FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 4 mai 2000
Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Je suis désolé de faire attendre nos témoins, mais comme d'habitude, la confusion règne un peu ici.
Madame Lalonde, avant de vous donner la parole, j'aimerais faire une courte annonce. Après la réunion d'aujourd'hui, il y aura une séance d'information pour ceux qui partent en voyage en compagnie des fonctionnaires du MAECI pour en discuter. Pour ces personnes-là, et tous ceux qui veulent rester pour écouter, il y aura des sandwiches et vous pourrez rester ici.
Lors de la dernière réunion du comité directeur, nous avons discuté de la possibilité d'examiner les questions relatives à la mondialisation. Le Bloc québécois tient à ce que nous commencions. Comme vous vous en souvenez peut-être, nous avions pensé discuter du G20 avec le ministre des Finances. Il semble que nous pourrons recevoir M. Martin le 18 mai. Le même jour, nous entendrons le Général Henault pour achever nos audiences sur le Kosovo. Nous allons consacrer une heure au Général Henault et autant à M. Martin le 18 mai. Il semble bien que ce sera notre programme.
Le troisième point, chers collègues, c'est que le mois de juin approche à grands pas et que d'énormes pressions s'exercent sur nous pour que nous nous occupions des projets de loi et d'autres questions. Je propose qu'à tout le moins le comité entame les audiences sur le projet de loi C-19, concernant la Cour pénale internationale. Nous pourrions tenir une ou deux audiences sur la question pendant que certains d'entre nous sont en déplacement. Ceux qui sont ici pourraient y participer, quitte à faire venir à l'occasion un membre substitut pour lancer la balle. Il n'est évidemment pas question de l'examen article par article, mais nous pouvons au moins tenir des audiences pendant que certains d'entre nous sont à l'étranger. Nous pourrions au moins commencer.
Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Avant de faire ma déclaration, j'aimerais que vous me disiez si j'ai bien compris. Dites-vous que le projet de loi C-19 pourrait être à l'étude la semaine prochaine? Est-ce que c'est cela?
Le président: La semaine prochaine, oui.
Mme Francine Lalonde: Mais il n'a pas encore été renvoyé au comité.
Le président: Non, mais compte tenu de tout le travail qu'on a à faire d'ici la mi-juin, on ne pourra pas terminer. Donc, je propose que pendant que moins de la moitié des membres du comité voyageront, on commence l'étude du projet de loi C-19, que l'on rencontre des représentants du gouvernement, quelques témoins, etc. et que lors de notre retour, on passe à l'étude article par article.
Mme Francine Lalonde: Nous serions d'accord là-dessus.
Au sujet du 18 mai, vous avez dit qu'on accueillerait M. Martin pour qu'il nous parle du G-20.
Le président: Oui, c'est cela.
Mme Francine Lalonde: Ce ne sera pas la seule rencontre sur la mondialisation. Ce serait pour lancer l'étude.
Le président: C'est cela. Sans vouloir parler de questions personnelles, j'ai quand même dit à M. Tremblay qu'il fallait commencer quelque chose. Il s'agit seulement de commencer pour qu'au moins, nous ayons cette étude à notre ordre du jour. On pourra débuter dès qu'on aura rencontré M. Martin. Pour le reste, nous aurons un programme détaillé dès l'automne.
Mme Francine Lalonde: Recevrait-on seulement M. Martin ce printemps?
Le président: Oui.
Mme Francine Lalonde: Ah, oui? À cet égard, on ne sera pas d'accord.
Le président: Il viendra avant le sommet du G-8. Il est important de l'entendre avant le sommet du G-8. Ça fait notre affaire pour l'étude sur la mondialisation. Nous verrons, lors de la prochaine réunion du Sous-comité du programme et de la procédure, comment on pourra organiser le reste des séances.
Mme Francine Lalonde: Dites-moi que vous n'excluez pas qu'on ait quelques rencontres ce printemps.
Le président: Je n'exclus absolument rien, mais si vous regardez l'ordre du jour, vous verrez qu'il est déjà un peu chargé.
[Traduction]
Sur ce point, monsieur Grewal, aviez-vous quelque chose à dire?
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Alliance canadienne): Oui. Monsieur le président, je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire. L'intention semble être bonne. Êtes-vous en train de dire que nous devrions tenir une séance sur le projet de loi C-19 pendant que la plupart des membres du comité sont en déplacement?
Le président: Non, ce n'est pas...
Combien de membres du comité vont partir en voyage?
La greffière du comité: Huit.
Le président: Le comité compte 18 membres et huit seront en déplacement, ce qui signifie que moins de la moitié des membres du comité peuvent voyager, à mon regret.
Il y a tant à faire qu'il faudra commencer quelque part. Nous ne pouvons pas tout paralyser pendant dix jours. Il faut entreprendre l'examen du projet de loi. Il ne s'agit que de tenir les séances d'information et non de procéder à l'examen article par article; il n'est pas question d'avoir vos mises aux voix.
M. Gurmant Grewal: Combien de séances le comité devra-t-il tenir sur le projet de loi C-19, à peu près?
Le président: Cela reste à voir. Quoi qu'il en soit, il faut commencer. Je crois que votre parti a une liste de témoins à convoquer. Nous essaierons de prendre les dispositions voulues. Nous pourrions au moins entendre les fonctionnaires, comme c'est l'usage.
M. Gurmant Grewal: Monsieur le président, si nous avons d'autres travaux que le projet de loi C-19... C'est un projet de loi important. En l'absence du porte-parole pour les affaires étrangères de notre parti et de son adjoint, cela est beaucoup plus difficile pour nous, parce que notre parti a moins de spécialistes de ces questions importantes. S'ils sont en déplacement, ce sera pénible pour eux. Pourrait-on s'occuper d'autres affaires prévues pour plus tard?
Le président: Monsieur Grewal, j'essaie seulement...
M. Gurmant Grewal: Je veux bien coopérer, mais...
Le président: Je sais, je regarde le programme. Je vous dis ce qui va se produire si nous retardons ceci et si nous reportons l'examen à la fin de mai. Si pour une raison quelconque la Chambre décide d'ajourner le 9 juin, ce qui est une possibilité... On ne sait jamais. Après tout, votre parti va tenir son congrès prochainement. Il y aura des pressions pour que nous partions avant le 25 juin, en ce qui vous concerne. Si tout le monde veut s'en aller, il faudra quand même adopter le projet de loi, et vous allez pousser les hauts cris et nous accuser de vous imposer ce projet de loi pour en finir le plus vite possible. C'est l'un ou l'autre: ou bien nous commençons ou bien...
M. Gurmant Grewal: Comprenez-moi bien, monsieur le président. Cela, je le comprends. Sauf que, s'il y a d'autres affaires prévues pour plus tard, pourrait-on les intervertir?
Le président: La priorité du comité, c'est la législation. C'est ce dont nous devons nous occuper en premier.
M. Gurmant Grewal: Oui, je suis d'accord. Cela ne me dérange pas du tout. Voulez-vous dire qu'après la séance d'aujourd'hui, le voyage, il ne sera plus question que du projet de loi C-19 et rien d'autre?
Le président: Sans doute.
M. Gurmant Grewal: Si c'est le cas, je comprends, mais s'il y a autre chose de moins important, nous pourrions commencer par cela.
Le président: Il ne reste que quatre séances. Voulez-vous évincer M. Axworthy, par exemple?
M. Gurmant Grewal: Non, ce n'est pas ce que je veux dire.
M. Lee Morrison (Cypress Hills—Grasslands, Alliance canadienne): Moi, je veux bien.
Le président: On ne peut pas tout faire. Vous voyez ce que je veux dire? On ne peut pas tout faire.
M. Gurmant Grewal: Je vois.
Le président: Il faut saisir l'occasion. Dix membres du comité resteront à Ottawa.
M. Gurmant Grewal: Je comprends ce que vous dites et je suis d'accord, mais je me demandais si une des quatre séances était moins importante, est-ce qu'on ne pourrait pas les intervertir? C'est la seule chose que je voulais examiner.
Le président: Oui, et c'est pourquoi j'ai pensé au projet de loi C-19, parce que je sais que tout le monde s'y intéresse. Il s'agira seulement de tenir la séance d'information avec les fonctionnaires, pour qu'au moins cela soit réglé. Puis nous aurons le temps au comité de nous occuper de ce que j'appelle les véritables questions politiques, lors de l'examen article par article, par exemple.
Vous nous faciliteriez l'établissement de notre emploi du temps en nous communiquant votre liste de témoins. Il ne serait évidemment pas question de les entendre en votre absence; il s'agirait uniquement de la séance d'information avec les fonctionnaires.
Je nous ferai envoyer les bleus pendant le voyage, pour que nous puissions en prendre connaissance.
Je vous remercie de votre aide et de votre collaboration.
[Français]
Madame Lalonde, vous aviez quelque chose à dire, je crois.
Mme Francine Lalonde: Oui. On peut écouter les témoins et je pourrai faire ma déclaration entre les deux présentations, ou je peux la faire maintenant. C'est court.
Le président: D'accord, faites votre déclaration maintenant.
Mme Francine Lalonde: D'accord.
Monsieur le président, je veux vous dire que pour la mission au Caucase, nous, les délégués ici présents du Bloc québécois, malgré la difficulté de la situation et l'obligation dans laquelle nous avons été, dans un premier temps, de ne pas collaborer, avons, dans un deuxième temps, collaboré de manière à ce que ce voyage puisse se faire dans les meilleures conditions. Il est prévu que mon collègue Rocheleau et moi-même participerons à cette mission.
Cependant, comme membre de l'exécutif de l'Association parlementaire Canada-Europe, j'ai eu le désagrément de voir la réunion de l'exécutif d'hier midi annulée, alors qu'on devait y faire un rapport sur la délégation à l'Union européenne, délégation à laquelle j'ai participé. C'est à cette occasion que le président de notre délégation a tenu des propos injurieux à l'endroit du vice-président de la délégation de l'Europe avec le Canada. Il a refusé de retirer ses propos quand on lui a demandé de le faire. Je veux soumettre cette question à l'exécutif. Or, la réunion de l'exécutif a été annulée. Quand j'ai demandé à quand elle était reportée, on m'a dit qu'elle aurait lieu la semaine prochaine.
Monsieur le président, cette question est extrêmement ennuyeuse parce que c'est la responsabilité d'un parlementaire que de poser, devant l'exécutif de l'association parlementaire, les questions d'ordre politique qui lui semblent contrevenir à l'esprit des rapports entre les associations parlementaires, quelles qu'elles soient. Dans ce cas-ci, il s'agit d'une association parlementaire extrêmement importante, puisque c'est elle qui est chargée d'améliorer les rapports entre les parlementaires du Canada et ceux de l'Europe.
Monsieur le président, je vous prie d'exercer des pressions auprès du président de l'Association parlementaire Canada-Europe pour que l'étude du rapport de la délégation à l'Union européenne soit reportée jusqu'au moment où je serai de retour, soit le 17. Je répète que j'étais prête à aller à la rencontre d'hier. C'est extrêmement important pour nous, parce que c'est une question d'ordre politique. Si je me voyais empêchée de soulever cette question, au nom du Bloc québécois—on n'a pas le droit d'avoir un substitut—, notre collaboration serait compromise parce qu'on ne peut pas morceler cette collaboration. Alors, je compte sur vous, monsieur le président.
Le président: D'accord. Je vous donne ma parole que je ferai de mon mieux. Je vais demander à Warren de téléphoner à Denis Robert, le greffier de l'association, pour lui dire que vous et moi ne sommes pas disponibles pour cette réunion importante et que nous voulons qu'elle soit reportée. Je parlerai directement à M. Caccia aussi. Je ne vois pas pourquoi on ne peut pas reporter cette discussion avec les gens qui étaient là en Europe. Comme je n'étais pas là, mon problème n'est pas le même que le vôtre.
Mme Francine Lalonde: C'est ça.
Le président: On va maintenant passer aux témoins.
[Traduction]
Nous recevons de la Société canadienne de santé internationale, Mme Janet Hatcher Roberts, directrice administrative du projet d'information sur la santé de la région transcaucase. Vous avez l'air de vous occuper précisément de ce que nous étudions. C'est bien.
Nous recevons également Mme Joan Kuyek, de Mines Alerte ainsi que M. Ladhani, de la Fondation Aga Khan du Canada, que nous avons déjà eu l'honneur d'entendre.
Nous allons vous donner la parole dans l'ordre où vous figurez sur la liste. Nous vous remercions d'être venus. Comme nous partons ce week-end, si vous avez des conseils médicaux sanitaires à nous donner, c'est le moment. Je vous invite à limiter votre intervention à une dizaine de minutes, après quoi nous passerons aux questions.
Mme Janet Hatcher Roberts (directrice administrative, Société canadienne de santé internationale): Je m'appelle Jan Hatcher Roberts, et je suis directrice administrative de la Société canadienne de santé internationale. Chris Rosene, dont le nom apparaît sur l'avis est la directrice du projet.
La Société compte plus de 900 adhérents et est active dans le sud du Caucase depuis 1996. En nous appuyant sur nos travaux réalisés en Europe de l'Est au début des années 90, nous avons mis sur pied le Projet transcaucasien d'information sur la santé, effort de renforcement des capacités d'une durée de deux ans avec un budget d'un million de dollars financé par l'ACDI. À l'heure actuelle, nous envisageons d'autres travaux dans les domaines de l'information sur la santé et la santé environnementale, si nous recevons d'autres fonds de l'agence.
Nous estimons avoir beaucoup à apprendre sur la région. Néanmoins, nous avons acquis une expérience suffisante pour tirer quelques leçons élémentaires sur la santé et l'environnement dans ces pays.
Ce qui nous préoccupe surtout, c'est que le Canada ne devrait pas se fier au seul développement commercial et économique pour résoudre les graves problèmes rencontrés dans le sud du Caucase. Le Canada devrait envisager un investissement stratégique à long terme dans le développement social de la région, notamment dans la promotion de la santé humaine et de la durabilité de l'environnement.
Beaucoup se sont réjouis de la fin de la domination soviétique dans le Caucase au début des années 90, hélas, on a assisté à une régression radicale de l'état de santé dans ces pays, comme vous le constaterez sur place. L'espérance de vie des hommes a diminué dans le Caucase. Il y a un taux élevé de mortalité infantile et maternelle. Bon nombre de gens qui avaient naguère accès à des soins médicaux gratuits ne peuvent plus se permettre de payer le prix des nouveaux régimes de rémunération à l'acte. La qualité de la nutrition a aussi baissé.
Le déclin des indicateurs de la santé s'est accompagné de conflits assez violents dans le Haut-Karabakh, en Ossétie du Sud et en Abhkazie, qui ont eu des répercussions négatives sur la santé, soit directement, sous forme de pertes, soit indirectement sous forme de personnes déplacées, réfugiées, ou de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. En Azerbaïdjan, on estime qu'il y a un million de réfugiés et de PDIP, ce qui représente 11 p. 100 de la population, dont 55 p. 100 sont des femmes et des enfants qui vivent dans des conditions déplorables dans des camps ou des logements insalubres.
Paradoxalement, l'infrastructure du régime de santé dans le Caucase est très développée, legs du régime soviétique. Les ministères de la santé aux ressources financières très limitées ont un défi énorme à relever pour faire bon usage de ces ressources historiques dans la situation actuelle.
Les trois pays—l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie—font tous des efforts pour améliorer la situation de la santé. Ils sont membres actifs de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS—région de l'Europe) et bénéficient de ces programmes.
Suivant des conseils de la Banque mondiale et d'autres donateurs occidentaux, ces pays ont opté pour un mélange hybride public privé dans leurs régimes de soins de santé. La gamme des modèles étudiés allait du système américain fortement privatisé aux régimes fortement publics des pays nordiques. Grâce à des initiatives canadiennes comme le Projet transcaucasien d'information sur la santé, des professionnels de la santé des trois pays étudient actuellement le système canadien.
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Dans la pratique, ces trois pays connaissent une privatisation
à la fois officielle et officieuse de leurs services de santé. Par
exemple, certains équipements et pratiques médico-sanitaires très
modernes sont disponibles, contre paiement, tandis que bien des
gens ne peuvent même pas recevoir des soins médicaux rudimentaires.
Ce phénomène semble destiné à élargir davantage le fossé
grandissant entre les riches et les pauvres.
Le financement de la santé est de toute évidence un facteur clé qui ralentit le rythme de la réforme. Le produit intérieur brut est extrêmement bas et le pourcentage consacré à la santé est plus bas encore. Il varie entre 2 et 4 p. 100 tandis qu'il s'établit à environ 9 p. 100 au Canada. Cela nuit vraiment à la capacité de rénover le système. Mais l'insuffisance du financement ne représente que la moitié des problèmes du gouvernement. L'autre moitié concerne la gestion de ces ressources.
Une information fiable sur la santé est indispensable si l'on veut prendre des décisions efficaces dans le régime de santé de n'importe quel pays. Elle permet de mieux gérer et de faire de meilleurs plans. Nous ne pourrons pas en arriver à des solutions à long terme tant que nous ne comprendrons pas mieux les problèmes, ce qui ne pourra se faire que lorsque nous aurons de meilleurs systèmes d'information. Les systèmes actuels d'information dans le sud du Caucase sont un héritage de la période soviétique. Très centralisés, ils manquent de fiabilité et de comparabilité avec le reste de la région.
Le projet d'information sur la santé SCSI-ACDI a démarré en 1999 par une évaluation des besoins, la formation d'un comité directeur régional et le lancement d'activités de formation, avec l'aide d'experts canadiens de l'École des sciences de l'information sur la santé de l'Université de Victoria. Beaucoup de travail s'impose encore nécessaire pour renforcer les systèmes d'information sur la santé aux niveaux local, régional et national, et nous espérons poursuivre ce travail.
J'aimerais maintenant passer à la question de la santé et de l'environnement, ou santé environnementale.
Pendant la période soviétique, le sud du Caucase représentait une source importante de produits pétrochimiques, métallurgiques et chimiques pour l'Union soviétique. Nombre de ces activités étaient situées à proximité des centres urbains, sans que l'on se préoccupe beaucoup de leurs répercussions négatives pour la santé. Dans cette région, l'agriculture était importante et faisait largement usage d'engrais, de pesticides et d'herbicides, là aussi sans faire grand cas de la protection de la santé humaine. Les centrales nucléaires et les installations militaires étaient une autre source d'inquiétude.
La contamination des sols et des eaux ainsi que la pollution de l'air dans le sud du Caucase sont des problèmes d'envergure. Les réseaux délabrés d'adduction d'eau et d'égouts provoquent l'apparition de maladies d'origine hydrique, comme la dysenterie et d'autres maladies intestinales, toutes évitables.
Legs de conflits antérieurs, les mines terrestres sont un risque permanent pour la population de ces régions.
Les trois pays ont rédigé des plans nationaux d'action environnementale, mais le chemin à parcourir sera long et difficile avant que les pouvoirs publics, les entreprises et la société civile souscrivent au développement durable.
Le Canada a beaucoup à offrir à la région dans des domaines comme la protection environnementale et la promotion de la santé humaine, vu son expertise. C'est lui qui a élaboré l'évaluation des incidences sur la santé de l'environnement qui permet de cerner les risques, pour la santé humaine, de la dégradation de l'environnement et des travaux de développement. La SCSI espère actuellement obtenir de l'aide pour monter un projet dans ce domaine avec l'ACDI.
La croissance économique peut engendrer un meilleur revenu, une meilleure tolérance sociale et un meilleur bien-être, et enfin une meilleure santé, mais ces progrès ne sont pas automatiques. Les préalables à la santé peuvent même souffrir de la croissance économique si des politiques sociales appropriées ne sont pas mises en place.
Au moment où le Canada envisage d'accroître sa participation dans cette région du monde, nous tenons à vous le rappeler. Si nous nous contentons de promouvoir le développement commercial et industriel sans promouvoir également des politiques sociales efficaces et sans nous préoccuper de la durabilité environnementale, nous risquons de nuire aux gens au lieu de les aider. Il faut s'assurer que le développement humain fasse l'objet d'une promotion délibérée grâce au renforcement des capacités, à l'élaboration de politiques, à la participation de la population et au souci de l'équité. Même si les relations gouvernementales officielles sont tendues, les autorités en matière de santé constatent le besoin urgent de collaborer et sont disposées à le faire sans hésitation. Cela est très encourageant pour nous.
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Nous faisons souvent face à des difficultés pratiques de
transport et de communications, que vous ne connaîtrez pas,
j'espère. Nous avons tâché d'adopter une approche régionale dans
nos travaux et avons accordé une attention équitable aux besoins
d'information sur la santé de chaque pays, tout en nous efforçant
d'établir une collaboration et un consensus régionaux.
La Commission Carnegie sur la prévention des conflits meurtriers a reconnu la valeur de l'attention portée aux préoccupations environnementales en zone de conflit. La Commission soutient que l'attention portée au bien-être des humains et à la santé humaine a un effet positif sur la consolidation de la paix. Le développement doit être équitable pour être efficace, et appuyer les efforts déployés par les peuples eux-mêmes pour améliorer leur situation. À elle seule, la croissance économique ne réduira pas les risques de conflits violents et elle pourrait même attiser les conflits internes.
Nous pensons que le Canada peut apporter une contribution positive à la consolidation de la paix et à la sécurité humaine dans la région. Si nous appuyons les initiatives diplomatiques en faveur de la paix, il y a aussi lieu d'examiner les efforts de développement axés sur les questions d'intérêt commun, comme la santé et l'environnement. Nos propres intérêts commerciaux doivent être pondérés par l'appui au développement social et à la durabilité. Il faut accorder une attention particulière aux aspects politiques de l'exploitation pétrolière dans la région. En dernière analyse, il est impossible d'évaluer, de surveiller ou de cerner les besoins, ou d'affecter les ressources de manière rentable, ni de connaître les répercussions du développement et de la dégradation environnementale sur la santé humaine, sans systèmes intégrés viables d'information.
Je vous propose quatre recommandations: premièrement, envisager un investissement stratégique à long terme dans le développement social de la région, incluant la promotion de la santé humaine et la durabilité environnementale; deuxièmement, promouvoir une plus grande sensibilisation de notre propre influence dans cette région, en regroupant les intervenants canadiens du secteur public, du secteur privé et des organisations non gouvernementales; troisièmement, accorder une attention particulière au secteur pétrolier et gazier, notamment faire une analyse des incidences potentielles de l'exploitation future sur l'environnement et la santé humaine; quatrièmement et finalement, travailler en étroite collaboration avec les organismes internationaux actifs dans la région, en particulier ceux qui sont basés en Europe, pour promouvoir la paix et la sécurité humaine dans la région.
Merci.
Le président: Merci beaucoup. Votre exposé nous sera très utile.
Je voudrais vous poser une brève question. Vous êtes experte surtout en ce qui concerne le Caucase, mais se tromperait-on en présumant que la plupart des conditions que vous avez décrites à propos du Caucase, pourraient s'appliquer en réalité aux autres républiques d'Asie centrale où nous allons nous rendre?
Mme Janet Hatcher Roberts: Oui. Dans beaucoup de ces pays, vous rencontrerez une situation semblable ou pire sur le plan des conditions de santé, et sans doute de la dégradation environnementale également. Si vous voulez plus de renseignements, nous disposons de brochures qui pourront vous aider. Elles sont publiées en anglais et en russe, et non en français, c'est pourquoi nous ne les avons pas distribuées officiellement.
Le président: Notre russe est assez solide. Vous pouvez nous donner des exemplaires en russe.
Mme Janet Hatcher Roberts: À la bonne heure. Les voici. Cela va vous mettre à l'épreuve.
Le président: Croyez-moi, parfois on a l'impression que notre russe est meilleur que notre anglais.
Nous allons poursuivre et c'est Mme Kuyek de Mines Alerte Canada qui a la parole.
Mme Joan Kuyek (coordinatrice nationale, Mines Alerte Canada): Nous vous remercions de nous avoir permis de présenter au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international le présent rapport sur les problèmes soulevés par l'industrie minière en Asie centrale.
L'organisme Mines Alerte Canada a été créé en avril 1999 avec pour mandat d'évaluer les répercussions sociales, environnementales et économiques de l'exploitation minière par des sociétés canadiennes, au Canada et à l'étranger. Notre mission vise également à promouvoir des pratiques minières responsables. Nos membres incluent Inter Pares, le Fonds de justice sociale des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile, la Fédération canadienne de la nature, l'Association canadienne du droit de l'environnement, le Groupe de travail sur les églises et la responsabilité des sociétés et la Nation Innu.
À la fin de l'année 1996, plus de 40 entreprises canadiennes possédant des intérêts dans 65 propriétés minérales étaient actives dans sept pays de l'ancienne Union soviétique. La majorité de ces activités avait lieu en Russie, mais les investissements minéraux canadiens en Asie centrale ont augmenté, alors que les propriétés minières appartenant à l'État étaient mises en vente sous la pression du FMI. Word wide Minerals, Placer Dome, Teck et d'autres entreprises canadiennes qui se consacrent à la prospection et aux négociations conservent des intérêts dans la région.
Au cours de l'année dernière, la revue The Northern Miner a fait état des grands projets canadiens suivants dans la région:
Au Kazakhstan, la société Cameco cherche à obtenir l'autorisation d'exploiter la mine d'uranium Inkai où elle projette de procéder à la lixiviation sur place; depuis 1998, la société s'occupe des services et de l'entretien des mines d'or Ivanhoe et Bakyrchik.
Au Kirghizistan, Cameco exploite la mine Kumtor. Tien-Shan Mining, qui s'occupe de l'extraction de l'or, se borne pour l'instant à faire de la prospection.
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Au Tadjikistan, Nelson Gold exploite les mines de Jilau et de
Taror. Marshall Minerals s'adonne à la prospection pour l'or dans
les dépôts de Bolshoi et de Kanimansour Est.
La compagnie First Dynasty Mines, société enregistrée au Yukon et cotée à la Bourse de Toronto, est installée en Arménie. Nous en parlerons davantage tout à l'heure.
Dans notre étude, nous avons choisi deux sociétés minières: la First Dynasty, en Arménie et la Cameco au Kirghizistan. Tout d'abord l'Arménie.
En février 1998, une coentreprise constituée de First Dynasty Mines et de la société minière d'État arménienne, ArmGold, a ouvert la nouvelle usine de récupération des résidus de la mine d'or d'Ararat en Arménie au coût de 12 millions de dollars. Le projet comprend la mise sur pied d'une activité de récupération des résidus et consiste en une réextraction à partir des résidus au moyen d'une cuve de cyanure de lixiviation. Les installations de récupération permettront à First Dynasty de se servir des résidus de la mine d'Ararat ainsi que d'ouvrir les mines de Zod et de Megradzor et de procéder à la réextraction à partir de leurs résidus.
La Banque européenne pour le reconstruction et le développement a refusé un prêt de 35 millions de dollars à First Dynasty Mines du Canada pour l'expansion des mines d'or d'Arménie, en raison des risques élevés associés au projet. En effet, le projet de First Dynasty ne satisfaisait pas aux critères de la banque et soulevait une combinaison de risques qui dépassait le niveau de risque acceptable pour la BERD.
La présence de l'industrie minière canadienne en Arménie soulève de graves interrogations. Le projet laissera derrière lui des stériles et des résidus qui pourraient aggraver la pollution et les dommages causés à l'environnement. Il s'agit de sites miniers anciens où il existe déjà de graves problèmes environnementaux, tel que le démontre les études qu'on a faites. Des matières en suspension solide et des hydrocarbures contaminant les eaux de surface ont été décelés sur les sites de la mine et, à Zod et à Ararat, on a également décelé de l'arsenic qui contamine les eaux de surface. Au nombre des problèmes précis qui pourraient avoir des répercussions sur la faisabilité du projet, figurent l'exhaure de formations rocheuses acides, la pollution des eaux de surface et souterraines, le problème de la remise en état des terrains.
La mine Megradzor se trouve dans une zone sismique et le minerai doit être transporté sur une distance considérable au moyen des infrastructures ferroviaires existantes. Le chemin de fer qui relie Megradzor et les installations d'Ararat fait 110 kilomètres. Les lignes ferroviaires doivent être entretenues par le gouvernement de l'Arménie. La mine de Zod est située à proximité d'une zone qui a été, par le passé, le théâtre d'hostilités entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. La distance par chemin de fer entre Zod et les installations de traitement est de 235 kilomètres.
Cela ne serait pas si inquiétant si le promoteur de la mine ne s'était pas livré à des pratiques minières irresponsables par le passé. First Dynasty Mines est contrôlé par Robert Friedland, par le truchement de diverses entreprises. La société, je vous l'ai dit, est enregistrée au Yukon et ses actions sont cotées à la Bourse de Toronto. Friedland est connu dans le milieu minier sous le surnom de «Toxic Bob», en raison du rôle qu'il a joué au sein d'un certain nombre d'entreprises, dans une série de catastrophes minières.
Un écoulement de cyanure provenant de la mine Galactic Resources a détruit la rivière Alamosa, au Colorado entre 1987 et 1990. Golden Star Resources était partenaire de projet lors du désastre d'Omai, en Guyane, en 1995. Vengold a été expulsée de la région de Bolivar au Venezuela par la population locale qui l'accusait de pratiques de prospection destructive. Ivanhoe Mines, qui autrefois s'appelait Indochina Goldfields, est installée au Myanmar où elle exploite une mine de cuivre qu'on accuse de détruire l'environnement, mine dont on dit qu'elle a recours au travail forcé. Vengold, situé à Lihir en Papouasie Nouvelle Guinée est une mine qui soupçonnons-nous, a changé de direction, et qui rejette 4 600 tonnes de stériles à l'heure, à 1,5 kilomètre de la côte, dans d'une des régions les plus riches du monde sur le plan de la diversité marine.
En Arménie, il y en a qui sont préoccupés par les relations de l'entreprise avec le gouvernement et la population d'Arménie. En mars 1999, la SNARK, l'agence de presse arménienne, déclarait:
-
Ni l'agence gouvernementale ni les fonctionnaires ne seront
autorisés à demander des renseignements sur le déroulement des
travaux d'exploitation de la mine aurifère canado-arménienne
d'Ararat. Cette disposition figure dans l'accord signé le 24 juin
1998 entre le ministre de l'Industrie et du commerce arménien, la
société d'État ArmGold et l'entreprise canadienne First Dynasty
Mines.
L'accord a également été critiqué par le ministre de l'Industrie et du commerce d'Arménie, Garnik Nangulyan qui a dit—et c'est encore une fois la SNARK qui rapporte cela—et je cite:
-
il a déclaré aux journalistes, le 20 juin 1999, que les intérêts de
la partie arménienne n'avaient pas été suffisamment défendus dans
le contrat [...] Les experts arméniens estiment que la distribution
des bénéfices constitue le point le plus litigieux. En vertu du
contrat, l'investisseur étranger obtient 70 p. 100 des bénéfices
dont le solde est distribué aux Arméniens. De plus, le contrat
sous-estime le pourcentage d'or, d'argent et d'autres composants
dans les résidus, et il sous-évalue également la qualité des métaux
précieux.
Qui plus est, cette exploitation qui risque d'être si destructive ne durera que 11 ans.
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Je veux vous parler brièvement du Kirghizistan... Je vous dis
en passant que nous avons préparé un mémoire écrit qui donne plus
de détails sur ces questions-là. Je pense que les membres du comité
l'ont reçu.
En 1992, Cameco qui est une compagnie canadienne signait un accord avec le Kirghizistan afin d'évaluer le projet aurifère de Kumtor. La mine appartient à la société Kumtor Gold qui appartient pour un tiers à Cameco et pour deux tiers au Fonds des biens de l'État du Kirghizistan. La production a commencé en 1997, au coût de 450 millions de dollars américains. Cameco est l'exploitant de cette mine dont les coûts d'exploitation sont parmi les plus bas de tous les projets aurifères à l'échelle mondiale. C'est renversant car le coût de production est de 174 $ l'once en comparaison d'une moyenne mondiale de 220 $.
L'exploitation de cette mine est rendue possible par les technologies du cyanure qui permettent d'exploiter du minerai à très faible teneur. La teneur des dépôts est évaluée à 3,58 grammes d'or la tonne de minerai, ce qui signifie que les mineurs doivent tamiser une tonne de pierres pour produire un demi-dé d'or, comme l'a déclaré le président de Kumtor. Bien entendu, tout le reste est résidu.
La mine se trouve sur un sommet situé à 4 400 mètres au-dessus du niveau de la mer, balayé par les vents. Un ancien sentier muletier a été transformé en route jusqu'à la mine, mais il a fallu 38 lacets pour gravir cette montagne abrupte. Les équipements et les fournitures doivent être convoyés par camion le long de la dangereuse route de montagne. Pour atteindre la mine d'or, Kumtor doit creuser le pergélisol et un glacier à l'explosif. Peter Townsend, le premier vice-président a déclaré: «En fait, nous rasons le sommet de la montagne.» Autre problème: Kumtor emploie 60 agents de sécurité parmi les 1 300 travailleurs qui figurent sur la liste de paie.
La route d'ascension a déjà fait payer son tribut. Deux autres déversements de produits toxiques ont été signalés depuis le déversement de cyanure du 20 mai 1998, dont on a fait largement écho. Le 20 janvier 2000, alors que 1 500 kilos de nitrate d'ammonium étaient déversés en bordure d'une route à proximité de Barskoon, après qu'un semi-remorque eut perdu le dispositif d'attache de la remorque et le 22 juillet 1998, alors que 70 litres d'acide nitrique étaient déversés sur la route.
En dépit de ses faibles coûts de production, la mine ne fait des bénéfices que grâce à ses opérations de couverture, a affirmé le président, Len Homeniuk. L'entreprise continue à évaluer si les autres sites valent la peine, compte tenu des risques financiers, notamment le danger d'accidents tels que des déversements de cyanure. Il a dit que «ces choses»—c'est-à-dire les déversements de cyanure—«constituent un risque notable dans cette partie du monde.»
Les résidus de la mine sont entreposés dans un bassin à stériles de surface situé dans une vallée fluviale avec revêtement synthétique et barrage en terre-plein. Ce barrage est construit sur le pergélisol. Seize millions de mètres cubes de résidus de sable et d'eau de traitement—et ce chiffre est tiré des renseignements fournis annuellement par la société—sont entreposés derrière le barrage. Une série de canaux et de dérivations empêchent le ruissellement et les cours d'eau naturels de pénétrer dans le bassin de stériles.
Il y a lieu d'être inquiet des répercussions environnementales de l'exploitation minière sur un glacier, ainsi que des effets sur le drainage des eaux de la montagne. La plupart des eaux de la mine s'écoulent dans le Syr Danya, un fleuve international qui traverse ensuite la frontière entre le Kirghizistan et l'Ouzbékistan. Selon une source au Kirghizistan, c'est une situation potentiellement explosive dans l'éventualité d'une contamination du fleuve.
Comment sont appliqués les accords en matière d'environnement et de sécurité dans un pays aussi pauvre que le Kirghizistan? Étant donné que le gouvernement kirghize est l'un des propriétaires de la mine, il est normal qu'il soit peu enclin à faire preuve de fermeté en faisant appliquer une réglementation environnementale.
Anantoly Deekikh, professeur de géographie à l'Académie des sciences du Kirghizistan dit:
-
Tous ces problèmes soulèvent des interrogations quant aux dangers
qu'occasionne le projet pour l'économie fragile de la région du
Tien Shan. Il convient de vérifier si les effluents et la poussière
descendent jusqu'au glacier, qui constitue la source d'eau de la
plupart des régions du Kirghizistan.
Natalia Ablova, directrice du Bureau des droits de la personne à Bichkek dit:
-
Lorsque nous avons demandé à voir le plan antisinistre, on nous a
répondu que l'information ne pouvait nous être divulguée [...]
l'absence de transparence réelle suscite de la méfiance parmi la
population locale.
Cameco jouit d'une exonération fiscale temporaire de cinq ans jusqu'à la fin de 2002; aussi, d'ici là, le gouvernement kirghize n'obtient pas beaucoup de rendement sur son investissement. Des prêts et une assurance contre les risques politiques ont été accordés par la SEE, la SFI et la BERD, pour le projet. Selon le président de Cameco, Len Homeniuk:
-
Nous avons choisi le Kirghizistan parce qu'il s'agit d'un pays où
il est beaucoup plus intéressant de faire des affaires qu'en
Ouzbékistan. Il s'agit d'un projet important dans un petit pays, ce
qui nous donne une certaine marge de manoeuvre [...] nous sommes un
grand poisson dans une petite marre.
• 1015
En conclusion, nous estimons important que le Canada ne
contribue pas au pillage des ressources dans des pays comme
l'Arménie et le Kirghizistan, dans le cadre d'exploitation minière
de courte durée bénéficiant de traitements fiscaux inéquitables.
Dans l'éventualité où le Canada se propose de contribuer au
développement d'économies durables, il serait pertinent de remettre
en question, de ce point de vue, les mines d'or. L'exploitation
aurifère fait de plus en plus l'objet de sérieuses réserves, en
tant que moteur crédible de l'économie.
Selon John Young, auteur d'un article du Centre de la politique minière, paru récemment:
-
Les banques centrales et les institutions financières
internationales détiennent plus de 34 000 tonnes d'or. Cela
représente plus de 13 fois la production annuelle des mines à
l'échelle mondiale. Mises sur le marché, ces réserves pourraient
satisfaire la demande d'or pendant plus de huit ans (la demande
actuelle est d'environ 4 000 tonnes par an). Cette demande
correspond d'ordinaire à 85 p. 100 au secteur de la bijouterie.
Young soutient que l'or passe progressivement du statut de métal précieux au statut de métal vil, et qu'il perd régulièrement de la valeur depuis des décennies. Nous mettons à la disposition des membres du comité des exemplaires du rapport de M. Young.
Le Canada ne peut se permettre d'être impliqué dans une catastrophe minière, comme le déversement d'Esmeralda sur la rivière Tisza. L'information divulguée au public et au gouvernement canadiens sur ces activités minières est sélective et limitée. Il est clair que le Canada doit accéder à plus de renseignements sur les activités des entreprises canadiennes actives à l'étranger, s'il veut conserver sa réputation.
La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et ses dispositions relatives à la participation du public doivent être appliquées aux investissements à l'étranger. Dans les pays où la réglementation et l'application des normes environnementales sont faibles, voire inexistantes, le Canada doit faire appliquer les normes canadiennes les plus strictes par les compagnies enregistrées au Canada, et aider les gouvernements étrangers, le cas échéant, à mettre sur pied une législation environnementale stricte et à la faire appliquer.
S'il est vrai que l'objet de l'étude du comité permanent consiste à promouvoir les intérêts du Canada en matière de politique étrangère dans le sud du Caucase et en Asie centrale, il nous faut alors veiller à ce que l'environnement de ces pays soit protégé et amélioré, pour le bien des générations futures, et à ce que les activités minières que nous y appuyons ne favorisent pas, à long terme, la pauvreté et l'endettement.
Merci.
Le président: Nous vous remercions. N'avez-vous pas dit avoir apporté un exemplaire du rapport de M. Young du Centre de politique minière?
Mme Joan Kuyek: Je ne l'ai pas ici, monsieur Graham, mais je peux vous le faire parvenir.
Le président: D'accord, mais nous pouvons aussi l'obtenir. C'est assez facile, n'est-ce pas? Du moins, je le suppose.
Mme Joan Kuyek: Ce rapport est paru très récemment et on peut l'obtenir en consultant le site Internet du Centre de politique minière. Il est très long toutefois. Au bureau, nous en avons quelques exemplaires sur papier que je mets à votre disposition.
Le président: Merci. Nous ne manquerons pas de lecture dans l'avion. Merci.
Monsieur Ladhani.
M. Nazeer Aziz Ladhani (président-directeur général, Fondation Aga Khan du Canada): Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, honorables membres du comité, je tiens à féliciter le comité d'avoir entrepris une étude aussi importante et opportune. Je vais vous parler du travail de la Fondation Aga Khan du Canada et de ses agences soeurs, qui toutes deux travaillent au sein du réseau de développement Aga Khan. Permettez- moi de faire un bref historique de la fondation pour vous en expliquer le mandat et les racines qu'elle a en Asie centrale.
Le réseau de développement Aga Khan est un rassemblement privé et non confessionnel d'organismes de développement social, économique et culturel, créé par son Altesse l'Aga Khan, l'actuel et 49e imam ou chef spirituel des Musulmans ismaéliens. Dans 25 pays, sur quatre continents, le RDAK aide les populations désavantagées d'Asie et d'Afrique surtout, à se prendre en main.
Le RDAK observe la plus stricte neutralité politique et ses services sont offerts aux populations de toutes confessions et origines. L'assise du RDAK est toutefois la communauté musulmane ismaélienne, ses traditions et son éthique de bénévolat, d'humanitarisme, d'autonomie sous la conduite de son Altesse, l'Aga Khan.
La Fondation Aga Khan du Canada est un organisme non lucratif de développement international fondé au Canada en 1980. La Fondation Aga Khan du Canada et ses partenaires dans 11 pays appuient toute une gamme d'initiatives de développement socio- économique, dont un grand nombre en collaboration avec l'Agence canadienne de développement international.
Au Canada, la FAKC cherche à faire connaître et comprendre les grands problèmes mondiaux grâce à la recherche, à la formation, aux associations et aux initiatives axées sur la jeunesse. Ces activités au Canada et son oeuvre à l'échelle internationale misent sur une clientèle canadienne vigoureuse composée de 750 entreprises et de 800 bénévoles ainsi que sur l'appui de plus de 60 000 Canadiens représentant un vaste échantillon de la population.
• 1020
L'Imamat ismaélien possède des liens historiques et culturels
de longue date avec l'Asie centrale. Depuis le début des années 90,
son Altesse l'Aga Khan s'emploie personnellement, et par
l'intermédiaire du réseau de développement l'Aga khan, à favoriser
le redressement et le développement de la région. Dans cet effort,
son Altesse Aga Khan a cherché à obtenir l'aide du Canada pour
venir en aide de façon urgente à la population de la région.
En 1994 et 1995, des rencontres entre son Altesse, l'Aga Khan, et le premier ministre, le très honorable Jean Chrétien, ont permis de discuter de la participation du Canada au redressement politique, social et économique des républiques d'Asie centrale. Notre action porte surtout sur le Tajikistan, le plus pauvre des nouveaux États indépendants d'Asie centrale, qui a maintenant réussi, grâce à l'aide internationale, à se dépêtrer d'une horrible guerre civile. Par suite de ces rencontres, une mission canadienne a été dépêchée en Asie centrale pour cerner les besoins socio- économiques de la région et pour déterminer où les atouts particuliers du Canada pourraient être le plus utile.
Depuis 1994, le gouvernement du Canada, par l'intermédiaire du ministre des Affaires étrangères et de l'ACDI, a offert son soutien stratégique généreux. De fait, le Canada a fait oeuvre de pionnier et son appui s'est démultiplié puisque, grâce à lui, plusieurs autres donateurs bilatéraux participent aux opérations de RDAK en Asie centrale.
C'est donc avec grand plaisir et beaucoup de fierté que je peux aujourd'hui présenter aux membres du comité l'aboutissement de plus de dix ans de présence active en Asie centrale.
Pourquoi les Canadiens devraient-ils se soucier de ce qui se passe en Asie centrale? Dans un discours prononcé à la collation des grades au MIT en 1994, son Altesse l'Aga Khan a tenu les propos suivants:
-
Le Tajikistan est devenu le théâtre d'une des rencontres les plus
intéressantes de notre époque. C'est ici, et dans d'autres
républiques d'Asie centrale, que trois grandes cultures se
rencontrent: le monde ex-communiste, le monde musulman et le monde
occidental. C'est ici que ces trois cultures pourraient réussir là
où la Bosnie a brutalement échoué. Cette rencontre au Tajikistan
pourrait déterminer dans une grande mesure le déroulement de
l'histoire dans les décennies à venir.
-
Si la rencontre du monde musulman, de l'Occident et du monde
ex-communiste tient compte de la nécessité de chacun de miser sur
ses forces, d'être en harmonie avec ses objectifs, de promouvoir
une amélioration durable et de favoriser une transition humaine,
alors cette rencontre aura été aussi réussie qu'elle est
importante.
L'Asie centrale rassemble 56 millions d'habitants. Ce vaste territoire, plus étendu que l'Europe de l'Est et de l'Ouest réunies, compte à ses frontières des États aussi puissants et explosifs que la Russie, l'Iran, la Chine, le Pakistan et l'Afghanistan. Tout au long de l'histoire, l'Asie centrale a été le carrefour des peuples, des cultures et des grands empires, depuis les Mongoles jusqu'aux Russes.
Aujourd'hui, les républiques d'Asie centrale du Tajikistan, de l'Ouzbékistan et du Turkménistan forment un rempart contre l'extrémisme religieux et l'instabilité politique provenant du régime des Talibans en Afghanistan et contre l'expansion de cette forme particulière de l'Islam dans les pays avoisinants.
L'ensemble de la région, ainsi que le mouvement de libéralisation en Iran, maintenant bien engagé, pourrait être menacé si le risque présenté par l'Afghanistan dans la région n'est pas endigué. L'influence des Talibans se fait déjà sentir dans certaines parties du Tajikistan, de l'Ouzbékistan et de la république kirghize, souvent par des manifestations assez violentes.
Par l'intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères Lloyd Axworthy, le Canada a joué un rôle de premier plan au niveau international en condamnant le comportement des Talibans. La contribution constante du Canada à la stabilisation politique, sociale et économique des États de cette ligne de front peut les aider à prévenir la propagation vers le Nord des pires manifestations de la politique et de l'attitude des Talibans.
• 1025
Le Canada occupe une position exceptionnelle dans la
collectivité mondiale. C'est une démocratie qui s'est construite
sur le pluralisme et la tolérance, et qui est renforcée par le
caractère multiethnique de sa société.
Les Canadiens ont en ce moment l'occasion de faire bénéficier
l'Asie centrale de leur expérience dans l'édification réussie d'une
nation.
Le Canada est également une puissance commerciale. Pour préserver notre position face à la concurrence, il nous faut développer des marchés d'exportation selon une perspective à long terme pour les produits canadiens d'exportation, et tirer parti des possibilités d'investissement et de mise en valeur de notre expertise.
Venons-en maintenant à la question essentielle: comment le Canada peut-il promouvoir les intérêts de sa politique étrangère dans la région? Le rapport de la Commission trilatérale indique que la diversité ethnique des républiques de l'Asie centrale remonte à l'époque stalinienne. L'objectif soviétique de redéfinition des frontières des États d'Asie centrale était de fragmenter la concentration ethnique, de façon que chaque État conserve une multitude de groupes ethniques différents. C'est à cet héritage qu'on a pu imputer une bonne partie de la violence et de l'instabilité dont plusieurs anciennes républiques soviétiques ont été le théâtre.
Aujourd'hui, plus de 100 minorités ethniques sont présentes dans la région, où l'on parle 28 langues différentes et d'innombrables dialectes. En outre, aucun des États d'Asie centrale n'a de nationalité prédominante unique.
Qu'est-ce qui différencie la diversité ethnique du Canada de celle des États d'Asie centrale? C'est l'épanouissement de ce que son Altesse royale, l'Aga Khan, a appelé une démocratie multiculturelle. Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie gouverner de façon responsable, par l'ouverture et la tolérance. C'est donner à tous les citoyens, indépendamment de leur appartenance religieuse ou ethnique, l'occasion de participer au développement social, économique et politique de leur pays, tout en préservant leurs identités.
Dans l'ensemble des pays du monde industrialisé, les réalisations de la démocratie multiculturelle canadienne sont sans doute les plus convoitées au plan international. Le Canada est reconnu comme un modèle pour les pays qui traversent une période souvent turbulente dans leur passage à la démocratie. C'est la plus importante valeur ajoutée du Canada, dont il peut se prévaloir, tout en suscitant l'admiration, pour promouvoir ses intérêts dans la région.
Et que peut faire le Canada pour mettre en valeur sa démocratie multiculturelle dans la région? Il lui faut adopter une approche globale axée sur cinq points d'intervention qui s'épaulent mutuellement.
Le premier point est la promotion de la cohésion régionale en tant que centre d'intérêt primordial de la politique extérieure du gouvernement canadien, de façon à favoriser la stabilité régionale; c'est du reste un objectif auquel le RDAK se consacre activement à différents niveaux. Ses initiatives comprennent un projet d'université régionale d'Asie centrale, le projet des humanités Aga Khan, une étude du potentiel économique à long terme de la région, et un certain nombre de projets de construction de routes et de ponts.
Le RDAK collabore également avec le programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues, les gouvernements d'Asie centrale, et d'autres intervenants, notamment la Russie, pour lutter contre le trafic de drogues, cette manifestation endémique de la criminalité, et contre la corruption qui accablent les pays de l'ancien empire soviétique et mettent en péril leurs efforts de réhabilitation économique.
Le deuxième point d'intervention est le développement économique et la création d'emplois. Les intérêts de la politique étrangère canadienne en Asie centrale sont fortement influencés par le potentiel commercial de la région et par ses richesses naturelles. Le Canada n'a pas à s'en défendre, mais que peut-il faire pour aider les États d'Asie centrale à devenir des partenaires commerciaux efficaces et durables, tout en faisant la promotion de la démocratie multiculturelle.
L'expertise canadienne en matière d'expansion de l'entreprise privée pourrait apporter une aide déterminante aux économies de la région pour leur permettre de réussir la transition vers l'économie de marché et la libre concurrence au niveau international. L'entreprise privée est encore peu développée dans la région, notamment à cause des traditions culturelles et idéologiques et de la rareté des entrepreneurs qualifiés, bien au fait de l'économie de marché. En fait, il faudra un gigantesque effort pour restructurer toute une société.
Le Fonds de développement économique de l'Aga Khan a créé une institution d'aide aux entreprises au Tadjikistan pour stimuler l'investissement et l'esprit d'entreprise, créant de l'emploi pour 3 600 personnes.
• 1030
Le programme de réforme agricole a été lancé par la Fondation
de l'Aga Khan en 1993, avec l'aide de l'ACDI, pour permettre au
Gorno-Badakhshan, région de hautes montagnes, la plus pauvre et la
plus isolée du Tadjikistan, de parvenir à l'autosuffisance
alimentaire d'ici huit à dix ans. Par la suite, le programme a
cherché à s'étendre à la région voisine qui avait le plus grand
besoin de réadaptation agricole.
Aujourd'hui, grâce à l'assistance technique essentielle du Canada, mise en place avec l'appui de l'ACDI, le Gorno-Badakhshan satisfait 90 p. 100 de ses besoins alimentaires, et devrait atteindre l'autosuffisance d'ici 2001. Le programme s'est récemment étendu vers l'Ouest à la vallée de Gharm et couvre maintenant plus de la moitié du territoire du Tajikistan.
Comme il n'est pas certain que cette région d'Asie centrale parvienne à l'autosuffisance économique, même si elle atteint sa productivité agricole optimale, le RDAK a récemment commandé une étude sur le potentiel économique à long terme de la région limitrophe. Cette étude devrait proposer à la communauté internationale et aux intérêts commerciaux des possibilités d'intervenir de façon lucrative dans la région pour lui venir en aide.
Le troisième point d'intervention met l'accent sur la réorientation et le développement des ressources humaines. L'un des avantages du système soviétique était l'universalité et la haute qualité de l'enseignement qu'il assurait à ses citoyens, en particulier aux femmes. Néanmoins, cet héritage est menacé par les contraintes linguistiques; en effet, seul le russe et les langues nationales sont parlées dans la région, à l'exclusion de l'anglais, et l'enseignement est caractérisé par son inefficacité, son manque de pertinence et par des ressources financières en forte réduction.
Il faut de toute urgence développer de nouvelles aptitudes linguistiques et former la main-d'oeuvre en fonction de son environnement afin de l'adapter à la nouvelle économie mondiale, à défaut de quoi des millions de citoyens d'Asie centrale, en particulier les jeunes, s'exposeront au chômage, ce qui ne peut qu'accentuer les risques de troubles sociaux.
Les Canadiens jouent un rôle clé dans un certain nombre d'initiatives éducatives du RDAK, parmi lesquelles figurent la mise en place de programmes de réforme de l'enseignement, des bourses internationales et l'amélioration de la formation continue, et l'enseignement de l'anglais comme langue étrangère à l'Université d'État de Khorog, dans quatre autres universités du Tadjikistan et dans une université de la République kirghize.
Le RDAK a constitué une équipe d'experts internationaux qui vont participer à la création d'une université régionale d'Asie centrale. Ce sera un centre d'excellence universitaire autonome, qui se consacrera à l'enseignement interdisciplinaire et à la recherche dans des domaines qui intéressent particulièrement les sociétés implantées dans des régions de hautes montagnes.
Il est particulièrement encourageant, monsieur le président, de voir que les présidents du Tadjikistan, de la République kirghize et du Kazakhstan ont tous les trois confirmé leur appui à cette première initiative privée d'enseignement supérieur à l'échelle régionale. La mise à profit de la capacité canadienne, dans les domaines technique et éducatif, auprès d'une institution comme celle-ci ne peut que constituer le ferment d'une collaboration beaucoup plus vaste entre cette région du monde et le Canada au cours des décennies à venir.
Le quatrième point d'intervention concerne la réforme et la réadaptation sectorielles. Le Canada est célèbre dans le monde entier pour l'universalité et la qualité de ses systèmes de santé et d'enseignement. À long terme, l'appui canadien au développement de secteurs essentiels comme la santé et l'enseignement, va mettre en place les fondations d'une économie durable et concurrentielle au plan international dans laquelle les sociétés canadiennes pourront investir, et qui constituera un marché attrayant pour les exportations canadiennes.
Grâce aux services éducatifs de la Fondation de l'Aga Khan, le RDAK a créé en 1998 une école secondaire privée à Khorog, la capitale régionale du Gorno-Badakhshan, et doit en inaugurer une deuxième cet automne dans la ville Kirghize de Och. Ces écoles serviront de modèle pour fixer les normes des meilleurs usages et fourniront des étudiants à la nouvelle université régionale des sciences de l'aménagement des régions de hautes montagnes.
Enfin, et c'est le dernier volet, il y a notre héritage culturel dans la région, qu'il s'agit d'apprendre à connaître et de promouvoir car il est riche. La protection et la promotion de la culture indigène a été un thème porteur de la politique étrangère canadienne, tout comme l'intérêt marqué manifesté par le Canada pour ce qu'il pouvait apprendre des autres cultures.
Dans la foulée de ce que j'appellerais entre guillemets «la modernisation» entreprise par l'Union soviétique en Asie centrale, les sociétés traditionnelles se sont vues démantelées et remodelées en nations et nationalités de type soviétique. Dans de nombreux cas les cultures et langues locales ont été compromises, et parfois même détruites. Parallèlement, il faut le dire, un réseau impressionnant d'infrastructure culturelle, ce qui comprend les musées, les galeries d'art et les bibliothèques, a vu le jour. Cependant, aujourd'hui, alors que cette infrastructure existe bel et bien, la mémoire locale que l'on peut avoir de cette riche histoire reste fragile, et menacée de disparition définitive.
• 1035
De façon plus positive, l'Islam, qui avait été réprimé pendant
l'ère soviétique, s'est révélé être une force manifeste qui offre
aux habitants de l'Asie centrale un système de valeurs, en mettant
l'accent sur le service, la charité, et le sens de la
responsabilité collective. Comme on l'a remarqué dans le rapport de
la Commission trilatérale, la croissance de la société civile dans
cette région dépendra largement des forces modérées de l'Islam,
forces que des pays tels que le Canada devraient appuyer et
encourager.
Le projet de fiducie Aga Khan pour les humanités de la culture destiné à l'Asie centrale fait partie d'un ensemble plus large de programmes du RDAK visant à promouvoir le développement social, culturel et économique, par l'enseignement supérieur, au Tadjikistan et dans la République kirghize. L'Asie centrale est le résultat de nombreux courants de civilisation, aux rangs desquels figurent la civilisation perse, grecque, bouddhiste, zoroastrienne, turkmène, islamique et russe. De ce fait, ce projet pour le développement des humanités s'appuie sur la notion de civilisation comme principe d'orientation pour la promotion et le renforcement du pluralisme culturel et l'établissement des fondements d'une société civile.
Dans cette optique il faut signaler le Projet des routes de la soie, effort international visant à promouvoir l'évocation du passé de cette région, et son apport culturel actuel sur la scène mondiale, essentiellement dans les domaines de la musique sacrée et profane. La participation canadienne à cet effort permettrait de faire de ce programme un des nouveaux et importants piliers de la culture à venir de la région. En effet, dans le monde d'aujourd'hui il n'est plus possible d'ignorer l'importance et le besoin qui se fait sentir d'une diplomatie orientée sur la promotion culturelle. Aider les populations de l'Asie centrale à comprendre le dynamisme de leur diversité culturelle, et à amarrer ce concept aux efforts nationaux dans le domaine de l'éducation et des arts, permettra de promouvoir l'harmonie au sein des ensembles ethniques tout en contribuant à la création d'une démocratie multiculturelle.
En conclusion, le Canada a la possibilité de jouer un rôle actif dans la promotion de cette démocratie multiculturelle, condition sine qua non d'un développement harmonieux—politique, économique et social—de ces républiques d'Asie centrale. On en retirera des possibilités accrues d'investissement et cela profitera aux intérêts de la politique étrangère canadienne dans la région. Comme il y a beaucoup à apprendre des modèles canadiens, les décideurs clés des secteurs les plus importants d'activité doivent être encouragés à faire connaître leur expérience à leurs homologues d'Asie centrale.
Comme son altesse l'Aga Khan le faisait remarquer:
-
L'Ouest a beaucoup de forces, et il le doit surtout au
développement des sciences et de la démocratie (avec leurs
mécanismes publics d'autocorrection) mais également à l'existence
d'institutions privées, au développement d'économies libérales et
à la reconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine.
Monsieur le président, messieurs et mesdames les membres du comité, ces cinq points—à savoir la promotion de la cohésion dans la région, le développement économique, le développement des ressources humaines, les réformes sectorielles et la culture locale—correspondent précisément à cinq domaines où les Canadiens et leurs institutions ont fait merveille sur la scène internationale. Ils sont également d'une importance critique pour les pays d'Asie centrale alors qu'ils abordent un processus difficile de transition.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Ladhani.
Je remercie les témoins pour leurs exposés. Nous n'allons pas pouvoir poser de questions, car on me dit qu'il y a un vote dans dix minutes.
Pourriez-vous confirmer l'heure du vote?
Une voix: Il n'y a pas de vote.
Le président: Parfait. Le vote a été reporté. Voilà donc une autre crise évitée.
Nous n'avons pas seulement une démocratie multiculturelle ici, monsieur Ladhani, nous avons également droit à la démocratie de la confusion totale.
Nous pourrions nous entendre sur des questions de cinq minutes, puisqu'il ne nous reste que 20 minutes.
Monsieur Morrison.
M. Lee Morrison: Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de s'être déplacés.
J'aimerais d'abord m'adresser à Mme Kuyek.
Vous avez dit un certain nombre de choses très intéressantes, madame Kuyek, mais j'ai été déçu de vous voir recourir à ce stratagème d'orateur qui consiste à enfiler et rapprocher une foule de petits faits assez peu pertinents. C'est un peu un manque de respect à l'égard du comité.
• 1040
Vous avez ainsi dit que certaines de ces mines se trouvent
dans des zones d'instabilité tectonique. Comme vous le savez, il y
a des centaines de mines dans le monde dans de telles zones. Ce
n'est pas inhabituel; c'est un problème opérationnel.
Vous avez également parlé de l'instabilité politique de la région, ou, comme vous le disiez, de zones de conflit. Eh bien, il y a des centaines de mines dans le monde dans des zones politiquement instables. Mais il y a également dans ces régions toute une activité économique orientée différemment. Voudriez-vous que, en raison des conflits, on fasse cesser toute activité commerciale dans des districts entiers jusqu'à la fin des hostilités? La vie continue, et si les gens sont prêts à accepter le risque d'exploiter ces mines dans des conditions difficiles, pourquoi vouloir les en empêcher?
Mme Joan Kuyek: Sauf votre respect, je ne pense pas avoir aligner des faits sans pertinence. J'en laisserai le comité seul juge. Nous avons simplement essayé de mettre en évidence les risques que comporte l'exploitation de ces mines, et les avantages par ailleurs que l'on pourrait en retirer.
Étant donné l'instabilité politique de l'Arménie et du Kirghizistan, étant donné l'histoire de la région—on est en train d'essayer de passer à la démocratie après l'effondrement de l'ex Union soviétique—on peut se demander très sérieusement si la population locale a même conscience des risques que comporte l'exploitation de ces mines.
Et il ne s'agit pas ici d'une zone où il y aurait eu, dans un passé reculé des tremblements de terre. Le comité a certainement en mémoire le tremblement de terre très grave en Arménie il n'y a pas si longtemps, et la mine en question n'est pas très loin. Cela cause d'ailleurs par ailleurs des problèmes environnementaux graves, qui auront des conséquences sur le plan de la santé et, de façon générale, sur l'existence des habitants d'Arménie. Réouvrir cette mine, et la laisser entre les mains de dirigeants qui sont connus pour la façon dont ils traitent les questions de sécurité, me semblait digne d'intérêt pour le comité. Je ne sais pas si le Canada a des capitaux dans cette mine. D'ailleurs, et très franchement, il a été impossible de pouvoir le déterminer.
J'aimerais également savoir pourquoi quelqu'un comme M. Friedland, choisit d'enregistrer sa compagnie dans le Yukon, alors que presque toutes ses activités se déroulent ailleurs. Serait-ce qu'il pourra en retirer des avantages fiscaux non négligeables? Si effectivement il peut profiter de la fiscalité canadienne, en même temps que de la bonne réputation du Canada dans ses rapports avec le gouvernement de l'Arménie, il importe au plus haut point que le comité connaisse les risques de l'affaire, comme ce serait le cas pour n'importe quelle autre mine.
Il s'agit cette fois d'une mine qui a été mise en exploitation récemment. Ce n'est donc pas une ancienne mine qui se trouverait par hasard sur une faille, dont la population ignorerait complètement l'existence. On pourrait dire la même chose de la mine de Zod, qui se trouve à un jet de pierre de la frontière avec l'Azerbaïdjan. On peut donc de façon légitime se poser des questions sur la capacité des promoteurs miniers potentiels à tenir compte de tous ces aspects de la situation, et l'on aimerait être certain que nous n'allons pas une fois de plus nous retrouver avec une exploitation minière dans une zone de conflits graves mettant en cause la bonne réputation du Canada.
Ces faits me semblent bien pertinents. Nous les avons choisis parmi mille autres faits d'une documentation très fournie. Nous avons veillé à colliger une information dont les sources sont fiables, pour vous la présenter ensuite sous une forme qui permette de mettre en évidence les risques de l'opération. Il n'est pas sans importance de faire remarquer que la BERD est d'accord avec notre évaluation de cette mine arménienne, et qu'elle refuse d'avancer des fonds.
La mine du Kirghizistan, d'un autre côté, présente des caractéristiques complètement différentes. Cameco a une bonne réputation d'exploitant minier, mais on pouvait aussi dire la même chose d'Esmeralda en Roumanie. Il est bien important de comprendre que l'exploitation d'une mine d'or, dans ce genre de circonstances, ne peut que mener tout droit au désastre, et qu'une mine qui ne va être en exploitation que quelques années, représente un risque considérable pour le Kirghizistan, et je pense notamment à l'approvisionnement en eau.
Je suis désolée si vous y avez vu un manque de respect envers le comité. Ce n'était certes pas notre intention. Nous voulions simplement vous signaler les risques, d'une façon qui vous permette ensuite de prendre vos décisions à partir de ce que vous verrez.
M. Lee Morrison: Il ne me reste que quelques minutes, madame Kuyek. Je voudrais un petit peu expliquer ce que j'ai dit, je conçois que c'était un petit peu dur.
• 1045
Au début de votre exposé, par exemple, lorsque vous dites que
la BERD ne veut pas prendre ce genre de risque, on aurait pu croire
à première vue qu'il s'agissait ici de risques physiques et
géographiques en cas d'exploitation. En fait, la BERD prend en
considération les risques économiques et politiques, et c'est bien
de son ressort. Je le répète, si les gens sont prêts à s'exposer à
ce type de risques... Ça ne serait pas mon cas, mais s'ils le
désirent, c'est leur affaire. Il n'appartient pas au comité de
prendre les décisions d'investissement à la place des détenteurs de
capitaux.
J'ai encore un dernier exemple d'un point de votre exposé qui m'a paru un petit peu contestable. Vous avez parlé de Kumtor, et du déversement d'une tonne et demie de nitrate d'ammonium sur le bord de la route. Vous en avez parlé comme d'un déversement toxique. Je vous rappellerai que nous répandons des centaines de milliers de tonnes de ce produit sur les espaces verts et les champs fertiles de l'Amérique du Nord tous les ans; c'est un engrais. Il est utilisé dans la mine pour la fabrication d'explosifs, mais c'est en réalité un engrais; ce n'est pas une substance toxique.
Vous avez parlé aussi d'un déversement de 70 litres d'acide nitrique. Ceux qui ne sont pas spécialistes pourraient s'en inquiéter. En fait ça fait le tiers d'un baril. Au Canada, ça ne serait même pas enregistré comme déversement toxique. Nous avons ici des déversements de l'ordre du camion-citerne, et cela ne nous empêche pas ensuite d'aller nettoyer sur place.
C'est le ton sous-jacent à tout votre exposé qui me dérange. Vous avez évidemment dit un certain nombre de choses intéressantes. Cette affaire d'une exploitation minière sous le glacier me paraît effectivement troublante, et j'attends de pouvoir moi-même me rendre sur place pour m'en convaincre. Mais en rapprochant et regroupant tout ces petits faits et en exagérant, vous affaiblissez votre cause. J'en suis désolé.
Le président: Restons-en là pour le moment, c'est une question de temps. Nous allons passer à la question suivante, si vous voulez bien.
[Français]
Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde: Vos exposés sont très instructifs, mais en même temps, dans le cadre de la préparation d'un voyage qui ne durera au total que 10 jours, ils me laissent un peu perplexe quant à l'information que je peux aller chercher là-bas.
La question que je vais vous poser à tous les trois est la suivante: si vous faisiez partie du voyage, qu'est-ce que vous voudriez voir et savoir?
[Traduction]
Mme Joan Kuyek: Tout cela pour moi ne visait qu'à permettre de poser un certain nombre de questions. Ces questions portent notamment sur deux mines très précises, mais vous verrez également des mines ailleurs. Il s'agit notamment de savoir ce que ces compagnies font pour assurer la sécurité contre des tremblements de terre éventuels, et le refus par ailleurs d'avoir recours à des agents de sécurité en cas de conflit. Il faut également savoir si ces compagnies ont à leur disposition les techniques les plus avancées de l'industrie minière.
Pour ce qui est de la mine Kumtor, on a beaucoup parlé de ce déversement du mois de mai 1998. Je ne pense pas qu'il faille suivre plus loin l'affaire. Mais il s'agit de s'interroger sur l'utilisation que l'on fait des rejets, et des projets de fermeture. Pour l'Arménie tout tourne autour de questions de sécurité, et de ce que j'ai pu évoquer à ce sujet.
Lorsque vous serez au Kazakhstan, essayez peut-être de savoir ce que l'on prévoit pour ce projet de lixiviation d'uranium sur place. La lixiviation in situ est une technique minière qui fait l'objet d'une attention toute particulière de la part de la communauté scientifique, et d'autres parties prenantes. C'est une technique qui comporte des dangers énormes de pollution des sources et nappes phréatiques, ce qui pourrait devenir problématique pour le Kazakhstan.
Je pense que l'on pourrait poser des questions là-dessus.
Mme Francine Lalonde: Mon voisin opine du bonnet.
Le président: Madame Roberts, d'un point de vue pratique d'hygiène quotidienne, à quoi faudrait-il faire attention, outre qu'il faille éviter les amibes dans la salade, etc.?
Mme Janet Hatcher Roberts: Oui, ne buvez pas l'eau, ne mangez pas de salades.
Je pense que je demanderais probablement à chaque pays ce qu'il considère être ses principaux problèmes de santé ainsi que leurs causes. S'agit-il de problèmes d'accès et de disponibilité de services dont ces pays bénéficiaient autrefois et qu'ils ne peuvent plus se permettre? Existe-t-il, à leur avis, des liens et des rapports avec la dégradation de l'environnement? Les cas d'asthme sont-ils plus fréquents? Y a-t-il plus de défauts congénitaux à cause de la contamination environnementale? Y a-t-il des augmentations de cas de cancer, comme le cancer du poumon, à cause du tabagisme? La consommation excessive d'alcool pose-t-elle un problème grave? Nous savons que ce sont des considérations importantes qui causent aussi de sérieux problèmes de santé. Certains sont attribuables à l'environnement, d'autres pas.
Je me renseignerais aussi à propos des processus de la réforme et de leur équité. Sont-ils préoccupés uniquement par les réalités économiques ou sont-ils préoccupés par des approches équitables? Au Canada, c'est certainement ce qui se trouve au coeur de notre philosophie d'une réforme du secteur social et de l'élaboration et du maintien de nos systèmes. C'est le genre d'aide technique que nous estimons pouvoir apporter.
Je pense que je vais en rester là car je crois que vous commencerez à constater l'influence d'importants donateurs comme la Banque mondiale qui offre des options qui creusent les écarts de façon inéquitable en matière d'accès et de disponibilité des services. C'est donc la démarche que vous pourriez adopter lorsque vous vous entretiendrez avec ces gens alors que vous voyagerez dans ces différents pays.
Le président: Dans votre liste, vous n'avez pas mentionné le VIH/sida, qui est un problème assez répandu dans bien des régions.
Mme Janet Hatcher Roberts: C'est une maladie nouvelle. Le mémoire en parle. La malaria est une maladie qui est en train de réapparaître là-bas à cause de l'absence de mécanismes généralisés de contrôle. Les moustiques ne se laissent pas arrêter par les frontières. À l'heure actuelle, les mécanismes de contrôle laissent à désirer, et l'accès aux services de même que le coût des médicaments sont prohibitifs. Les maladies comme le VIH/sida se propagent à un rythme de plus en plus rapide.
Le président: Monsieur Ladhani.
M. Nazeer Aziz Ladhani: Je vous remercie de votre question très pertinente.
Je recommanderais que les membres s'attachent à comprendre la situation socioculturelle de la population de l'endroit, à trois ou quatre niveaux. Au premier niveau, il serait bon de tâcher de comprendre la richesse de la culture, de l'histoire et des traditions. Vous devrez peut-être fouiller un peu plus car elle est enfouie sous 70 ou 80 années d'influence soviétique. Mais il existe une richesse à ce niveau-là, et je pense qu'il serait très important que nous le comprenions.
Au deuxième niveau, je chercherais à découvrir le contexte social des gens que vous rencontrez. Quel est le niveau d'instruction? Quelle a été leur expérience familiale? À quel type de collectivités appartenaient-ils? Cela vous permettra également de comprendre les besoins et aspirations des gens de la région et de déterminer leur niveau d'instruction et leur capacité intellectuelle.
Le troisième niveau consisterait à parler des problèmes actuels en matière de santé, d'éducation, de moyens d'existence et d'emplois.
Le quatrième niveau consisterait à leur demander le genre d'avenir qu'ils envisagent pour eux-mêmes. Quelles sont leurs aspirations? Que veulent-ils pour eux et pour les générations suivantes? Ce genre de questions peut vous réserver des surprises, et j'espère que vous ne serez pas étonnés, mais vous serez stupéfaits de constater l'énergie et l'espoir en l'avenir que ces gens possèdent.
Je pense que si vous êtes munis de cette compréhension, vous serez en mesure de formuler des recommandations très solides.
Le président: Je vous remercie.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Je veux revenir à la question des entreprises. C'est une question fondamentale à laquelle on est constamment confrontés. On sait qu'il y a diverses entreprises, minières ou autres, ici, au Québec et au Canada, qui ont été forcées au fil des années, par des mesures législatives, par des moyens de pression ou par la syndicalisation, de transformer leurs pratiques à l'endroit des ouvriers en matière de santé et de sécurité du travail et en matière d'exploitation.
Je crois comprendre que dans les pays que nous allons visiter, ces pressions, pour l'instant, sont beaucoup moindres, d'une part. D'autre part, la course à la bonne affaire des grandes entreprises du monde se concentre là. Alors, c'est quelque chose qu'on va rechercher très fort, me semble-t-il, afin de conseiller ensuite le ministre sur les exigences minimales qu'il doit avoir pour ces entreprises-là. Qu'on le veuille ou non, ces entreprises seront ensuite identifiées à leur pays d'origine et si leurs pratiques sont inacceptables sur le plan de l'environnement, des relations de travail et des coûts, elles nuiront aux efforts qui peuvent être faits pour aider ces pays. En même temps, c'est une question qui est extrêmement importante parce qu'elle suppose aussi un effort international. J'aimerais vous entendre là-dessus.
[Traduction]
Le président: Vous devrez être très brève parce que notre temps est écoulé pour cette période. Vous pourriez peut-être donner une brève réponse, et je reconnais que la question que vient de poser Mme Lalonde est très générale.
Mme Joan Kuyek: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire la députée. Il est très important de déterminer les mécanismes de contrôle auxquels ces entreprises sont assujetties. À l'heure actuelle, il y a une véritable ruée vers l'or en matière d'exploitation minière, où les gens se précipitent avant que les pays soient prêts. Je pense qu'il est vraiment très important d'appuyer l'élaboration de nouvelles lois et de nouveaux règlements à cet égard et de suivre la situation.
Mme Janet Hatcher Roberts: J'ajouterais qu'il ne faut pas oublier qu'au Canada, nous avons une société civile très forte. Lorsque nous disons: «S'ils sont prêts à accepter le risque, alors très bien», c'est parce que la société civile est tellement forte en Amérique du Nord que nous avons réussi à renseigner les gens au sujet des risques que pose la dégradation de l'environnement, des systèmes de soins de santé, et ainsi de suite. Nous pouvons signaler ce genre de chose au gouvernement et exercer des pressions sur lui pour qu'il agisse. Nous avons beaucoup de chance au Canada d'avoir un gouvernement qui finance des gens comme nous pour être une cause constante d'irritation. Mais d'autres pays n'ont pas cette possibilité.
Qu'est-ce que l'on entend par conséquent par choix et consentement éclairé? C'est loin d'être une coïncidence si on constate une augmentation des cas de lymphome non hodgkinien chez les agriculteurs au Canada parce qu'ils utilisent des engrais. C'est grâce à ces gens, grâce à la société civile qui intervient et travaille à sensibiliser la population à ces questions, que nous pouvons apporter des changements et avoir des lois sur la protection de l'environnement et des processus d'évaluation environnementale d'impact sur la santé.
Le président: Nous devons passer à Mme Augustine. Nous allons dépasser de quelques minutes la période de 10 minutes. L'ambassadeur attend, mais j'espère que vous nous donnerez quelques minutes de plus avec ce groupe, puis nous inviterons l'ambassadeur à prendre la parole. Mais nous devons aussi vérifier ce que nous indique la sonnerie, afin que nous sachions de quel genre de vote il s'agit.
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Il va être différé.
Le président: Tout va être différé.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais poser trois questions. La première, c'est comment pouvons-nous collaborer? Y a-t-il d'autres personnes susceptibles de collaborer là-bas dans le domaine de la santé? Existe-t-il d'autres instances internationales? Et comment pouvons-nous mieux collaborer avec les autres intervenants sur le terrain? Donc, c'est une question que je vous pose.
• 1100
Ma deuxième question s'adresse vraiment à Mme Kuyek, et
concerne la façon dont nous pouvons tenir responsables ces
compagnies enregistrées. Vous avez dit qu'il y a un manque
d'information; que de l'information sélective est transmise au
grand public canadien. Comment le Canada peut-il obliger des
sociétés enregistrées, comme celles que vous avez mentionnées, à
fournir des renseignements sur certaines activités que vous pouvez
plus ou moins porter à l'attention des instances compétentes?
Ma troisième question s'adresse à M. Ladhani. Pourriez-vous nous donner un peu plus de précisions à propos de la société civile, des ONG et de ce qui existe sur le terrain? Je sais que la fondation de l'Aga Khan joue un certain rôle. Quelles sont certaines des organisations sur le terrain avec lesquelles vous travaillez?
Le président: Madame Roberts.
Mme Janet Hatcher Roberts: En ce qui concerne les collaborateurs, nous travaillons dans le Transcaucase et aussi en Ukraine et en Croatie. Donc, nous avons une certaine expérience dans différents secteurs de cette région.
Nous travaillons très étroitement avec d'autres organisations donatrices. Bien que nous ne soyons pas un donateur, nous considérons très important de savoir ce que font les autres donateurs, quel est notre avantage comparatif, et quel est l'apport des Canadiens au niveau de l'avantage comparatif et du peu d'argent que nous apportons de l'ACDI ou d'autres organisations. Nous travaillons avec l'UNICEF et avec l'Organisation mondiale de la santé. En fait, le projet d'information sur la santé du Transcaucase utilise les bureaux régionaux ou de liaison nationale de l'OMS, et se sert en fait de cette infrastructure. Nous avons conclu un arrangement avec l'OMS dans chacun de ces pays et avons signé des ententes tripartites avec les ministres de la Santé de chacun de ces pays.
Nous travaillons aussi avec l'UNICEF et l'International Medical Corps. Sa vocation n'est pas vraiment médicale mais il sert plutôt de groupe de coordination. Nous sommes en train d'étudier comment nous pouvons déléguer ce travail afin qu'il soit effectué au sein même du pays sans que le Canada ait constamment à se rendre sur place... Comment pouvons-nous commencer à mettre sur pied l'infrastructure et appuyer ces activités et déterminer peuvent être embauchées sur le terrain et qui resteront là pour s'acquitter de ce travail? Nous pouvons vous donner des noms et des contextes si vous tenez à rencontrer ces personnes, mais c'est la démarche que nous adoptons, et nous croyons que c'est la façon de rendre les choses durables.
Il est toujours très important de connaître les activités des autres donateurs afin de savoir ce qui se fait non seulement à l'échelle du secteur mais aussi au niveau intersectoriel en matière d'environnement, de développement, d'essor économique et de santé. C'est pourquoi nous travaillons de cette façon-là.
Le président: Chers collègues, malheureusement notre temps est écoulé. L'ambassadeur est ici. Nous avons encore quatre personnes qui veulent poser des questions. Elles pourraient être assez importantes pour le voyage. Puis-je simplement proposer que tout le monde pose ses questions et que vous répondiez peut-être par écrit, au moins, afin que nous puissions obtenir l'information.
Monsieur Grewal, aviez-vous une question? Nous voulons avoir plus d'information. Je vais demander à tout le monde de poser sa question, mais je ne vais pas vous demander d'y répondre, si vous n'y voyez pas d'objection, parce que cela prendrait une vingtaine de minutes, compte tenu de la façon dont nous fonctionnons habituellement, et nous n'avons pas 20 minutes. Donc, nous allons simplement poser les questions.
M. Gurmant Grewal: Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les témoins et à les remercier.
J'ai trois brèves questions. Pour améliorer l'aspect humain, l'environnement et la santé dans le Transcaucase, Mme Roberts a proposé de privatiser certains systèmes publics de soins de santé. Elle laisse entendre que la privatisation des services de santé pourrait être une solution dans ces trois pays. Comment pouvons- nous proposer cette même solution dans ces trois pays alors que nous nous opposons à cette solution au Canada? C'est la première question.
Mme Janet Hatcher Roberts: Vous voudrez peut-être relire le document.
M. Gurmant Grewal: La page 3 traite en fait de la privatisation...
Le président: Nous sommes en train de faire exactement ce que nous voulions éviter de faire.
M. Gurmant Grewal: J'aimerais poser la question suivante à M. Ladhani. Sur les 3 600 emplois qui ont été créés avec l'aide de l'ACDI, quel montant a servi à créer ces emplois, provenant de l'ACDI et du secteur privé?
La troisième question est la suivante. M. Ladhani a parlé de l'extrémisme religieux dans ces pays. Nous savons ce qui est en train de se passer en Tchétchénie. Dans la plupart des pays, la population musulmane est supérieure à 51 p. 100. J'aimerais savoir, avec tout le respect que je vous dois, quelles sont les menaces que représente l'extrémisme, à son avis, dans ces pays. La situation n'est pas la même qu'en Tchétchénie, mais est-il possible que la même chose puisse se produire dans certains autres pays?
Le président: Vous voudrez bien avoir l'amabilité de réfléchir à ces questions et d'y répondre brièvement par écrit. Cela vous serait-il possible?
[Français]
Le président: Madame Debien, avez-vous des questions à poser? Monsieur Rocheleau, vous avez des questions.
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Mes questions vont porter sur le deuxième document que vous nous avez fourni en marge de votre témoignage. Vous faites état d'une problématique, et j'aimerais savoir quelle est l'opinion des gens du Kirghizistan au sujet de Cameco, qui a été présentée au gouvernement par un homme d'affaires de l'ex-Union soviétique, où il y a eu beaucoup de corruption. Il semble que cela ait mené à la démission du gouvernement en 1993. Vous parlez d'un hélicoptère qui se serait écrasé, entraînant ainsi le décès de 15 personnes, dont neuf Canadiens. Vous dites qu'encore aujourd'hui, il y a des poursuites judiciaires. Qu'en est-il de cette question et quelle est la perception du Canada de ce peuple et de Cameco après ces événements?
[Traduction]
Le président: Monsieur Patry, voulez-vous poser des questions?
M. Bernard Patry: Mme Lalonde a posé une question, et j'aimerais partir d'un point de vue différent.
Y a-t-il des sujets tabous dont nous ne devrions pas parler lorsque nous visiterons nos hôtes?
Le président: C'est utile. J'en conviens. Il y a des façons de faire des démarches auprès d'eux qui peuvent être acceptables et d'autres qui ne le sont peut-être pas. Cela serait utile, si les témoins voulaient bien nous aider à cet égard. Ils pourraient mettre cela brièvement par écrit pour nous. N'oubliez pas que nous partons samedi.
Madame Marleau.
Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Certains d'entre nous partent demain; peut-être pas vous.
Le président: Oh, d'accord.
Mme Jean Augustine: Nous partons demain. Nous n'aurons pas le temps.
L'hon. Diane Marleau: J'ai une question très précise et très importante à poser au sujet de la mine que je visiterai probablement au Kirghizistan. M. Homeniuk, de Cameco, était ici, et il nous a assurés qu'il y avait un plan de gestion environnementale qui avait été approuvé par toutes sortes de groupes, y compris des ONG. Il a également dit que les ONG surveillaient l'application de ce plan de gestion environnementale. Puisque nos attachés de recherche n'ont pas pu obtenir le renseignement, j'aimerais savoir—on nous a dit que cela se trouvait sur un site Web. Nous n'avons pas été capables de trouver le renseignement. Êtes-vous au courant? Savez-vous où se trouve l'information? Peut-on y avoir accès? Nous avons posé la question mais nous n'avons pas eu de réponse.
Le président: Vous pourriez peut-être répondre à cela.
Mme Joan Kuyek: J'ai ajouté les numéros des deux ONG dans les notes de bas de page du mémoire en pensant que ce serait utile pour identifier ces gens. Vous devriez peut-être vous adresser à Natalia Ablova.
Le président: Nous avons les notes. En fait, on m'a remis ce document, Diane, que vous pourrez peut-être vouloir consulter.
Merci beaucoup. Merci d'être venus nous rencontrer. Nous sommes désolés, mais nous devons parfois presser un peu les gens. Votre groupe nous a été très utile dans la formulation de nos idées. Je regrette que nous ayons si peu de temps pour profiter d'une expérience aussi riche, dans un domaine où nous pourrions être utiles, mais c'est la vie au Parlement. C'est tout le temps dont nous disposons. Merci beaucoup.
Vous pouvez rester si vous le voulez et écouter l'ambassadeur du Kazakhstan, qui a eu la gentillesse de se joindre à nous.
Monsieur l'ambassadeur, voulez-vous vous joindre à nous et prendre place?
Le président: Chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir l'ambassadeur du Kazakhstan, qui a eu la gentillesse de venir de Washington pour nous rencontrer et nous informer sur son pays. Excellence, nous disposons d'environ 40 minutes. Veuillez faire votre exposé et je sais que les députés auront ensuite des questions à vous poser.
M. Bolat Nurgaliyev (ambassadeur de la République du Kazakhstan au Canada et aux États-Unis): Merci, monsieur le président.
Distingués membres du comité, je suis reconnaissant au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes de m'avoir invité à lui faire part de mes réflexions sur nos difficultés et nos réussites dans l'édification de notre pays, et sur notre façon d'envisager l'avenir.
D'après ce que vous a dit le groupe de témoins précédent, je crois savoir que vous avez étudié notre région et que vous connaissez probablement les données de base sur le Kazakhstan. Permettez-moi toutefois d'en mentionner quelques-unes, car elles illustrent le contexte dans lequel s'inscrivent les problèmes et les défis que nous devons régler et l'avenir que nous aurons.
Le Kazakhstan est situé en Asie centrale, au sud de la Russie et au nord-ouest de la Chine. Sa superficie totale est d'environ le tiers de celle du Canada, mais nous sommes néanmoins le neuvième pays du monde par la superficie. Le Kazakhstan est cinq fois plus grand que la France et il a obtenu son indépendance en décembre 1991. Notre population est relativement faible compte tenu de la taille du territoire. Le Kazakhstan compte 15 600 000 habitants.
Le Kazakhstan est un pays où l'on trouve une grande diversité ethnique, soit plus de 100 nationalités. Les Kazakhs représentent 52 p. 100 de toute la population, les Russes 31 p. 100, les Ukrainiens 4,4 p. 100. Nous comptons également des Tartares, des Allemands, des Polonais, des Tchéthènes, des Coréens et bien d'autres.
Les deux principales religions sont la religion musulmane et la religion chrétienne. On trouve également d'autres religions que pratiquent environ 9 p. 100 de la population.
Le kazakh que parlent plus de 52 p. 100 de la population est la langue officielle de l'État. Le russe, parlé par les deux tiers de la population, est utilisé dans les affaires courantes et a un statut constitutionnel égal.
Environ 98 p. 100 des habitants âgés de 15 ans et plus savent lire et écrire. Nous avons, dans cette région de l'Asie Centrale, le plus grand nombre de publications. L'an dernier, 1 500 journaux et revues différents ont été publiés dans notre république.
S'agissant des ressources naturelles, le Kazakhstan est richement pourvu. Nous avons les plus importantes réserves de barytine, de plomb, de tungstène et d'uranium au monde; nous arrivons au deuxième plan pour les réserves de chromite, d'argent et de zinc, et nous sommes les troisièmes pour le manganèse. Nous avons également d'importants gisements de cuivre, d'or, et de minerai de fer.
• 1120
Lorsque nous parlons du secteur de l'énergie qui a été
mentionné dans l'introduction de la séance d'aujourd'hui comme
étant l'un des facteurs les plus importants qui explique l'intérêt
manifesté à l'égard de cette région du monde, nous pouvons dire que
les réserves pétrolières actuelles du Kazakhstan se chiffrent à
35 milliards de barils, avec des réserves projetées d'environ
100 milliards de barils, ce qui place le Kazakhstan dans la liste
des dix pays ayant les réserves les plus importantes au monde.
C'est le Kazakhstan qui affiche l'investissement étranger direct net le plus élevé en pourcentage de son PIB. Nous sommes donc parmi les chefs de file pour ce qui de l'IED par habitant dans toutes les économies de l'ère post-soviétique. Le Kazakhstan a des exportations équilibrées qui se répartissent entre les ressources naturelles, les produits agricoles et d'autres échanges ne portant pas sur des marchandises.
Comme je le disais, le Kazakhstan a hérité d'une population composée, dans un mélange qui peut être instable, de divers groupes ethniques, mais nous avons tous travaillé fort pour éviter que l'extrémisme et l'intolérance ne s'imposent. Nous sommes déterminés à suivre la voie du changement pacifique malgré les difficultés que nous avons éprouvées au moment de notre accession à l'indépendance.
Comme d'autres anciennes républiques soviétiques, nous avons hérité d'un pays qui était épuisé au plan économique, d'une infrastructure qui se dégradait et d'un environnement en péril. Les chances étaient contre nous. Bien des gens se demandaient si notre population, face aux tensions accrues de la crise économique, n'allait pas être tentée de dresser ses éléments les uns contre les autres. Mais ce danger ne s'est pas matérialisé.
Aux prises avec de graves difficultés, la population du Kazakhstan a prouvé qu'elle pouvait se débrouiller sans céder aux clivages ethniques, raciaux ou religieux. Nous avons plutôt édifié l'unité nationale sur des valeurs partagées et un engagement commun à préserver notre indépendance nationale, à accroître les droits individuels, à implanter des institutions démocratiques et à instaurer un régime de libre marché.
Il est long et difficile de construire un nouvel État démocratique. À la différence de certains pays d'Europe centrale, le Kazakhstan n'avait ni institutions ni infrastructure démocratiques et, par conséquent, aucun fondement pour commercer à bâtir. Il nous manquait une classe moyenne douée d'une solide éthique des affaires et une société civile engagée et impliquée. Dès le premier pas, nous étions donc dans un territoire neuf, et nous devions prendre garde de ne poser le pied qu'en terrain solide. Nous avons dû entreprendre chaque réforme à partir de rien. Il fallait donc au préalable jeter de bonnes assises.
Malgré ces difficultés, nous avons, en à peine plus de huit ans, élaboré le cadre d'une société stable, pluraliste et moderne.
Bien sûr, notre nouveau pays, est une oeuvre encore inachevée. Cependant, si on l'évalue en fonction de n'importe quelle norme historique objective, le rythme de notre développement et l'ampleur et la profondeur de notre transformation ont été vraiment extraordinaires, surtout si on tient compte des graves handicaps dont nous avons hérité et qui ont été pour nous de lourdes contraintes.
Nous nous situons au centre d'une région à la fois vaste et complexe qui revêt d'une extrême importance géostratégique. Tout autour nous jouent les forces d'un brassage extraordinaire qui présente pour notre pays et ses voisins des défis stratégiques en constante transformation.
Au nord, nous avons une frontière commune de 7 000 kilomètres avec la Russie, grande puissance militaire et politique aux prises avec un profond bouleversement économique et des affrontements qui font intervenir tout l'éventail des intérêts politiques.
À l'Est, une frontière de 1 400 kilomètres nous sépare de la Chine, un géant qui doit relever d'innombrables défis économiques et politiques concurrents.
Au Sud, nous voyons un mélange explosif d'intégrisme religieux et de terrorisme provoquer une instabilité politique qui menace nos voisins de l'Asie centrale. Je parle plus particulièrement ici de l'Afghanistan qui est devenu le foyer du terrorisme international.
À l'Ouest, au-delà de la mer Caspienne, des conflits ethniques, religieux et territoriaux demeurent irrésolus dans le Caucase.
Dans ce milieu dangereux, dont l'évolution est difficilement prévisible, le Kazakhstan se dresse comme un rempart de modération et de stabilité pour cette vaste région, comme une force constante de paix et de progrès, comme le champion des mécanismes civilisés permettant de résoudre les différends et favoriser la confiance.
• 1125
Nos choix sont clairs et assurés. Par-dessus tout, nous sommes
déterminés à garder notre indépendance et à poursuivre la
transition pacifique et graduelle de la démocratisation. Nous
sommes résolus à tabler sur nos réalisations en matière de
désarmement nucléaire pour nous opposer à toute prolifération
accrue des armes de destruction de masse et maintenir des normes
strictes d'exportation qui empêcheront des technologies et des
matériaux qui présentent des risques, de se retrouver entre des
mains dangereuses. Nous tenons à agir vigoureusement contre
l'extrémisme sous toutes ses formes, qu'il s'agisse d'intégrisme
religieux ou de terrorisme.
Nous continuerons de travailler dans le cadre des institutions internationales et régionales dont les Nations Unies, l'OSCE, la Communauté des États indépendants, le Conseil de coopération nord- atlantique, et les nouvelles institutions qui relient l'Asie centrale et le Caucase, qui favorisent le règlement pacifique des différends, l'intégration économique et la propagation des principes de la démocratie et du pluralisme.
Nous allons exploiter avec prudence et de façon saine nos vastes ressources en énergie pour protéger l'environnement, tout en appuyant le recours à des circuits de transport de l'énergie multiples qui fourniront à des marchés diversifiés une nouvelle source sûre d'énergie et de matières premières d'importance stratégique.
Nous nous sommes détournés de l'économie centralisée pour adopter un vrai régime de libre marché. Nous avons renoncé à la propriété d'État de la totalité des entreprises, optant pour une privatisation générale de nos entreprises, petites, moyennes et grandes, et de nombreuses sociétés sont maintenant la propriété d'investisseurs étrangers qui les exploitent.
Nous avons allégé les tracasseries administratives et rationalisé l'appareil gouvernemental. Nous avons entrepris une réforme fiscale radicale et créé un régime fiscal libéral qui comportent des incitatifs. Nous avons profondément réformé les régimes de retraite, désormais fondés sur des comptes d'épargne individuels.
Nous nous sommes efforcés de maintenir une discipline budgétaire stricte, ce qui a nécessité une série de douloureuses compressions des dépenses.
La devise nationale du Kazakhstan, le tengue, s'est stabilisée à un niveau qui devra permettre la relance du commerce et la poursuite d'une croissance durable.
Grâce à la libéralisation du commerce extérieur qui est en cours, nous espérons accéder bientôt, à des conditions favorables, à l'Organisation mondiale du commerce.
Deux principes fondamentaux continuent de nous guider. Tout d'abord, la libéralisation économique et la libéralisation politique doivent aller de pair. L'histoire nous enseigne que ni la réforme de l'économie, ni celle de la politique, ne peuvent vraiment réussir isolément. Nous sommes déterminés à continuer de progresser simultanément sur les deux fronts au moyen d'un programme équilibré et complémentaire visant à renforcer les institutions de la démocratie et celles du libre marché. Deuxièmement, le rythme des changements fondamentaux doit être délibéré, mais non brutal. Ce sont les réformes cohérentes et mesurées qui ont le plus de chance de s'implanter et de donner des fruits.
Voilà le cap que nous entendons tenir, en appliquant un programme étudié avec soin et appliqué avec prudence, un programme adapté à l'histoire et à la culture du Kazakhstan.
Depuis deux ans, nous voyons se matérialiser les résultats tangibles et importants de notre nouveau programme de réforme politique, et notamment ceux-ci: la réforme du système électoral, l'épanouissement des partis politiques, l'implantation du premier système de représentation proportionnelle en Asie centrale, le renforcement de nos institutions civiles par l'amélioration des lois concernant les ONG afin de faciliter leurs activités, l'adoption de nouvelles lois sur les médias pour préserver la liberté de la presse, la garantie de la liberté de religion pour toutes les confessions, une attaque en règle contre la corruption au moyen d'une nouvelle loi sévère pour réprimer la corruption. Cet ambitieux programme est en voie de réalisation, et ses objectifs seront atteints dans des délais réalistes. Nous avancerons délibérément, à notre propre rythme, mais nous irons toujours de l'avant.
Le Kazakhstan a tout lieu d'être fier de ce qu'il a accompli en à peine plus de huit ans d'indépendance. Nous avons complètement éliminé notre arsenal nucléaire, qui était le quatrième de la planète par ordre d'importance, et nous avons fermé les plus grandes installations d'essais nucléaires du monde.
Nous avons noué de bonnes relations avec tous les pays qui entourent le nôtre. Le Kazakhstan n'a de confrontation avec aucun pays du monde.
• 1130
Nous avons ramené l'inflation de 3 000 p. 100 à moins de
4 p. 100. Nous entretenons d'excellentes relations avec le FMI et
la Banque mondiale, nous maintenons la discipline budgétaire et
nous travaillons efficacement à la recherche d'un équilibre naturel
et réaliste sur le marché.
Nous tentons de réparer la dégradation écologique léguée par le système soviétique, qui a fait disparaître presque complètement la mer d'Aral, pollué nos eaux et injecté dans nos sols une insidieuse contamination nucléaire.
Nous avons garanti les droits individuels que sont la liberté d'expression, la liberté de religion, la pleine participation à la vie politique et l'égalité des citoyens sans discrimination fondée sur la nationalité, le sexe ou la religion.
Nous bâtissons les institutions démocratiques que d'autres pays ont mis des générations à mettre en place, grâce au développement précoce et sain de partis politiques, aux ONG, et à l'indépendance de la presse.
Nous envisageons à terme les réalisations d'autres pays, comme le Canada, qui ont des systèmes politique et économique hautement développés. Nous demandons à nos amis de l'Ouest de nous soutenir en nous accordant leur aide tout en faisant preuve de patience et de respect pour que nous tracions notre propre voie.
Dans les jours à venir, nous devons rester solidaires, comme nous le sommes de plus en plus, sur les questions d'intérêt commun, depuis l'exploitation des ressources énergétiques de la mer Caspienne, le transport des produits énergétiques et la non-prolifération des armes de destruction de masse jusqu'au maintien de la sécurité dans la région.
Nous sommes heureux de l'intérêt croissant que l'Ouest manifeste pour l'Asie centrale, disposé qu'il est à aider les pays de la région à établir des sociétés saines et productives. J'ai bon espoir que la visite prévue de parlementaires canadiens au Kazakhstan fournira une forte impulsion au renforcement d'une coopération bilatérale déjà dynamique dans différentes sphères.
Je tiens à saisir cette occasion pour vous souhaiter un voyage intéressant, agréable et instructif.
Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci, Votre Excellence.
J'ai M. Grewal, M. Morrison et M. Lalonde sur la liste. Y a-t-il quelqu'un d'autre? Madame Marleau?
Très bien, allons-y.
M. Gurmant Grewal: Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à l'ambassadeur qui est venu de Washington, DC.
Votre Excellence, nous vous remercions de votre exposé et j'ai été ravi de vous entendre parler de tous les progrès que vous avez accomplis sur le plan de la réforme électorale, de la croissance des partis politiques et plus particulièrement des réformes fiscales radicales. Tout d'abord, je vous demanderais de nous parler davantage des réformes fiscales radicales que vous avez entreprises. Voilà pour ma première question.
Mon autre question est la suivante: composer avec une centaine de différentes communautés ethniques est réellement un défi pour votre pays. Comment faites-vous pour assurer l'intégration plutôt que la ségrégation, et comment ces différents groupes ethniques s'entendent-ils ensemble? Quel genre d'environnement socioculturel existe-t-il au pays?
Par exemple, au Canada, nous croyons au multiculturalisme. Nous parlons des Indo-Canadiens, des Canadiens français, des Sino- Canadiens, et ainsi de suite.
Comment les gens s'adressent-ils les uns aux autres et comment arrivent-ils à s'intégrer dans un État aussi divers?
J'ai une troisième question. Vous avez mentionné la liberté de la presse et le système judiciaire du pays. Pouvez-vous nous donner une idée du type de système judiciaire que vous avez? Avez-vous un système judiciaire assez indépendant?
M. Bolat Nurgaliyev: Merci, monsieur.
En ce qui concerne les réformes fiscales, le gouvernement surveille de très près les façons d'améliorer le climat d'investissement et cherche à offrir des incitatifs, surtout aux investisseurs étrangers, afin qu'ils s'engagent plus activement dans les projets économiques au Kazakhstan. C'est une chose.
Ensuite, il s'agit de déterminer quels types de problèmes nuisent à une participation plus active des gens d'affaires étrangers au Kazakhstan. À cet égard, un certain nombre d'institutions ont été mises sur pied, notamment le Conseil des investisseurs étrangers qui relève du président. Elles ont un accès direct au président et au premier ministre proposer les mesures à prendre.
• 1135
On a dit que le régime fiscal était peut-être le principal
problème qui empêchait les entreprises de se développer ou les
nouvelles sociétés de venir s'installer dans notre pays. Au début
du développement économique indépendant, de nombreux régimes
fiscaux ont été établis. La principale tâche a été de simplifier le
régime fiscal et de le rendre davantage transparent et facile à
comprendre. L'aspect le plus important était de laisser ces
changements s'opérer dans le milieu des affaires de l'étranger.
La mise en oeuvre posait un autre problème. Les autorités fiscales, surtout celles à l'échelon local et provincial, savaient qu'une nouvelle mesure législative avait été adoptée. Lorsque nous parlons de ces réformes fiscales spectaculaires, il s'agit de l'adoption de la principale loi en matière d'impôt au Kazakhstan et des dispositions qui ont été publiées par la suite pour préciser la loi. Tout cela avait pour but d'établir un ensemble de règles uniformes pour tous, ce qui n'était malheureusement pas le cas auparavant.
Lorsque nous parlons de relations interethniques, le problème est peut-être plus complexe au Kazakhstan qu'ailleurs à cause de notre histoire et du nombre de gens qui sont venus s'établir chez nous. Par exemple, le Kazakhstan compte une communauté tchétchène considérable. Ceux d'entre vous qui visiteront le Caucase entendront beaucoup parler des répercussions sur la situation des républiques du Caucase ou en Tchétchénie.
À la fin de la Deuxième guerre mondiale, Stalin a déporté toute la population de la Tchétchénie au Kazakhstan. Ce n'est qu'au début des années 60 qu'on a levé les restrictions à la mobilité de cette population. Le Kazakhstan compte peut-être encore la moitié de toute la population tchétchène.
Ce n'est qu'un des nombreux exemples qui existent. Les racines de ces gens sont ailleurs. Qu'éprouveraient-ils, à titre de citoyens du Kazakhstan traités de la même façon que la population originaire du pays ou que les gens qui y vivent depuis de nombreuses générations? Le gouvernement Kazakh s'est doté d'une politique visant à garantir qu'il n'y ait aucune discrimination en fonction de la nationalité, de l'origine ethnique, de la religion ou d'autres caractéristiques.
Nous nous appelons tous... Eh bien, j'ai parlé du rôle du kazakh et russe. Le russe demeura encore pendant longtemps l'instrument de communications interethniques puisque la très vaste majorité des habitants du Kazakhstan parlent russe, compte tenu de leur histoire. À peu près tous les Kazakhs parlent couramment le russe. C'est chez nous la langue de tous les jours.
Quand vous visiterez le Kazakhstan, vous constaterez que le russe est utilisé à peu près partout, même si l'on fait des efforts pour rétablir l'usage du kazakh, puisqu'il s'agit de la langue du pays. Dans quel autre État du monde pourrait-on encourager l'usage du kazakh?
M. Gurmant Grewal: Les documents du gouvernement sont-ils publiés dans les deux langues?
M. Bolat Nurgaliyev: Oui. Toutes les résolutions du gouvernement sont publiées dans les deux langues, en kazakh et en russe.
Comme je l'ai dit, nous ne croyons pas que le Kazakhstan devrait être monoethnique. Nous comprenons que la multiethnicité est un atout pour le pays et non un inconvénient. C'est ainsi que nous encourageons les gens à demeurer au Kazakhstan, même si la population a beaucoup diminué, une perte de l'ordre de 2,5 millions, peut-être, depuis la désintégration de l'Union soviétique. Cela s'explique par de nombreux facteurs. Je puis vous les énumérer si cela vous intéresse, mais d'une façon générale, notre politique est de faire participer les gens à la société et non de les en écarter.
Il y a également l'assemblée du peuple du Kazakhstan, ou différents groupes ethniques ont leurs propres organisations, entre autres la société des Polonais du Kazakhstan et la société des Coréens du Kazakhstan. Ces organisations se réunissent régulièrement et expriment leurs préoccupations sur la situation sociale et économique afin que le gouvernement en prenne note. Ces groupes encouragent aussi l'épanouissement de leur patrimoine culturel.
Pour ce qui est de la liberté de presse et du système judiciaire, j'ai dit que nous avions environ 1 500 publications dont 70 p. 100 sont privées. Une nouvelle loi sur les médias de masse a été adoptée en 1999. Sous le régime de cette loi, seul le tribunal a le pouvoir d'interdire une publication. Aucune autre institution du gouvernement n'a le droit de s'ingérer dans les activités de la presse. Le système judiciaire est un organe indépendant du gouvernement. Les membres de la Cour suprême sont nommés par le Parlement. Les activités de chaque tribunal sont régies par des lois.
[Français]
Le président: Monsieur Rocheleau.
M. Yves Rocheleau: Bonjour, monsieur l'ambassadeur, et merci de vous être déplacé pour venir nous rencontrer.
J'aimerais aborder deux points de votre exposé. Le premier porte sur la lutte que vous menez, comme vous l'écrivez, contre l'extrémisme sous toutes ses formes, qu'il s'agisse d'intégrisme religieux ou de terrorisme. J'aimerais que vous nous en disiez davantage sur ce sujet.
Le deuxième point porte sur le fait que vous mentionnez que vous vous êtes imposé une discipline budgétaire stricte qui a nécessité une série de douloureuses compressions des dépenses. J'aimerais que vous nous disiez dans quelle mesure ces compressions ont influencé soit le Fonds monétaire international, soit la Banque mondiale.
Des témoins nous ont dit qu'au plan socioéconomique et en matière de programmes sociaux, il y a quand même eu une régression depuis le départ de l'ancien régime. J'aimerais savoir si vous êtes inquiet quant à l'évolution du système économique dans lequel vous vivez maintenant. Vous êtes sans doute au fait des critiques de plus en plus fortes qui se font sur la planète face à l'évolution du système capitaliste. On a vu des manifestations récemment à Washington, à Davos et à Montréal. J'aimerais savoir comment vous vous sentez comme nouveau pays qui vient d'adopter ce système, de gré ou peut-être de force.
[Traduction]
M. Bolat Nurgaliyev: Merci, monsieur.
• 1145
À propos de l'extrémisme, nous sommes effectivement très
préoccupés par la tournure des événements dans la région, surtout
depuis l'invasion l'an dernier due Kirghizistan, qui est une
république voisine du Kazakhstan, l'an dernier par les insurgés
islamiques ouzbékes qui ont traversé le Tadjikistan, mais dont le
soutien logistique était situé en Afghanistan.
J'ai dit que c'était en Afghanistan que le coeur du terrorisme s'était déplacé récemment. On le constate aussi dans la prise de conscience de la nécessité d'une lutte collective contre cela dans les républiques d'Asie centrale et chez d'autres membres de la Communauté des États indépendants, car si nous ne faisons pas un effort concerté, vu l'état actuel des forces armées des différentes républiques, on peut sans aucune doute s'attendre à une aggravation de la situation.
Nous avons pris plusieurs initiatives originales et nous avons aussi organisé plusieurs réunions des chefs des services de sécurité et des établissements de défense de la région pour dégager les grandes lignes d'un programme de réaction concertée à cette menace.
Le Kazakhstan est peut-être un peu à l'écart de ces événements parce qu'il n'a pas de frontière commune avec l'Afghanistan, mais nous sommes néanmoins préoccupés par les effets de ricochet, et c'est pour cela que nous participons activement à l'élaboration de cette démarche concertée.
Pour ce qui est de la discipline budgétaire, une des retombées de la crise financière en Asie du sud-est et en Russie a été la contraction des échanges et des relations économiques et un déclin considérable des investissements de cette région du monde. Nous avons dû faire flotter notre devise nationale, et changer de cap par rapport à l'orientation que nous avions avant la crise. L'une des premières mesures que nous avons prises a consisté à réduire les dépenses du gouvernement, ce qui s'est malheureusement traduit par une diminution importante du budget de l'État disponible pour des programmes de protection sociale et de santé.
En même temps, je ne prétends pas que le FMI ou la Banque mondiale ait particulièrement insisté pour que nous le fassions. Naturellement, ces organisations réclamaient une stricte discipline financière et une compression généralisée des dépenses. En ce qui concerne la défense, par exemple, bien que tous les experts affirment que le Kazakhstan devrait consacrer au moins 1 p. 100 de son PIB aux dépenses de la défense, nous n'y avons consacré l'an dernier que 0,53 p. 100, c'est-à-dire beaucoup moins que ce que nous dicterait la prudence.
Le secteur social a moins souffert, mais a tout de même été touché. Le plus gros problème que nous avons avec le FMI, c'est le plafond des emprunts que le Kazakhstan est autorisé à faire à l'extérieur, qui s'explique, c'est certain, mais qui limite le montant des ressources dont le gouvernement peut disposer. En revanche, dans le cas de la Banque mondiale, par exemple, nous avons un important programme d'emprunt pour financer la réforme des pensions, qui est considérable, et nous prévoyons que la troisième tranche de cet emprunt sera débloquée d'ici la fin de l'année. Je vous ai dit que nous étions l'un des pionniers de la réforme des pensions, même si cela s'est fait à un moment tout à fait malencontreux puisque nous étions plongés dans les difficultés économiques, et que le gouvernement était beaucoup moins à même, que deux ou trois ans avant, de financer le surplus de dépenses que cela a entraîné.
• 1150
De manière générale, je dirais qu'on ne partage pas au
Kazakhstan les critiques formulées lors de la récente réunion
annuelle du FMI et de la Banque mondiale, que l'on a accusés d'être
les ennemis de la société ou d'entraver les programmes de
protection sociale. Je crois au contraire que mes concitoyens
apprécient énormément le rôle de la Banque mondiale et tout
particulièrement l'aide qu'elle a apportée au Kazakhstan pour lui
permettre de surmonter de graves problèmes économiques, sociaux et
écologiques.
Je vous remercie.
Le président: Monsieur Patry.
M. Bernard Patry: Merci, monsieur le président. Merci, Excellence, d'être venu nous rencontrer.
Dans votre mémoire, vous dites que le Kazakhstan ne dispose pas d'institutions ou d'une infrastructure démocratique, qu'il n'existe même pas de fondations sur lesquelles s'appuyer, mais que depuis votre accession à l'indépendance il y a huit ans, le pays s'efforce de mettre en place un cadre de société moderne pluraliste stable, et que votre objectif n'est pas de diviser les groupes ethniques mais au contraire d'insister sur les valeurs qu'ils partagent. Vous envisagez une réforme politique fondée sur la mise en place d'un régime électoral et la croissance des partis politiques. Sachant que plus de 100 nationalités sont représentées dans votre pays, les plus importantes étant les Kazakhs et les Russes, pouvez-vous me dire si un grand nombre de ces nationalités sont actuellement représentées au gouvernement, au niveau du ministre, des hauts fonctionnaires, ou du sous-ministre, ou si ces postes sont exclusivement occupés par des Kazakhs?
M. Bolat Nurgaliyev: Non. C'est le miroir de la composition de la population, mais pas en chiffres absolus. Il y a des gens appartenant à des groupes ethniques différents au niveau du vice-premier ministre et de plusieurs ministres. Par exemple, le ministère important de l'Industrie, de l'Énergie et du Commerce extérieur est dirigé par quelqu'un d'origine juive. Le procureur en chef est un Russe. Les gouverneurs de plusieurs provinces sont allemands, russes, polonais. C'est notre politique, et ce n'est pas l'apanage des Kazakhs. Le principal critère, évidemment, est le professionnalisme. Cela va sans dire.
M. Bernard Patry: Merci.
Le président: Excellence, je suis heureux de ce que vous avez dit à propos des tribunaux indépendants et du combat pour créer un système aux règles claires et applicables, ce qui vise beaucoup d'investissements directs étrangers, dont vous avez parlé.
Mais nous avons entendu un témoin ici au comité, M. Carroll, de World Wide Minerals, et je dirais que le récit qu'il a fait du traitement que son entreprise a reçu au Kazakhstan, est diamétralement opposé au tableau que vous nous avez brossé.
• 1155
J'ai reçu quelqu'un à mon bureau récemment, une certaine
Mme Kharitonova, qui a importé 35 voitures dans votre pays. Elles
sont toujours dans votre pays. Elles ont été réquisitionnées. Il y
a un jugement contre le gouvernement, qui lui ordonne de payer, et
elle n'a jamais pu faire appliquer la décision. Elle n'a jamais pu
obtenir de l'aide de qui que ce soit. Même si tout le monde dit
vouloir l'aider, personne ne l'aide.
Il me semble donc, même si chacun a des problèmes dans son système, et nous en avons nous aussi—ce n'est pas un manque de respect de ma part ici—je pense qu'il serait difficile d'attirer des investissements directs étrangers si la communauté étrangère estime que les règles ne sont pas appliquées ou que les décisions des tribunaux ne peuvent pas l'être non plus.
Avez-vous des réactions à nous donner à propos de ces deux cas? Vous les connaissez sans doute, car je sais que des démarches ont été faites par World Wide Minerals et par Mme Kharitonova, au Congrès et ici, à propos de ces dossiers. Ils ont donc été portés à l'attention du gouvernement. Pourriez-vous nous aider et nous donner votre point de vue.
M. Bolat Nurgaliyev: Oui, nous sommes au courant de l'affaire de World Wide Minerals. L'affaire est actuellement en instance devant la Cour de district de Washington. Les porte-parole de World Wide Minerals font largement entendre leurs critiques du climat pour les investissements au Kazakhstan en général et pour le traitement que la compagnie a reçu.
Essentiellement je dirais que l'affaire doit être tranchée par les tribunaux car les interprétations sont divergentes. La version du gouvernement est différente de celle de la direction de World Wide Minerals. Les dirigeants racontent qu'on leur avait fait comprendre au moment où ils ont entrepris ce projet à Stepnogorsk, qu'on leur donnerait des mines dans le Sud, et c'est la raison pour laquelle ils ont décidé d'investir. Toutefois, la position du gouvernement kazakh c'est qu'il n'y a jamais eu de promesse comme celle-là.
Voilà où les versions diffèrent en ce qui concerne les attentes de la compagnie. World Wide Minerals a été contrariée de ne pas obtenir les mines d'uranium du sud et a cessé de financer l'infrastructure sociale prévue dans les obligations contractuelles pour la ville de Stepnogorsk.
Le gouvernement n'avait donc pas d'autre choix, avec la venue de l'hiver, que de retirer le contrat. Pour ce qui est des demandes de remboursement, je pense que le gouvernement respectera la décision du tribunal lorsqu'elle sera rendue.
L'affaire de Mme Kharitonova constitue un ensemble de plusieurs facteurs. Il y a d'abord le piètre jugement manifesté dans la conclusion d'une transaction avec un associé non fiable, qui vivait au Kazakhstan mais qui était en fait un citoyen de la Fédération de Russie. Il a escroqué Mme Kharitonova, qui lui a fourni ces véhicules et, à la livraison, il a refusé de payer.
La deuxième série de facteurs dont je reconnais l'existence, à titre de représentant du gouvernement du Kazakhstan, c'est que dans cette affaire, le système judiciaire n'a pas fonctionné aussi bien qu'il aurait dû le faire. L'affaire a été étudiée pendant trop longtemps, par trop de juges, et chacun d'eux se faisait tirer l'oreille. C'est pourquoi, entre 1994 et 2000, il n'y a pas eu de décision claire, et c'est ainsi que ces voitures ont été désassemblées pendant que les autorités policières en avaient la garde, et que des pièces ont disparu.
• 1200
Le gouvernement dit qu'il prendra peut-être possession de ces
voitures, mais Mme Kharitonova dit bien sûr «Qu'est-ce que je vais
en faire?» Je comprends parfaitement sa position car leur valeur
commerciale n'est pas ce qu'elle était.
Je sais que cette affaire a maintenant été abordée au niveau interinstitutionnel, avec la participation du ministère de la Justice, et la solution sera fondée sur la législation existante du Kazakhstan; c'est-à-dire que, si un citoyen ou une entité commerciale subit un tort matériel en raison de l'inaction d'une organisation gouvernementale—et en l'occurrence, ce sont les autorités policières du Kazakhstan qui avaient la garde de ces voitures—le gouvernement doit payer à même le trésor de l'État. Et je prévois que tel sera l'aboutissement de cette affaire.
Quant aux juges qui se sont rendus coupables de négligence, quatre d'entre eux ont subi des mesures disciplinaires.
Le président: Merci beaucoup. Cette réponse est très utile.
Monsieur Morrison, une brève question, et ce sera tout.
M. Lee Morrison: Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue, Excellence. C'est très aimable à vous de vous être déplacé pour venir nous rencontrer.
Je voulais vous interroger de façon détaillée sur la situation dans l'affaire de la World Wide Minerals, mais le président du comité m'a devancé. Il subsiste toutefois dans mon esprit une question et je suis perplexe. Peut-être qu'il y a de désinformation. Comme vous le savez, cette affaire a causé toute une onde de chocs dans le milieu minier international. Enfin, cela suscite énormément d'intérêt chez les investisseurs internationaux.
D'après ce que j'ai lu dans les journaux et diverses conversations que j'ai eues, je crois comprendre que le problème de la World Wide Minerals est que la compagnie ne pouvait pas obtenir de permis pour exporter son produit, ce qui l'empêchait évidemment de mener à bien ses activités. On ne peut pas faire de l'extraction minière si l'on n'a pas de revenu, et l'on ne peut pas avoir des revenu si l'on ne peut exporter son produit. Les intéressés étaient donc coincés. Il leur était impossible de résoudre leur problème; c'était un cas de force majeure.
Maintenant, est-il vrai qu'ils ne pouvaient obtenir de permis d'exportation, ou bien est-ce un faux renseignement que l'on a fait circuler?
M. Bolat Nurgaliyev: Eh bien, comme je l'ai dit, la principale concession minière que possédait la World Wide Minerals visait les gisements d'uranium du sud. Les responsables de la société affirmaient que leurs mines du Nord étaient presqu'épuisées et qu'ils ne pourraient commercialiser leur produit que s'ils pouvaient avoir accès aux mines du sud. Mais la position du gouvernement était que l'on ne leur avait jamais rien promis de tel.
Le deuxième élément est la confusion quant à l'action de KazAtom-Prom—c'est-à-dire l'Association de l'industrie nucléaire du Kazakhstan, qui a donné à une compagnie allemande appelée NUKEM, le droit exclusif d'exporter des concentrés d'uranium du Kazakhstan. Ce qui s'est passé, c'est qu'à la signature du contrat, World Wide Minerals n'avait pas été informée qu'une autre compagnie possédait des droits exclusifs. Ensuite, quand il y a eu conflit pour l'obtention des permis, la World Wide Minerals s'est fait dire que telle était la situation et qu'elle devait négocier avec ces gens-là pour obtenir le droit d'exporter aux termes de leur permis.
• 1205
Je pense donc que plusieurs facteurs entraient en ligne de
compte. Nous ne prétendons pas que l'action de KazAtom-Prom était
irréprochable. Elle aurait dû jouer franc jeu avec la partie
contractante, mais c'est aussi une question de diligence
raisonnable de la part de World Wide Minerals, qui a tenté
d'obtenir cela sans en avoir bien étudié les conséquences. Ce n'est
pas à moi de dire s'il faut l'en blâmer. Je ne m'aventurerais pas
à dire qui a raison ou qui a tort. C'est pourquoi je dis, qu'en
tenant compte de tous les faits, nous respectons la décision du
tribunal.
Le président: Somme toute, Votre Excellence, vous considérez apparemment que la question sera réglée de façon définitive devant la Cour de district des États-Unis et que le Kazakhstan reconnaît que ce tribunal a compétence en la matière. C'est donc lui qui réglera la question.
M. Bolat Nurgaliyev: Oui, sauf que l'une des parties en cause, World Wide Minerals, m'accuse de lui avoir fait perdre du temps en lui disant que la question serait réglée et que le gouvernement agirait, même si j'ai fait de mon mieux pour avoir de bons rapports avec la compagnie canadienne. C'est effectivement ce qui est arrivé parce que le gouvernement avait examiné diverses possibilités, avant d'avoir recours au tribunal, pour minimiser des conséquences pour le climat d'investissement et la réputation du Kazakhstan. Il y a ensuite eu un autre conflit au sujet de la taille de l'investissement. World Wide Minerals affirme une chose et le gouvernement du Kazakhstan donne un autre chiffre après avoir fait certains calculs. Il faudra donc régler tout cela.
Le président: Je pense que nous allons devoir nous arrêter parce que nous n'avons que 45 minutes et qu'une autre réunion doit commencer dans la même pièce à 13 heures.
Votre Excellence, au nom du comité, je vous remercie d'être venu de Washington. Je regrette que nous n'ayons pas eu le temps de vous demander votre avis à propos des intérêts américains dans votre région, mais c'est sans doute une question que vous connaissez très bien, vu que vous êtes posté à Washington. Nous aurons peut-être l'occasion d'en parler une autre fois, peut-être au Kazakhstan.
Merci beaucoup. Nous vous remercions d'être venu et d'avoir pris le temps de nous parler. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour à Washington.
M. Bolat Nurgaliyev: Merci beaucoup et bon voyage à tous ceux qui iront en Asie centrale et dans le Caucase.
Le président: Merci.
La séance est levée, mais je prie ceux qui participent au voyage de rester pour la séance d'information.