Bienvenue à la 13e réunion du Comité permanent des pêches et des océans.
Conformément à la motion adoptée par la Chambre le 26 mai 2020, à l’article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 1er juin 2020, le Comité reprend son étude sur le saumon du Pacifique, en se concentrant plus particulièrement aujourd’hui sur l’éboulement the Big Bar.
La réunion d’aujourd’hui se déroule en vidéoconférence. Les audiences sont publiques et on peut y accéder sur le site Web de la Chambre des communes. Sachez que le webcast montre la personne qui parle, et pas l’ensemble du Comité.
Les membres du Comité les connaissent maintenant par cœur, mais pour la gouverne des témoins qui comparaissent pour la première fois en ligne devant un comité de la Chambre des communes, je vais quand même vous lire les consignes qui s’appliquent:
Pour cette vidéoconférence, l’interprétation fonctionne presque comme pour une réunion ordinaire. Au bas de l’écran, vous avez le choix entre le parquet, l’anglais ou le français. Si vous changez de langue pendant votre intervention, vous devez vous brancher sur le canal d’interprétation qui correspond à la langue que vous parlez. Il est préférable de faire une courte pause quand vous changez de langue.
Avant de parler, attendez que je vous donne la parole. Quand vous êtes prêt à parler, cliquez sur l’icône du micro pour activer le micro.
Si un député veut invoquer le Règlement, il doit activer son micro et indiquer qu’il veut invoquer le Règlement.
Si un député veut intervenir à propos d’un rappel au Règlement soulevé par un autre député, je l’invite à cliquer sur la fonction « lever la main ». Pour cela, vous devez cliquer sur « participants » au bas de l’écran et, quand la liste s’affiche, cliquer sur « lever la main » en face de votre nom. De cette façon, le président saura que vous voulez prendre la parole. J’inscris les noms par ordre chronologique, mais il faut pour cela que je puisse voir le signal « lever la main » sur mon écran.
Si vous n’avez pas la parole, votre micro doit être fermé. Je suis très ferme là-dessus, et je vous invite à respecter cette consigne en permanence.
Je vous encourage fortement à utiliser des écouteurs.
Enfin, lorsque vous avez la parole, parlez lentement et distinctement.
Si un problème technique survient — en ce qui concerne l’interprétation ou l’audio, par exemple —, informez-en le président immédiatement pour que nous puissions interrompre la réunion et résoudre le problème le plus rapidement possible.
Avant de commencer, je vous invite tous à cliquer sur le coin supérieur droit de votre écran afin de vous assurer que vous êtes bien en mode « galerie ». De cette façon, tous les participants à l’écran peuvent se voir.
Comme l’a dit Nancy, Mme Elizabeth May, qui représente la circonscription deSaanich—Gulf Islands, se joint à nous aujourd’hui. Je ne sais pas, par contre, si elle est à Ottawa ou chez elle.
Bienvenue à nouveau parmi nous, madame May. Votre contribution nous est toujours précieuse.
Nous accueillons aujourd’hui plusieurs témoins: M. Carl Walters, professeur émérite, Institute for the Oceans and Fisheries, University of British Columbia, qui comparaît à titre personnel; Jesse Zeman, directeur de la restauration des poissons et de la faune, à la BC Wildlife Federation; Jason Wang, vice-président de la Fondation du saumon du Pacifique; et Aaron Hill, directeur exécutif de la Watershed Watch Salmon Society.
Je vais donner la parole à M. Walters pour six minutes ou moins.
Vous avez la parole, monsieur.
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Merci. Comme je n’ai pas reçu de consignes précises sur les sujets que vous vouliez que j’aborde, je vais vous exposer, de façon générale, ce qui arrive au saumon du Pacifique.
Je fais de la recherche sur les populations de saumon du Pacifique depuis plus de 50 ans, notamment sur les causes du grave déclin de nombreuses populations de saumon et de hareng. Le ministère des Pêches et des Océans a répondu à ce déclin en fermant plusieurs pêcheries, mais ces fermetures n’ont pas enrayé le déclin. Un grand nombre de scientifiques du ministère attribuent ce déclin à des facteurs environnementaux qui sont hors de notre contrôle, comme le changement climatique, mais depuis quelques années, j’en suis venu à la conclusion que ce déclin était dû principalement à l’augmentation massive des populations de mammifères marins, comme les phoques et les otaries, et à leurs pratiques prédatrices. Le nombre de phoques et d’otaries a augmenté considérablement sur la côte Pacifique, il a probablement doublé par rapport à ce qu’il était depuis plusieurs millénaires, lorsque les peuples des Premières Nations les chassaient de façon intensive. Pour les saumons, le risque de prédation n’a jamais été aussi grand.
Je pratique assidûment la pêche sportive depuis 1969, et, au fil des ans, j’ai observé avec consternation l’effondrement de la pêche sportive dans le détroit de Georgie, l’une des zones les plus poissonneuses de la côte Pacifique. Lorsque j’ai commencé à pêcher dans le détroit de Georgie, on pouvait y faire près d’un million de journées de pêche à la ligne par an, et les pêcheurs qui venaient de l’extérieur de la province représentaient un avantage économique de plus de 60 millions de dollars par an pour l’économie locale de la Colombie-Britannique, soit plus que la pêche commerciale de saumon de la Colombie-Britannique. Cette pêche sportive a décliné de plus de 80 %, surtout entre 1980 et 1995, et il n’y a pas eu de rétention de saumon coho depuis plus de 20 ans.
Quand le déclin a commencé dans les années 1980, les scientifiques comme moi en ont attribué la cause à la surpêche. Nous avons conseillé au ministre des Pêches d’alors, John Fraser, d’adopter des règlements plus restrictifs, c’est ce qui s’est passé, et la pêche commerciale à la traîne a été complètement fermée. Mais les stocks ont continué de décliner. Alors nous en avons attribué la cause à la production des écloseries et à d’autres facteurs, comme l’augmentation de la température de l’eau, mais les stocks ont continué de décliner.
Aucun d’entre nous n’imaginait que les mammifères marins pouvaient être la cause de ce déclin jusqu’à ce qu’une étude importante réalisée en 2010 par des scientifiques du MPO indique que les populations de phoques, dans le détroit de Georgie, avaient décuplé entre 1972 et 2000, un ordre de grandeur qui correspondait assez bien au déclin de la pêche commerciale dans le détroit de Georgie.
Aujourd’hui nous assistons à une grande controverse. Nous sommes en présence de deux grandes thèses pour expliquer l’origine de ce déclin et sa persistance. La première est le changement climatique, notamment l’augmentation de la température de l’eau. La deuxième est l’augmentation des pratiques prédatrices des phoques. Nos données indiquent que le nombre de saumons juvéniles consommés chaque année par les phoques dans le détroit de Georgie suffit à lui seul à expliquer ce déclin. Il y a presque autant de jeunes saumons chinook et coho qui arrivent chaque année dans le détroit de Georgie qu’il y en avait dans les années 1970, mais ils ne survivent pas plus d’une année dans l’océan.
Nous ne pouvons pas prouver que la consommation de jeunes saumons par des mammifères marins est ce que nous appelons un phénomène additif. Nous ne pouvons pas prouver que si on supprimait la prédation, les poissons survivraient. Il se peut que d’autres agents mortifères en tuent autant, parce qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans l’océan. On pourrait faire une expérience à grande échelle en demandant aux Premières Nations de se livrer à la chasse au phoque, sur une base commerciale, afin de voir si cela permet de restaurer au moins une partie de la valeur économique de la pêche sportive et, éventuellement, d’avoir un effet bénéfique sur d’autres espèces en voie de disparition, comme le saumon coho du Fraser intérieur.
De façon générale, nous avons constaté, dans des études récentes, que l’augmentation considérable des populations d’otaries dans les eaux canadiennes du détroit de Georgie est certainement au moins partiellement responsable du déclin du saumon sockeye du Fraser, qui a donné lieu à la commission Cohen, et est très certainement responsable de l’effondrement de deux de nos grandes populations de hareng sur la côte Ouest, au large de l’île de Vancouver et dans la zone Haida Gwaii.
J’ai récemment eu l’occasion d’aider la Pacific Balance Pinniped Society à élaborer des propositions pour que les Premières Nations puissent pratiquer la chasse au phoque et à l’otarie sur une base commerciale, dans le but de réduire ces populations de pinnipèdes de 50 % par rapport à leur niveau actuel et de faire en sorte qu’il n’y en ait pas plus qu’à l’époque où les Premières Nations les chassaient sur une base durable. Ces propositions ont été soumises au ministère il y a deux ans, mais elles sont restées lettre morte; le ministère a invoqué toutes sortes d’excuses pour ne rien faire. On peut comprendre, étant donné la controverse qui entoure la chasse aux mammifères marins sur la côte Pacifique.
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Merci de m’avoir invité.
J’aimerais parler de l’avenir du saumon du Pacifique à partir de mon expérience du saumon arc-en-ciel du Fraser, en particulier celui des rivières Thompson et Chilcotin.
Selon l’histoire de cette espèce, on est passé de la pêche normale à la pêche avec remise à l’eau, pour finir par l’interdiction totale de la pêche. Le problème de ces espèces, c’est qu’elles migrent avec le saumon rose et le saumon keta, et dans les pires années, les spécialistes du saumon arc-en-ciel estiment que la moitié de ces poissons sont pris dans des filets, en captures accessoires, et que près de la moitié d’entre eux périssent. Leurs populations étaient en grave déclin au milieu des années 1990, quand seuls 3 000 à 4 000 géniteurs réussissaient à survivre. Cette année, on a dénombré 62 saumons arc-en-ciel dans la rivière Thomson et 134 dans la rivière Chilcotin. Ils sont en voie de disparition.
En 2017, tous les clignotants étaient au rouge et nous étions en mode de crise. Malgré cela, le ministère a autorisé la pêche au filet sur le Fraser. Les organisations non gouvernementales de l’environnement ont réclamé une évaluation d’urgence de la situation, dans le cadre du COSEPAC, ce qui a été fait. En 2018, le COSEPAC a annoncé que deux de ces populations couraient un risque d’extinction imminente, à cause principalement des prises accessoires de poissons adultes par des pêcheurs utilisant des filets pour attraper du saumon du Pacifique, et à cause aussi du mauvais état de l’océan.
Cela a déclenché la procédure prévue par la Loi sur les espèces en péril, laquelle prévoit la préparation d’un Avis scientifique. Cet avis a été préparé par trois scientifiques: un de la province, un indépendant et un du ministère. Il a ensuite fait l’objet d’un examen par les pairs, au Secrétariat canadien de consultation scientifique. Plus tard, une réponse à une demande d’accès à l’information nous a indiqué que l’avis avait été validé par 42 experts et gestionnaires. Cet avis n’a jamais été publié.
Après l’évaluation du potentiel de rétablissement, ou EPR, une lettre adressée par la province au ministère indiquait que l’abrégé du ministère n’était plus défendable sur le plan scientifique. Nous avons découvert, après plusieurs demandes d’accès à l’information, que l’avis scientifique qui avait été examiné par les pairs avait fait l’objet d’un abrégé dans un rapport scientifique consultatif, manifestement dans le but de sous-estimer les effets des filets sur le saumon arc-en-ciel.
En 2019, les gouvernements fédéral et provincial ont mis en place un plan de reconstitution des stocks. La Colombie-Britannique estimait que, pour protéger 95 % de ces poissons, il fallait interdire l’utilisation de filets sur le Fraser pendant 84 jours. Le ministère ne s’est engagé à le faire que pendant 27 jours. En septembre, le ministère a tué ses deux premiers saumons arc-en-ciel dans ses pêches à l’essai. Le 16 septembre, la Colombie-Britannique a fermé le peu de pêche à la truite qui se pratiquait dans le Fraser, probablement en représailles aux décisions du ministère, pour apprendre le lendemain que le ministère avait autorisé la pêche économique sélective au saumon rose, avec des sennes de plage, et avait autorisé la rétention du saumon keta. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque, le ministère avait calculé qu’il avait une probabilité de 1 % d’atteindre sa cible d’échappées de 800 000 saumons keta dans le Fraser, mais qu’il a quand même autorisé la rétention du poisson.
Le ministère a encore une fois utilisé son propre modèle, qui a été par la suite jugé invalide, pour justifier l’ouverture de cette pêche. Nous avons dû faire une demande d’accès à l’information pour savoir ce qui s’était passé en coulisses, dans les officines du ministère, pendant ces deux années, mais on nous a dit que ça prendrait 822 ans pour recevoir la réponse du gouvernement fédéral. Ensuite, ce chiffre a été ramené à deux mois et demi, mais il faudra deux ans pour savoir ce qui s’est passé dans les coulisses.
Pour cette année, soit 2020, le plan est le même: les experts du saumon arc-en-ciel disent qu’il faut interdire les filets pendant 77 jours, mais le plan du ministère est de ne les interdire que pendant 27 jours. Autrement dit, nous sommes en train de provoquer l’extinction de cette espèce.
À l’heure actuelle, le rapport scientifique consultatif est le seul document disponible. L’avis scientifique examiné par les pairs n’est toujours pas publié, et nous n’avons toujours pas la réponse à notre demande d'accès à l’information. Voilà le ministère auquel nous avons affaire, en Colombie-Britannique. C’est un ministère qui est enlisé dans des problèmes d’ordres structurel et culturel, et qui est d’une impéritie totale.
Le saumon arc-en-ciel n’est pas la seule victime. Le saumon coho du Fraser intérieur était moribond dans les années 1990, et plusieurs populations de saumons chinook et sockeye sont en passe de le devenir. La réponse du ministère a été de modifier les règlements sur les pêches et d’anéantir ces populations de poissons. C’est un grave manquement, à la fois pour les poissons et pour les gens qui veulent les protéger.
Voici un certain nombre de mesures à prendre pour mettre fin à cette hécatombe.
Il faut financer la restauration de l’habitat. Il n’y a que six biologistes spécialisés dans la restauration dans toute la province de la Colombie-Britannique. Ils n’ont pas de budget de base.
Il faut adopter des méthodes de pêche sélective. Le saumon arc-en-ciel n’est pas la seule victime des filets dans le Fraser. Le saumon l’est aussi, tout comme nous constaterons, l’année prochaine, que l’esturgeon est lui aussi en déclin, principalement à cause des filets. Il faut interdire les filets.
S’agissant de la contrebande, nous avons des images qui montrent des saumons chinook, arc-en-ciel et coho, lequel est une espèce en péril, qui sont pris dans des filets illégaux utilisés pratiquement quotidiennement. On les signale au ministère, mais personne ne nous rappelle jamais. Il y a rarement des poursuites. Les agents des pêches sont devenus des spécialistes de la destruction de filets maillants sur le Fraser, au lieu de protéger les saumons contre les contrebandiers.
Il faut améliorer la surveillance de la pêche dans tous les secteurs. Les modèles de reconstitution des espèces ne tiennent pas compte de la pêche illégale, et nous savons que les saumons chinook du Fraser qui périssent à cause des activités de pêche ne sont même pas comptabilisés dans les ressources halieutiques du fleuve. Autrement dit, il y a des milliers de poissons, voire des dizaines de milliers, qui sont tués chaque année dans le Fraser et qui, selon le ministère, n’ont même jamais existé.
Nous devons prendre des mesures en ce qui concerne les fermes piscicoles, l’activité prédatrice des pinnipèdes et les passes migratoires. Sur le plan international, nous devons prendre des mesures en ce qui concerne le pacage en mer afin de réduire le nombre de saumons roses et keta issus d’écloseries qui sont déversés dans le Pacifique chaque année. Tout cela doit être fait.
Le ministère des Pêches et des Océans est un vrai désastre, sur les plans culturel et structurel. C’est une agence qui gère le poisson. Il ne rend aucun compte à la population. Il est pratiquement impossible d’obtenir des données auprès de ses fonctionnaires. Ces derniers nous répondent chaque fois de faire une demande d’accès à l’information, parce qu’ils ont peur de perdre leur emploi s’ils donnent au public des données qui sont pourtant financées par le même public. Les scientifiques, le personnel responsable de l’habitat et le personnel responsable de l’application de la loi sont rarement écoutés. Le mot d’ordre, c’est pêcher, pêcher, pêcher.
Pour ce qui est maintenant de la question plus générale de la gestion des ressources naturelles, qu’il s’agisse de l’eau, de l’air ou du poisson, il faut trois choses: du financement, des études scientifiques et le soutien de la population.
Premièrement, il faut que le financement soit dédié. Cela facilite les flux d’argent, donne un horizon aux contribuables et permet de planifier sur 1, 5 et 10 ans.
Le rôle de la science est de fixer des objectifs pour les populations de poissons et leur habitat, d’identifier les menaces et les barrières, et d’établir le niveau des captures autorisées. Ce n’est pas le rôle des gestionnaires, c’est le rôle des scientifiques.
Enfin, il y a la question du soutien de la population. L’agence doit être redevable devant la population, elle doit être transparente et prendre des décisions à partir de données probantes. Ceux qui luttent pour la protection de la ressource doivent avoir l’impression de faire partie intégrante de ce processus. Voilà à quoi le ministère devrait ressembler, mais pour l’instant, il est aux antipodes.
Je vous remercie de m’avoir écouté.
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Bonjour à tous. Je m’adresse à vous depuis Kamloops, en Colombie-Britannique. Je vous remercie de m’avoir invité et je suis ravi d’être ici aujourd’hui.
J’ai plusieurs choses à dire, en guise de déclaration liminaire.
Nous sommes confrontés à une grave situation. Comme l’a dit M. Zeman, ce que nous faisons en ce moment n’est pas bon pour notre saumon du Pacifique. Un grand nombre de populations connaissent un grave déclin. On ne s’en est pas rendu compte l’an dernier, parce que l’éboulement de Big Bar accaparait toute l’attention, mais le retour des saumons du Pacifique sur la côte a enregistré le pire taux de toute son histoire. Il n’a jamais été aussi bas dans le fleuve Fraser. Le taux qui a déclenché la création de la commission Cohen était plus élevé. Si l’on ne prend pas des mesures adéquates maintenant, bon nombre de nos populations de saumon du Pacifique risqueront de subir le même sort que ce qui est arrivé à la morue de la côte Est, et nous savons ce qui est arrivé.
Pour savoir ce qu’il faut faire, il faut avoir une vision à long terme. La reconstitution des stocks va prendre du temps. Il n’y a pas de solutions magiques, mais il est possible de prendre des mesures pour que les choses s’améliorent.
Tout n’est pas négatif dans la situation actuelle. Des programmes positifs ont été mis en place, comme le PPCPR, sous le gouvernement conservateur, et le Plan de protection des océans, sous le gouvernement libéral actuel. J’ajouterai, en particulier, le Fonds de restauration et d’innovation pour le saumon de la Colombie-Britannique qui a été créé plus récemment et qui est aussi une mesure positive parce que la collaboration entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial est tout à fait indispensable.
En revanche, il faut bien comprendre que les problèmes auxquels nous faisons face sont énormes et que leur solution prendra beaucoup de temps. Un financement quinquennal est utile, certes, mais ce n’est pas sur cette durée qu’on va résoudre le problème. Pour ce qui est de la restauration des protections éliminées, c’est bien sûr un objectif positif, mais il doit être suivi de mesures concrètes.
Il faut bien comprendre que l’écologie du saumon est très complexe. Il n’y a pas de solution simple. Il y a des problèmes de prédation, des problèmes d’habitat, et des problèmes liés à la pêche. Ces problèmes se subdivisent en différents éléments, et on ne peut pas faire une chose en pensant que cela va tout améliorer.
Quant à savoir ce qu’on peut faire pour le saumon, il faut à mon avis considérer l’océan comme un moteur qui permet aux populations de saumon de remonter et de descendre. Cela fait partie du cycle naturel. C’est peut-être en train de changer à cause du changement climatique, mais il y a des choses que nous pouvons faire pour gérer ce que de nombreux biologistes résument en trois mots: la pêche, l’habitat et les écloseries. Je vais y revenir dans le détail.
Outre cela, nous avons aussi besoin de nous fonder sur des données et des informations, il faut que les scientifiques puissent continuer d’essayer de comprendre ce qui se passe.
Je vais revenir sur tout cela très rapidement.
S’agissant de la pêche, nous savons qu’elle a été réduite. M. Walters nous l’a dit tout à l’heure. Nous savons que l’accès et la capacité de la pratiquer sont très importants pour le public. Toutefois, nous devons nous demander comment nous débloquons l’accès à cette pêche. À l’heure actuelle, il est bloqué principalement parce que des populations affaiblies migrent avec d’autres populations plus résistantes. Nous avons besoin de disposer de meilleures informations, de meilleures données scientifiques, de meilleurs systèmes de surveillance et de meilleures évaluations pour pêcher les espèces qui sont saines et protéger celles qui sont faibles. Ceux qui pratiquent la pêche — les Premières Nations, le public et les pêcheurs commerciaux — ont leur rôle à jouer à la table de discussion.
S’agissant des écloseries, il n’y en a pas une pareille. Je pense que nous devons porter notre attention sur les écloseries axées sur la conservation. Ce n’est pas la même chose que les écloseries qui produisent du poisson exploitable. Ce n’est pas la même chose que les écloseries qui déversent de grandes quantités de poissons dans l’océan en espérant que ça donnera de bons résultats. Une écloserie axée sur la conservation a ceci de particulier qu’elle a vocation à renforcer des populations affaiblies en attendant que nous trouvions la cause du problème et que nous puissions y trouver une solution. Si nous nous précipitons à encourager les écloseries à augmenter leur production, il est peu probable que nous obtenions les résultats escomptés.
Nous avons un urgent besoin d’écloseries axées sur la conservation. Nous devons les aider, ne serait-ce qu’à cause de ce qui est arrivé à Big Bar. Il va nous falloir des dizaines de millions de dollars pendant deux décennies.
S’agissant maintenant de l’habitat, nous avons besoin de protéger ce que nous avons, de restaurer ce qui a été endommagé, d’agir de façon stratégique et pas réactive, et de coordonner nos efforts plutôt que de travailler chacun de son côté. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire pour protéger l’habitat, mais nous ne faisons pas ce qu’il faut faire.
Je vous ferai parvenir un certain nombre de recommandations plus tard, par écrit, mais nous devons absolument commencer à élaborer des plans de préservation de l’habitat en fonction des bassins hydrographiques et à les mettre en œuvre.
Pour ce qui est de la surveillance, de l'évaluation et des données, je dirai, pour résumer, que nous ne pouvons pas gérer ce que nous ne mesurons pas. Or, nous ne faisons pas suffisamment de contrôle et nous ne mesurons pas assez. Il faut tenir compte de l'écologie et de la science océaniques pour bien comprendre ce qui se passe.
En résumé, le système de gestion est dysfonctionnel. La somme de tous les éléments ne nous permet pas de comprendre ce qui se passe et de résoudre les problèmes. On nous déroule de beaux discours. Nous avons eu la Commission d'enquête Cohen et nous avons la politique sur le saumon sauvage, mais nous n'obtenons pas les résultats escomptés. Le gouvernement du Canada doit fixer des objectifs pour la reconstitution des stocks de saumon et leur durabilité, et il doit s'engager à les atteindre en prenant les mesures appropriées.
En résumé, il faudra faire de nouveaux investissements importants dans la pêche, les écloseries et l'habitat. Il faudra débloquer des fonds pour le ministère aussi bien que pour les collaborateurs et les partenaires. Le système de gestion doit être restructuré. Il serait souhaitable de créer un organisme de contrôle indépendant, qui compléterait le travail effectué par le ministère et les autres organismes de réglementation.
J'en resterai là. Je pense avoir respecté mes six minutes.
Merci, monsieur le président.
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Merci beaucoup de m'avoir invité.
Je suis le directeur général de la Watershed Watch Salmon Society, un petit organisme de bienfaisance voué à la conservation du saumon. Depuis 22 ans, nous essayons de cerner les problèmes et de trouver des solutions en ce qui concerne la gestion du saumon sauvage.
Je travaille dans cet organisme depuis une dizaine d'années. J'ai un diplôme supérieur en biologie, avec une spécialisation en saumon. Pendant plusieurs saisons, j'ai été observateur et technicien dans des pêcheries commerciales sportives. Je suis né et j'ai grandi dans le Nord de la Colombie-Britannique. Mon père était à la fois pêcheur commercial et guide de pêche sportive. Je suis un pêcheur amateur et j'adore rapporter des saumons à ma famille. Mon organisme et moi appuyons vivement les droits de pêche des Autochtones.
Notre rôle consiste à défendre l'intérêt public dans le domaine de la conservation du saumon sauvage en Colombie-Britannique, qui est l'espèce qui intéresse le plus la population. Je l'ignorais quand j'ai commencé à militer en faveur de la conservation. Je croyais que seule une minorité de gens partageaient nos valeurs en ce qui concerne la conservation du saumon sauvage et son habitat. C'est seulement lorsque nous avons fait un sondage, peu avant les élections fédérales de 2011, que les résultats m'ont appris que, par exemple, seulement 8 % des habitants de la Colombie-Britannique étaient d'accord pour dire que « le gouvernement devrait être autorisé à laisser périr des petites populations de saumon en voie de disparition ». Les réponses à d'autres questions de ce sondage, et à d'autres sondages depuis, témoignaient d'un appui public substantiel pour la conservation du saumon et la reconstitution des stocks.
Nous en avons grandement besoin aujourd'hui. La situation est très inquiétante, comme l'ont dit les autres témoins. Dans le passé, lorsqu'une remontée de saumons était peu nombreuse, la suivante compensait en nombre, mais depuis 10 ans, il y a de moins en moins de bonnes surprises. Dans la plupart des rivières de la province, les remontées de saumon sain sont la minorité. Les rivières sont dépeuplées.
Nous savons quels sont les problèmes. Les autres témoins nous en ont parlé ce matin: les virus et les parasites des fermes piscicoles; la surpêche; les effets nuisibles des écloseries de saumon; la destruction de l'habitat et la pollution; et bien sûr, le changement climatique, qui bouleverse le débit des eaux et le cycle des températures et qui endommage les sources alimentaires des saumons. Tous ces problèmes ont été exacerbés par une gestion dysfonctionnelle chronique dont M. Zeman a parlé et par une longue série d'enquêtes publiques et de politiques officielles depuis plusieurs décennies.
Les solutions existent. Je vais simplement vous donner quelques exemples par où commencer.
Premièrement, le gouvernement devrait mettre en œuvre les grandes recommandations de la Commission Cohen. Elle a coûté aux contribuables environ 35 millions de dollars. Contrairement à ce qu'on nous raconte, la plupart des 75 recommandations du juge Cohen n'ont pas été mises en œuvre. Il faudrait commencer par la recommandation qui consiste à fermer les fermes de saumon dans les îles Discovery d'ici à 2020, c'est-à-dire cette année. Il faudrait aussi prendre des mesures immédiates, dans le cadre des engagements pris dans la lettre de mandat, pour amorcer le virage vers l'aquaculture du saumon en parc clos, afin que les virus et les parasites ne contaminent pas le saumon sauvage. Il faut s'inspirer du modèle qui a récemment été mis en place avec succès par les Premières Nations et le gouvernement provincial dans l'archipel Broughton.
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Je parlais de surpêche. Un grand nombre de programmes de surveillance du saumon ont été réduits à leur plus simple expression, et si nous ne savons pas combien il y a de poissons, nous ne devrions pas autoriser la pêche.
Pour ce qui est de la restauration de l'habitat, il y a des possibilités extraordinaires. Un endroit idéal est la bande de 1 500 kilomètres qui constituait jadis un habitat exceptionnel pour le saumon, mais qui est aujourd'hui entravée par des structures décrépies de contrôle des inondations, dans la vallée du bas Fraser. Les projets de restauration permettent de créer de bons emplois, de reconstituer l'habitat du saumon et, dans ce cas-là, de mieux protéger nos collectivités contre les inondations. Mais il faut faire plus. Il faut commencer par cesser de détruire l'habitat.
Il faut aussi protéger les populations de saumon en voie de disparition, conformément à la Loi sur les espèces en péril. C'est à cela qu'elle sert, mais jusqu'à présent, chaque espèce proposée a été refusée simplement pour préserver des activités de pêche non durables.
Enfin, le gouvernement a fait quelque chose de bien en renforçant la Loi sur les pêches. Mais il lui faut maintenant mettre en œuvre sa propre loi et notre cadre national pour la pêche durable en fixant des cibles de reproduction et en adoptant des plans de reconstitution des populations de saumon et de saumon arc-en-ciel, qui sont en voie de disparition.
Au final, il faut que le gouvernement serve l'intérêt public général, car un grand nombre d'habitants de notre province, quelles que soient leurs affiliations politiques ou leurs origines sociales, veulent que leurs enfants et leurs petits enfants puissent aller voir et attraper des saumons dans les cours d'eau locaux pendant encore de nombreuses années.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les gens qui viennent témoigner aujourd'hui. Leurs témoignages sont très intéressants, et je les apprécie beaucoup.
Je vais essayer de faire une synthèse relative, si une synthèse est possible dans ce cas-ci.
La plupart d'entre vous ont mentionné le manque de financement qui leur permettrait d'arriver à vos fins et la nécessité de mettre à jour les données. Vous avez aussi parlé du rapport Cohen. Je crois que M. Hill a dit que, même si on arrivait à mettre en œuvre les recommandations, on n'arriverait pas à atteindre les objectifs. Vous avez également dit que les mesures étaient prises trop lentement ou qu'elles étaient insuffisantes. M. Zeman a même parlé de transparence. Selon moi, cela fait le tour de ce qui a été dit aujourd'hui.
Je vais donner aux témoins tout le reste de mon temps de parole.
Je sais que le milieu est très complexe. Il y a différents plans d'eau, différentes espèces. Quelles mesures, y compris d'ordre financier, faudrait-il prendre en priorité pour qu'il y ait des répercussions positives à plus ou moins long terme?
Messieurs Hill, Zeman, Hwang et Walters, la parole est à vous.
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Je vous remercie de votre question, monsieur Johns.
Je dirais, à titre de préambule à ma réponse, que dans certaines situations, nous faisons face à une urgence critique compte tenu de l'état des populations. Le problème de Big Bar a mis en lumière certaines de ces situations. Les problèmes de cette nature existaient même avant l'incident de Big Bar. M. Zeman a parlé des problèmes du saumon arc-en-ciel; il y a eu aussi des problèmes avec le saumon quinnat, ainsi qu'avec le sockeye et le coho.
Je pense qu'il est urgent de prendre certaines mesures qui nécessiteraient d'importants investissements dès maintenant. D'autres mesures qui devraient être prises à long terme nécessiteraient en revanche des investissements substantiels et permanents.
Pour ce qui est de l'importance du financement au titre du FRISCB, les sommes qui y ont été investies — environ 140 millions de dollars sur cinq ans — sont, à mon avis, d'un ordre de grandeur inférieur à ce qui est nécessaire pour entreprendre toutes les mesures de rétablissement dont les témoins ont parlé aujourd'hui. Il faut mener des recherches scientifiques, des évaluations et de la surveillance. Il faut prendre soin de l'habitat; il faut gérer les écloseries; et il faut également gérer correctement la pêche.
Il serait impossible de faire toutes ces choses même si vous injectiez un montant additionnel de 50 millions de dollars par année dans le système pendant 10 ans. Ce serait un bon départ, mais lorsqu'il est question d'un objectif de 500 millions, ce montant ne permettrait pas de réaliser tout ce dont les témoins vous ont parlé aujourd'hui.
J'espère que cela répond en partie à votre question.