farfelu, grotesque de penser que le Canada ne respecte pas ses obligations internationales parce qu'il veut redéfinir la famille. Avez-vous de l'information à ce sujet?
[Traduction]
Mme Joanne Cohen: Oui, et je vous remercie pour votre question. Je ne suis pas experte dans les politiques et procédures des Nations Unies, mais étant donné que j'ai fait de la recherche en études légales à la Fondation de recherche sur la toxicomanie de l' Ontario, je suis au courant du rôle du Canada à titre de partie signataire aux conventions des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, à la politique internationale en matière de drogue, etc., ainsi qu'à la politique sociale.
D'après moi... et je pense que ce serait sujet à réinterprétation aux Nations Unies, puisqu'on est en train d'adopter un nombre croissant de lois permettant le mariage entre conjoints de même sexe, aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne, au Royaume-Uni—bref, dans l'Union européenne. À Israël, des procédures judiciaires sont en cours. Par conséquent, le passage cité par la professeure, à savoir qu'un enfant a le droit de connaître ses parents, ou les déclarations sur les droits des enfants ou des familles... On pratique par exemple l'adoption au Canada et on pratique également la fécondation in vitro, ou on accepte d'autres types de cellules familiales, mais nous avons certaines limites. Les règlements des Nations Unies respectent également l'autonomie relative des pays et leurs différences culturelles, comme l'a signalé la professeure.
Je voudrais également apporter des corrections en ce qui concerne certains de ses commentaires, à savoir que ce n'est que depuis notre époque que nous entendons parler de familles formées par des conjoints de même sexe. En effet, la culture autochtone, qui fait partie intégrante de la culture canadienne, respecte depuis longtemps les personnes à deux esprits et leur famille. Par ailleurs, le droit romain, qui est le fondement de la jurisprudence occidentale, contient également des références à ce sujet.
Par conséquent, je ne pense pas que les droits du Canada soient abrogés en vertu des règles des Nations Unies.
[Français]
M. Réal Ménard: D'accord. Madame Young, je vous pose une question rapide.
Je connais votre sens de la synthèse, qui a fait votre réputation à l'Université McGill, entre autres. Je vous demande de nous lire la disposition de la convention internationale. Je ne vous demande pas de nous faire part de votre interprétation ou du résultat de vos travaux. Je sais que vous êtes une universitaire réputée.
Sur le strict plan de la rigueur, j'aimerais que vous portiez à l'attention du comité la disposition précise de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, dont le Canada est partie signataire, qui contient des termes homosexistes ou hétérosexistes. Pour notre culture juridique, lisez-nous, s'il vous plaît, la disposition de la convention internationale, sans nous faire part de votre interprétation. Vous devez l'avoir devant vous, car vous l'avez citée. Vous dites au comité que le Canada s'apprête à enfreindre la Convention internationale relative aux droits de l'enfant parce qu'il s'apprête à reconnaître les mariages homosexuels. Vous pouvez être contre les mariages homosexuels: c'est votre liberté d'universitaire. Lisez-moi précisément, de manière littérale et non interprétative, ce qui vous permet, dans la convention, d'appuyer cela.
½ (1935)
[Traduction]
Mme Katherine Young: Je vous ai lu textuellement le passage pertinent de la convention et, par conséquent, je ne vois pas pourquoi je devrais recommencer.
[Français]
M. Réal Ménard: Parce que je vous le demande.
[Traduction]
Mme Katherine Young: C'est parce que vous posez la question. Nous pouvons effectivement prendre notre temps, mais je ne sais pas pourquoi nous le ferions deux fois.
L'article 7 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant stipule que l'enfant a « le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux ».
L'article 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dit ceci : « Le droit de se marier et de fonder une famille à partir de l'âge nubile » devrait « être reconnu ».
[Français]
M. Réal Ménard: Je termine sur cela, monsieur le président.
Est-ce que vous convenez que, sur le strict plan de la logique, il y a un gouffre entre l'interprétation que le témoin en donne, avec le respect que je lui dois, et la compréhension littérale qu'on peut en avoir?
Je remercie le témoin de l'avoir lue. J'accepte ses extrapolations comme étant une opinion personnelle, mais vous comprendrez que, sur le plan juridique, cela n'a aucune rigueur.
[Traduction]
Le président: Madame Young, brièvement.
Mme Katherine Young: J'ai beaucoup de réticence à répondre à cette question parce que cette interprétation a été contestée en Nouvelle-Zélande et a été examinée à divers niveaux des Nations Unies, et qu'elle a été maintenue. Il ne s'agit pas du tout d'une interprétation personnelle.
Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Ménard.
[Traduction]
Nous passons maintenant la parole au NPD. Monsieur Siksay, pour sept minutes.
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie tous les témoins pour leur participation.
Madame Cohen, je me demande si vous pourriez dire si vous et les rabbins que vous représentez ont confiance dans l'alinéa 2a) et le paragraphe 15(1) de la Charte. Pensez-vous que ces dispositions soient efficaces? Avez-vous des préoccupations au sujet de ces dispositions de la Charte?
Mme Joanne Cohen: Nous espérons que la Charte sera appliquée par nos représentants parlementaires, car elle s'appuie sur la Constitution de notre pays. Nous avons une grande confiance, comme le ministre de la Justice, dans les dispositions actuelles de l'alinéa 2a). Nous l'avons démontré dans les mémoires que nous avons présentés devant la Cour suprême. Nous pensons que la protection de la liberté religieuse conférée par la Charte est suffisante pour protéger les groupes religieux ou les ecclésiastiques qui s'opposent au mariage entre conjoints de même sexe.
Je vous signale, monsieur, que les revendications des groupes religieux opposés au mariage entre conjoints de même sexe sont des manoeuvres de diversion et des arguments alarmistes. Nous avons écouté à la Cour suprême des exposés très élaborés de la Commission canadienne des droits de la personne et de commissions de droits de la personne provinciales qui ont déclaré de façon très explicite que si un couple gai voulait intenter des poursuites contre une église qui refuse de les marier, on ne trouverait pas de dispositions permettant de le faire dans les codes provinciaux sur les droits de la personne, qui protègent également la liberté de religion et interdisent la discrimination fondée sur la religion.
Ces affirmations que nos mariages empiètent en quelque sorte sur les leurs ou qu'il s'agit d'une attaque à peine voilée contre la liberté de religion au Canada, ne tiennent absolument pas debout, à notre avis. C'était l'opinion de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, de la Cour d'appel de l'Ontario, du Comité de la justice, à la suite des audiences qu'il a tenues en 2003, et de la Cour suprême que ces revendications sont spéculatives et qu'elles sont totalement dénuées de mérite intellectuel. Je vous signale que, au cours de ces processus d'étude en comité et de ces procédures judiciaires, quantité de données sociologiques et psychologiques, y compris des témoignages de sociologues de la famille qui avaient déjà fait des études empiriques sur des parents de même sexe et leurs enfants, ont indiqué que cela n'avait pas d'incidences négatives pour les enfants ni pour la société.
Nous avons une grande confiance dans l'article 15 et l'article 2 de la Charte et, par conséquent, il est inutile de débattre et d'examiner davantage ce projet de loi en comité dans le but de protéger adéquatement les libertés religieuses des groupes qui s'y opposent. Ils sont déjà bien protégés par la Charte et par les codes provinciaux sur les droits de la personne.
Je signale que tout ce que demandent les commissaires de mariage et les juges de paix, à l'instar des médecins qui ne veulent pas pratiquer des avortements... c'est que les règlements des diverses provinces concernant le mariage leur permettent d'être libres de refuser et si les commissaires de mariage ne veulent pas célébrer des mariages entre personnes de même sexe, de conseiller aux couples demandant ce type de services d'aller trouver un autre commissaire qui acceptera de le faire. Personne ne sera désavantagé pour autant qu'un autre exécutant soit recommandé. Le commissaire de mariage ou le médecin est libre de refuser des pratiques qui vont à l'encontre de ses convictions religieuses et les couples de conjoints de même sexe ou les femmes qui veulent se faire avorter, ou que ce soit pour toute autre raison, auront accès à des services publics.
C'est très simple. En fait, il n'est pas nécessaire de tenir des discussions interminables sur cette question.
Je vous remercie.
½ (1940)
M. Bill Siksay: J'ai été heureux d'entendre M. Goertzen dire qu'il avait pour habitude de recommander un autre exécutant dans ce type de circonstances.
Est-ce que certains des rabbins que vous représentez ont déjà été forcés, par ordre de la cour, de fournir des services religieux que, sans cela, ils auraient refusé de fournir à quelqu'un?
Mme Joanne Cohen: Absolument pas. Comme nous l'avons mentionné dans nos mémoires, certaines résolutions de la Central Conference of American Rabbis, qui représente environ un million et demi de Juifs en Amérique du Nord, indiquent de façon explicite que les rabbins et leurs congrégations sont libres de délibérer comme ils l'entendent sur ces questions. Ils sont à l'abri de toute coercition ou de toutes représailles professionnelles s'ils décident qu'ils ne veulent pas pratiquer des mariages gais. Les rabbins, comme les ecclésiastiques d'autres groupes confessionnels, ont une certaine autonomie dans la pratique de leur foi.
Il en est de même en ce qui concerne l'Église unie et les congrégations unitariennes. Certaines congrégations ont décidé d'accepter de célébrer des mariages gais parce que c'est leur politique, parce que leur pasteur ou leur rabbin l'accepte, alors que d'autres refusent.
Une autre attitude n'aurait aucun fondement. En tant que membre de la communauté juive, je connais bien la diversité des opinions sur cette question, opinions que nous avons d'ailleurs exposées dans nos mémoires. Je sais également que les libertés religieuses accordées aux rabbins orthodoxes ou aux rabbins conservateurs... dans les congrégations où il y a des femmes rabbins, dans les mouvements conservateurs par exemple, on refuse de pratiquer des mariages gais. Chez les rabbins orthodoxes, il n'y a pas de femmes et on ne pratique pas les mariages gais. Il serait totalement injustifié de les contraindre à accepter de le faire. Si un couple tentait de leur forcer la main, il n'y parviendrait pas.
En fait, ceci était également le mémoire des avocats représentant la Association for Marriage and the Family et des avocats représentant la Interfaith Coalition on Marriage and Family, groupes qui sont opposés au mariage entre personnes de même sexe. Au cours de leur réunion avec Defend Marriage en décembre 2003, à Toronto, au Canada Christian College, ils ont signalé—car ce sont des avocats et qu'ils doivent connaître la loi—que si les congrégations évangéliques chrétiennes opposées au mariage gai avaient défini les politiques en place et avaient défini les énoncés théologiques, personne ne pourrait les poursuivre pour les contraindre à pratiquer ce type de mariage. Il leur suffit de se référer à cette politique ou à cet énoncé, si elles sont de bonne foi, et elles seront ainsi protégées.
Nous sommes partisans d'une interprétation littérale et fondamentaliste de la Bible que les Juifs ont abandonnée il y a 2 000 ans? Très bien. Nous sommes opposés au mariage gai? Très bien. Personne ne forcera qui que ce soit de quelque façon que ce soit.
M. Bill Siksay: Nous avons entendu dire ce soir et à d'autres occasions que, compte tenu de l'orientation que prend le droit canadien, l'égalité l'emporte toujours sur la liberté religieuse. Est-ce votre expérience du droit jurisprudentiel en ce qui concerne les causes portant sur l'égalité ou sur la liberté religieuse?
Mme Joanne Cohen: Non. Nous sommes une très petite minorité dans la société canadienne. Les Juifs représentent environ 1,5 p. 100 de la population canadienne. Par conséquent, nous connaissons très bien les conséquences de la tyrannie de la majorité. Nous sommes une population minoritaire qui a été désavantagée tout au long de l'histoire. Nous continuons de souffrir des crimes motivés par la haine et de l'antisémitisme dans les attentats à la bombe dirigés contre des écoles hébraïques à Montréal, par exemple.
Nous avons toutefois assumé un rôle de chef de file dans la défense de la justice dans cette cause. Nous connaissons très bien les souffrances partagées tout au long de l'histoire par les Juifs, les homosexuels, les gens de couleur et d'autres minorités défavorisées. Le judaïsme libéral a pour principe théologique de tenter d'améliorer la condition de ces minorités et, à l'instar de la Cour suprême dans des affaires comme l'affaire Gosselin c. Québec, de reconnaître explicitement la valeur des solutions susceptibles d'améliorer la condition des groupes traditionnellement défavorisés.
Par conséquent, il y a possibilité dans le contexte de cette loi et d'autres lois de redresser les vieilles erreurs—en l'occurrence, 3 200 années de souffrance—et d'atteindre un certain équilibre. Cela permettrait aux groupes religieux d'être égaux dans leur liberté d'approuver ou de rejeter les mariages entre conjoints de même sexe, et de réaffirmer l'égalité des gais et des lesbiennes du Canada.
Je vous remercie.
M. Bill Siksay: Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci.
Nous donnons maintenant la parole à des représentants du Parti libéral.
Maître Boivin.
[Français]
Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à vous, monsieur Goertzen, parce que je veux être claire et parce que l'un des arguments contre l'adoption de ce projet de loi C-38 qui sont revenus le plus souvent touche les risques pour des gens qui occupent des fonctions comme la vôtre, c'est-à-dire commissaire au mariage.
Je veux être bien certaine. Êtes-vous allé devant le Tribunal des droits de la personne de la Saskatchewan?
½ (1945)
[Traduction]
M. Bruce Goertzen: Oui. Comme je l'ai mentionné dans mon mémoire, je l'ai fait, mais pour le moment...
Mme Françoise Boivin: Je m'excuse, mais je n'ai pas votre mémoire.
M. Bruce Goertzen: Je m'excuse, il est dans les limbes. J'ai dit que j'opterais pour la médiation. Le gouvernement de la Saskatchewan n'a pas répondu à la Saskatchewan Human Rights...
Mme Françoise Boivin: Je voudrais comprendre un peu mieux votre recours.
[Français]
Dois-je comprendre que la Saskatchewan vous a forcé à célébrer des mariages entre conjoints de même sexe? Comment cela s'est-il passé? Que disait exactement la lettre que vous avez reçue?
[Traduction]
M. Bruce Goertzen: La lettre est arrivée le 1er novembre. En novembre, les cours de la Saskatchewan étaient en train de décider si elles accepteraient les mariages de conjoints de même sexe. L'action en justice ne s'est terminée que vers le 15 novembre.
Mme Françoise Boivin: Dites-moi simplement ce qui est écrit dans la lettre.
M. Bruce Goertzen: Il y est écrit, et je cite « [...] vous serez obligé de célébrer des mariages entre personnes de même sexe en Saskatchewan ».
Mme Françoise Boivin: Y est-il écrit que vous seriez licencié si vous refusiez?
M. Bruce Goertzen: Je n'ai pas écrit personnellement au ministre de la Justice, mais l'autre commissaire de mariage qui a fait appel devant la Commission des droits de la personne, a chargé un avocat d'envoyer une lettre au ministre de la Justice. Celui-ci a répondu qu'il s'agissait de titulaires d'une charge créée par une loi et qu'ils devaient suivre les ordres qu'on leur donnait ou qu'ils seraient démis de leurs fonctions.
Mme Françoise Boivin: Vous avez dit qu'un couple vous avait approché et vous avait demandé si vous pratiquiez ce type de mariages.
M. Bruce Goertzen: Le 18 janvier, c'est-à-dire le jour où j'ai envoyé ma demande au département des droits de la personne, j'ai été approché par une dame qui voulait ce type de mariage. Dans ce cas-là, je devais de toute façon être à Saskatoon, à l'hôpital universitaire, à l'heure où elle voulait que le mariage se déroule. Par conséquent, je n'aurais de toute façon pas pu le faire. Je lui ai recommandé une autre personne.
Il y a quelques jours, j'ai été approché par une autre personne. J'ai tenté de lui recommander un commissaire de mariage qui n'avait aucune réticence à pratiquer des mariages entre conjoints de même sexe, mais ce commissaire de Prince Albert est en congé et ne pouvait pas pratiquer de mariages au cours du mois de juin, parce que son père a des problèmes de santé. J'ai donc dû dire à cette personne que je ne célébrais pas de mariage entre conjoints de même sexe.
Mme Françoise Boivin: Quelle a été sa réaction? Vous a-t-elle intenté des poursuites?
M. Bruce Goertzen: Pas jusqu'à présent.
Mme Françoise Boivin: Pas encore?
M. Bruce Goertzen: Non, mais ce sera le cas tôt ou tard. C'est pourquoi je me suis adressé à la commission des droits de la personne. Je ne tiens pas à ce que l'on intente des poursuites contre moi. Je voudrais avoir la possibilité de dire que je ne suis pas disponible.
Mme Françoise Boivin: Pour l'instant, c'est l'avocate qui parle. Vous n'avez pas été licencié. C'est un recours que vous avez pris pour vous assurer que vous aviez le droit de refuser. Est-ce bien cela?
M. Bruce Goertzen: C'est exact.
Mme Françoise Boivin: Bien. Je vous remercie.
[Français]
Madame Young, j'ai tenté de comprendre votre demande d'études sur l'effet de ce projet de loi sur les enfants. J'essaie d'être le plus ouverte d'esprit possible. Vous demandez que l'on suspende son adoption pour 50 ans? Je veux être certaine d'avoir bien compris vos affirmations et que ce n'est pas la fatigue qui me fait délirer. Vous nous demandez d'attendre 50 ans avant d'adopter cette loi pour qu'on puisse faire des études?
Mme Katherine Young: Non.
Mme Françoise Boivin: Ce n'est pas ce que vous avez dit? Je m'en excuse.
[Traduction]
Mme Katherine Young: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que si le projet de loi était adopté, il faudrait faire des études tous les cinq ans pour vérifier comment cela se déroule.
½ (1950)
Mme Françoise Boivin: Il est donc possible d'adopter la loi et, après cela, vous pourrez...
Mme Katherine Young: C'est exact. Vous l'étudierez. Il est nécessaire d'établir des statistiques. Il est essentiel d'adopter une méthode efficace. Il est impératif de s'adresser à des chercheurs universitaires et d'avoir les fonds nécessaires pour faire ces études. Le but est de s'assurer que cette situation n'a pas de conséquences néfastes pour les enfants. Je demande que l'on fasse des études pendant 50 ans.
Mme Françoise Boivin: A-t-on fait des études après les lois sur le divorce et sur l'adoption, pour vérifier toutes les conséquences sur la société?
Mme Katherine Young: Oui. En fait, les études qui ont été faites sur le divorce sont très intéressantes à cet égard. Au cours des premières années qui ont suivi la libéralisation de la législation en matière de divorce, les changements n'ont pas eu beaucoup d'incidence sur les enfants. Cependant, 15 ou 20 ans plus tard, les psychologues reconnaissent que ces changements ont eu des incidences majeures. C'est un fait connu dans les études sur le divorce.
L'argument en l'occurrence est qu'il est essentiel que les études s'étalent sur plusieurs générations. Lorsque j'ai entendu dire tout à l'heure qu'il ne s'était rien passé en deux ans, je n'ai pas été étonnée. Il ne se passera probablement rien non plus d'ici deux ans. Il est vraiment essentiel de faire des études systématiques.
D'après les résultats de ma recherche empirique, je n'aime pas ce projet de loi et je ne l'appuie pas. Cependant, si vous voulez l'adopter, vous avez une responsabilité morale car, en tant que gouvernement, vous devez protéger le groupe le plus vulnérable de la société.
Mme Françoise Boivin: Madame Young, quelle est votre réponse aux personnes qui disent
[Français]
c'est déjà la loi? C'est déjà la loi dans sept provinces et territoires. Cela se fait régulièrement au moment où l'on se parle. Les effets existent déjà. Le gouvernement fédéral a l'obligation de se conformer à la loi et au Canada, c'est la Charte des droits et libertés. It's the law of the land. Comment justifier alors qu'on n'emboîte pas le pas?
[Traduction]
Mme Katherine Young: Je réponds d'abord que la Charte contient le paragraphe 15(1) et l'article 1 et que l'on peut avoir un recours à ce dernier article si l'on a des motifs urgents et importants de protéger un autre groupe. Il est possible qu'il y ait des conflits entre les groupes et on peut alors avoir recours à l'article 1.
Mme Françoise Boivin: La Cour suprême du Canada a décidé que non, que ce n'était pas possible, et que ce ne serait pas justifié...
Mme Katherine Young: Ce n'était pas la Cour suprême du Canada. Ces affaires n'ont jamais été portées devant la Cour suprême. D'accord? Il s'agissait de la Cour d'appel.
Mme Françoise Boivin: Je ne le contesterai pas.
Mme Katherine Young: L'affaire n'a pas été portée devant la Cour suprême. Je pense que nous le savons tous.
[Français]
Mme Françoise Boivin: Le renvoi du mois de décembre est allé directement à la Cour suprême, que je sache.
[Traduction]
Mme Katherine Young: Elle a été portée devant la Cour suprême de l'Ontario, je pense, mais pas devant la Cour suprême du Canada.
Mme Françoise Boivin: Bien.
Mme Katherine Young: Donc, dans ce contexte, il est important de tenter de protéger les enfants et il est essentiel à cette fin de faire faire des études par des chercheurs universitaires. Or, si un nouveau régime du mariage engendre des problèmes, il est alors possible que la société doive le modifier. Si nous modifions maintenant la législation du mariage, nous devrons peut-être la modifier à nouveau si des problèmes se posent.
Je vous le dis, même si cette situation n'a pas un impact ici, il est désormais consigné au compte rendu qu'il est essentiel de faire ce type d'études car je sais que Statistique Canada ne compile généralement pas de statistiques sur les questions controversées au Canada. C'est une décision politique.
Si l'on ne fait pas ces études, ne risquons-nous pas de négliger les enfants, qui représentent le groupe le plus vulnérable de la société? Si nous ne prenons pas cette responsabilité morale, qui relève de l'éthique pratique... Il est essentiel de faire une évaluation des risques et de faire un suivi sur un groupe qui est particulièrement touché. Par conséquent, j'estime que nous avons une obligation morale d'apporter à ce projet de loi des amendements qui tiennent compte de mes recommandations.
Mme Françoise Boivin: Je vous remercie.
[Français]
Le président: Ça va?
Mme Françoise Boivin: Oui.
[Traduction]
Le président: Merci.
Nous arrivons maintenant à notre deuxième tour de questions. Ce tour-ci et les suivants seront d'une durée de cinq minutes.
Je donne la parole au Parti conservateur et à M. Jean.
M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC): Je vous remercie.
Madame Cohen, quand avez-vous remis votre mémoire au comité?
Mme Joanne Cohen: Nous l'avons envoyé par la voie électronique pour qu'il soit traduit dès que nous avons été contactés par le greffier du comité.
M. Brian Jean: Cela fait combien de temps?
Mme Joanne Cohen: Cela fait une semaine au moins.
M. Brian Jean: Et vous ne l'avez pas envoyé en français et en anglais, n'est-ce pas?
Mme Joanne Cohen: Non. Notre mémoire a été traduit par les traducteurs de la Cour suprême. Le greffier nous a assurés qu'il serait traduit ici et qu'il vous serait remis à temps pour les délibérations de ce soir.
M. Brian Jean: Vous ne vous souvenez pas exactement de la date à laquelle vous l'avez envoyé, mais c'est il y a environ une semaine. Est-ce bien cela?
Mme Joanne Cohen: Je dirais environ une semaine. Vous devriez avoir le mémoire en main, monsieur.
M. Brian Jean: Je l'ai. C'est le seul mémoire que j'ai reçu et je l'ai reçu aujourd'hui, pendant la séance.
Mme Joanne Cohen: Je m'excuse.
M. Brian Jean: Je comprends.
Le président: Excusez-moi, mais je voudrais faire un commentaire.
Le mémoire de Mme Young a été envoyé à la traduction le 2 juin. On a dit que la traduction nous serait livrée pour le 7 juin à 13 heures, parce que nous savions que Mme Young serait ici aujourd'hui et que nous voulions que les membres du comité aient le document en anglais et en français. Nous avons malheureusement reçu confirmation des services de traduction que nous ne recevrions pas la traduction pour le 7 juin, mais pour le 9 juin à 17 heures. Je signale qu'il s'agit d'un mémoire de 8 601 mots.
Par conséquent, nous n'avons aucun contrôle sur la traduction. Nous présentons nos excuses aux témoins et aux membres, mais nous n'y pouvons rien.
½ (1955)
M. Brian Jean: Je comprends, monsieur.
Monsieur, pourriez-vous préciser, puisque nous sommes en train d'en discuter, quand le mémoire de Mme Cohen a été reçu par les services de traduction? Serait-il possible de donner cette information au comité?
Le président: Oui, nous pourrions le vérifier et vous le faire savoir à la prochaine séance.
M. Brian Jean: Merci beaucoup, monsieur.
Le président: Je vous remercie.
M. Brian Jean: J'espère que vous ne retrancherez pas tout ce temps-là de mon intervention.
Le président: Non, monsieur.
M. Brian Jean: Je vous remercie.
Le président: Je ne songerais pas à vous faire une chose pareille, monsieur.
M. Brian Jean: J'ai malheureusement 11 années de pratique dans les actions en justice et les contre-interrogatoires de témoins et, par conséquent, je suis parfois un peu plus inquiet que je ne le devrais. Je m'excuse d'avance si je me montre inquiet.
Ma première question porte sur la page 4 de votre mémoire, où vous écrivez, au paragraphe 8, que le groupe des rabbins libéraux estime que les fonctionnaires religieux ont entière liberté de conscience, etc., de refuser de célébrer un mariage.
Et les employés de l'État, comme M. Goertzen, qui ont des convictions religieuses et qui ne veulent pas accomplir de mariages? Les protégeriez-vous également? J'ai en effet remarqué que ce n'était pas mentionné dans votre mémoire.
Mme Joanne Cohen: Il s'agit d'un exemplaire du mémoire qui a été présenté à la Cour suprême pour le renvoi. Nous avions principalement axé nos efforts sur la préparation de réponses aux questions prévues dans le renvoi.
Nous prônons la protection de la liberté religieuse au Canada. Je pense que la situation pourrait être aisément corrigée et réglée en permettant aux commissaires de mariage et aux juges de paix de refuser pour des motifs religieux d'accomplir des mariages entre personnes de même sexe tout en conservant leur emploi, pour autant que l'on ait prévu un mécanisme de recommandation d'un autre exécutant aux couples de conjoints de même sexe. Ce serait une situation analogue à celle de l'avortement, que j'ai mentionnée.
M. Brian Jean: Combien de rabbins sont membres de votre groupe?
Mme Joanne Cohen: Nous avons commencé avec 25. Un d'entre eux a accepté une chaire aux États-Unis. Nous sommes donc actuellement 24.
M. Brian Jean: Par conséquent, vous représentez 24 rabbins. Est-ce bien cela?
Mme Joanne Cohen: C'est cela. Cela représente la grosse majorité des rabbins libéraux du Canada. Nous formons une petite communauté au Canada.
M. Brian Jean: Avez-vous une formation? Êtes-vous avocate?
Mme Joanne Cohen: Non, je suis sociologue spécialisée en droit.
M. Brian Jean: Avez-vous une formation dans les questions de droit international, par exemple?
Mme Joanne Cohen: Non. Je ne suis pas experte en droit international.
M. Brian Jean: Par conséquent, vos commentaires en ce qui concerne les conventions des Nations Unies et autres commentaires analogues n'étaient que des opinions. Ils ne s'appuyaient pas sur une formation juridique quelconque. Est-ce bien cela?
Mme Joanne Cohen: Comme je l'ai mentionné, monsieur, et je n'ai laissé planer aucun doute à ce sujet, je ne suis pas experte en droit international. Je fais de la recherche en droit et j'ai fait des études sur des sujets comme la politique en matière de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie en droit et les politiques des Nations Unies et autres politiques analogues concernant les droits des enfants. Mon interprétation de ce passage de la convention fait référence au terme « parents ». Comme sociologue, j'estime qu'au Canada, les parents et les familles, même dans la communauté juive, se présentent sous des aspects très variés. Le fait que la résolution de l'ONU fasse référence à des hommes et des femmes d'en âge nubile n'en fait pas une définition restrictive. C'est une définition qui reflète la sociologie ou la réalité de la plupart des mariages, mais elle ne peut pas nécessairement être modifiée ultérieurement.
M. Brian Jean: Vous comprenez toutefois qu'il est essentiel qu'elle soit interprétée par les cours. La Cour internationale de justice par exemple l'a interprétée. D'autres organismes des Nations Unies l'ont déjà interprétée comme une union entre un homme et une femme. En fait, certains pays ont déjà signalé qu'ils n'autoriseraient pas les mariages entre conjoints de même sexe. Avez-vous fait des études ou avez-vous des renseignements concernant d'autres pays qui ont adopté des dispositions législatives en la matière?
Mme Joanne Cohen: Je suis au courant du fait que les mariages entre conjoints de même sexe sont pratiqués aux Pays-Bas et en Belgique. J'ai entendu des conférences faites par des chercheurs spécialisés en droit international comme le professeur Rob Wintemute du King's College de Londres, qui est un expert en législation concernant les droits des personnes de même sexe dans l'Union européenne et au Royaume-Uni. Nous savons que des changements sont en cours dans ces pays-là.
En ma qualité d'experte en études juives et étant donné que je fais un suivi des articles portant sur cette question dans la presse, je sais que des groupes israéliens et des groupes de défense des droits des gais en Israël sont en train d'organiser un recours devant les tribunaux. Je ne peux toutefois pas dire que c'est mon domaine de compétence. Je vous demande d'être indulgents. Il y a trois ans que je travaille sur cette affaire.
Je vous remercie.
¾ (2000)
M. Brian Jean: Merci.
Madame Young, j'ai des préoccupations semblables en ce qui concerne la question des pensionnats, une situation analogue à celle-ci. Je pense que les données empiriques donnent raison aux deux parties dans cette affaire. J'aimerais entendre d'autres données empiriques sur la question à l'étude.
Mme Katherine Young: C'est une comparaison que j'utilise ici. Lorsque l'État retire un groupe d'enfants à leurs parents biologiques et institue pour eux un nouveau mode de vie, c'est de l'ingénierie sociale.
M. Brian Jean: Je suis un père chef de famille monoparentale et j'élève mes enfants à temps partiel. C'est relativement courant dans notre société. Quels sont toutefois les données empiriques que vous avez en ce qui concerne les couples de conjoints de même sexe?
Mme Katherine Young: Il y en a beaucoup. Premièrement, on entend souvent dire que certaines données empiriques indiquent que cette situation n'aurait pas de conséquences néfastes. Ces études sont toutefois très contestées. Elles comparent souvent des couples lesbiens à des mères seules. Elles ne comparent pas des couples lesbiens à des parents des deux sexes dans une relation matrimoniale stable. On ne peut pas comparer des pommes et des oranges.
M. Brian Jean: Parlez-vous de l'examen fait en 1993 par Philip Belcastro des études s'appuyant sur des banques de données portant sur les incidences qu'a le fait d'être élevé par des parents homosexuels sur les fonctions sexuelles et sociales des enfants?
Mme Katherine Young: C'est une des études. Ces études sont très critiquées.
Si vous voulez des références, donnez-moi quelques minutes, parce que je ne peux pas les citer de mémoire.
Voulez-vous des références?
M. Brian Jean: Oui.
Mme Katherine Young: Bien, allons-y.
L'ouvrage de Creighton intitulé « An Epidemiological Study [...] » renferme deux types de données, notamment des données concernant le mariage entre conjoints de même sexe. Les seules données intéressantes sont celles qui sont basées sur des études sérieuses. Par conséquent, lorsqu'on examine les divers types de familles, on constate que, d'après les statistiques, lorsqu'il s'agit des parents biologiques et qu'ils sont mariés, cela présente des avantages pour les enfants. Deux types de statistiques en découlent. Les soins sont meilleurs et les enfants sont mieux protégés.
Les chercheurs qui examinent ce type d'études sont des biologistes, des sociologues, des personnes qui étudient la famille. On peut examiner des études sur la violence et la négligence à l'égard des enfants dans des revues comme Ethology and Sociobiology, Current Directions in Psychological Science et Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine, et dans d'autres études sur les conflits liés au pouvoir des sexes. Vous pouvez examiner des études sur la violence et la négligence à l'égard des enfants dans le Journal of Family Psychology. Vous pouvez également consulter l'ouvrage intitulé Divided Families: What Happens to Children When Parents Part.
M. Brian Jean: Voulez-vous dire que toutes ces études produisent des données empiriques et tirent des conclusions fondées sur des données empiriques qui semblent indiquer qu'il n'est pas dans le meilleur intérêt des enfants d'être élevés par des couples de conjoints de même sexe? Est-ce là votre message?
Mme Katherine Young: Je dis que les données indiquent qu'il est préférable pour les enfants d'être élevés par des parents biologiques de sexes opposés. Lorsqu'il s'agit de familles monoparentales dont le chef est la mère ou le père, toutes ces perspectives à long terme en ce qui concerne les enfants... Certains cas individuels peuvent être excellents. Nous faisons toujours allusion aux normes statistiques par opposition aux cas individuels. Les statistiques indiquent toutefois cette tendance.
Nous n'avons pas à notre disposition des données analogues en ce qui concerne le mariage entre conjoints de même sexe et, par conséquent, le moins que l'on puisse dire, c'est que les données sont absentes dans ce domaine. C'est pour ça que j'ai mentionné les études longitudinales.
M. Brian Jean: Êtes-vous au courant d'études qui ont été faites en Belgique ou aux Pays-Bas?
Mme Katherine Young: Non, parce que ce type de mariage est légalisé dans ces pays-là depuis deux ans environ. Il est essentiel de faire des études longitudinales, comme en ce qui concerne le divorce, pour obtenir ce type de données. C'est pourquoi je recommande de faire la collecte de données et de faire une analyse périodique.
Le président: Je vous remercie.
Nous donnons à nouveau la parole au Parti libéral.
Monsieur Powers.
M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Je voudrais poser une question qui pourrait m'amener à en poser quelques autres.
Madame Cohen, je voudrais m'assurer que j'ai bien compris ce que vous avez dit. J'utiliserai les termes « transférabilité du statut matrimonial ». Pourriez-vous revenir à cette question? J'espère que je n'ai pas entendu les commentaires que vous avez faits à ce sujet.
¾ (2005)
Mme Joanne Cohen: Je comprends, et je me baserai sur les mémoires que nous avons présentés aux audiences du Comité de la justice en 2003. Une des questions que ce comité examinait était une option d'union civile au lieu du mariage entre personnes de même sexe.
Nous avons argué—comme l'ont fait des experts en matière législative des commissions des droits de la personne, l'Association du barreau canadien et d'autres groupes—que le droit de la famille accordait à ce type de mariage une reconnaissance que ne lui accorde pas la common law. Nous avons également signalé à cette occasion que des provinces comme la Nouvelle-Écosse offrent une option d'union civile aux couples de conjoints de même sexe mais que si ces couples déménageaient en Alberta ou dans une autre province qui n'offre pas d'options analogues, leur statut familial ne serait plus reconnu.
La meilleure méthode pour s'assurer, à l'échelon fédéral—car c'est au gouvernement fédéral que revient la responsabilité, en vertu de la Constitution, d'établir la définition du mariage—, qu'un couple marié à Toronto qui déménage ensuite à Calgary continue d'être considéré et d'être traité comme un couple marié consiste à accorder cet avantage aux couples de même sexe, à l'échelle nationale. C'est la méthode la moins coûteuse, la plus facile et la plus reconnue sur le plan légal pour assurer un accès équitable aux pleins avantages et aux responsabilités que confère la loi aux couples de conjoints de même sexe à travers le pays.
M. Russ Powers: J'ai entendu les commentaires que vous avez faits initialement et ils ont suscité quelques inquiétudes. À supposer que mon mariage qui a été célébré il y a 36 ans ait été légitimé par la loi du pays d'Europe où j'étais et que j'aie décidé de déménager au Canada, dans quelque province ou territoire que ce soit, je m'attendrais à ce que cette relation, pour... Dans la même situation qu'une relation entre conjoints de même sexe, comme le mariage, je m'attendrais à ce que...
À mon avis, et cela justifie peut-être davantage la nécessité d'un certain nivellement ou de l'établissement de... certaines personnes n'appelleraient pas cela des normes, mais essentiellement un besoin... est ce que je considère comme de la discrimination à rebours. En d'autres termes, c'est accepté en Ontario ou dans les sept autres provinces et territoires qui reconnaissent ce type de relation mais pas dans les autres provinces et territoires du Canada. Par conséquent, c'est une situation hypocrite en droit.
Mme Joanne Cohen: J'aimerais faire quelques brefs commentaires. En me basant sur ma connaissance de la jurisprudence en la matière, je dirais que nous sommes conscients du fait que les couples de conjoints de même sexe intentent actuellement des poursuites en justice dans des endroits comme le Nouveau-Brunswick et les Territoires du Nord-Ouest. Ils n'attendent même pas la fin des délibérations de votre comité parce qu'ils savent que le mariage entre conjoints de même sexe est un dossier politique impopulaire et que, compte tenu de la jurisprudence déjà établie, les cours peuvent leur venir en aide, avant que le présent gouvernement ne puisse le faire, dépendant de sa longévité.
Par conséquent, c'est pour nous, les membres de notre congrégation et leur famille, un sujet de vives préoccupations. Que faire si un des conjoints est muté dans une autre province, par exemple? À supposer que des conjoints qui se sont mariés l'année dernière à Toronto soient mutés dans la région des sables bitumineux de l'Alberta. Ils ne seront plus considérés comme une famille. Ils feront l'objet d'un traitement différentiel qui va à l'encontre des intérêts concrets des membres de notre congrégation et de leur famille. Comme je l'ai mentionné, un rabbin de Montréal, de Toronto ou de Vancouver peut marier des conjoints de même sexe, mais pas un rabbin de Calgary.
[Français]
Le président: Nous revenons au Bloc québécois.
Monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: Merci, monsieur le président. Si vous me le permettez, je vais reprendre ma conversation avec M. Goertzen là où nous l'avons laissée.
Monsieur Goertzen, je veux simplement comprendre. Ne pensez pas que vos convictions personnelles ne me préoccupent pas. Je serais très heureux d'en discuter avec vous après la séance autour d'une bière ou dans une autre situation.
Quelles sont les conditions d'embauche en Saskatchewan pour être commissaire au mariage, quel type de rémunération recevez-vous, et par qui êtes-vous payé?
[Traduction]
M. Bruce Goertzen: J'ai été nommé commissaire de mariage par le gouvernement de la Saskatchewan en 1984. Mes honoraires sont payés par les personnes pour lesquelles je prépare un mariage. Si vous décidez de venir me trouver pour vous marier, vous achetez un permis de mariage et vous me payez un certain montant, fixé par le gouvernement de la province, pour que je célèbre ce mariage.
¾ (2010)
[Français]
M. Réal Ménard: Sans faire de mauvais jeu de mot, je dirai que d'une certaine manière, vous êtes payé à l'acte. C'est un peu étonnant. C'est même troublant, monsieur le président, mais je ne ferai pas d'analogie.
Quand on vit en Saskatchewan, quelles sont les conditions pour être embauché, et quelles sont les conditions de célébration du mariage?
Il y a une chose qui me trouble dans votre témoignage. Le mariage est un phénomène complexe. Les conditions de fond relèvent du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral peut décider qui peut se marier. Il n'avait jamais défini de conditions, sauf lorsque les conservateurs ont fait adopter une loi sur les degrés prohibés en matière de mariage. C'est la common law qui avait occupé cela.
Les provinces décident de la célébration. Vous appliquez une loi. On peut respecter vos convictions personnelles, mais je veux savoir quelles sont les conditions pour se marier en Saskatchewan et qui peut devenir commissaire au mariage. Quelles sont les conditions d'embauche?
[Traduction]
M. Bruce Goertzen: Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne peux pas vous dire quelles sont les conditions pour être nommé commissaire de mariage.
Lorsque j'ai été nommé, j'étais juge de paix pour la province de la Saskatchewan. À cette époque, j'étais également coroner pour la province.
Les juges de paix reçoivent un numéro. Le mien était le 1662. Il y avait pénurie de commissaires de mariage en Saskatchewan. Par conséquent, des postes ont été offerts aux juges de paix dont le numéro n'était pas trop élevé, jugeant que nous étions des membres mûrs et stables de la communauté. Dans mon cas, on m'a téléphoné et on m'a demandé si j'accepterais de devenir commissaire de mariage. Comme j'estime qu'il est de mon devoir d'aider ma communauté de toutes les façons possibles, j'ai accepté. C'est ainsi que j'ai été nommé.
Vous m'avez aussi demandé comment on se marie en Saskatchewan. Pour le moment, si vous décidez de vous marier, vous devez acheter un permis de mariage. Le montant du droit à payer est de 50 $. Vous allez dans une bijouterie. Le permis de mariage entre en vigueur 24 heures après la date de l'achat. Il est valide pour une période de trois mois. Vous allez ensuite trouver un commissaire de mariage dont vous pourrez chercher le nom dans l'annuaire téléphonique sous la rubrique « Commissaires de mariage » qui contient le nom de tous les commissaires de mariage de la Saskatchewan. Vous choisissez celui que vous voulez.
Vous me téléphonez pour me demander si je serais disposé à célébrer le mariage et je vérifie si je suis disponible. Dans ce cas, je vous envoie une lettre indiquant les points fondamentaux du déroulement de la cérémonie. Je vous envoie un formulaire d'enregistrement du mariage. Je vous informe en outre du coût.
[Français]
M. Réal Ménard: Merci.
Me permettez-vous une dernière question, monsieur le président, si j'en ai encore le temps?
Je ne voudrais pas être privé d'échanger à nouveau avec Mme Young. Je sais qu'au fond, elle est mon amie. Je suis peut-être le genre de fils qu'elle aurait souhaité avoir, monsieur le président. Mais je ne veux pas discuter de cela ce soir.
Je lui demande si elle sait que l'Association canadienne de psychologie s'est présentée devant nous pas plus tard que la semaine dernière. J'imagine qu'une femme cultivée et instruite comme vous l'êtes accorde un certain crédit aux ordres professionnels. Je crois savoir que vous êtes en sciences religieuses ou en éthique — cela n'enlève rien au mérite de vos travaux —, mais les psychologues qui se sont présentés devant nous parlaient au nom de tous les psychologues canadiens, et leurs propos étaient basés sur des preuves scientifiques: c'est leur métier. Ce qui me trouble, monsieur le président, c'est qu'ils nous ont dit que depuis 25 ans, des cohortes d'enfants sont suivies au Canada et aux États-Unis sur la base d'une méthodologie scientifique éprouvée, jugée par des pairs et publiée dans des revues savantes, et qu'il n'y a aucune espèce de corrélation possible entre le fait d'être élevé dans une famille homoparentale et le fait d'être homosexuel.
Vous, vous n'êtes pas psychologue; j'essaie de concilier un point de vue aussi professionnel, documenté, scientifique, crédible et rigoureux que celui des psychologues avec votre version, et j'avoue que je n'y parviens pas.
Évidemment, monsieur le président, j'ai hâte de lire les références: je crois savoir que le mémoire contiendra vos références. Vous ne seriez pas le genre de femme à vous présenter devant un comité et à tenir des propos qui ne seraient pas documentés. Cela ne vous ressemblerait pas.
J'ai hâte de lire vos références, mais il m'est difficile de concilier votre point de vue et celui de la preuve scientifique.
¾ (2015)
[Traduction]
Mme Katherine Young: En premier lieu, mon mémoire contient les références. J'espère que vous les lirez. C'est un domaine très délicat. De nombreux chercheurs se sont engagés dans ce type de recherche. Le sujet a été engendré toutes sortes de débats.
Par conséquent, pourquoi examinerais-je cette documentation? Vous prétendez que je m'occupe de religion et pas de psychologie. Quand vous examinez le domaine de la religion, vous constatez que de nombreux messages religieux sont en quelque sorte de la biologie et de la sociologie codées. Étant donné que je fais une étude comparative du mariage, j'examine par exemple la définition du mariage qui tend à créer une certaine durabilité et je l'examine par rapport aux enfants. Par conséquent, nous avons à notre disposition de nombreuses données interculturelles. Étant donné que je fais de la recherche interdisciplinaire, je vais puiser de l'information également dans d'autres sources.
[Français]
M. Réal Ménard: Êtes-vous psychologue?
[Traduction]
Mme Katherine Young: Non, je suis professeure de religion comparative et d'éthique comparative.
[Français]
M. Réal Ménard: C'est le souvenir que je gardais de vous. Vous n'êtes pas psychologue.
[Traduction]
Mme Katherine Young: C'est exact. Nous puisons de l'information dans des études interdisciplinaires qui portent sur notre domaine de spécialisation. En faisant cela et en suivant ces débats, on est au courant des documents qui ont été publiés. Je pense que le comité devrait également être au courant de ces documents.
[Français]
M. Réal Ménard: A-t-on le temps d'écouter Mme Cohen?
Le président: Officiellement, non, mais officieusement, oui.
M. Réal Ménard: Vous êtes miséricordieux, monsieur le président. On sait où vous irez à la fin de vos jours.
Mme Joanne Cohen: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Pour répondre brièvement, en tant que sociologue spécialisée dans la sociologie de la famille, j'ai le plaisir de vous signaler que j'ai recommandé à ma collègue, la professeure Bonnie Fox, qui est professeure de sociologie titularisée à mon alma mater, l'Université de Toronto, de participer aux audiences du Comité de la justice d'avril 2003. Elle et moi et d'autres universitaires qui étaient dans la salle, étions scandalisés par la piètre qualité de certaines des soi-disant références, comme celle du professeur Young, présentées au comité. C'était répugnant. C'était de la haine idéologique à peine voilée.
Je peux vous recommander des études spécifiques de la professeure Bonnie Fox et des publications qui sont fondées sur des études empiriques sérieuses concernant la famille, ayant fait l'objet d'un examen par les pairs, indiquant que les parents de même sexe, en particulier les couples lesbiens, s'occupent souvent mieux de leurs enfants que les couples hétérosexuels et que la famille formée par un mariage entre conjoints de même sexe n'a pas de répercussions néfastes pour la société. Je vous remercie.
Le président: Bien. Nous donnons à nouveau la parole aux libéraux.
Allez-y, madame Neville. Vous disposez de cinq minutes.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Ma question porte sur la recherche. Madame Young, ma question initiale est la suivante : pourquoi jugez-vous nécessaire d'intégrer au projet de loi une disposition indiquant la nécessité de faire de la recherche? C'est ma première question. J'en ai d'autres également.
Mme Katherine Young: Je pense qu'il est essentiel que le gouvernement prenne à l'égard des enfants l'engagement officiel de faire des études sur les conséquences de ce changement. Je pense qu'il s'agit d'un engagement moral. J'estime que cela devrait être précisé dans le projet de loi.
Mme Anita Neville: Cela ne s'est jamais vu à ma connaissance, mais je peux me tromper. Je ne tiens pas à contester la validité du principe. Je pense que toutes les personnes assises autour de cette table se préoccupent du bien-être des enfants.
De nombreux domaines ont une incidence sur les enfants et de nombreux domaines concernant les enfants ont fait l'objet d'études. De nombreuses études longitudinales axées sur diverses questions concernant les enfants ont été faites. La recherche a porté sur toute une série de sujets, qu'il s'agisse de la pauvreté, de la mobilité excessive, du contexte culturel, du revenu économique, du contexte éducatif de la famille, etc. Pensez-vous que tous ces facteurs seraient importants dans le type de recherche que vous proposez?
Mme Katherine Young: Il y a naturellement plusieurs variables. C'est la difficulté qui se pose toujours lorsqu'il s'agit d'analyser les tendances, de tenter d'expliquer les événements et les causes de ces tendances.
J'ai réclamé la création d'un comité d'experts qui serait chargé de déterminer la méthodologie et les questions. Je ne tiens pas à faire cela ici. Je pense que cela fait partie du mandat qui serait associé à cet amendement. Je ne veux pas anticiper.
¾ (2020)
Mme Anita Neville: Je vous remercie.
Ma question s'adresse à Mme Cohen. J'ai examiné votre mémoire. Je ne suis pas avocate. Je l'ai examiné et j'ai examiné également vos pages Web. Je suis sûre que ce sont vos pages Web : mariage égal pour les couples de conjoints de même sexe. Oui.
Mme Joanne Cohen: Non, ce ne sont pas les nôtres. Notre nom est mentionné dans ces pages à titre de sympathisants de cette cause.
Mme Anita Neville: Très bien. Je m'excuse.
Votre point numéro 28 dans lequel vous dites que c'est restrictif pour ceux qui désirent célébrer des mariages entre personnes de même sexe... Nous avons entendu beaucoup de commentaires au sujet de personnes qui ne veulent pas exécuter de tels mariages. Je me demande si vous ne pourriez pas donner quelques informations plus précises à ce sujet.
Mme Joanne Cohen: Je vous remercie. Je voulais justement en parler.
Nous croyons que l'alinéa 2a) de la Charte garantit que la domination d'un point de vue religieux sur un autre ne sera pas soutenue par l'État. La jurisprudence en la matière abonde dans le cadre des affaires que j'ai mentionnées comme l'affaire R. v. Big M Drug Mart Ltd., qui fait étape dans ce domaine, l'affaire Zylberberg v. Sudbury Board of Education, et d'autres.
Dans le cadre de l'examen de ces affaires, les juges ont constaté que, comme dans les affaires que nous avons mentionnées ici, comme l'affaire Freitag, dans laquelle la Cour d'appel a indiqué que l'action de l'État ne peut pas et ne devrait pas être utilisée pour imposer le ton moral d'une religion, même d'une religion dominante au sein de la population, aux personnes qui ne souscrivent pas à cette croyance religieuse...
Par exemple, au Canada, la principale dénomination religieuse est la religion catholique, mais cela ne signifie pas que l'État doive s'assurer que nous vivions dans une théocratie catholique. Nous vivons dans une société multiculturelle. Les Juifs, et en particulier le groupe des rabbins libéraux, ne représentent qu'une petite minorité dans cette société.
Nous lisons toutefois les dispositions de la Charte qui protègent la liberté religieuse, celles qui concernent les garanties des droits à l'égalité, ainsi que les garanties multiculturelles confirmées par l'article 27, pour nous assurer, comme la jurisprudence dans les affaires que j'ai mentionnées, qu'il y a séparation entre l'église et l'État ou entre la synagogue et l'État, selon le cas. Ce n'est pas le rôle de l'État de pourvoir aux prédilections religieuses d'une majorité de la population au détriment d'autres segments de la population.
Nous pensons que si votre comité, dans le cadre de ses délibérations sur ce projet de loi, capitulait devant les affirmations alarmistes des adversaires religieux du mariage entre conjoints de même sexe, qui forment une majorité, c'est pourtant ce qu'ils ferait en réalité. L'État appuierait un point de vue religieux au détriment d'un autre. Nos mémoires n'indiquent pas qu'un point de vue religieux devrait dominer mais prône plutôt le pluralisme des points de vue religieux et une liberté de choix pour les Canadiens et les Canadiennes.
Si vous voulez professer la foi de votre choix, cherchez une église ou une synagogue ou une mosquée qui réponde à vos besoins. Choisissez-en une si vous voulez pour faire un mariage gai. Choisissez-en une qui accepte de le faire. Si vous n'êtes pas partisan du mariage gai, fréquentez une église qui n'accepte pas de célébrer des mariages gais. C'est une garantie de liberté pour tous les Canadiens.
En réponse à votre question, nous estimons que le principe voulant que l'État soit en quelque sorte un agent de l'opinion religieuse majoritaire mettrait un terme à la séparation entre l'église et l'État et à l'égalité devant la loi qui caractérise une société démocratique, ainsi qu'à la protection des minorités vulnérables dans les sociétés démocratiques qui, d'après des théories comme celle d'Alexis de Tocqueville, posent toujours un risque. C'est pourquoi nous finançons au Canada des organismes chargés de réaliser un équilibre des pouvoirs, comme les organes judiciaires et les universités, etc., afin d'éclairer la politique publique dans la plus large mesure possible.
C'est pourquoi nous signalons que ce point a été réitéré par la Cour suprême dans le jugement concernant la Trinity Western University. Je cite ici un passage du jugement, qui se trouve au paragraphe 31 de notre mémoire :
Ni la liberté de religion ni la protection contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ne sont absolues [...] Comme la cour l'a réitéré à maintes occasions, la liberté de religion, comme toute liberté, n'est pas absolue. Elle est limitée de façon inhérente par les droits et libertés des autres. |
Cela signifie que le droit de ces adversaires religieux du mariage entre conjoints de même sexe de limiter l'égalité des conjoints de même sexe dans les cadres civils dans lesquels ils n'ont aucun droit d'intervention, d'encourager l'État à imposer un monopole d'État, n'est pas acceptable.
Par ailleurs, dans le même jugement, la Cour a statué que bien que la liberté de croyance soit très large au Canada, la liberté d'intervenir dans le domaine des convictions religieuses est restreinte, et elle est notamment restreinte par les droits et les libertés des autres citoyens. De même, la cour a décidé que, par conséquent, la Charte doit être interprétée dans son ensemble de façon à ce qu'un droit ne puisse pas être interprété aux dépens d'un autre droit.
Nous pensons et nous en concluons que nous pouvons avoir la liberté religieuse. Je vous remercie pour votre attention.
¾ (2025)
[Français]
M. Réal Ménard: [Inaudible]
[Traduction]
Mme Joanne Cohen: S'agit-il de religion ou d'un ministre du Cabinet?
M. Réal Ménard: Du Cabinet.
Mme Joanne Cohen: Je vous remercie.
Nous estimons par conséquent que la Charte doit être examinée dans son ensemble. Il est possible d'établir un équilibre entre une pluralité de modes de vie. L'hétérosexualité demeure répandue. L'homosexualité est pratiquée par certaines personnes au Canada. Certaines personnes approuvent le mariage gai et d'autres pas. Il est essentiel d'avoir un millier de lumières ponctuelles.
En conclusion, je dirais que si vous voulez faire quelque chose pour l'amour au cours d'une session parlementaire particulièrement détestable cette année, faites ceci pour l'amour. Dans un geste non sectaire, je vous prie de réparer une vieille injustice et de laisser prévaloir l'amour et la foi, sous toutes leurs diverses formes au Canada, parce que c'est le Canada tel que je l'ai connu dans ma jeunesse.
Je vous remercie.
Le président: Merci, et merci beaucoup au commentateur Ménard.
Je vous remercie pour votre temps, madame Neville.
Nous donnons maintenant la parole au NPD. Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Merci encore, monsieur le président.
Madame Young, dans votre exposé préliminaire, vous recommandez apparemment d'imposer des limites à la capacité de déposer une plainte auprès des commissions des droits de la personne. Je pense que dans l'un des paragraphes commençant par « attendu que » que vous avez lus au début de votre exposé, il était question des plaintes concernant les droits de la personne et des préoccupations sur l'usage que l'on en fait.
Mme Katherine Young: Non, il n'était pas question de commission des droits de la personne dans cette partie de mon exposé.
M. Bill Siksay: Bien. Veuillez m'excuser si je me suis trompé.
Vous avez cependant vivement critiqué l'ex-ministre de la Justice plus loin dans votre exposé et vous lui reprochez apparemment d'avoir pris position sur la question du mariage entre conjoints de même sexe. Jugez-vous qu'il est déplacé pour une personne de son rang d'avoir une opinion sur une grande question d'actualité concernant la justice?
Mme Katherine Young: Je pense que ce qui me préoccupait, c'est qu'il a exprimé son opinion avant que les discussions ne soient entamées et quand votre ministre de la Justice et vous avez une opinion bien arrêtée sur la tournure que devraient prendre les discussions, cela pourrait indiquer—et chacun a le droit d'interpréter cela comme il l'entend—le type de décisions qui seront prises au cours de ce processus.
M. Bill Siksay: Auriez-vous la même attitude s'il avait été un vigoureux adversaire du mariage entre conjoints de même sexe?
Mme Katherine Young: Oui, parce que je pense que dans un dossier comme celui-là, il faut examiner les témoignages. Il est essentiel d'échanger des arguments. Lorsque j'examine ces affaires en justice, que j'ai d'ailleurs étudiées très soigneusement, ma grosse préoccupation est que l'on n'a pas fait d'évaluation des risques conformément à l'article 1. Lorsque les enfants sont en cause, cette évaluation des risques est impérative.
Pourquoi les choses se sont-elles donc passées ainsi?
M. Bill Siksay: Il est quelque peu étrange que vous vouliez que l'on impose des limites à la capacité d'un dirigeant politique de prendre position sur une question importante qui relève de sa compétence ou que vous suggériez qu'il serait bon d'envisager de le faire.
Je voudrais toutefois revenir à la question du divorce au Canada. Vous avez parlé des problèmes causés par la libéralisation du divorce. A-t-on fait des études sur les répercussions sur les enfants, fondées sur une comparaison avec la situation antérieure à la libéralisation du divorce?
Mme Katherine Young: Certaines études très connues ont été faites aux États-Unis. Je pense que c'est Judith Wallerstein, en Californie, qui a fait une des études longitudinales les plus importantes basée sur un échantillon de grande envergure.
M. Bill Siksay: Mais c'est après la libéralisation, pas nécessairement du divorce...
Mme Katherine Young: Après la libéralisation du divorce.
M. Bill Siksay: Il n'existe donc pas d'étude comparative avec la situation antérieure, la période au cours de laquelle l'option du divorce était inexistante et les couples étaient souvent piégés dans un mariage qui n'était pas intéressant. Nous ne connaissons pas les conséquences exactes de ce type de situation sur les enfants.
Mme Katherine Young: Il faudrait que j'examine cette question.
¾ (2030)
M. Bill Siksay: Préconisez-vous ou faites-vous du lobbying en faveur de modifications aux lois sur le divorce au Canada?
Mme Katherine Young: Je suis une chercheuse universitaire. Lorsqu'on fait de la recherche, à un moment donné, surtout lorsqu'il s'agit de recherche concernant des questions d'éthique et d'éthique pratique, on prend position. Cependant, une bonne éthique repose sur des données sérieuses et une des constatations que j'ai faites dans ce cas-ci, c'est que l'on n'a pas produit beaucoup de données sérieuses. Je considère par conséquent que c'est la première étape de mon travail.
L'autre étape est d'analyser les données, notamment de faire une évaluation des risques—car c'est une étape importante de l'analyse éthique—et de rendre des comptes aux groupes qui sont concernés.
M. Bill Siksay: Avez-vous déjà appelé la libéralisation du divorce une « expérience humaine d'énorme envergure »?
Mme Katherine Young: Oui, elle était d'énorme envergure. Je suis prête à le dire.
M. Bill Siksay: Bien.
Dans un des articles de vous et de M. Nathanson que j'ai, vous avez écrit que d'une part, nous n'aurions même pas la capacité que nous avons encore de fournir un appui culturel public à l'hétérosexualité si nous adoptions ce projet de loi. Pouvez-vous me dire ce que signifie cette affirmation?
Mme Katherine Young: Oui. Il s'agit en fait d'une de nos grandes théories. Elle est fondée sur le principe que l'hétérosexualité est un complément de la nature et de la culture et que si l'on supprime la culture publique, si l'on ne peut pas parler de l'importance du rôle des pères, par exemple, on cause des dommages fondamentaux à l'hétérosexualité.
L'argument est que les animaux se reproduisent par instinct. Les humains ont remplacé une large part de cet instinct par la liberté et par la culture et, par conséquent, la culture est un complément nécessaire de l'aspect biologique de la nature humaine.
M. Bill Siksay: Madame Cohen, j'ai l'impression que vous voudriez intervenir.
Mme Joanne Cohen: On relève des divergences d'opinions très marquées dans les études sociologiques, études psychologiques et anthropologiques. Le témoin fait allusion à un point de vue appelé anthropologie évolutionniste pour lequel la biologie serait étroitement liée au destin.
Cependant, comme nous le savons tous, on a connu de nombreux types différents de familles dans la société. De nombreux types différents de familles subsistent dans la société. Comme l'a affirmé Douglas Elliott, avocat pour la Metropolitan Community Church de Toronto, devant la Cour suprême, l'hétérosexualité demeure la norme. Je ne pense pas que compte tenu... et si l'hétérosexualité est une institution tellement faible que l'égalité des gais la menacerait, compte tenu du taux de divorce de 50 p. 100 que vous mentionnez—il n'atteint d'ailleurs pas encore ce niveau au Canada—, il serait peut-être utile que cette dame et d'autres chercheurs étudient la question. Cependant, l'hétérosexualité n'est pas menacée par l'égalité gaie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Siksay.
Nous donnons à nouveau la parole aux libéraux. Monsieur Macklin.
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation. Vous nous avez entraîné dans une discussion très intéressante.
En ce qui concerne la question à l'étude, je pense qu'il était initialement prévu que nous examinions notre projet de loi pour voir si nous ne pouvions pas obtenir quelques conseils techniques sur les améliorations que l'on pourrait y apporter, mais nous nous sommes peut-être légèrement écartés du sujet. Je pense malgré tout que l'on a soulevé des questions très intéressantes et fondamentales qui sont dignes de la discussion que nous avons.
Madame Young, lorsque j'examine les questions à l'étude, je constate qu'un des centre d'intérêt naturel des parlementaires est lié à l'intérêt que porte l'État aux enfants. Je sais toutefois également que les enfants ont l'habitude de s'adapter à un type de relation qui n'est pas nécessairement structuré d'avance.
Ce qui me préoccupe, c'est de savoir ce qu'il faudrait examiner en abordant la question sous l'angle de l'intérêt de l'État. Est-il plus important d'examiner le type de relation ou est-ce que la création d'un bon foyer et d'un milieu propice au développement harmonieux de l'enfant est le facteur le plus important?
Mme Katherine Young: C'est toujours l'argument. On veut toujours, naturellement, un bon foyer, mais la question est de savoir ce qui fait un bon foyer.
Je reviens au fait que lorsque la culture établit des liens entre les hommes et les femmes et les enfants—et une culture supplémentaire est essentielle pour cela—, le père, sachant que les enfants sont ses enfants biologiques, dispense généralement de meilleurs soins et assure une meilleure protection. On a pu le constater tout au long de l'épopée humaine et c'est démontré dans les études statistiques.
Par conséquent, avons-nous une culture qui encourage les hommes à établir des liens avec les femmes et les enfants ou est-ce que, sous ce nouveau régime, les hommes sont tout simplement des pères sociaux ou légaux? Dans le cas des personnes qui ont des conflits au sujet de la garde des enfants, aucun autre facteur biologique ne comptera davantage. Les hommes ont été réduits au rôle de pourvoyeurs de fonds. Ce qui compte, c'est l'apport financier qu'ils peuvent faire dans cette relation.
Or, il y a l'amour et les gens développent de l'affection et des liens, mais nous avons supprimé un rôle très fondamental que jouait la culture dans toute société humaine. Est-ce important? Il faut faire des études. Je pense que c'est probablement important à long terme.
¾ (2035)
L'hon. Paul Harold Macklin: Vous prétendez donc que l'on n'a pas encore fait d'études à ce sujet—en d'autres termes, d'études sur la nature des relations entre le processus parental et l'enfant.
Mme Katherine Young: En ce qui concerne le processus parental, des études du mariage ont été faites. Certaines études indiquent que deux parents biologiques—et il y a toujours quelques bonnes exceptions à la règle—donnent généralement de meilleurs soins et assurent une meilleure protection à leurs enfants.
L'hon. Paul Harold Macklin: Je vois que Mme Cohen voudrait participer à la discussion.
Mme Katherine Young: Elle a sa recherche et j'ai pour ma part une autre série de recherches. Je pense que tout ce que nous pouvons dire à ce stade-ci, c'est que c'est une source de controverses.
Mme Joanne Cohen: Je pense, sauf votre respect, qu'il n'est que juste que le comité soit au courant de cette controverse.
L'hon. Paul Harold Macklin: Je pense que nous voulons entendre la discussion. Il est important pour nous d'être au moins sensibilisés d'une façon générale à cette question.
Mme Joanne Cohen: Au sein de notre groupe des rabbins libéraux et de la communauté juive, nous reconnaissons l'importance des familles. Mais nous reconnaissons que les familles se présentent sous diverses formes. Nous faisons de notre mieux pour rectifier l'exclusion des parents gais et lesbiens et de leurs enfants, parce que ces familles existent et qu'elles existaient déjà avant ce projet de loi sur le mariage au Canada. On continue d'examiner leurs intérêts. Leurs intérêts continuent d'être touchés par les questions débattues par le présent comité.
Je reconnais, comme l'a dit la professeure, que les facteurs culturels encourageant la formation de familles durables et attentives sont très importants pour le bien-être des enfants, mais je signale que certaines des citations qu'elle a faites sont légèrement dépassées parce qu'elles mettent exagérément l'accent sur le rôle essentiel que jouent des parents biologiques hétérosexuels. Je reconnais que d'un point de vue axé sur la biologie évolutive, nous encourageons les hommes à être monogames dans la société et ce, généralement, depuis l'époque de l'homme des cavernes, dans l'espoir qu'ils prennent soin de leurs enfants, car les femmes sont généralement désavantagées du fait qu'elles élèvent leurs enfants. Cela ne signifie pas que ce soit une définition exclusive de toutes les formes que la famille ait pu prendre au cours des âges ou qu'elle prend à cette période-ci de l'histoire parce que, comme je l'ai mentionné, certaines données sociologiques explicites sur les parents de même sexe indiquent que pour élever un enfant, il faut deux parents qui les aiment—et il faut peut-être un village pour élever un enfant, pour reprendre les paroles de Hillary Rodham Clinton. Mais nos...
Une voix: [Inaudible]
Mme Joanne Cohen: Excusez-moi, madame, je ne vous ai pas interrompue. C'est moi qui avais la parole.
Le président: Bien. Excusez-moi. Nous ne nous engagerons pas dans une discussion...
Mme Joanne Cohen: Elle m'a interrompue.
Le président: Je suis en train de parler, madame Cohen.
Nous ne nous engagerons pas dans une discussion entre vous et Mme Young. Mme Young a eu la parole. Vous avez eu la parole. Le délai de cinq minutes est écoulé. Nous donnons maintenant la parole au Parti conservateur.
Monsieur Warawa.
M. Mark Warawa (Langley, PCC): Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie les témoins pour leur participation. La discussion a été très intéressante.
Monsieur Goertzen, c'est à vous que je voudrais adresser ma première question.
Vous avez mentionné que vous étiez juge de paix et coroner avant de devenir commissaire de mariage. Est-ce exact?
M. Bruce Goertzen: C'est exact, monsieur.
M. Mark Warawa: Et vous êtes commissaire de mariage depuis 1984. Pendant combien de temps avez-vous été juge de paix et coroner?
M. Bruce Goertzen: J'ai été nommé juge de paix en 1972.
M. Mark Warawa: Et vous étiez coroner en même temps? Vous êtes donc au service de la province de la Saskatchewan depuis un certain nombre d'années.
M. Bruce Goertzen: Oui. J'ai démissionné dernièrement comme coroner et le certificat que l'on m'a remis indique que j'avais 32 années de service.
M. Mark Warawa: Je vous remercie de vous être mis au service de votre province. Vous êtes probablement une personne très respectée.
Vous avez reçu une lettre de la province vous indiquant que vous devriez accomplir des mariages de conjoints de même sexe. Est-ce exact?
M. Bruce Goertzen: C'est exact, monsieur.
M. Mark Warawa: Et vous connaissez des commissaires de mariage de la Colombie-Britannique—c'est-à-dire de ma province—qui ont été forcés de démissionner parce qu'ils ne voulaient pas pratiquer de mariages de conjoints de même sexe. Est-ce exact?
M. Bruce Goertzen: Je suis également au courant de leur situation, monsieur.
M. Mark Warawa: Est-ce par crainte d'être licencié que vous vous êtes adressé au Tribunal des droits de la personne?
M. Bruce Goertzen: C'est probablement la meilleure façon de le dire, monsieur.
M. Mark Warawa: C'est basé sur vos convictions religieuses et vous en avez parlé.
Je voudrais faire un bref commentaire. Je pense que vos commentaires sont très honnêtes et je trouve qu'il est regrettable qu'un collègue insinue que votre exposé ne soit pas honnête.
Je voudrais vous poser une question au sujet de l'exécution d'une union civile. Étant donné que cela va à l'encontre de vos croyances d'accomplir un mariage... Une majorité des Canadiens appuient l'option de l'union civile. En fait, c'était l'option examinée par le présent Comité sur le mariage au cours de la législature précédente. Une majorité des Canadiens, les deux tiers environ, appuient cette option parce qu'elle garantirait aux conjoints de même sexe les mêmes droits et les mêmes avantages, tout en maintenant la définition traditionnelle du mariage fondée sur l'union entre un homme et une femme.
En raison de votre foi ou de vos convictions religieuses, n'auriez-vous aucune réticence à pratiquer une union civile plutôt qu'un mariage?
¾ (2040)
M. Bruce Goertzen: Pour le moment, je ne pratiquerais pas une union civile mais, puisque vous avez mentionné mes convictions religieuses, avant de prendre une décision, je prie et je médite. Il faudra ensuite que j'examine la loi. À vrai dire, je ne peux pas répondre à votre question. Mais pour l'instant, à mon avis, tout couple marié doit être formé d'un homme et une femme.
M. Mark Warawa: Bien. Merci beaucoup.
Madame Young, je vous remercie pour votre exposé. Vous y avez fait des commentaires sur le traitement dont vous aviez fait l'objet, sur une sorte de discrimination. On vous a traitée d'homophobe. Je pense que c'est le terme que vous avez employé. Est-ce arrivé à l'époque du projet de loi C-38, avant ou après?
Mme Katherine Young: Le premier incident—il y en a eu deux, et j'ai des exemplaires de documents qui seront envoyés avec mon mémoire—est survenu lorsque j'ai dit que je serais témoin experte pour le gouvernement de l'Ontario dans l'affaire Halpern. J'ai un résumé d'un paragraphe que je peux vous lire.
Par le biais d'une analyse comparative des religions et des cultures du monde, Mme Young démontrera que le mariage a toujours été une institution hétérosexuelle. Ces normes communes suggèrent que la culture complète la biologie et qu'elle ne peut être écartée sans que cela ait des conséquences sociales. |
À la suite de ce texte, une vaste campagne par courriel et par cartes postales a été lancée, avec toutes sortes de messages tels que « Comment osez-vous faire une pareille affirmation? ». C'est le paragraphe en cause. C'est tout ce que les gens avaient vu. Les manifestants ont occupé des locaux et, à un certain moment, on a craint que la situation ne dégénère en violence. On en a fait toute une histoire.
La même chose est arrivée à Mme Somerville en même temps. Je pense qu'elle a témoigné devant votre comité il y a quelques semaines. Nous avons alors écrit à l'ACPPU, c'est-à-dire à l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, pour la mettre au courant de cet incident, mais elle a refusé de publier la lettre. Cette réaction nous a troublées car c'était une question de liberté universitaire. En effet, on nous avait insultées et, du même coup, on avait insulté les milieux universitaires.
Je sais que la partie adverse a été la cible de toutes sortes d'insultes également et je le déplore. Je trouve que c'était déplacé, mais on se demande bien pourquoi on serait la cible de telles manoeuvres d'intimidation visant à quelqu'un de témoigner à titre d'expert.
Comme l'indique cet article, lorsque le gouvernement cherche des témoins experts, la plupart refusent l'offre, de crainte d'être la cible de manoeuvres d'intimidation. Le gouvernement a donc beaucoup de difficulté à trouver des témoins experts. C'est un autre aspect du problème.
Le mois dernier, c'est-à-dire il y a quelques semaines, quand Paul Nathanson et moi avons fait un exposé devant l'Association du droit Lord Reading, Anne Goldwater, qui avait pris la direction d'une cause gaie et lesbienne dans l'affaire québécoise, comme vous le savez probablement... et j'ai inclus un long document parce que je voulais vous fournir le document qui l'a tellement troublée qu'elle s'est mise à hurler et à nous injurier. Elle est membre du Barreau du Québec et fait partie d'un groupe de professionnels qui débattent la question du mariage entre conjoints de même sexe. C'est un manque total de décorum. Elle a alors dit fièrement qu'elle était parvenue à tenir les affidavits à l'écart de l'affaire québécoise. Comment s'y est-elle prise, je n'en sais rien... Je sais qu'il n'y avait pas d'affidavits parce que j'avais envoyé le mien et, naturellement, il n'a jamais fait partie du dossier.
En qualité de chercheuse, je me demande ce qui se passera—et, comme vous pouvez le constater, je suis un peu bagarreuse—quand je voudrai engager une discussion et faire de la recherche sur cette question. Est-ce que la Commission des droits de la personne m'apportera son soutien? L'ACPPU ne l'a pas fait. Il n'a pas pris ma défense. Pourtant, les professeurs d'université titularisés jouissent de la liberté universitaire, mais s'il s'agit de s'opposer à la Commission des droits de la personne, je me demande ce qui se passera. Plusieurs affaires en justice démontrent que la liberté de conscience est en fait de la liberté de conscience que l'on ne peut exercer que dans son foyer. On peut dire et penser tout ce qu'on veut, mais qu'arrivera-t-il si, en tant qu'enseignante, j'ouvre cette discussion dans une classe? Qu'arrivera-t-il si j'expose les arguments des deux parties? Qu'arrivera-t-il si un enseignant du niveau secondaire dit ceci : « C'est une question très importante. Examinons le pour et le contre. Exposons les diverses positions ». Est-ce que ce sera permis? Je pense que ce sera interdit et si ce ne l'est pas, on fera suffisamment d'intimidation pour que l'on abandonne ce type de discussion.
C'est pourquoi je pense que la liberté universitaire est aussi importante que les dispositions spéciales de protection de la liberté religieuse. Elles vont de pair à certains égards et, pourtant, elles sont très différentes. Ma position est une position laïque. Je ne discute pas d'un point de vue religieux, quel qu'il soit, quoique j'utilise des données liées aux traditions religieuses.
¾ (2045)
Le président: Je vous remercie. Ainsi se termine notre séance. Je remercie les témoins d'avoir accepté de participer à nos délibérations.
Monsieur Ménard, si vous voulez continuer à faire des commentaires, vous pouvez rester ici et utiliser le système sonore en espérant que les témoins et vos collègues resteront une heure de plus.
[Français]
M. Réal Ménard: [Inaudible] monsieur le président. N'oubliez jamais cela.
Le président: J'y ai pensé.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Je sais que certains témoins viennent de loin. Je vous souhaite un bon voyage de retour.
La séance est levée.