TRAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 29 mai 2008
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous, et bienvenue à cette 29e séance du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, l'étude de l'état actuel de la protection de la navigation sur les voies navigables canadiennes, y compris leur gouvernance et leur utilisation et l'application de l'actuelle Loi sur la protection des eaux navigables, est inscrite à l'ordre du jour
Krystyn Tully, vice-présidente de Lake Ontario Waterkeeper, témoigne par vidéoconférence.
Pardonnez notre retard. Comme vous le savez peut-être, nous arrivons tout juste de la Chambre, où nous avons été retenus pour voter. Malheureusement, cela prend parfois la priorité.
Bienvenue au comité par caméras interposées. Je suis sûr qu'on vous aura donné des indications. Vous avez sept minutes pour votre exposé et les membres du comité poseront ensuite des questions.
Encore une fois, bienvenue. Allez-y, je vous en prie.
Je crois que vous avez tous reçu le mémoire de Lake Ontario Waterkeeper. Je vais parcourir avec vous les propositions et observations qui s'y trouvent. J'ai pu aussi passer en revue la transcription d'audiences antérieures du comité. Je pourrai donc réagir à des déclarations qui ont été faites antérieurement.
Lake Ontario Waterkeeper est un organisme de bienfaisance enregistré canadien qui s'intéresse aux voies navigables du bassin du lac Ontario et appuie la croissance et le développement de programmes Waterkeeper dans tout le Canada. Nous sommes un mouvement de la base. Chaque programme Waterkeeper a un bateau. Nous sommes sur le terrain, pour ainsi dire. Nous recueillons le point de vue des collectivités et prenons tous les moyens possibles pour le faire connaître aux décideurs. Nous essayons de vous renseigner sur les effets de certaines lois et politiques fédérales sur les collectivités riveraines au Canada.
Pour nous, la Loi sur la protection des eaux navigables est très importante. Elle reconnaît un droit de navigation qui existe depuis des milliers d'années. C'est un élément important de notre histoire juridique. Et elle reconnaît et rappelle que tous ont le droit d'accès aux eaux navigables de tout le pays, que ces eaux appartiennent à tous.
Nous nous inquiétons de la première proposition, qui modifie la définition d'« eaux navigables » afin d'exclure les « eaux secondaires ». Forts de notre expérience, nous recommandons de rejeter cette proposition pour deux raisons. D'abord, selon nous et d'après notre étude, cette modification est inutile. La loi ne régit que les eaux déjà navigables. Si des eaux sont vraiment secondaires et non navigables, la loi ne s'y applique pas. La modification est donc inutile. Deuxièmement, diviser en deux catégories les eaux navigables, les secondaires et les principales, créerait un double système de protection en environnement et en common law. Certains Canadiens auraient droit à certaines droits et protections, mais pas les autres. Selon nous, cela modifie et mine l'intention initiale du législateur.
De la même façon, la proposition 2, qui modifie la définition du terme « ouvrage » pour en exclure explicitement les « petits ouvrages », nous semble inutile. C'est que la Loi sur la protection des eaux navigable s'applique seulement aux ouvrages qui gênent sérieusement la navigation. Il y a donc déjà une distinction entre les petits ouvrages et les grands dans le libellé de la loi. Là encore, modifier la définition maintenant favoriserait un système qui protège mieux certaines eaux que d'autres.
Proposition 3. Pour la même raison, la suppression des quatre ouvrages désignés dans la loi pose un très gros problème du point de vue de la base et des collectivités qui vivent, travaillent et se divertissent près de ces rivières, lacs et océans et comptent sur eux. Dans à peu près tous les cas, les ponts, estacades, barrages et chaussées nuisent par définition à la navigation. Il est arrivé au Canada que des voies navigables extraordinaires, comme la Petitcodiac, à Moncton, soient totalement détruites par la construction d'une chaussée.
Éliminer ces quatre ouvrages désignés de la loi et ne pas exiger d'évaluation environnementale avant leur construction, voilà qui peut poser des problèmes, nous le savons. Nous avons vu ces problèmes et nous voulons nous assurer que la même chose ne se reproduira pas. Une fois terminée l'évaluation environnementale et des conditions imposées, il est possible de réaliser ces ouvrages tout en protégeant la navigation, le poisson et son habitat et d'autres droits relatifs à l'eau.
Sur d'autres questions, nous n'avons pas beaucoup à dire. Comme sur la mise à jour de l'échelle des amendes. Nous sommes d'accord et nous en comprenons la logique. Nous appuyons cette mesure pour qu'il y ait des éléments dissuasifs généraux et particuliers. Nous vous recommandons d'examiner l'article 78 de la Loi sur les pêches pour avoir une idée d'une gamme d'amendes plus moderne, plus à jour.
Nous n'avons rien de particulier à dire de la Convention sur l'enlèvement des épaves. Les pouvoirs d'inspection sont essentiels si on veut que le processus d'évaluation environnementale fonctionne correctement. Comme vous l'avez entendu dire, aux termes de la Loi sur l'évaluation environnementale, lorsque des conditions sont imposées, la loi elle-même ne... Il n'y a pas de sanction pour punir les dérogations. Les deux lois, celle des eaux navigables et celle de l'évaluation environnementale, vont de pair. Les pouvoirs d'inspection aident assurément à renforcer le processus.
Enfin, la disposition sur l'examen quinquennal semble donner au public une excellente occasion d'intervenir et de vous signaler des enjeux essentiels et les principaux effets de la loi sur les collectivités. Nous appuyons donc l'ajout d'une disposition sur un examen quinquennal.
Généralement, je tiens simplement à souligner l'importance de la loi et ses effets sur nos collectivités et à discuter de la question de savoir si la loi vise à protéger la navigation ou la navigabilité.
À notre avis — et nous nous appuyons encore sur 2 000 ans de théorie juridique, de politique juridique, ainsi que sur le principe des droits et de la justice —, tous ont le droit d'emprunter les voies navigables. La Loi sur la protection des eaux navigables a été conçue pour donner à certains, dans certaines circonstances, la possibilité d'empiéter sur ce droit. Son objet est donc de protéger le droit du public et non celui de l'entreprise, de l'industrie, de promoteurs privés ou de quiconque de nuire à la navigabilité.
Encore une fois, la loi vise à protéger l'intérêt public. Voilà pourquoi nous nous sommes inquiétés de documents dans lesquels Transports Canada parle de ses clients comme s'il s'agissait non du public, mais de ceux qui veulent entraver la navigation. À notre avis, la plupart des Canadiens pensent — c'est ce que nous dit notre expérience sur le terrain — que le boulot du gouvernement fédéral est de protéger les Canadiens, les particuliers et le droit du public, d'abord et avant tout. La plupart croient que c'est ce qui se passe. Dans l'évaluation environnementale et l'attribution des permis à l'égard des eaux navigables, c'est le rôle qu'ils prêtent à Transports Canada. C'est ce qu'ils attendent du gouvernement. Nous voulions vous faire part de ce point de vue.
On a beaucoup parlé d'évaluation environnementale. Nous voudrions vous signaler plus particulièrement qu'il est inquiétant d'entendre dire que l'évaluation effectuée en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables retarde les approbations. Il faut en revenir à l'objet de la loi, qui est de protéger la navigation. C'est donc un vrai problème si on perçoit l'évaluation environnementale comme une cause de retard, comme une entrave. Pour l'essentiel, la collectivité participe de bonne foi à l'évaluation. Elle essaie d'améliorer les projets et les propositions, de concilier les besoins du développement ou de l'industrie et ceux de la collectivité. Dire que le processus d'approbation est un obstacle, c'est laisser entendre que les demandeurs ont droit à un permis aux termes de la Loi sur la protection des eaux navigables, et ce n'est pas le cas. Nous voudrions nous assurer que, lorsque des gens demandent un permis, ils comprennent le grand privilège qui leur est accordé.
Enfin, je voudrais aussi préciser, à propos de l'évaluation environnementale, que tous les permis accordés aux termes de la Loi sur la protection des eaux navigables ne s'accompagnent pas nécessairement d'un permis sous le régime de la Loi sur les pêches, et ce, pour deux raisons. D'abord, comme on vous l'aura dit, il est possible de construire des ponts qui n'ont aucun impact sur l'habitat du poisson. En pareil cas, le seul permis serait celui de la Loi sur la protection des eaux navigables, et ce serait la seule occasion donnée au public de s'exprimer. Dans le cas contraire, Pêches et Océans applique pour l'habitat du poisson le principe « aucune perte nette ». Si l'habitat est perturbé ou détruit à cause de la construction d'un pont, d'une chaussée ou d'autre chose, il n'y a aucune perte nette si le constructeur peut aménager ou créer un autre habitat pour le poisson. Dans bien des cas, le MPO n'exige donc pas d'évaluation environnementale. Il arrive donc souvent que la demande de permis relatif aux eaux navigables soit la seule occasion donnée à la collectivité de s'exprimer, de participer à des consultations, de donner son point de vue et d'améliorer la proposition.
Pour finir, je rappelle l'idée selon laquelle les Canadiens s'attendent à avoir des droits égaux leur permettant de se baigner dans nos cours d'eau, d'y puiser de l'eau, d'y pêcher et d'y naviguer en sécurité. Il est donc extrêmement inquiétant qu'on divise les eaux en « secondaires » et « principales », ce qui donnerait à certaines collectivités plus de protection et de droits qu'à d'autres. C'est particulièrement important pour les collectivités de Toronto, Oshawa ou Kingston, par exemple, ou encore d'autres régions du pourtour des Grands Lacs ou de secteurs industriels où nous avons déjà perdu une grande partie des zones riveraines. Un grand nombre de nos rivières ne sont plus navigables, mais elles pourraient facilement le redevenir grâce à des mesures de remise en état. Il serait catastrophique pour beaucoup de collectivités que certaines rivières soient qualifiées de secondaires parce qu'elles ne sont pas navigables actuellement, alors que la collectivité espère que, avec des investissements et un soutien, elles pourraient très facilement le redevenir.
Je donnerai la Petitcodiac en exemple. Le gouvernement fédéral, l'administration locale et la collectivité font un travail considérable. Ils examinent la chaussée qui a détruit la rivière dans les années 1960. Lorsque cette chaussée disparaîtra, la rivière reviendra à son état naturel. Nous retrouverons une splendide rivière. Nous ne voudrions pas que quiconque pense qu'il s'agit d'une voie navigable secondaire simplement parce que, en ce moment, elle est en difficulté.
Nous ne voulons sacrifier aucune collectivité. Nous ne voulons renoncer à aucune rivière qui pourrait, à l'avenir, retrouver sa splendeur. On craint vraiment, à la base, que les modifications proposées n'aient un effet préjudiciable à cet égard.
Voilà ce que j'ai à dire pour l'instant. Je voudrais ajouter que la navigation commerciale n'est pas le seul type de navigation bénéfique pour les collectivités. Nous avons une industrie maritime au Canada, mais aussi, notamment dans les Grands Lacs, un secteur de la navigation de plaisance qui vaut des milliards de dollars pour l'Ontario.
Nous ne voudrions pas que le droit à la navigation soit limité à un seul secteur. Il faut que cette richesse reste entre les mains de tous pour le bien commun.
Merci.
Merci, monsieur le président. Merci de m'accueillir, puisque, dans ce comité, je suis un simple visiteur.
J'ai été très intéressé par le témoignage de Waterkeeper. Je viens de Moncton, au Nouveau-Brunswick, là où se trouve la Petitcodiac. Ce que vous avez dit m'intéresse beaucoup. Pour éviter d'en rester à un niveau trop local, je voudrais dire que la loi en question ou les modifications pourraient avoir un effet négatif en chaîne sur bien des cours d'eau et des plans d'eau un peu partout au Canada. Voilà pourquoi je voudrais vous poser une question sur la modification qui propose le mot « secondaire ».
Monsieur le président, je n'ai pas besoin de raconter au témoin l'histoire de la Petitcodiac, mais je voudrais proposer une brève explication.
L'eau qui reste dans la rivière permet à peine la navigation. On pourrait considérer que, en aval de la chaussée, il s'agit d'un cours d'eau secondaire par qu'il n'est presque pas navigable. En fait, la rivière est étranglée par la chaussée et, avec le temps, elle est devenue presque non navigable à cause de ce que les gouvernements ont fait et, plus important encore, à cause de ce qu'ils n'ont pas fait. Il n'y a là aucun esprit de parti, car, au fil des ans, les libéraux et les conservateurs ont eu leur part de responsabilité.
Voici ma question. Êtes-vous aussi fermement convaincu que moi — j'en reviens au deuxième point de vos observations — que, subrepticement, le terme « secondaire » risque de saper la raison d'être de la loi? Permettrait-il au gouvernement fédéral actuel et à ceux qui lui succéderont de se soustraire à la responsabilité d'initiatives de remise en état comme celles qui sont actuellement en cours à Moncton, dans le cas de la Petitcodiac?
Oui, c'est très préoccupant. Si j'ai pris la Petitcodiac en exemple, c'est parce que le gouvernement fédéral a évalué l'impact environnemental. L'évaluation a conclu que, si la chaussée était enlevée, la rivière serait complètement remise en état et que toutes les espèces de poisson, à une exception près, y reviendraient.
Nous avons des déclarations et des témoignages d'anciens pêcheurs commerciaux qui exploitaient cette rivière. Ils parlent des avantages environnementaux et économiques qu'aurait cette remise en état. Tout cela découle en fait d'une seule question, celle de la navigation.
Le fait que la Petitcodiac, dans son état actuel puisse être considérée comme une rivière secondaire serait très désavantageux pour les habitants de Moncton et aussi du point de vue des possibilités économiques dans la région.
J'ignore si tout le monde est au courant du travail de Robert Kennedy et de la Waterkeeper Alliance en général, mais ce qui s'est passé dans le cas de l'Hudson, aux États-Unis, par exemple, a été exceptionnel, comme tout le travail accompli par l'alliance en Amérique du Nord en général.
Pourriez-vous m'expliquer comment, en tout cas à Moncton avec Daniel LeBlanc, vous êtes passés dans diverses collectivités de groupes de protestation minuscules à un grand groupe bien imbriqué d'intérêts locaux? En fait, c'est exactement ce qui s'est passé à Moncton. Il y avait peut-être un groupe infime au départ, mais c'est maintenant la vaste majorité — quelque 72 p. 100 des habitants de l'agglomération de Moncton — qui souhaite la remise en état de la Petitcodiac. Les gens veulent que le gouvernement fédéral verse les fonds promis.
Pourriez-vous expliquer brièvement la démarche? Comment sensibilisez-vous l'opinion pour l'amener à partager votre avis, soit que les cours d'eau et les lacs sont fondamentaux pour les collectivités?
À titre d'exemple, je vais reprendre l'histoire que M. Kennedy raconte à propos de la fondation de Hudson Riverkeeper, première organisation Riverkeeper d'intérêt public sur la planète. Dans les années 1960, l'Hudson était un fleuve complètement détruit. Le poisson n'était pas comestible. Les usines rejetaient des produits toxiques dans le fleuve. On peut voir sur de vieux rubans magnétoscopiques des voitures, des déchets et des produits pétroliers dériver sur le fleuve. La collectivité était très inquiète.
On raconte qu'il y a eu une réunion dans une vieille salle de la légion où une bande de vieux militaires se sont regroupés — la base, les pêcheurs locaux — pour discuter des moyens à prendre pour remettre le fleuve en état. Ils étaient vraiment en colère parce que la pêche était devenue impossible. Les entreprises locales avaient été balayées. Ils discutaient de moyens d'action comme enflammer une nappe de pétrole ou enfoncer des matelas dans les prises d'eau des industries.
Un vieux pêcheur, Bob Boyle, a sorti une vieille loi, le Rivers and Harbours Act. Elle disait que ce qu'on faisait était illégal: « Ils ne peuvent pas déverser des contaminants dans notre fleuve. Nous ne devrions pas envisager d'enfreindre la loi, mais discuter des moyens de la faire respecter. » C'est là qu'est née l'idée de Riverkeeper. Ces organisations de la base passent du temps sur les cours d'eau. Ses membres observent directement les problèmes. Ils deviennent la voix de la rivière et ils ont recours aux lois, règles, politiques et engagements existants du gouvernement, collaborant avec lui lorsque c'est possible pour récupérer les rivières perdues et prévenir la dégradation des cours d'eau.
Le mouvement s'est étendu. Il existe maintenant 177 programmes Waterkeeper au monde: aux États-Unis, au Canada, en Amérique latine, en Inde, en Russie, en Afrique et en Australie.
Il y a neuf programmes au Canada. Le premier a été Petitcodiac Riverkeeper et le deuxième Lake Ontario Waterkeeper. Nos seuls moyens de faire notre travail, ce sont des lois importantes comme la Loi sur les pêches, la Loi sur la protection des eaux navigables et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et elles sont toutes menacées par les propositions à l'étude aujourd'hui.
Si vous voulez que des groupes de la base protègent les eaux navigables au Canada en agissant légalement, sans protestations, en collaboration avec le gouvernement, il leur faut des outils comme ceux-là, la capacité de susciter la participation du public pour que la collectivité s'exprime, nous fasse profiter de sa sagesse et aide à faire en sorte que les décisions soient les meilleures possibles à l'avenir. Si vous privez la collectivité de tous ses droits et les cédez à quelques intérêts privés, je crois que nous le regretterons amèrement, plus tard, non pas seulement à cause des conséquences environnementales, mais aussi à cause des conséquences culturelles, sociales et économiques de ces décisions à courte vue.
[Français]
Merci beaucoup, madame Tully, de votre participation à notre comité.
Je ne voudrais pas qu'il y ait mauvaise interprétation: en aucun cas le comité n'a pour but de remettre des rivières entre les mains d'entreprises privées. Pas du tout.
J'ai écouté vos commentaires et j'ai lu votre document. L'un des problèmes, c'est justement que la loi n'a pas été modifiée et que les tribunaux se sont emparés de cela. Ce qui était considéré navigable au moment où la loi a été créée... Maintenant, c'est presque toutes les étendues d'eau, qu'elles soient petites, moyennes ou grandes. Je crois que la rivière que vous défendez sera probablement toujours régie par cette loi. On en est maintenant aux plus petits ruisseaux, et c'est un peu pour contrer les effets des tribunaux qu'on se dit aujourd'hui qu'il est temps de toucher à la définition même des zones navigables.
Des représentants du gouvernement de l'Alberta, qui représentaient aussi plusieurs autres provinces, nous ont fait une présentation. Cette province est prête a dresser la liste des cours d'eau qui demeureront navigables. Il faut comprendre que si on ne touche pas à cela... Comme vous l'avez dit dans votre document, le ministère de l'Environnement a toujours ses normes. Quand le gouvernement fédéral donne de l'argent, il y a une évaluation environnementale, et cela nous satisfait. L'utilisation de la Loi sur la protection des eaux navigables a été portée devant les tribunaux, et il y a eu un déséquilibre dans l'utilisation de cette loi. On ne remet pas en cause la Loi sur le ministère des Pêches et des Océans. On veut qu'elle s'applique toujours, tout comme la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Même les municipalités ont des protections, et on veut que cela continue à s'appliquer. On veut seulement que la définition de « navigables » dans la Loi sur la protection des eaux navigables soit beaucoup plus respectueuse de ce qu'était l'objet de la loi quand celle-ci a été créée que ne l'est l'interprétation des tribunaux.
Je sens que vous avez peur, mais j'espère qu'aujourd'hui, on réussira à apaiser un peu vos craintes. Si votre rivière est navigable, il n'y aucun problème. Je ne connais pas la situation et je vois que mon collègue M. Murphy la connaît beaucoup mieux que moi, mais si c'est une rivière où circulent des bateaux de plaisance, il n'y aucun problème: elle sera protégée par la loi.
[Traduction]
Un ou deux exemples en guise de réponse. Il y a la rivière Don, à Toronto. On peut se demander si elle est considérée comme navigable. J'ai l'impression que la plupart des gens y verraient un cours d'eau secondaire. Elle est navigable une fois l'an, lorsqu'on l'inonde pour une activité publique de pagayage. Le reste de l'année, elle n'est pas navigable sur la majeure partie de son cours. Toutefois, si les responsables de la conservation réalisaient un certain nombre de projets dans les années à venir pour enlever des petits barrages, de petites chaussées, la Don pourrait redevenir navigable.
L'un des problèmes qu'il y aurait à dresser une liste des cours d'eau principaux et secondaires, c'est que, pour tous les cours d'eau actuellement menacés, il n'y aurait pas beaucoup d'incitation à les remettre en état et peut-être pas beaucoup de possibilité de le faire. C'est un sujet d'inquiétude.
Je crois comprendre que la loi s'applique uniquement aux cours d'eau déjà navigable. Je ne vois pas très bien comment on pourrait dire d'une rivière qu'elle est navigable, mais mineure. Une inquiétude, d'ailleurs soulignée par la base, que suscite l'établissement d'une liste — voici une liste des eaux secondaires et principales de la province — tient au fait que la plupart des simples citoyens qui s'occupent d'environnement ne se considèrent pas comme des environnementalistes. Ils ne lisent pas la Gazette du Canada tous les jours. Le plus souvent, ils n'apprennent l'existence des projets qu'assez tard dans le processus de planification. Ils ne connaissent pas les moyens à leur disposition pour faire valoir leurs préoccupations ou améliorer le projet. Ils ne vont certainement pas participer au processus au début de l'élaboration du répertoire des eaux secondaires et principales.
Il est très difficile de faire respecter le droit du public à la navigation lorsqu'on dresse ce genre de liste. Il est bien préférable d'avoir une interdiction générale de ce qui peut entraver le droit de navigation. Il existe des moyens, comme les examens préalables par catégorie prévus dans la Loi sur l'évaluation environnementale, qui peuvent faciliter l'étude de projets mineurs, plus modestes.
[Français]
Il faut comprendre aussi qu'on n'a pas déposé de projet de loi. La définition de navigabilité par les tribunaux, au fils des ans, doit être repensée. Nous faisons partie des décideurs, nous sommes les législateurs. Il est normal qu'on demande qu'un projet de loi, une fois déposé, soit analysé pour avoir...
Il faut protéger les rivières navigables; c'est mon objectif. On tient compte de la définition que vous en faites en fonction du temps de l'année et d'autres éléments. Donc, on nous proposera une définition. L'interprétation actuelle des tribunaux entraîne une kyrielle de demandes, ce qui augmente de façon importante le travail du ministère. Le temps est venu de voir ce qu'on peut nous suggérer et, par la suite, de faire comparaître tous les intervenants, tant environnementaux que les autres, pour qu'ils nous disent s'ils sont d'accord sur la nouvelle définition qu'on veut proposer. Mais je ne voudrais pas qu'on reparte avec l'idée qu'on veut privatiser des rivières ou qu'on veut simplement l'empêcher. Au contraire, ce qu'on veut, c'est protéger les eaux navigables.
En tant que Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, on doit se questionner sur la définition du mot « navigable ». Est-ce du transport, du tourisme, du loisir? C'est ce qu'on va faire. Quand on constate les résultats, on peut penser que les tribunaux sont peut-être allés trop loin dans leur interprétation. Il est temps de rétablir le balancier selon notre optique, qui est celle de permettre le transport. Pour le reste, d'autres lois s'appliquent. Il y a le ministère des Pêches et des Océans, le ministère de l'Environnement, etc. C'est pour cette raison qu'on a essayé de se distancer en disant qu'il faut appliquer les autres lois et les maintenir.
Maintenant, qu'est-ce qui est transport et qu'est-ce qui est navigable? Il est temps de recentrer la définition. On vous demande de nous aider à examiner l'effet qu'a eue la définition des tribunaux au cours des ans, à tort ou à raison. Selon cette définition, dès qu'on peut naviguer sur 100 mètres, on considère qu'il s'agit d'un cours d'eau navigable. Ce n'était pas le but de la loi quand on l'a créée. En tant que défenseurs du transport, nous devons examiner ces aléas.
[Traduction]
Je vois ce que vous voulez dire. Sans définition au départ, ce n'est pas facile pour nous. Dans nos recommandations, nous avons dit que, si le Comité des transports ou Transports Canada tiennent à adopter ces modifications, il faudrait proposer un libellé plus précis au public pour consultation. Je ne veux pas raisonner dans l'abstrait: nous ne connaissons pas la définition proposée des eaux navigables.
Je ne voudrais pas non plus saper ni remettre en question les décisions de la cour sans avoir pu passer la jurisprudence en revue. Je présume qu'il y a une raison si les juges se sont prononcés comme ils l'ont fait et si la définition a évolué de la sorte au gré de la jurisprudence. Il me semblerait important que le comité examine les arguments qui ont contribué à cette évolution.
Du point de vue de la collectivité, c'est le plus souvent ainsi que la loi évolue. Le gouvernement légifère et la loi est ensuite interprétée par les tribunaux, dans les politiques et les applications. Je ne voudrais pas nier la valeur des efforts des tribunaux, car ils ont pu avoir un point de vue valable, de bonnes raisons d'élaborer cette définition.
Merci.
Entendons-nous sur un point: le comité a été invité à étudier la loi et à faire des recommandations au gouvernement, qui proposera des modifications. Et le public pourra commenter ces modifications, donner son point de vue.
Pour l'instant, le comité étudie simplement la loi pour voir s'il est possible de la modifier pour l'améliorer. De toute évidence, la participation du public sera très importante lorsqu'il s'agira d'arrêter une décision.
Sur le plan des principes, s'assurer que la définition est la plus large possible pour protéger les utilisations futures... d'après ce que le public dit, c'est ce qui importe vraiment.
Oui, et je suis certain que vous comparaîtrez de nouveau devant le comité s'il décide de présenter certaines recommandations au gouvernement.
Monsieur Masse.
Merci, monsieur le président.
Merci de votre témoignage, madame Tully. Vous ajoutez une information nouvelle, une autre dimension au débat que les autres témoignages n'ont pas donnée.
Je viens de Windsor, en Ontario, où nous avons le Detroit Riverkeeper. Ce programme est une grande réussite. Vous avez raison de dire qu'il s'agit d'une organisation de la base, mais la richesse et la valeur des compétences juridiques sont prisées également, et vous avez vu progresser bien des projets locaux.
Vous avez signalé la distinction entre secondaire et principal, qui me semble importante. Bien des collectivités progressistes de la planète travaillent en milieu urbain pour remettre en état des rivières et leurs tributaires qui ont été altérés. Peut-être pourriez-vous parler davantage de cette évolution. Il me semble que c'est un point important que vous avez soulevé. La Petitcodiac est un exemple, mais il y a d'autres projets de remise en état de cours d'eau en milieu urbain. Il s'agit d'une richesse pour l'environnement et la collectivité.
J'ai grandi à Oshawa, tout à côté de Toronto, sur le lac Ontario. C'est une ville passablement industrielle. J'ai grandi dans un milieu où il était acquis que le lac Ontario était sale. Il n'était pas question d'aller se promener en canot sur le ruisseau d'Oshawa ni d'y faire de la pêche.
Grâce à mon travail avec Waterkeeper, je constate dans la collectivité que, ces dix dernières années, les attentes ont changé à l'égard des cours d'eau au Canada. Les gens commencent à se dire que nos cours d'eau devraient être propres, que nous avons la technologie, les compétences et la sagesse nécessaires pour retrouver une partie de ce que nous avons perdu. Il y a eu beaucoup de destruction, nous avons perdu des habitats pour le poisson et des possibilités de navigation, mais il y a aussi un regain d'espoir et d'enthousiasme, une compréhension de l'importance de ces cours d'eau pour la culture et les entreprises de notre collectivité.
Par exemple, c'est à cause de la rivière Oshawa que la ville se trouve là où elle est. C'était un port naturel très important. C'était une zone navigable très importante. À cause du développement, au fil des années, la rivière s'est tarie au point qu'on parle plutôt du ruisseau Oshawa, de nos jours. Un simple changement d'appellation a fait oublier aux gens ce que la rivière était censée être.
Grâce au travail de la ville d'Oshawa et de l'Oshawa Marina Users Group et d'autres organisations, nous commençons à nous dire qu'il est possible de remettre l'Oshawa en état et à nous souvenir de ce qu'elle pourrait être. C'est très important. Nous observons la même évolution à Toronto. Aussi à Hamilton, de même que dans à peu près toutes les zones industrielles et urbaines des Grands Lacs. C'est la même chose dans des villes maritimes, et sûrement à Moncton.
Donc, la Loi sur la protection des eaux navigables n'est pas mauvaise, mais elle a un certain âge. Il est très bien qu'elle soit ancienne, car cela nous rappelle ce que le Canada est censé être, cela nous rappelle les droits, privilèges et possibilités que le public est censé avoir. Je crois que ce genre de travail... Je pourrais poursuivre pendant une heure et parler de toutes les collectivités qui ont actuellement des projets de remise en état en cours.
Nous vivons une période passionnante à bien des égards. Il est possible de réaménager des zones urbaines sous-utilisées et d'apporter un surcroît de qualité de vie inattendu ou depuis longtemps oublié.
Vous avez parlé des plaisanciers. Pourriez-vous parler davantage de la navigation de plaisance? Elle est très importante dans la région des Grands Lacs.
J'ai aussi quelques inquiétudes au sujet de la modification qui porte sur les petits ouvrages. Tous les ans, je vais faire du kayak. Si les quais ne sont pas aménagés correctement, il peut y avoir une nette différence dans l'utilisation que le public fait du cours d'eau et dans le débit, étant donné les entraves à la navigation.
Pourriez-vous nous expliquer comment les plaisanciers pourraient participer à cet effort?
La navigation de plaisance est vraiment importante. Partout où on va, ce milieu est un peu différent.
Sur l'Outaouais, il y a le programme Sentinelle Outaouais. C'est l'une des plus belles rivières de rafting au monde. Le milieu de la navigation de plaisance y est très fort. Il a des préoccupations et des intérêts très particuliers. Cela fait penser à Kingston, où on ne navigue pas autant sur le fleuve — il s'agit davantage du port — mais c'est une grande ville pour la voile. Il y a des Councils of Commodores un peu partout au Canada. Ce sont des gens qui comprennent vraiment les eaux navigables, car ils sont tous les jours sur les plans d'eau.
On peut se dire: je construis un quai de deux pieds plus long que l'ancien, que je dois remplacer parce qu'il est pourri. On est au chalet et le projet semble mineur. Ce n'est pas une grande affaire. En fait, cela peut avoir un impact énorme sur les utilisations courantes du cours d'eau.
C'est ce que nous voyons sur l'Hudson, dont il a été question. J'ai eu la chance d'y passer une semaine l'an dernier pour faire du camping et apprendre à connaître le fleuve. Il y a là-bas des règles très strictes sur l'emplacement des quais et leur longueur. Au fil des ans, il y a eu des problèmes sur le fleuve à cause de petits projets que les gens ne jugeaient pas très importants, mais qui ont entravé l'exercice d'un droit passablement important.
D'après votre expérience dans la protection des rivières, pouvez-vous comparer les lois canadiennes et américaines pour ce qui est de la remise en état des cours d'eau? Sauf erreur, nous sommes désavantagés par rapport à nos amis américains.
Il nous faudrait probablement envisager des moyens plus progressistes d'améliorer nos cours d'eau et leurs tributaires au lieu de nous priver d'un des moyens que nous avons à notre disposition.
Les systèmes américain et canadien sont complètement différents en ce qui concerne la protection de l'environnement. Les Américains ont le Clean Water Act, qui encourage la participation citoyenne. Cela favorise des poursuites importantes. Les Canadiens ont l'impression que c'est extrêmement procédurier et adversatif, mais, pour l'essentiel, il s'agit de formalités administratives analogues à ce que nous avons pour accorder des certificats d'approbation en vertu de lois provinciales.
La différence, c'est que, dans la législation américaine en matière d'environnement, on prévoit que les collectivités participeront aux décisions. Au Canada, on a tendance à nous reprocher assez rapidement le syndrome « pas dans ma cour », à nous accuser d'avoir des motifs cachés ou de servir des intérêts particuliers, alors que nous cherchons à arriver aux meilleures décisions possibles. La participation citoyenne est beaucoup plus encouragée dans le système américain que dans le canadien.
Cela dit, dans le régime canadien, la Loi sur les pêches est quasi pénale. Celui qui enfreint cette loi est passible de poursuites pénales. Une dimension inhérente à la législation canadienne est que les atteintes aux droits du public en matière d'environnement sont extrêmement graves, qu'elles sont une menace à l'intérêt public, alors que le régime américain repose bien davantage sur la responsabilité civile délictuelle, les dommages et les problèmes entre intérêts privés.
Merci.
Avant de passer à M. Fast, je signale que nous avions prévu une heure pour cet échange, mais, à cause du vote différé... et j'ai aussi à l'ordre du jour l'avis de motion de M. Volpe pour la dernière partie de la séance. Le comité accepterait-il que nous poursuivions nos échanges et donnions au témoin tout le temps qui avait été prévu? Il me faut une décision, car nous devrions normalement passer maintenant au débat sur la motion de M. Volpe.
Monsieur Volpe, qu'en pensez-vous?
Oui. Je vous remercie d'aborder la question. Je sais que vous avez fait de grands efforts pour faire comparaître Mme Tully. J'ai hâte que nous discutions de ma motion et que nous prenions une décision. Nous avions convenu que M. Jean donnerait la réponse du gouvernement à ma motion avant que nous n'en débattions. Mais il est vrai que nous en sommes là à cause de circonstances indépendantes de notre volonté.
Si mes collègues du comité souhaitent poursuivre l'échange avec Mme Tully, je suis prêt à discuter de ma motion mardi.
Tout le monde est d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Nous discuterons donc de la motion de M. Volpe mardi prochain
Désolé, madame Tully, mais il y a une procédure à respecter.
Monsieur Fast, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
Merci, madame Tully, de comparaître par téléconférence.
Je voudrais en savoir un peu plus sur votre organisation. Combien de personnes composent votre personnel rémunéré?
Lake Ontario Waterkeeper est un organisme de bienfaisance canadien enregistré dont le siège se trouve à Toronto. Nos membres ne paient pas de frais d'adhésion comme on le croirait d'une organisation semblable. Nous représentons des milliers de personnes et d'organisations locales de la région du lac Ontario. Nous collaborons avec d'autres programmes Waterkeeper au Canada. Notre président, Mark Mattson siège également à la Waterkeeper Alliance, où il représente les programmes canadiens. Il préside aussi Fraser Riverkeeper, organisation plus récente qui compte des membres dans la région de Vancouver. Nous représentons des milliers de personnes qui habitent dans le bassin hydrographique du lac Ontario et nous collaborons avec neuf autres programmes au Canada.
Vous représentez des milliers de personnes, mais comment? Remplissent-ils un formulaire d'adhésion ou sont-ils simplement sur la liste de distribution?
Nous avons des membres qui versent une cotisation. Certains nous donnent 30 $ ou 50 $ par année. Nous avons des activités de financement auxquelles des centaines de personnes participent.
Comment savez-vous que vous avez des milliers de membres? Parce que ces gens ont signé un formulaire d'adhésion ou parce qu'ils reçoivent vos envois postaux?
Ce sont des gens qui se considèrent comme des membres de Lake Ontario Waterkeeper parce qu'ils nous paient des frais d'adhésion de 30 $ par année ou qu'ils travaillent régulièrement avec notre personnel. Nous ne faisons pas d'envois postaux directs à l'improviste comme vous l'entendez peut-être. Nous ne dirions jamais qu'un parfait étranger est membre de l'organisation.
Quelle est votre principale raison d'être? Quel est l'énoncé de mission de votre organisation? J'essaie de préciser votre champ d'action. Est-ce l'environnement? La protection des voies navigables?
Notre mandat consiste à remettre en état et à protéger le lac Ontario et le bassin hydrographique des Grands Lacs. Nous avons recours aux lois. Nous nous occupons donc des lois fédérales et provinciales, nous commentons les certificats d'approbation et nous dispensons un enseignement aux étudiants en droit. Nous avons encadré une centaine de ces étudiants au cours des six dernières années, leur expliquant, s'ils veulent orienter leur carrière de ce côté, comment fonctionnent les lois environnementales.
L'accent est donc mis sur l'environnement et la qualité des bassins hydrographiques auxquels vous vous intéressez. Est-ce exact?
Cela dépend de la définition de l'infrastructure. Nous avons vu à quel point ces cours d'eau pouvaient être importants. Ils sont au fond l'infrastructure naturelle des collectivités canadiennes. Il est impossible de récupérer des cours d'eau au Canada si on ne s'assure pas que les lois en matière d'environnement sont respectées.
Ils font partie du fondement de la collectivité. Voulez-vous parler des infrastructures artificielles ou de la richesse et des actifs qui servent de fondement aux collectivités?
Je veux simplement m'assurer que nous comprenons la raison d'être de votre organisation.
Soit dit en passant, je ne cherche pas le conflit. Je veux simplement comprendre l'orientation de votre travail. Je présume qu'il s'agit de protéger l'environnement et la qualité de l'eau dans les cours d'eau de votre territoire. Est-ce exact?
C'est exact.
Si vous essayez d'établir le lien entre le mandat environnemental de l'organisation et celui de la Loi sur la protection des eaux navigables, on peut dire que les deux vont de pair depuis 2 000 ans, comme j'ai essayé de l'expliquer, mais je ne l'ai peut-être pas fait assez bien. Si nous protégeons ces cours d'eau, ce n'est pas pour les cours d'eau eux-mêmes, mais parce que les collectivités en ont besoin pour être vigoureuses. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
Voilà qui m'amène à la question clé. Il s'agit de savoir si la Loi sur la protection des eaux navigables vise à protéger l'environnement. Sauf erreur, la plupart des membres du comité sont partis de l'hypothèse, après avoir lu la loi, que son but est de protéger la navigation et, effectivement, l'accès public aux cours d'eau. Ce projet de loi ne vise pas à protéger l'environnement, mais il y a dans la loi actuelle des éléments qui peuvent déclencher des évaluations environnementales.
Beaucoup de témoins ont déjà comparu devant nous, et nous avons reçu de nombreux mémoires. Dans à peu près tous les cas, on a souligné la vétusté de cette loi: la loi date, elle est incapable de répondre aux besoins actuels du Canada à cause de l'incapacité de mettre l'infrastructure en place, à cause de tous les obstacles que contient la loi et qui empêchent d'accomplir le travail.
Estimez-vous qu'il s'agit d'une loi sur l'environnement aussi bien que sur la navigabilité, comme vous l'avez dit au départ, de façon à protéger le droit du public d'accéder aux cours d'eau plutôt que de se préoccuper avant tout des aspects environnementaux?
D'abord, je ne crois pas avoir dit explicitement que la Loi sur la protection des eaux navigables est une loi environnementale. Cette loi est exactement ce qu'elle dit être. Elle est là pour protéger la navigabilité, la navigation, le droit du public de naviguer.
Cela dit, ce n'est pas sans raison qu'elle prévoit des évaluations environnementales. Chaque fois qu'il est question du droit d'accès à l'eau, il y a des conséquences environnementales. J'espère avoir été utile en en parlant un peu aujourd'hui.
Je voudrais dire plus particulièrement qu'on ne peut pas vraiment séparer les impacts environnementaux des autres éléments. Je m'inquiète un peu du fait que vous semblez vouloir séparer les questions environnementales des questions de navigation. Nous n'avons aucune motivation cachée. Nous sommes ici pour vous donner le point de vue qui s'exprime sur le terrain, pour vous dire à quel point cette loi est importante pour les personnes et pour le processus de prise de décisions.
Je vous assure que ce n'est pas le cas, nous ne séparons pas les deux aspects. Nous essayons de rétablir un certain équilibre. Comme M. Laframboise l'a dit, il n'y a plus d'équilibre entre l'environnement, la navigabilité et l'infrastructure. Nous ne voulons pas revenir 2000 ans en arrière. Nous ne voulons pas d'une loi qui a 100 ans. Nous voulons une loi moderne qui répondra aux besoins d'aujourd'hui.
Des collectivités de tout le Canada se plaignent. Il y a unanimité — municipalités, FCM, provinces, territoires et villes des quatre coins du Canada — pour dire que la loi actuelle est un énorme obstacle lorsqu'il s'agit de construire des infrastructures dont nous avons grand besoin.
Vous proposez que nous renoncions à rétablir cet équilibre et que l'accent premier soit toujours mis sur la navigabilité et l'environnement. Nous n'en nions pas l'importance, mais nous disons qu'il n'y a plus d'équilibre. Depuis de longues années, il y a des délais trop longs.
Je ne peux rien dire de la charge administrative sur laquelle on vous aura renseigné et qui peut être celle de certains fonctionnaires au ministère des Transports, par exemple. J'hésiterais beaucoup à dire qu'un texte comme la Grande Charte, si ancienne soit-elle, a perdu sa pertinence ou son importance. C'est l'un des fondements de tout ce qui est considéré comme juste et respectueux des droits du public au Canada. La navigation a toujours fait partie de ces droits.
Je le répète, l'objet de la loi est de protéger les personnes, les citoyens et leur droit de naviguer, et non de protéger les intérêts de ceux qui voudraient empiéter sur ce droit. C'est l'équilibre que le comité cherche peut-être à établir.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, madame Tully. Je dirai tout de suite que vos réponses me semblent très rafraîchissantes. Vous nous avez donné un point de vue différent. J'aime bien que vous puissiez répondre à toutes les questions sans devoir vous reporter à vos notes. J'essaie de faire comme vous, mais il faut que je consulte les miennes.
Madame Tully, nous avons examiné les demandes présentées en vertu du programme de protection des eaux navigables. Il y a un certain temps, nous avons accueilli des représentants de différentes administrations pour qu'ils nous donnent une idée du nombre total de demandes à l'étude et de celles qui sont acceptées. Je voudrais vous lire deux ou trois choses, si vous n'avez pas d'objection.
En 2006, par exemple, sur 2 741 demandes reçues, 2 038 ont été acceptées et seulement 46 rejetées. L'année suivante, sur un total de 4 432, seulement 153 ont été rejetées. Si je vous présente ces deux chiffres — ceux des huit années précédentes sont semblables —, c'est que les membres du comité voulaient savoir ce qui pressait tant pour qu'ils examinent ces questions. Le problème, c'est que les délais étaient occasionnés non par le fond, mais par le processus. C'est la même chose qui revenait sans cesse. Des recommandations qui se présentent comme des modifications sont des mesures qui, si le Parlement les approuvait, faciliteraient un processus qui donnerait toujours un taux d'acceptation semblable aux chiffres que je viens de donner.
Deuxièmement, je voudrais vous signaler, pour que vous puissiez y réfléchir, que nous avons accueilli des représentants du ministère de l'Environnement, de celui des Pêches et des Océans, et de diverses provinces. Vous avez entendu un de mes collègues parler de la délégation envoyée par l'Alberta et d'autres provinces. Les représentants ont comparu après avoir consulté des intérêts dans le domaine de l'environnement, des groupes environnementaux, etc., et ils ont fait un exposé que vous avez critiqué.
Y a-t-il une coupure qui nous échappe et dont nous devrions tenir compte? Nous avions l'impression que nous chercherions à faciliter la satisfaction des besoins en infrastructures locales au lieu d'examiner des questions de portée plus générale qui ne sont pas abordées ni évoquées dans la loi et qui n'excluent pas l'intervention du MPO ou du ministère de l'Environnement, des provinces et du gouvernement fédéral. Qu'est-ce qui nous échappe?
Je vais répondre d'abord à votre deuxième question.
À ma connaissance, aucun des groupes de Waterkeeper n'a jamais été consulté à ce sujet. Chose certaine, aucune des organisations de bénévoles du bassin du lac Ontario avec lesquelles j'ai eu des contacts n'a été consultée à ce sujet. Cette semaine, nous avons descendu la rivière Abitibi, reproduisant un voyage traditionnel des Autochtones. Les participants n'étaient pas non plus au courant de ces questions. Il est possible qu'il y ait eu une rupture plus tôt dans les communications, que les groupes de la base ou un nombre suffisant d'organisations n'aient pas été rejoints ou consultés. C'est peut-être pour cette raison que ce point de vue est neuf ou plus neuf pour le comité.
Je dirais également que...
Pendant que vous réfléchissez un instant, je dirai que j'ai été frappé également — puisque vous utilisez l'exemple de Toronto et que je suis Torontois — par la prolifération des ports de plaisance sur le bord du lac, le remblayage qui a été fait dans le secteur du port de Toronto. Toute la rue Front et le sud reposent sur des remblais. Tout cela doit avoir un impact énorme sur les eaux navigables, la qualité de l'eau et l'environnement. Toutefois, les modifications à la loi ne comprennent rien à ce sujet. Il serait probablement prétentieux d'envisager quoi que ce soit de toute façon. C'est un aparté personnel.
Comment pouvons-nous concilier un mouvement de grande ampleur — qu'il s'agisse de la navigation de plaisance ou des besoins des entreprises et de la société — et une question comme celle-ci, les eaux navigables? Je ne veux pas simplifier, mais on dirait au fond que c'est quelque chose comme ceci: l'agriculteur qui se trouve dans le champ A doit pouvoir construire un pont ou faire d'autres travaux, ou bien une petite collectivité doit faire certaines choses. Je ne veux offenser personne, mais cela n'a rien à voir avec le bord du lac à Toronto, où tous les excès semblent aller de soi.
La Loi sur l'évaluation environnementale offre des moyens. Il y a le rapport d'examen préalable, dont j'ai parlé. On n'a pas besoin de faire toutes les évaluations environnementales à partir du début. Lorsque la situation s'y prête, il y a aussi les examens préalables par catégorie pour les petits ponts et d'autres travaux semblables.
Deuxièmement, pour ce qui est des retards dans le processus, l'évaluation environnementale proprement dite n'est pas très longue, sur papier. Il n'y a pas de consultations publiques sur tous les projets. La loi permet des décisions discrétionnaires sur la participation du public. Ensuite, lorsqu'il y a participation du public à l'étape de l'examen préalable, la période obligatoire d'examen des documents n'est que de 30 jours. En toute rigueur, le processus d'évaluation environnementale peut n'entraîner qu'un délai de 30 jours. Je ne suis pas sûre de comprendre pourrait une évaluation environnementale serait un élément aussi dissuasif.
Quant à la différence entre le nombre des demandes et celui des approbations, il serait intéressant de voir s'il arrive souvent que l'évaluation environnementale permet d'améliorer la proposition initiale. La plupart du temps, lorsque nous participons à des évaluations environnementales, ce n'est pas pour empêcher la réalisation d'un projet. Nous essayons de nous assurer que le projet n'empiète pas sur les droits du public et de voir de quelles conditions le projet doit être assorti pour qu'on tienne compte des différentes utilisations: baignade, eau de consommation, pêche, navigation, etc.
Je comprends, madame Tully, mais pour ma part, au comité, j'ai eu du mal avec les divers ministères dont l'intérêt doit être déclenché avant que des demandes ne soient présentées. C'est pourquoi je vous ai donné les chiffres sur les demandes reportées d'année en année: plus de 2 000 sont étudiées chaque année, mais il y en a autant qui ne le sont pas. J'en déduis que le délai est bien supérieur à 30 jours.
Si nous avons ces chiffres, c'est que le comité a exigé du ministère une liste des délais, les détails sur les demandes qui sont retardées et le pourquoi des retards, de façon que nous examinions un problème réel au lieu de nous fier à des impressions.
Au moins quatre ministères fédéraux doivent intervenir chaque fois qu'il y a une question sérieuse et aucun n'intervient nécessairement à l'instigation d'un autre. Ils agissent de façon indépendante et les ministères provinciaux respectifs se comportent de la même façon. Je crois que M. Laframboise vous a donné tout à l'heure une idée de l'exaspération qui se fait sentir au niveau provincial au sujet de la façon dont tous les ministères qui interviennent activement dans l'intendance de l'environnement participent au processus. À moins que je n'aie rien compris, on a demandé au comité de proposer un mécanisme, non pas nécessairement pour écarter certaines questions afin que nous puissions réaliser les travaux, mais pour réunir tous les précédents, les cas qui se répètent sans cesse, afin que, sur le plan administratif, nous puissions veiller sur certains enjeux environnementaux — pour emprunter l'exemple le plus flagrant, il y a le cas de la chaussée de la Petitcodiac — et que les autres questions qui n'entrent pas dans la catégorie en cause soient laissées de côté.
J'ignore si je me fais bien comprendre, madame Tully. Je demande si les principes et l'idéologie du développement social et du développement économique qui ont dominé — ou ont été inexistants il y a 30, 40, 50 ou 60 ans — et ceux d'aujourd'hui peuvent être conciliés avec les besoins immédiats que d'autres ont définis à partir des positions que vous avez exposées, des positions de principe institutionnalisées qui viennent de la base.
Avez-vous jamais été consultés?
Non. Nous avons été informés par la lettre de votre président. Nous lisons la Gazette du Canada, mais aucun ministère n'a jamais communiqué avec nous pour nous consulter sur cette question.
Je ne doute pas qu'il puisse y avoir un problème administratif dans les modalités d'application de la loi. Je dirais que la solution n'est pas de modifier la loi. La loi est acceptable. Les problèmes ne sont pas inhérents au libellé. Ils résident peut-être dans l'interprétation qu'on en fait ou dans la façon dont les programmes sont administrés dans l'appareil gouvernemental. Pour toutes les propositions qui ont été avancées, il est inutile de modifier la loi pour régler le problème.
Je ne doute pas un instant de la légitimité des problèmes ou préoccupations que vous avez soulevés. Je dis simplement que je ne crois pas que modifier la loi soit la seule solution possible. Ce ne semble pas être le cas.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Bonjour, madame Tully.
Je veux revenir sur la distinction à faire entre environnement et navigabilité des cours d'eau. Vous me direz ce que vous pensez de mon interprétation. Selon moi, la navigabilité d'un cours d'eau est une question d'environnement. Il s'agit de notre environnement naturel, dont nous pouvons disposer. Naviguer sur un cours d'eau, c'est pouvoir profiter de notre environnement. Protéger nos eaux navigables, c'est aussi protéger notre environnement.
J'aimerais connaître votre avis sur cette définition que je vous propose.
[Traduction]
Je crois que c'est juste. Pour l'essentiel, il ne nous semble pas que les collectivités soient divisées entre les environnementalistes et les autres. En général, tous se soucient de l'endroit où ils vivent. Que les gens se considèrent comme des environnementalistes ou non, une eau propre et l'accès aux cours d'eau sont essentiels à la réussite et à la bonne santé de la collectivité.
La navigabilité est un indicateur qui permet de dire si une population ou une collectivité contrôle toujours son cours d'eau ou son plan d'eau, si elle y a toujours accès et si sa relation avec ces eaux est saine.
[Français]
Merci.
Dans vos recommandations, à la fin de votre exposé, vous nous parlez des propositions portant les numéros 1 à 3. Vous recommandez la tenue d'une consultation publique afin de faire participer les organismes sans but lucratif et le milieu universitaire. Est-ce à dire qu'à votre avis, la consultation qu'on mène actuellement est insuffisante? Vous avez pris connaissance des témoignages précédents. Croyez-vous que la consultation devrait être plus large? Recommandez-vous qu'elle se fasse partout au pays plutôt que d'être concentrée à Ottawa?
[Traduction]
Oui, c'est certainement ce que nous recommanderions. Comme je l'ai dit les questions de navigation et de navigabilité se présentent fort différemment d'une collectivité à l'autre. Moi qui suis de la région du lac de l'Ontario, je ne prétendrais jamais que je représente une collectivité maritime sur le bord de l'océan où les enjeux, avec les marées, les estuaires, etc., sont fort différents.
Sauf votre respect, je dirai que, en général, il est difficile aux particuliers de participer aux travaux d'un comité. Il n'y a pas beaucoup d'information sur la date où les audiences auront lieu. Il n'y a pas beaucoup de possibilités pour la présentation de mémoires. Pour des gens qui ne sont pas forcément des environnementalistes de profession ou des spécialistes du transport maritime ou fluvial, le comité n'est pas toujours le cadre idéal pour présenter des sujets de préoccupation au gouvernement. Je crois aussi que les universitaires, dans ce cas particulier, puisqu'il s'agit d'une question de droit et de principe, à certains égards, pourraient apporter une contribution valable en expliquant pourquoi ce droit est important pour les gens et ce qu'on peut faire pour le protéger.
Nous sommes un organisme de bienfaisance. Nous faisons de la sensibilisation. Nous aidons la population. Nous ne faisons pas de lobbying. Je ne suis pas ici aujourd'hui pour essayer de dire au gouvernement ce qu'il doit faire ou ne pas faire. Nous ne viendrions pas vous dire que vous ne pouvez apporter ces modifications. Par contre, nous recommanderions instamment qu'il y ait des consultations nationales si le comité ou le gouvernement entendent apporter les modifications prévues dans les trois premières propositions. Vous apprendriez beaucoup de choses. La collectivité a beaucoup à dire. Il y a peut-être sur le terrain plus de préoccupations que le gouvernement n'en est actuellement conscient.
[Français]
Merci.
Je voulais vous poser une question sur la proposition qui porte le numéro 3. Elle porte sur le retrait des quatre ouvrages désignés dans la loi. On parle de ponts, estacades, barrages et chaussées. Il s'agit nécessairement de travaux majeurs. Au Québec, dans le cas de tous les ouvrages majeurs, un processus d'étude environnementale est appliqué par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. En ce sens, on bénéficie d'une certaine protection.
Avez-vous étudié la situation dans chaque province? En Ontario, jugez-vous que la loi offre suffisamment de protection, ou vous en remettez-vous entièrement à la loi fédérale?
[Traduction]
En Ontario, la législation fédérale est essentielle, car la plupart des exigences provinciales en matière d'évaluation environnementale ne s'appliquent qu'aux travaux de ressort provincial. Le processus provincial d'évaluation environnementale ne serait pas nécessairement déclenché si un promoteur privé, par exemple une société, voulait construire un pont ou aménager une chaussée. En Ontario, la collectivité doit donc beaucoup s'appuyer sur la loi fédérale.
Il est vrai que les exigences en matière d'examen environnemental varient de province en province. Le Québécois ont beaucoup de chance d'avoir déjà cette protection en place. En ayant cette norme nationale en place, toutes les collectivités au Canada ont les mêmes possibilités.
Merci, monsieur le président. Et merci au témoin de sa présence.
Nous avons entendu le point de vue des municipalités, des provinces et des territoires sur l'étude que nous réalisons. Même si ses représentants n'ont pas témoigné, nous sommes nombreux à avoir entendu l'opinion du milieu agricole. Dans nos propres collectivités, nous avons entendu des groupes locaux qui veulent aménager des sentiers et rendre leur milieu plus agréable à vivre. Nous avons entendu une foule de gens, et voici que nous avons aujourd'hui votre témoignage.
L'écrasante majorité des témoignages confirment qu'il faut modifier et moderniser la loi. Vous sentez peut-être un peu le scepticisme avec lequel le comité accueille votre témoignage. C'est parce que la très grande majorité des témoignages nous indiquent que la loi ne marche pas comme il le faut, qu'elle devrait protéger la navigation, qu'il ne s'agit pas nécessairement d'une loi environnementale, qu'il y a peut-être d'autres protections environnementales au niveau fédéral et à d'autres niveaux de gouvernement, qui visent ces problèmes particuliers. Votre témoignage propose aujourd'hui un point de vue bien différent.
J'ai lu le mémoire remis au comité — votre résumé et vos observations — et, si je le comprends bien, vous voulez en somme que la loi reste inchangée, à l'exception d'un renforcement des dispositions d'exécution. Est-ce que j'ai bien compris votre mémoire?
Oui. Nous avons répondu aux sept propositions de modification. Nous les avons passées en revue et nous avons donné notre avis. Il y a une exception, celle de la Convention sur l'enlèvement des épaves. Nous n'avons rien à dire à ce sujet.
Voici au fond ce que nous avons fait: nous avons examiné les propositions et les projets dont nous nous occupons, nous avons échangé avec des collectivités avec lesquelles nous collaborons et nous avons essayé de comprendre comment les modifications les toucheraient. Puis, nous vous avons donné notre analyse et nos observations sur chacune des sept modifications, qui ont été proposées, sauf erreur, par le ministère des Transports.
Voilà une réponse longue et sinueuse. Dois-je comprendre que Lake Ontario Waterkeeper croit en somme que la loi actuelle fonctionne bien sauf en ce qui concerne l'exécution et l'inspection? Est-ce exact?
Nous disons que la loi actuelle ne suscite aucune préoccupation majeure. C'est ce que nous avons à répondre aux sept propositions du ministère des Transports. Les trois premières propositions auraient un impact sur la collectivité.
Je vais donc aller un peu plus loin. Si la loi fonctionne bien, comme vous dites, et si les modifications visent à reprendre les dispositions sur les sanctions de la Loi sur les pêches et à renforcer les pouvoirs d'inspection, vous voulez donner à cette loi un caractère plus environnemental et l'éloigner de la question de la navigation. Est-ce exact?
Non, ce n'est pas exact du tout. D'abord et avant tout, la Loi sur la protection des eaux navigables est là pour reconnaître le droit de tous les citoyens de naviguer et d'avoir accès aux cours d'eau publics.
Nous avons étudié les sept modifications proposées. Si le ministère croit qu'il faut élargir la fourchette des amendes, nous lui donnons l'exemple d'une loi récemment modifiée ou modernisée, pour reprendre le mot que vous utilisez, celui de la Loi sur les pêches. Ce n'est pas là une priorité de notre organisation et elle ne fait pas campagne à ce sujet; il s'agit de notre réponse à la proposition et nous nous efforçons d'être utiles au comité.
Y a-t-il d'autres modifications que vous voudriez apporter à la loi? Nous cherchons à moderniser la loi...
Je demande si vous auriez des modifications à proposer. Votre mémoire répond aux sept recommandations de Transports Canada. Je n'y vois aucune proposition de modernisation, à la petite exception près de l'inspection et de l'exécution.
Avez-vous d'autres idées pour moderniser la loi, en dehors de votre simple réponse aux sept recommandations? Comment envisageriez-vous une modernisation de la loi? Ou préférez-vous qu'elle demeure à peu près inchangée?
Il me semble juste de dire que nous n'avons pas d'opinion, dans un sens ou dans l'autre, sur la Loi sur la protection des eaux navigables, sauf que le comité lui-même l'examine, et nous avions certaines compétences et des éléments d'information que nous pouvions lui offrir pour l'instant. Notre organisation ne cherche à modifier ni la Loi sur la protection des eaux navigables ni sa raison d'être.
Merci, monsieur Watson.
Il me reste une seule personne sur ma liste, et c'est vous, monsieur Jean. Il ne vous reste que deux minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, madame Tully, de comparaître aujourd'hui. Il est toujours agréable d'entendre vos témoignages.
Je suis un adepte fervent du canotage en eau vive dans le nord de l'Alberta et je peux vous dire que j'ai reçu des lettres de citoyens canadiens qui s'inquiètent de la navigation. Je m'inquiétais aussi. Alors je suis allé vérifier. Je tiens à rassurer ceux qui écoutent les délibérations: le gouvernement du Canada n'envisage aucunement de réduire les droits en matière de navigation en modifiant la Loi sur la protection des eaux navigables. Nous n'envisageons rien de tel.
Ce n'est pas ce que fait le gouvernement du Canada. J'ignore si vous savez ce que nous faisons, mais prenons l'exemple des aérodromes. Il s'agit d'endroits où on peut se poser sur l'eau. N'importe qui peut en aménager un. Personne ne peut l'empêcher. C'est que les avions n'existaient pas, il y a 100 ans, lorsque la loi a été adoptée. Nous devons faire quelque chose pour que les municipalités, les administrations locales aient le pouvoir de gérer ce genre de chose pour des raisons de sécurité. La navigation est visée, bien entendu.
Vous avez parlé de contamination et de pollution. Elles n'ont rien à voir avec cette loi-ci. Cette loi porte sur la navigation. Il est clair que nous ne voulons pas qu'il arrive ici ce qui s'est produit sur l'Hudson ou d'autres cours d'eau aux États-Unis. Ce n'est pas ce que nous faisons. C'est pourquoi nous examinons cette loi afin d'y apporter des modifications constructives.
Je voudrais en revenir à ce que M. Fast a demandé. J'ai consulté votre site Web. Il y est question de membres autorisés de Waterkeeper Alliance. Combien de membres autorisés avez-vous au Canada?
La Waterkeeper Alliance a son siège aux États-Unis, mais elle a neuf membres autorisés au Canada. Cela vous semble-t-il avoir du sens?
D'accord. C'est ce que je me demandais. Je comprends.
J'ai très peu de temps, mais je remarque que votre groupe s'occupe de la salubrité de l'eau potable des Canadiens. Avez-vous une position officielle sur notre Stratégie nationale sur l'eau? Nous sommes le premier gouvernement à en proposer une au Canada. Quelle est votre position à ce sujet?
Pour ma part, je n'ai pas étudié cette loi en détail. Mes recherches n'ont pas porté sur cette question. Nous avons été consultés et notre président, Mark Mattson, fait partie du Canadian Water Issues Council. Cet organisme s'est beaucoup occupé de la protection des ressources en eau — pour que l'eau reste dans les divers bassins hydrographiques — et de l'élaboration d'une loi modèle qui a été proposée par le Centre Munk, à l'Université de Toronto.
Pour ce qui est de la salubrité de l'eau potable, comme les autres députés l'ont dit, nous sommes une organisation environnementale. Nous nous intéressons donc à la protection des sources d'eau. Nous savons d'expérience et aussi d'après ce que nous ont appris d'autres organisations du mouvement Riverkeeper aux États-Unis que New York a une eau potable qui est parmi les meilleures et les plus propres au monde parce qu'elle a protégé l'eau à sa source. Je crois que toutes les organisations environnementales et tous les citoyens doivent être favorables à une loi qui protège vraiment l'eau potable pour toutes les collectivités.
Quant à la Stratégie nationale sur l'eau... de toute évidence elle va dans le sens du mot d'ordre de votre organisation, mais aussi dans le sens de la stratégie sur les Autochtones, qui a réduit de plus de la moitié le nombre de collectivités autochtones à risque au cours des deux dernières années. Votre organisation a-t-elle pris une position à ce sujet? De toute évidence, il est exceptionnel qu'un gouvernement prenne des positions comme celles-là. C'est une première dans l'histoire du Canada. En ce qui concerne l'eau, nous faisons ce qu'il y a à faire.
Le plus souvent, nous ne prenons pas position sur les lois. Nous ne le faisons pas, généralement, à moins qu'il ne s'agisse d'un domaine où nous avons des compétences et que nous ne voulions attirer l'attention du public. Je n'irai certainement jamais dire que je suis porte-parole de la collectivité des Premières nations.
Là-dessus, madame Tully, je dois vous remercier de votre patience avec le comité, car il y a eu des interruptions. Je vous remercie de vos observations. Je puis vous assurer que, si le comité présente des recommandations au gouvernement, elles seront communiquées au public, qui pourra les commenter.
Merci beaucoup.
J'informe le comité que, pour le mardi 3 juin, trois des quatre ministères ou organismes que nous avons invités ont confirmé leur présence: Transports Canada, Infrastructure Canada et Agence canadienne d'évaluation environnementale.
Je rappelle aussi aux députés que, pour nous aider à préparer les documents que nous communiquerons au ministère, les députés doivent nous les remettre au plus tard lundi, si possible. Je vous en serais reconnaissant. Nous pourrons les faire traduire et nous pourrons ensuite les commenter.
La séance est levée.