FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 17 octobre 2000
Le coprésident (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Aujourd'hui nous avons l'honneur de tenir une séance conjointe du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire et du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Mon bon ami, M. Bill Graham, président du Comité des affaires étrangères, copréside la séance avec moi.
La séance portera sur la Journée mondiale de l'alimentation, mais c'était en fait hier. Nous n'avons pas eu l'occasion de discuter de cette journée hier, mais nous allons le faire maintenant.
Nous avons le plaisir d'accueillir d'éminents témoins. Du Conseil canadien de la coopération internationale, Mme Esperanza Moreno. De la Banque canadienne des céréales vivrières, nous accueillons M. Stuart Clark, gestionnaire en matière de politique. D'Oxfam Canada, Mme Rieky Stuart. Et de la Fédération canadienne de l'agriculture, M. Jack Wilkinson.
Avant de donner la parole aux témoins, j'invite M. Graham à nous dire quelques mots.
Le coprésident (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Merci, monsieur Harvard.
Chers collègues, au nom du Comité des affaires étrangères et du commerce international, je souhaite la bienvenue aux témoins. Je crois que c'est la quatrième réunion conjointe que nous tenons au sujet de la Journée mondiale de l'alimentation.
Bien sûr, la production de denrées alimentaires est extrêmement importante dans notre propre société, ici au Canada. Nous sommes très fiers de ce que fait notre communauté agricole, et en tant que membres du Comité des affaires étrangères, nous sommes bien conscients du fait que les pénuries de vivres à l'échelle mondiale contribuent à l'indicible pauvreté et au manque de sécurité qui sévissent partout dans le monde.
Vous le savez peut-être, la FAO, c'est-à-dire l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, a été fondée à Québec en 1945. En tant que Canadiens, nous nous sommes toujours vivement intéressés non seulement à notre propre production agricole mais à la façon d'aider les autres pays du monde à soutenir la leur. Dans notre étude de l'OMC, notre comité a étudié de façon approfondie la question de la sécurité alimentaire, et nous sommes impatients d'entendre les témoins nous dire comment nous pourrions faire davantage en tant que Canadiens pour l'améliorer.
[Français]
Donc, je vous souhaite à tous et à toutes la bienvenue à cette réunion annuelle.
[Traduction]
J'aimerais mentionner en passant que nous avons parmi nous l'honorable David MacDonald. C'est lui qui à l'origine nous a incités à tenir ces audiences, et nous sommes heureux de le voir de retour.
Le coprésident (M. John Harvard): Merci, Bill.
Nous allons commencer à entendre les témoins. Je suppose que nous allons entendre tous les groupes de témoins avant de passer aux questions.
Madame Moreno, voulez-vous commencer? Si oui, nous entendrons le prochain témoin quand vous aurez terminé votre déclaration.
Nous disposons de deux heures. Nous aurons donc amplement de temps pour poser des questions, je souhaite à nouveau la bienvenue à tous.
Vous avez la parole, madame Moreno.
Mme Esperanza Moreno (vice-présidente suppléante et présidente-directrice générale, Conseil canadien de la coopération internationale): Tout d'abord, merci de nous avoir invités à comparaître devant le comité aujourd'hui, pour souligner le 20e anniversaire de la Journée mondiale de l'alimentation.
Comme beaucoup le savent, le Conseil est un organisme qui regroupe une centaine d'importantes organisations non gouvernementales au Canada. Dans le cadre de notre campagne conjointe, nous travaillons avec nos membres et avec d'autres organisations pour nous assurer que le Canada contribue de façon significative et efficace à l'éradication de la pauvreté à l'échelle planétaire. Tous les ans depuis 20 ans, la Journée mondiale de l'alimentation est pour nous une occasion de ne pas oublier les grands défis qui nous confrontent de par le monde pour assurer la sécurité alimentaire de tous et pour que soit respecté le droit de chacun à des vivres suffisants.
La faim est l'un des signes les plus fondamentaux et évidents de pauvreté. Nous comparaissons aujourd'hui à titre de membres du Groupe de travail du plan d'action des ONG sur la sécurité alimentaire et nos membres et nos militants travaillent au Canada et à l'étranger pour lutter contre la pauvreté et pour soutenir les associations d'agriculteurs et les associations populaires. Le grand poète et militant Pablo Neruda a dit: «Pour l'instant, je ne réclame rien d'autre que le droit de manger». Il est important que nous réfléchissions au problème de l'alimentation sous l'angle de la justice.
• 0910
Aujourd'hui je vais vous parler de trois choses. D'abord, quel
est le problème? Ensuite, qu'est-ce qui est faisable? Et
troisièmement, je vais signaler les grands domaines où nous pouvons
prendre des mesures, domaines dont mes collègues ici vont vous
parler de façon plus détaillée.
Pour ce qui est de la nature du problème, bien des régions du monde, y compris le Canada, connaissent une prospérité qui ne s'était jamais vue, pourtant tous les jours des millions de gens se lèvent en sachant qu'ils ne mangeront pas à leur faim. Il est tout à fait inadmissible que la faim persiste alors que la terre produit suffisamment d'aliments pour nourrir toute la population planète.
[Français]
Des raisons nombreuses et complexes expliquent cette anomalie: la destruction de l'environnement, un système commercial mondial favorisant la production des engrais pour l'exploitation plutôt que l'autosuffisance locale. Dans les années 1970 et 1980, la révolution verte a poussé hors de chez eux des petits propriétaires, des propriétaires communaux, lorsque le gouvernement et les élites rurales ont décidé de livrer ces propriétaires à l'agriculture à grande échelle et à la haute technologie. Les cultures locales résistaient aux prédateurs et à la sécheresse. On les a remplacées par des variétés hybrides moins résistantes protégées et brevetées par des particuliers, qui ont un bien meilleur rendement, mais qui nécessitent de plus grandes quantités d'énergie et des engrais commerciaux, souvent importés.
La pêche et l'agriculture traditionnelles, qui ont déjà fait vivre des collectivités, ont fait place au chômage et aux emplois mal rémunérés. La faim frappe même dans les pays qui ont suffisamment de provisions alimentaires. En fait, on voit qu'elle frappe dans notre cour arrière quand on observe bien. D'après l'Association canadienne des banques alimentaires, 2,4 p. 100 des Canadiens comptent sur les banques alimentaires pour nourrir leurs familles. Plus de 40 p. 100 de ces personnes ont moins de 18 ans.
Dans le Globe and Mail d'aujourd'hui, on raconte que la fréquentation des banques alimentaires a augmenté de 1,4 p. 100 depuis le mois de mars dernier, une période de prospérité sans précédent au Canada. Cette fréquentation a doublé depuis 10 ans. En 1989, elle était de 378 000 personnes; maintenant elle est de 726 000 personnes.
Au Canada, plusieurs cultivateurs et pêcheurs ne peuvent plus vivre de l'approvisionnement des Canadiens en aliments. Les cultivateurs ont besoin de plus en plus de terres pour survivre, alors que les sociétés transnationales peuvent approvisionner nos tables à moindre coût grâce au libre commerce plus facile des produits alimentaires et parce que, souvent, elles ont des contrats avec des petits agriculteurs ou exploitent la main-d'oeuvre rurale des pays du Sud.
Les problèmes se compliquent dans de nombreux pays en développement quand la production alimentaire intérieure ne peut satisfaire aux besoins caloriques et nutritifs de la population et que le manque d'argent empêche d'importer des denrées pour combler ce déficit alimentaire.
Au Nord comme au Sud, les plus éprouvés sont les pauvres: petits propriétaires, gens sans terres ou vivant de la pêche, réfugiés, autochtones ou immigrants ayant quitté récemment leurs campagnes devenues trop pauvres. Les femmes écopent plus que les autres. Quoiqu'elles produisent bien plus que la moitié des denrées en Afrique, en Amérique latine et en Asie, dans les régions rurales, les lois sur la propriété foncière, les coutumes ainsi que les modes de développement agricoles bloquent l'accès à la terre, au crédit et aux technologies, entravant ainsi la capacité de production des femmes.
Dans les villes, en raison de la difficulté qu'elles ont à se trouver un emploi, les femmes ne peuvent pas acheter les aliments. Le manque de services sociaux en milieux urbain et rural alourdit le fardeau des femmes et leur laisse de moins en moins de temps et d'énergie pour faire un travail salarié et produire des aliments. Dans beaucoup de pays, à cause de leur statut inférieur, les filles et les femmes mangent après les garçons et les hommes. Il leur reste souvent bien peu à manger.
Maintenant,
[Traduction]
qu'est-ce qui est faisable?
Cela ne devait pas se passer ainsi. En 1996, des représentants de plus d'une centaine de gouvernements, dont celui du Canada, se sont rencontrés à Rome pour le Sommet mondial de l'alimentation. On s'est entendu pour reconnaître que chacun avait droit à une alimentation suffisante, saine et nutritive. On s'est alors promis d'y travailler, et on s'est fixé l'objectif de réduire le nombre des mal nourris dans le monde, c'est-à-dire 800 millions de personnes—de moitié d'ici 2015. Cet objectif était modeste et parfaitement réaliste. Cela signifiait qu'il fallait réduire le nombre de mal nourris de 20 millions par année, mais nous sommes très loin du compte, les réductions stagnant à environ 1 million par an.
• 0915
C'est un peu comme si l'on disait que la voiture qui doit
permettre d'éradiquer la faim dans le monde devait rouler à 100 km
à l'heure et qu'elle avance péniblement à 40 km à l'heure. Le
progrès est si lent que l'objectif de réduction de la faim vient
d'être repoussé à 2030. En outre, 12 millions de personnes de plus
viennent chaque année grossir les rangs des affamés parce que nous
n'arrivons pas à respecter la promesse que nous avons faite au
Sommet mondial de l'alimentation.
Qu'est-il possible de faire? Des citoyens et des paysans partout dans le monde prennent des mesures pour que la sécurité alimentaire devienne une réalité.
[Français]
Aujourd'hui, au Brésil, à la suite de la campagne d'action civique menée en 1993 à la grandeur du pays par les associations de quartiers, les Églises, les sociétés, les syndicats et les écoles, quelque 3 000 comités indépendants s'affairent à soulager la faim de 32 millions de Brésiliens. Cette campagne a fait naître, à la base, une autre approche politique et une nouvelle forme d'organisation plus décentralisée, et cela force le gouvernement brésilien à reconnaître le problème de la faim.
En Éthiopie, en Inde et au Kenya, des semences d'origine sont recueillies, préservées et utilisées par les ONG en vue de rétablir la diversité génétique de cultures vivrières locales qui résistent aux maladies et aux prédateurs nouveaux et qui poussent sans irrigation ni produit chimique.
Partout dans le monde, des groupes de défense des droits des cultivateurs se sont formés en vue de s'opposer aux monopoles qui contrôlent les semences et la production végétale. Le phénomène s'observe même au Canada. En Saskatchewan, par exemple, les cultivateurs essaient de nouvelles formes de régimes fonciers fondées plutôt sur les intérêts collectifs. Ils veulent développer une agriculture viable et produire eux-mêmes des aliments sains et nutritifs.
Dans les Maritimes, des pêcheurs indépendants se regroupent en organisations de plus grande taille pour être en mesure de mieux gérer la pêche côtière en fonction des intérêts des villages côtiers. Ces initiatives, qui en grande partie viennent des pauvres et les servent, montrent tout ce que l'on peut faire.
[Traduction]
Toutefois, l'action des citoyens ne suffit pas. Les gouvernements doivent en faire une priorité et respecter leurs engagements internationaux. Mes collègues du groupe de travail sur la sécurité alimentaire vous parleront des domaines précis où les initiatives du Canada peuvent faire une différence: comme les programmes d'aide canadiens; l'aide alimentaire; la politique de commerce international; et, c'est très important ici, grâce à un meilleur soutien à nos agriculteurs.
Pour ce qui est des programmes d'aide du Canada, nous déposons aux comités aujourd'hui une proposition qui devrait permettre à l'aide canadienne de mieux assurer la sécurité alimentaire. Vous avez la proposition en main, elle s'intitule «Towards Reducing Hunger by Half: A Canadian NGO Proposal for Canadian Aid». En alliant l'ingéniosité humaine aux engagements pris par les gouvernements nationaux et la collectivité internationale pour éradiquer la pauvreté, on pourra faire en sorte que soit respecté le droit de tous à s'alimenter.
Merci.
[Français]
Merci beaucoup.
[Traduction]
Le coprésident (M. John Harvard): Merci.
Madame Stuart.
Mme Rieky Stuart (directrice générale, Oxfam Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, monsieur Graham et monsieur Harvard, distingués parlementaires, collègues.
[Français]
C'est avec grand plaisir que nous profitons de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui pour discuter d'un thème aussi important que la faim.
[Traduction]
Merci beaucoup de m'avoir invitée à prendre la parole.
Oxfam Canada lutte contre la pauvreté depuis sa fondation il y a 37 ans. Quelque 40 000 Canadiens nous soutiennent financièrement, et nous travaillons en partenariat avec l'ACDI pour étendre la portée de notre action. Nous travaillons de concert avec de petits cultivateurs et des associations des communautés rurales dans 20 pays d'Afrique, d'Amérique latine et des Antilles. Grâce à notre affiliation avec Oxfam International, nous pouvons bénéficier des expériences de quelque 120 pays.
Avec un bon nombre d'autres organisations non gouvernementales canadiennes qui s'occupent de développement, nous avons appris des choses sur les causes de la faim et sur les moyens d'y remédier. Dans le document qu'Esperanza vient de mentionner, vous trouverez un résumé de notre réflexion sur le rôle de l'aide canadienne dans la sécurité alimentaire mondiale. Je vais vous parler ici des aspects de développement à long terme que comporte cette proposition.
• 0920
Comme vous le disait Esperanza, la faim n'est pas causée par
une pénurie d'aliments mais plutôt par un manque d'accès à ces
derniers. Les aliments sont là. Nous produisons suffisamment de
nourriture dans le monde, mais des gens ne peuvent pas se permettre
de l'acheter. Les mal nourris sont pour la plupart des femmes et
des fillettes. La plupart vivent dans des pays pauvres où
l'agriculture à petite échelle est la principale source d'emplois
et de revenus. Hier, la FAO a publié un rapport très intéressant
sur la situation en matière de sécurité alimentaire mondiale, que
je vous signale.
Voilà pourquoi nous croyons qu'un élément clé de la lutte contre la faim serait d'augmenter les revenus des agriculteurs et d'accroître la production locale pour répondre aux besoins des gens de la région. Si on renforce l'agriculture à petite échelle et qu'on dynamise l'économie rurale, les affamés auront les moyens de produire leurs propres aliments de générer des revenus et de créer de l'emploi pour augmenter leur production.
Même s'il existe des antécédents alimentaires au niveau global ou national, c'est souvent le fait de pas avoir développé l'agriculture ni augmenter la production alimentaire locale qui crée des problèmes d'insécurité alimentaire au niveau local. Par exemple, 45 p. 100 des enfants affamés dans le monde vivent dans des pays où la production alimentaire est excédentaire. L'objectif à long terme serait peut-être de réduire la dépendance sur l'agriculture, mais pour y arriver, il faudrait améliorer l'économie rurale qui fournit les moyens de vivre et les aliments à la population locale.
Pour vous expliquer comment nous sommes arrivés à cette conclusion, permettez-moi de vous faire un peu d'historique notre réflexion en matière de développement depuis l'apogée d'optimisme qui existait dans les années 60 et au début des années 70 au sujet de l'aide. Comme certains d'entre vous, j'y étais. C'était l'époque de la révolution verte au moment où on introduisait pour la première fois de nouvelles variétés de semence, la monoculture, ainsi que des engrais et des pesticides chimiques. Oxfam Canada a travaillé avec les petits cultivateurs en Afrique, en Amérique latine, et aux Antilles depuis l'aube de l'agriculture moderne. Nos partenaires ont vécu par la révolution verte. Certains ont survécu grâce à ces réussites, mais tous ont souffert de ces échecs.
J'aimerais vous parler de leur expérience. Pendant les dix premières années la révolution verte a fait époque en doublant et quelquefois en triplant la production des céréales de base. Même si les cultivateurs plus riches étaient les seuls à pouvoir profiter des nouvelles techniques au début, bientôt des prêts et des subventions gouvernementaux ont permis à ces technologies de profiter à beaucoup de monde, surtout en Asie et en Amérique latine.
Vers 1980, toutefois, des cultivateurs du monde entier signalaient des problèmes. Les récoltes baissaient et les coûts augmentaient. Les nouvelles variétés de blé, de maïs et de riz enlevaient les minéraux du sol et épuisaient les ressources d'eau, ce qui exigeait l'application de plus grandes quantités d'engrais chimiques coûteux et le détournement de rivière et de ruisseaux. La diminution des récoltes était due aussi au fait que les parasites devenaient résistants, ce qui nécessitait l'utilisation d'herbicides et de pesticides toujours plus toxiques.
Fait peu connu, cette production accrue se substituait en partie à la production plus traditionnelle de légumes, de fruits, et d'autres produits agricoles, de sorte que les gains nets, même à l'apogée de la révolution verte, étaient très inférieurs à ce qu'on avait. Aujourd'hui dans des pays tels que le Bangladesh on voit que les gens essayent de recommencer à produire des récoltes plus variées pour améliorer leur santé et assurer la diversité nécessaire dans leur régime alimentaire.
Le fait que la révolution verte reposait sur l'utilisation intensive de ces produits a coûté très cher à l'écosystème et à la santé publique. La montée en flèche des prix a causé l'endettement profond de bien des petits cultivateurs, d'autant plus que les gouvernements suivaient les ordres du FMI d'éliminer graduellement les subventions. Des milliers d'entre eux ont fait faillite et ont perdu leurs terres. Cela s'est traduit par un accord d'un nombre toujours croissant de cultivateurs affamés dans les villes, qu'avaient abandonné leurs terres ou dont s'étaient emparées de grandes exploitations commerciales. Une fois arrivés en ville, évidemment, ces cultivateurs ont beaucoup de difficulté à se nourrir et viennent grossir les rangs des chômeurs.
Si on veut éviter le déplacement de la population rurale et de son insécurité alimentaire croissante, il faudrait renforcer les moyens d'existence des exploitants ruraux actuels et créer de nouveaux moyens d'existence. Des techniques agricoles appropriées sont essentielles. Elles doivent être adaptées à l'agriculture durable à petite échelle. Les systèmes de connaissance traditionnels basés sur des technologies utilisant peu d'intrants et sur une connaissance intime de l'environnement physique et social constituent une source de savoir-faire bien plus pratique pour les petits exploitants agricoles du Nicaragua ou du Zimbabwe que la haute technologie exportée par Monsanto et par d'autres sociétés.
• 0925
J'ai visité le Nicaragua et le Zimbabwe dernièrement pour voir
comment marchent nos programmes là-bas, et j'aimerais vous en
parler un peu. Au Nicaragua, par exemple, nous aidons une
organisation qui s'appelle Campasino a Campasino, d'un paysan à
l'autre, qui encourage les petits cultivateurs à expérimenter pour
accroître leur production et leurs moyens d'existence, et à mettre
en commun leurs connaissances. Cette organisation compte bien plus
de 1 000 agriculteurs parmi ses membres, dont certains travaillent
avec difficulté sur des terres très accidentées, soit parce qu'ils
n'ont pas accès aux terres arables plus fertiles, soit parce que
c'est leur région traditionnelle. Ils ont des problèmes énormes
d'érosion, de dégradation, et une surabondance ou d'une pénurie
d'eau.
Ce qui nous a impressionnés lors de notre visite chez ces agriculteurs, c'était de voir l'inclinaison du terrain qu'ils cultivaient et avec succès. On a également été impressionné par le type de production et la sécurité de revenu qu'ils avaient su atteindre. Ils nous ont tous dit qu'auparavant ils produisaient une récolte par an et que si elle échouait, tout était perdu. Maintenant, ils ont quelque chose à amener au marché environ tous les mois. Ils font part de leurs connaissances à d'autres agriculteurs, et ils sentent que leurs revenus sont beaucoup plus sûrs. Une des femmes m'a dit qu'elle pouvait envoyer son fils à l'école à cause des techniques mises de l'avant par le Programme d'un paysan à l'autre.
Au Zimbabwe, nous travaillons avec l'ACDI à un programme assez important pour utiliser de nouvelles variétés de sorgho qui résistent à la sécheresse et qui ont été mises au point localement. Nous voulons les faire distribuer un peu partout. L'ouest du Zimbabwe est une région de grande sécheresse. Les nouvelles variétés ont connu beaucoup de succès. Les agriculteurs qui produisent les premières graines de semence ont augmenté considérablement leurs revenus. Le programme réussit vraiment très bien. La technologie d'usinage que nous offrons, en plus des graines de semence, a rendu la récolte beaucoup plus accessible aux marchés locaux.
Vous allez peut-être me demander si ce genre de petits projets vont jamais suffire. Ne faut-il pas avoir des projets de plus grande envergure? Ma réponse, mesdames et messieurs, c'est qu'il faut avoir les deux. Il faut modifier les lois agricoles concernant le droit de propriété, mais il faut également travailler avec les agriculteurs à la base, et ce pour deux raisons. L'une est la question de durabilité et de sécurité du revenu, qui est importante. Mais il est tout aussi important que le travail en commun donne aux agriculteurs une idée accrue de leur capacité et de leur pouvoir. Ils peuvent mieux négocier avec les gouvernements locaux et avec les gouvernements nationaux, et ils sont mieux en mesure de déterminer leurs propres besoins.
Cela m'a beaucoup frappé au Zimbabwe. Comme vous le savez, il y a eu des élections chaudement contestées l'année dernière. Les gens nous ont dit qu'à Matabeleland les résultats du développement ne les avaient pas atteints, que leur gouvernement ne les aidait pas, et qu'ils tenaient à ce que cette situation change.
Quand j'ai habité au Botswana en Afrique du Sud il y a environ 20 ans, ce n'est pas un sentiment que les gens ruraux auraient exprimé. Ils étaient reconnaissants des cadeaux qu'on leur offrait. Ils étaient ravis d'avoir acquis leur indépendance, et l'idée selon laquelle ils avaient le droit d'exiger des comptes au gouvernement n'était pas du tout répandue parmi eux. Elle l'est aujourd'hui. Mais pour ce faire, il faut y travailler au niveau de la prise de décisions et avec les organisations locales si nous voulons effectuer des changements durables.
• 0930
À la différence de la révolution verte ou de la
biotechnologie, la technologie durable ne met pas l'accent sur des
rendements plus importants dans des conditions idéales. Elle met
l'accent plutôt sur la production d'aliments pour les agriculteurs
et la garantie d'un revenu local dans des conditions climatiques et
du sol variables et difficiles qui existent en général dans ces
petites exploitations agricoles.
Grâce à la compréhension du bon rendement produit par différents mélanges de culture, des ressources locales et de la capacité de la population locale et de l'écosystème de résister au risque, nos partenaires mettent au point des stratégies qui sont adaptées à leurs besoins, entre autres en s'assurant que leurs gouvernements et leurs collectivités réagissent à leur situation.
Le développement agricole que pratiquement par les agences donatrices, a eu tendance à négliger ces connaissances et à tenir pour acquis la supériorité des solutions modernes imposées de l'extérieur. À peu près tout le soutien de l'ACDI vise la promotion de l'agriculture moderne industrielle, à part quelques exceptions comme le programme au Zimbabwe que j'ai décrit.
Tout comme le déplacement des personnes, un tel déplacement des connaissances peut souvent être profond et abrupt. Le contrôle, qui permet aux connaissances locales de demeurer au sein de la collectivité, est souvent transféré à des agents de l'extérieur—comme par exemple les compagnies internationales qui fournissent les semences, les engrais, l'équipement et le carburant, ce qui nuit énormément à la sécurité des aliments parce que les pauvres sont peu capables de gérer les intrants extérieurs.
En fait, le retour au sorgho au Zimbabwe s'inscrivait dans le cadre d'une réaction contre les incitations à produire du maïs. On essayait de faire pousser du maïs dans des régions du Matabeleland dans le cadre de la promotion de l'agriculture à grande échelle, alors que c'était une région de fortes pluies totalement inadaptée au maïs. Cela a entraîné de graves problèmes de pauvreté et de malnutrition pour les agriculteurs de la région.
Les pressions exercées dans le cadre des programmes d'adaptation structurels du FMI en faveur de l'agriculture à vocation d'exportation ont aussi tendance à saper les systèmes locaux, et cela en dépit du fait qu'il est de plus en plus manifeste que les méthodes utilisées par les petits agriculteurs, surtout dans les conditions auxquelles ils sont confrontés et qui sont loin d'être idéales, sont beaucoup plus efficaces pour assurer une production fiable d'aliments bien adaptés aux besoins en nutrition
Les précieux dollars que nous consacrons à la recherche agricole devraient servir à appuyer des méthodes de culture qui renforcent, au lieu de les remplacer, les pratiques agricoles autochtones. Il faudrait tout particulièrement insister plus sur la production agricole biologique ou agroécologique. L'ACDI devrait accroître son aide à la mise au point de variétés de récoltes importantes qui ont une large base génétique, pour fournir une semence robuste adaptée à une situation bien précise.
Mais il ne suffit pas d'investir dans des technologies appropriées. Il est essentiel de les compléter par un soutien institutionnel et des politiques gouvernementales appropriées, car il ne s'agit pas simplement d'améliorer les rendements, mais de dynamiser l'économie rurale.
Une meilleure infrastructure dans les zones pauvres et marginales permet d'améliorer l'accès au marché, et une gestion locale de crédit à petite échelle peut contribuer à accroître les activités rémunératrices menées à partir de l'exploitation agricole. Nous pouvons aussi contribuer au développement de marchés économiquement viables pour les produits des zones rurales.
Depuis un certain nombre d'années, Oxfam travaille notamment à l'adoption d'échanges équitables, en particulier pour le commerce du café. Ce que je vous encourage à faire, à titre personnel, dans le cadre du restaurant du Parlement, où quand vous faites vos courses à l'épicerie, c'est à regarder la provenance des aliments que vous y achetez. Les producteurs sont-ils honnêtement rémunérés, et faisons-nous tout ce que nous pouvons pour nous assurer que les agriculteurs puissent vendre leur production à un prix équitable?
• 0935
La solution à la faim dans le monde n'est pas uniquement
d'ordre technique, mais elle n'est pas non plus uniquement d'ordre
économique. La faim est un problème social auquel il faut réagir
par des mesures qui prennent en compte les dimensions politiques et
sociales.
Nous devrions par exemple encourager des activités visant à protéger les droits des agriculteurs à posséder, conserver et utiliser des semences traditionnelles. À cet égard, nos partenaires sont confrontés aux puissantes forces de l'industrie agroalimentaire internationale et au problème de la propriété intellectuelle, par exemple dans le cas du matériel phytogénétique.
En outre, les agricultrices sont handicapées par les lois sur la propriété foncière, les coutumes et les difficultés d'accès au crédit et aux technologies appropriées. La plupart des gens qui ont faim dans le monde sont des femmes et des fillettes.
Si une trop grande partie du travail de développement agricole de l'ACDI a consisté à imposer de haut en bas une agriculture industrielle, il y a peut-être eu pire encore: le fait que l'ACDI se soit complètement détournée de l'agriculture. D'après les propres chiffres de cette agence, les crédits affectés aux programmes consacrés à l'agriculture, à l'alimentation et à la nutrition ont diminué de 58 p. 100 au cours des années 90. Il faut inverser cette tendance alarmante, et rapidement.
Nous savons qu'il y aura un prix à payer si nous ne prenons pas des mesures décisives. D'après les derniers chiffres disponibles, le nombre de victimes de la faim a diminué de 8 millions par an au cours de la première moitié des années 90. C'est un progrès important, mais à ce rythme, près de 700 millions de personnes souffriront encore de faim chronique en 2015. Le Canada doit et peut faire mieux que cela.
Merci.
Le coprésident (M. Bill Graham): Merci, madame Stuart.
Merci pour ces commentaires utiles sur l'ACDI. Notre comité essaie de voir ce que nous pouvons faire de plus, et je suis certain que mes collègues auront des questions à vous poser sur la marche à suivre.
Mme Rieky Stuart: Merci.
Le coprésident (M. Bill Graham): Nous passons maintenant à M. Clark.
Le coprésident (M. John Harvard): Je voudrais vous rappeler que nous en sommes déjà à 40 minutes. Nous n'avons que deux heures en tout, donc je vous invite à en tenir compte si vous souhaitez pouvoir répondre à des questions.
M. Stuart Clark (directeur des politiques, Banque de céréales vivrières du Canada): C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions, et je vais essayer de m'en tenir aux dix minutes que j'ai prévues.
Merci de me donner l'occasion de m'adresser à votre comité mixte dans le cadre de la Journée mondiale de l'alimentation de l'an 2000.
J'aurais certainement souhaité moi aussi, comme vous, que cette discussion ait lieu un mois plus tôt, quand vous n'étiez pas bousculés par autant de problèmes. Quoi qu'il en soit, nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de nous écouter ce matin et nous espérons que ce sera utile.
Le coprésident (M. Bill Graham): Monsieur Clark, voulez-vous dire que nous avons d'autres préoccupations derrière la tête?
M. Stuart Clark: C'est possible.
Le coprésident (M. Bill Graham): Je me demande d'où vous sortez une idée pareille.
M. Stuart Clark: Je vais donc faire mon possible pour concentrer votre attention sur quelques remarques ciblées.
J'aimerais vous parler des passages des documents que vous avez sous les yeux qui concernent l'aide alimentaire, et aussi faire quelques remarques sur les rapports entre la faim et le commerce de produits alimentaires, car je pense que c'est un sujet qui préoccupe vos deux comités.
La nécessité même de l'aide alimentaire est symptomatique de l'absence de volonté de réaliser les objectifs du Sommet mondial de l'alimentation. S'il y a un besoin d'aide alimentaire international, c'est soit qu'il y a une pénurie de production, ce qui a été le cas en Corée du Nord, soit que les individus n'ont pas les moyens d'acheter les denrées disponibles, ce qui est souvent le cas au Bangladesh et en Inde, et Mme Stuart en a parlé tout à l'heure.
Mais l'aide alimentaire n'est pas quelque chose dont on a normalement besoin en milieu rural. Un secteur agricole solide et sain peut surmonter des périodes d'intempéries et divers autres problèmes. Si une économie garantit aux populations locales des moyens durables de gagner leur vie, elle assure à ses populations des revenus suffisants pour s'acheter de quoi manger; l'aide alimentaire n'est pas nécessaire dans ce cas. Toutefois, pour près de 800 millions d'habitants dans le monde actuel, tel n'est pas le cas.
Plus de 100 millions de foyers dans le monde souffrent de la faim soit parce qu'il n'y a pas de nourriture disponible, soit parce qu'ils n'ont pas les moyens de l'acheter. Quand ces deux facteurs se combinent, on peut calculer un déficit céréalier mondial par foyer, ce qui a été fait par le Département de l'agriculture des États-Unis, selon lequel, d'après les tendances actuelles, ce déficit, qui comprend à la fois le problème d'accès et le problème de disponibilité, s'élèvera à 33 millions de tonnes par an. À titre de comparaison, le Canada produit 25 millions de tonnes de blé par an.
• 0940
En dépit de ces tendances persistantes, l'aide alimentaire
mondiale et canadienne continue de diminuer. L'aide alimentaire
mondiale, qui avait plafonné à 17,3 millions de tonnes en 1993, est
tombée à 7 ou 8 millions de tonnes en 1998-99. L'an dernier, les
niveaux d'aide ont été un peu relevés, par suite de l'énorme
accroissement de l'aide alimentaire en provenance des États-Unis,
ce qui d'ailleurs a entraîné des problèmes pour les agriculteurs un
peu partout, y compris ici, en raison du dérèglement des marchés
céréaliers internationaux.
L'aide alimentaire canadienne a suivi la même tendance à la baisse. L'aide alimentaire totale du Canada est tombée de 900 000 tonnes métriques en 1993-94 a un peu moins de 500 000 tonnes en 1998-99. Le Canada a considérablement progressé en matière de qualité de son aide alimentaire en répondant à la demande de certains micronutriments, mais l'approvisionnement alimentaire demeure une question vitale.
L'évolution des marchés mondiaux des denrées alimentaires a considérablement accru le mouvement de produits alimentaires à l'intérieur des régions et par-delà les frontières, et entraîné parfois des situations où les aliments que l'on préfère localement sont disponibles à bien moindre coût que ceux que l'on envoie du Canada. Au cours des cinq dernières années, la Banque de céréales vivrières du Canada, en collaboration avec des correspondants des Églises mennonite, nazaréenne et chrétienne réformée au Kenya, a apporté une aide alimentaire à des communautés qui luttaient contre la sécheresse dans des régions isolées de ce pays. En achetant du maïs produit localement, qui coûte environ 65 p. 100 du maïs qu'on ferait venir du Canada, nous pouvons fournir à ces populations la moitié plus d'aliments pour le même prix. Non seulement ces achats d'aliments sont plus rationnels et répondent aux préférences locales, mais ils contribuent aussi à assurer un revenu à des agriculteurs locaux et à stimuler la production locale. La politique d'aide alimentaire appuyée par le gouvernement du Canada limite ces achats locaux à 10 p. 100 du total de notre aide alimentaire. C'est beaucoup moins que le pourcentage de 40 p. 100 autorisé par l'Union européenne. Cela nuit à la fois à la quantité et à la qualité de l'aide alimentaire canadienne.
La relation entre l'aide alimentaire et le commerce des aliments est devenue un important dossier commercial et l'on a prétendu que les aliments causaient, de façon délibérée ou non, des perturbations sur les marchés. La pratique consistant à vendre l'aide alimentaire canadienne aux pays en développement pour financer d'autres projets—c'est ce que l'on appelle la monétisation—peut procurer un double avantage. La nourriture vendue peut ajouter à l'approvisionnement alimentaire national, et l'argent peut servir à financer des projets visant à réduire l'incidence de la faim au niveau des ménages. Toutefois, à cause des changements survenus dans le commerce mondial des produits alimentaires, il est devenu de plus en plus difficile d'éviter de remplacer tout simplement les achats commerciaux. Quand cela arrive, l'aide alimentaire cause des distorsions commerciales et ne contribue pas à accroître l'approvisionnement alimentaire local.
Notre mémoire renferme trois recommandations précises dans le domaine de l'aide alimentaire. Premièrement, rétablir la croissance de l'aide canadienne à l'étranger, de manière que les budgets d'aide alimentaire reviennent au niveau du début des années 90. Le CCCI réclame une augmentation de 350 millions de dollars pour l'année 2001-2002, ce qui est à peine 2 p. 100 de l'excédent prévu cette année-là. Deuxièmement, changer les règles pour permettre d'utiliser jusqu'à 30 p. 100 du budget canadien d'aide alimentaire pour acheter des aliments sur place. Enfin, veiller à ce que les aliments canadiens vendus dans les pays en développement dans le cadre de l'aide alimentaire contribue à répondre aux besoins des gens affamés en fournissant de la nourriture supplémentaire qui ne remplace pas les aliments que les gens achèteraient autrement sur le marché, ce qui est en violation des considérations commerciales.
Je voudrais maintenant faire de brèves observations sur le commerce des aliments.
Pour ceux qui ont faim et qui ont de l'argent, la croissance mondiale du commerce agricole peut aider à réduire la faim à la fois en ajoutant à l'approvisionnement local en nourriture et en réduisant les prix payés localement. L'augmentation des échanges commerciaux peut aussi aider à augmenter les revenus des pauvres en créant des moyens d'existence durables grâce à la croissance des exportations. Pour les pauvres, toutefois, l'évolution du commerce agricole international prend de l'importance.
• 0945
Dans les pays en développement, l'agriculture est le gagne-
pain d'une proportion importante de la population pouvant atteindre
80 p. 100. En outre, seulement 10 p. 100 de la production agricole
totale fait l'objet d'échanges commerciaux internationaux. Les
règles régissant actuellement le commerce agricole, établies à
l'issue de l'Uruguay Round sur l'agriculture, touchent tout le
secteur agricole des pays en développement membres de l'OMC. Les
règles commerciales qui, conjuguées à d'autres politiques connexes,
causent une baisse soudaine du maigre revenu des agriculteurs des
pays en développement contribueront à aggraver la faim au lieu de
l'atténuer.
La plus grande menace découlant des échanges commerciaux qui pèse sur les agriculteurs pauvres des pays en développement vient du dumping d'aliments importés produits dans les pays qui subventionnent fortement leur agriculture. Les agriculteurs canadiens connaissent bien ce problème, mais dans le cas des agriculteurs des pays en développement, les conséquences peuvent être immédiates et irréversibles. Ils sont en effet forcés d'abandonner leurs terres et de se joindre au nombre croissant de gens affamés qui s'entassent dans les bidonvilles urbains. Les Philippines et la Jamaïque constituent deux exemples de ce phénomène.
Aux Philippines, la majorité du maïs vendu localement provient des régions les plus pauvres du pays, en particulier l'Île de Mindanao. Quelque 1,2 million de ménages tirent leur revenu de la production de maïs. Le remplacement du contrôle des importations par des barrières tarifaires et la réduction de celles-ci pour une proportion importante du marché local du maïs ont forcé ces agriculteurs à affronter la concurrence du maïs fortement subventionné en provenance des États-Unis. Ces importations provoquent un effondrement des prix et les revenus agricoles ont baissé, parfois jusqu'à 30 p. 100. L'intensification de la famine et de l'exode rural sont inévitables. Cette région est déjà perturbée par des troubles de plus en plus répandus; je vous rappelle que c'est dans cette région que des touristes ont été enlevés récemment.
En Jamaïque, l'élevage laitier à une petite échelle est une activité très répandue dans les campagnes. Ceux d'entre vous qui sont déjà allés dans ce pays savent que c'est une île assez montagneuse. Il n'y a pas beaucoup de plaines cultivables, mais le terrain est favorable aux pâturages. Le soleil est abondant, la pluviosité suffisante, et des races de vaches laitières bien adaptées ont permis de créer une industrie locale efficiente. Mais depuis la libéralisation du commerce du lait en poudre, le marché a été inondé de lait en poudre en provenance de l'Union européenne. Ce produit fortement subventionné a ruiné le marché du lait produit sur place, forçant les agriculteurs à jeter plus d'un demi-million de litres de lait au cours de chacune des deux dernières campagnes agricoles. Les agriculteurs vendent leurs vaches laitières et des centaines d'entre eux sont forcés d'abandonner cette activité qui était leur gagne-pain.
Cette question est prioritaire pour beaucoup de gouvernements des pays du tiers monde. Comme ces mêmes gouvernements ont de plus en plus d'influence à l'Organisation mondiale du commerce, le Canada pourra faire cause commune avec eux, ce qui lui donnera des outils supplémentaires pour répondre aux préoccupations de nos propres agriculteurs. En changeant les règles de manière à réaliser pleinement le potentiel de réduction de la faim du commerce agricole international, le Canada pourra atteindre à la fois ses propres objectifs intérieurs et les buts fixés au Sommet mondial de l'alimentation. Notre suggestion à cet égard est la suivante: que les positions et les propositions canadiennes pour l'actualisation de l'entente de l'OMC sur l'agriculture comprennent la réduction de la faim; c'est-à-dire que le Canada se fixe comme objectif de maintenir ou de renforcer la sécurité alimentaire des ménages.
En conclusion, la générosité des Canadiens lorsqu'il y a une crise alimentaire quelque part dans le monde témoigne de l'intérêt exceptionnel des Canadiens envers la cause de la réduction de la faim dans le monde. Au cours de la préparation et dans la foulée du Sommet mondial de l'alimentation, nous avons assisté à l'émergence d'une puissante collaboration entre divers intervenants canadiens: universitaires, ONG, organisations agricoles et ministères gouvernementaux.
• 0950
Agriculture Canada, à titre d'organisme responsable du suivi
du Sommet mondial de l'alimentation, a mis sur pied un comité
interministériel spécial sur la sécurité alimentaire afin de
rassembler les divers ministères dont la synergie pourrait donner
des résultats intéressants. Agriculture Canada a récemment rétabli
le Comité consultatif de la sécurité alimentaire comme moyen
d'attirer les partenaires à l'extérieur du gouvernement.
Pourtant, il reste encore des initiatives importantes et très louables dans le dossier de l'aide alimentaire qui ne sont pas prises en compte, par exemple le nouveau programme de développement social de l'ACDI, qui met l'accent sur la santé et l'alimentation.
Une meilleure collaboration aidera le Canada à contribuer à réduire la faim dans le monde, comme les Canadiens s'y attendent.
Je vous remercie de votre attention et je suis disposé à répondre à vos questions.
Le coprésident (M. John Harvard): Merci, monsieur Clark.
Nous entendrons maintenant M. Wilkinson. Je vous remercie d'être patients.
M. Jack Wilkinson (directeur des politiques, Fédération canadienne de l'agriculture): Merci. J'en ai pour seulement deux ou trois minutes. Je n'ai aucun document à vous lire et je ne ferai donc que quelques observations.
Je représente Bob Friesen, qui devrait normalement être ici à titre de président de la Fédération canadienne de l'agriculture. Je le remplace parce qu'il y a à Québec une réunion des organisations agricoles d'Amérique du Nord et d'Europe.
La Fédération canadienne de l'agriculture a un certain nombre de points à signaler. Premièrement, elle a participé dans le passé à certains projets d'entraide entre agriculteurs, en Ukraine et en Russie, ce qui nous donne une certaine expérience pratique en la matière. De plus, nous sommes membres de la Fédération internationale de producteurs agricoles, qui est une organisation mondiale regroupant 85 organisations agricoles et 65 pays du monde qui s'intéresse aux questions commerciales et alimentaires et à divers dossiers de la société civile.
Je pense que le noeud de l'affaire, c'est qu'il faut agir avec une certaine autorité. Pour parler sans détour, je pense qu'un peu partout dans le monde, les décideurs politiques et les gouvernements ont pris pour acquis les agriculteurs et les ruraux. Ils ont décidé de ne pas tenir compte des problèmes ruraux et des difficultés économiques pénibles auxquelles les agriculteurs sont confrontés. J'ajoute que les pays industrialisés sont tout aussi coupables que les pays en développement.
À cause de cette attitude de laissez-faire, qui consiste à laisser les agriculteurs se débrouiller avec leurs problèmes, nous avons assisté à un mouvement continu, une véritable migration, en particulier dans les pays industrialisés, mais qui se répand maintenant partout dans le monde, c'est-à-dire que les gens sont forcés de s'intégrer à des exploitations agricoles de plus en plus imposantes ayant des marges bénéficiaires de plus en plus faibles. Il en résulte un déplacement de population vers les villes, les gens étant en quête d'emplois et de sécurité. Les agriculteurs ne représentent plus que 1 p. 100 de la population du Canada. Si la tendance se poursuit dans les pays en développement, je voudrais bien que quelqu'un m'explique comment on pourra créer en Inde, en Chine et dans toute l'Asie suffisamment d'emplois pour accueillir les 2 milliards de migrants de l'exode rural, d'ici 20 ou 30 ans, sans réduire la terre en cendres.
Si les gens ne commencent pas à prendre au sérieux le fait que nous échouons lamentablement dans notre politique de développement visant à garder les agriculteurs et autres résidents ruraux dans les régions rurales grâce au développement économique rural... De nombreuses études ont montré qu'il est plus rentable de garder les agriculteurs et les autres résidents ruraux dans une région rurale que de les envoyer vivre dans les taudis des grandes villes. Dans des endroits comme Mexico et plusieurs villes d'Amérique du Sud et d'Asie, on constate que la pauvreté augmente de façon dramatique lorsque les gens quittent la terre. Ils la quittent parce qu'ils ne voient pas d'avenir comme agriculteurs en raison des politiques gouvernementales qui les font produire en deçà du coût de production. C'est ce qui se produit présentement dans notre pays, ainsi qu'aux États-Unis, et dans tous les pays du monde, pendant que tout le monde fait l'autruche.
Nous avons donc une opinion très claire sur la situation. Il faut créer dans les régions rurales de tous les pays du monde un environnement favorisant l'activité économique et donner ainsi aux gens une raison d'y rester; il faut qu'ils puissent avoir un revenu net leur permettant de réinvestir dans les semences, les engrais, etc.; et il faut faire en sorte qu'ils puissent maintenir leur indépendance et créer un infrastructure propice au type de développement et de viabilité économique nécessaire pour que les gens puissent être en mesure d'acheter ces aliments. Jusque-là, nous ne nous attaquerons pas vraiment au problème.
Merci.
Le coprésident (M. John Harvard): Merci, Jack.
Nous passons maintenant aux questions. Nous commencerons par l'opposition officielle, qui sera suivi du Bloc, et ensuite des députés ministériels. Je vois aussi un député du nouveau Parti démocratique et il sera donc le quatrième à obtenir la parole. Je pense que M. Casson a dit qu'il serait le premier député de l'opposition officielle à poser des questions.
M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.
Je voudrais poser ma question à Mme Moreno, si vous le permettez. Vous avez parlé d'un objectif de 20 millions de personnes par année, je pense, soit le nombre par lequel vous voulez réduire la liste des affamés, si vous me permettez l'expression. Vous dites que nous n'atteignons pas cet objectif et que nous avons pris beaucoup de retard. Pouvez-vous nous parler davantage de certaines des mesures qui, selon vous, fonctionnent à l'échelle mondiale et d'autres mesures qui ne réussissent pas à acheminer ces aliments aux personnes affamées afin d'en réduire le nombre.
Mme Esperanza Moreno: De fait, Rieky a mentionné deux éléments. Il y a du travail qui se fait sur le terrain, et il y a également les décisions politiques à prendre. Je pense qu'à ces deux niveaux, nous pouvons accomplir quelque chose. Pendant de nombreuses années, plusieurs ONG ont donné leur appui à des groupes d'agriculteurs et à des groupes de femmes. C'est un type d'intervention qu'il faut poursuivre, parce que nous en avons vu les résultats et nous avons vu des améliorations dans la vie des gens. Si ce type d'intervention n'est pas accompagné par un effort à l'échelon macro-économique, tout ce travail que nous avons accompli...
Le coprésident (M. John Harward): Je m'excuse de vous interrompre, mais je pense que nous avons un problème de microphone.
Très bien, nous fonctionnons à plein régime.
[Français]
Mme Esperanza Moreno: Je disais tout simplement que les deux exemples auxquels Rieky a fait allusion sont des illustrations d'interventions qui méritent d'être poursuivies et renforcées. Les ONG accomplissent énormément de travail, comme on en a témoigné dans les différentes présentations. Les ONG travaillent au niveau de la base, avec des groupes locaux, en vue d'aider les familles à mieux se nourrir, mais il y a également énormément d'efforts à faire au niveau des politiques nationales et multilatérales afin que le travail qui se fait à la base ne soit pas annulé par des décisions à ce palier. De telles décisions peuvent saper très rapidement un travail de longue haleine.
Les différents intervenants ont mentionné des exemples, tant d'Afrique que d'Amérique latine, qui peuvent nous permettre d'avoir de l'espoir. Il faut que le travail des organisations sur le terrain se poursuive. Il faut, par exemple, continuer à renforcer toutes les expériences ou initiatives au niveau du commerce équitable, parce qu'il y a là une perspective intéressante pour les producteurs, dont le travail sera plus productif et plus rentable. Je crois qu'il y a une volonté de poursuivre dans cette voie novatrice, tant à petite échelle qu'au niveau politique.
[Traduction]
M. Rick Casson: Merci.
J'aimerais poser mon autre question à M. Wilkinson, car elle concerne le commentaire que vous avez fait, monsieur, au sujet de la politique qui a placé nos producteurs dans une situation désavantageuse. Nous savons qu'au Canada, nos producteurs font face à des prix remarquablement bas dans le cas des céréales et des oléagineux, et qu'ils se démènent pour joindre les deux bouts. Nous avons pris diverses mesures, y compris l'expansion des exploitations et les récoltes continues. Nos agriculteurs ont fait tout ce que nous leur avons demandé de faire, mais nous avons encore une collectivité agricole très instable, et le nombre d'agriculteurs continue de diminuer.
On parle d'aller dans la direction opposée, c'est-à-dire qu'au lieu de favoriser l'expansion des exploitations agricoles afin d'améliorer leur rendement, on changerait les méthodes de production, en particulier dans les pays en développement, en encourageant un plus grand nombre de personnes à travailler la terre et à y rester... Comment pouvons-nous nous assurer d'y arriver? Madame Stuart, vous y avez fait allusion quelque peu en parlant de cultures différentes, de semences différentes, au lieu de viser surtout l'expansion pour améliorer le rendement. Comment pouvons-nous faire cela dans les pays en développement afin d'éviter la situation que nous avons créée au Canada, où après avoir pris toutes ces mesures, nous n'avons toujours pas un secteur agricole rentable?
M. Jack Wilkinson: Je pense qu'il y a un certain nombre de choses qu'on peut faire, et elles varient quelque peu d'un pays à l'autre. Dans un cas où l'on élabore des politiques agricoles, on peut mettre au point des mesures qui poussent les gens à produire des volumes élevés, mais avec une faible marge bénéficiaire. Je pense que c'est ce que beaucoup de décideurs veulent, parce que cela réduit la coût des aliments pour les consommateurs, ce qui semble être l'objectif de presque tous les gouvernements.
Si l'on opte pour un volume élevé de production, on sait qu'on va déplacer un grand nombre de producteurs. Nous continuons de voir cette croissance au Canada. Quand on fait entrer la technologie dans la production, les agriculteurs sont capables de cultiver littéralement des sections de terre les unes après les autres. Je vous dis bien franchement que la technologie nous permettrait de réduire presque indéfiniment le nombre d'agriculteurs nécessaires pour cultiver toutes les terres arables au Canada, tout en augmentant quand même les rendements. Par conséquent, comment faut- il modifier nos politiques de façon à ne pas forcer les gens à aller dans cette direction? Cela peut se produire avec le temps.
On a donné comme exemple le cas des Philippines. Il y a eu une réunion du Groupe de Cairns en Alberta la semaine dernière. L'un des dirigeants de l'Organisation agricole des Philippines était présent. On n'arrive pas là bas à déterminer quelle devrait être la taille moyenne d'une entreprise philippine de production de maïs. Je crois qu'elle est d'environ 2,3 acres. Les producteurs obtenaient auparavant 170 $ la tonne, mais le prix du maïs à la frontière américaine est actuellement de 135 $ la tonne. Si cet écart persiste encore longtemps, ces producteurs de maïs des Philippines seront acculés à faillite parce qu'ils vivent avec environ 350 $ par année. Ils feront simplement faillite. Lorsqu'ils feront faillite à cause de cette politique commerciale, ils n'auront pas d'autre choix que d'aller vivre dans les régions urbaines. Le gouvernement est incapable de les aider.
En ce qui concerne la politique commerciale, par exemple, pourquoi le gouvernement philippin n'a-t-il pas protégé ces producteurs lors des négociations de l'OMC? Il n'était pas nécessaire de tout démolir. Nous avons protégé nos gens qui profitent du système de gestion de l'offre ici dans une certaine mesure, afin de leur accorder une période de transition. Les gouvernements ont essentiellement laissé leurs producteurs à la merci des subventions à l'exportation accordées par les États-Unis. Pourquoi entamons-nous cette série de négociations commerciales avec une attitude aussi indulgente face aux subventions à l'exportation qu'accordent les États-Unis et l'Union européenne? Nous savons pertinemment qu'il n'y a rien de pire pour déstabiliser les prix, à l'échelle canadienne et internationale.
Il y a maintes mesures de cette nature qui sont réalisables, qui vont alléger la pression que subissent ces producteurs, et leur donneront le temps de s'adapter. Les agriculteurs en viendront peut-être à représenter 3 p. 100 de la population sur une période de 50 ans, mais si nous les laissons continuer dans la même direction, pour ce qui est des politiques, ils vont changer très rapidement, plus rapidement qu'on ne pourra créer des emplois pour eux dans leurs pays. C'est un crime terrible qu'on peut éviter très facilement.
Le coprésident (M. John Harvard): Merci, Jack. Votre temps est écoulé.
[Français]
Madame Alarie.
Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Bonjour. J'ai deux questions. Ma seconde question portera sur les biotechnologies, si le temps me le permet, mais ma première portera sur la sécurité alimentaire. En effet, la sécurité alimentaire est une préoccupation majeure chez les agronomes. J'ai vécu quelques années en Afrique et j'ai participé à l'organisation du congrès de la FAO. C'est donc une préoccupation assez constante pour moi.
Or, cette notion me pose problème. Je pense que le problème de la sécurité alimentaire à l'heure actuelle n'est pas la production mais bien la distribution. Je ne peux pas comprendre que des pays aient des surplus alors que d'autres crèvent de faim. Le malheur dans tout cela, à mon avis, c'est que toute notre organisation est toujours assujettie aux règles du commerce international.
C'est bien dommage, mais quand je vois du monde mourir, les règles de commerce international m'impressionnent de moins en moins. On parle et on discute beaucoup à la FAO, mais je trouve qu'on n'agit pas assez. Je me demande pourquoi la FAO ne deviendrait pas un organisme de régulation. Ainsi, on pourrait s'assurer, si on surproduit à un endroit alors qu'à d'autres endroits on est incapable de produire suffisamment, que ce soit pour des raisons atmosphériques, de sécheresse, etc., qu'il y ait dans le monde une distribution alimentaire adéquate. Je ne comprends pas que ces deux éléments ne puissent se rejoindre. Quelque part, cela ferait changement parce que la situation évolue. Certains pays deviendraient peut-être plus autonomes avec le temps.
• 1005
Selon moi, il y a quelque chose qui cloche présentement.
Quand on avait un problème de surplus de porc il y a un an,
j'ai demandé en Chambre pourquoi on ne
pourrait pas se doter de règles
pour donner ces surplus aux pays qui en ont besoin. Les
Américains, eux, trouvent toujours des règles. On m'a
répondu qu'on ne pouvait faire cela parce que dans le
cadre de l'OMC, cela équivaudrait à des subventions
détournées. Je regrette, mais en tant que politicienne
et agronome, je n'accepte pas de me faire dire qu'il faut
regarder le monde crever parce que des règles commerciales
internationales ne permettent pas ce genre d'action.
J'aimerais savoir si vous avez des solutions à cela.
[Traduction]
M. Stuart Clark: Je voudrais répondre à cette question.
Comme nous travaillons dans une organisation canadienne qui consacre environ 90 p. 100 de son temps et de son énergie à acheminer des aliments à partir d'endroits où il y a un excédent vers des endroits où le besoin s'est fait sentir, nous reconnaissons évidemment que la façon dont les gens obtiennent ce dont ils ont besoin, c'est par l'accès au marché.
Amartya Sen, récipiendaire du prix Nobel, a été le premier à comprendre que des famines puissent se produire en période d'abondance parce que les gens n'ont pas les ressources économiques suffisantes pour avoir accès à ces aliments. Ils ne peuvent tout simplement pas avoir accès à ces aliments. Ordinairement, ils peuvent y avoir accès par trois moyens possibles: soit qu'ils aient un revenu, soit qu'il existe un filet de sécurité social, soit qu'ils aient des parents qui sont en mesure de les nourrir. Lorsque ces possibilités disparaissent, peu importe la quantité d'aliments disponible dans leur voisinage, ils n'y ont pas accès.
Nous comprenons tous, je pense que nous avons choisi le marché comme moyen de distribuer les produits, et c'est pourquoi, madame Alarie, nous avons mis tellement l'accent sur les moyens d'existence durables, parce que si les gens n'ont pas de revenu, ils n'ont pas droit aux aliments qui sont disponibles.
Dans cet ordre d'idée, c'est la raison pour laquelle, à notre avis, notre politique commerciale agricole devrait, entre autres objectifs nationaux tout à fait légitimes, s'occuper de la question de la sécurité de l'approvisionnement alimentaire et des moyens d'existence durables, afin précisément qu'il continue à y avoir des gens qui puissent acheter les produits que nous voulons exporter.
M. Jack Wilkinson: Je ne pense pas qu'on trouve quoi que ce soit, dans les règles de l'Organisation mondiale du commerce, qui empêche un pays de donner autant qu'il le veut sous forme d'aide alimentaire, tant et aussi longtemps qu'il s'agit bien de cela.
En effet, on pourrait craindre, par exemple, que les États- Unis aient camouflé leur politique en matière d'aide alimentaire de manière à décrocher des marchés commerciaux, en raison par exemple des crédits subventionnés, des modalités de remboursement, et ainsi de suite. Mais, pour mettre les pendules à l'heure, je reste convaincu que l'aide alimentaire authentique ne saurait être entravée par quelque règle commerciale que ce soit.
Mais comme vous l'avez dit, le noeud du problème est une question d'argent. À l'heure actuelle, à peu près tous les pays développés qui se rencontrent au Sommet mondial sur l'alimentation à Rome y vont chacun de leur déclaration fleurie pendant cinq minutes pour ensuite rentrer benoîtement chez eux, après quoi leurs gouvernements réduisent de moitié l'aide extérieure.
Si les gens veulent vraiment que le monde évolue différemment, il suffit d'augmenter le budget de l'aide alimentaire et de donner aux populations les moyens d'acheter localement, ce dont vient précisément de parler M. Clark.
Il y a toutes sortes de solutions en gestation. Mais la question est finalement très simple: les pays qui ont suffisamment d'argent pour offrir une solution à ceux qui n'ont pas d'argent ont-ils la volonté politique de le faire? Lorsque c'est le marché qui permet la transaction, à moins de nous attaquer au problème, celui-ci reste purement théorique. Le Canada doit par conséquent encourager les pays développés du monde entier à accepter leurs responsabilités sociales et à dégager davantage de ressources.
Le coprésident (M. John Harvard): Je vous donne environ une minute et demie, madame Alarie.
[Français]
Mme Hélène Alarie: Dans ce cas, j'en conclus qu'on parle dans le vide depuis longtemps et que les statistiques que vous nous donnez ne sont guère encourageantes. De plus, je me demande si ce n'est pas une erreur que de travailler avec les forces du marché. Est-ce qu'il me reste du temps?
[Traduction]
Le coprésident (M. John Harvard): Nous allons très bientôt manquer de temps.
Mme Hélène Alarie: Très bien.
Le coprésident (M. John Harvard): Je vous remercie.
Monsieur Patry
[Français]
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci beaucoup à vous, monsieur le président, ainsi qu'à nos invités de ce matin. Pour débuter, j'aimerais faire un commentaire qui est d'ordre plus local qu'international, c'est-à-dire canadien.
Madame Moreno, au début de votre énoncé, vous avez cité un article du Globe and Mail de ce matin, où on mentionne le nombre grandissant de Canadiens et Canadiennes qui doivent s'en remettre aux banques alimentaires, et ce malgré la prospérité actuelle du pays.
• 1010
Mon commentaire porte sur les causes possibles de cette
augmentation de l'utilisation des banques alimentaires. Est-ce
qu'il y a des organismes au Canada, comme le vôtre ou d'autres
organismes, qui essaient d'en trouver les causes et de
déterminer le rôle que doivent jouer les gouvernements à cet
effet? Je pense en ce moment au coût social des casinos et
des loteries, ce qui est aussi un sujet d'actualité. Je
n'ai pas les chiffres pour le Canada, mais
on disait hier soir qu'au Québec,
les casinos et les loteries
rapportent plus d'un milliard de dollars net par année dans les
coffres du gouvernement, dont 500 millions proviennent des
machines que l'on retrouve dans tous les bars et les endroits
publics. Les utilisateurs de ces machines-là ne sont pas des
touristes mais des citoyens locaux, le plus souvent à faible
revenu, et cela a pour
conséquence une augmentation de l'utilisation
des banques alimentaires. On peut alors se demander si
nos gouvernements ne sont pas une des causes de l'appauvrissement
de la population au Canada.
Cela dit, j'ai une question qui est d'ordre vraiment international. Selon le Bureau de la sécurité alimentaire, plus de 800 millions d'êtres humains ne mangent pas à leur faim dans un monde qui produit suffisamment d'aliments pour nourrir tous les hommes, les femmes et les enfants. Après le Sommet mondial de l'alimentation, qui a eu lieu à Rome, le Canada a conçu un plan d'action et le Bureau de la sécurité alimentaire a été établi en février 1999. Croyez-vous vraiment que l'objectif de réduire de moitié le nombre des sous-alimentés d'ici 2015 est réaliste et, si oui, quelles sont les priorités pour y arriver?
[Traduction]
M. Stuart Clark: Si vous voulez bien, j'aimerais vous dire que si nous regardons ce qui a été réalisé—et en fait il s'agit d'une situation qui peut sembler extrêmement morose. Il y a cette analogie d'une voiture qui devait rouler à 180 kilomètres à l'heure mais qui ne roule qu'à 40 kilomètres à l'heure. Il y a problème dans la mesure où les choses avancent, certes, mais pas suffisamment vite. Et pour ne pas être portés à penser qu'il n'y a aucun progrès du tout, nous devons bien nous souvenir que la population du monde continue à croître au même rythme alors que le nombre des affamés diminue à raison de huit millions par an. Le résultat n'est donc pas nul. Mais comment accélérer les choses? Qu'est-ce qu'on pourrait faire?
Il y a 790 millions de gens qui ont faim pour toute une série de raisons. Il y a les politiques qui font que c'est vous, mesdames et messieurs, qui avez le contrôle de la situation: la politique d'aide du Canada, une politique qui affiche depuis huit ans une réduction de 50 p. 100 du soutien à l'agriculture, à l'alimentation et à la nutrition. Il s'agit en l'occurrence d'une réduction beaucoup plus importante que la réduction moyenne du budget total de l'aide extérieure.
Voilà donc une question qui doit vous interpeller, mais je n'irai pas jusqu'à dire que c'est la seule. Il y a également des questions à caractère international qui intéressent la politique commerciale et, en toute justice, et il y a certainement une part de vérité, les politiques nationales des pays bénéficiaires, des pays en développement, jouent également un rôle très important. Il y a donc une myriade de choses.
Certes, vous avez la possibilité d'influer sur certaines règles, et j'entends par là notre politique commerciale, notre politique en matière d'aide extérieure, mais je dirais que nous devons également reconnaître, comme le révèle la Banque mondiale dans son étude, que l'aide, en particulier l'aide publique au développement, trouve son utilité optimale dans un environnement politique adéquat. Si un gouvernement a pour politique d'appauvrir les agriculteurs, le fait d'investir énormément dans le développement de l'agriculture ne va sans doute pas faire grand- chose pour la sécurité de l'approvisionnement alimentaire. Par contre, si l'environnement politique est accueillant, il est possible de faire une grosse différence.
À mon avis, donc, les questions qui nous interpellent aujourd'hui sont claires, et je pense qu'il est probablement tout aussi important que nous nous demandions où nous pouvons être utiles.
Le coprésident (M. John Harvard): C'est tout?
M. Bernard Patry: Oui, c'est tout.
Le coprésident (M. John Harvard): Je vous remercie.
Avant de passer à M. Gruending, j'aurais une question à vous poser, monsieur Wilkinson. Vous représentez les producteurs agricoles du Canada, et en particulier ceux de l'Ontario, étant donné votre situation actuelle. Êtes-vous d'accord avec ce que dit M. Clark selon lequel nous devrions utiliser davantage notre budget d'aide alimentaire pour acheter des céréales produites localement dans les pays du tiers monde?
M. Jack Wilkinson: Oui, parce que dans une large mesure à l'heure actuelle, le pourcentage de notre production qui est exportée à titre de l'aide alimentaire est de toute manière extrêmement faible. Certes, ce que produit le Canada se retrouve sur les marchés commerciaux, de sorte qu'il n'y a pas de substitution. À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas vendre à quelqu'un qui n'a pas d'argent, de sorte qu'il n'y a aucune transaction commerciale qui s'effectue.
Pour nous, ce ne serait pas un problème si l'aide extérieure pouvait permettre d'acheter quelque chose dans un pays voisin en Afrique pour l'écouler ailleurs. Cette opération ne viendrait remplacer aucune vente commerciale que nous aurions sinon pu effectuer. Donc, à notre avis, c'est l'activité économique qui, dans le monde entier, met de l'argent dans les poches des gens; c'est elle qui crée ce que nous voulons. À ce moment-là, ces pays pourraient acheter au Canada parce que les Canadiens ne veulent pas payer quoi que ce soit pour leur alimentation. Nous cherchons donc des débouchés à l'exportation afin d'accroître notre chiffre d'affaires.
Le coprésident (M. John Harvard): Merci, Jack.
Monsieur Gruending, je vous en prie, vous avez cinq minutes.
M. Dennis Gruending (Saskatoon—Rosetown—Biggar, NPD): Nous sommes passés aux interventions de cinq minutes avant que j'aie pu bénéficier d'une intervention de sept minutes, me semble-t-il.
Madame Stuart, j'ai cru déceler dans vos propos un certain scepticisme au sujet de ce que j'appellerais un modèle libre- échangiste pour l'agriculture et l'alimentation. Vous nous avez parlé de ce qu'il était advenu de la révolution verte. Vous avez parlé de l'agriculture industrielle et de la biotechnologie.
Par ailleurs, le Conseil canadien pour la coopération internationale a publié une excellente petite brochure, que j'ai lue, et dont on n'a pas parlé ce matin. Lorsque vous parlez de la sécurité de l'approvisionnement alimentaire, vous nous dites que si nous avons des problèmes, c'est en partie à cause d'un système commercial planétaire qui privilégie la production alimentaire pour l'exportation au lieu d'encourager l'autonomie locale. Vous nous dites également que pour arriver à la sécurité de l'approvisionnement alimentaire, il faut des politiques qui viennent en aide aux systèmes régionaux de production et de distribution.
Tout cela m'intéresse beaucoup. Nous avons ici quelqu'un qui représente des producteurs agricoles, quelqu'un qui représente la Banque de céréales vivrières et qui travaille en étroite collaboration avec les producteurs agricoles, et deux personnes qui représentent le milieu des ONG. Je me demande donc si cette manière de table ronde que vous représentez ne pourrait pas me donner une idée de la meilleure marche à suivre. Est-ce le libre-échange, est- ce l'accès au marché, est-ce l'agriculture industrielle? S'agit-il d'une démarche ascendante, de l'autonomie locale, de la sécurité alimentaire basée sur le petit producteur agricole? Dans ma circonscription, par exemple, l'argument se présente lorsqu'il s'agit de choisir entre les gros élevages porcins qui travaillent pour l'exportation ou les petits producteurs, qui ne veulent pas de ces gros élevages parce qu'ils risquent de les mettre hors circuit. C'est donc pour nous tous un problème extrêmement complexe.
S'il y a donc quelqu'un d'entre vous qui souhaite consacrer le temps qu'il me reste à en dire quelques mots, j'aimerais savoir si nous devrions adopter le modèle libre-échangiste ou cet autre modèle dans le domaine agricole.
M. Jack Wilkinson: Je pense qu'il faut un peu des deux. Il y a dans le monde près de 200 pays différents et il n'y a pas de pointure qui convienne à tous. L'accord actuel nous donne une certaine souplesse qui nous permet, si nous voulons nous en prévaloir, de protéger dans une certaine mesure nos marchés intérieurs en limitant l'accès à ceux-ci, en imposant des barrières tarifaires, en d'autres termes en protégeant, si c'est cela la méthode choisie, telle ou telle composante du secteur afin de ralentir la transition.
En revanche, pour pouvoir redistribuer la production alimentaire à l'échelle mondiale, ce qui va immanquablement survenir—d'ailleurs, c'est ce qui se passe déjà depuis la création du monde—il faut le faire d'une manière qui dérange le moins possible la production locale. Je pense que c'est là, essentiellement, ce dont nous parlons surtout. On ne veut pas, par exemple, que les États-Unis ou l'Union européenne puisse accorder des subventions à l'exportation pour inonder un pays d'un maïs vendu à un prix inférieur au prix de revient local, un prix artificiellement bas, au risque de mettre les producteurs locaux sur la paille, alors que l'année prochaine, il n'y aura peut-être pas d'excédent de production à envoyer là-bas. Alors, une fois que la production locale a été ainsi éliminée, que voulez-vous que le pays en question fasse?
Nous pensons que ces choses-là doivent absolument disparaître pendant le prochain cycle de négociations. Si le commerce international se fait loyalement, il n'est pas nécessaire de désorganiser indûment la production agricole et le marché intérieur. Je pense qu'on peut trouver un équilibre sans avoir à tout bouleverser.
M. Stuart Clark: Je vais me contenter d'ajouter une chose. Dans mon exposé, j'ai rappelé que 10 p. 100 de la production agricole est négociée sur le marché international, ce qui signifie que 90 p. 100 de la production locale est destinée à la consommation sur place. C'est une réalité difficile à accepter pour nous, parce que ce n'est pas le cas ici, ça l'est toutefois pour les pays en développement.
Nous établissons des règles pour réglementer l'écoulement des 10 p. 100, mais cela touche 100 p. 100 de la production. S'il y avait moyen de commencer à réglementer les marchandises négociées sur le marché international sans qu'elles débordent sur les 90 p. 100 qui restent, il serait peut-être possible de trouver le bon dosage entre la production locale destinée à être consommée sur place, et le commerce extérieur. Le problème actuellement, comme je l'ai dit hier en conférence de presse, c'est qu'on met tout dans le même panier et que lorsque l'on supprime les obstacles, les règles conçues pour 10 p. 100 de la production ont un effet dévastateur sur toute la production.
Mme Rieky Stuart: Ce que nous disons, c'est qu'il serait bien d'avoir des solutions nettes. Par le passé, certains d'entre nous auraient préconisé une solution plutôt qu'une autre. Ce que nous disons aujourd'hui, c'est qu'il faire preuve de jugement; il faut appliquer des directives stratégiques parfois contradictoires. Par exemple, je trouve très raisonnable l'idée de Stuart pour que l'on fasse de la sécurité alimentaire mondiale l'un des objectifs des négociations commerciales du Canada. Cela ne concorde pas toujours avec les autres objectifs, mais c'est cela l'art de bien décider, essayer de trouver la bonne solution dans un monde complexe. C'est une façon de vous poser la problématique. Pour nous, ce n'est ni le libre-échange ni un marché entièrement intérieur. Il faut commencer par ce dont la population et les groupes ont besoin pour survivre, en fonction de quoi on élabore une bonne politique.
M. Dennis Gruending: Avez-vous des observations à faire, madame Moreno?
Mme Esperanza Moreno: Non.
Le coprésident (M. Bill Graham): C'est bien, parce que le temps est écoulé. Le prénom de Mme Moreno est Esperanza et, à titre de président, j'espère toujours que c'est ce qui va se passer. Vous êtes la première à avoir réussi. Vous êtes magnifique.
Passons maintenant à Mme Augustine.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président. Je suis heureuse moi aussi que l'on tienne cette discussion ce matin et moi aussi je suis à la recherche de l'espoir, monsieur le président, car je trouve navrant qu'en l'an 2000 nous devions encore tenir ce débat.
J'ai trois courtes questions à poser. Je laisserai aux témoins le soin de décider qui va répondre. J'aimerais savoir quelles sont les régions du monde les plus touchées par l'incertitude alimentaire. On peut deviner, j'imagine, mais j'aimerais que vous nous disiez quelles sont ces régions. Je sais que l'incertitude alimentaire peut être causée par quantité de facteurs environnementaux, l'érosion du sol, les changements climatiques, les modes de consommation, etc. Si vous pouviez nous en parler pour ces régions ou nous expliquer comment ces facteurs influent sur la sécurité alimentaire... J'aimerais aussi que vous nous parliez du rôle des conflits, de la guerre, et de tout ce qui vient bouleverser ces régions. Vous pourriez aussi nous dire ce que vous pensez de l'ACDI et du rôle que le Canada peut jouer dans ces dossiers.
[Français]
Mme Esperanza Moreno: En effet, l'Afrique subsaharienne est la région du monde où il y a la plus forte concentration de gens qui souffrent de la faim. Malheureusement, c'est aussi la partie du monde où nous trouvons actuellement le plus grand nombre de conflits, ce qui a causé énormément de déplacements de population, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays. Pour ces gens, cela a pour conséquence l'abandon de terres fertiles qui constituent leur gagne-pain. Il y a effectivement une grande corrélation entre les zones les plus affectées par les conflits ou la dégradation environnementale et les endroits où il y a les plus grandes concentrations de gens qui souffrent de la faim.
• 1025
Par ailleurs, il y a environ 250 millions des
800 millions de gens dont on parle qui se trouvent en Asie du
Sud-Est. Souvent, quand on fait le lien avec
les grandes catastrophes naturelles, que ce soit au
Bangladesh, en Inde ou dans un autre de ces pays-là,
on voit que
c'est là que les populations sont plus vulnérables.
Donc, les déplacements de population sont une des causes majeures que nous voyons ici. Parmi les solutions qui sont proposées dans le document, en particulier pour des agences comme l'ACDI, il y a celle-ci: lorsqu'on apporte de l'aide à des populations qui sont déplacées soit pour des conflits, soit pour des questions environnementales, il faut tenter d'appuyer également les populations locales qui reçoivent ces populations déplacées.
Souvent, les déplacements de population mal organisés et mal planifiés conduisent à de plus grands problèmes environnementaux ou accentuent les conflits. En effet, les populations locales se demandent souvent comment faire pour devenir réfugiées et se faire aider. Elles sont souvent les premières à être mises à l'écart. Lorsque les populations réfugiées arrivent, elles ont l'impression d'être en situation d'inégalité par rapport aux populations nouvellement installées dans leur région.
Donc, je crois que vous avez tout à fait raison. Cette très grande corrélation suppose pour l'Agence canadienne de développement international un défi: faire en sorte que les programmes d'aide humanitaire bénéficient tant aux populations locales qu'aux populations déplacées.
[Traduction]
Le coprésident (M. Bill Graham): Merci.
Mme Jean Augustine: Que pouvons-nous faire actuellement pour changer ces situations?
Le coprésident (M. Bill Graham): Monsieur Wilkinson.
M. Jack Wilkinson: Brièvement. Je pense que l'ACDI s'améliore nettement, mais je pense que l'Agence devrait examiner très sérieusement la question des groupes avec lesquels elle collabore dans certains de ces pays. Pendant toute la durée de mon mandat à la Fédération internationale, beaucoup d'associations m'ont souvent dit que les organismes d'aide essaient de créer des entités dans le pays où ils vont travailler au lieu de s'adresser à celles qui existent déjà sur place. Par exemple, j'ai souvent entendu dire que les associations agricoles de l'endroit étaient souvent écartées comme partenaires et cela m'a toujours paru être une très grosse erreur. On commet des erreurs culturelles lorsqu'on agit ainsi et on n'a pas d'effet à long terme. Quand le programme est terminé et que l'ACDI s'en va, il arrive souvent que ce qui a été créé s'effondre. C'est pourquoi je pense qu'il faudrait consacrer beaucoup plus d'énergie aux échanges entre agriculteurs, entre agriculteurs et associations agricoles et avec l'infrastructure locale qui existe déjà. Vous renforcez l'infrastructure et la communauté et cela reste après la fin du programme. Je pense qu'il y a place pour de l'amélioration.
Le coprésident (M. Bill Graham): Il faudra nous arrêter ici, monsieur Clark, puisque nous avons dépassé le temps prévu.
Monsieur Hilstrom.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne): Merci beaucoup.
Tout d'abord, je voudrais dire qu'au Manitoba, où j'ai une exploitation, nous sommes très favorables à l'aide alimentaire et nous essayons d'aider les pays qui souffrent de la faim. Nous avons aussi un programme où nous cultivons telle quantité de céréales et le gouvernement fourni l'équivalent. Tout cela aide, bien sûr.
En général, les démocraties du monde qui reposent sur les forces du marché ont tendance à subvenir à leurs propres besoins alimentaires et arrivent parfois à exporter, alors que dans les pays comme l'Union soviétique et la Corée du Nord, à cause de leur structure étatique, sont incapables de nourrir leur population ou d'y arriver grâce au commerce. Lorsque l'on parle de système super- socialiste ou d'un système basé sur les signaux du marché pour nourrir la planète, on ne veut pas trop s'éloigner de l'économie de marché. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
En ce qui concerne la politique intérieure—Jack, c'est à vous que je pose la question—il y a environ quatre ans la Corée du Nord était dans un état déplorable, et l'est encore aujourd'hui, et la Commission canadienne du blé a vendu une grosse quantité de blé à la Corée du Nord. Beaucoup d'agriculteurs estimaient que le blé a été vendu à un prix bien inférieur au prix du marché dans ce pays. Si je pose la question, c'est que les Canadiens veulent tous éviter que la population nord-coréenne souffre de la faim et c'est à tous les Canadiens d'en partager le prix. Ce qui inquiète les agriculteurs de l'Ouest canadien qui ont fourni ce blé, c'est que le prix commun de l'aide alimentaire à ces pays était inférieur au prix du marché. Savez-vous à quel prix le blé a été vendu à la Corée du Nord par la Commission canadienne du blé? Pensez-vous que c'est une bonne idée?
M. Jack Wilkinson: Tout d'abord, non, je ne connais pas le prix de vente. Deuxièmement, je ne crois pas que les expéditions d'aide alimentaire entrent dans le mandat de la Commission canadienne du blé et je ne crois pas qu'elle le fasse. Si c'était classé comme expéditions d'aide alimentaire, la Commission canadienne du blé s'en chargerait peut-être, mais il y aurait un contrat avec le gouvernement aux termes duquel les producteurs seraient dédommagés pour avoir été payés à un prix inférieur au prix du marché parce que cela était considéré comme de l'aide alimentaire.
Il y a toujours des gens pour soupçonner que la Commission canadienne du blé fait tout ce qu'elle peut pour abaisser le prix commun et faire du tort aux agriculteurs. Je n'ai jamais ajouté foi à cet argument, pour tout vous dire. Je ne crois pas que s'il s'agissait d'une vente commerciale, elle aurait fait quoique ce soit d'autre que de rivaliser avec les concurrents.
Le coprésident (M. Bill Graham): Je crois que M. Clark a une réponse.
M. Howard Hilstrom: Mais alors ne réduisez pas mon temps de parole, s'il vous plaît.
Le coprésident (M. Bill Graham): Voulez-vous entendre la réponse que M. Clark s'apprêtait à donner à votre question sur le prix? Je pense que c'était seulement pour cela.
M. Stuart Clark: Je crois, monsieur Hilstrom, que je peux probablement répondre à votre question. La Banque de céréales vivrières du Canada a expédié environ 45 000 tonnes métriques de grains et d'oléagineux en Corée du Nord au cours des cinq dernières années. En outre, les seuls autres aliments qui ont été envoyés là- bas provenaient de l'aide alimentaire canadienne qui a été expédiée officiellement par l'entremise du Programme alimentaire mondial. Ce sont les deux seules expéditions. Il n'y a eu aucune expédition commerciale étant donné que la Corée du Nord n'a pas d'argent.
Pour ce qui est du prix, vous serez heureux d'apprendre qu'il s'agit là pour nous d'une pomme de discorde car nous payons en fait un prix très élevé lorsque nous achetons des vivres aux fins de l'aide alimentaire par l'entremise de la Commission canadienne du blé, tout comme l'ACDI. Nous sommes tenus pour des preneurs de prix, ce qui veut dire que nous acceptons le prix qu'on nous impose. Donc, dans ce cas particulier, ces aliments n'ont sûrement pas été expédiés aux frais des Canadiens. C'est même tout le contraire, je crois que nous avons plutôt payer le prix fort pour ces aliments.
M. Howard Hilstrom: D'accord. Alors allez-vous me donner ces prix exacts? Vous connaissez ces prix étant donné que vous avez pris part à cette vente à la Corée du Nord. Il y a longtemps que les agriculteurs veulent le savoir. Si vous ne me donnez pas cette réponse aujourd'hui, je vous garantis que la presse va l'obtenir de vous plus tard.
M. Stuart Clark: Je serai très heureux de vous communiquer ces informations. Je sais que nous avons acheté la deuxième expédition, mais je ne connais pas le prix exact aujourd'hui. Je ne suis pas venu avec les documents voulus et je n'étais pas prêt à...
M. Howard Hilstrom: Je comprends, et vous pourrez peut-être envoyer ces informations à mon bureau, s'il vous plaît.
M. Stuart Clark: Ce sera chose faite.
Le coprésident (M. Bill Graham): Sans vouloir vous interrompre, monsieur Hilstrom, il y a une chose importante à clarifier. Vous avez mentionné la vente à la Corée du Nord. Si j'ai bien compris monsieur Clark, il ne s'agissait pas d'une vente à la Corée du Nord. C'était du blé acheté au Canada dont on a fait don à la Corée du Nord. On l'a donc acheté aux cultivateurs canadiens dans le cadre de notre politique d'aide, à des prix canadiens, et ces aliments ont été expédiés à la Corée du Nord sans qu'il en coûte un sou aux Coréens du Nord. Ce n'était pas une vente à la Corée du Nord comme telle. Est-ce exact, monsieur Clark?
M. Stuart Clark: C'est exact.
M. Howard Hilstrom: Nous discuterons des détails plus tard.
Je devrai également examiner ces détails lorsque nous discuterons de la politique intérieure. Nous sommes tous favorables à l'élimination de la faim dans le monde. Mais ce que je dis, c'est que nous voulons que le coût soit réparti équitablement entre les Canadiens lorsque nous envoyons de l'aide alimentaire. On ne veut pas qu'un seul segment de la société, à savoir les agriculteurs de l'Ouest canadien, qui ont du blé à exporter... Nous voulons nous assurer que notre politique intérieure leur vient en aide parce qu'ils ont plus de difficultés financières que le Canadien moyen. Un simple balayeur de rue moyen gagne plus qu'un cultivateur. C'est donc un très grave problème.
Ça va. Nous allons dénicher les détails de la vente dont nous parlions qui a effectivement eu lieu, et nous allons ensuite vous demander à quel montant le prix a été fixé. Au moment où la transaction a eu lieu, il n'y avait pas moyen de connaître le prix. Je suis donc surpris de vous entendre dire qu'on connaît les prix. Et je serais très heureux d'obtenir ces informations.
Le coprésident (M. Bill Graham): Très bien. Cela nous sera utile.
Nous allons revenir à M. McCormick.
M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins de leur présence. L'échange a été très intéressant.
J'ai la conviction que vous avez tous notre soutien, mais il s'agit seulement de savoir comment nous allons procéder. On nous dit que 45 p. 100 des enfants affamés vivent dans des pays qui ont des excédents alimentaires. Il y en a aussi 55 p. 100 qui ne sont pas dans ce cas. Il faut donc vraiment abaisser et même éliminer les subventions à l'exportation, mais le besoin le plus pressant, c'est bien sûr de nourrir les gens, et c'est un besoin constant.
• 1035
Je ne suis pas toujours d'accord avec lui, mais Jack m'a tiré
les mots de la bouche: il faut vraiment avoir la volonté politique
voulue dans notre monde pour nourrir les gens. Nous avons toute la
nourriture qu'il nous faut aujourd'hui. Nous avons trop de
nourriture au Canada pour ne pas nourrir les gens. Nos agriculteurs
sont obligés de vendre leurs céréales et leurs oléagineux à des
prix qui sont les plus bas depuis des décennies. Nous pourrons
sûrement produire davantage l'an prochain. Pour la première fois
depuis très longtemps, plusieurs décennies, les cinq continents ont
obtenu des récoltes exceptionnelles cinq années de suite. Tous ces
aliments sont là.
Que l'on ait besoin des Nations Unies ou d'une autre instance pour envisager la question sous l'angle politique et avoir la volonté politique voulue pour nourrir les gens... Les Canadiens à qui je parle, et les gens ailleurs dans le monde à qui je parle, n'arrivent pas à comprendre pourquoi nous ne faisons pas davantage, nous tous ici présents. Nous ratons nos cibles. Dans une certaine mesure, nous ne sommes pas suffisamment efficaces.
Je ne veux pas entrer dans le débat sur la Commission canadienne du blé pour le moment...
Le coprésident (M. Bill Graham): Pourquoi pas?
M. Larry McCormick: Avec la crise que nous avons sur les bras ici... J'ai la certitude que c'est beaucoup plus qu'une crise qui sévit dans nos localités rurales et parmi nos agriculteurs, et que certains de nos témoins ne s'en rendent pas compte. Je veux seulement discuter de cela, de la nécessité de trouver la volonté politique voulue à New York au sujet de ce que nous pouvons faire, parce que nous pouvons faire mieux.
Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Bill Graham): Nous parlerons d'une loi humaine.
M. Stuart Clark: Je peux peut-être vous parler un peu de ce qui se dit autour de la table à New York. J'étais membre de la délégation canadienne au Comité sur la sécurité alimentaire qui s'est réuni en fait à Rome, au siège de la FAO le mois dernier. Ceux d'entre vous qui ont pris part au processus des Nations Unies savent que pour la première fois, nos attentes sont réduites. Je dois dire que le Canada a vaillamment défendu sa position. La position du Canada dans ce forum, pour ce qui est de l'articulation d'une volonté politique, a été en fait fort impressionnante. Je crois donc que, à l'échelle internationale, nous disons absolument ce qu'il faut dire.
Cependant, en ma qualité de membre de la délégation officielle mais aussi de membre du milieu des ONG, je considère encore quelque peu comme une erreur le fait que nous ayons réduit notre aide dans ce domaine de 50 p. 100. Si les gens qui nous ont écoutés nous avaient demandé ce que nous faisons, nous aurions été quelque peu gênés. Mais je persiste à croire que notre position était ferme et claire.
Le coprésident (M. Bill Graham): Merci.
Madame Alarie.
[Français]
Mme Hélène Alarie: En biotechnologie, les pays en voie de développement remettent présentement en question les organismes génétiquement modifiés. Plusieurs scientifiques du Mexique, du Pakistan, de l'Inde, de l'Afrique, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud poussent un cri d'alarme. Ils s'inquiètent de voir les sommes d'argent qui étaient allouées à la recherche traditionnelle et qui permettaient donc l'évolution des petits systèmes agricoles des pays en voie de développement s'en aller maintenant vers la recherche en biotechnologie.
Par ailleurs, ces pays-là ont peur également qu'on répète l'erreur qu'on a faite durant la révolution verte: transposer nos modèles dans des pays où les écosystèmes sont fragilisés et qui n'ont pas les moyens de suivre; de plus, ces modèles sont mal adaptés à leurs besoins.
La biodiversité alimentaire et génétique constitue l'autre problématique. S'il y a 400 variétés de maïs au Mexique, c'est parce que les Mexicains ont 400 situations qui leur permettent de produire dans des conditions différentes des nôtres.
Est-ce que vous êtes sensibilisés à cela? Est-ce que vous en parlez avec le gouvernement? Bien sûr, oublions les grandes compagnies. Ce sont elles qui mènent le monde, mais je sais qu'on ne leur parle pas. Est-ce que vous prenez position face à cela?
[Traduction]
Mme Riedy Stuart: Oui, c'est vrai, il y a certaines organisations qui oeuvrent dans le domaine du développement international, des ONG, qui ont de vives inquiétudes à ce sujet. La semaine dernière, par exemple, il y a eu une conférence de presse conjointe organisée par Greenpeace, CUSO et Oxfam pour discuter justement des questions que vous étudiez. Il y a aussi la RAFI, la Rural Advancement Foundation International, qui travaille à ces dossiers.
• 1040
Selon notre point de vue, il y a plusieurs problèmes. L'un
d'entre eux, c'est le niveau d'investissement, comme vous dites,
dans la biotechnologie, qui est de l'ordre de centaines de millions
et de milliards de dollars, de l'argent qu'on n'investit pas dans
des moyens d'existence ruraux et durables. L'exemple que Greenpeace
a cité la semaine dernière était celui du développement d'un riz
génétiquement modifié à vitamine A, ce qui est probablement la
manière la plus chère de donner de la vitamine A aux populations
locales qui en ont besoin, et sur le plan culturel, ce n'est peut-
être même pas acceptable. Alors pourquoi faisons-nous cela, si ce
n'est parce que ça rapporte?
Notre deuxième préoccupation concerne la biodiversité: les conséquences de la présence généralisée de produits issus du génie génétique, surtout ceux qui nécessitent du matériel transgénique, ne sont pas bien comprises. Si on peut mener ces expériences dans un environnement très contrôlé, elles peuvent produire des résultats utiles à long terme, mais dans les conditions dans lesquelles nous travaillons en Afrique, en Amérique latine et dans les Antilles, les produits transgéniques ne constituent pas une solution viable à la durabilité locale.
C'est une préoccupation qui prend de l'importance, nous le savons, et nous tenions à le souligner et à faire écho à vos préoccupations.
Le coprésident (M. Bill Graham): Monsieur Wilkinson.
M. Jack Wilkinson: Ce n'est pas du tout noir ou blanc.
Certains des produits résultant de la biotechnologie étaient le résultat d'investissements qu'ont fait ces grandes sociétés dans le but d'obtenir une grande part du marché commercial, car c'est là qu'elles peuvent faire le plus de profits.
Je crois toutefois que si c'est bien fait et que la réglementation est en place, la biotechnologie pourrait servir à l'avenir à créer des variétés résistantes à la sécheresse et de cultures pouvant pousser dans des sols à concentrations élevées de sel, ce qui pourrait être très avantageux dans certaines régions. Mais pour en tirer profit, nous devons nous assurer que la biotechnologie est utilisée à bon escient.
Ainsi, je fais pousser des variétés de canola issus de la biotechnologie et j'emploie moins d'herbicides. Le produit chimique que j'utilise pour tuer les mauvaises herbes est beaucoup moins nocif pour l'environnement que ce que j'utilisais dans le passé et, personnellement, j'estime que c'est avantageux, tant qu'il y a une bonne réglementation qui prévoit des inspections rigoureuses afin de garantir l'innocuité des produits avant leur arrivée sur le marché.
Je n'aime pas ce genre de discussion. Il est facile de tout classer dans des catégories, pour le libre-échange, contre le libre-échange, pour la biotechnologie ou contre la biotechnologie. Le plus difficile, c'est de régler les détails, s'assurer de se doter d'abord d'un bon cadre, s'assurer que la recherche est faite avant que ces produits n'arrivent sur le marché.
On devrait peut-être exiger de Monsanto, si cette société veut obtenir le brevet mondial du blé, d'investir 10 p. 100 de ses profits pour effectuer de la recherche dans les régions climatiques d'autres pays, afin de créer un rutabaga qui soit avantageux sur ces marchés locaux. Pourquoi ne pas imposer une telle exigence?
Si nous sommes prêts à accorder à cette société un brevet mondial, pourquoi ne pas exiger qu'elle investisse certains de ses profits dans la R-D au profit des petits marchés non commerciaux? C'est tout à fait possible et c'est ce que les différents comités et pays devraient préconiser.
Le coprésident (M. Bill Graham): Merci beaucoup.
Monsieur O'Brien, suivi de M. Breitkreuz et Steckle.
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Messieurs les présidents, merci beaucoup.
En ce qui a trait aux subventions, j'ai l'impression que les témoins ont des avis mitigés.
Je crois que c'est M. Wilkinson qui a dit que, à ce sujet, nous jetons les agriculteurs dans la fosse aux lions, mais M. Clark, lui, juge que le gouvernement canadien a adopté la bonne position sur les tribunes internationales.
Avant de vous poser ma question, je me permets une brève remarque: en septembre, avec le ministre Pettigrew, je suis allé en Europe centrale, dans quatre pays différents où le ministre a soulevé la question des subventions à l'agriculture dans les pays de l'Union européenne auprès de chacun de ses homologues. Bien sûr, le ministre Vanclief le fait aussi continuellement. On aurait donc tort de croire que le Canada ne profite pas de chaque occasion qui lui est offerte, sur la scène internationale, pour soulever la question des subventions. Je tenais à le préciser aux fins du compte rendu.
• 1045
Je transmettrai certainement au ministre le message dont vous
nous avez fait part aujourd'hui. En ma qualité de secrétaire
parlementaire, je m'assurerai de bien l'informer de ce qui se passe
ici aujourd'hui.
J'ai une question précise à poser à M. Clark sur les initiatives politiques en matière de commerce international. Outre la question très importante des subventions injustes qu'accordent les gouvernements américain et européen, quelle autre initiative commerciale le Canada devrait-il envisager pour tenter de régler la question des pénuries alimentaires dans les pays les plus pauvres?
M. Stuart Clark: Merci de me donner l'occasion de vous toucher un mot de ce sujet. Bien sûr, nous devons examiner les propositions faites par les pays en développement, et il est tout aussi important de comprendre qu'il n'y a pas de solution miracle qui s'applique à tous les pays en développement. Ces différents pays s'inscrivent dans différents groupes. Mais ce sont généralement les pays qui ont un grand secteur agricole qui sont très pauvres. Récemment, ils ont proposé ce qu'on appelle la catégorie du développement. Ceux d'entre vous qui connaissent les règles commerciales savent qu'il existe déjà différentes catégories—les catégories rouge, orange, bleue et verte—et, dans la même foulée, on a suggéré que soit créée la catégorie du développement.
Très brièvement, voici les principaux éléments de cette catégorie: elle permettrait à un ensemble très limité de pays, par exemple, de décider au niveau national quelles denrées seraient libéralisées. Par exemple, si les Philippines voulaient venir en aide aux producteurs à petite échelle de maïs, elles pourraient décider de ne pas libéraliser cette culture.
Il y a bien d'autres propositions assez simples, mais celle-là est celle qui pourrait faciliter une libéralisation graduelle des échanges commerciaux. Comme je l'ai dit dans mon exposé, lorsque cette libéralisation se produit trop rapidement, ses effets sont destructeurs. Cette mesure permettrait aux pays de procéder par étape... tout comme notre propre agriculture a joui, au départ, d'une certaine protection avant de se préparer graduellement à la mondialisation.
M. Pat O'Brien: Ma question suivante, monsieur le président, porte sur la prochaine série de négociations de l'OMC; manifestement, rien ne se passera avant les élections américaines, ce qui signifie qu'on réalisera peu de progrès cette année.
Au début de vos remarques, monsieur Clark, vous avez dit que l'expansion des échanges commerciaux aide les pays les plus pauvres. J'ai l'impression que, bien que le Canada préconise plus de transparence au sein de l'OMC, comme l'a toujours dit le ministre et comme il continuera de l'affirmer, le public canadien en général ne comprend pas nécessairement que l'expansion des échanges et la réglementation du commerce par l'OMC aidera les pays les plus pauvres et ne leur nuira pas? Croyez-vous qu'on comprenne cela? Sinon, que peut faire le gouvernement pour expliquer que c'est là l'un des objectifs d'un régime de commerce international fondé sur des règles?
M. Stuart Clark: Je crois en effet que c'est un fait qu'on ignore. La discussion est très polarisée. Comme l'a dit Jack au sujet de la biotechnologie, c'est souvent noir ou blanc, et il en va ainsi de toute la question du commerce international. Si le Canada, par exemple, suivait notre recommandation et faisait de la sécurité alimentaire mondiale un de ses objectifs politiques—bien sûr, il faut tenir compte des autres facteurs d'importance pour notre pays, mais si nous reconnaissions cela, nous pourrions faire valoir au public canadien que le commerce peut contribuer à réduire la faim dans le monde.
Ce sont des enjeux très importants. J'ai passé cinq ans au Bangladesh; ce pays compte aujourd'hui un important secteur textile. Je parie... peut-être pas vous, mais certains d'entre nous portent des chemises qui ont été fabriquées au Bangladesh. Cela fait vraiment une différence pour les gens qui ont dû quitter leurs terres, car il y en a—je ne crois pas que l'on veuille préserver le genre d'agriculture où le cultivateur ne dispose qu'un quart d'acre. Nous ne souhaitons pas que les agriculteurs de ces pays exploitent 100 acres, mais nous voulons qu'ils aient plus qu'un demi-acre. Nous avons donc besoin de ces emplois. Le commerce peut faire toute la différence. Le fait que la politique commerciale du Canada soit axée sur le développement, non seulement dans le domaine de l'agriculture mais aussi dans les domaines tel que le textile, fait toute la différence et peut contribuer à la sensibilisation du public.
M. Pat O'Brien: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le coprésident (M. Bill Graham): Monsieur Breitkreuz.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne): Merci beaucoup. J'ai trois courtes observations ou questions. Je vous les livre en vrac et vous choisissez parmi les questions celles auxquelles vous souhaitez répondre.
On entend souvent dire et on semble reconnaître, en général, que les subventions à l'exportation déstabilisent les marchés. Les aliments qu'on expédie à l'étranger n'auraient-ils pas le même effet, puisqu'il s'agit en fait d'une subvention à 100 p. 100? J'aimerais vos commentaires là-dessus. En outre, certains autour de cette table préconisent un système de double prix pour le Canada. Ne serait-ce pas là aussi une sorte de subvention, qui entre dans la même catégorie? Voilà la première question.
La deuxième découle d'une autre, posée par mon collègue, qui n'a pas encore obtenu une réponse claire. Pourriez-vous nous donner des exemples de programmes qui ont réussi à long terme à réduire la faim dans le monde et à faire accéder à l'autonomie des gens en état de dépendance? Après quatre ou cinq mille ans d'histoire, pourriez-vous nous donner des exemples de cas où cela s'est produit, à long terme?
La troisième question se rapporte à un commentaire formulé au sujet des OGM selon lequel Monsanto pourrait être tenu de consacrer 10 p. 100 de ses profits au développement de produits. Si les OGM ne semblent pas soulever de questions dans les pays où les gens meurent de faim, le Canada ne pourrait-il pas fournir de l'aide en contribuant à la mise au point de produits de ce genre qui aideraient ces peuples? Je présume que Monsanto voudrait sans doute mettre au point des produits qui seraient avantageux pour cette entreprise, mais le gouvernement pourrait aider dans ce domaine en faisant de la recherche. On réduirait les risques environnementaux. Cela permettrait aussi l'agriculture biologique, une réduction des produits chimiques et engrais utilisés, etc. C'est peut-être un domaine où nous, les Canadiens, pourrions vraiment être des pionniers dans l'aide accordée à ces pays.
J'aimerais vos commentaires sur ces trois sujets.
M. Stuart Clark: Une réponse de 15 secondes sur l'aide alimentaire. L'aide alimentaire devrait toujours cibler les populations qui n'ont pas accès au marché, mettant ainsi des aliments entre les mains de personnes qui ne pourraient pas normalement les acheter. L'idée que les subventions à l'exportation déstabilisant le commerce provient du fait que ces aliments se retrouvent sur le marché. Mes commentaires sur la monétisation et la vente d'aide alimentaire s'y rapportent certainement. C'est une question de ciblage: il faut savoir exactement où se retrouve l'aide alimentaire, puisque bien distribuée, elle n'aura aucun effet sur le marché.
Le coprésident (M. Bill Graham): Monsieur Wilkinson.
M. Jack Wilkinson: Toujours au sujet des subventions à l'exportation, la raison pour laquelle elles nuisent tant aux agriculteurs les marchés commerciaux, c'est qu'une fois qu'une entreprise des États-Unis, par exemple, vend ses produits sur le marché commercial grâce à une subvention à l'exportation, cela a un effet non seulement sur cette vente, mais sur le marché, de manière constante. Quand la Commission canadienne du blé ou une autre entreprise commerciale veut vendre ailleurs, l'acheteur peut dire: «Un instant, les États-Unis vendent à 130 $, soit 40 $ au-dessous du prix du marché.» Ensuite ils rappellent la compagnie américaine pour voir s'ils peuvent obtenir le même prix. Parce que quelqu'un a fait une vente de ce genre à cette époque-là, ou baisse en conséquence tous les prix commerciaux. Voilà pourquoi ça un effet très nuisible, parce que quelques centaines de millions de dollars peuvent disparaître littéralement d'un marché commercial pour certaines marchandises, pour nous tous, alors que l'aide alimentaire ne nous nuit pas beaucoup, quand elle est destinée à une région particulière qui n'aurait pas de toute façon les moyens de nous acheter ces produits alimentaires. Bien entendu, on préférerait que l'économie de cette région soit suffisamment forte pour que les gens achètent nos aliments, mais comme ils ne les achèteront pas de toute façon... On veut les aider, du point de vue humanitaire.
Certains pays en développement sont fort préoccupés par la biotechnologie, l'Inde, par exemple. On s'y inquiète sérieusement de l'évolution des choses et de la perte de la diversification locale et des programmes de biodéveloppement. C'est la seule raison pour laquelle je disais que dans certaines régions du monde, les entreprises internationales devront être plus sensibles à leur façon de travailler, de crainte de perdre des appuis politiques. C'est ce qui se produit dans certaines régions du monde.
M. Garry Breitkreuz: Pouvez-vous me donner des exemples de programmes à long terme qui donnent des résultats? Il doit certainement y en avoir.
M. Jack Wilkinson: Cela fonctionne très bien au Zimbabwe. Il y a beaucoup d'endroits où ça réussit très bien.
M. Stuart Clark: Il y a l'exemple que je viens de donner, des textiles au Bangladesh. Ce secteur a pris de l'ampleur depuis 20 ans. J'y travaillais vers la fin des années 70. L'industrie du textile était sans importance et c'est maintenant une industrie très forte. Elle permet à beaucoup de gens de gagner leur vie. Ce n'est pas nécessairement le moyen d'existence que vous et moi choisirions, mais c'est certainement mieux que ce que leur offrait précédemment l'environnement urbain. C'est un exemple.
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Pour nous rapprocher du sujet de l'agriculture, le Kenya était
autrefois un exportateur agricole assez important. Son secteur
agricole est fort. La sécheresse y sévit toutefois fréquemment. Il
y a là un programme remarquablement efficace qui fait vraiment une
différence pour beaucoup de gens. C'est un programme de
construction de barrages de sable ou de barrages souterrains, afin
de retenir les eaux de pluie pour s'en servir pendant la saison
sèche. C'est extraordinaire. Cela semble peu de choses, mais même
si cela ne coûte pas très cher, l'effet est énorme.
Il y a bon nombre d'autres cas. Je sais que dans le nord de l'Ethiopie, Oxfam a des projets de captage d'eau qui ont permis de réchapper bien des gens. Des agriculteurs qui étaient au bord de la faillite et qui songeaient à s'en aller sont maintenant capables de cultiver leurs terres.
Il y a vraiment une longue liste. Vous savez, il doit bien y avoir quelque chose qui contribue au fait qu'il y a chaque année 8 millions de personnes de moins qui ont faim, malgré l'accroissement de la population. L'avenir n'est donc pas si sombre, mais je ne peux pas vous citer un programme en particulier, il y en a des dizaines.
Le coprésident (M. Bill Graham): Merci.
Monsieur Steckle, s'il vous plaît.
M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Oui, je serai bref.
Je pense que dans un exposé, le vôtre, madame Stuart, on disait que c'était les femmes et les filles du monde qui avaient faim. Pour respecter la rectitude politique, j'espère que cela comprend aussi les garçons du monde. C'est ce que j'ai entendu hier à la télévision, et je me suis bien rendu compte que la rectitude politique avait une nouvelle dimension. J'espère que c'est une omission, et je présume que la gent masculine fait aussi partie des affamés du monde. Vous voudrez peut-être rectifier.
Il est à mon avis très opportun de parler de ce sujet, étant donné qu'il y a beaucoup d'affamés dans le monde et que nous avons une abondance de nourriture, particulièrement ici, au Canada. La nourriture ne coûte pas ce qu'elle vaut.
J'aimerais que chacun de vous réponde à ma question, que voici: comme il n'y a pas encore de deuxième ronde d'accords de l'OMC, puisque certains pays n'ont pas encore respecté intégralement l'accord pour ce qui est des subventions, et comme les agriculteurs canadiens ont exporté pour environ 10 milliards de dollars de plus au cours des sept dernières années—l'évolution est très positive—mais que notre secteur agricole s'appauvrit en raison des prix, ne diriez-vous pas qu'il serait juste envers notre communauté agricole canadienne que nous en prenions soin, du moins à court terme? Si cela signifie qu'il faudra prélever des impôts supplémentaires, qu'il faudra donner des subventions à court terme aux agriculteurs pour qu'ils continuent d'exploiter leurs terres, pour éviter que l'exode de la population ne se poursuive vers les centres urbains déjà surpeuplés, ne diriez-vous pas que l'ensemble de la population doit en toute justice donner son appui aux agriculteurs, en attendant que nous ayons un consensus au sujet d'un nouvel accord de l'OMC, afin que ces travailleurs restent là où nous aurons plus tard besoin d'eux?
M. Jack Wilkinson: Donc, des subventions au Canada?
M. Paul Steckle: Oui.
Le coprésident (M. Bill Graham): Quelle chance que vous ayez posé une brève question, monsieur Steckle, avec une réponse simple—de la part de M. Wilkinson, du moins.
Madame Stuart.
Mme Rieky Stuart: J'aurais une réponse un peu plus nuancée. Nous avons travaillé récemment en Éthiopie à cause de la sécheresse. Les Éthiopiens nous font remarquer qu'ils ne veulent pas qu'on leur fasse la charité, ils ne veulent pas se trouver dans la situation où l'aide alimentaire est nécessaire alors qu'ils y ont déjà contribué des millions. J'ose dire que les cultivateurs canadiens ne veulent pas la charité non plus. Ils veulent pouvoir gagner leur vie ou, si vous préférez, vendre leurs produits à un prix équitable.
[Français]
Mme Esperanza Moreno: Je pense aussi qu'il nous est nécessaire d'être cohérents dans nos politiques internationales. Par exemple, dans la politique d'aide canadienne actuelle, nous avons quatre priorités. Or, la question de la sécurité alimentaire devrait se retrouver à la base de l'ensemble de ces quatre priorités. Nous ne pouvons pas nous imaginer, par exemple, ne travailler que sur l'éducation ou sur la santé et la nutrition. Par exemple, le fait d'avoir un gagne-pain et une bonne alimentation contribue beaucoup au fait d'avoir une éducation ou du moins à l'état d'esprit nécessaire pour apprendre. Mon idée touche plus la cohérence entre nos idées politiques, tant au niveau commercial qu'international.
M. Paul Steckle: Si je comprends bien, vous répondez par l'affirmative.
M. Stuart Clark: Je vous réponds aussi par l'affirmative mais je tiens à dire qu'à mon avis, le contribuable canadien ne veut pas continuer cette pratique indéfiniment. Je pense donc qu'il est important que vous réfléchissiez à une stratégie pour régler ce problème des subventions européennes et que vous vous demandiez s'il ne serait pas plus efficace de mettre l'accent sur les exportations européennes et non sur la politique agricole globale de l'Europe.
Le coprésident (M. Bill Graham): Je vous remercie.
Collègues, je pense que cette séance doit prendre fin. Il est 11 heures.
Je tiens à remercier nos participants. Cette réunion nous a permis de faire le point sur beaucoup de questions fondamentales. Pour ma part, je dois dire qu'elle m'a beaucoup aidé à comprendre ce qui me paraît un grand paradoxe. On affirme beaucoup que les subventions à la production alimentaire ont beaucoup nui au système. D'une façon simpliste, par contre, on pourrait penser que ces subventions aident les gens qui avaient besoin d'aliments à un coût moindre, du moins en ce qui concerne le consommateur. Je pense que nous avons beaucoup appris ce matin sur les effets néfastes de cette pratique sur tout le processus agricole et comment cela nous empêche d'apporter les remèdes nécessaires. Je pense donc que cet échange a été très utile pour beaucoup d'entre nous.
Chers collègues, je voudrais vous annoncer une nouvelle qui vous intéressera peut-être. On vient de m'apprendre que le premier ministre a annoncé ce matin que M. Tobin a été nommé ministre de l'Industrie; M. Manley est le nouveau ministre des Affaires étrangères; M. Duhamel sera chargé des Affaires des anciens combattants en plus de la diversification économique de l'Ouest; et le sénateur Boudreau sera le ministre responsable de l'APECA. Voilà donc les détails concernant le nouveau remaniement ministériel annoncé ce matin.
Au sujet du deuxième changement, c'est-à-dire la nomination de M. Manley, vous vous rappelez sans doute que le Comité des affaires étrangères avait prévu une séance d'information avec M. Axworthy sur la situation au Moyen-Orient. Comme vous le savez, un ministre israélien se trouve au Canada où il s'entretient avec différents groupes—certains d'entre vous l'avez peut-être déjà rencontré. Nous anticipions avec plaisir la séance d'information avec M. Axworthy. M. Axworthy n'est plus disponible comme il n'est plus ministre des Affaires étrangères. M. Axworthy m'a informé qu'il n'est pas en mesure de venir cet après-midi avec un si court préavis mais peut-être que le comité directeur voudra y repenser plus tard.
Je vous remercie donc d'être venus. Encore une fois, nous apprécions beaucoup cette Journée mondiale de l'alimentation
Vouliez-vous dire quelque chose en guise de conclusion, John?
Le coprésident (M. John Harvard): Oui. Je voulais simplement souscrire à ce que M. Graham vient de dire. Au nom du Comité de l'agriculture je voudrais remercier tous les témoins. Je pense que vous avez fait un excellent travail. J'ai trouvé que les échanges au cours de la période des questions et des réponses étaient particulièrement utiles.
J'ai un message pour les membres de mon comité, le Comité de l'agriculture. Il y aura une petite réunion du comité directeur tout de suite après cette séance. Nous allons nous rendre directement à la salle 371 de l'édifice de l'Ouest. Dépêchons-nous donc, ce sera vite fait.
Je vous remercie, monsieur Graham.
La séance est levée.