FAIT Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 4 avril 2000
Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib)): Chers collègues, je suis désolé du retard. Nous accueillons ce matin Jim Wright, Ann Collins et Robert Brooks, du ministère, et MM. Wallace et Couturier, de l'ACDI.
Nous entreprenons aujourd'hui notre étude sur le Caucase, en vue du voyage que nous comptons faire dans cette région. Nous vous avons distribué un petit livre blanc
[Français]
dans les deux langues officielles, d'une couleur qui convient bien, qui contient des cartes et tout. C'est avec toutes ces cartes qu'on veut donner aux députés le goût de faire le voyage et les inciter à coopérer.
[Traduction]
Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer, monsieur Wright. Je sais que vous devez partir vers midi moins cinq; vous pouvez peut-être faire votre déclaration avant de laisser vos collègues être pris à partie.
Des voix: Oh, oh!
M. Jim Wright (directeur général, Direction de l'Europe centrale, de l'Est et du Sud, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Vous ne prenez jamais personne à partie ici.
Le président: Nous aimerions que le ministère nous donne un aperçu de la situation et que vous nous disiez comment le comité pourrait contribuer à la politique étrangère du Canada dans cette région. Nous vous remercions d'être venu nous rencontrer. Voulez-vous commencer?
M. Jim Wright: Merci beaucoup monsieur le président.
Je suis très heureux d'avoir l'occasion de m'adresser à vous au moment où vous vous préparez à examiner la politique canadienne à l'égard d'une des régions les plus fascinantes du monde, ainsi que l'intérêt et les débouchés qu'elle offre pour le Canada. Nous avons déjà remis aux membres du comité un volumineux dossier d'orientation renfermant des notes documentaires sur les pays ainsi que des exposés politiques et économiques, et nous avons travaillé avec les attachés de recherche qui ont rassemblé ces informations à votre intention.
Je ne compte pas examiner en détail ces documents. Je me propose d'abord de vous donner un aperçu général et stratégique de la région ainsi que de la politique et des intérêts canadiens, puis de vous inviter à poser des questions à notre équipe.
[Français]
Les huit pays qui constituent l'Asie centrale et le Caucase partagent essentiellement la même histoire, ont de nombreuses racines en commun et désirent tous se servir de leur indépendance fraîchement acquise comme d'un tremplin vers l'avenir. Par ailleurs, chacun possède un nombre considérable d'attributs qui font de lui un pays unique, que ce soit le christianisme de l'Arménie, la taille du Kazakhstan ou les hautes montagnes du Tadjikistan.
[Traduction]
Il s'agit d'une région du monde où le Canada n'est pas très présent. Depuis l'effondrement de l'Union soviétique, la présence du Canada a revêtu des formes différentes et a évolué, au départ sous l'impulsion de nos intérêts commerciaux. Les très riches gisements de minerais des monts T'ien Chan et les énormes réserves en hydrocarbures du bassin de la mer Caspienne ont attiré les sociétés minières et pétrolières du monde entier, auxquelles se sont joints les meilleurs représentants de l'industrie canadienne.
D'abord éveillés par la promesse de richesses minérales, nos intérêts en sont arrivés peu à peu à englober nos missions de paix et sécurité ainsi que notre engagement à promouvoir les valeurs canadiennes à l'étranger. Nos efforts sont certes limités dans une certaine mesure par notre modeste représentation dans les pays d'Asie Centrale et du Caucase.
Le rythme de la réforme freine également notre avance. À l'ouest de ces pays, nous sommes habitués aux mutations rapides et réussies de la vie politique et économique en Europe Centrale. Le processus de transition a été long en Asie Centrale et dans le Caucase. Ce n'est d'ailleurs pas surprenant. Ces régions étaient les postes éloignés de l'Empire soviétique, Moscou exerçant un contrôle total sur leurs économies régies par le communisme. En 1991, lorsque le régime communiste s'est écroulé, ces pays ont été abandonnés à leur sort. Peu disposés à devenir indépendants, dans certains cas, ils amorçaient leur évolution à un échelon beaucoup plus bas. Dépourvus d'une tradition démocratique—leur héritage étant au contraire empreint de totalitarisme—et d'une économie de marché efficace, ils ont dû s'atteler à une tâche beaucoup plus ingrate.
[Français]
On se tromperait si on considérait l'Asie centrale et le Caucase comme un ensemble monolithique. En dépit des ressemblances, on note de nombreuses différences très profondes. C'est pourquoi nous percevons deux entités distinctes, l'Asie centrale et le Caucase, qui font l'objet de notre examen de la région. Par ailleurs, nous devons toujours garder présent à l'esprit le concept du bassin de la mer Caspienne, lequel intègre la Russie et l'Iran au groupe hétéroclite composé de l'Azerbaïdjan, du Kazakhstan occidental et du Turkménistan, ce qui ne fait qu'ajouter à la confusion.
[Traduction]
Le relief escarpé du Caucase a contribué à la formation d'un amalgame complexe et confus d'ethnies, de langues et de religions, qui est à la source des problèmes de la région. Le National Geographic a peut-être donné la meilleure description du Caucase:
-
Servant de refuge depuis la dernière période glacière de l'Eurasie,
la région du Caucase a été une passerelle pour les voyages, le
commerce et la conquête. Même si pendant des siècles les autorités
régionales et impériales se sont disputé son territoire, le Caucase
est demeuré un bastion pour des peuples dont l'identité est liée au
quelque 50 langues qu'ils parlent [...] Le relief escarpé et
l'existence de sociétés attachant autant d'importance à la fidélité
au clan et à la famille qu'à l'allégeance à l'égard de la nation ou
de la région ou contribuer à la survie de l'identité des groupes
ethniques. Les tentatives antérieures, surtout de la part de
l'ex-Union soviétique, en vue d'assimiler ou de dominer les
Caucasiens ont été, le plus souvent, infructueuses.
On peut le voir clairement aujourd'hui. Le cocktail explosif des affrontements ethniques et des différends religieux ont alimenté les tensions entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Les difficultés qu'éprouve la Géorgie à l'égard de sa région sécessionniste de l'Abkhazie et les problèmes que lui posent les régions de l'Adjarie et de l'Ossétie du Sud témoignent de la menace constante que la persistance des conflits ethniques fait peser sur la stabilité. Le conflit tragique qui continue de faire rage en Tchétchénie aggrave encore les problèmes de la Géorgie.
[Traduction]
Depuis la première visite de Marco Polo, le pétrole a défini l'importance du Caucase. C'est le prix que n'ont pas gagné les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale; c'est la récompense qui a incité les sept grandes puissances et leurs riches cousins à y investir des milliards de dollars; et c'est le prix sur lequel se bâtit l'espoir de salut pour l'économie régionale.
Le Caucase présente-t-il un intérêt pour le Canada? Au sens strict, oui. Les pétrolières et les entreprises de gaz canadiennes, les fournisseurs d'équipement pour l'exploitation des champs pétrolifères, ainsi que les constructeurs et les exploitants de pipelines ont un intérêt bien précis: décrocher des contrats et obtenir des concessions.
Au sens plus large, la réponse est également affirmative. Les richesses éventuelles sont considérables, mais cela ne peut être une bonne nouvelle que si ces richesses contribuent à améliorer l'ensemble de la société de ces pays et, par extension, à assurer la stabilité dans la région. Si la prospérité ne profite qu'à quelques-uns, nous devons nous attendre à un élargissement de l'écart entre les riches et les pauvres, à un mécontentement croissant et à une instabilité accrue. Nous devons aussi être conscients du besoin de voir l'ensemble de la région tirer parti de l'abondance, et les pays pauvres, en particulier l'Arménie, profiter des retombées économiques qui devraient aussi s'étendre au nord du Caucase.
[Français]
Au cours de votre étude, vous serez également confrontés aux réalités des conflits ethniques dans la région. Le problème du Haut-Karabakh, qui est sans doute le plus épineux, ne peut pas être résolu sans à la fois de meilleures dispositions des parties l'une envers l'autre et des solutions créatives. En septembre dernier, le ministre arménien des Affaires étrangère, M. Vartan Oskanian, était en visite à Ottawa et, en octobre, le ministre Axworthy s'est rendu à Erevan pour assister aux funérailles nationales du premier ministre de l'Arménie et d'autres personnalités politiques victimes d'un assassinat tragique à l'Assemblée nationale. Au niveau bilatéral, grâce à nos relations avec l'Arménie et l'Azerbaïdjan, et sur le plan multilatéral, par le biais de l'OSCE, nous essayons de créer de meilleures dispositions de part et d'autre, mais la paix reste élusive. C'est pourquoi nous accueillerions, en particulier, les opinions des membres du comité. Les problèmes qui persistent en Géorgie ont eux aussi défié toute tentative de résolution par les moyens traditionnels et, une fois de plus, une perspective nouvelle émanant du comité pourrait donner des idées pour trouver des solutions ingénieuses.
[Traduction]
L'Asie centrale est une région dont l'histoire et la géographie sont beaucoup plus ordinaires. Venus des Qiptchaqs et du khanat de Djaghataï de l'Empire mongol, les populations essentiellement turques de l'Asie centrale occupent une vaste steppe qui s'étend de la mer Caspienne vers l'Est, jusqu'à la chaîne de T'ien Chan. Ces grands espaces allant des régions semi-arides à véritablement désertiques sont le berceau des pasteurs nomades qu'évoque l'imagination populaire. Cette région, peuplée de musulmans depuis des siècles, a servi de tampon entre l'Empire russe, auquel à succéder l'Union soviétique, et les forces plus intégristes de l'Islam vers le Sud. Même aujourd'hui, l'Asie centrale fait obstacle à l'intégrisme qui règne en Iran et en Afghanistan.
• 1035
Pour diverses raisons, qui ne sont pas toutes positives, les
vastes réserves de minéraux et d'hydrocarbures que renferme l'Asie
centrale sont, dans une large mesure, inexploitées, ce qui crée
aujourd'hui un débouché. Si le relief stigmatise le Caucase, la
géographie, quant à elle, condamne au carcan l'Asie centrale. Dans
cette région enclavée et éloignée des marchés et des moyens de
transport économique, l'énorme débouché qu'offrent les richesses
minérales est réduit par les problèmes techniques et économiques
que pose l'acheminement des produits vers le marché.
[Français]
Il s'ensuit que les produits de valeur élevée et de faible poids, comme l'or et d'autres métaux précieux, sont très recherchés, ce qui explique la présence des chefs de file de l'industrie minière mondiale dans la région. Il importe de mentionner la présence appréciable des sociétés canadiennes d'exploitation aurifère comme Barrick, Placer Dome et Teck Corporation.
Cameco Gold est la plus dynamique de toutes ces entreprises du fait de son intérêt dans la mine Kumtor, dans la République kirghize. Cette participation est l'investissement canadien le plus important—à peu près 350 millions de dollars américains—dans l'ex-Union soviétique. Beaucoup d'autres gisements de minéraux demeurent toutefois inexploités ou sous-exploités.
[Traduction]
L'Asie centrale pose également un défi de taille à la communauté internationale et au Canada au chapitre des droits de la personne. On y trouve encore plusieurs régimes répressifs. En outre, certaines des économies de la région figurent parmi celles qui se sont le moins transformées depuis l'effondrement de l'Union soviétique. D'aucuns pourraient prétendre que le Turkménistan et l'Ouzbékistan sont des pays où le pluralisme démocratique et les droits de la personne ont été sacrifiés au nom de la stabilité politique par des élites dirigeantes unies par des liens très étroits qui ne visaient que leurs propres intérêts. Presque que comme au Caucase, le clan joue un rôle prédominant. La préservation des privilèges du clan passe avant l'intérêt national, ce dont témoignent la plupart des intrigues quotidiennes du gouvernement. Même dans l'État qui a été le plus réformé, la République Kirghize, ses privilèges sont rarement enfouis profondément.
Pour ce qui est des menaces et des problèmes communs auxquels sont confrontées ces deux régions, la détérioration de l'environnement, les violations des droits de la personne, les tensions ethniques et le manque d'infrastructure figurent parmi les principales menaces. Les défis à relever sur la scène internationale comprennent le narcotrafic et le terrorisme, l'attention que la Russie prête aux États du «proche étranger», les intérêts de la Turquie et de la Chine, ainsi que l'intégrisme islamique. Je ne veux pas m'étendre trop sur ces questions. Un bref survol de la situation pourrait fournir aux membres du comité des repères susceptibles de les aider dans leur travail.
[Français]
La détérioration de l'environnement, que les responsables de la planification de l'ex-Union soviétique ont laissée en héritage, est illustrée par la profusion de déchets couvrant de vastes étendues du Caucase et surtout de l'Asie centrale. Les marais et les rivages pollués de l'Azerbaïdjan rappellent ce gâchis. La disparition lente, mais qui maintenant s'accélère, de l'esturgeon de la mer Caspienne, la désertification de la zone entourant la mer d'Aral et les terres inutilisables où ont été enfouis des résidus nucléaires, à Semipalatinsk, sont d'autres preuves de l'héritage qui a marqué la région. Aucun pays, dans la conjoncture actuelle qui lui est propre, n'est en mesure de remédier lui-même à la situation.
[Traduction]
La situation des droits de la personne est précaire dans la majeure partie du territoire. L'exercice des privilèges du clan, le manque de traditions démocratiques et peut-être le fait de ne pas reconnaître autant la valeur des personnes forment la trame dont sont issues des sociétés qui ne respectent guère la dissidence ou le pluralisme démocratique. La préservation ou l'accumulation de privilèges personnels et familiaux peut être parfois la priorité des dirigeants. Certes, il s'agit en quelque sorte d'une généralisation, la réalité étant que la situation n'est pas blanche ou noire mais qu'elle comporte diverses nuances de gris. Ce thème commun à l'ensemble de l'Asie centrale et du Caucase soulève des questions sur la situation des droits de la personne dans ces pays.
La communauté internationale reconnaît clairement que les dossiers de l'Ousbékistan, du Turkménistan et de l'Azerbaïdjan témoignent de mauvaises pratiques à l'égard du respect des droits de la personne. Mais même des pays comme l'Arménie et la République kirghize qui ont notoirement obtenu les meilleurs résultats ont encore bien du chemin à parcourir avant d'atteindre des niveaux vraiment acceptables.
• 1040
La question des tensions ethniques demeure une autre source de
préoccupations. J'ai déjà mentionné les conflits observés dans le
Caucase et le rapport entre ces conflits et l'origine ethnique. Le
problème des tensions ethniques se pose également en Asie centrale
où la population est constituée d'un ensemble complexe de nations
et de groupes ethniques autochtones et où la présence de personnes
d'origine russe ne suscite pas l'enthousiasme. À l'évidence, ces
tensions font aussi partie de l'héritage laissé par l'ex-Union
soviétique. Les frontières des républiques qui constituaient l'URSS
avaient été établies arbitrairement par Staline, notamment dans le
but de maintenir dans les républiques une apparence d'identité
ethnique, ce qui a inévitablement déclenché des tensions ethniques.
Comme je l'ai déjà indiqué, le Haut-Karabakh est l'un des points les plus chauds. Les tensions ethniques dans cette zone ont abouti à la violence et à la rébellion armée. Cependant, les efforts déployés pour apaiser les tensions vont à l'encontre de deux principes, soit de l'intégrité territoriale et du droit à l'autodétermination—des principes fondamentaux défendus par l'OSCE. Ainsi, on constate que la justification des actes et des revendications de l'Azerbaïdjan au nom de l'intégrité territoriale va à l'encontre du droit à l'autodétermination des Arméniens du Karabakh. Et on voit comment les revendications des Arméniens du Karabakh qui réclament l'autodétermination nuisent à l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan. C'est pourquoi on est encore loin de pouvoir dénouer l'impasse.
Le crime et la corruption sont les conséquences d'un système économique qui n'a pas donné les résultats escomptés. L'incapacité du régime communiste de répondre aux besoins de base a conduit à l'autodestruction et créé un contexte propice à la corruption. Le narcotrafic est la plus rentable manifestation externe de cette corruption. Le crime transnational est devenu un problème universel majeur. Du fait son étendue géographique, l'Asie centrale favorise le mouvement des drogues illicites à partir des champs de pavot de l'Asie du Sud jusqu'en Russie et en Europe de l'Ouest. Le manque de ressources économiques dans la région garantit un renfort continuel de complices qui ne demandent pas mieux que de prendre des risques.
[Français]
La perte de l'empire a été difficile pour les Russes, qui essaient encore de la surmonter. La notion russe du «proche étranger» illustre parfaitement la situation. Elle représente pour les Russes une importante distinction psychologique entre les républiques perdues et les États indépendants qui existent depuis longtemps. En fait, la Communauté des États indépendants est une institution qui essaie de compenser en partie la perte subie par la Russie. Les Russes ressentent donc le besoin de s'engager dans les affaires régionales en tant que gardiens de la paix, en Géorgie par exemple, ou en fournissant des troupes gardes-frontières pour aider le Tadjikistan. Quoi qu'elle fasse, la Russie essaie encore d'être active dans toute la région même si les relations économiques évoluent souvent dans la direction opposée.
[Traduction]
L'Iran joue lui aussi un rôle qui prend de l'ampleur dans la région, et nous pourrions constater des changements à cet égard d'ici quelques années. Comme la Russie, l'Iran possède une partie de la mer Caspienne. Contrairement à la Russie, l'Iran n'a pas de passé impérial, et le pays tente d'accroître son influence en Asie centrale, notamment en misant largement sur une religion commune, en grande partie pour son propre intérêt commercial. En tant que producteur de pétrole et État du littoral, l'Iran souhaite ardemment que le pétrole et le gaz du bassin de la mer Caspienne soient exploités. Avec la Russie, l'Iran affirme que les ressources sous-marines de la mer Caspienne appartiennent aux cinq États situés sur le littoral. Ce n'est pas surprenant pour un pays qui possède une part relativement moins importante de ces ressources. En outre, l'Iran aimerait être une voie d'acheminement pour le transport du pétrole et du gaz du bassin de la mer Caspienne, mais cette perspective est inhibée par les sanctions qu'imposent encore les États-Unis. La réforme en Iran et l'assouplissement des restrictions américaines qui en résulterait pourraient faire changer radicalement la situation.
L'Iran montre aussi un visage de l'Islam. Les Talibans, en Afghanistan, en présentent un autre, et leur attachement à l'intégrisme pose un problème pour les États islamiques en grande partie laïcs de l'Asie centrale.
Il est important de mentionner la Turquie, un pays qui exerce une influence considérable en tant que passerelle créée récemment vers le Caucase et l'Asie centrale. Située à l'extrémité occidentale de la région, la Turquie, avec ses liens historiques et linguistiques, joue un rôle crucial en tant que modèle d'exploitation séculaire dans une enclave islamique, en tant que marché, surtout pour le pétrole et le gaz du bassin de la mer Caspienne, et en tant que fournisseur de biens et de services modernes. Par ailleurs, la Turquie exerce une influence stabilisatrice sur la sécurité dans la région en tant que puissance militaire et membre de l'OTAN et de l'OSCE. Toutefois, le risque toujours présent du conflit ethnique qui déstabiliserait davantage les pays du Caucase constitue une autre menace pour les intérêts de la Turquie. Il y a encore des frictions avec l'Arménie à propos du Haut-Karabakh et de l'interprétation des événements historiques et tragiques qui ont marqué la chute de l'Empire ottoman.
[Traduction]
Comme je l'ai déjà indiqué, l'engagement du Canada dans la région était, au départ, motivé par des intérêts commerciaux, notamment dans les secteurs des mines et du pétrole. Il n'est guère surprenant que la société Cameco Gold, de Saskatoon, soit le plus important investisseur canadien dans l'ex-Union soviétique et le plus important investisseur dans la République kirghize. Je crois comprendre que, durant leur voyage d'étude, certains membres du comité visiteront l'endroit où a été aménagée la mine Kumtor.
Mais Cameco n'est pas la seule entreprise. D'autres sociétés minières sont actives, dans le Kazakhstan notamment, mais elles n'ont pas obtenu les mêmes rendements que Cameco.
Dans le Caucase, des entreprises canadiennes ont du succès en Azerbaïdjan—elles exploitent des champs de pétrole dans les terres intérieures et fournissent des services de transport par hélicoptère vers les plates-formes en mer. En fait, les passeports de l'Azerbaïdjan sont imprimés à Ottawa.
Nous avons de nouveaux débouchés en Arménie (par exemple First Dynasty Mines de Vancouver), et la présence canadienne en Géorgie a des répercussions considérables sur l'industrie pétrolière de cet État.
Plus tard, vous aurez l'occasion d'entendre des représentants d'entreprises actives dans la région qui vous expliqueront leurs problèmes et vous apprendront comment les entreprises et nos ambassades s'emploient à trouver des solutions.
Nous devons tenir compte du fait que ce sont là des marchés difficiles où la patience est essentielle et où les règles du commerce ne sont pas toujours transparentes. En outre, le gouvernement joue un rôle direct dans l'aide aux entreprises, surtout lorsque celles-ci se heurtent à des difficultés.
Le soutien diplomatique du Canada est un élément essentiel des méthodes qui mènent au succès sur les marchés partout dans le monde, mais surtout dans les économies émergentes. Je sais que les entreprises pourront vous faire partager leur intérêt pour la recherche des énormes débouchés dont peuvent profiter les entreprises qui consentent à investir temps et argent pour travailler avec les gouvernements régionaux d'une manière responsable.
[Français]
Il faut préciser que l'engagement du Canada ne repose pas uniquement sur les intérêts commerciaux. Nous avons travaillé fort pour étendre nos activités de manière à appliquer pleinement la politique étrangère du Canada. La conférence d'Achgabat, au Turkménistan, qui a eu lieu en 1997 et que le Canada a appuyée, a été un important tremplin pour la conclusion de la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines terrestres antipersonnel et elle reflète notre effort de promotion de l'initiative pour la sécurité des personnes dans toute l'Asie centrale. À l'heure actuelle, sur les huit pays en question, seul le Turkménistan a signé la Convention d'Ottawa. Donc, nous avons encore beaucoup à faire dans ce dossier. Nous avons aussi fourni un soutien et une aide au bataillon du maintien de la paix par l'entremise du Programme d'aide à l'instruction militaire et, en contribuant à l'initiative Partenariat pour la paix de l'OTAN, nous avons travaillé à l'instauration de la stabilité régionale.
[Traduction]
Nous collaborons très étroitement avec l'ACDI pour guider l'évolution de son modeste programme d'assistance technique qui prend toutefois de l'ampleur. Ce programme est l'un des principaux instruments en vue d'atteindre les objectifs de la politique étrangère du Canada. Plus tard, Stephen Wallace vous mettra au courant des activités de l'ACDI dans la région.
• 1050
La réussite en rapport avec la transition dans les pays de
l'Europe centrale accroît les possibilités de s'intéresser
davantage à l'Asie centrale et au Caucase, à mesure que les fonds
disponibles augmentent. Avec l'ACDI, nous avons établi qu'il était
souhaitable d'accroître les efforts au chapitre des droits de la
personne et de la société civile, tout en maintenant les programmes
pour l'environnement et la conduite des affaires publiques. Nous
sommes tout à fait d'accord avec ces priorités. Par ailleurs, ce
sont des secteurs où le Canada peut contribuer des compétences à
valeur ajoutée.
Les fonds canadiens de nos ambassades sont utilisés pour appuyer des projets au niveau de la collectivité, par exemple aider les ONG qui se consacrent au respect des droits de la personne. Nous avons aussi appuyé vigoureusement les activités de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Cette institution cruciale a réussi à faire accepter les valeurs et les institutions démocratiques dans toute l'Europe. Le Canada a été en mesure d'encourager le travail de l'OSCE et de faire avancer la transformation de la région grâce à l'envoi occasionnel d'agents dans les principales missions, à sa participation aux missions d'observation des élections tenues en Géorgie, au Kazakhstan, en République kirghize et en Arménie, de même qu'aux autres activités de soutien et de promotion de la démocratisation et de la stabilité dans la région. Nous n'hésitons pas à porter les cas de violation des droits de la personne devant le conseil de l'OSCE, comme en témoigne le cas récent des dissidents turkmènes emprisonnés.
Le Canada a également soutenu énergiquement les programmes de lutte contre les graves problèmes environnementaux de la région.
Le président: Monsieur Wright, ce n'est pas que j'aime vous interrompre, mais nous vous savons également gré de votre appui à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, ce qui permet à bon nombre des membres du comité ici présents de débattre de ces questions.
M. Jim Wright: Vous avez parfaitement raison, monsieur le président.
Le président: Je n'aime pas qu'on oublie l'existence des assemblées parlementaires. Nous constatons que les gouvernements ont tendance à les ignorer en règle générale. Je me contente donc de vous rappeler leur existence.
M. Jim Wright: Je vous en prie. Je me rappelle à quel point vous vous êtes donné de la peine à Istanbul pour vous acquitter de vos responsabilités à cet égard. Vous avez parfaitement raison, monsieur le président.
Le président: Voilà de la bonne publicité pour les deux. Je vous remercie. Nous avons tous deux eu notre temps d'antenne.
M. Jim Wright: En ce qui concerne la représentation canadienne dans cette région du monde,
[Français]
le Canada n'a qu'une seule ambassade dans la région d'Almaty, au Kazakhstan. Cette petite mission, qui compte deux agents canadiens pour l'instant, accréditée auprès de la République kirghize et du Tadjikistan était auparavant une mission commerciale. Elle est devenue une ambassade qui offre tous les services, et cette évolution se poursuivra cet été, lorsque l'ACDI y enverra un agent canadien qui sera chargé du programme d'assistance technique dont l'ampleur s'accroît au Kazakhstan, au Tadjikistan et en République kirghize.
[Traduction]
La responsabilité des autres pays est partagée par les ambassades situées à Ankara et à Moscou. L'ambassade d'Ankara, qui a des liens historiques et commerciaux avec le Caucase, s'occupe de l'Azerbaïdjan, de la Géorgie et du Turkménistan. Notre ambassade à Moscou s'occupe de l'Arménie et de l'Ouzbékistan. Certes, nous espérons pouvoir à long terme étendre notre réseau d'ambassades et de consulats. Cependant, les compressions générales des ressources imposées par le gouvernement du Canada rendent en règle générale cette expansion impossible.
En résumé, monsieur le président, l'Asie centrale et le Caucase pourraient bien constituer la dernière zone pionnière du «Wild East». La version moderne du «Grand jeu» se caractérise par la lutte pour le contrôle des immenses richesses—pétrole et gaz, uranium et autres minéraux précieux. Cependant, nous constatons que les deux régions luttent pour composer avec les questions d'histoire, de culture et de religion, l'indépendance fraîchement acquise, la démocratie, le pluralisme et l'économie de marché. La tâche n'est pas facile.
Le Canada s'est toujours intéressé à l'Asie centrale et au Caucase, mais notre engagement est limité par la distance, l'éloignement et la réalité des limites sur le plan des ressources humaines. Cette situation change avec le temps. Nous applaudissons l'initiative prise par le comité d'entreprendre cette étude. Nous espérons qu'il nous fera part de ses conclusions.
En supposant que le comité se rendra dans la région, monsieur le président, j'espère qu'il aura l'occasion de rencontrer les dirigeants politiques et parlementaires de ces pays de même que de faire la connaissance des responsables d'importants organismes non gouvernementaux travaillant dans le Caucase et en Asie centrale, des organismes internationaux, par exemple de l'OSCE, de la Banque mondiale et du FMI, ainsi que des Canadiens qui se trouvent là-bas, entre autres des gens d'affaires. Vous aurez l'occasion de prendre le pouls politique et économique par vous-même. Vous pourrez aussi évaluer dans quelle mesure ces pays satisfont aux normes convenues de conduite internationale qu'ils se sont tous engagés à respecter. Vous pourrez juger par vous-même de l'étendue de l'engagement canadien, modeste actuellement dans le Caucase et en Asie centrale, et de nous conseiller sur le plan de l'engagement politique et commercial ainsi que sur le plan de l'assistance technique.
• 1055
Monsieur le président, voilà qui met fin à mon exposé. Je vous
remercie beaucoup de votre attention.
Le président: C'est nous qui vous remercions beaucoup, monsieur Wright. J'en conclus que les collègues du ministère qui vous accompagnent aujourd'hui ne feront pas de déclarations.
M. Jim Wright: Effectivement.
Le président: Passons tout de suite à M. Wallace, qui va nous décrire la situation vue sous l'angle de l'ACDI.
[Français]
M. Stephen Wallace (directeur, Europe du sud, Asie centrale et aide humanitaire, Agence canadienne de développement international): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité. Permettez-moi tout d'abord de présenter mon collègue Jean Couturier, qui est le gestionnaire de l'ACDI responsable du Caucase et de l'Asie centrale.
Nous accueillons avec grand intérêt le travail de ce comité. Vous vous penchez sur un territoire vaste et complexe, qui représente une des dernières grandes frontières de la coopération canadienne. Nous vous remercions donc de l'occasion que vous nous donnez de vous parler davantage du rôle de l'ACDI dans la région et des leçons apprises à la suite de nos quelques années de partenariat avec plus d'une vingtaine de collaborateurs canadiens et multilatéraux.
[Traduction]
Monsieur le président, la première chose à savoir au sujet de notre programme, c'est qu'il n'est pas axé sur la pauvreté comme ailleurs dans le monde. En Europe centrale et en Europe de l'Est ainsi que dans l'ex-Union soviétique, notre principal mandat est de faciliter la transition, plus particulièrement la transition à l'économie de marché et au pluralisme démocratique. Comme vous pourrez le constater tout au long de votre étude et, avec un peu de chance, durant vos visites dans la région, il reste de nombreux défis à relever sur les deux fronts.
L'expérience nous a appris qu'il y a une bonne correspondance entre la capacité canadienne et les besoins de la région. Nous avons en commun les ressources, le climat et le paysage. C'est pourquoi, par exemple, le Kazakhstan a demandé au Canada de l'aide dans l'élaboration de sa stratégie agricole nationale. C'est également pourquoi le Kirghizistan nous a demandé de l'aider à se doter d'une capacité de gestion de l'environnement. C'est enfin également pourquoi l'Ouest du Canada marque un intérêt particulier à cette région du monde, à laquelle il a beaucoup à offrir.
Le programme canadien de coopération repose sur le principe du partenariat. Jusqu'ici, le partenariat a eu pour principale caractéristique un programme de formation économique et technique. Il est le prolongement naturel de l'intérêt des exploitants canadiens des ressources qui ont aussi cofinancé plusieurs de nos projets.
Une exception notable est la Fondation Aga Khan qui a de profondes racines au Tadjikistan et qui se sert de ces liens pour offrir certains programmes très efficaces. Une autre exception est l'Arménie, dont les forts liens avec les Canadiens de souche arménienne ont créé des possibilités de coopération de très grande qualité.
Un des principaux enseignements que nous tirons de notre expérience de coopération économique est que notre influence est souvent à son maximum quand nos programmes renforcent le climat général d'affaires par opposition aux intérêts commerciaux directs des différentes sociétés.
Par conséquent, l'ACDI a un rôle particulier à jouer pour faire en sorte que les politiques, les lois et les règlements sont logiques et qu'ils sont appliqués avec équité et transparence, que les institutions économiques de base fonctionnent bien et que les travailleurs ont ce qu'il leur faut pour répondre aux exigences de l'économie mondiale. Ce sont là, monsieur le président, les principales assises du commerce et de l'investissement durables et elles représentent la base à partir de laquelle peuvent se régler les principaux aspects de la conduite des affaires publiques et de la corruption.
L'expérience nous a aussi appris que, bien que la coopération régionale soit précieuse comme telle en tant qu'instrument de développement, elle peut aussi avoir une grande influence sur la consolidation de la paix. C'est pourquoi la plupart de nos initiatives dans le Caucase engagent la participation d'au moins deux pays.
[Français]
Des actions aussi terre à terre que la santé dans le Caucase avec la Société canadienne pour la santé internationale ou la formation en Asie centrale avec l'Université de Saskatchewan peuvent incorporer une dimension de dialogue et d'édification de la paix.
[Traduction]
Troisième leçon, monsieur le président, c'est qu'il faut faire preuve d'imagination dans le recours à des mécanismes comme le Fonds canadien et le Fonds pour la consolidation de la paix, qui peuvent fournir des solutions opportunes et très visibles à des problèmes locaux et qui peuvent jouer un rôle particulièrement utile dans des domaines comme le respect des droits de la personne. Il nous tarde de connaître le résultat des travaux du comité lors de l'examen de ces possibilités.
[Français]
La tradition canadienne d'appui à l'action multilatérale est très importante pour nous dans cette région. Nous devons chercher à concerter nos actions avec d'autres acteurs et employer nos ressources modestes comme effet de levier pour mobiliser des actions de plus grande envergure. Vous allez sans doute revoir en ce sens les activités d'agences clés telles que l'OSCE et les programmes des Nations Unies et de la Banque mondiale.
[Traduction]
Comme l'a expliqué M. Wright, c'est une région où les enjeux sont gros, une région qui pose de nouveaux défis et offre d'extraordinaires possibilités. Il est clair que l'accent que nous avons mis au début sur la coopération économique et la formation technique doit évoluer en vue de relever les immenses défis dans des domaines comme la consolidation de la paix et les droits de la personne. Nous avons déjà pris des mesures en ce sens.
• 1100
J'annonce avec plaisir que nous sommes également en train
d'élaborer un programme particulier qui portera sur les enjeux
posés par le changement climatique, étant donné l'importance de la
région en tant que source et puits à la fois de gaz à effet de
serre.
Il faudra aussi tenir compte des nettes différences que j'ai mentionnées tout à l'heure entre le Caucase et l'Asie centrale.
Il faut souligner toutefois que notre action est limitée par des moyens relativement modestes, par une faible présence sur le terrain et par le manque de liens historiques. Comme l'a aussi expliqué M. Wright, toutefois, nous travaillons à ces trois points faibles. Ces restrictions nous obligent à bien peser nos choix quant à nos orientations futures.
[Français]
Une des particularités de notre approche est que nous sommes un programme réactif. En général, ce sont donc nos partenaires canadiens qui prennent l'initiative de développer leurs projets et de nous les soumettre pour leur cofinancement. Il va de soi que nous devons maintenir un dialogue ouvert avec eux sur l'évolution de la région et être très sélectifs dans le choix des projets.
[Traduction]
L'intérêt que prennent les partenaires canadiens dans le Caucase et l'Asie centrale a rapidement augmenté, monsieur le président, dépassant de loin notre budget annuel de 4 millions de dollars. Cet intérêt s'est élargi, passant d'un accent initial sur les ressources du secteur privé à de nouvelles initiatives ayant une nette dimension de consolidation de la paix. Nous estimons que cet intérêt reflète une approche particulière au Canada, une approche qui accorde beaucoup de valeur au partenariat, qui regroupe les secteurs public, privé et les ONG et qui reconnaît l'importance d'une société civile forte et de la primauté du droit.
[Français]
Nous cherchons à travailler dans les secteurs où nous pouvons, en tant que Canadiens, apporter une valeur ajoutée. Souvent, cette valeur ajoutée est le fait que nous sommes perçus comme étant des intervenants à l'écoute, sans intentions non déclarées.
[Traduction]
Comme vous pouvez l'imaginer, monsieur le président, c'est une denrée assez rare dans cette partie du monde.
Le Canada a la capacité, l'expérience et la renommée voulues pour faciliter le règlement de nombreuses nouvelles questions dans la région, qu'il s'agisse de la détérioration de l'environnement, des conflits ethniques, des droits de la personne, de la corruption ou de l'écart grandissant entre les classes de la société qui a marginalisé une proportion de plus en plus grande de la population de la région. L'occasion se présente de mettre en pratique des principes chers aux Canadiens, soit la sécurité humaine, la consolidation de la paix et le développement démocratique. Cela peut prendre la forme d'une action directe, par exemple les opérations de déminage en Géorgie, le retour des réfugiés en Azerbaïdjan, le règlement de conflits entre les consommateurs d'eau dans la vallée de Ferghana, en Asie centrale, et la réintégration des anciens combattants au Tadjikistan. Le Canada participe déjà à chacune de ces entreprises dans le cadre de son programme de coopération, mais il lui faudra avoir un engagement beaucoup plus complet pour faire une réelle différence.
[Français]
Monsieur le président, le Caucase et l'Asie centrale représentent des défis de taille et des enjeux qui dépassent largement les bornes des huit pays en question. Nous ne ménagerons pas nos efforts pour appuyer le travail du comité et nous croyons que vos perspectives sauront être d'une très grande utilité pour tracer nos priorités à l'avenir. Nous restons donc à votre entière disposition pour répondre à vos questions. Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie beaucoup. Votre exposé nous a été très utile, monsieur Wallace. Ce que vous avez dit au sujet des ressources, notamment, est de toute évidence très utile parce que c'est une question que nous étudierons.
Avant de céder la parole aux collègues, j'aimerais vous poser une question. Elle découle de l'observation faite par M. Wright selon lequel les investissements dans la région exigent de la patience. Patience est synonyme de beaucoup d'argent. On n'est pas patient si l'on a les poches vides. C'est un fait.
Monsieur Wallace, de votre point de vue, vous parlez aussi de liens en matière de commerce et d'investissement canadiens. Notre comité a rédigé un rapport il y a quelques années au sujet des petites et moyennes entreprises et de l'accès aux marchés étrangers. Nous avions mis l'accent sur le rôle que notre population d'immigrants peut jouer pour établir des contacts. Je me suis entretenu avec diverses personnes originaires, par exemple, d'Arménie; le Canada compte un grand nombre de ressortissants de souche arménienne. Avons-nous déjà en place des programmes pour faciliter ces contacts de manière à pouvoir établir là-bas la présence de petites et moyennes entreprises—ce qui aidera aussi à la démocratisation et aidera les groupes qui la prônent—en plus des Cameco et des autres entreprises qui ont les moyens de faire du commerce là-bas?
Ce n'est peut-être qu'une réflexion que je me fais, mais c'est un peu mon dada, mon violon d'Ingres, et je ne peux m'empêcher d'en parler. Il me semble que le comité s'intéresse à cette question et qu'il cherche constamment à savoir si, quand vient le temps de passer aux actes, des ressources supplémentaires y sont engagées. Il semble logique de le faire, mais nous n'arrivons jamais à savoir si on le fait ou pas. Je me demandais si l'ACDI fait mieux que les autres.
M. Jim Wright: Je peux peut-être commencer à vous répondre et je demanderai à Robert Brooks, du ministère, de me corriger si je fais erreur.
En règle générale, votre approche et votre définition sont probablement justes. La plupart des sociétés sont des entreprises importantes qui ont les reins assez solides pour se débrouiller durant le court et le moyen terme. Ce ne sont pas toutes des Cameco. Beaucoup de petites entreprises ont une présence là-bas. Cependant, je ne crois pas qu'il y ait suffisamment encore de petites et de moyennes entreprises ethniques du Canada qui participent et qui vont là-bas promouvoir le commerce, l'investissement, certains changements politiques et sociaux et les réformes que nous attendons. Il y en a quelques-unes, mais dans l'ensemble les entreprises qui ont une présence là-bas sont plutôt autonomes, et j'ignore dans quelle mesure elles ont des liens avec les collectivités ethniques du Canada.
Robert, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Robert Brooks (directeur adjoint, Direction de l'Europe de l'Est (Asie centrale, Biélorussie, Caucase, Moldova, Ukraine), ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): J'ajouterais simplement que les deux seuls groupes suffisamment importants pour jouer un rôle comme celui que vous avez décrit, monsieur Graham, sont la collectivité arménienne et la collectivité azerbaïdjanaise. En fait, il existe une chambre de commerce canado- azerbaïdjanaise à Toronto avec laquelle nous avons beaucoup travaillé à des activités de promotion. Elle s'intéresse, tout comme la collectivité arménienne, à faire plus que les entreprises commerciales, mais ce sont les deux seuls groupes. Les autres collectivités ne sont pas suffisamment importantes au Canada.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Wallace.
M. Stephen Wallace: Merci. Je pourrais peut-être simplement vous donner les grandes lignes de trois programmes que nous sommes en train d'exécuter par l'intermédiaire de l'ACDI actuellement.
Tout d'abord, le comité connaît peut-être les activités du Service d'assistance canadien aux organismes. Il s'agit d'un groupe de cadres à la retraite qui travaillent un peu partout en Europe centrale et en Europe de l'Est. Il est présent dans le Caucase et en Asie centrale où il agit très souvent comme conduit auprès des Canadiens pour établir des relations commerciales là-bas. Le concours de ce groupe est très précieux J'espère que vous pourrez vous en rendre compte par vous-même quand vous serez là-bas, dans la région.
Ensuite, il existe un programme de coopération commerciale intitulé Renaissance Europe de l'Est qui a eu tendance à jumeler des moyennes entreprises du Caucase et de l'Asie centrale. La force de ce programme est fonction des rapports entre le partenaire commercial canadien et le partenaire local. Quand ils ont de bons rapports, le potentiel est bon. M. Brooks a parlé de l'Arménie et des liens spéciaux qu'y entretient la collectivité canadienne de souche arménienne. L'existence de ces liens a eu pour effet d'engendrer beaucoup d'activité du côté des petites et moyennes entreprises.
Deux autres projets sont en cours dans le Caucase, un qui est mené de concert avec St. Mary's University pour la formation de petites et moyennes entreprises et l'autre avec l'Organisation internationale de perspective mondiale pour le développement sur place d'un bassin de petites et moyennes entreprises. Grâce à ces projets, nous commençons à essaimer ailleurs, du moins dans le Caucase, et nous croyons qu'il existe un bon potentiel.
Nous utilisons donc un certain nombre de moyens restreints. Leur portée est modeste, mais ils offrent des possibilités en tant que points d'admission pour les petites et moyennes entreprises.
Le président: Monsieur Wallace, je vous remercie. En réalité, je crois savoir que vous êtes en train de dresser une liste des programmes en cours dans la région, liste qui sera distribuée à tous les membres.
Je signale donc aux membres du comité que vous allez recevoir cette liste. Elle ne se trouve pas dans vos cahiers d'information pour l'instant, mais vous l'aurez bientôt.
Merci, c'est utile pour nous.
[Français]
Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Ouf! C'est ma première réaction après vos présentations qui font jaillir des tonnes de questions. Je me suis arrêtée à votre conclusion, monsieur Wright. Vous disiez:
-
L'Asie centrale et le Caucase pourraient bien
constituer la dernière zone pionnière du «Wild East». La
version moderne du «Grand jeu» se caractérise par la
lutte pour le contrôle des immenses richesses—pétrole
et gaz, or, uranium et autres minéraux précieux.
Est-ce que l'action du Canada vise à faire en sorte que nous participions à ce grand jeu de la prise de contrôle?
• 1110
En sous-question, j'aimerais
vous demander de brosser
un portrait plus précis de l'action canadienne. Afin
de bien comprendre cette action et de cerner le créneau
canadien, il faut également
avoir une bonne idée des efforts multilatéraux, y
compris de la présence de la Banque mondiale et
de tous les autres groupes.
[Traduction]
M. Jim Wright: Je vais répondre à la première partie de votre question et laisser mes collègues répondre à la deuxième.
On peut dire qu'il y a beaucoup d'entreprises canadiennes—et je n'en ai nommées que quelques-unes tout à l'heure—qui s'intéressent aux débouchés commerciaux que le Caucase et l'Asie centrale offrent. Cependant, le contrôle de ces richesses n'est pas un objectif réaliste, du moins pas pour le Canada. Nous serons présents là-bas étant donné que nous avons beaucoup de connaissances à valeur ajoutée dans les domaines de l'exploitation minière et des hydrocarbures, mais l'exploitation des réserves pétrolières et gazières du bassin de la mer Caspienne et d'ailleurs exigent des investissements qui se chiffrent non pas en millions de dollars, mais bien en milliards de dollars.
Dans la mesure où ces réserves seront exploitées—et on négocie intensivement pour savoir quelles entreprises seront choisies et quels tracés seront approuvés pour les pipelines—le Canada jouera sûrement un rôle, qui sera cependant modeste je pense, comme fournisseur d'équipement aux soumissionnaires retenus. Selon moi, aucune entreprise ne détiendra des intérêts prépondérants dans un ou l'autre de ces projets, parce qu'il s'agit de projets de trop grande envergure.
J'aimerais ajouter que les gouvernements ont sûrement des intérêts stratégiques à défendre au sujet du tracé des pipelines, en Russie, sous la mer Caspienne ou en Iran, et au sujet de l'acheminement des hydrocarbures, par la Géorgie, l'Azerbaïdjan ou l'Arménie... Il y a beaucoup de questions politiques en jeu mais, en dernière analyse, je pense que le gouvernement canadien estime que c'est le marché qui déterminera les tracés parce que c'est le secteur privé qui va payer les pipelines et non les gouvernements.
Oui, nous avons un rôle, nous avons des intérêts. Stephen a signalé que le climat et les ressources du Canada ressemblent au climat et aux ressources des pays de l'Asie centrale et du Caucase. Il est donc naturel que des entreprises canadiennes y voient des enjeux importants. Mais nous ne prévoyons pas que ces entreprises jouent un rôle déterminant ou aient des intérêts prédominants dans l'exploitation de ces ressources. Notre pays sera l'un des très nombreux intervenants dans la région.
Je pense aussi que ces projets vont prendre énormément de temps à se réaliser. Cela dépendra dans une certaine mesure de la disponibilité du pétrole et du gaz sur le marché international, mais il faut dire que ces ressources se trouvent très loin des marchés. Seul le temps dira s'il est possible de les exploiter d'une façon qui soit rentable commercialement.
Robert ou Ann, avez-vous autre chose à ajouter?
M. Robert Brooks: Je dirais que nous parlons souvent du «grand jeu II». Dans la première version du grand jeu, ce sont la Grande- Bretagne et la Russie qui se disputaient les richesses de l'Asie centrale, alors qu'aujourd'hui ce sont les BP Amoco, les Lukoil et les Royal Dutch/Shell du monde qui luttent pour le contrôle des richesses dans la région.
C'est un jeu géostratégique qui se déroule à un niveau très élevé et, comme M. Wright l'a signalé, le prix en est très élevé. Les appareils de forage d'exploitation dans la mer Caspienne vont coûter environ 9 à 10 milliards de dollars US, et la construction des pipelines, plusieurs dizaines de milliards de dollars. Ce sont des sommes qui dépassent de loin ce que les entreprises que nous avons pressenties sont en mesure d'investir.
• 1115
Mais cela dit, pour répondre à l'autre partie de la question,
l'engagement des institutions financières internationales est très
important, surtout celui de la Banque mondiale. En Asie centrale,
la Banque asiatique de développement joue un rôle actif. Les cinq
pays de l'Asie centrale, sauf le Tadjikistan je pense, sont tous
membres de la Banque asiatique de développement, dont nous parlons
habituellement moins que la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement, qui, elle, est active dans le
Caucase.
Donc, l'engagement de la communauté financière internationale est très important.
Le président: Merci.
Monsieur Wallace.
[Français]
M. Stephen Wallace: Je parlerai très rapidement de notre coopération multilatérale et soulignerai le fait qu'elle revêt pour nous une importance assez particulière. Puisque nos ressources sont quand même assez modestes et que notre présence est assez faible sur le terrain, l'effet de levier que peut avoir la coopération canadienne passe nécessairement par des agences multilatérales dans certains cas.
Je relèverai quatre ou cinq relations coopératives que nous avons développées, dont la première s'inscrit au niveau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Votre comité est sans doute est au courant du fait que l'Azerbaïdjan a la proportion la plus élevée au monde de personnes réfugiées et déplacées. Le rôle que jouent les Nations Unies et son Haut-Commissariat pour les réfugiés dans le Caucase et en Asie centrale est, selon nous, d'une importance première et nous appuyons leurs efforts.
Par ailleurs, le Programme alimentaire mondial est très actif dans le Caucase et dans des pays comme le Tadjikistan puisque des crises ou des pénuries de biens agricoles affectent particulièrement cette partie du monde depuis quelques années.
Nous avons déjà fait mention du travail particulier que fait ailleurs l'OSCE, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, qui se penche particulièrement sur des questions de sécurité et de consolidation de la paix. Le Canada participe activement au niveau de ces conseils et, dans le cas particulier de l'Azerbaïdjan, nous voudrions même financer la direction de leurs bureaux.
Je ferai un dernier commentaire à la suite des propos de M. Brooks au sujet de la Banque mondiale et de notre effet de levier dans ce sens-là. Nous collaborons avec la Banque mondiale en vue de positionner en partie des entreprises canadiennes qui pourront par la suite bénéficier de contrats d'envergure qui seront octroyés par ces institutions. Le contrat qu'a obtenu SaskPower au Kazakhstan dans le secteur énergétique en est un exemple. Ailleurs, nous finançons, avec la Banque mondiale, un projet régional de réforme des politiques sociales. Ce partenariat entre le Canada et la Banque mondiale nous donne un certain profil et un certain poids qui nous permettront d'influencer réellement le contexte. Merci.
M. Jim Wright: Vous aurez l'occasion de rencontrer des représentants de presque chacune de ces organisations pendant votre séjour dans le Caucase et en Asie centrale.
Mme Francine Lalonde: Dois-je comprendre, à la lecture de votre document, qu'on doit tenir compte non seulement des dimensions du développement, des droits de l'homme et des solutions politiques aux problèmes qui existent, mais également de la dimension de cette présence et de cette course au trésor des grandes entreprises, parce que partout où cela est en oeuvre, on aggrave les problèmes humains, politiques et liés au développement?
Le président: Oui ou non? Il y a une prémisse dans la question, n'est-ce pas?
[Traduction]
M. Jim Wright: J'imagine que c'est un peu comme l'oeuf et la poule. La prospérité économique va sûrement offrir la possibilité d'améliorer la qualité de vie dans ces pays. Certes, la plupart sinon la totalité des pays de l'Asie centrale et du Caucase espèrent pouvoir améliorer la qualité de vie de leur population ainsi que les services sociaux et les perspectives d'emploi si ces débouchés commerciaux se concrétisent.
• 1120
En même temps, nous essayons autant de façon bilatérale, avec
les programmes de l'ACDI, que de façon multilatérale, par le
truchement de l'OSCE, d'encourager la réforme politique et le
respect des droits de la personne en offrant la formation et l'aide
qui aideront ces pays à instaurer la société qu'ils veulent. Mais
la tradition, l'histoire et la culture rendent la transition
extrêmement difficile.
Je dirais que les deux vont de pair, que l'un complète l'autre. Du moins, c'est ce que nous espérons.
Une voix: C'est ce que nous voulons tous.
Le président: Monsieur Patry.
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci monsieur Wright.
Monsieur Wright, dans votre exposé, vous avez parlé, à la page 5, de l'avenir de ces démocraties très fragiles. D'une certaine façon, cet avenir passe par le développement énergétique. Vous avez dit:
-
Les richesses éventuelles sont considérables, mais cela ne peut
être une bonne nouvelle que si ces richesses contribuent à
améliorer l'ensemble de la société de ces pays et, par extension,
à assurer la stabilité dans la région.
J'aimerais poser une question sur la lutte qui se livre au sujet du futur tracé du pipeline. En novembre dernier, au sommet de l'OCDE, à Istanbul, l'Azerbaïdjan a annoncé un accord de principe pour la construction d'un pipeline se rendant jusqu'à la mer Méditerranée en passant par la Géorgie et la Turquie. De son côté, la Géorgie aimerait que le pipeline traverse son pays jusqu'à la mer Noire. Le Turkménistan aimerait aussi construire un pipeline qui se rendrait en Azerbaïdjan en passant sous la mer Caspienne, mais l'Azerbaïdjan a trouvé de nouveaux gisements de gaz naturel. Sans compter qu'il y a aussi le corridor bleu que la Russie privilégie.
Il y a vraiment beaucoup d'intérêts en cause. Nous savons tous que le pays qui va recevoir le pipeline sera favorisé sur le plan économique, en raison des frais de transport à payer et du développement en perspective.
Ma question est très simple:
[Français]
comment faire pour que les avantages du développement énergétique soient partagés équitablement entre les pays et aussi à l'intérieur des pays? Où en sommes-nous quant au projet qui a été annoncé par l'Azerbaïdjan au sujet de la route de l'Azerbaïdjan?
[Traduction]
M. Jim Wright: Vous laissez entendre que la question est simple.
M. Bernard Patry: Je n'ai aucune idée de la réponse.
M. Jim Wright: Mais je crains que la réponse soit très complexe.
Je ne prétends pas être un spécialiste de la négociation des pipelines. Je suis au courant d'un bon nombre des tracés proposés dont vous avez parlé. Je suis allé à Istanbul avec M. Graham, le premier ministre et M. Axworthy, et j'ai donc entendu parler du pipeline Bakou-Ceyhan, comme on l'appelle.
Nous pensons que le Canada et le secteur commercial canadien joueront un rôle dans ce projet, mais pas un rôle de premier plan ou un rôle très influent au sujet du tracé qui sera retenu. Par ailleurs, nous croyons qu'il y aura plusieurs pipelines, et non un seul. Je pense que les besoins mondiaux en hydrocarbures sont tellement importants qu'il y aura deux, trois ou quatre tracés différents qui seront finalement approuvés.
Je crois qu'il en sera ainsi d'abord parce que les forces du marché vont l'imposer et, ensuite, parce que la demande d'énergie dans la région sera suffisante pour qu'il y ait une multiplicité de marchés. On ne le fera pas seulement pour tirer profit du tracé du pipeline mais aussi pour répondre aux besoins énergétiques de ces pays qui sont alimentés en grande partie par la Russie, mais qui aimeraient justement en venir à être moins dépendants des réserves pétrolières et gazières de la Russie.
• 1125
Nous pensons donc qu'il y aura plusieurs tracés, dictés par le
marché, et que les avantages du développement énergétique pourront
être partagés dans la région. La nature du partage dépendra en
grande partie du marché. Il a même été proposé que des réserves de
gaz soient acheminées vers le Nord jusqu'en Europe de l'Ouest en
passant par l'Ukraine.
Comme je ne suis pas économiste, je ne suis pas en mesure de prédire si c'est commercialement viable ou non. L'Ukraine aimerait que ce projet se réalise pour devenir plus indépendante sur le plan énergétique et aussi profiter comme les autres pays des avantages associés à la construction d'un pipeline sur son territoire.
Nous espérons et comptons qu'il y ait plusieurs pipelines et plusieurs bénéficiaires, et que la situation de l'ensemble de la région soit plus prometteuse dans 10 ou 20 ans.
M. Bernard Patry: J'ai une question à poser au sujet de l'Arménie.
[Français]
Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a à Montréal une très grande concentration d'Arméniens, qui vivent surtout dans les comtés de l'ouest de l'île de Montréal, et que l'Arménie vit actuellement certaines difficultés à la suite du tremblement de terre survenu en 1988, du conflit avec le Haut-Karabakh et de l'effondrement de l'économie de l'URSS depuis 1991.
L'Arménie a exprimé le souhait de devenir membre de l'Organisation mondiale du commerce. Selon vous, y aurait-il des problèmes si elle se joignait à l'Organisation mondiale du commerce?
[Traduction]
M. Robert Brooks: La politique du Canada à ce sujet n'a pas changé puisque nous encourageons fortement l'Arménie et d'autres pays de la région à adhérer à l'OMC, étant donné que c'est un élément important du processus de transition. Nous avons fourni de l'aide à beaucoup de pays, dont l'Arménie.
Franchement, parmi tous les pays de la région, l'Arménie fait partie des deux ou trois qui ont pris la question de la transition le plus au sérieux. Nous favorisons vivement l'adhésion rapide de tous ces pays à l'OMC. L'Arménie a tout particulièrement fait ce qu'il fallait à cet égard.
[Français]
M. Bernard Patry: Merci.
Le président: Merci, monsieur Patry. Madame Debien.
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Bonjour, messieurs et madame. Monsieur Wright, à la page 7 de votre texte se trouve une phrase qui m'inspire beaucoup. Sous la rubrique «Le Canada et la politique canadienne», vous dites:
-
Comme je
l'ai déjà indiqué, l'engagement du Canada dans la
région était, au départ, motivé par des intérêts
commerciaux, notamment dans les secteurs des mines et
du pétrole.
Je trouve cette phrase sublime. Monsieur Wright, à chaque fois que des pays, dont le Canada, interviennent dans l'exploitation des ressources naturelles de pays où il y a des régimes très autoritaires ou dans des pays en voie de développement, on sait que—il y a même un lien presque direct—les droits de la personne en prennent un coup, si vous me permettez d'utiliser cette expression.
Monsieur Wallace, vous avez parlé tout à l'heure de populations de réfugiés. Vous savez que l'exploitation des mines et des ressources pétrolières occasionne souvent de graves déplacements de populations et que les gens deviennent souvent des réfugiés dans leur propre pays.
• 1130
Mme Beaumier aurait pu témoigner du
plus bel exemple de cela, sur lequel se penche actuellement le
Sous-comité des droits de la personne et du
développement international dans le cadre de son étude
sur l'Afrique. Des problèmes très graves sévissent dans la
région des grands lacs, en particulier là où se trouvent de
grandes compagnies canadiennes d'exploitation minière.
Vous n'avez qu'à penser
à l'exemple de Talisman, au Soudan.
Je crains que d'ici quelques années, nous nous
retrouvions face à
cette même problématique dans les pays que nous allons
étudier.
Vous savez tout comme moi que Talisman n'est que la pointe de l'iceberg. Avant qu'on ait d'autres cas Talisman, le gouvernement canadien adoptera-t-il une politique claire et transparente, et imposera-t-il aux entreprises un code de conduite obligatoire? Sinon, dans quatre ou cinq ans, les gens qui viendront à ce comité afin d'étudier la question des droits de la personne seront confrontés exactement à la même problématique.
J'ai hâte que le gouvernement canadien et les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères exercent leur influence ou leur pouvoir auprès de notre ministre pour qu'on puisse enfin gérer toute la question des droits humains dans le cadre de l'implication des compagnies canadiennes dans l'exploitation des ressources naturelles des pays en voie de développement ou des pays à régime autoritaire.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Êtes-vous en faveur d'un tel code de conduite?
[Traduction]
M. Jim Wright: Votre question est très pertinente et très importante. J'aimerais commencer à parler d'aspects plus particuliers avant de formuler des observations générales.
Les intérêts du Canada en Asie centrale et dans le Caucase... J'ai indiqué dans mon exposé que l'engagement du Canada dans la région est d'abord motivé par des intérêts commerciaux. Et c'est vrai. Comme vous le savez, le gouvernement canadien se rend partout, mais notre présence en Asie centrale et dans le Caucase est assez limitée.
Depuis l'effondrement de l'Union soviétique, les entrepreneurs canadiens lorgnent plus de ce côté. C'est ce qui a incité le gouvernement canadien à s'intéresser davantage à la région, mais nos intérêts ne sont pas seulement d'ordre commercial. Je l'ai bien précisé dans mon exposé.
Autant que je sache, aucun investissement commercial canadien en Asie centrale ou dans le Caucase a aggravé le problème des réfugiés dans cette région. Ce n'est pas comme en Afrique, où il y a un problème.
Cela dit, bien sûr, les gouvernements, les entreprises et d'autres groupes intéressés aimeraient de plus en plus que les sociétés jouent un rôle dans la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, la protection de l'environnement et l'avancement des droits de la personne dans ces régions.
En plus de participer à des tribunes internationales—et je pense ici à l'OCDE et à l'Organisation internationale du travail, l'OIT—pour établir des normes internationales à ce sujet, le gouvernement du Canada encourage activement les entreprises nationales à envisager comment elles pourraient contribuer à favoriser la responsabilité sociale dans leurs installations à l'étranger. On voudrait inciter les entreprises à établir elles-mêmes des codes d'éthique qui reflètent les valeurs canadiennes, ainsi que les normes internationales sur la protection de l'environnement, le travail et les droits de la personne.
• 1135
J'aimerais ajouter que c'est une bonne façon de promouvoir les
normes internationales sur la protection de l'environnement, le
travail et les droits de la personne que d'encourager les
entreprises à assumer une responsabilité sociale et à prendre des
mesures en ce sens.
Alors je pense que la réponse à votre question est que oui, c'est une préoccupation constante pour le gouvernement canadien et, j'aime à le penser, pour les entreprises du Canada aussi.
M. Robert Brooks: Il y a une autre distinction qu'il ne faut pas oublier lorsqu'on parle de l'ex-Union soviétique. Sous le régime communiste, les services sociaux comme les soins de santé et les garderies étaient assumés par l'entreprise, alors c'était bel et bien une situation de ville de compagnie. Lorsque des entreprises canadiennes et d'autres sociétés internationales investissent dans les pays de l'ex-Union soviétique, en Asie centrale, au Caucase, en Russie ou en Ukraine, c'est souvent à elles qu'il incombe d'assumer ces responsabilités des sociétés. C'est pourquoi des sociétés comme Hurricane Hydrocarbons, par exemple, au Kazakhstan, dirige un centre communautaire et diverses autres activités qui préservent l'homogénéité de la communauté.
C'est donc que les compagnies canadiennes et d'autres sociétés internationales veillent au bien-être des citoyens en l'absence d'intervention de l'État dans beaucoup de ces pays.
Le président: Merci.
Monsieur Speller.
M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins.
Monsieur Wright, j'ai écouté attentivement votre exposé. Vous parlez du Caucase, et vous dites que «le pétrole a défini l'importance du Caucase» et que «les richesses éventuelles sont considérables», malgré les conflits ethniques et les problèmes avec la Géorgie. Puis vous parlez de l'Asie centrale, des «diverses raisons, qui ne sont pas toutes positives», vous dites que vous avez «de vastes réserves de minéraux et d'hydrocarbures». Vous dites aussi que l'Asie centrale pose un défi de taille au Canada au chapitre des droits de la personne, vous mentionnez les régimes répressifs, les économies qui se sont le moins réformées, le clan qui joue un rôle prédominant, le narcotrafic et le terrorisme, les marais et rivages pollués, la désertification de la mer d'Aral, les terres inutilisables où ont été enfouis des résidus nucléaires, l'exercice des privilèges du clan, la mauvaise pratique à l'égard des droits de la personne, les tensions ethniques, la violence et la rébellion armée, le crime et la corruption et, encore, vous parlez du narcotrafic et aussi du fondamentalisme.
Et c'est à cela que je veux en venir. Cela semble hasardeux, à tout le moins. Dites-moi donc pourquoi une compagnie canadienne vaudrait aller là-bas? Ce potentiel de richesse est-il tellement plus grand? À ce que je comprends, il n'y a pas de règle de droit. De quel genre de protection jouirait-elle? Il y a bien une ambassade canadienne très loin, à Moscou, qui pourrait les aider.
J'ai donc quelques questions à vous poser. Premièrement, pouvez-vous me donner une idée, au sens géographique, de la taille de la région dont il s'agit, comparativement au Canada?
Deuxièmement, comment le Canada est-il perçu dans cette région? Est-ce quelqu'un sait où il se situe? Si nous allons là, nous dira-t-on «Ah oui, vous êtes américains»? J'aimerais le savoir pour des raisons de sécurité.
Troisièmement, je reviens encore à la règle de droit: Pourquoi une compagnie canadienne voudrait-elle aller là? Le potentiel y est-il si grand qu'elles y tiennent?
Enfin, vous avez parlé du pétrole et vous avez dit comment ce serait le marché qui serait maître. À première vue, je dirais plutôt que c'est probablement, soit la soif de profit, soit le pouvoir des États-Unis au sein de l'Union européenne qui serait le facteur déterminant, et non pas le marché. Je ne vois pas la place d'un marché dans ce genre de région.
M. Jim Wright: Premièrement, j'aimerais préciser que sachant que c'est un peu une nouvelle frontière et un sujet assez nouveau pour le comité, nous voulions nous assurer de faire un exposé aussi pertinent que possible, parce que c'est une gageure que de faire affaire dans cet environnement. Il était inutile de dresser un tableau exagérément optimiste de la situation alors que vous saurez parfaitement bien vous rendre compte qu'il en est tout autrement lorsque vous serez sur place. Il est donc très important que le comité sache exactement dans quoi il s'embarque.
• 1140
Deuxièmement, pour ce qui de la taille de la région, je pense
que l'Asie centrale fait probablement la moitié du Canada, plus ou
moins. Il faudrait que je vérifie sur une carte, mais je pense que
c'est approximativement cela.
Troisièmement pourquoi y aller, et pourquoi nous embarquer dans cette région-là? Je pense qu'il y a trois raisons à cela.
Premièrement, comme nous l'avons dit dans nos observations préliminaires, les compagnies canadiennes vont là, bien entendu, pour faire des affaires. Elles veulent faire de l'argent pour les Canadiens. Ce n'est pas une mauvaise chose en soi, et si ce peut-être fait de manière avantageuse pour les gens de la région, de façon à améliorer leur qualité de vie, à contribuer à l'avancement de ces pays et à leur permettre d'offrir un certain niveau de service à leurs propres citoyens, c'est une excellente chose.
Je pense que l'un des grands objectifs du Canada, en ce qui concerne l'Asie Centrale et le Caucase, est la stabilité politique. La stabilité politique ne pourra régner que lorsque certains problèmes de qualité de vie auront été réglés et que les parlementaires et les gouvernements étrangers auront offert de l'aide et des idées nouvelles pour tenter de régler certains des problèmes très difficiles particuliers à ces pays, qui sont enracinés dans leur histoire, leur culture et leur mentalité de clan. S'il existait des solutions simples à ces problèmes, cela fait longtemps qu'elles auraient été trouvées.
On ne peut donc pas compter sur eux pour régler eux-mêmes tous ces problèmes. Il faudra pour cela un effort concerté de la communauté internationale et, je pense, du Canada, à titre de membre du Conseil de sécurité des Nations Unies, de membre de l'OSCE et de l'assemblée parlementaire de l'OSCE, pour contribuer au processus de réforme—de réforme parlementaire et gouvernementale. Votre visite serait une autre manifestation de l'intérêt du Canada. Nous essayons de rendre quelque chose à cette région. Nous n'allons pas là dans le seul but de nous approprier les ressources naturelles et de faire de l'argent; je pense que nous essayons sincèrement de donner quelque chose en échange à cette société, et le leadership dont fait preuve votre comité est très important.
Vous voulez savoir comment le Canada est perçu en Asie Centrale et au Caucase? Très positivement, à mon avis. Je pense que le Canada a joué et continue de jouer un rôle unique, et ce n'est pas uniquement à cause de l'investissement que nous avons fait dans un pays ou un autre. C'est sûrement un facteur, et un facteur positif. Mais c'est aussi ce dont parlait M. Brook, au sujet des compagnies qui rétribuent la société, là-bas. Ce sont les programmes auxquels Stephen Walllace et l'ACDI ont contribué et qu'ils mettent sur pied.
C'est un ouvrage en cours. Nous ne devons pas oublier que notre engagement en Asie Centrale et au Caucase ne date pas de très longtemps. La flexibilité dont nous commençons à jouir, maintenant que les pays de l'Europe Centrale sont arrivés au terme de nos programmes d'aide technique—ces fonds que le gouvernement du Canada avait mis à la disposition de l'ACDI peuvent maintenant être redirigés vers ces pays qui en font face à une transition beaucoup plus difficile sur le plan politique et économique.
Je pense donc que le Canada a un rôle important à jouer. Je crois que les pays en question le reconnaissent. En ce qui concerne l'Arménie et l'Azerbaijan, ces pays reconnaissent particulièrement notre apport, grâce au lien avec la diaspora au Canada, qui en fait quelque chose d'assez unique.
Je ne sous-estime donc pas l'importance de la mission que le comité est sur le point d'entreprendre. Il fera une différence.
Stephen, je vous laisse la parole.
M. Stephen Wallace: Merci.
Monsieur Speller, j'ai parlé brièvement de l'environnement de l'entreprise et de ce qu'il faut faire pour le soutenir en Asie Centrale et au Caucase, et si je devais attribuer une note à notre position actuelle, je dirais que c'est environ C+. Il n'y a pas si longtemps, cependant, ç'aurait été D, c'est donc dire que nous sommes dans la bonne voie.
Je pense que ce que vous allez trouver là-bas est un ensemble assez familier de lois, de règlements et politiques et de modes de fonctionnement. Ce que vous ne trouverez pas, c'est leur application transparente, cohérente et rapide. Je pense que c'est le principal défi que devra relever cette région-là du globe. Mais une quantité phénoménale de travail a été faite ces dernières années pour mettre en place le cadre fondamental de travail. Il nous faut maintenant, en quelque sorte, embrayer et mettre plus l'accent sur cet aspect de la situation.
Mme Ann Collins (directrice, Division de l'Europe de l'Est, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Si vous permettez, monsieur le président, j'ajouterai qu'à la suite de l'éclatement de l'Union soviétique, nous avons constaté un intérêt réel des entreprises canadiennes pour plusieurs des nouvelles républiques de l'Asie centrale. Par conséquent, comme les entreprises vont là-bas et le Canada a des intérêts commerciaux, notre rôle en est un de promotion, et d'encouragement des gouvernements à créer un climat propice à l'investissement et à mettre sur pied des régimes d'investissement fondés sur la règle de droit, la transparence et la constance.
Par conséquent, que ce soit par le travail que nous faisons en les aidant à se préparer à accéder à l'OMC ou par le biais d'autres projets relatifs à la promulgation de lois internes qui favorisent un climat d'investissement plus prévisible et transparent, ce genre d'améliorations fait partie du processus de transition, de la transition à une économie de marché, et tout cela aura des retombées sur d'autres aspects de leur cadre législatif. Alors avec nos compagnies qui vont là-bas, notre partenariat et les travaux que nous faisons, nous soutenons ce processus de transition.
M. Jim Wright: Je voudrais faire remarquer que ce comité s'est déjà rendu à des destinations autrement plus risquées que l'Asie centrale et le Caucase. J'ai accompagné plusieurs membres du comité en Bosnie, par exemple, lorsque le climat qui y régnait était autrement plus inquiétant que ce qu'on vous propose maintenant. Je ne dis pas ça pour atténuer l'ampleur des les obstacles qui s'y trouvent, mais je pense que cette visite sera très instructive pour le comité, pour le Parlement et, par votre entremise, pour le gouvernement canadien.
Le président: Rappelez-vous, monsieur Wright, qu'en Bosnie, nous vous avons laissé descendre de l'autobus le premier. En plus, nous étions toujours derrière vous et nous n'avons jamais fait un pas sans que vous ayez avancé le pied le premier.
[Français]
Madame Picard.
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur Speller, j'ai une réponse pour vous en ce qui concerne la raison pour laquelle les entreprises canadiennes vont s'installer dans ces régions. C'est pour promouvoir les valeurs canadiennes. On peut aussi mentionner que cela offre une excellente visibilité.
Monsieur Wallace, l'ACDI aurait besoin du double de ses ressources pour répondre aux demandes d'appui pour les projets à courte échelle dans les secteurs comme le développement des collectivités, la santé, etc. Compte tenu de toutes les contraintes que M. Speller vient d'énumérer, les programmes parrainés dans ce secteur par la communauté internationale et par l'ACDI ont-ils été fructueux? Avez-vous des suivis là-dessus?
M. Stephen Wallace: Merci, madame Picard. Au tout début, j'ai souligné le fait que notre mandat en Europe centrale et dans l'ancienne Union soviétique n'était pas le mandat classique de l'ACDI, c'est-à-dire le mandat de soulager la pauvreté. Dans le Caucase et en Asie centrale, nous apportons un appui direct à la transition, à la transition démocratique et à la transition vers l'économie de marché. Donc, à part une assistance humanitaire aux plus démunies et aux plus vulnérables des populations de la région, par exemple les réfugiés, notre action se situe plutôt dans le cadre de la promotion du changement et des possibilités de ce contexte difficile dont M. Speller faisait un peu le bilan. Nous y sommes depuis cinq ans et nous travaillons sur tous les plans: les politiques, les lois, les institutions et les règlements.
• 1150
Nous avons développé certains partenariats qui,
nous le pensons, sont très valables et ont apporté
des changements directs dans la région. Mais c'est
carrément un travail de longue haleine.
Comme je l'ai mentionné, nous
voyons du progrès depuis quelques années, mais c'est un
progrès quand même assez lent. Je pense que nous
devons garder notre attention sur les questions de
réforme si nous voulons être capables d'arriver à des
réalisations concrètes à moyen et à long terme.
Mme Pauline Picard: Est-ce que vous pourriez me donner des exemples concrets?
M. Stephen Wallace: Oui. Par exemple, dans le secteur des ressources naturelles, la firme canadienne Macleod Dixon a fait la réforme de tous les codes d'investissement dans ce pays, ce qui permet une meilleure transparence et une adéquation au niveau des normes internationales pour tout ce qui se fait au niveau de l'investissement étranger.
Ailleurs dans le Caucase, par exemple en Géorgie et en Azerbaïdjan, nous appuyons le processus d'accession à l'Organisation mondiale du commerce. Donc nous offrons, par l'intermédiaire du Centre for Trade Policy and Law, des universités Carleton et d'Ottawa, de l'assistance technique pour qu'ils puissent, eux, accéder à des normes internationales et pour leur permettre de respecter les engagements pris dans leur processus d'accession.
Donc, nous travaillons dans ces zones-là. Nous travaillons, en partie, au niveau de la réforme électorale par l'entremise de ce que nous faisons avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Donc, nous travaillons avec des partenaires sur des choses de ce genre.
Il est certain que si nous avions une présence plus forte sur le terrain, un peu plus d'expérience et quelques ressources additionnelles, nous pourrions concentrer davantage nos efforts, mais je pense que le Canada commence à faire sa marque.
Mme Pauline Picard: Merci.
Le président: Madame Picard, vous dites que lorsque nous serons en Géorgie, les responsables du Centre for Trade Policy and Law seront là. Nous aurons donc l'occasion de rencontrer les Canadiens qui travaillent dans ce domaine et de mieux comprendre ce qu'on fait.
Madame Augustine, et ensuite M. Rocheleau. Il faut que nous quittions à 12 heures pile, et M. Wright doit quitter quelques minutes plus tôt.
Madame Augustine.
[Traduction]
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Mon intervention sera brève parce que la plupart des questions que j'avais prévues ont déjà été posées.
Monsieur le président, j'aimerais savoir qui, de façon très concrète, sont les partenaires de l'ACDI sur place? Comment les efforts internationaux pourraient-ils être mieux coordonnés? Aussi, puisqu'on nous dit que le principal obstacle au développement est la situation géographique, le fait qu'il n'y ait aucun océan international qui permette le va-et-vient des biens, quels sont les liens commerciaux régionaux entre les pays? Font-ils partie de l'Organisation de coopération économique qui a été créée dans la région? De plus, que fait-on pour encourager les petites entreprises à se développer, à s'unir et à collaborer pour fournir les biens et d'autres types de services dans toute la région? Et l'ACDI fait-elle quelque chose à cet égard?
M. Stephen Wallace: Merci beaucoup, madame Augustine.
Je pense que les partenaires de l'ACDI peuvent être répartis, en vérité, entre les partenaires canadiens et les partenaires multilatéraux. En ce qui concerne les partenaires canadiens, il y en a tout un éventail en partant, par exemple, du Tadjikistan, avec l'Aga Khan Foundation, qui travaille surtout au niveau local. C'est pareil pour CARE Canada, et aussi l'Organisation internationale de perspective mondiale, dans le Caucase.
On part donc de ce genre d'initiatives locales, y compris celles de la Société canadienne pour nourrir les enfants et les activités de soutien aux réfugiés, et ça va jusqu'au domaine institutionnel et au renforcement des capacités, auquel participent une grande quantité d'universités canadiennes, particulièrement celles de l'Ouest, ainsi que des institutions, dont Olds College, le Southern Alberta Institute of Technology, l'Université de la Saskatchewan, le Collège d'Alfred, St. Mary's et l'université McGill. Vous constaterez alors que l'on met beaucoup d'emphase sur le genre de formation et de renforcement des capacités qui vont de pair avec l'économie de marché et la transition démocratique.
• 1155
Puis on passe au domaine des politiques et affaires
réglementaires, auxquelles sont mêlées les sociétés d'avocats,
comme Macleod Dixon, qui participe à certains aspects. Le Centre de
droit et politique commerciale y joue aussi un rôle.
Je passe maintenant à la deuxième partie de votre question, c'est-à-dire lorsqu'on a depuis 10 ans de vrais problèmes de situation géographique et de manque d'investissement dans l'infrastructure économique, comment fait-on pour mettre cette région du globe en position d'occuper la place qui lui revient? Le Canada n'a pas les ressources nécessaires pour jouer un rôle dominant là-dedans. Ce que nous pouvons faire, par contre, avec des sommes très modestes, c'est aider les sociétés canadiennes à se positionner, comme SNC-Lavalin au Turkménistan et SaskPowers au Kazakhstan, de manière à pouvoir être utiles à l'infrastructure essentielle, et à tirer parti des ressources à grande échelle des institutions financières internationales. On s'efforce de mobiliser suffisamment d'énergie pour avoir des niveaux minimaux d'investissement, mais des investissements qui font partie intégrante d'un contexte où le meilleur usage possible en est fait.
Nous agissons sur environ quatre plans en ce sens mais, je dois le répéter, avec des augmentations assez modestes des investissements. L'envergure moyenne de nos projets n'est que de l'ordre de quelques centaines de dollars. Il ne s'agit pas, ici, de très fortes sommes. Cependant, ces projets essaient de cibler ces quatre éléments de manière à ce que le Canada puisse exercer une influence utile.
M. Robert Brooks: Pour revenir un peu à votre question sur les échanges commerciaux, il est important de se rappeler que tous les pays de l'Asie centrale et du Caucase faisaient partie du complexe industriel soviétique. Ce complexe était fondé sur le principe que toutes les activités de ces composantes devaient profiter au centre, à Moscou. Vous aviez donc dans l'organisation des petites unités discrètes qui ne produisaient rien de plus que les parties d'un tout, et ce tout était contrôlé par Moscou.
Par conséquent, les entreprises de ces pays ont encore besoin de traiter avec leurs anciens partenaires soviétiques. Le meilleur exemple que je puisse donner est celui de l'industrie de l'électronique. Les pièces étaient fabriquées dans des grandes usines en Arménie, puis expédiées en Russie. Mais ce n'était que des pièces. L'usine n'est jamais devenue autonome. L'un des grands défis à relever est d'essayer de réorienter ce mode de fonctionnement selon les normes occidentales pour qu'ils puissent traiter avec les Sony, les General Motors et les Motorola de ce monde. Il faut aussi essayer de leur faire fabriquer des produits finis au sein de la région.
Nous agissons avec grande diligence, et les compagnies canadiennes sont attirées par ce genre de débouchés. C'est la démarche que nous avons adoptée en travaillant avec beaucoup de petites et moyennes entreprises.
Le président: En fait, c'est une observation très intéressante, parce que c'est aussi ce que nous avons constaté en ex-Yougoslavie. Tout était dirigé de Belgrade et de la Serbie. Quand on arrivait dans les petits pays comme la Macédoine, on se faisait dire «Nous n'avons rien fait pour nous-mêmes». Tout leur système d'échanges commerciaux s'est effondré parce qu'ils ne sont plus autorisés à aller en Serbie, et ils ne peuvent aller nulle part ailleurs, parce qu'ils n'ont rien. Aucune industrie locale n'est vraiment fonctionnelle. Quand le noyau se brise, l'ensemble s'effondre. C'est la même chose qui est arrivée dans les anciennes républiques de l'Union soviétique.
Vous n'avez pas de réponse à donner à cela.
M. Robert Brooks: J'allais vous raconter mon histoire préférée, à ce sujet. C'est celle d'un dirigeant d'usine de tracteurs de Kharkiv, à qui on a demandé de fabriquer plus de tracteurs, ce à quoi il a répondu qu'il lui fallait des moteurs diesels. On lui a dit «Mais vous mettez des moteurs diesels dans vos tracteurs depuis plus de 25 ans». Et il répond «Oui, mais je ne sais pas d'où ils viennent. Ils apparaissent sur le quai de livraison».
Le président: Un problème d'économie dirigée, exactement.
Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Est-ce que nous devons quitter à 12 heures?
Le président: Oui, nous devons quitter à 12 heures. Je m'excuse.
[Traduction]
Je pense que vous voulez dire par là, monsieur Paradis, que nous souhaitons recevoir une liste des projets auxquels participe l'ACDI et, à ce que j'ai compris, cette liste nous sera fournie.
[Français]
M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Nous aimerions avoir une liste des projets de l'ACDI et peut-être aussi une liste des projets auxquels l'ACDI participe avec la Banque mondiale ou d'autres organismes.
[Traduction]
Le président: Nous levons la séance jusqu'à 15 h 30, chers collègues. Nous entendrons les témoignages des deux ministres et de M. Otunnu, des Nations Unies.
Merci beaucoup.