JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 1er mars 2000
Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): La séance est ouverte. Je vois que nous avons le quorum voulu pour entendre des témoins. Nous poursuivons notre audition des témoins relativement au projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.
Nous avons aujourd'hui la chance d'entendre quatre groupes: les Aboriginal Legal Services de Toronto; Atoskata; le Congrès des peuples autochtones; et le File Hills Qu'Appelle Tribal Council.
• 1535
Étant donné qu'il nous est difficile de savoir qui est avec
quelle organisation, j'inviterai chacun à se présenter, après quoi
nous entendrons le témoignage des Aboriginal Legal Services de
Toronto. Chacun a dix minutes pour faire son exposé, après quoi
vous pourrez dialoguer avec les membres du comité.
J'invite donc tout d'abord chacun à se présenter et à indiquer quelle organisation il représente.
M. Daryl Beadnell (coordonnateur, Atoskata): Je m'appelle Daryl Beadnell. Je suis le coordonnateur du Programme de préparation pour les jeunes d'Atoskata.
Mme Bev Poitras (directrice, Service de la justice réparatrice, File Hills Qu'Appelle Tribal Council): Bev Poitras, directrice du Service de la justice réparatrice au File Hills Qu'Appelle Tribal Council de Saskatchewan.
M. Jonathan Rudin (directeur de programmes, Aboriginal Legal Services de Toronto): Jonathan Rudin, directeur de programmes aux Aboriginal Legal Services de Toronto.
Mme Marian Jacko (membre du conseil d'administration, Aboriginal Legal Services de Toronto): Marian Jacko, membre du conseil d'administration des Aboriginal Legal Services de Toronto.
M. Frank Palmater (vice-président, Congrès des peuples autochtones): Frank Palmater, vice-président du Congrès des peuples autochtones.
Mme Jane Dickson-Gilmore (conseillère, Congrès des peuples autochtones): Jane Dickson-Gilmore, professeure de droit, université Carleton, et conseillère auprès du Congrès des peuples autochtones.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons d'abord entendre M. Rudin et Mme Jacko des Aboriginal Legal Services de Toronto.
M. Jonathan Rudin: Merci beaucoup.
Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui et de faire part au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de notre perspective sur ce projet de loi important. Nous tenons à remercier le comité d'avoir accepté de nous entendre.
Les Aboriginal Legal Services de Toronto constituent une organisation sans but lucratif qui dessert la communauté autochtone urbaine la plus importante du Canada. Les ALST gèrent une vaste gamme de programmes. Trois de nos activités revêtent une pertinence particulière dans notre exposé au comité: notre programme de travailleurs juridiques responsables des jeunes contrevenants, notre programme de conseil communautaire et nos activités de litige relatives aux causes types.
Notre travailleur juridique travaille avec de jeunes contrevenants autochtones inculpés de toutes sortes d'infractions en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. Le travailleur juridique aide ces jeunes à obtenir les services d'un avocat, explique la procédure judiciaire aux accusés et à leur famille et collabore à la recherche d'options ou de mesures de rechange à l'incarcération pour ses clients.
Le Conseil communautaire est un programme de déjudiciarisation s'adressant aux adultes. Le programme entend des causes depuis 1992, et il était le premier programme de déjudiciarisation pour Autochtones en milieu urbain au Canada. Il a traité plus de 800 causes depuis sa création. Le Conseil communautaire est ouvert à tous les contrevenants autochtones, quel que soit le nombre de leurs condamnations antérieures et il s'est occupé de cas où intervenait une vaste gamme d'infractions, du vol et du méfait au crime d'incendie et à la négligence criminelle. Le Conseil communautaire n'est pas saisi pour le moment de causes intéressant des jeunes contrevenants, mais nous espérons entendre de telles causes dans les quelques mois à venir.
Enfin, nos activités de litige relatives aux causes types font partie intégrante du mandat de notre clinique juridique. Les ALST sont intervenus devant la Cour suprême du Canada dans un certain nombre d'affaires. Les plus pertinentes, en ce qui concerne notre témoignage d'aujourd'hui, sont nos interventions dans les affaires Williams, Gladue et Wells.
En substance, nous prions instamment le comité d'ajouter l'alinéa 718.2e) du Code criminel du Canada à l'article 38 du projet de loi, l'article qui traite du placement sous garde. L'alinéa 718.2e) du Code criminel faisait partie de la refonte du régime de détermination de la peine que le Parlement a adoptée en 1996, dans le cadre du projet de loi C-41. L'alinéa dit que, lorsque le tribunal détermine la peine à infliger, il doit procéder
-
à l'examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui
sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce
qui concerne les délinquants autochtones.
Cet alinéa a été étudié par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt clé, la Reine c. Gladue. Dans son jugement, la cour a fait remarquer que le taux d'incarcération des délinquants adultes au Canada était plus élevé que dans presque toutes les démocraties occidentales, et que c'était là une chose dont les Canadiens n'avaient pas à être fiers.
La cour s'est penchée plus loin sur le problème de la surreprésentation des délinquants autochtones en particulier. La cour a jugé que l'un des buts de l'alinéa 718.2e) était de remédier à ce problème. La cour a affirmé qu'il n'était pas possible de remédier à toutes les causes de la surreprésentation autochtone par des réformes du régime de détermination de la peine, mais elle a fait remarquer que les mesures de rechange à l'incarcération étaient particulièrement nécessaires dans le cas des délinquants autochtones.
Au sujet de la nécessité de mettre au point des approches de détermination de la peine valorisant la justice réparatrice, la cour a souligné que de telles approches ne sauraient se limiter aux infractions sans violence. La cour a également souligné le fait que ces approches valorisant la justice réparatrice ne constituaient pas nécessairement des peines plus légères et que ces approches répondent davantage aux objectifs de dissuasion et la réprobation que les peines de prison.
Pourquoi y a-t-il lieu d'inscrire cet alinéa 718.2e) dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents? L'article 139 du projet de loi dit que le Code criminel s'applique à toutes les procédures faisant intervenir des jeunes délinquants, sauf dans les cas «où elles ne sont pas incompatibles avec la présente loi ou écartées par celle-ci». Étant donné que le projet de loi contient ses propres dispositions relatives à la détermination de la peine, il semble qu'on interdit désormais aux juges de tenir compte de l'alinéa 718.2e) dans la détermination de la peine, même s'ils le veulent. Ainsi, l'actuel projet de loi ne fait pas mention du fait qu'il faut tenir compte des réalités de la jeunesse autochtone et de la nécessité d'envisager des mesures de rechange à l'incarcération dans tous les cas.
• 1540
Cet aspect nous préoccupe beaucoup. L'article 38 du projet de
loi, intitulé «Placement sous garde», est en fait beaucoup moins
contraignant que l'alinéa 718.2e). Le libellé de l'article est
tellement vague qu'on ne peut pas s'attendre à la moindre baisse du
taux d'incarcération excessif des jeunes au Canada, qui est déjà le
double de celui des États-Unis.
Pour ce qui est de la surincarcération des adultes, quand on étudie les chiffres en détail, on constate que les jeunes Autochtones sont surreprésentés parmi les jeunes gens qui sont envoyés en prison. Il importe de comprendre la signification de cette réalité. Si certaines personnes réclament des dispositions relatives à la détermination de la peine plus sévères pour les jeunes contrevenants, et comptent davantage sur la prison pour réprimer le crime, c'est entre autres parce qu'elles pensent que ce sont là les seules mesures qui vont réduire la criminalité adulte. Quand on examine les statistiques concernant les Autochtones, cependant, les failles de cette logique apparaissent tout de suite.
Par exemple, en Saskatchewan, en 1992, 70 p. 100 des jeunes placés sous garde étaient Autochtones. Au Manitoba, en 1990, 64 p. 100 de la population carcérale du Centre manitobain de la jeunesse et 74 p. 100 du Centre Agassiz pour les jeunes étaient Autochtones. En Alberta, d'après le rapport Cawsey de 1991, la population autochtone des prisons pour jeunes délinquants de la province devrait augmenter à 40 p. 100 d'ici 2011.
Le taux d'incarcération des jeunes Autochtones augmente sans cesse. Si l'emprisonnement des jeunes Autochtones était la solution à la criminalité adulte, on se serait attendu à une baisse du nombre d'Autochtones adultes emprisonnés. Mais rien de tel ne s'est produit. En dépit de toutes les discussion et de toutes les études portant sur la surreprésentation autochtone, le nombre de délinquants autochtones dans les prisons continue d'augmenter.
De toute évidence, le placement de jeunes Autochtones dans les centres correctionnels pour jeunes délinquants n'inhibe en rien le comportement criminel lorsqu'ils deviennent adultes. On les prépare ainsi simplement à la vie dans les établissements correctionnels pour adultes.
Perpétuer un processus qui conduira à l'incarcération d'un nombre croissant de jeunes Autochtones et qui ne fait rien pour remédier aux causes de cette criminalité est un crime en soi. Il faut que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents contienne une disposition qui obligera explicitement les juges à envisager des mesures de rechange à l'incarcération, particulièrement en ce qui concerne les jeunes Autochtones.
Si c'est une question aussi importante, c'est entre autre parce que la population autochtone du Canada est beaucoup plus jeune que la moyenne. D'après les données du recensement de 1991 de Statistique Canada, plus de 56 p. 100 de la population autochtone était âgée de moins de 25 ans. Presque 37 p. 100 avait moins de 15 ans. Par contraste, seulement 35 p. 100 de l'ensemble de la population canadienne avait moins de 25 ans, et 21 p. 100 moins de 15 ans. En outre, presque la moitié des jeunes Autochtones vivaient dans des centres urbains, tendance qui est à la hausse.
La population carcérale d'origine autochtone augmente souvent plus vite que l'ensemble de la population autochtone. Ce serait une tragédie si la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents accentuait ou même perpétuait cette tendance. Ce serait particulièrement tragique étant donné que l'alinéa 718.2e) donne quelque espoir que cette tendance puisse être renversée.
On pourrait faire valoir que l'alinéa 718.2e) du Code criminel est inutile étant donné que ce projet de loi contient ses propres dispositions pour remédier au problème.
Par exemple, le sous-alinéa 3(1)c)iv) du projet de loi dit:
-
les mesures prises à l'égard des adolescents, en plus de respecter
le principe de la responsabilité juste et proportionnelle, doivent
viser à
-
prendre en compte tant les différences ethniques, culturelles,
linguistiques et entre les sexes que les besoins propres à d'autres
groupes particuliers d'adolescents;
En outre, comme on l'a dit plus tôt, l'article 38 arrête les limites du placement sous garde. Comme nous l'avons déjà mentionné, on ne saurait voir dans l'article 38 de vraies limites à l'emprisonnement des jeunes délinquants. Le libellé de cet article est tel que les seules personnes qui ont l'assurance de ne pas recevoir de peine d'emprisonnement sont les délinquants qui en sont à leur première infraction et qui sont inculpés d'infractions mineures, où la violence n'intervient pas, soit des gens qui n'ont déjà aucun motif de craindre l'emprisonnement.
Pour ce qui est du sous-alinéa 3(1)c)(iv), il ne nous dit en réalité rien de plus que ce que prescrit la pratique judiciaire actuelle, de toute manière. L'application de cette pratique au Canada a pour effet d'incarcérer les jeunes gens, particulièrement les jeunes autochtones, à un rythme incroyable. Le sous-alinéa iv) n'est peut-être que la confirmation de l'actuelle pratique judiciaire. Peut-être annonce-t-il aussi un changement dans la manière dont les juges vont déterminer les peines des jeunes contrevenants. Qui sait? Personne ne le saura vraiment tant qu'on n'aura pas procédé à un examen judiciaire de la question.
Plusieurs commentateurs ont déjà fait remarquer que l'un des plus gros problèmes que pose la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents tient largement au caractère vague de son libellé, et il faudra des années aux tribunaux pour déterminer le sens des divers articles du projet de loi. Par contre, l'alinéa 718.2e) a un sens précis. La Cour suprême du Canada dans l'affaire Gladue a donné un sens très clair à cette disposition. Les jugements subséquents des tribunaux dans des affaires comme celles de Proulx et de Wells ont consolidé l'interprétation de cette disposition.
• 1545
Si l'on a le choix entre la certitude et l'incertitude, le
projet de loi ne devrait-il pas privilégier la certitude? Si
l'article 38 vise à imposer des restrictions au placement sous
garde, les juges des tribunaux pour la jeunesse ne devraient-ils
pas tenir compte des mêmes éléments que les juges des tribunaux
criminels pour adultes?
Mme Marian Jacko: Il convient de soulever une autre question très importante. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, nous sommes d'avis que les dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents concernant la détermination de la peine, particulièrement la détermination de la peine pour les jeunes Autochtones, sont visiblement inférieures aux dispositions semblables que renferme le Code criminel du Canada. D'où un résultat absurde, à savoir que les juges disposent de ressources judiciaires plus considérables pour éviter l'emprisonnement de délinquants autochtones adultes qu'ils n'en ont pour les jeunes délinquants autochtones. Résultat plus qu'absurde; c'est une atteinte à la Charte canadienne des droits et libertés.
Si l'on ne greffe pas l'alinéa 718.2e) du Code criminel à l'article 38 du projet de loi C-3, les délinquants autochtones adultes vont profiter d'une mesure dont ne peuvent jouir leurs frères et soeurs plus jeunes. Les jeunes délinquants autochtones seront victimes de discrimination fondée sur l'âge, en contravention de l'article 15 de la charte.
Si l'alinéa 718.2e) du Code criminel n'est pas greffé à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, alors, après l'entrée en vigueur de la loi, à la première occasion, dès que nous aurons à nous présenter devant un juge du tribunal de la jeunesse s'apprêtant à déterminer la peine d'une jeune Autochtone, les Aboriginal Legal Services de Toronto déposeront une contestation en vertu de l'article 15 de la charte. Nous avons la certitude que notre requête sera bien accueillie et que notre contestation sera maintenue en appel par les tribunaux supérieurs.
Cependant, ce n'est pas le moyen que nous privilégions pour résoudre cette question. Il faudra des années pour que la Cour suprême se prononce sur cette contestation en vertu de la Charte, ce qui aura un effet sur la détermination de la peine de tous les jeunes délinquants autochtones et non autochtones du Canada. Pendant les années qu'il faudra pour que l'appel fasse son chemin d'une instance à l'autre, des milliers et des milliers de jeunes gens se seront vu imposer une peine. Nous prions instamment le comité d'amender le projet de loi maintenant et de prévenir ainsi la nécessité d'une contestation en vertu de la Charte.
Lorsqu'une communauté autochtone prend une décision importante, les anciens nous rappellent souvent qu'il nous faut penser pour les sept générations à venir. Oren Lyons, le gardien de la foi de la nation Onondaga, a dit:
-
Dans notre mode de vie, dans notre gouvernement, chaque fois que
nous prenons une décision, nous gardons toujours à l'esprit la
septième génération à venir. Il est de notre devoir de nous assurer
que nos successeurs, les générations qui ne sont pas encore nées,
héritent d'un monde qui ne sera pas pire que le nôtre—et,
espérons-le qui sera meilleur. Lorsque nous marchons sur la Terre,
notre mère, nous regardons toujours où nous mettons les pieds parce
que nous savons que les générations futures, des entrailles de la
Terre où elles habitent, ont les yeux rivés sur nous. Nous ne les
oublions jamais.
Nous savons qu'il est souvent difficile pour les politiciens qui doivent se présenter devant l'électorat tous les quatre ans de penser aux 10 ou 15 années à venir, et à plus forte raison, aux sept générations à venir, mais la triste réalité, la tragédie, de la sur-incarcération autochtone dans notre pays vient à tout le moins partiellement, du fait que les décideurs ont souvent négligé de réfléchir à l'effet de leurs décisions sur les communautés autochtones.
Nous vous prions instamment de résister aux pressions de ceux qui n'ont aucune idée concrète des réalités de la criminalité chez les jeunes dans notre pays—ceux qui croient à tort que la solution à toute infraction à la loi est l'emprisonnement, ceux qui croient que le problème de la justice pour les jeunes tient au fait que nous n'avons pas été assez sévères.
Résistez à ces pressions, parce que si vous vous inclinez devant elles, vous allez perpétuer des pratiques qui sont sans effet, des pratiques qui mèneront au maintien de la sur-incarcération des Autochtones; des pratiques qui ne modifient en rien le comportement de ceux qui commettent des infractions; des pratiques qui, dans leur myopie, ne renforcent nullement la sécurité publique, mais qui, au contraire, rendent la société plus dangereuse en jetant les jeunes autochtones dans les portes tournantes du système carcéral, des portes tournantes qui, après chaque révolution, expulsent des hommes et des femmes qui sont encore plus en colère et qui commettent des infractions de plus en plus graves.
L'adjonction de l'alinéa 718.2e) du Code criminel à l'article 38 du projet de loi C-3 ne suffira pas à stopper ces portes tournantes, et notre société ne se trouvera pas davantage en sécurité, mais elle nous permettra de nous engager sur un chemin nouveau, un chemin où, dans une génération ou deux, nous pourrons nous retourner et dire que lorsque la chance s'est présentée à nous, nous avons pris des mesures nécessaires pour rendre notre monde meilleur et plus sûr.
Merci. Meegwetch.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre le groupe suivant. Selon notre liste, c'est l'Atoskata.
M. Daryl Beadnell: Atoskata est un mot cri qui veut dire «mettre la main à la pâte». Notre programme est financé par le ministère des Services sociaux de Regina, en Saskatchewan. Il vise à déjudiciariser les jeunes qui n'ont pas commis d'infraction grave. En substance, ce que les auteurs du programme voulaient faire, c'était trouver un moyen qui permettrait aux jeunes d'éviter l'incarcération et de faire du travail communautaire chez eux.
• 1550
Le programme a été mis au point par Denis Losie et le
ministère des Services sociaux, en collaboration avec la
magistrature et le service de police de la ville. Le programme a
été conçu de telle façon que les jeunes peuvent être surveillés
étroitement par le personnel que nous avons, qui compte trois
employés pour le moment mais qui croît à un rythme soutenu. Au
début, le programme était peu connu. C'était une sorte de programme
pilote, mais il a grandi depuis, et c'est devenu un programme
reconnu presque partout au Canada.
Je me suis joint au programme en août de l'an dernier et, dès octobre, j'occupais le poste de coordonnateur. Cela a été un apprentissage pour moi, car j'ai dû assumer toute une gamme de nouvelles responsabilités.
Le programme a été mis sur pied en 1994, en réponse au taux alarmant d'incarcération des adolescents. Les services sociaux, la Société John Howard et le Programme des mesures de rechange de Regina nous renvoient des jeunes contrevenants. Nous ouvrons alors un dossier. Nous communiquons avec les adolescents, nous prenons des dispositions pour qu'on passe les prendre dès la fin des cours et nous leur trouvons un emploi qu'ils occupent à raison de deux à trois heures chaque soir à divers endroits de la ville. L'un de nos principaux bailleurs de fonds est la ville de Regina qui a affecté 10 000 $ au programme cette année.
Nous emmenons donc les jeunes dans des camionnettes attelées de remorques, et nous nettoyons les rues du quartier du centre nord et d'autres districts de la ville. Nous leur demandons aussi de faire de la peinture, de tondre les pelouses, de déneiger des trottoirs et de s'occuper de toute autre tâche que nous estimons pouvoir leur confier. Nous exigeons une petite somme en retour, et cet argent est versé dans ce que nous appelons le fonds d'indemnisation des victimes. Une fois que l'adolescent a exécuté l'ordonnance de dédommagement, nous versons un chèque d'indemnisation à la victime. L'adolescent lui offre aussi un capteur de rêve afin de réparer le tord fait à la victime.
Ce programme a été bien reçu dans toutes les régions du Canada, mais nous commençons à peine à faire de la publicité sur le programme, sur son fonctionnement et sur son taux de succès.
Le service de police de Regina a assuré un suivi auprès des participants au programme et le taux de récidive est très bas. Cela nous a étonnés.
Le programme comporte un important élément culturel dispensé quotidiennement. Nous invitons des aînés, nous visionnons des films, nous invitons des représentants de diverses organisations à venir s'adresser aux adolescents. Parfois, ce sont des représentants de la GRC et des services de police des villes de la région.
Souvent, les participants à ce programme en veulent au monde entier et sont très intransigeants quand on leur demande de travailler sans rémunération. Toutefois, lorsqu'ils quittent le programme, ils ont une tout autre attitude. Je l'ai constaté moi-même. Ils partent en sachant qu'ils peuvent travailler, apprendre un nouveau métier, réaliser des choses, et cela leur donne confiance en eux. Bon nombre d'entre eux finissent leurs études secondaires et se lancent dans diverses entreprises, mais nous n'avons pas de suivi officiel à ce sujet.
• 1555
Le programme est en pleine croissance. Actuellement, notre
liste d'attente compte environ 60 adolescents; chaque mois, environ
cinq jeunes terminent le programme. Certains ne se rendent pas
jusqu'à la fin et doivent être traduits devant les tribunaux. Ils
sont renvoyés au tribunal qui traite leur cas en conséquence.
Cela met fin à mon exposé sur le programme que nous offrons à Regina.
Le président: Merci beaucoup.
Je cède maintenant la parole au Congrès des peuples autochtones représenté par M. Palmater et Mme Dickson-Gilmore. Vous avez la parole.
M. Frank Palmater: Bonjour. Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Frank Palmater et je suis vice-président du Congrès des peuples autochtones. Le congrès est un organe élu représentant environ 850 000 métis, de personnes inscrites et non inscrites, visées ou non par un traité, de descendance autochtone et qui habitent hors réserve. Je suis ici pour vous faire part des vues de notre peuple sur la nouvelle Loi sur le système de justice pénal pour les adolescents qui pourrait avoir une incidence négative importante sur nos jeunes et nos familles. Nous vous remercions de nous offrir cette occasion de dialoguer avec vous sur la justice juvénile, et d'ouvrir vos esprits et vos coeurs aux sentiments de notre peuple sur le projet de loi C-3.
Comme vous le savez sans doute, en général, les Autochtones sont surreprésentés au sein du système canadien de justice pénale. En comparaison aux non-Autochtones, nos hommes, nos femmes et nos adolescents sont plus susceptibles d'être accusés, de se voir refuser le cautionnement et d'être reconnus coupables, et ils se voient infliger des peines plus longues d'incarcération. Ainsi, les jeunes Autochtones représentent environ 5 p. 100 des jeunes au Canada selon les statistiques de 1997-1998, mais l'Alberta, la Colombie-Britannique, le Manitoba, Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et le Yukon indiquent que les adolescents autochtones représentent 34 p. 100 des jeunes contrevenants et 41 p. 100 des jeunes contrevenantes. Il y a bien plus de ces jeunes sous garde en milieu fermé qu'il ne devrait y en avoir. Ce qui est encore plus inquiétant, c'est qu'un trop grand nombre d'entre eux sont détenus dans des établissements pour adultes.
Comme on l'a souligné à la Table ronde du programme d'intervention en faveur de l'enfant sur le renouvellement du système de justice pour les jeunes le 17 janvier 2000, le dénominateur commun, c'est que tous les jeunes contrevenants incarcérés dans des établissements fédéraux ne sont pas blancs. La plupart sont des Autochtones de 16 et 17 ans. Ils n'ont pas commis de crimes violents. Des enquêtes sur la justice pour les Autochtones menées en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba ont permis de documenter le taux excessivement élevé des mises sous garde et des détentions préventives chez les adolescents autochtones, ce qui laisse entendre que les jeunes Autochtones ont une expérience différente de la justice que leurs homologues non autochtones. Pour notre peuple, le problème le plus urgent que doit régler la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est cette sur-représentation de nos adolescents au sein du système de justice juvénile.
Il est d'autant plus important que le projet de loi tienne compte des besoins particuliers des adolescents autochtones, surtout des jeunes Autochtones vivant en réserve, si l'on pense à la réalité démographique de notre peuple. La population autochtone est beaucoup plus jeune que la population canadienne en général. Au sein de la population autochtone au Canada, 40 p. 100 a moins de 18 ans, contre 24 p. 100 chez les non-Autochtones. On s'attend à ce que le groupe des jeunes Autochtones augmente à un taux annuel de 1,4 p. 100 pendant la période allant de 1996 à l'an 2011.
L'ensemble des expériences documentées de la population autochtone au sein du système canadien de justice pénale à presque tous les niveaux et le fait que la population autochtone est jeune nous permettent de croire que tout changement à quelque aspect que ce soit du système aura une incidence plus grande sur les jeunes Autochtones que sur les non-Autochtones. Par conséquent, il est crucial que le projet de loi reconnaisse cette incidence et la limite. On doit accorder une attention particulière aux besoins des jeunes Autochtones dans ce projet de loi, et la mesure législative doit être examinée sous tous ses aspects afin que soit décelée toute discrimination non prévue contre les jeunes Autochtones et leur famille.
• 1600
Nous sommes d'avis que deux grands éléments du projet de loi
pourraient entraîner des souffrances non intentionnelles mais
indues chez nos jeunes. Il s'agit, premièrement, de l'accent que
met le projet de loi sur les collectivités et la famille dans la
prestation des services de justice aux adolescents et,
deuxièmement, de l'officialisation du rôle de la police en matière
de justice juvénile, surtout en ce qui a trait aux avertissements
et aux mises en garde.
J'aborderai premièrement la question de la participation communautaire à la prestation de services de justice juvénile. Selon la façon dont le ministère de la Justice décrit la nouvelle approche qui sous-tend les buts et principes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la nouvelle stratégie de justice pour les jeunes tient compte du fait que les membres de la collectivité jouent un rôle important dans la recherche de la solution la plus efficace à la criminalité juvénile. Il est donc essentiel que ceux qui devront mettre en oeuvre cette stratégie comprennent que les collectivités diffèrent dans leur emplacement, leur agencement et leur composition, et qu'ils respectent ce fait. Trop souvent en matière de politique autochtone, la collectivité se limite aux réserves. Cela est particulièrement vrai dans le cas des jeunes Autochtones.
Selon Clatworthy et Mendelson, les jeunes Autochtones habitant hors réserve, surtout dans des zones urbaines—soit environ 71 p. 100 de la population—sont beaucoup plus nombreux que leurs homologues habitant dans des réserves qui représentent 29 p. 100 des adolescents autochtones. Par conséquent, ceux qui seront chargés de structurer et de mettre en oeuvre cette loi devront comprendre qu'une collectivité peut être autre chose qu'un groupe constitué d'une seule nation et vivant dans une réserve en région rurale. De nos jours, lorsqu'on parle d'adolescents autochtones, on parle le plus souvent d'une population urbaine aux antécédents culturels, politiques, linguistiques, sociaux et familiaux diversifiés.
Il faut aussi comprendre que de fausses distinctions ont été créées entre les Autochtones—telle que la distinction entre les Indiens inscrits et non inscrits—et qu'elles ont un effet direct sur la possibilité, pour les Autochtones, d'obtenir des droits et des services qui devraient être offerts également à tous. Trop souvent, notre peuple est pris dans les conflits de compétence qui existent entre le gouvernement fédéral, responsable des Indiens et des terres réservées aux Indiens, et les gouvernements provinciaux, dont les lois d'application générale s'appliquent aussi aux Indiens dans la mesure où elles ne traitent pas précisément de la quintessence indienne ou des terres indiennes.
Le gouvernement fédéral s'est surtout occupé des réserves et des Autochtones vivant dans les réserves, ainsi que de la création et de la prestation de services dans ce contexte. Malheureusement, on semble croire qu'il suffit aux Autochtones hors réserve de retourner dans leurs réserves pour avoir accès à des services et des programmes, en dépit de l'obligation juridique qu'a le gouvernement fédéral de dispenser ces services hors réserve. Cela signifie que le plus important groupe d'Autochtones hors réserve, ceux qui habitent en région urbaine, n'ont souvent pas véritablement accès aux services dont ils ont besoin.
Si, dans le projet de loi C-3, on insiste seulement sur les collectivités et pas suffisamment sur la collaboration fédérale et provinciale pour faire en sorte que toute une gamme de programmes et de services soient disponibles au sein d'un système renouvelé de justice pour les adolescents et qu'il y ait une déjudiciarisation fructueuse, la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescent ne pourra atteindre ses objectifs à l'égard des jeunes Autochtones. Cette initiative sera minée par le fait que, dans le projet de loi, on n'accorde aucune attention à la réalité changeante des collectivités autochtones ni à l'incapacité passée des gouvernements fédéral et provinciaux à collaborer pour que les Autochtones hors réserve aient accès aux mêmes services que leurs homologues vivant dans les réserves et les adolescents non autochtones en général.
• 1605
La distinction entre les Autochtones hors réserve et les
Autochtones habitant dans les réserves est une fausse distinction
qui crée des inégalités au sein de notre peuple. Récemment la Cour
suprême du Canada a abondé dans notre sens dans l'affaire John
Corbiere et al. contre la bande indienne Batchewana et Sa Majesté
la reine. On a demandé à la cour de se pencher sur la validité
constitutionnelle des dispositions relatives à l'admissibilité à
voter aux élections du conseil de bande, plus particulièrement sur
le paragraphe 77(1) qui limite le droit de vote aux personnes «qui
résident ordinairement sur la réserve».
La cour a statué que cette phrase avait pour effet d'interdire aux membres de la bande non-résidents le vote aux élections du conseil de bande, et qu'elle était inconstitutionnelle dans la mesure où elle était discriminatoire, car elle violait les droits à l'égalité des membres non-résidents de la bande. La cour a donné au ministère des Affaires indiennes jusqu'au 20 novembre 2000 pour élaborer avec les conseils et les collectivités de nouvelles dispositions électorales non discriminatoires.
Cette décision s'appliquait au droit de vote, mais il est raisonnable de conclure que ce n'est plus le fait d'habiter dans une réserve qui compte, mais plutôt l'appartenance à une bande et que cela peut s'appliquer à d'autres formes d'inégalité entre les Indiens fondée sur leur lieu de résidence.
Ainsi, la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui compte sur la participation de la collectivité, doit refléter la réalité des collectivités autochtones contemporaines et faire en sorte que les programmes qui sont au coeur du projet de loi, les programmes de mesures extrajudiciaires, soient mis à la disposition des Autochtones hors réserves comme des Autochtones habitant dans les réserves.
Par exemple, bon nombre des mesures extrajudiciaires essentielles au projet de loi semblent mieux adaptées aux réserves rurales qu'aux jeunes Autochtones vivant dans les grands centres urbains. Le projet de loi met l'accent sur les avertissements et les mises en garde par la police, notamment aux articles 6, 7 et 9, ce qui tient pour acquis que la police a le temps et la volonté de s'acquitter de cette tâche exigeante. Dans les grands centres tels que Toronto, il est peu probable que la police ait le temps, l'énergie ou les ressources pour déjudiciariser ainsi les jeunes Autochtones.
Les policiers des grandes villes n'ont ni le temps, ni le désir, ni les relations sociales officieuses qui rendent utiles les avertissements et les mises en garde dans les réserves rurales; or, c'est dans les régions urbaines que les avertissements seraient le plus utiles, à condition que l'on respecte le droit légal qu'ont les Autochtones hors réserve d'accéder à des services. Bien que dans certaines réserves autochtones, on offre déjà ou on est en voie d'élaborer des programmes de justice communautaire tels que ceux envisagés par le projet de loi—les comités de justice pour la jeunesse et les groupes consultatifs—la plupart de ces initiatives ne comprennent pas toute la gamme des services nécessaires pour que ces programmes puissent être pleinement fructueux.
Cet ajout au projet de loi se fonde sur de bonnes intentions, mais il pourrait être difficile de le mettre en pratique pour la majorité des collectivités autochtones hors réserve; il contribuera donc peu à réduire les problèmes que connaissent actuellement nos adolescents au sein du système de justice juvénile.
La question que je viens d'aborder nous amène logiquement à une autre, qui constitue peut-être le plus grand danger pour les adolescents autochtones: le risque que la participation de la collectivité serve de prétexte pour assigner des tâches et des responsabilités que le système n'a pu mettre en place ou administrer efficacement à des groupes communautaires et des collectivités qui n'ont ni les pouvoirs ni le soutien nécessaires pour s'en acquitter.
• 1610
Il est encourageant que le gouvernement ait affecté
32 millions de dollars à l'élaboration et au soutien des mesures
communautaires de lutte contre le crime par le biais de sa
stratégie nationale sur la sécurité communautaire et la prévention
du crime dans le cadre de son initiative de renouvellement du
système de justice pour les jeunes. Toutefois, étant donné que le
projet de loi compte beaucoup sur les collectivités, on peut se
demander si cette somme suffira à répondre aux besoins des
collectivités et des jeunes contrevenants.
Il est vrai qu'il existe d'autres sources de fonds, mais il est moins encourageant de constater que, bien que le renouvellement de la justice pour les adolescents fasse partie de la réponse du gouvernement au rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, le gouvernement ne fait nulle mention des fonds qui seront affectés à ce qui reste sans aucun doute le problème le plus urgent en matière de justice pénale pour les adolescents au Canada: l'incapacité du système à prévenir la surreprésentation des adolescents autochtones et à les aider dans leur réadaptation, leur réinsertion sociale et leur guérison.
Faisons face à la réalité. La collectivité autochtone hors réserve est caractérisée par des problèmes et des défis familiaux et sociaux importants. D'ailleurs, le nombre de nos adolescents qui ont des démêlés avec la justice est un symptôme de ces problèmes. On ne peut nier que, comme le prouvent les statistiques, nos adolescents représentent une bonne part du problème de la criminalité juvénile.
Je tiens à souligner cette partie de ma déclaration, monsieur le président. Si le gouvernement tient sincèrement à inclure et à responsabiliser les collectivités afin qu'elles s'attaquent à leurs problèmes de criminalité juvénile par le biais de la prévention et d'interventions adéquates, le projet de loi doit prévoir explicitement un financement stable et à long terme des programmes de justice communautaire pour les jeunes Autochtones, qu'ils habitent dans une réserve ou hors réserve.
Trop souvent, dans le passé, les Autochtones ont fait l'objet d'expériences politiques douteuses. Nous devons nous assurer qu'on appuiera les collectivités qui accepteront d'assumer les responsabilités que leur confère le projet de loi. Cela signifie accorder des fonds à long terme et donner aux programmes la chance de s'enraciner et de porter fruit. Nous devons nous assurer que nous ne refilons pas nos problèmes à une collectivité qui n'a pas les moyens d'aider l'enfance.
Notre deuxième grande source de préoccupations, c'est que le projet de loi privilégie et officialise le rôle de la police en matière de justice juvénile, surtout en ce qui concerne les mises en garde et les avertissements. En accordant ainsi un rôle accru à la police, on fait fi des relations qui existent entre les Autochtones et la police en général et on présume peut-être un peu trop des capacités de la police.
De plus, étant donné que la police s'occupe déjà de déjudiciarisation—à l'instar de la Couronne et des ministères provinciaux de la Justice—et étant donné la présence des jeunes Autochtones au sein du système, qui tend à prouver qu'ils sont moins susceptibles de profiter de ces mesures, il est peu probable que cet aspect du projet de loi aura une incidence notable sur la représentation des adolescents autochtones dans le système.
Dans l'esprit des Autochtones, conférer un rôle accru à la police en matière de justice pour les adolescents sans régler d'abord la nature problématique de leurs relations avec bien des aspects de l'application de la loi mine les possibilités de succès des mises en garde et des avertissements.
Si, avec le renouvellement de la justice pour les jeunes, on veut véritablement réduire le nombre de jeunes Autochtones qui sont traduits devant les tribunaux et si on est convaincu que les collectivités doivent intervenir auprès des jeunes qui ont des démêlés avec la justice, il serait logique de mettre à contribution les collectivités, et non pas seulement la police, au chapitre des avertissements et des mises en garde. Il serait raisonnable de croire qu'un avertissement ou une mise en garde venant de l'un de nous, de quelqu'un que nous respectons, ébranlera davantage un de nos adolescents perturbés que s'il vient d'un policier représentant un système dont notre peuple a peu bénéficié.
Je passe tout de suite aux recommandations, monsieur le président. Nous en avons formulé quelques-unes.
• 1615
Premièrement, il faut réduire plutôt que rehausser le rôle de
la police dans la déjudiciarisation et prévoir explicitement dans
le projet de loi la participation contre indemnisation de la
collectivité aux mises en garde et aux avertissements.
Deuxièmement, il faut faire en sorte que davantage d'auteurs d'infractions graves puissent profiter de la déjudiciarisation. La déjudiciarisation est déjà offerte aux adolescents ayant commis une infraction sans violence ni gravité. Il faut donner aux collectivités le pouvoir de consacrer leur énergie à ces adolescents ainsi qu'aux jeunes les plus perturbés qui ont véritablement besoin d'aide. Il faut modifier la déclaration de principe figurant à la partie 1 et portant sur les mesures extrajudiciaires afin de refléter cette participation importante des collectivités dans les interventions auprès des jeunes en difficulté. Il faut donner aux collectivités le droit d'assumer la responsabilité de leurs adolescents et de leurs problèmes, et les appuyer dans cette démarche.
Le projet de loi C—3, à bien des égards, semble vouloir nous amener sur cette voie. À vous de faire preuve de vision et de leadership et de prendre les mesures audacieuses qu'il faut pour nous aider, nous, nos enfants et nos familles. Nous sommes très désireux de faire ce cheminement avec vous à titre de partenaires égaux dans l'avenir de nos enfants.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Palmater.
Enfin, je cède la parole à Mme Poitras qui représente le conseil tribal de File Hills Qu'Appelle.
Mme Bev Poitras: Je suis très honorée de m'adresser à votre comité et de lui expliquer le point de vue de notre collectivité sur cette initiative de justice réparatrice qu'est la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. J'aborderai aussi, de temps à autre, la situation des adultes autochtones. Mes remarques se passeront d'explication.
Je fais cette déclaration au nom du conseil tribal de File Hills Qu'Appelle, en Saskatchewan. Le conseil tribal représente 11 Premières nations, mais le programme de justice inclut l'Agence du Conseil tribal Touchwood et comprend les initiatives de justice s'adressant à 16 Premières nations. Le 1er avril, Touchwood administrera son propre programme de justice et nous ne nous occuperons plus alors que de 11 Premières nations.
Chaque collectivité de notre conseil tribal est unique. Il y a des Saulteaux, des Cris, des Nakota, des Lakota, des Dakota et bien d'autres. Le conseil tribal de File Hills Qu'Appelle compte près de 11 000 Indiens inscrits comme membres. Le conseil tribal comprend un conseil jeunesse actif et notre conseil de développement social vient d'adresser un plan d'action pour les enfants qui aborde la pauvreté, l'épanouissement des jeunes et la création de capacités pour les travailleurs communautaires.
Notre initiative de justice, qui fait fi du statut d'Indien, a été conçue par la collectivité et au rythme de la collectivité. Il en est résulté des mécanisme novateurs et créatifs de résolution des problèmes et des conflits. Nous utilisons les cercles de détermination de la peine, la détermination de la peine par la collectivité, les comités de probation, les processus de justice communautaire ou groupes de consultation familiaux, ainsi que la médiation. Les aînés ont reconnu l'efficacité de ces outils, qui ressemblent à ceux dont se servaient nos grands-mères et nos grands-pères, dans la résolution des conflits.
À nos yeux, la justice réparatrice sert à redonner à nos collectivités les compétences, les outils et les pratiques de rétablissement de la paix. Notre seul objectif est de rassembler les intéressés et de rétablir l'équilibre, d'habiliter nos collectivités à régler leurs propres problèmes. La justice réparatrice n'est qu'une autre façon de voir le crime et de traiter les contrevenants.
En général, les Canadiens voient le crime comme une infraction contre l'État; lorsque la loi est violée, il incombe à l'État de s'occuper du contrevenant. Selon le modèle de la justice réparatrice, le crime est un acte qui porte atteinte aux relations entre les personnes et touche directement et indirectement les membres de la collectivité plutôt que le gouvernement. La véritable justice réparatrice met à contribution, dans la résolution du conflit, les trois parties intéressées: la victime, le contrevenant et la collectivité.
Dans un environnement sûr, ceux qui ont été lésés et ceux qui les ont lésés sont le mieux en mesure de trouver les solutions; ils constituent véritablement une collectivité. Dans l'initiative de notre conseil tribal, la formation de comités de justice communautaire est l'une des priorités et permet à la collectivité de s'approprier son système de justice. Les collectivités disposent de l'aide de conseillers formés comme médiateurs, comme animateurs de tribunes de justice communautaire, comme animateurs de cercles de détermination de la peine et comme coordonnateurs de justice communautaire. Ils collaborent étroitement avec les aînés des collectivités respectives dans la prestation des services aux Premières nations et à leurs membres.
Ce sont souvent les aînés qui nous dirigent à la section de justice réparatrice de notre conseil tribal. Ils sont devenus nos guides dans la guérison de notre peuple. Les aînés spirituels nous aident à prier et à renforcer notre esprit. L'expérience de vie des aînés fait d'eux des modèles dont nous voulons nous faire les émules.
• 1620
Nombreux sont les aînés qui exercent une influence directe ou
indirecte sur les processus de justice que nous avons créés dans
les collectivités. Les aînés participent aux cercles et considèrent
que tous les cercles mènent à la guérison. Ils s'enquièrent
régulièrement des adolescents qu'ils ont rencontrés, conseillés ou
aidés et créent des cercles informels de soutien pour nos jeunes.
Au cours des trois dernières années, notre section de justice réparatrice a mis l'accent sur la sensibilisation des tribunaux et du système de justice traditionnelle aux ressources dont nous disposons, nous, les Premières nations—les aînés, notre personnel et nos instituts. C'était tout un défi, mais nous avons commencé à établir des partenariats pour mener à bien le changement paradigmatique vers la justice non pas punitive mais bien réparatrice. Il y a bien des gens au sein du système de justice traditionnelle qui constatent que ce système n'aide pas les jeunes Autochtones. Les juges nous demandent ce qu'ils peuvent faire, comment ils peuvent nous aider à régler nos problèmes.
Nous demandons la possibilité de nous réapproprier nos structures familiales, nos valeurs sociales et nos pratiques. Le choc des cultures, l'afflux de nouvelles idées et technologies, la perte de l'amour propre et de toute orientation culturelle influent sur les comportements violents et négatifs dans nos collectivités. Nous pouvons vous parler du racisme qui prévaut dans les établissements pour les jeunes, de l'absence d'information culturelle dans les établissements pour les jeunes et du racisme de la police. Nous pouvons vous parler d'incidents qui se sont produits à Saskatoon, en Saskatchewan, où quatre policiers font l'objet d'enquêtes par suite d'allégations de racisme.
Nos collectivités font face à de nombreux changements. Les réserves évoluent rapidement et doivent s'acquitter de la tâche monumentale que représente la guérison des blessures qu'a entraînées la perte de notre liberté, de nos terres et de notre droit à l'autodétermination. C'est une entreprise considérable pour notre section de la justice réparatrice, car bien des crimes qui sont commis peuvent être attribués directement ou indirectement aux atrocités qui ont été perpétrées au nom de la «civilisation» des Premières nations.
La situation économique de notre peuple, les pensionnats, le manque de logements convenables, les sévices, la malnutrition et une mauvaise éducation des enfants contribuent au comportement négatif dont nous sommes témoins dans nos collectivités. Le recensement de 1996 et les données sur les peuples autochtones de mai 1998 indiquaient que 72 p. 100 des adolescents sous garde en Saskatchewan étaient Autochtones. De plus, les contrevenants autochtones sont généralement plus jeunes.
Un aîné nous a racontés cette histoire pendant un entretien d'un groupe de consultation. Vous ramassez une pierre dans une rivière au courant rapide. Vous la nettoyez, vous la brossez, vous la polissez. Vous la chérissez et elle devient belle. Elle scintille et reflète la lumière. Puis, vous la relancez au fond de la rivière où elle s'enfonce dans le limon et la boue. C'est ce que nous faisons avec nos adolescents. Nous les retirons de leur foyer pour les placer dans un centre ou une famille d'accueil. Nous travaillons avec eux, nous les aidons, nous donnons un sens à leur vie, puis, nous les renvoyons dans la boue de leur ancien milieu.
Si nous voulons nous occuper des jeunes, nous devons travailler avec toute la famille, et non pas les isoler de leur collectivité et de leurs parents substituts. La devise de la communauté des Premières nations est qu'il faut compter sur toute la communauté pour élever un enfant. Aidez-nous à offrir ces possibilités dans nos communautés, ne les isolez pas en imposant des peines de prison, en créant des installations, des centres ou des camps pour les jeunes. Nous nous séparons de nos jeunes et nous ne nous occupons pas du problème qui se pose. Tous les principes disciplinaires préconisés dans les écoles, les églises et l'ensemble de la société consistent à isoler le problème, mais il nous revient constamment.
Nous devons commencer par guérir la famille, pas simplement l'individu. Les données sur les peuples autochtones de mai 1998 révélaient aussi que le taux de crimes violents dans les réserves est d'environ cinq fois supérieur au taux provincial en Saskatchewan. Nos jeunes vivent donc ce climat et c'est ce qu'ils apprennent. Nous avons besoin de ressources directement dans nos communautés des Premières nations pour traiter de ces problèmes profondément enracinés.
À une certaine époque, nos communautés recouraient à la honte comme instrument de réinsertion mais non pas de stigmatisation pour inciter nos membres à se comporter de façon acceptable. Cette méthode a une grande influence dans nos communautés. Nous aimerions la conserver au moyen de conférences destinées à des groupes familiaux ou de mécanismes de justice communautaire pour tous les jeunes qui contreviennent à la loi.
Les statistiques sur les jeunes délinquants font état du recours à des mesures extrajudiciaires, et je demande que tous les jeunes qui enfreignent la loi soient admissibles à ces mécanismes de justice communautaire. J'en ai moi-même dirigés et j'ai pu voir les résultats qu'on obtient quand la communauté s'engage pour contribuer au bien-être des jeunes.
Je peux citer l'exemple d'une jeune fille qui avait volé une voiture dans une localité voisine. Avant le début des travaux du mécanisme, la jeune fille s'est enfuie de l'endroit où cela se passait et il a fallu la rassurer et lui dire qu'elle serait à l'abri au sein du cercle. La victime était présente à ce mécanisme et a déclaré qu'elle voulait savoir pourquoi la jeune fille avait volé sa voiture. La jeune fille ne savait pas pourquoi elle avait volé la voiture—elle a simplement dit qu'elle était là.
• 1625
La jeune fille estimait que personne n'avait été lésé, jusqu'à
l'étape de l'entente, quand la victime a dit qu'elle ne voulait
aucune indemnisation pour la perte des articles qui se trouvaient
dans sa voiture, mais qu'elle demandait des excuses. Le groupe
communautaire se trouvait à l'intérieur de ce cercle et a estimé
que ce n'était pas suffisant. Il a dit que la jeune fille devait
participer à des ateliers locaux et à des ateliers de croissance
personnelle au bureau de la bande. On voit ainsi que l'entente ne
concerne pas que la victime, mais la communauté également.
Autre exemple encore, un tout petit garçon, de 11 ans, avait renversé une grosse pierre tombale dans le cimetière du voisinage. Il était profondément affecté par ce qu'il avait fait et sa mère raconta qu'il avait des cauchemars à propos de cet incident. Sa mère a aussi dit au début du mécanisme que le garçon niait avoir renversé la pierre et disait que ce n'était pas sa famille.
À l'intérieur du cercle, l'aîné a demandé au garçon s'il avait renversé la pierre tombale et il a répondu que oui. La mère était étonnée de son aveu. Souvent, les parents ne connaissent pas toute l'histoire, ou encore le jeune nie avoir agi de la sorte. Grâce à la puissance d'un cercle, le jeune se sent libre de raconter ce qui lui est arrivé, parfois au grand étonnement de ses parents. Dans ce même mécanisme, l'agent chargé de l'enquête ressentait de l'empathie pour le garçon et a même entrepris de le parrainer. Il a demandé au jeune de s'adresser à lui s'il avait la moindre difficulté. Le jeune s'est détendu et a accepté volontiers cette entente.
Dans un autre mécanisme, trois jeunes filles avaient pris des journaux et du courrier dans un casier postal. Elles les ont jetés dans une poubelle au bureau de poste. L'entente prévoyait des excuses personnelles auprès du directeur des postes et des excuses auprès de la communauté des Premières nations parce que ce comportement concernait toute la bande—voilà une véritable mesure de réparation.
Au cours d'une de nos séances de formation, nous avons tenu un mécanisme collectif. C'était un atelier où des adultes participaient à un jeu de rôles portant sur un vol de voiture par un jeune. Sans que nous le sachions, l'accusé était un homme qui venait d'être tout récemment libéré de prison, et la victime quant à elle s'était fait voler sa voiture l'année d'avant. Le mécanisme a pris une tournure inattendue quand celui qui jouait le rôle de l'accusé a fondu en larmes et dit: «Si j'avais vécu cela à 17 ans, quand j'ai volé une première voiture, je n'aurais plus jamais volé». Il peut être très satisfaisant pour les familles de rencontrer les victimes dans un milieu sans risque dans le cadre d'un mécanisme qui permet d'en arriver à une entente de réparation.
Tous les jeunes, peu importe les délits qu'ils aient pu commettre, devraient avoir l'occasion de mesurer l'effet de leur geste sur les autres—la famille qui prend soin d'eux, leurs amis, leur entourage, leur communauté, de même que sur les victimes. Nous ne rendons pas service aux jeunes si nous ne leur faisons pas comprendre les conséquences de leurs actions et ne leur montrons pas les effets qu'elles ont sur leur famille et leur communauté. De nombreux jeunes, au début du mécanisme, estiment n'avoir causé de tort qu'à eux-mêmes et aux victimes. Au mécanisme, ils arrivent à comprendre que leurs parents, leur famille et leur communauté ont également été touchés. C'est un mécanisme puissant qui change les comportements. À Sydney, en Australie, on recourt maintenant à ces mécanismes dans le cas de meurtre commis par un jeune.
Dans le système juridique actuel, le jeune comparaît devant des juges non autochtones dans un milieu étranger où il ne prend pas conscience des effets de ses actions et n'a pas l'occasion d'approfondir sa réflexion. En Saskatchewan, l'incarcération n'est pas une solution mais bien un problème. Les problèmes de bandes de jeunes que l'on constate dans nos établissements pour jeunes sont bien connus. Les jeunes entrent dans ces établissements, qu'on qualifie «d'écoles secondaires du crime», et ils sont recrutés par des bandes de délinquants.
Nos anciens disent entre autres choses: «Nuire nuit». Nous devons non pas nuire davantage à notre peuple, mais nous efforcer d'apporter un réconfort à ceux dont la vie a été touchée. Une personne qui se comporte mal n'est pas une mauvaise personne mais un esprit abîmé. Un esprit abîmé est une partie manquante d'un tout et cela se répercute sur le comportement. L'équilibre est perdu. Une personne doit être équilibrée spirituellement, mentalement, physiquement et émotivement. C'est ainsi que les Premières nations conçoivent l'individu qui a commis un geste répréhensible au sein de sa communauté. Pour redresser les torts, nous devons repérer ce déséquilibre et trouver la solution pour réparer cet esprit abîmé.
Nos bandes étaient indépendantes et autosuffisantes et nous avions des moyens pour faire face au comportement répréhensible d'un membre de la communauté...
Le président: Madame Poitras, pouvez-vous nous dire si vous avez encore une longue déclaration à faire afin que je puisse...
Mme Bev Poitras: J'en suis à la dernière page.
Le président: D'accord, merci.
Mme Bev Poitras: Un bon nombre de nos méthodes reposaient sur l'utilisation du cercle, du calumet et de la communauté en tant que ressources pour traiter les problèmes. Les leaders communautaires offraient un processus pour s'occuper du conflit et la communauté fournissait des ressources. La victime était essentielle au règlement du problème, et les délinquants s'exprimaient sur l'infraction commise et exécutaient la peine communautaire.
Il existait une tradition selon laquelle l'individu pris en faute comparaissait devant les conseils d'aînés composés d'hommes et de femmes, du chef et des conseillers de celui-ci. La famille de l'individu assistait à la comparution, mais s'assoyait en tournant le dos au délinquant. On signifiait ainsi à ce dernier que sa famille accepterait les décisions du conseil—quand elle était assise et tournait le dos au conseil et au contrevenant—et par ailleurs la présence de la famille constituait un appui.
• 1630
Un bon nombre de ces processus sont enracinés dans nos
communautés, et nous ne faisons que recommencer à les employer. Nos
aînés nous ont conseillé ceci: Prenez d'autrui toutes les bonnes
idées et jetez les mauvaises. Il en est de même de nos propres
communautés. Nous devons nous efforcer de conserver ce qu'il y a de
bon et de rejeter ce qui est mauvais.
Merci.
Le président: Merci à tous pour vos déclarations.
Je donne maintenant la parole à M. Cadman, du Parti réformiste, pour sept minutes.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus comparaître aujourd'hui.
J'ai entendu diverses choses au sujet de l'inclusion d'une mesure similaire à l'alinéa 718.2e) et j'ai entendu bien des choses au sujet de la justice réparatrice, et il me semble que nous pouvons tous nous entendre pour dire que c'est certainement une voie à envisager. Je me demande s'il y a d'autres dispositions du projet de loi, certains passages dont vous pourriez nous parler.
Nous avons entendu beaucoup de témoignages sur les infractions désignées, la façon de traiter les infractions graves commises avec ou sans violence—il y a beaucoup de confusion à ce propos—et aussi au sujet de la complexité de la loi même. Je me demande si vous souhaitez nous en parler.
M. Jonathan Rudin: Oui, certainement. Merci de m'en donner l'occasion. Nous n'avions pas pu le faire dans les 10 minutes qui nous avaient été accordées.
Il y a de nombreuses dispositions qui nous préoccupent. Tout d'abord—et il en a été question, je pense, dans l'exposé du Congrès des peuples autochtones—la question des mesures extrajudiciaires de l'article 4 est très restrictive en ce qui concerne la possibilité d'accès à des mesures extrajudiciaires. Tout d'abord, la disposition établit une distinction nette entre les infractions violentes et non violentes. Une des difficultés que présente la justice réparatrice, c'est—et c'est bien ce dont Bev parlait—que quand on envisage des approches de justice réparatrice, on tient compte de l'individu. On se préoccupe non pas de ce qu'il a fait, mais de qui il est.
Une approche comme celle-là qui porte exclusivement sur l'infraction établit une distinction non naturelle—et à notre avis une distinction très dangereuse—parce qu'elle perpétue cette idée que si l'on commet une infraction non violente, on sera traité de façon plus compréhensive, mais si l'on commet une infraction avec violence, on sera traité avec toute la sévérité du système. Et cela veut dire qu'on vous mettra en prison. C'est une distinction que nous n'avons jamais faite dans aucun de nos programmes de justice réparatrice, et nous avons connu de grandes réussites.
Mais notre réussite tient au fait que nous nous concentrons sur l'individu. Je pense effectivement que l'article 4 perpétue une grave erreur dans la façon d'envisager les mesures extrajudiciaires.
Je sais que Marian voudrait parler de quelques autres dispositions.
Mme Marian Jacko: L'autre aspect préoccupant, c'est l'effet que pourrait avoir l'article 27 et l'obligation pour les parents d'assister aux délibérations.
Plus particulièrement, on craint que certains parents soient dans l'impossibilité d'être présents, pour une raison ou une autre. On craint la sanction qui pourrait être imposée aux parents qui ne peuvent pas se présenter au tribunal. Le paragraphe 27(4) expose les sanctions prévues; les parents pourraient être reconnus coupables d'outrage au tribunal, faire l'objet d'une procédure sommaire devant le tribunal ou être passibles de la peine prévue au Code criminel en matière de déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Je pense que cela ne fera qu'ajouter aux difficultés que connaissent les familles et cela ne fera qu'envenimer la situation au lieu de l'améliorer.
Au lieu de cela, il me semble que les familles et les communautés doivent être encouragées à participer à la conception, à l'élaboration et à l'exécution de programmes et de services pour les jeunes Autochtones. On permettra ainsi non seulement aux familles et aux communautés d'agir de façon responsable, mais on leur offrira aussi la possibilité de disposer de services et de ressources culturellement adaptés.
Le président: Y a-t-il quelqu'un d'autre parmi les témoins qui souhaite répondre à la question de M. Cadman?
Monsieur Cadman.
M. Chuck Cadman: Je m'adresse aux représentants d'Atoskata, à la page 3—peut-être ai-je mal compris—mais il y a un tableau où je vois des données concernant le nombre de candidats au programme mais le nombre de ceux qui ont effectivement terminé le programme semble assez faible. Par exemple, du 1er avril 1998 au 31 mars 1999, 89 candidats étaient inscrits au programme et 10 l'ont terminé. Est-ce que je comprends bien? Cela me semble assez peu. Si c'est le cas, pouvez-vous m'expliquer pourquoi si peu de candidats ont terminé le programme?
M. Daryl Beadnell: C'est à cause du temps qu'il faut aux jeunes pour terminer le programme.
M. Chuck Cadman: D'accord.
M. Daryl Beadnell: Parfois, les ordonnances de dédommagement qui leur sont imposées sont assez lourdes, et il leur faut parfois d'un an à deux ans pour terminer le programme, selon leur taux d'assiduité. Je ne...
M. Chuck Cadman: Je n'essaie pas de vous mettre sur la sellette.
M. Daryl Beadnell: Non, non...
M. Chuck Cadman: J'essaie simplement de comprendre ce que signifient ces choses.
M. Daryl Beadnell: Oui, essentiellement c'est le temps qu'il leur faut pour terminer le programme; c'est pourquoi le nombre est si peu élevé pour l'instant.
À l'époque, il n'y avait qu'un administrateur et il travaillait avec six jeunes, soit le maximum dont il pouvait s'occuper simultanément. Depuis l'extension de cette année, le taux augmentera probablement un peu, parce que nous aurons deux employés de plus pour superviser un total de 30 jeunes.
M. Chuck Cadman: Est-ce qu'il me reste une autre minute, monsieur le président?
Le président: Oui, il vous en reste une.
M. Chuck Cadman: Je m'adresse aux représentants du Congrès des peuples autochtones. Je parle de votre observation à la page 10 de votre mémoire où il est question de «réduire plutôt que d'accroître le rôle de la police en matière de déjudiciarisation», et plus particulièrement de l'observation concernant la communauté, «s'occuper des avertissements et des mises en garde, et les indemniser pour le faire». Comment proposez-vous de mettre en place ce mécanisme?
Actuellement, ce qui se passe, c'est que quand la police prend un jeune en flagrant délit, elle procède à une mise en garde. Comment proposez-vous de faire si vous voulez faire participer les membres de la communauté et les indemniser pour cela?
M. Frank Palmater: Malheureusement, nous n'avons pas eu l'occasion de faire participer les membres de la communauté de cette manière. C'est le Congrès des peuples autochtones qui propose de les faire participer. À quel niveau, quel type de financement devrait être en place, et comment la communauté pourra-t-elle régler cette question, voilà des choses que nous devons encore discuter avec la communauté. J'hésiterais un peu en tant que leader politique à m'aventurer et à dire que c'est ainsi qu'il faut procéder, sans avoir effectivement discuté de la question avec la communauté.
M. Chuck Cadman: Ce que je crains, c'est que normalement la mise en garde se fait quand quelqu'un est appréhendé en train de faire quelque chose; alors, est-ce que cela veut dire que si un policier prend un jeune, il lui faut l'incarcérer et appeler quelqu'un pour lui dire qu'il y a ici un jeune à qui l'on veut servir une mise en garde, et que quelqu'un doit venir pour le faire...? J'essaie simplement de comprendre comment tout cela fonctionnerait.
M. Frank Palmater: Au fond, le principe que vous énoncez est juste, mais quand à savoir comment... Étant donné les différences qu'il y a au sein de notre peuple d'un bout à l'autre du pays, ce processus sera nécessairement différent selon l'endroit où cette situation se présentera entre le policier et le jeune en difficulté; ce ne sera pas partout pareil. Une communauté peut décider, de concert avec une organisation policière, le policier, ou le système de justice criminelle, selon ce qui est en place, d'agir différemment des autres. Nous aimerions avoir la capacité de nous adresser à la communauté et de lui demander comment elle souhaiterait qu'on traite le problème plutôt que de la mettre devant un exemple figé, bien concret et défini en disant, c'est ainsi que cela se fait. Cela peut ne pas être approprié pour cette communauté.
Le président: Merci, monsieur Palmater.
Merci, monsieur Cadman.
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Merci.
Vous aurez besoin d'un écouteur pour l'interprétation, car je vais parler français.
[Français]
D'abord, au nom du Bloc québécois, j'aimerais vous dire que nous avons beaucoup apprécié votre présentation, puisque nous semblons appuyer la même prémisse. Je ne vous interrogerai pas au sujet d'une disposition précise du projet de loi, mais plutôt au sujet de sa philosophie générale.
Nous, au Québec, avons toujours cru qu'il était beaucoup plus important de réhabiliter les gens et de les réinsérer dans la société que de les incarcérer. Je crois profondément à cette philosophie. Nous ne croyons pas que ce soit une solution que d'envoyer en prison un enfant ou un jeune de 18 ans qui a causé des problèmes à la société, parce que cela équivaut à l'envoyer à l'école du crime et que cela ne contribuera qu'à l'inciter à commettre d'autres crimes. Vous comprendrez donc pourquoi nous nous opposons fortement à ce projet de loi.
Je voulais aussi vous dire que je suis sensibilisé aux autochtones qui vivent hors réserve. Lorsque j'étais allé à Toronto, il y a quatre ans, j'avais rencontré le chef de police, qui m'avait informé du fait que la moitié des autochtones de l'Ontario vivent à Toronto. Je crains donc que ces autochtones ne fassent face à un problème majeur. Je suis de ceux qui croient que les cercles de guérison et les cercles de sentence sont importants. Au Québec, avant de rendre une décision, certains juges se rendent dans des communautés isolées afin de les consulter. Il arrive souvent que leur jugement corresponde à celui de la communauté parce qu'ils ont compris qu'il serait injuste d'amener un jeune de 16 ans à 1 000 kilomètres de chez lui et de l'envoyer à l'école du crime parce qu'il serait complètement déraciné de sa tradition et de sa culture, et qu'on ne réussira pas à régler le problème de cette façon.
• 1640
Dans certaines réserves, on a les
installations nécessaires et on peut compter sur
l'appui de la communauté. Cependant, comment un jeune
qui est arrêté dans une ville comme Toronto ou
Winnipeg peut-il bénéficier de l'appui d'un cercle de
guérison? Comment peut-on convaincre les
magistrats qui administrent la justice
d'écouter la communauté avant de rendre une sentence?
Les centres
d'amitié autochtones n'auraient-ils pas un rôle
à jouer afin qu'on puisse rendre justice à ces
jeunes-là en les réhabilitant et non en les
incarcérant?
[Traduction]
M. Jonathan Rudin: Nous, en Ontario, nous assurons le fonctionnement du conseil communautaire, qui est un programme de déjudiciarisation pour adultes, depuis 1992. C'est précisément sur cette question que nous travaillons.
Il est important de comprendre que la plupart des gens qui participent à notre programme sont séparés de la communauté autochtone. En fait, c'est une chose que les gens ne savent pas toujours. Quand la Commission royale sur les peuples autochtones s'est rendue au pénitencier de la Saskatchewan à Prince Albert et au pénitencier de Stony Mountain au Manitoba, on a demandé à la fraternité autochtone de là-bas combien d'entre eux avaient été adoptés ou pris en charge. Tous ont levé la main.
Un des grands indicateurs prévisionnels de la criminalité autochtone, c'est la séparation de la communauté autochtone. Vous avez tout à fait raison: à Toronto, il y a de nombreuses personnes qui sont Autochtones et qui n'ont pas la moindre idée de ce que cela peut signifier de positif.
L'un des buts de notre programme du conseil communautaire n'est pas de «réinsérer» des gens dans la communauté autochtone, puisqu'ils n'y ont jamais été, mais d'«insérer» ces gens dans la communauté. Nous prenons les délinquants, en l'occurrence les adultes—et nous le ferons avec des jeunes—et nous les faisons rencontrer des membres de la communauté autochtone qui siègent en tant que membres du conseil communautaire.
L'un des moments les plus bouleversants et les plus tristes que j'ai connus au cours d'une audience d'un conseil communautaire s'est produit quand un jeune Autochtone a dit qu'il ne s'était jamais trouvé dans une pièce avec trois Autochtones sobres. Ce n'est pas parce que c'est si rare; c'est parce que c'est ce qu'il avait appris. On lui avait appris que c'était cela les Autochtones. C'est ce que ses parents adoptifs lui avaient dit, et quand il est venu à Toronto il n'y a vu que des gens dans la rue. Voir que des Autochtones peuvent bien vivre en ville, respecter leurs traditions, cela devient très important.
Ce que nous tentons de faire, c'est d'orienter les gens vers des programmes et des services autochtones qui leur sont accessibles et les encourager à poursuivre ce voyage de guérison qu'ils ont entrepris. Je sais que des gens se disent, eh bien, ce doit être difficile dans une région urbaine parce qu'il n'y a pas de liens entre les gens, mais en réalité ce que nous faisons c'est mettre les gens en contact. C'est le but du projet.
J'aimerais aussi parler de quelque chose que vous avez dit au début au sujet de l'importance de la réadaptation. C'est très important. Nous convions à notre programme des gens qui ont déjà été reconnus coupables à 20 ou à 30 reprises. Quand nous nous adressons au procureur de la Couronne—parce que la Couronne doit donner son autorisation pour qu'on soit admis au programme—et qu'on nous dit: «Eh bien, dites-nous pourquoi nous devrions vous laisser vous occuper de cette personne, elle a déjà 17 délits à son actif», nous répondons: «Vous vous en êtes occupés à 17 reprises et vous n'avez pu changer son comportement. Donnez-nous une chance.»
Nous avons constaté que nous avons pu accomplir de grandes choses en renonçant aux mesures coercitives et en nous concentrant sur certaines des choses dont Bev et Daryl ont parlé: s'efforcer de donner aux gens le sens de la responsabilité pour leurs actions, les rendre responsables de ce qu'ils font, les aider à devenir responsables de leur guérison, et les aider à voir comment ils peuvent s'engager dans ces activités. Malheureusement, dans le cas d'un bon nombre de ceux qui participent à nos programmes, jamais personne ne leur avait renvoyé une image positive de qui ils étaient. Ils sont tellement habitués à n'entendre que des choses négatives.
Dans les zones urbaines, les programmes de justice alternative ont de grandes chances de réussir et de prospérer.
Le président: Merci beaucoup.
Je pense que Mme Poitras souhaite aussi répondre.
Mme Bev Poitras: Je voulais simplement dire qu'à Prince Albert on vient tout juste de construire un nouveau palais de justice, et qu'à l'intérieur il y a une salle pour les cercles de détermination de la peine à laquelle les juges ont accès; c'est à l'intérieur même de l'immeuble. Ce n'est pas une chose impossible en milieu urbain. À Regina, nous avons le programme RAMP, et je pense qu'on y traite chaque année 1 600 cas par des mesures de justice alternative. Il n'est donc pas impossible de mettre en place une communauté de garde à l'intérieur d'une zone urbaine et de travailler pour que nos juges comprennent ce qu'il en est.
Le président: Merci beaucoup.
Peter MacKay.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être venus. Vous apportez une perspective unique et importante dans nos délibérations.
Je tiens tout d'abord à dire que la rédaction de ce nouveau projet de loi est une tâche très importante. Je pense que tous autour de la table poursuivent le même objectif, et nous sommes d'accord pour dire que la communauté autochtone a déjà beaucoup apporté au système de justice eu égard à cette mesure législative dont nous sommes saisis, notamment un mouvement vers la justice réparatrice et un recours accru aux cercles de détermination de la peine et à des mesures alternatives de ce genre.
Veuillez m'excuser de ne pas avoir été là pour la totalité des exposés.
J'aimerais que nous parlions de quelques-unes des observations qui ont été faites et de l'information contenue dans votre mémoire. Pour ce qui est de ces modèles de justice réparatrice, des cercles de détermination de la peine en particulier, envisagez-vous ou pouvez-vous envisager un système qui conjuguerait d'une part les mesures de justice traditionnelle pour la détermination des peines à purger et d'autre part les mesures plus acceptables que vous proposez? Je pose la question parce que je réagis à la proposition qui a été faite selon laquelle nous devrions élargir le modèle pour inclure les infractions violentes et les infractions graves commises avec violence. Il a été fait mention d'un cas de meurtre où il y a eu déjudiciarisation.
Je suis particulièrement préoccupé par la participation de la victime. Dans bien des cas où il y a eu dommage corporel et préjudice à l'encontre du bien-être d'une personne, je crains fort que la plupart des victimes, il me semble, dans ces circonstances voudraient se tenir à l'écart. Elles ne voudraient pas participer. Je comprends que la communauté peut se substituer à victime.
De la même manière, compte tenu des exemples donnés par Mme Poitras, il me semble, en ce qui concerne les excuses, je pense que c'est extrêmement important. La restitution, toutefois, est aussi très importante dans le cas d'un individu qui a perdu quelque chose qui signifiait vraiment beaucoup pour lui. Ce n'était peut-être pas nécessairement quelque chose d'une grande valeur monétaire, mais quelque chose qui signifiait beaucoup pour lui.
Je vois donc dans ces modèles une tentative de replacer la personne dans la situation qui existait avant l'infraction, ce qui est une noble cause mais qui est parfois impossible quand il est question de l'intégrité physique de quelqu'un.
Dernière question toujours dans cet esprit, le concept de mortification, qui fait vraiment partie de l'approche prise par les peuples autochtones, constitue l'un des éléments de cette mesure législative qui fait l'objet de beaucoup de controverses parce qu'il est question d'identifier la personne et de divulguer son nom. Certains ont dit au comité que nous ne devrions jamais faire cela. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. J'ai tendance à penser que votre approche d'identification est importante, que les gens doivent savoir ce que la personne a fait pour qu'il puisse y avoir guérison communautaire holistique et qu'il ne faut épargner personne de la responsabilité de ses actes.
Je reconnais que c'est une longue question.
Le président: Nous sommes assez habitués aux questions de M. MacKay. Veuillez répondre, monsieur Palmater.
M. Peter MacKay: C'est pourquoi on essaie de limiter le temps de parole qu'on nous accorde.
M. Daryl Beadnell: J'aimerais répondre à cette question. À mon avis, en communiquant le nom de l'adolescent, c'est un peu comme si on créait un précédent dans la communauté, non pas simplement pour le jeune mais aussi pour la famille. On comprendra alors en quoi consiste la famille. On pourrait ridiculiser les parents. À l'école, on pourrait traiter le jeune comme un paria. Je pense que ce ne serait que nocif pour le jeune, la famille, et même la communauté.
Le président: Quelqu'un d'autre souhaite-t-il se prononcer? Madame Dickson-Gilmore.
Mme Jane Dickson-Gilmore: Merci.
Très brièvement, pour faire suite à ce qu'a dit M. Beadnell, je pense que nous devons nous montrer très prudents quand il est question de désigner des gens comme criminels. Bien que les victimes et la communauté aient certainement des droits dont il faut tenir compte, nous devons aussi comprendre qu'en raison de la stigmatisation qu'implique pour un jeune le fait de porter une étiquette aussi lourde que celle de criminel, cela peut grandement nuire à sa capacité de bien se réinsérer dans sa propre communauté et d'autres communautés, et nous devons pour cette raison nous montrer très prudents.
• 1650
J'aimerais également aborder certaines des préoccupations dont
a fait état M. MacKay en ce qui a trait aux conseils de
détermination de la peine. J'ai longuement étudié ce domaine et
j'aimerais faire une mise à ce sujet: en effet, nous ne disposons
pas encore d'évaluations adéquates de ces conseils. Nous ne savons
pas vraiment ce qu'ils font, et nous ne comprenons pas tout à fait
l'impact qu'ils ont. Je sais que certains de nous chercheurs qui
étudions la justice autochtone et la justice réparatrice avons
tendance à hésiter à appuyer avec trop d'enthousiasme les conseils
de détermination de la peine.
Je crois qu'avec les conseils de détermination de la peine, les victimes, tout particulièrement lorsqu'il y a eu crime avec violence comme des cas de violence conjugale, ont eu de très mauvaises expériences, il ne faudrait pas l'oublier. En fait, nombre d'entre nous en sommes conscients et c'est pourquoi nous cherchons à améliorer la situation.
Je crois cependant qu'avant d'accepter toutes ces mises en garde en ce qui a trait aux conseils de détermination de la peine, il faut nous rappeler qu'il s'agit là d'un projet qui est appuyé à la fois par le gouvernement et par nombre de communautés; il faut donc respecter cette décision.
Nous devons également nous assurer de ne pas trop nous attarder sur les crimes avec violence en ce qui a trait à l'accès aux conseils de détermination de la peine pour les jeunes contrevenants, parce que les chiffres démontrent que les crimes graves avec violence ne représentent que 0,1 p. 100 de tous les délits dont sont accusés les jeunes contrevenants. Il ne faut donc pas créer un système fondé sur le pourcentage le plus faible des contrevenants, les plus violents, quant en fait il y a beaucoup de jeunes qui devraient pouvoir trouver une solution à leurs conflits et à leurs problèmes dans un contexte moins violent et moins strict.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Rudin.
M. Jonathan Rudin: J'aimerais parler brièvement de ces trois questions.
La notion de l'humiliation dans les communautés autochtones est souvent ce qu'on appelle l'humiliation de réintégration. Il s'agit d'une humiliation qui est caractérisée par un processus; en effet, vous êtes humilié, mais vous êtes par la suite chaleureusement accueilli lorsque tout cela est terminé. Ce processus n'est pas une fin en soi.
Je crois, comme Daryl l'a signalé, que le problème avec la publication des noms est qu'il s'agit là d'un processus à sens unique. En effet, le nom est publié, la réputation est faite, mais aucune des autres activités n'a lieu au sein de la communauté.
Je répéterai donc ce qui a déjà été dit. Je crois qu'il faut se garder de croire que le fait de nommer quelqu'un aura un impact positif dans le processus d'humiliation. On identifiera ces personnes, certes, mais cela n'aura pas nécessairement une incidence positive.
M. Peter MacKay: J'aimerais parler plus longuement de la question. Il s'agit donc d'humiliation, mais dans un contexte bien restreint. C'est une humiliation bien directe.
M. Jonathan Rudin: L'humiliation fait partie d'un processus. Le fait de rendre un nom public pour que cette personne soit gênée ne fait pas partie d'un processus, ce n'est pas ce que représente le processus d'humiliation.
Je laisserai Jane vous en dire plus long.
Mme Jane Dickson-Gilmore: Peut-être puis-je vous aider. L'humiliation de réintégration est l'aspect central du dialogue de la justice réparatrice. Cette humiliation de réintégration se déroule comme suit: vous dites à quelqu'un, ce que tu as fait n'était pas bien; tu as fait mal à cette personne, la victime, tu as nui à la communauté, parce que nous partageons l'humiliation et la douleur que tu as causées. Mais tu sais, nous sommes quand même prêts à t'accueillir chez nous, nous sommes prêts à dire que tu es un des nôtres. Mais pour qu'on puisse le faire, tu dois accepter la responsabilité de ce que tu as fait, et tu devras faire quelque chose pour réparer ces torts, pour rétablir l'équilibre entre nous.
Donc, on ne pardonne pas au jeune tout ce qu'il a fait. Ce qu'on lui dit, c'est qu'il a fait quelque chose de mal et qu'il devrait avoir honte—et dans la plupart des cas ils ont honte—mais qu'on peut quand même aller de l'avant. Nous acceptons l'humiliation, puis nous essayons de nous en servir d'une façon positive pour essayer de rétablir l'équilibre entre tous les membres de la collectivité.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passerons maintenant à M. Grose qui dispose de sept minutes.
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.
Avec ma diplomatie habituelle, je vais vous poser une question très directe: combien de membres du panel, s'il en est, ne sont pas autochtones? Deux. Merci beaucoup. En fait, je vous félicite, parce que si je le pouvais je me joindrais à vous.
Je suis absolument renversé de constater le nombre d'Autochtones, tout particulièrement de jeunes Autochtones, qui sont dans nos prisons. J'ai visité les pénitenciers partout au Canada, tout particulièrement dans les Maritimes et dans l'Ouest; j'ai peine à accepter les chiffres.
J'aimerais vous donner ce qui reste de mes sept minutes. Madame Poitras, j'espère que j'ai bien prononcé votre nom. Vous avez le même prénom que ma femme, qui trouve que ma prononciation du français est absolument abominable. De toute façon, vous avez parlé des raisons. Mais j'aimerais que les autres témoins, si vous voulez bien, profitent de mon temps de parole pour me dire pourquoi, pourquoi, pourquoi tant d'Autochtones ont des problèmes avec la loi. Je sais que j'ai entendu parler de racisme et de tout ce genre de choses, mais si on respecte la loi et si on se comporte comme il faut, on n'a pas de problème avec la loi. C'est ce que je pense, c'est mon point de vue à moi qui ai ait vécu dans le sud de l'Ontario. S'il vous plaît, éclairez-moi.
Le président: Monsieur Palmater.
M. Frank Palmater: Merci beaucoup, monsieur le président, monsieur Grose.
Malheureusement, la principale raison, à notre avis, est la discrimination. C'est un terme peu agréable à entendre, mais le fait demeure que la discrimination existe.
M. Ivan Grose: C'est ce que je voulais savoir.
M. Frank Palmater: Et je ne dis pas discrimination parce que celui qui prend la décision est blanc et que les nôtres ont la peau foncée. Il s'agit de la discrimination systémique. Par exemple, le système même dans lequel vivent les nôtres fait preuve de discrimination à leur égard. Il ne nous permet pas d'évoluer au même rythme que quelqu'un qui vit dans un milieu urbain qui n'est pas autochtone.
Je vais vous donner un exemple parfait. Dans la réserve d'où je viens au Nouveau-Brunswick, on dit que les agents de la GRC n'ont pas de jambes, puisque tout ce qu'on voit d'eux est le coude et la tête lorsqu'ils passent en voiture. C'est tout. On ne voit rien d'autre. Nous voyons leur coude à la fenêtre lorsqu'ils traversent la réserve en voiture. C'est une toute une petite communauté.
Lorsque nous avions des problèmes avec la loi, et cela a été mon cas, j'étais un Autochtone qui se croyait un peu trop malin, et j'ai eu des problèmes avec la loi et j'ai appris très rapidement que je ne pouvais pas gagner. C'est impossible. Vous ne pouvez pas gagner. Ils sont trop nombreux et nous ne sommes pas assez nombreux.
M. Ivan Grose: Vous aviez donc découvert ce qu'il fallait faire.
M. Frank Palmater: Oui. Vous ne pouvez pas gagner. Mais la plupart des nôtres n'ont pas l'occasion d'apprendre cela avant d'être aux prises avec le système judiciaire. Une fois que vous y êtes confronté... Nous avons rencontré un groupe de jeunes Autochtones à Regina il y a environ un an. Un jeune garçon est venu me voir et je n'ai jamais su comment répondre à sa question. Il m'a dit: «Frank, j'ai en poche 1 900 $, et cet argent je l'ai fait en moins d'une heure, dans la rue. Je sais que ton discours disait qu'il ne fallait pas faire ce genre de chose parce qu'on risque de se retrouver derrière les barreaux, aux prises avec un système qui n'est pas bon pour les Autochtones. Mais pourquoi devrais-je avoir peur d'aller en prison? Quelqu'un s'occupera de moi. Quelqu'un me nourrira, me donnera un lit chaud dans une chambre bien chauffée, et il me donnera également des vêtements. J'aurai accès à une télévision, peut-être même à des appareils d'exercice. Je n'ai pas ce genre de choses si je vis dans la rue. Je dois me demander chaque soir où je vais pouvoir dormir. Je dois payer quelqu'un pour être sûr qu'on ne volera pas mes choses si je les laisse derrière moi.» Je n'ai pas pu lui répondre. Je n'avais aucune réponse.
Avec le recul, si j'avais pu répondre, je lui aurais dit: «La façon dont tu a été élevé...» C'était un Autochtone dans un milieu urbain et il n'avait jamais vu une réserve. Il ne savait ce que représente une réserve. Il ne le savait vraiment pas. Et il ne savait pas que votre grand-mère vous regarderait pleine de honte si vous aviez volé une boîte d'amorces de 5 sous au cinq-dix-quinze et si vous étiez revenu à la maison en vous vantant de ne pas avoir été pris. Cela n'avait rien à voir avec elle. Ce n'est pas elle qui avait volé, c'était moi, mais elle était en colère. Il ne comprenait pas cela. Simplement parce qu'il n'avait pas avec la communauté des Premières nations ce lien que j'ai été moi assez chanceux d'avoir. Il n'avait pas appris cette valeur morale de base quand il était tout jeune. Ils disent «Vous ne pouvez pas voler; vous ne devez pas le faire». Pourquoi? «Parce que c'est mauvais. Cela ne vous appartient pas.»
Mon grand-père, qui est un Indien... Mon vrai grand-père était blanc et c'est pourquoi ma grand-mère a perdu le droit de figurer dans le registre des Indiens; mais lorsque ma grand-mère est revenue à la réserve, elle a vécu avec un Indien que j'appelle mon grand-père. Il nous contait une histoire: si vous ne pouvez pas acheter quelque chose et que si vous ne pouvez pas travailler pour vous le procurer, ça ne vous sert à rien. Vous voulez peut-être cette chose, vous en avez peut-être besoin, mais cela ne vous sert à rien parce que vous ne l'avez pas gagnée.
Où a-t-il été chercher cela? Dans la communauté. Il ne l'a pas appris dans le système. Il ne l'a pas appris en prison. Moi non plus.
Le système qui concerne les Autochtones n'est pas bon. Ce processus, ce projet de loi cherche—et nous le disons dans notre exposé—à améliorer les choses pour les jeunes Autochtones qui vivent en réserve. Mon seul mandat est de parler en leur nom. C'est ce que cherche à accomplir ce projet de loi, mais nous croyons qu'il vous faut un peu mieux comprendre notre point de vue. Il faut que ceux qui mettront en oeuvre ce système collaborent avec les Autochtones, côte à côte, et disent, très bien, est-ce que cela fonctionne ou pas?
• 1700
M. MacKay a mentionné les conseils de détermination de la
peine. Chez nous, notre opinion n'est pas encore arrêtée; nous ne
savons pas si ces conseils sont efficaces. Dans certains cas, ils
ont bien fonctionné dans d'autres cas non, il y a eu récidive. Mais
le problème fondamental, ce qui explique pourquoi il y a davantage
d'Autochtones que d'autres Canadiens, dans les pénitenciers,
pourquoi le nombre disproportionné d'Autochtones, est facile à
expliquer. Mettez-les en prison, enfermez-les. Le gouvernement du
Canada a pour position que les Indiens sont un problème, alors
comment composer avec le problème?
Nous ne faisons pas partie de la société—français, anglais, chinois, noirs, oui—mais les Indiens du Canada sont les seuls qui ont une loi. Cela ne nous présente pas comme faisant partie intégrante de la société canadienne. Cela ne nous rend pas égaux. Nous sommes les seuls au Canada qui soient mentionnés dans la Constitution. Il y a deux groupes linguistiques qu'on y mentionne, mais nous sommes la seule nation—la nation autochtone. C'est parce que le système ne reflète pas ce que c'est qu'être Autochtone. Le système en soi fait preuve de discrimination à notre égard. C'est pourquoi il y a plus d'Autochtones en prison qu'en liberté. C'est bien simple.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Palmater, et merci Ivan, d'avoir été aussi généreux avec le temps qui vous était réservé, mais votre temps d'intervention est maintenant écoulé. Je le cède donc à M. Cadman pour trois minutes. En fait ces commentaires seront sans aucun doute repris par les prochains intervenants.
Monsieur Cadman, vous disposez de trois minutes.
M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.
J'aimerais parler des mesures extrajudiciaires. Je ne parle pas de la justice réparatrice, qu'il s'agisse de justice réparatrice après jugement ou après prononcé de la peine. Je demande plutôt s'il ne serait pas possible que, dans certaines circonstances, des mesures extrajudiciaires soient plus appropriées. En d'autres termes, je vous demande si vous jugez qu'il serait approprié d'avoir recours aux mesures extrajudiciaires pour certains délits ou s'il faudrait se limiter aux avertissements ou la déjudiciarisation?
Le président: Madame Poitras.
Mme Bev Poitras: Lorsqu'un inculpé dit qu'il n'est pas coupable... À mon avis, si quelqu'un est prêt à assumer ses responsabilités, vous pouvez faire quelque chose. Si l'inculpé est d'avis qu'il n'est pas coupable et qu'il suive le processus, à ce moment-là il faudrait en saisir les tribunaux. Voilà mon opinion.
M. Chuck Cadman: Y a-t-il d'autres commentaires? Je pense particulièrement aux délits commis avec violence, avec voies de fait graves. Est-ce qu'on pourrait, dans ces circonstances, avoir recours aux mesures extrajudiciaires?
M. Jonathan Rudin: Lorsque des contrevenants adultes participent à notre programme communautaire, nous communiquons toujours avec la Couronne. C'est la Couronne qui décide s'il y a un problème de sécurité publique. Et tout cela est fait de façon ponctuelle. Je ne dirais donc pas que quiconque est automatiquement inadmissible, mais je ne dirais pas non plus que tout le monde est automatiquement admissible; ces choses doivent être étudiées de façon ponctuelle. Je crois qu'il devient très difficile de généraliser.
Un des problèmes que nous avons eus lorsque nous avons lancé nos programmes est que nous devions diviser les choses en fonction du type de délit; nous avons dit que tel délit peut faire l'objet de mesures de déjudiciarisation et tel autre non. Cependant, à une réunion, un policier a dit qu'il valait mieux ne pas procéder de cette façon parce que, dès que vous établissez une liste et que les policiers savent ceux qui y figurent, tous ceux que vous voudriez voir participer au programme seront systématiquement accusés de ce qui figure sur la liste des choses qui ne peuvent pas faire l'objet de mesures de déjudiciarisation. La différence entre un vol et un vol qualifié est minime. Et la différence entre les chefs d'accusation est laissée à la discrétion du policier. Je crois donc que parler exclusivement de délit sans mise en contexte serait une erreur.
M. Chuck Cadman: Incluriez-vous dans cette catégorie les cas d'homicide?
M. Jonathan Rudin: Je ne sais pas si l'homicide pourrait faire l'objet de mesures extrajudiciaires.
M. Chuck Cadman: Personnellement je ne crois pas que ce devrait être le cas, mais...
M. Jonathan Rudin: Mais d'autres sanctions de rechange seraient peut-être possibles.
M. Chuck Cadman: Très bien.
Le président: Merci, monsieur Cadman.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib): Merci, monsieur le président.
Je m'intéresse à ce qui a été dit sur les conseils de détermination de la peine, et lorsque nous avons visité des communautés éloignées dans le Nord, au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, on nous a dit que ces conseils fonctionnaient très bien. Nombre de problèmes étaient réglés avant même l'arrivée du juge. Puis on ressasse tout cela. Je crois qu'on n'est pas tout à fait heureux de cette situation. L'autre jour, nous avons entendu des juges qui ont parlé des comités de justice communautaire, peu importe comment on les appelle, et ils nous ont signalé que, dans certaines communautés, on les considérait comme des bandes de justiciers.
• 1705
Votre expérience personnelle ou de chercheur vous permet-elle
de nous dire comment on pourrait faire pour qu'un conseil de
détermination de la peine ait un effet thérapeutique? Est-ce une
question de culture? Pourrait-on en apprendre plus long en
s'inspirant de vos expériences et en les élargissant à l'échelle
canadienne?
Par ailleurs, j'aimerais savoir comment fonctionnent les conseils de détermination de la peine en milieu urbain. Je crois que 60 p. 100 des Autochtones vivent hors réserve. Si quelqu'un n'a pas l'expérience avec cette culture, comment les conseils de détermination de la peine peuvent-ils réussir?
Mme Bev Poitras: Même dans notre Première nation, tout le monde ne pratique pas les cérémonies traditionnelles culturelles ni ne reste en contact avec le monde autochtone. Nombre d'entre eux sont catholiques, ou anglicans, font partie de l'Église unie, tous ont des antécédents différents. Ce qu'on a fait dans le cadre des conseils de détermination de la peine et dans certaines des collectivités, à défaut d'avoir un ancien, c'est de demander au ministre ou au curé d'intervenir, on le demande à quelqu'un qui est important aux yeux du contrevenant. De cette façon, le conseil de détermination de la peine fait partie du quotidien du contrevenant. C'est quelque chose qui le touche ou qui le touchera, et qui l'encouragera à changer de comportement. Au début, le conseil de détermination de la peine était une tradition cérémonielle très spirituelle pour les Premières nations, les Inuits et tous ceux qui y avaient recours; cependant ces conseils peuvent être adaptés et utilisés à divers endroits et pour divers intervenants.
Mme Carolyn Bennett: Vous dites donc qu'à certains endroits on ne s'est pas encore prononcé sur l'utilité de ce type d'intervention. Il faut donc se demander s'il existe des preuves de ce qui fonctionne de ce qui ne fonctionne pas.
M. Jonathan Rudin: Je crois qu'il importe de préciser que les conseils de détermination de la peine ne sont qu'une des formes d'intervention. Nous n'avons pas de conseils à Toronto.
Je crois qu'il faudrait plutôt savoir ce que la collectivité veut. Certaines collectivités voudront peut-être avoir des conseils de détermination de la peine qui permettent au juge de se désister. Dans d'autres collectivités, comme à Toronto, nous retirons simplement le dossier du système judiciaire et le juge n'a pas voix au chapitre. Il appartient à chaque collectivité de se prononcer.
Notre taux de réussite pour notre programme est démontré par le respect des décisions. Les gens respectent à plus de 70 ou 75 p. 100 les décisions du conseil communautaire. Nous jugeons qu'il s'agit là d'un pourcentage très élevé, puisque la moitié de ceux qui participent à notre programme avaient déjà été en prison, mais il ne s'agit pas pourtant d'un conseil de détermination de la peine.
Je sais que Jane se pose des questions sur les conseils de détermination de la peine et elle n'est pas la seule. On se pose également des questions sur les programmes judiciaires non traditionnels et leur fonctionnement, mais ils sont tous différents. On procède actuellement à une évaluation de notre programme; cette évaluation devrait être terminée d'ici un ou deux mois. On y fera état des taux de réussite à long terme pour le client. Ces renseignements commencent à être connus, mais nous savons déjà que notre programme a sauvé des vies. À un certain niveau, je ne m'inquiète pas du tout de ce que disent les chiffres, parce que je sais que cela a changé la vie de gens que je vois tous les jours.
Mme Jane Dickson-Gilmore: Je veux appuyer ce que dit Jonathan. Comme je l'ai dit et comme Jonathan l'a dit également, il y a certainement des collectivités qui appuient ouvertement les conseils de détermination de la peine et qui y voient une façon viable de régler certains de leurs problèmes. Je crois cependant que nous devons également faire la distinction entre les conseils de détermination de la peine et les autres recours comme les cercles de guérison. Un conseil de détermination de la peine n'est pas nécessairement un cercle de guérison. Il peut s'agir de choses différentes.
Ce qui compte ici—et je crois que c'est un des aspects positifs du projet de loi s'il est mis en oeuvre de façon appropriée—est que nous allons assurer la participation des collectivités, que nous allons leur permettre de façon réaliste et positive d'agir pour qu'elles puissent mettre sur pied des programmes adaptés à leurs besoins, à leurs cultures, à leur nature même. Si nous ne sommes pas disposés à le faire, les efforts visant à assurer la participation des collectivités au système de justice pour les jeunes seront voués à l'échec.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame Dickson-Gilmore.
Monsieur MacKay, s'il vous plaît. S'agit-il là d'une de vos questions brèves et directes?
M. Peter MacKay: Oui, merci, monsieur le président. Tout comme vous, je préfère entendre les témoins plutôt que ma propre voix.
Ce à quoi nous en venons, tout compte fait, c'est qu'il faut assurer un plus grand pouvoir discrétionnaire au sein du système. C'est là où les choses se corsent, parce que nous essayons d'avoir un processus normalisé qui s'appliquera dans toutes les collectivités, ce qui est très difficile. Je sais que les résultats tangibles sont souvent impossibles à calculer, parce qu'il n'est pas possible de chiffrer le nombre de vies sauvées ou de crimes évités.
Existe-t-il un système hybride qui pourrait fonctionner et qui intégrerait les cercles de guérison et les conseils de détermination de la peine? Parfois les choses se produisent après coup. Je sais qu'il y a par exemple des sueries dans certains pénitenciers. Elles visent à guérir la personne, et elles permettent même la participation de la collectivité à l'extérieur du pénitencier. Pourrait-on fonctionner un peu de cette façon?
M. Jonathan Rudin: Je ne crois pas qu'il faille choisir une solution plutôt qu'une autre. Nous avons déjà un système hybride. Tous les programmes—celui de Daryl, celui de Bev, le nôtre—existent en raison du pouvoir discrétionnaire exercé par quelqu'un au niveau local. Le problème est que ces programmes ne peuvent survivre que si ce pouvoir discrétionnaire est maintenu. Si l'on change de juge ou de procureur de la Couronne, ces programmes, peu importe qu'ils soient excellents, risquent de disparaître.
Ainsi, un de nos problèmes est que nous avons actuellement un système hybride, mais dans lequel les programmes autochtones existent simplement grâce à la bonne volonté des autorités locales et au financement offert par l'entremise des gouvernements fédéral et provinciaux. Plusieurs options sont possibles. En Ontario, il y a sept, huit ou neuf Premières nations vivant en milieu urbain qui veulent intervenir dans ce secteur. Le problème est qu'il n'existe pas de ressources. Le problème...
M. Peter MacKay: Il s'agit donc d'éducation et de ressources.
M. Jonathan Rudin: Oui. Le problème n'est pas ce que nous pouvons faire. Nous pouvons faire beaucoup si les collectivités ont la liberté nécessaire pour déterminer ce qu'elles veulent faire et pour consulter les pouvoirs judiciaires locaux. Il n'y a aucune raison de ne pas avoir toute une gamme de services. Évidemment, je crois que cela serait la solution la plus logique.
M. Peter MacKay: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Je crois que Mme Dickson-Gilmore veut ajouter quelque chose.
Mme Jane Dickson-Gilmore: J'aimerais faire un petit commentaire. Je crois que nous pouvons tirer des leçons importantes des politiques autochtones telles qu'elles ont été élaborées dans d'autres secteurs. Il y a quelques années, le système de protection de la jeunesse dans les collectivités autochtones a été à l'origine d'une violence et d'injustices incroyables à l'égard des enfants autochtones. Dans bien des cas, les enfants ont été retirés de leurs foyers et on a pris des décisions simplement parce que la culture et le rôle des parents dans les communautés non autochtones étaient différents de ce qui avait cours dans les sociétés autochtones. Les travailleurs sociaux non autochtones et les autres intervenants n'ont pas pu su voir cette différence, la respecter, ou comprendre—comme Bev l'a signalé—qu'il faut toute une communauté pour élever un enfant, et que ce sont des familles élargies qui élèvent les enfants.
Qu'est-il advenu du système de protection de l'enfance? Les collectivités ont reçu le pouvoir d'assumer le contrôle de ce secteur. Nous avons aujourd'hui des réussites incroyables dans les collectivités qui ont su élaborer les programmes les plus positifs pour les aider à composer avec les familles et les enfants qui éprouvaient des problèmes.
Ce que nous disons tout compte fait, c'est qu'il faut tirer une leçon de cette expérience. Reconnaissez et respectez les habiletés des collectivités autochtones qui veulent vraiment assumer le contrôle et la responsabilité de la chose. Laissez-les faire. Donnez-leur les ressources, l'autorité nécessaire, le respect, et elles le feront.
M. Peter MacKay: Merci.
Le président: Merci beaucoup, Peter.
Monsieur Maloney.
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Ma question s'adresse à vous, Bev. Vous vous interrogez sur l'article 27 qui stipule qu'un parent doit être présent pendant les procédures. On nous a donné l'exemple de quelqu'un qui avait été convoqué à sept ou huit reprises, et qui avait en fait perdu son emploi.
Pouvez-vous vous imaginer pourquoi un parent responsable, un parent qui s'intéresse au sort de son enfant, ne serait pas présent? Vous avez dit que les sanctions vont éloigner le parent et l'enfant l'un de l'autre, mais pourquoi le parent ne voudrait-il pas être là? Dans quelles circonstances pensez-vous qu'il vaille mieux que le parent n'y soit pas?
Mme Bev Poitras: Je peux simplement vous faire part de mon expérience pour vous dire pourquoi un parent ne voudrait pas être là; mais c'est plutôt cette dame-là qui a fait état de cette préoccupation.
M. John Maloney: Je m'excuse. Marian.
Mme Marian Jacko: Voulez-vous que je réponde à cette question?
M. John Maloney: J'aimerais en savoir plus long sur l'expérience personnelle de Bev, puis nous reviendrons à vous, si vous voulez bien.
Mme Marian Jacko: Très bien.
Mme Bev Poitras: J'ai moi-même des enfants, je suis donc mère et maintenant grand-mère, et voir mes enfants aller devant les tribunaux ou les voir en cour est quelque chose qui est absolument impensable pour moi et ma famille. Si une mère ou une famille n'accompagne pas l'enfant, c'est probablement par peur du système. Ils ne comprennent pas le processus, ils ne veulent dont pas être là en raison de l'humiliation. C'est un processus d'humiliation.
Mme Marian Jacko: J'aimerais répondre et je vais répondre aussi un peu à la question d'Ivan Grose à propos des raisons pour lesquelles les jeunes Autochtones ont des démêlés avec la loi.
J'insisterais sur le fait que les conditions et facteurs socio-économiques et géographiques sont très importants. Il y a deux ans, j'ai fait ma thèse sur le programme de mesures non traditionnelles allant d'une perspective nationale à une perspective locale. J'ai interrogé des conseillers parajuridiques autochtones de tout l'Ontario. J'ai distribué un questionnaire dont la question 4 était la suivante: quels sont à votre avis les facteurs ou les raisons qui contribuent au fait que les jeunes Autochtones ont des démêlés avec la loi? Sur les 28 réponses, 27 disaient qu'un de ces facteurs était la disparition de discipline parentale. Je pense que c'est une considération importante.
Je disais que je me préoccupais du paragraphe (4) du projet d'article 27 et de l'incidence réelle ou éventuelle que cela pourrait avoir sur les familles, en particulier dans le Nord. Je dirais qu'il y a des facteurs socio-économiques et géographiques qui doivent être pris en considération. Très souvent, les parents eux-mêmes ont leurs propres difficultés et je dirais que ce projet d'article risque d'entraîner un échec. C'est pourquoi je m'inquiète des sanctions envisagées pour les parents comme de les déclarer coupables d'outrage au tribunal ou passibles de la peine prévue au Code criminel en matière de déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
Le président: Merci beaucoup.
M. Cadman a une petite question.
M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.
Il y a quelques années, j'ai participé à un forum sur la justice réparatrice en Colombie-Britannique et on y avait proposé quelque chose au cas où un jeune—ou toute autre personne, d'ailleurs—commet un délit. Je prends un exemple, ma propre ville de Surrey. Si l'on optait pour des mesures non traditionnelles, cercle de détermination de la peine ou autre chose, on proposait que la personne soit autorisée à retourner là d'où elle venait—autrement dit, à la réserve—pour que les choses se passent là-bas. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Jonathan Rudin: Dans notre programme, pour les clients qui sont des Indiens de droit et qui peuvent retourner dans une réserve, nous leur donnons toujours cette possibilité. Nous voulons toujours savoir s'ils veulent rentrer chez eux, s'ils ont des ressources là-bas et s'ils aimeraient faire le travail en question dans leur réserve. Je crois que cela s'est fait deux fois sur environ huit cent cas.
M. Chuck Cadman: Permettez-moi de vous interrompre car je crois qu'il y a là un problème. Imaginez un jeune qui vienne, par exemple, de la réserve du lac Canim au nord de la Colombie-Britannique et qui commette un délit dans ma ville de Surrey, en Colombie-Britannique. N'est-ce pas un fardeau incroyable pour la victime? La victime est sensée participer au processus de guérison mais, là, on lui demande de voyager, de quitter son réseau de soutien et d'aller dans un environnement qui lui est entièrement étranger, et vous voulez qu'elle prenne part à cela?
M. Jonathan Rudin: L'expérience nous prouve que pour la majorité des victimes, ni elles ni les contrevenants n'ont de relations personnelles dans un centre urbain. Nous contactons toujours les victimes dans les cas de violence et nous les encourageons à venir au conseil communautaire, mais elles ne viennent en général jamais. Elles ne viennent pas parce qu'elles ont l'impression—pas forcément justifiée—qu'elles sont les victimes d'un acte dû au hasard. Elles estiment que leurs chances d'être attaquées une autre fois sont très faibles. Elles ont leur vie à vivre. Ce qu'elles veulent, c'est que cela n'arrive pas à quelqu'un d'autre. Donc, même si nous les encourageons à venir, dans la plupart des cas elles ne viennent pas. Mais notre processus se déroule malgré tout.
• 1720
Dans une situation semblable, si vous demandez à quelqu'un qui
s'est fait cambrioler ce qu'il veut, il veut plusieurs choses mais
en particulier que cela n'arrive à personne d'autres. Si la
personne retournant à sa réserve—si la réserve veut bien la
recevoir et si les ressources existent—a plus de chances de se
réformer que si elle reste à Surrey, je suppose que la majorité des
victimes seraient satisfaites. Cela ne veut pas dire qu'elles ne
peuvent pas communiquer leurs préoccupations au programme dans la
réserve, ni qu'il ne peut pas y avoir de réparation ou d'autres
mesures.
M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Cadman.
Madame Poitras, voulez-vous répondre à cela?
Mme Bev Poitras: Je voulais simplement dire que dans nos collectivités, nos anciens se sont réunis pour discuter de la question. Ils voient aussi une difficulté à ramener les jeunes des centres urbains lorsqu'un enfant n'a pas été élevé dans la réserve. Beaucoup d'anciens disent que les jeunes ont des anciens dans leurs centres urbains avec lesquels ils devraient prendre contact pour que ceux-ci puissent participer aux cercles, à la médiation ou à toute autre formule.
Ils estiment que, lorsqu'ils élèvent un enfant, ils s'en occupent durant tout son développement. Ils savent à quel moment le père est tout d'un coup devenu alcoolique et tous les problèmes ont commencé, et ils peuvent ainsi en tenir compte. Mais ils n'ont pas vu les jeunes vivre en ville. Ils ne les connaissent pas. Ils ne savent pas comment traiter leurs problèmes.
Ils disent que les collectivités devraient être définies en fonction du mal qui a été ou est infligé. Ce sont les collectivités qui sont responsables et qui devraient décider. Il y a une victime et elle devrait décider de ce qu'il faut faire.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Saada.
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci, monsieur le président.
Vous avez un peu dépassé l'objet de ce projet de loi, mais cela a une incidence directe sur son application. Beaucoup d'entre vous ont dit qu'«il faut une collectivité pour élever un enfant» ou qu'«il faut un village pour élever un enfant». En fait, dans le cas d'un village, le village est une collectivité et la collectivité est un village, alors que lorsque l'on va dans des villes, des centres urbains, il est beaucoup plus difficile de définir ce qu'est la collectivité.
Auriez-vous des suggestions ou quoi que ce soit à dire des critères qui devraient définir ce que nous appelons collectivité dans chacun de ces cas spécifiques?
Un témoin: Allez-y d'abord.
Le président: Madame Dickson-Gilmore, je crois que vous avez gagné.
Mme Jane Dickson-Gilmore: Je ne sais pas si j'ai gagné ou perdu.
En fait, dans le dialogue de justice réparatrice, le terme utilisé le plus fréquemment est «communauté d'intérêts». Lorsque vous avez un jeune contrevenant qui demande certaines mesures parajudiciaires, des mesures non traditionnelles, pour résoudre un problème, le groupe qui se réunit autour de lui ou qui participera manifestera une communauté d'intérêts, ce qui, dans certains cas, peut vouloir dire des gens qui n'ont pas un lien direct avec lui.
C'est donc difficile, et je pense qu'il serait dangereux d'essayer de créer un genre de définition statique de ce qu'est une collectivité. Les documents concernant la justice réparatrice vont certainement dans le bon sens quand ils insistent sur la communauté d'intérêts.
C'est une autre raison pour laquelle la question d'obliger des parents à prendre part au processus peut poser d'autres problèmes, parce qu'il est tout à fait possible que dans certains contextes, la personne qui est légalement ou biologiquement le parent de l'enfant ne participe pas à la communauté d'intérêts de ce dernier, ne prend pas une part active à la vie de cet enfant, et en fait risque de représenter davantage un problème qu'une solution.
Il nous faut donc respecter une définition très fluide de communauté et comprendre que cela peut être encore beaucoup du cas par cas.
M. Jonathan Rudin: Dans notre programme, là encore avec le conseil communautaire, nous avons des personnes qui sont membres de la collectivité autochtone qui veulent travailler dans cette collectivité. Les gens avec qui elles travaillent ne les connaissent pas forcément, ne les connaissent même probablement pas parce qu'ils se sont séparés de la collectivité. Mais si les contrevenants participent à ce programme, c'est parce qu'ils le veulent. Il est entendu que c'est quelque chose qu'ils souhaitent.
Nous organisons l'audience en fonction de ce que souhaite quelqu'un. Si quelqu'un parle en langue autochtone et veut que son audience se déroule dans cette langue, c'est possible. Mais, de façon générale ce n'est pas ce qui a été demandé. Il y a des gens qui sont simplement venus nous dire en arrivant: «Je veux apprendre. Je veux faire partie d'une collectivité. Et c'est la collectivité dont je veux faire partie, parce que celle dont je fais actuellement partie ne m'aide pas.» Ils ne le disent pas explicitement et ils le disent souvent après coup, une fois qu'ils comprennent ce qu'ils ont fait, mais c'est la raison pour laquelle cela se produit.
• 1725
On ne peut pas forcément demander à leurs voisins de venir
parce que les voisins ne savent pas qui ils sont. On ne veut pas
que leurs amis viennent. On encourage les intéressés à amener des
gens avec eux à leur audience. Cela correspond à ce que disait
Jane. Donc, quelquefois, les gens arrivent avec un ami. Le conseil
communautaire s'entretient avec ces gens-là, quelquefois
collectivement, quelquefois individuellement, et il arrive souvent
que très vite, le conseil réalise que la personne que l'individu
pensait être son ami ne l'est en fait pas. Une femme accusée de
prostitution vient au conseil communautaire avec son ami. C'est
peut-être son ami, ce peut aussi être son souteneur, cela n'aide
pas forcément.
Donc, l'idée est en partie de déplacer les gens, en particulier ceux qui ont eu des démêlés avec la justice pénale à plusieurs reprises, de les sortir de ce monde et de leur montrer qu'il existe un autre monde. Il s'agit de créer une collectivité et de permettre aux gens d'aller dans la collectivité dans laquelle ils veulent aller. Il faut leur faire comprendre que cette collectivité les recevra.
Une des réalités, comme le savez probablement tous, est que lorsque l'on se sépare d'une collectivité dont on fait partie, on est souvent gêné d'y retourner. Les gens qui ont été élevés dans une religion et ne la pratiquent jamais sont souvent ceux qui hésitent à aller dans un lieu de culte lorsqu'ils sont adultes, parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils sont censés faire et parce qu'ils ont peur d'être gênés. Ils s'en tiennent donc à l'écart.
Une chose à propos du conseil communautaire et de la plupart des programmes de justice réparatrice, c'est que cela existe pour tendre la main, pour dire: «Nous sommes là. N'ayez pas peur. Nous allons vous aider à réintégrer le monde dont vous voulez faire partie.»
Le président: Merci beaucoup.
Je crois que cela termine la discussion. Je tiens à remercier tous les témoins qui nous ont aidés dans nos délibérations sur ce projet de loi très important. Je trouve poétique que vous soyez nos derniers témoins sur ce projet de loi très important, étant donné la nature même du texte et certaines des choses qu'il propose. Merci beaucoup.
Nous allons suspendre la séance cinq minutes et nous retrouver à huis clos pour régler quelques questions administratives.
[Les délibérations se poursuivent à huis clos]