JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 21 mars 2000
Le vice-président (M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Ce matin, nous allons entendre des porte-parole de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, du Toronto District Muslim Education Assembly, de la Commission canadienne des droits de la personne et de la Commission du droit du Canada.
J'aime toujours commencer par préciser les règles pour que tous les connaissent. Chaque groupe a droit à dix minutes. Il peut décider de n'avoir qu'un seul porte-parole ou de partager le temps également entre tous les représentants, selon son gré.
Nous allons commencer par entendre les témoins de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Je demanderais aux témoins de se présenter avant de commencer. Vous avez la parole.
M. Steve Hindle (président, Institut professionnel de la fonction publique du Canada): Monsieur le président, je vous remercie.
Je m'appelle Steve Hindle et je suis le président de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Je suis accompagné de Mme Sally Dielh, recherchiste en analyse de la rémunération à l'institut. Elle sera à votre disposition pour répondre aux questions par après, s'il y en a.
L'Institut professionnel accueille favorablement l'initiative du gouvernement de déposer le projet de loi C-23, un projet de loi omnibus qui vise à mettre au diapason toutes les lois du Canada en termes d'avantages et d'obligations. Grâce à ce projet de loi, le statut de «conjoint de fait» sera reconnu tant aux couples hétérosexuels qu'aux conjoints de même sexe dans toutes les lois fédérales.
L'institut appuie les déclarations faites par l'honorable Anne McLellan, ministre de la Justice et procureur général du Canada, le 15 février 2000, lorsque le projet de loi a été lu en seconde lecture et renvoyé à un comité:
-
Il veille au respect du principe de l'égalité de traitement en
droit pour les personnes vivant en relation stable de conjoints de
fait.
-
Le projet de loi C-23 voit à ce que les lois fédérales soient
conformes aux valeurs fondamentales des Canadiens, aux valeurs
inscrites dans la Charte canadienne des droits et libertés.
-
Les valeurs fondamentales de la société canadienne, à savoir la
justice, la tolérance, le respect et l'égalité, constituent la
pierre de touche de notre identité nationale et contribuent à
parfaire notre réputation internationale.
L'institut recommande l'adoption du projet de loi C-23 sans aucun amendement, exception faite de corrections du libellé, s'il y a lieu, ou de l'inclusion d'autres lois fédérales non visées dans le projet de loi.
Nos seules inquiétudes portent sur les questions débattues publiquement dans les journaux, à la Chambre des communes et devant le présent comité qui pourraient mener à des amendements susceptibles de modifier le but visé par ce projet de loi. Nous prions avec insistance le comité de ne pas tenter d'édulcorer le projet de loi ou de reporter son adoption aux calendes grecques.
L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada a été fondé en 1920 pour protéger les intérêts des fonctionnaires scientifiques et professionnels. De nos jours, l'institut est le plus important agent négociateur multiprofessionnel au Canada; la plupart de ses membres sont au service du gouvernement fédéral. L'institut s'est engagé à protéger les droits de ses membres, qu'ils se trouvent dans les conventions collectives, les lois, le common law ou les us et coutumes, et à améliorer les conditions d'emploi de tous ses membres grâce à la représentation tant individuelle que collective.
• 1105
Lors de l'assemblée générale annuelle de 1993, nos délégués
ont réitéré leur soutien aux résolutions portant sur l'équité en
matière d'emploi, la tolérance zéro face à la discrimination et les
avantages égaux pour les couples de gais et de lesbiennes.
Dans le cadre de l'examen de 1996 du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, l'institut a comparu devant le comité du Sénat afin de recommander que l'orientation sexuelle soit, aux termes de la loi, un motif de distinction interdit.
Bien que les modifications proposées dans le projet de loi C- 23 ne soient pas directement reliées aux conditions d'emploi des membres de l'institut, nous sommes d'avis que la dignité et le respect que l'on porte aux particuliers dans leur vie privée s'expriment en milieu de travail par un traitement juste et équitable.
L'institut a appuyé une définition non discriminatoire de «conjoint de fait» chaque fois que cette discrimination avait pour conséquence de nier des avantages en raison de l'orientation sexuelle. En 1990, l'institut a réussi à faire retrancher les termes «de sexe opposé» de la définition de «conjoint de fait» dans la convention collective de l'une de ses unités de négociation—celle des greffiers législatifs du Sénat. Les employés de même sexe ont alors pu se prévaloir des dispositions relatives aux avantages accordés aux conjoints comme les droits au congé de deuil et pour obligations familiales. Il nous aura fallu attendre la décision rendue dans l'affaire Moore et Akestrom c. Canada pour que soit déclarée discriminatoire la définition de «conjoint de fait» des conventions collectives des fonctionnaires fédéraux et qu'avec réticence, le Conseil du Trésor n'ait plus le choix d'abroger ces termes dans toutes les conventions collectives qui le lient à ses employés.
L'Institut professionnel continuera d'appuyer toutes les initiatives qui visent à assurer un traitement juste et équitable de ses membres. Nous témoignons donc devant vous aujourd'hui en faveur des modifications proposées dans le projet de loi C-23.
Je tiens maintenant à féliciter—chose que je ne fais pas très souvent, monsieur le président—le gouvernement du Canada d'avoir déposé ce projet de loi, car il représente un bond énorme dans l'harmonisation des lois fédérales avec le message clair et cohérent des tribunaux du pays, soit que la discrimination à l'encontre des citoyens gais et lesbiennes qui vivent en couple est inacceptable. Ce projet de loi est l'outil par excellence de reconnaissance de ces relations, car il se fonde sur le même critère qui est appliqué aux couples hétérosexuels, soit la coexistence conjugale pendant un an.
Les provinces pourront également s'inspirer du projet de loi pour modifier leurs propres lois qui touchent les conjoints de même sexe. Nous croyons que cette loi servira d'exemple positif à toutes les provinces qui n'ont pas encore apporté les modifications législatives nécessaires pour que tous les avantages offerts aux couples hétérosexuels le soient aussi aux couples de même sexe. Le Québec, la Colombie-Britannique et l'Ontario ont déjà pris les devants en accordant aux conjoints de même sexe bon nombre d'avantages offerts aux couples hétérosexuels. Nous félicitons le gouvernement fédéral de ne pas avoir suivi le modèle ontarien, qui fait une distinction à l'égard des conjoints de même sexe. À notre avis, le statut «égal mais distinct» est loin de mettre un terme à la discrimination.
L'institut et ceux de ses membres qui sont gais et lesbiennes et dont la vie est directement touchée par le projet de loi C-23 se réjouissent des dispositions qui mettent fin à l'incertitude économique des conjoints de même sexe aux prises avec la maladie, la vieillesse et la retraite, situations où la sécurité financière prend toute son importance. En uniformisant les règles du jeu pour les conjoints de même sexe en rapport avec la gestion à long terme de leurs ressources financières, ce projet de loi mettra également un terme à la culture de l'échec que nos lois actuelles perpétuent, tout en reléguant aux oubliettes le mythe qu'il est impossible pour les conjoints de même sexe d'avoir des relations durables. Ce projet de loi inspirera un nouveau respect pour les gais et lesbiennes vivant en couple. Il mettra également fin à toute une série de poursuites judiciaires qui contestent l'exclusion des conjoints de même sexe à ce niveau, en plus de démontrer de façon claire la fin d'une exclusion sur laquelle la loi a fermé les yeux pendant trop longtemps.
Une argumentation a déjà été présentée en vue d'amender le projet de loi C-23 pour y inclure d'autres relations de nature financière et émotive. Bien que ces arguments soient honorables et vaillent la peine qu'on s'y arrête davantage, nous nous éloignons de l'intention du projet de loi C-23. En fait, de pareilles modifications mineraient le but et l'efficacité du projet de loi. On risquerait alors d'en retarder indéfiniment l'adoption, car il faudrait examiner l'application de chacune de ses dispositions en fonction des diverses relations de dépendance envisagées. Nous vous exhortons à éviter cette voie dans le cas du projet de loi C-23.
• 1110
La discrimination fondée sur l'orientation sexuelle
contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés. Le
projet de loi vise à mettre un terme à la discrimination faite aux
conjoints de même sexe en assurant la conformité des lois fédérales
à la Charte. Selon les nombreuses décisions judiciaires rendues
jusqu'à présent, il ne fait pas de doute que les lois doivent être
modifiées pour régler les injustices dont sont victimes les
conjoints de même sexe.
Les relations de nature conjugale se distinguent des autres relations de dépendance financière. Si nous voulons régler celles- ci, une étude en profondeur s'impose. Toute tentative en vue de les régler dans le cadre du projet de loi C-23 n'aboutirait qu'à des retards injustifiables.
Il a déjà été proposé que le projet de loi C-23 comporte une définition de «mariage». L'institut s'y oppose. Cette question est tout à fait distincte. En rapport avec le projet de loi, le 15 février dernier, la ministre de la Justice a souligné que l'importance du mariage et la valeur qu'on lui accorde n'étaient en rien diminuées par la reconnaissance en droit d'autres relations conjugales. Le projet de loi C-23 ne transforme pas la notion du mariage. C'est pourquoi l'institut ne croit pas nécessaire de le définir dans le projet de loi.
Le projet de loi C-23 a un libellé particulier qui permet de faire une distinction entre les conjoints mariés de sexe opposé qui sont considérés comme des époux et les «conjoints de fait» de sexe opposé et de même sexe auxquels il confère des droits égaux. Même si l'institut aurait préféré un libellé qui évite toute distinction, nous appuyons le projet de loi actuel, car nous croyons qu'il clarifie toute la question du mariage.
On s'est interrogé sur la justesse de qualifier les relations de fait de conjugales, ce qui pourrait alors vouloir dire que les avantages sont accordés en fonction d'une activité sexuelle. Le fait que cette question n'a pas été soulevée au moment de reconnaître dans la loi les couples hétérosexuels démontre bien que le véritable point sensible est la tolérance et l'acceptation des couples de même sexe. Qui plus est, cette réticence fait fi du fait que les relations conjugales dépassent largement le sexe. Qu'il nous suffise de citer la Cour suprême dans la décision de M. c. H. où est cité un jugement qui décrit en ces termes l'union conjugale: «le partage d'un toit, les rapports personnels et sexuels, les services, les activités sociales, le soutien financier, les enfants et aussi l'image sociétale du couple». Nous sommes d'avis que suffisamment de lumière a été jetée sur le terme «conjugal» par les tribunaux qui l'ont défini selon des critères spécifiques et que sa portée dans le cadre du projet de loi C-23 est claire.
En conclusion, en 1988, un sondage Angus Reid mené à la demande du ministère de la Justice a démontré que les deux tiers des Canadiens s'entendaient pour dire que les couples de même sexe devraient profiter des mêmes avantages et obligations que les couples hétérosexuels. Comme la population est favorable, le gouvernement a bien le mandat d'apporter les changements qui mettront fin à la discrimination.
La Cour suprême du Canada et des tribunaux d'autres instances ont jugé que refuser un traitement égal aux couples de même sexe contrevenait à la Charte des droits. Certaines administrations ont déjà adapté leur loi en conséquence. Grâce au projet de loi C-23, le gouvernement fédéral s'assurera que ses lois reflètent l'état d'esprit des citoyens et la conformité à la loi. L'Institut professionnel vous incite fortement à adopter le projet de loi C-23.
Merci monsieur le président.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci monsieur Hindle. Je vous félicite d'avoir respecté le temps qui vous était accordé.
C'est maintenant au tour des représentants de la Toronto District Muslim Education Assembly.
M. Ibrahim El-Sayed (président, Toronto District Muslim Education Assembly): Merci beaucoup monsieur le président. Je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de venir témoigner ici aujourd'hui.
Je suis le président de la Toronto District Muslim Education Assembly. L'assemblée regroupe les organisations musulmanes de la ville de Toronto. Nous représentons plus de 300 000 personnes dans la ville de Toronto.
Pour les Musulmans, l'Islam est un mode de vie. En tant que Musulmans, nous sommes en complet désaccord avec le projet de loi C-23. M. Mobarak Ali va vous expliquer pourquoi.
Allez-y, monsieur Mobarak.
M. Mobarak Ali (consultant, Toronto District Muslim Education Assembly): Pour l'Islam comme pour d'autres religions, la relation conjugale, entre mari et femme, ne peut avoir lieu que dans le cadre d'un mariage en bonne et due forme entre un homme et une femme. Il s'agit d'une relation hétérosexuelle légitimement constituée qui ne reconnaît pas les autres formes d'activités conjugales et sexuelles, quel que ce soit l'euphémisme qu'on veut employer.
De plus, le mariage suppose un contrat moral et juridique qui donne lieu à d'énormes obligations, de graves responsabilités et des engagements fermes de la part des époux, d'abord envers eux- mêmes et leur famille, puis envers le bien public. De la même façon, il y a des droits, avantages et privilèges spéciaux qui ne sont conférés qu'aux gens mariés afin de consolider l'institution sacrée du mariage et les valeurs précieuses et durables d'une société forte, saine et solide.
• 1115
Dans l'Islam, les privilèges des parents biologiques, le père
et la mère, et de la famille ne peuvent être partagés, sauf dans
les cas exceptionnels et incontournables prévus par la Shari'a, le
droit musulman. Quelles que soient les circonstances, les
revendications, les prétentions ou les inventions, ces droits,
privilèges et avantages ne sauraient donc être transférés,
détournés ou expropriés à une autre entité quelconque, quelle que
soit l'épithète dont on l'affuble. Ce serait néfaste et injuste et
cela ne servirait en rien la société. Bien au contraire, ce genre
d'abus et d'usurpation ne peut que créer beaucoup de torts et de
mal.
Dans toutes les langues du monde, la signification fondamentale du terme «conjoint» renvoie au mari ou à la femme dans le cadre d'un mariage correctement contracté. Par mari, on entend uniquement l'homme du couple et par femme, nulle autre que sa compagne dans le mariage. Ce n'est pas un hasard si le terme «mari», dans le contexte d'une famille, renvoie à l'homme dans sa relation avec son épouse, et vice-versa pour le terme «femme». Cette relation ne peut exister ou avoir lieu en dehors de ce contexte.
Selon cette définition, l'islam soutient que les conjoints ne sauraient être que le mari, de sexe masculin, et la femme, de sexe féminin, liés par un mariage légitimement contracté. Nul autre groupe, entité ou agent ne peut légitimement se faire attribuer le terme «conjoint». Ce sont donc eux qui sont des héritiers ou bénéficiaires légitimes des droits, avantages et privilèges du mariage contracté en bonne et due forme, que confère la société parce qu'eux seuls contribuent à l'objectif supérieur de préservation et de promotion des sociétés en assumant leur devoir de procréation légitime en tant qu'être humains civilisés.
Puisque c'est seulement dans le cadre d'un mariage contracté en bonne et due forme que les conjoints, mari et femme, existent, il s'ensuit que les autres groupes et catégories n'ont aucun droit à cette épithète et ne peuvent donc s'approprier ou partager les avantages exclusifs qui y sont associés. Ceux qui souhaitent vivre ensemble à titre de partenaires sexuels actifs ne peuvent donc être appelés des conjoints, qu'ils soient ensemble un jour, un an ou plus. Ce serait absurde et, non seulement cela créerait une réelle confusion dans l'emploi du terme, mais cela aurait de très graves répercussions, ramifications et conséquences pour la société.
Cela soulèverait des questions d'obligations et de responsabilités et, ce qui est plus grave, des questions de droit, d'avantages et de privilèges. Les membres d'un couple hétérosexuel qui choisissent simplement de vivre ensemble ne sont pas des conjoints au vrai sens du terme, car leur union n'est pas fondée sur un mariage dûment contracté. Leur relation n'a pas de validité morale et juridique et ne renvoie pas à un engagement, et elle n'est donc pas reconnue et ne saurait être considérée comme celle de conjoints. Cela reviendrait à ridiculiser et à insulter la notion de conjoint et cela serait une parodie de l'institution sacrée du mariage dans la société. Ce genre de relation n'est autre chose que la promotion et la glorification de la promiscuité, de l'adultère et de la fornication, même si elle est reconnue en droit coutumier.
Si une relation hétérosexuelle non fondée sur les exigences d'un mariage dûment contracté est une relation conjugale illégale, que dire des autres formes de relations sexuelles? Plus exactement, quel est le statut de deux personnes qui décident d'être gaies ou lesbiennes?
Le terme «conjoint» ne saurait être employé pour désigner autre chose que les membres d'un couple marié. Les parties à une relation de fait peuvent donc être désignées comme couple, partenaires, compagnons et amis, mais pas comme conjoints, ni mari, ni femme.
Il s'ensuit donc que les membres d'une relation homosexuelle ne sont pas autre chose que ces désignations employées pour les relations de fait. Dans une relation homosexuelle, qui est le mari et qui est la femme? Où est la famille? Les gens se livrent au sexe avec d'autres êtres et d'autres choses également. Comment peut-on ainsi brouiller les cartes, les appeler des conjoints et leur accorder des avantages! Ils ne sont pas et ne sauraient être des conjoints. Les reconnaître comme tels serait une usurpation, une expropriation et un détournement des droits et privilèges des gens mariés. Il s'agirait d'une attaque flagrante et vulgaire contre l'institution sacrée du mariage dans la société. Des milliers d'années de traditions précieuses seraient compromises. On ne peut permettre que cela arrive.
Les relations homosexuelles ne font pas que nier le devoir social supérieur de procréation; elles sont la promotion de la corruption morale et de la dégradation de l'être humain. La promotion de ce mode de vie est mal et inacceptable et elle constitue un grave danger pour la société.
• 1120
Ceux qui choisissent de vivre une relation en dehors du
mariage, qui est l'union d'un homme et d'une femme seulement,
doivent comprendre les conséquences de leurs actes. Ceux qui vivent
une union de fait peuvent choisir de se marier ou décider de
continuer de vivre en union de fait, mais ils ne peuvent pas
revendiquer le statut et les droits et privilèges des gens mariés.
Les gais et les lesbiennes ont ce choix eux aussi, et la question
est beaucoup plus grave puisque leur relation ne renvoie pas au
mode de vie hétérosexuel. Rien ne justifie d'exproprier les droits
des gens mariés pour les attribuer à d'autres catégories. Ces
groupes ou personnes ne peuvent pas choisir d'être ce qu'ils
veulent en même temps qu'ils revendiquent les droits et les
avantages et les privilèges de ceux qui ont contracté un mariage.
Ce n'est pas difficile à comprendre. C'est une simple question de
bon sens, et c'est juste et équitable.
Il existe de nombreux exemples de cela ici même au Canada. Prenons l'exemple classique du visiteur, de l'étudiant ou même de l'immigrant reçu au Canada, par rapport aux citoyens canadiens. Aucun ne peut se prévaloir des droits et privilèges des citoyens canadiens, même s'ils en ont certains éléments. Ils ne sauraient être mis sur pied d'égalité. Cela ne serait-il pas en bonne et due forme un cas de droits de la personne, d'équité et de justice? La question ne se pose même pas. Pourquoi se pose-t-elle alors pour les autres groupes? La catégorie la plus rapprochée du citoyen canadien, en termes d'avantages, est l'immigrant reçu. Tous les autres ne se comparent pas.
De même, le mode de vie le plus rapproché de la structure familiale est l'union de fait, même si elle est illégale, en raison de sa nécessaire base hétérosexuelle et de la capacité ou de la possibilité de procréer dans le cadre de la relation. Si la relation homosexuelle ne peut être comparable du point de vue des droits et avantages conférés même aux membres d'une union de fait, sur quoi donc s'appuie-t-on pour revendiquer à son profit les droits et avantages impartis à ceux qui ont contracté un mariage en bonne et due forme?
Tout argument contre ce principe est non valable, grevé d'un raisonnement tristement erroné et carrément absurde. Ce n'est pas une question d'équité. Ne confondons pas le problème et ne brouillons pas les choses.
Le projet de loi C-23 pose un tort public, et il convient de s'y opposer et de le condamner publiquement. De plus, ce n'est pas en élargissant sa portée à d'autres types de relations pour y inclure d'autres catégories—le père, la mère, l'inceste, et quoi d'autre encore—qu'on réglera la question. Ce qui est en jeu ici, c'est le statut du mariage dûment contracté, le caractère sacré de la famille et l'ensemble des droits, responsabilités et privilèges qui en découlent.
Mme McLellan et d'autres font complètement fausse route s'ils croient que le projet de loi C-23 saura préserver la définition juridique actuelle et le consensus social qui veut que le mariage soit l'union d'un homme et d'une femme à l'exclusion de tous les autres. Si l'on confère les avantages et les privilèges du mariage à d'autres groupes, on ne fait que brouiller la distinction entre les couples dûment mariés et ceux qui ne le sont pas, on compromet directement leur statut spécial. Supposons, par exemple, que nous voulions conférer des droits et privilèges aux conducteurs sans permis dans ce pays: cette reconnaissance tacite n'aurait-elle pas de conséquences directes sur les conducteurs titulaires d'un permis en bonne et due forme?
Il y aurait lieu d'élaborer des politiques et des lois pour consolider et promouvoir l'institution sacrée du mariage et le caractère sacré de la famille dans la société, et non pas les affaiblir ni les compromettre. Les intérêts supérieurs de la société sont en jeu et sont menacés. Ils doivent être préservés et nous, de la communauté musulmane, nous opposons fermement à toute politique ou loi qui aura pour effet de compromettre l'institution sacrée du mariage et la structure familiale, et notamment au projet de loi C-23.
Nous recommandons par conséquent, premièrement, d'empêcher l'adoption du projet de loi C-23. Deuxièmement, d'entreprendre une enquête publique et des consultations approfondies auprès de toutes les parties concernées, qu'il s'agisse de particuliers, de groupes ou d'organismes. Il faut en discuter plus longuement avec le public. Si c'est possible, il faudrait avoir un plébiscite. Si la question qui se pose vise tellement l'intérêt public, laissons-le décider. Troisièmement, consolider l'institution sacrée du mariage et le caractère sacré de la famille plutôt que de les compromettre. Nous ne nous opposons pas aux choix d'autres groupes, mais nous estimons qu'ils ne peuvent pas diffamer le statut du mariage, ni le mariage en tant qu'institution.
Je vous remercie. Comme je manquais de temps, j'ai sauté quelques sections de mon document pour ne parler que des points les plus importants.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Vous pourrez peut-être y revenir pendant la période de questions.
M. Mobarak Ali: Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Ali.
Le témoin suivant représente la Commission canadienne des droits de la personne.
Mme Michelle Falardeau-Ramsay (présidente, Commission canadienne des droits de la personne): Monsieur le président, honorables membres du comité, je voudrais tout d'abord vous remercier de m'avoir donné l'occasion de présenter le point de vue de la Commission canadienne des droits de la personne sur le projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada.
Si vous me le permettez, je limiterai mes propos au projet de loi comme tel et à son impact sur les avantages et les obligations des couples de même sexe vivant en union de fait; je ne parlerai pas de la question du droit à l'union. À notre avis, ce projet reconnaît des droits que les gais et lesbiennes ont toujours eus mais dont on leur refusait l'exercice. Ce projet de loi ne modifie aucunement la définition de «mariage».
La commission accueille favorablement l'initiative de la ministre de la Justice et procureur général du Canada, Anne McLellan, de présenter un projet de loi omnibus prévoyant la modification de lois fédérales de manière à étendre des avantages et obligations aux couples de même sexe. La ministre a affirmé, à juste titre, que les changements législatifs proposés s'appuyaient sur une volonté d'équité, de manière que toutes les situations d'union de fait soient considérées sur un même plan, quelle que soit l'orientation sexuelle des conjoints. D'autres ministres qui ont aussi parrainé le dépôt de ce projet de loi, soit le ministre des Finances, Paul Martin, la présidente du Conseil du Trésor, Lucienne Robillard, la ministre du Développement des ressources humaines, Jane Stewart, et la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Elinor Caplan, méritent aussi nos félicitations.
[Traduction]
En vertu du projet de loi C-23, 68 lois seraient modifiées pour étendre les avantages et les obligations à tous les couples qui vivent en union de fait depuis au moins un an, y compris, nous l'avons mentionné, les couples de même sexe. On souhaite ainsi refléter les valeurs de tolérance, de respect et d'égalité qu'exprime la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour suprême du Canada n'a-t-elle pas statué, dans la fameuse cause M. c. H., que le refus de reconnaître aux conjoints de même sexe les mêmes droits et responsabilités que ceux des couples hétérosexuels vivant en union de fait contrevenait à la Charte?
Depuis longtemps, la Commission travaille à promouvoir la protection des droits de la personne et à contrer la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Depuis longtemps aussi, elle considère juste d'étendre les avantages et obligations découlant de ces droits aux conjoints de même sexe. C'est un principe tout à fait conforme à la Loi canadienne sur les droits de la personne, de même qu'à la jurisprudence en ce domaine. Le projet de loi omnibus nous paraît pertinent non seulement sur le plan juridique, mais aussi parce qu'il reflète les valeurs que la Commission réitère chaque année, depuis 1979, dans son rapport annuel. À notre avis, ces modifications revêtent une dimension à la fois pratique et symbolique.
[Français]
Sur le plan pratique, d'abord, le projet de loi énonce clairement qu'il serait illégal d'exercer de la discrimination contre une personne parce qu'elle vit en union de fait avec un conjoint de même sexe. Une fois adopté, le projet de loi C-23 comporterait un large éventail de retombées bien tangibles, depuis le régime d'imposition à la Loi sur l'assurance-emploi, en passant par les exigences reliées aux conflits d'intérêts et aux visites conjugales en milieu carcéral.
Il ne s'agit pas ici d'un nouveau concept puisque la Colombie-Britannique, le Québec et l'Ontario ont déjà modifié de nombreuses lois pour étendre la définition de «conjoints de fait», de manière à y inclure les couples de même sexe.
Un impact positif du projet de loi sera de diminuer le nombre de plaintes de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle que la commission reçoit et de faciliter le règlement d'un grand nombre de plaintes qui sont en voie d'enquête ou en conciliation. Cependant, quel que soit le nombre ou la nature des plaintes que nous recevrons, si les modifications proposées dans le projet de loi C-23 sont adoptées, l'extension de la définition du terme «conjoint de fait» dans la loi aura une importante signification symbolique. Quand des Canadiens et des Canadiennes dénoncent à la commission la discrimination dont ils sont victimes, ils témoignent de leur foi à l'égard des lois canadiennes et de leur capacité de redresser les iniquités.
• 1130
J'aimerais rappeler que les gouvernements précédents
ont été réticents à agir en ce sens, considérant
l'extension des droits aux conjoints de même sexe comme
une question délicate. En adoptant le projet de loi
C-23, le gouvernement canadien se montrerait à la
hauteur des attentes de la population canadienne quand
il s'agit de lutter contre toutes les formes de
discrimination, qu'elles se fondent sur l'orientation
sexuelle ou sur tout autre motif illicite. En effet,
le projet de loi C-23 met en évidence l'idée que les
différences de situation de vie de couple sont autant une
source d'inégalités dans notre société que la race ou la
déficience et qu'il faut se donner les moyens,
collectivement et individuellement, d'éviter de telles
inégalités.
[Traduction]
S'il est vrai que les lois ne peuvent pas à elles seules changer les attitudes, elles influent quand même sur la définition de ce qui constitue l'égalité véritable entre les personnes de différentes orientations sexuelles dans une société donnée. L'inclusion des conjoints de même sexe dans la définition de conjoints de fait, dans la loi canadienne, indiquerait clairement aux Canadiens et Canadiennes que le préjudice contre les gais et lesbiennes est aussi inacceptable dans notre société que le préjudice contre les Noirs, les Autochtones, les personnes handicapées ou les femmes.
De nombreux employeurs privés et publics ont choisi de leur plein gré d'étendre les avantages aux conjoints de même sexe, sans que cela ait entraîné de coûts ou de problèmes importants. Le ministre Martin abonde dans le même sens et soutient que l'incidence financière du projet de loi C-23 serait minime, sinon nulle.
Le sondage d'opinion publique effectué par Angus Reid en juin 1999, à la demande du Globe and Mail et de CTV, révèle que la reconnaissance des conjoints de même sexe suscite l'appui d'une majorité de Canadiens. Cela nous conforte dans l'idée que l'élimination, dans les lois canadiennes, des dispositions qui constituent une discrimination basée sur l'orientation sexuelle est un objectif auquel tous les Canadiens et Canadiennes pourraient souscrire.
Permettez-moi de conclure en disant que nous souhaitons que le projet de loi C-23 soit adopté, car il créera de nouveaux moyens d'assurer le respect des droits de la personne, y compris ceux des couples de même sexe. Il est grand temps que le Canada reconnaisse l'égalité des conjoints de même sexe, non seulement de façon abstraite ou désincarnée, mais aussi dans la pratique, par l'application même de nos lois.
Je vous remercie de votre attention.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame Falardeau- Ramsay.
Nous cédons maintenant la parole à la Commission du droit du Canada.
M. Roderick Macdonald (président, Commission du droit du Canada): Merci.
[Français]
Monsieur le président et honorables membres du comité, j'aimerais d'abord vous remercier de nous donner l'occasion de vous présenter notre mémoire sur le projet de loi C-23.
[Traduction]
C'est aujourd'hui la première fois que la Commission du droit comparaît devant le comité, et c'est un honneur pour moi de la représenter. Je suis accompagné de Mme Susan Alter, un agent de recherche de la Commission du droit du Canada.
Je ne lirai pas le mémoire que nous vous avons remis. Au lieu de cela, je vais plutôt tenter de résumer les principaux éléments qui y sont exposés.
Comme notre commission est relativement jeune—elle aura bientôt trois ans—j'ai pensé prendre un moment pour d'abord la situer avant d'exposer ses points de vue particuliers sur le projet de loi C-23.
La Commission du droit du Canada a pour mandat d'examiner et de faire l'étude méthodique, selon des méthodes qui reflètent les concepts et les institutions relevant des systèmes de la common law et du droit civil, les lois du Canada et ses effets. Le rôle de la Commission est de donner un avis impartial sur des améliorations, la modernisation et une réforme qui donneraient lieu à un système juridique juste censé répondre aux besoins changeants de la société canadienne et des individus qui la composent. Il découle de ces deux objectifs mis ensemble que la Commission doit entreprendre des études liées à l'incidence socio-économique de la loi et de faire une évaluation de la loi au moyen de diverses méthodes de recherche.
• 1135
À la première réunion de son conseil consultatif, la
Commission du droit du Canada a décidé qu'elle orienterait son
premier programme de recherche sur le thème des relations. Nous
avons convenu d'axer nos recherches sur quatre différents types de
relations, soit les rapports personnels, les rapports sociaux, les
rapports économiques et les rapports de gouvernance.
[Français]
Depuis les premiers mois de 1998, la Commission du droit du Canada poursuit la réalisation de divers projets de recherche sous le thème des rapports personnels. Le projet central entrepris à cet égard a consisté en l'étude du phénomène de l'intersection du droit et de l'activité sociale, notamment en fonction des rapports de dépendance et d'interdépendance entre adultes. Il y a deux préoccupations qui, fondamentalement, ont motivé l'orientation que nous avons donnée à ce projet.
La première, c'est que les hypothèses qui sous-tendent à l'heure actuelle le droit canadien en ce qui a trait à la façon dont les adultes organisent leurs rapports personnels entre eux sont en contradiction avec les faits. Ces rapports sont beaucoup plus diversifiés que ce que le droit en accrédite et ils prennent des dimensions beaucoup plus diverses—notamment sur les plans émotif, psychologique, économique et physique—que celles que le droit semble vouloir leur attribuer de nos jours.
L'autre préoccupation de la Commission du droit du Canada réside dans le fait que les réponses réglementaires couchées dans notre droit ont été adoptées à une époque où il pouvait être raisonnable de conclure que la quasi-totalité des adultes entretenant des relations personnelles intimes était constituée de couples mariés. Or, cela n'est plus le cas, de telle sorte que la formulation même des règles de droit ne convient plus aujourd'hui à la mise en oeuvre des objectifs du droit sur le plan des politiques qu'il entend poursuivre.
Les recherches que nous avons réalisées à ce jour et que nous poursuivons, toujours dans le dessein de présenter un rapport à ce sujet au Parlement tôt l'an prochain, ont porté sur trois questions principales.
[Traduction]
Premièrement, est-ce qu'il convient toujours, aujourd'hui, de tenir le lien matrimonial comme devant constituer l'élément central de bon nombre de politiques régissant les rapports intimes entre adultes? Le droit n'est-il pas assez inclusif, ou est-il trop inclusif à cet égard?
Deuxièmement, le droit s'inspire-t-il encore du lien matrimonial pour formuler en termes juridiques des politiques qui n'ont que peu ou rien à voir avec la famille ou les rapports conjugaux? La justification qui sous-tend le droit est-elle vraiment en harmonie avec la formulation juridique de politiques que le droit entend promouvoir?
Troisièmement, y a-t-il une distinction entre les règles juridiques régissant le statut du mariage et les règles juridiques visant plutôt la poursuite d'objectifs précis de certaines politiques se rapportant à la question des rapports de dépendance et d'interdépendance entre adultes?
Nous croyons qu'une analyse des lois canadiennes en ce moment permettrait de circonscrire deux failles législatives ou politiques actuelles des lois canadiennes. D'un côté, la loi fait une distinction entre les couples hétérosexuels qui sont mariés et ceux qui ne sont pas mariés. Elle fait aussi une distinction entre les couples hétérosexuels qui ne sont pas mariés et tous les autres adultes qui entretiennent une relation intime.
Le projet de loi C-23 comble ces failles. Pour commencer, à plusieurs reprises, il supprime la distinction entre les droits et les obligations qui s'appliquent aux couples hétérosexuels vivant en union de fait et ceux qui s'appliquent aux couples mariés. D'un autre côté, à plusieurs reprises, il supprime aussi la différenciation entre les couples hétérosexuels vivant en union de fait et les couples de même sexe qui vivent en union de fait. Autrement dit, le projet de loi C-23 reformule la conception qu'a la loi des relations intimes entre adultes.
• 1140
Nous applaudissons les efforts que le Parlement et le
gouvernement du Canada déploient en ce sens. Cela ne signifie pas,
cependant, qu'il ne reste plus de questions à poser, et la
Commission du droit du Canada s'acquitte de son mandat en examinant
ces autres questions.
Par exemple, nous estimons qu'il conviendrait d'explorer trois domaines d'intérêt, ce que nous faisons. Premièrement, la clarification des politiques. Quels sont, s'il en est, les intérêts légitimes de l'État dans le fait d'appuyer des rapports personnels stables et interdépendants entre adultes? Deuxièmement, la différenciation juridique. Dans quelle circonstance, le cas échéant, le droit devrait-il établir des distinctions entre les différents types de rapports personnels stables et interdépendants entre adultes? Troisièmement, la formulation des politiques. Dans quelle circonstance y aurait-il lieu de formuler des politiques juridiques n'ayant pas directement pour objet de soutenir les couples mariés en tant que tels, d'une manière qui fait malgré tout référence à ce concept?
Peut-être le projet de loi ne va-t-il pas assez loin. Nous ne sommes pas prêts à dire que c'est clairement le cas, puisque nous en sommes encore à examiner s'il conviendrait d'influer sur les effets que peut avoir la loi sur diverses relations adultes de dépendance et d'interdépendance, et comment y parvenir. Ce projet de loi est néanmoins un pas dans cette direction, et il devrait être promulgué dès à présent.
La Commission félicite le ministre de la Justice pour les mesures qu'il a prises, avec le projet de loi C-23, pour rendre plus équitables les lois qui se rapportent au mariage et aux relations comparables au mariage. Elle appuie cette initiative législative et encourage le Parlement à adopter le projet de loi sans attendre.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Macdonald.
Nous allons maintenant entamer la période de questions, et chacun aura droit à sept minutes. Je rappelle aux témoins que leurs réponses sont comprises dans ces sept minutes, alors ils sont priés d'en tenir compte.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth (New Westiminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais adresser ma première question au représentant de la Toronto District Muslim Education Assembly, M. Mobarak Ali.
Dans la conclusion de votre mémoire, vous faites des commentaires très vigoureux, d'autant mis en relief par la ferveur avec laquelle vous les avez prononcés. Vous avez dit, entre autres, «Rien ne doit être fait, directement ou indirectement, sous aucune forme, pour compromettre l'institution sacrée du mariage et les riches traditions familiales, et ce pour le bien supérieur de la société», ceci en guise de résumé récapitulatif, de conclusion.
En votre qualité de membre d'une organisation qui contribue à définir l'avenir de la société canadienne et conseille les membres de vos groupes affiliés, je me demande ce que vous allez dire au gouvernement et à ce comité sur vos recommandations futures devant l'urne électorale. Au moment de définir le sens sociétal de ce que cela signifie d'être Canadien et, particulièrement, compte tenu de l'histoire du Canada, parsemée de sacrifices à la guerre et de luttes pour obtenir les quelques libertés démocratiques dont nous jouissons aujourd'hui, quel conseil donnerez-vous à vos membres en vue des élections, à la lumière de cette définition sociétale fondamentale de l'orientation que semble prendre le gouvernement?
M. Mobarak Ali: Tout d'abord, je tiens à vous remercier pour votre question, qui est excellente.
Je crois que ce que nous sommes en train de faire brouille le problème. Essayons d'être justes et francs avec nous-mêmes et de nous regarder en face ou dans le miroir. Si la question qui se pose concerne la discrimination ou l'iniquité, c'est un problème différent. Qu'est-ce qui fait que l'homosexualité est tellement plus louable que d'autres types d'activités sexuelles? Qu'en est-il de l'inceste? On ne manquera pas de sauter et de dire que c'est moralement répréhensible, mais pas l'homosexualité? Et les autres formes de relations? Si nous voulons être vraiment sincères et cohérents, nous devons inclure d'autres groupes, même si nous autres, Musulmans, ne le préconisons pas parce que selon nous, c'est moralement répréhensible.
Vous voilà en train de prétendre—et pardonnez-moi l'expression—comme une farce, que c'est une question de discrimination, d'équité et de justice. Qu'en est-il de la relation entre mère et fils, entre père et fille, de toute autre relation—même si elle n'est pas incestueuse—lorsqu'ils vivent ensemble? Pourquoi devrions-nous particulariser cette petite minorité de la société? Nous ne cherchons pas à dire qu'elle ne devrait pas jouir de droits et de privilèges, etc., ou qu'elle devrait être l'objet de discrimination. Non. Pourquoi devrions-nous exproprier les droits des couples mariés? Pourquoi ne pas leur attribuer de droits uniques aux homosexuels, qui n'ont rien à voir avec les couples mariés? C'est cela qui serait juste.
• 1145
Que fait-on de l'étudiant étranger ou de l'immigrant reçu qui
vit ici, au Canada, pendant des années en tant que citoyen? Il n'a
pas de droit de vote. Il y a tellement de choses qu'il ne peut pas
faire. C'est de la discrimination.
Je crois que nous nous devons d'être honnêtes. Nous confondons le problème. Ces gens ne devraient pas subir d'abus, ni quoi que ce soit qui leur arrive, mais en même temps, ils ne peuvent pas sous ce prétexte s'attribuer les droits du mariage. C'est miner le mariage.
J'ai donné l'exemple des conducteurs. L'un a son permis de conduire et l'autre non. Si celui qui n'a pas de permis de conduire a les mêmes privilèges que celui qui en possède un, pourquoi alors se munir d'un permis de conduire? Il est inutile d'aller passer l'examen. Il ne sert à rien de payer des assurances et tout le reste.
Nous confondons le problème. Ce que nous disons, la communauté musulmane, c'est que tout le monde, tout être humain, devrait avoir droit au respect. Ils ont le droit de choisir. Cependant, ce choix est assorti, si on veut, de conséquences ou d'avantages, et ils doivent le reconnaître. Si nous cherchons à régler le problème de la discrimination, alors il nous faut ouvrir bien grande la porte du sujet, et je suis assez sûr que nous n'y tenons pas. Ce n'est pas un problème de discrimination. C'est en fait un prétexte pour pistonner ce projet de loi...
Il s'agit d'un groupe distinct de gens. Ils ont des besoins spéciaux. Accordez-leur ce dont ils ont besoin, mais ne leur donnez pas les droits du mariage—le mariage public et consommé.
Je crois que ce que nous pouvons apporter à l'ensemble de la société canadienne est de préserver le mariage. Ne le minez pas. N'en brouillez pas la signification. Il n'y a plus de différence, qu'on soit marié ou non; tout le monde est pareil. Tant qu'à y être, faisons de même pour l'étudiant étranger et l'immigrant reçu. Ce n'est pas ce qu'on cherche à faire et je suis sûr que vous serez d'accord, parce que d'autres groupes existent, qui sont délibérément exclus. Pourquoi choisir ce groupe en particulier? Si nous voulons être vraiment cohérents, je dirais acceptons tous les groupes, y compris l'inceste, que nous les Musulmans n'appuyons pas, mais pour soutenir le principe de votre soit disant définition de la non-discrimination, nous l'appuierions.
M. Paul Forseth: Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
Le vice-président (M. Ivan Grose): Il vous reste deux minutes.
M. Paul Forseth: Je vais poser la question suivante au commissaire en chef de la Commission du droit du Canada.
À la page deux de votre document, à l'instar de bon nombre de témoins qui ont cité des sondages devant ce comité, vous dites à propos d'un sondage Angus Reid:
-
[...] révèle que la reconnaissance des couples de même sexe suscite
l'appui d'une majorité de Canadiens. Cela nous conforte dans l'idée
que l'élimination, dans la loi canadienne, des dispositions qui
constituent une discrimination basée sur l'orientation sexuelle est
un objectif auquel tous les Canadiens et Canadiennes pourraient
souscrire.
Cependant, je retourne à ma circonscription. Je n'ai fait aucun commentaire qui aurait été publié sur la question, je n'ai accordé aucune interview, et pourtant je reçois toutes sortes d'appels et de demandes s'opposant complètement à ce projet de loi une fois que toute la portée du projet de loi C-23 s'est diffusée dans la communauté grâce aux médias. Je soupçonne que la formulation des questions dans les sondages antérieurs visait le problème de la discrimination, et bien entendu personne ne veut se faire taxer de discrimination. Et pourtant, vu comme il l'est maintenant, le projet de loi C-23 semble complètement perdre l'appui du public. Je n'ai pas reçu un seul appel à mon bureau en sa faveur, mais par contre j'ai reçu environ 150 appels et messages, et j'ai assisté à diverses réactions contre lui.
Je voudrais vous inviter à commenter cela, parce que votre tribunal est en position de recevoir les plaintes sur une grande variété de questions. J'aimerais que vous parliez de la légitimité politique apparente qu'on attribue souvent à ce projet de loi.
Le vice-président (M. Ivan Grose): La question était longue, la réponse devra être courte.
M. Paul Forseth: Je regrette d'avoir pris tant de temps.
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Premièrement, je voudrais souligner que, peut-être, ceux qui sont favorables au projet de loi ne vous ont pas appelés. Ce pourrait être une des raisons. Il reste tout de même que nous recevons constamment des plaintes relativement à la discrimination à l'égard de l'orientation sexuelle. C'est un problème de discrimination. Qu'est-ce que la discrimination? C'est une distinction illicite fondée sur une caractéristique personnelle comme l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, la religion, etc. C'est cela, la discrimination.
M. Paul Forseth: Que faites-vous de ceux qui disent que ce que nous faisons, c'est confondre un choix de comportement avec un état naturel? Vous dites ce qui suit:
-
[...] aux Canadiens et Canadiennes que le préjudice contre les gais
et lesbiennes est aussi inacceptable dans notre société que le
préjudice contre les Noirs, les Autochtones, les personnes
handicapées ou les femmes.
La réponse qui est donnée à cela, ce n'est pas forcément la mienne, mais j'ai entendu d'autres personnes dire que c'est un mélange d'un choix de mode de vie et de comportement comparativement à l'état naturel.
Le vice-président (M. Ivan Grose): C'est votre dernière question, monsieur Forseth.
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je vais répondre à cela que je ne crois pas que ce soit une question de choix. C'est la même chose que la religion, par exemple.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.
Monsieur Ménard, vous avez sept minutes.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): J'aimerais faire un commentaire et poser deux questions.
Premièrement, il me semble qu'il ne faut pas avoir les idées très claires pour mettre sur un pied d'égalité l'inceste et l'homosexualité. Je pense bien que si on demandait à l'un ou l'autre des témoins de nous nommer une société moderne qui reconnaît l'inceste, il aurait évidemment beaucoup de difficulté à en trouver une. Je veux vous rappeler que ceux qui connaissent la réalité homosexuelle et qui n'entretiennent pas un rapport homophobe ou théorique avec cette réalité savent bien que ce n'est pas une question de choix, mais bien une question d'être. On ne choisit pas d'être homosexuel. C'est mon commentaire.
Ma première question, que je veux toute gentille, s'adresse à Mme la présidente de la Commission des droits de la personne. La Commission des droits de la personne suit ces questions depuis 1979 dans ses rapports annuels. À votre connaissance, combien y a-t-il approximativement de contestations devant les différents tribunaux administratifs ou devant les cours de droit commun, s'agissant de la reconnaissance des conjoints de même sexe ou de thématiques liées à l'orientation sexuelle? Si je vous demande cela, c'est que je suis de ceux qui, comme la ministre de la Justice, prétendent que le gouvernement n'avait pas le choix de bouger dans ce sens-là sur le strict plan du droit. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je peux évidemment vous parler de la Commission canadienne des droits de la personne. Actuellement, on a près de 200 cas qui sont reliés à l'orientation sexuelle. Parmi ces cas, il y en a de 55 à 60 qui touchent spécifiquement les avantages.
M. Réal Ménard: Quand on parle des avantages, est-ce que je me trompe en pensant que c'est lié... Dans le cas des pensions, cela a été corrigé. Est-ce que cela l'a été dans le cas de l'assurance-emploi?
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Par exemple, on a une série de cas qui ont trait spécialement à l'impôt sur le revenu et aussi des cas qui ont trait, par exemple, à l'assurance-emploi, sans compter les autres cas. Ceux-ci ont trait aux avantages eux-mêmes, mais on a aussi des cas qui ont trait à l'immigration, par exemple. C'est aussi un sujet important, mais si je ne m'abuse, je crois qu'on en traitera lorsque la Loi sur l'immigration sera étudiée. Donc, on a un nombre assez considérable de cas.
M. Réal Ménard: Je sais que, dans le cadre de vos fonctions, vous êtes appelée à rencontrer différents groupes de la société canadienne et québécoise et que vous avez, de par la nature même de votre travail, à parler des valeurs que le législateur est censé promouvoir. Si le législateur est en lien avec la société civile, les valeurs qui sont promues au Parlement canadien devraient normalement être le reflet de la société canadienne. Que pourriez-vous dire d'un projet de loi comme celui-là à ceux qui vous demanderaient de dresser un tableau des valeurs auxquelles il participe?
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je pense que cela démontre quelles sont les valeurs de la société canadienne, qui sont, comme je le disais, des valeurs de respect et de dignité. Nous adhérons à la Déclaration universelle des droits de l'homme, et il est indiqué dans cette déclaration que tout être humain a droit au respect et à la dignité. Si je me souviens bien, c'est à l'article 1 de la déclaration. C'est exactement le but de ce projet de loi, qui reconnaît la dignité et le respect des couples de même sexe. Je pense que c'est une valeur fondamentale de notre société.
• 1155
Le Canada est reconnu
comme un phare dans le domaine des droits de la
personne. À ce moment-là, on ne ferait que
suivre la Belgique, la Hollande, la
Suède et le Danemark, ainsi que la résolution
tout à fait récente
du Parlement européen qui enjoint
les 13 pays qui en font partie de reconnaître
les avantages pour les couples de même sexe,
sans parler du Vermont, qui a adopté
une loi la semaine dernière, je pense.
M. Réal Ménard: Je m'adresse maintenant à la Commission du droit du Canada. Vous savez qu'on a eu le plaisir d'accueillir Mme Bailey, à qui, si mes renseignements sont exacts, vous aviez confié le mandat de rédiger une étude, que notre attachée de recherche a eu la gentillesse de nous distribuer.
Il y a un aspect de votre mémoire qui m'intéresse beaucoup. Tous les parlementaires se posent une question légitime: doit-on reconnaître d'autres formes d'interdépendance financière? Pour ma part, je pense que oui, mais pas dans le cadre de ce projet de loi. C'est sûr qu'on va vivre dans une société où beaucoup de gens vont prendre soin d'autres personnes. Cela, c'est certain, puisqu'on ne parle plus du troisième âge mais du quatrième âge.
Vous posez une question intéressante en nous invitant à réfléchir sur les impacts que cela pourrait avoir sur le droit. Vous parlez entre autres d'une modification du Code criminel qui pourrait obliger certaines personnes à prendre soin d'autres personnes, non pas tant en termes de fourniture d'aliments... Je n'ai pas le libellé exact, mais pourriez-vous, de façon préliminaire, sachant que cela va faire l'objet d'expertises plus fouillées, nous dire de manière très intuitive et très impressionniste ce que vous anticiperiez comme conséquences sur le plan du droit si jamais le législateur décidait, dans un autre projet de loi—il ne faut pas confondre les choses—, de reconnaître d'autres formes d'interdépendance?
M. Roderick Macdonald: J'aimerais apporter une précision. Je crois que la citation du Code criminel vient de l'étude de Mme Bailey, n'est-ce pas?
M. Réal Ménard: C'est possible.
M. Roderick Macdonald: Oui. La commission n'a pas publié d'étude sur les rapports personnels. Nous sommes sur le point de le faire. Mme Bailey est un professeur qu'on a engagé pour faire de la recherche, et il se peut que ce soit dans son mémoire. Je voulais simplement préciser la source de cela.
Premièrement, ce projet de loi nous indique qu'une fois qu'on commence à poser des questions sur les valeurs et les objectifs que les parlementaires doivent poursuivre dans chacune de leurs lois, que ce soit la Loi sur la preuve, la Loi sur l'immigration, le Code criminel ou toute autre loi, et qu'on essaie de cerner l'objectif, on se rend compte qu'on se sert souvent, pour véhiculer ces objectifs, de certains concepts qui ne cadrent plus avec la réalité sociale.
Donc, nos études actuelles et les recherches que nous entreprenons visent à identifier tous les cas, dans la législation fédérale, où on se sert de mots comme «époux», «mariage» ou «couple», à essayer de comprendre le but poursuivi et à se demander si ces concepts sont adéquats pour rejoindre tous les gens visés par cet objectif. Une fois qu'on se pose des questions comme celle-là, on se rend compte qu'il faut préciser en détail dans chaque loi les buts et les valeurs à poursuivre. Il n'y a pas de réponse unique, et c'est pour cette raison que nous croyons qu'il faut adopter cette loi maintenant.
M. Réal Ménard: Monsieur le président, puis-je poser une petite question? Soyez donc gentil avec moi. Sinon, je reviendrai.
Vous savez que la ministre, lorsqu'elle a comparu, nous a dit que les dispositions concernant les autochtones ne feraient pas l'objet d'une mise en vigueur sans une discussion préalable avec eux ou même sans leur consentement. Je pense bien que je la cite correctement.
• 1200
À la Commission canadienne des
droits de la personne et à la Commission du
droit du Canada, avez-vous des raisons de penser que les
autochtones devraient
faire l'objet d'un traitement différent
dans un dossier comme celui-là? Je sais que
ma question est un peu complexe sur le plan du droit,
mais comme vous êtes des démocrates informés, je
n'hésite
pas à vous la poser.
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: C'est compliqué parce que c'est une question de droit constitutionnel. Comme je ne suis pas une experte en droit constitutionnel, je peux difficilement répondre à votre question, monsieur Ménard. C'est malheureux.
M. Réal Ménard: Ne vous en faites pas. Je poserai des questions au deuxième tour. J'en aurai deux ou trois autres. Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Ménard.
Monsieur MacKay, c'est votre tour, vous avez sept minutes.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus nous exposer leurs avis éclairés.
Je serais d'accord que la loi constitutionnelle est non seulement, en elle-même, extrêmement compliquée et souvent déroutante, mais aussi que lorsqu'on aborde le domaine ou qu'on le juxtapose à une question morale, les choses se compliquent encore, ce qui semble être le point où, je crois, beaucoup de gens qui se sont lancés dans ce débat abandonnent la partie. Cette perception de ce qui est moralement correct, qui est moralement valable ou répréhensible, je crois, est ce qui brouille encore plus le problème pour beaucoup de gens. Nous pouvons tous convenir, je crois, quel que soit l'angle sous lequel on aborde la question, que les valeurs morales changent—je suppose qu'il conviendrait mieux de dire qu'elles évoluent. Que ce soit la religion, les pratiques en affaires, les changements dans nos lois ou dans la technologie, tout cela est en mouvement.
Il y a une chose sur laquelle je voulais revenir, à propos de l'exposé et du mémoire de M. Ali, qui se trouve à la page 4 du document. Manifestement, vous abordez la question d'une perspective tout à fait particulière. Vous parlez de l'Islam et du droit musulman. Au dernier paragraphe, qui se trouve au milieu de la page 4 de votre document, vous dites en gros que l'orientation que nous ferait prendre cette loi ou le changement qu'elle entraînerait «serait malveillant et injuste et ne servirait en rien la société», et vous dites aussi que cela ne peut que créer «beaucoup de tort et de mal».
La question que je veux vous poser, j'imagine—et je le dis en toute sincérité—est la suivante: qu'en est-il de la loi canadienne actuelle qui ne fait pas cette distinction entre des religions, quelles qu'elles soient, qui sont pratiquées dans notre pays à l'heure actuelle? Qu'en est-il de la Charte canadienne des droits et libertés qui est implicite dans la structure morale de notre pays? Qu'en est-il du précédent créé par la Cour suprême du Canada et par les provinces qui ont déjà adopté la décision qui a été rendue tout récemment? Dans votre perspective, que pensez-vous de cette façon canadienne de voir la loi qui, j'imagine, ne cadre absolument pas avec la loi musulmane?
M. Mobarak Ali: Tout d'abord, je crois que personne ne peut ou ne doit trouver à redire à l'esprit et à la teneur de la Charte des droits. Les représentants de la communauté musulmane sont certainement en faveur du préambule général qui représente l'esprit de la Charte des droits, dans la mesure où il est appliqué et compris dans les limites du raisonnable.
Je prendrais par exemple le cas de l'inceste. Qu'est-ce qui ne va pas à cet égard? Pouvons-nous prévoir des avantages dans le cas de rapports incestueux? C'est une bonne question, n'est-ce pas? Pouvons-nous dire que les avantages devraient également être prévus pour les gens...? Dans le monde islamique, la polygamie existe. Un homme, s'il remplit les conditions requises—non pas pour céder à la luxure, mais conformément à la loi musulmane, la shari'a—a le droit d'avoir jusqu'à quatre épouses—épouses, non maîtresses ou toute autre forme de conduite immorale. Quelle est leur place dans ce régime d'avantages, étant donné que la loi canadienne, qui est censée être juste, est discriminatoire, qu'elle ne reconnaît seulement qu'un seul mariage légal?
Je ne sais pas ce que vous voulez vraiment dire. C'est la raison pour laquelle en principe, je dirais que si nous parlons de discrimination en tant que telle, je suis prêt à l'accepter. Ouvrons tout grand la porte et vous verrez la folie et la confusion qui s'empareront de la société, et pas seulement au plan juridique.
Comme je l'ai dit plus tôt, la Charte des droits est censée être raisonnable; elle n'ouvre pas la porte à toutes sortes de revendications, de comportements et d'actes absurdes sous prétexte qu'on peut légalement l'interpréter à cet égard. Je pense qu'il faut comprendre l'esprit et l'intention de la Charte des droits, et non pas constamment essayer de la dépouiller. Ce n'est pas une loi révélée. Ce n'est pas la Bible, ni la Torah, ni le Coran. Elle a été concoctée par des êtres humains qui sont de frêles créatures. C'est la raison pour laquelle nous avons des codes supérieurs révélés pour nous guider et nous mettre sur le droit chemin.
• 1205
Je dirais que si notre interprétation s'inscrit dans le
contexte de ce qui est raisonnable, elle sera acceptée. Elle ne
contredit pas une religion quelle qu'elle soit, comme vous l'avez
dit, ni les gais ou tout autre groupe qui se considère minoritaire
ou historiquement démuni ou défavorisé. Par contre, le fait de tout
accepter—je crois que cela est un peu exagéré.
M. Peter MacKay: D'après vous, nous sommes donc sur un terrain glissant—cela va nous conduire à reconnaître quelque chose qui, de votre point de vue, pourrait être encore plus destructeur ou choquant au plan moral. Vous avez utilisé l'exemple de rapports incestueux: selon vous, c'est un pas dans cette direction. Pour que cela figure au compte-rendu, vous avez donné l'exemple de la polygamie...
M. Mobarak Ali: Oui.
M. Peter MacKay: ...dans les pays musulmans. Dans ce contexte, c'est non seulement rejeté moralement dans notre pays, mais c'est aussi illégal. On ne peut pas avoir plus d'un conjoint. Vous faites donc un peu fausse route, lorsque vous commencez à faire ces genres d'analogies dans le contexte canadien et dans celui de cette loi. En effet, que vous parliez de relations hétérosexuelles ou homosexuelles, personne, sous l'impulsion du moment, ne va pouvoir faire une réclamation fondée en droit au sujet de...
Replaçons tout cela dans son contexte. Nous parlons ici d'avantages financiers. Nous ne parlons pas de morale ni de perception. On ne retrouve nulle part dans cette mesure législative les mots «marital» ou «conjugal». Ces mots ne sont pas utilisés dans la loi, probablement pour une bonne raison. Les rédacteurs les ont évités. On est en droit de se demander, je suppose, si la loi devrait explicitement indiquer qu'elle ne vise pas cette réalité. Je crois que cela a été mis de côté, comme il le fallait, et que cela signifie que la loi n'aborde pas ces définitions.
M. Mobarak Ali: Vous voyez toutefois que cela ébranle l'institution unique et distincte du mariage, du mariage correctement contracté et de la famille, parce que vous transférez des avantages qui étaient exclusifs ou uniques ou que vous les retirez à un groupe unique pour les donner à n'importe qui. J'ai donné...
M. Peter MacKay: Il y a quand même des critères.
M. Mobarak Ali: Si le sexe est un critère, je dirais alors qu'il faut inclure l'inceste et maintenant la polygamie pour ne pas être sélectif. Dans le cas contraire, le processus présente un défaut fondamental, dans notre pensée, dans notre logique.
M. Peter MacKay: Qui le propose? Y a-t-il quelqu'un qui au cours de ce débat a suggéré que l'étape suivante logique serait l'inceste, la bestialité ou autre chose du genre?
M. Mobarak Ali: Non, mais il y a 50 ans, vos parents ou vos grands-parents n'auraient jamais même imaginé cela, de la même façon que vous n'êtes pas en mesure d'imaginer cela maintenant. Il faut être prudent.
C'est un groupe particulier dont les membres peuvent avoir des besoins particuliers; il n'y a rien de mal à cela. Mais il ne faudrait pas leur accorder une attention particulière. Ne transférez pas en bloc les droits, privilèges, etc., conjugaux à ce groupe. Quels que soient leurs besoins uniques à cause de leur caractère distinct, ils occupent une place particulière. Que va-t- il arriver si ces distinctions deviennent floues?
La famille est la cellule fondamentale de la société. Lénine a essayé d'abolir la famille, lorsqu'il a monté le canular du prolétariat et de la société sans classes—et que s'est-il produit? Il a dû rétablir la famille. Qui va être le père d'un enfant qu'il ne connaît pas?
Il y a beaucoup de conséquences—sans parler du risque du sida et de toutes ces autres choses.
M. Peter MacKay: D'accord.
M. Mobarak Ali: À mon avis, lorsque l'on interprète la Constitution ou la Charte des droits, il faut le faire de façon raisonnable. Même John Stuart Mill, père du libéralisme, n'est pas allé aussi loin. Dans son traité sur la liberté et la démocratie, il a écrit que les idées pernicieuses doivent être refrénées.
Je vais faire une observation à ce sujet du point de vue islamique. La moralité islamique n'a pas changé. Dans notre civilisation humaine, on peut essayer de modifier notre concept de moralité. L'islam est un code révélé et je crois que c'est la même chose dans le cas de la torah et de l'évangile. Cela ne change pas. L'homosexualité y est dénoncée, elle est dénoncée maintenant, elle le sera jusqu'au jour du jugement dernier. Rien ne va changer. Aucun concept moderne ne peut le changer.
Il est impossible de changer ces choses si l'on respecte les bons codes. D'autres valeurs peuvent changer, selon les circonstances ou le niveau d'avancement, mais pas les questions morales. On ne peut pas dire qu'une chose est morale aujourd'hui et qu'elle est immorale plus tard. La question de la moralité ne devrait pas être envisagée de cette façon-là. Du point de vue musulman, c'est défini dans la shari'a, dans la loi musulmane. En tant que musulmans, nous croyons qu'elle offre des avantages, non seulement pour nous, mais pour tous les membres de la société. Nous faisons partie intégrante de la grande mosaïque du Canada et voulons apporter notre contribution et nous remettre sur le droit chemin, tout en gardant les choses en perspective.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.
Monsieur McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): C'est avec plaisir que j'ai écouté cet échange, les grands principes libéraux de John Stuart Mill étant cités à un Conservateur. C'était excellent.
J'aimerais que Mme Falardeau-Ramsay et M. Mcdonald me disent s'ils croient que l'attribution est une forme de discrimination et si le projet de loi C-23, conjointement avec certaines des lois récemment adoptées par le gouvernement ontarien, crée un régime légal et impose un régime légal à un ensemble de relations, sans que les personnes visées aient véritablement le choix d'être assujetties à ce régime ou non. S'agit-il, d'après elles, d'une forme de discrimination?
Ma deuxième question, j'imagine, c'est de savoir si c'est une forme justifiable de discrimination.
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Si je comprends bien votre question, je crois que si vous avez une relation pendant un an et que vous restez dans cette relation, les droits et obligations qui découlent de cette relation vont automatiquement suivre. Je ne vois donc pas cela comme...
M. John McKay: Le jour où ce projet de loi est adopté et où le projet de loi de l'Ontario est adopté, toute relation qui existe depuis plus d'un an est automatiquement subsumée par ce régime légal. D'après vous, est-ce une forme de discrimination?
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Non. D'après moi, c'est un changement de régime légal, de la même façon que lorsque, par exemple, au Québec, le régime légal du mariage sans contrat a changé à une certaine date. Il a changé à cette date-là. Je ne vois donc pas cela comme...
M. John McKay: C'est une forme acceptable de changement d'un régime légal? D'après vous, ce n'est pas discriminatoire?
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Pas du tout.
M. John McKay: Monsieur Macdonald?
M. Roderick Macdonald: Je pense saisir le sens de votre question.
Tout système de réglementation légal explicite en vertu d'une loi présuppose deux situations. L'une cadre avec la définition de la loi, donnant droit au secours de la loi. Il y a toujours une ombre, c'est-à-dire une situation factuelle, qui ressemble à ce qui est légalement défini.
Dans le droit contractuel, par exemple, vous pouvez établir un contrat. Vous et moi pouvons explicitement signer un contrat. Par contre, la confiance que vous manifestez à l'égard d'une promesse que j'ai faite et le fait que vous modifiiez votre position de manière préjudiciable à propos de quelque chose que j'ai dit sont tout aussi exécutoires et assortis exactement des mêmes mesures de redressement. Il n'y a pas de contrat dans ce cas-là, mais vous avez subi des dommages en raison de confiance préjudiciable et la loi vous impose en fait de me payer ces dommages, quand bien même il n'y a pas de contrat explicite.
M. John McKay: Il s'agit toutefois d'un contrat entre deux parties. Ici, il ne s'agit pas seulement de deux parties, mais de trois, la troisième étant représentée par les gouvernements diversifiés du Canada qui peuvent modifier les clauses d'un contrat entre deux parties, contrat au sujet duquel beaucoup de gens ont manifesté une confiance préjudiciable dans le cadre de l'ancien régime légal au moment où ils ont noué leurs relations; tout d'un coup, les choses changent.
M. Roderick Macdonald: Je conviens que chaque fois que l'assemblée législative légifère, tout comme chaque fois qu'une cour rend une décision—qu'il s'agisse de la Cour suprême, de la Cour supérieure du Québec ou de la Haute Cour de justice de l'Ontario—elle est censée avoir énoncé la loi comme elle l'a toujours été. En théorie, les cours n'ont pas compétence législative. Supposons qu'elles rendent une décision X. Cette décision s'applique à tous ceux qui se trouvent dans la situation X et qui pensaient ne pas se trouver dans la situation X jusqu'au moment de la décision.
M. John McKay: Habituellement, lorsque les cours l'imposent, elles créent un régime légal entièrement nouveau. Il ne serait pas très difficile de créer des situations où les gens qui sont dans des relations actuelles pourraient en fait en sortir, ou à tout le moins, décider de ne pas y entrer. Avez-vous pensé si, dans le contexte du projet de loi C-23, il y aurait un moyen qui permette aux gens de faire un choix au lieu de ne pas avoir du tout cette possibilité?
M. Roderick Macdonald: Oui. La Commission du droit du Canada étudie actuellement les effets de toute réévaluation des politiques visant des relations personnelles entre adultes. Notre objectif est d'examiner tout l'éventail des rapports du type...
M. John McKay: Pourrait-on soutenir que le gouvernement du Canada commence par la fin—qu'en fait, il aurait dû examiner cet éventail de rapports? Nous reconnaissons tous que le concept et le visage de la famille et des relations sont en train de changer, indépendamment de ce quiconque ait pu dire ici. Pensez-vous donc que réellement nous aurions dû partir de là pour ensuite remonter vers les relations particulières, qu'il s'agisse du mariage, d'une situation assimilable au mariage, d'une union de fait, etc.?
M. Roderick Macdonald: Le mieux est l'ennemi du bien.
Le gouvernement du Canada a compris les répercussions des décisions judiciaires et a tenté... C'est un travail difficile. Dans le cadre de notre propre travail, 1 600 articles de loi, dont tous sont conçus en fonction de diverses politiques, comprendre les répercussions... Je crois que le ministère a fait un travail fabuleux en essayant de véritablement comprendre les répercussions de ces décisions de la Cour suprême sur tout un éventail de lois. Ils essaient d'être attentifs à la Constitution du Canada.
Dans une plus vaste perspective, à la suite d'une analyse approfondie de bien d'autres choses, que nous puissions voir d'autres mesures à prendre est une question. Que le gouvernement doive être attentif à la Constitution du Canada est une autre question. Je crois que le gouvernement est attentif à ce que les cours ont dit à propos de la Constitution du Canada...
M. John McKay: Je ne conteste pas ce que vous dites, le gouvernement est en fait attentif. Certains pourraient dire qu'il est attentif de façon primaire et qu'il devrait plutôt examiner les grandes répercussions politiques. Des gens comme M. Ali et M. El- Sayed sont donc aliénés par ce processus, tout comme de profondes convictions religieuses, ce qui, à mon avis, avec tout le respect que je vous dois, est tout à fait inutile.
En fait, le facteur déterminant doit-il être la nature conjugale d'une relation par opposition à la dépendance? Une telle analyse pourrait permettre de répondre à certains des points soulevés par M. Ali. Nous finissons inutilement par entrer dans des clivages religieux et juridiques qui sont stériles.
M. Roderick Macdonald: Puis-je répondre brièvement, monsieur le président?
Le vice-président (M. Ivan Grose): Oui, certainement. C'est lui que j'interromps et non pas vous.
M. John McKay: Ce n'est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière.
M. Roderick Macdonald: On peut supposer que beaucoup de Canadiens vivent dans des situations qui sont maintenant visées par cette mesure législative. Lorsqu'ils jugeront que leurs droits sont touchés de façon préjudiciable par la configuration actuelle de la sphère législative, ces Canadiens formeront des recours.
Si le Parlement n'essaie pas de réagir du mieux possible et assez rapidement à la décision de la Cour suprême, on peut s'attendre à une myriade de litiges et de procès coûteux.
Je conviens que le Parlement est toujours confronté à des choix difficiles. Faut-il légiférer pour rester attentif à la Constitution, sachant bien qu'il y a plus à faire? Faut-il légiférer sur des points précis de politique qui ne suscitent pas de consensus pour peut-être finir par dégager un plus vaste consensus à l'égard de la politique recherchée? Il faut toujours arriver à un compromis entre cela et les conséquences d'une réaction à des décisions législatives.
À la Commission du droit, nous pensons que nous travaillons fort et rapidement pour tenter d'indiquer au Parlement du Canada, par l'entremise de notre rapport, la façon dont nous comprenons ces politiques afin de lui permettre de savoir les mesures qu'il peut prendre pour dégager ce consensus. Cela ne devrait toutefois pas permettre de justifier l'absence de réaction immédiate, comme le fait le projet de loi C-23.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Macdonald.
Monsieur Forseth, trois minutes.
M. Paul Forseth: Merci beaucoup, monsieur le président.
• 1220
J'adresse ma question à la Commission du droit du Canada. Aux
pages 13 et 14 de votre mémoire, vous dites:
-
Malgré notre engagement sans équivoque envers la réalisation des
recherches plus larges en la matière, à la Commission du droit du
Canada
... allez savoir ce que cela veut dire...
-
nous croyons tout aussi fermement que des dispositions législatives
comme celles proposées dans le projet de loi C-23 méritent d'être
adoptées dès maintenant. Autant nous croyons fermement à la
nécessité que le Parlement s'efforce d'adopter des dispositions
législatives somme toute «les meilleures», il y a des
occasions—dont celle-ci—où il se doit de procéder à l'adoption de
dispositions législatives qui sont, sur le plan constitutionnel
somme toute «bonnes».
On peut interpréter cette déclaration de la façon suivante: vous dites aux gens ce qui est bon pour eux et vous le leur imposez sans vous soucier de la démocratie parlementaire, du gouvernement représentatif, du Parlement en tant que Chambre du peuple et essentiellement, sans vous soucier de ce que les Canadiens attendent du Parlement. Vous avez peut-être donné ici la mesure de l'absence de liberté et de démocratie dans notre pays et révélé qu'il faut véritablement élargir le pouvoir démocratique des citoyens.
Dans vos travaux à venir, j'aimerais que vous parliez du fossé entre l'évolution des lois et la légitimité sociale plus vaste et le consensus du groupe, tel qu'il s'exprime d'une manière politique démocratique. En ce qui concerne ce fossé, qu'allez-vous devenir, un groupe d'intervention ou quoi? Définissez votre rôle dans des affaires comme le projet de loi C-23 et l'évolution des lois par opposition au consensus politique plus vaste et à la légitimité sociale de cette loi.
M. Roderick Macdonald: Le point de départ de notre mémoire et de notre exposé devant le comité, c'est, je crois, que la Constitution du Canada, telle qu'elle est comprise par le pouvoir judiciaire, exige que le Parlement agisse pour faire en sorte que ces lois respectent les normes établies par la Constitution; c'est ce que fait le projet de loi C-23.
Parfois, lorsque votre enfant arrive à la maison en saignant du nez, votre première réaction consiste à arrêter le saignement avant de demander à l'enfant comment ce saignement est arrivé. La Constitution du Canada exige que le Parlement agisse, et c'est ce qu'il fait.
La Commission du droit du Canada a le mandat de voir plus loin, ce qui exige beaucoup d'étude et une analyse approfondie des lois et de ce que le Parlement essaie de faire. Nous sommes sur ce dossier depuis en fait près de 15 mois, et c'est un travail difficile. Nous allons publier un document de consultation et nous espérons mener de vastes consultations au sujet des questions qui se posent—par exemple, que pensent les Canadiens des soi-disant paiements préférentiels en cas de faillite—transferts entre époux. Le mot «époux» capte-t-il la politique que la Loi sur la faillite tente d'analyser, ou existe-t-il d'autres façons de le caractériser?
Ce sont des questions très difficiles, car il faut comprendre ce qu'est la politique. Ces questions n'ont rien à voir avec les avantages et les droits à prestations entre époux. Elles ont trait à la façon dont le Parlement a choisi de définir certaines relations dans le passé et doivent permettre de déterminer s'il s'agit de définitions qui conviennent au genre de société dans laquelle nous vivons aujourd'hui.
Nous ne cherchons absolument pas à dire à qui que ce soit... Nous avons la grande ambition d'essayer de découvrir ce que les lois disent véritablement, d'essayer de comprendre ce qu'elles prétendent faire et de déposer des rapports au Parlement qui indiquent notre compréhension de ces questions. C'est au Parlement du Canada, à l'organe représentatif des citoyens du Canada, de prendre ces décisions. Tout ce que nous pouvons faire, c'est piocher et essayer d'analyser la loi.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Macdonald.
Nous passons maintenant à Mme Carroll; merci pour votre patience.
Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vais poser mes questions à M. Macdonald ou à Mme Alter.
J'aimerais commencer par dire que votre mémoire est très utile. Je le lis le plus vite possible, puisque vous l'avez résumé. C'est très bien fait. J'ai simplement quelques observations et questions.
Aux pages 6 et 7 de votre mémoire, vous dites que la Commission «s'affaire présentement à réaliser un projet qui examine justement la nature des rapports de dépendance et d'interdépendance entre adultes en tenant précisément compte de cette perspective». Je sais que cela se rapporte aux deux études que vous êtes en train de faire; vous souhaitez d'ailleurs que les Canadiens participent à l'une d'elles. Quand prévoyez-vous terminer?
• 1225
Devrais-je poser toutes mes questions, monsieur le président,
ou...? Cela vaudrait peut-être mieux.
Le vice-président (M. Ivan Grose): C'est à vous de décider.
Mme Aileen Carroll: C'est ma première question. Quand pouvons- nous nous y attendre? Je crois que nous progressons à ce sujet, c'est la ministre qui l'a dit. Il serait vraiment très utile d'avoir vos commentaires à ce sujet.
À la page 8, au point 3, «Formulation des politiques», vous dites:
-
Dans quelles circonstances y aurait-il lieu de formuler de
politiques juridiques n'ayant pas directement pour objet de
soutenir des couples mariés en tant que tels, d'une manière qui
fait malgré tout référence à ce concept?
Je crois que vous mettez justement le doigt sur la question qui nous intéresse ici. J'aimerais demander si, en partant de cette hypothèse, vous pensez qu'il conviendrait, ou non, de donner une définition du mariage peut-être dans le préambule, car c'est en fait une référence à un concept au plan politique, ou faudrait-il simplement ne pas donner de définition et aller de l'avant, comme vous le proposez?
Je pense que le dernier paragraphe, à la page 9 de votre mémoire, est excellent et nous est d'une très grande utilité. En tant que simple député, le dernier paragraphe est probablement celui que je préfère. On y dit qu'on ne peut pas toujours essayer d'atteindre la perfection. Nous progressons pour faire ce qu'il y a à faire de bon pour le moment. Mais le droit, comme nous le savons tous, est en état de perpétuel devenir, même lorsque nous faisons référence à saint Thomas d'Aquin. Par conséquent, tout ce que nous pouvons faire, c'est d'affecter les meilleurs talents que nous avons à la formulation des politiques gouvernementales à n'importe quel moment. C'est exactement, à mon avis, ce que fait le projet de loi C-23. Mais cela aide à coup sûr qu'un groupe aussi prestigieux que le vôtre apporte son appui.
Ma dernière question porte sur un sujet qui m'inquiète beaucoup. Le projet de loi C-23 fait allusion à une relation conjugale d'un an. En Ontario, après la réforme du droit de la famille, si je comprends bien, nous en sommes venus à nous entendre sur le fait que nous aurons soit une relation conjugale d'un an avec enfant soit d'une relation conjugale de trois ans sans enfant. Je sais que vous avez beaucoup réfléchi à la question, et je me demande si vous pouvez nous dire ce qui pourrait poser un problème?
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame Carroll. C'est une façon très habile d'assurer que je n'interromprai pas un témoin.
Mme Aileen Carroll: Je sais, mais vous m'interromprez, monsieur le président. Merci.
M. Roderick Macdonald: Nous espérons publier un document de travail d'ici cinq ou six semaines. D'après notre expérience, si nous voulons faire en sorte qu'on discute librement des questions, il ne faut pas s'attendre à ce qu'un rapport soit présenté au Parlement d'ici la fin de l'année. Nous nous attendons à ce que cela se fasse au tout début de l'année prochaine, voilà donc pour ce qui est du calendrier général.
La deuxième question portait sur l'idée de définir le mariage. L'une des caractéristiques les plus intéressantes du mariage, je suppose, c'est que depuis toujours, tant en matière de droit civil que de common law, on a évité de définir le mariage. Il est arrivé à l'occasion que des gens essaient de préciser certaines des conditions requises: les personnes qui ont l'intention de se marier sont-elles en mesure d'exprimer leur consentement au mariage? Quel est leur degré de consanguinité?
Comme vous le savez, au cours des 100 dernières années nous sommes passés d'une position selon laquelle dans certaines instances un homme célibataire était tenu de par la loi d'épouser la veuve de son frère alors que dans d'autres instances l'interdiction était permanente. Les règles entourant la consanguinité ont beaucoup évolué en 100 ans, et le Parlement du Canada a pris bien soin de modifier les textes législatifs en conséquence.
• 1230
De même, d'autres caractéristiques du mariage ont été laissées
aux bons soins des tribunaux et aux interventions ponctuelles des
parlements ou des assemblées législatives.
Ce serait—et je ne me fais pas le porte-parole des autres commissaires. Ne blâmez pas la Commission du droit du Canada, blâmez-moi. Il semblerait, si l'on se fonde sur la façon dont les assemblées législatives, tant en matière de common law que de droit civil, ont traité cette question par le passé, qu'il ne s'agit pas d'un concept qui prête bien à une définition législative explicite. Je dis cela avec des réserves, étant donné que nous n'avons pas examiné cette question en détail en tant que commission. Nous nous sommes attachés au rapport de dépendance et d'interdépendance entre adultes et non au mariage en lui-même.
La quatrième question portait sur l'exigence d'une relation conjugale d'un an, ce qui en fait accorde la priorité à la substance du rapport. Une fois de plus la Commission du droit n'a pas examiné cette question particulière en profondeur. Lorsque nous commençons à examiner la politique—et il s'agit d'une simple hypothèse—il se pourrait que nous ayons affaire à deux membres d'une famille qui ont vécu ensemble, non pas comme mari et femme, mais qui vivent ensemble depuis longtemps et qui ont établi entre eux un rapport d'interdépendance. Il se peut que vous estimiez que la période appropriée est de cinq ans, trois ans. Ce sont ces questions de fait qu'il faut examiner. Selon nous...
Mme Aileen Carroll: Puis-je poser rapidement une question?
Le vice-président (M. Ivan Grose): Non.
Mme Aileen Carroll: S'il vous plaît. D'accord.
M. Roderick Macdonald: Notre impression au sujet du projet de loi C-23, bien sûr, c'est qu'il s'agit d'un geste que le gouvernement a fait au meilleur de sa connaissance de la cohérence entre sa législation et celle d'autres mesures législatives fédérales et provinciales à l'échelle du pays, parce qu'il faut réagir non pas seulement à ce qui se passe en Ontario mais aussi au Nunavut et tenir compte de la décision de la Cour suprême.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Macdonald.
Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur Macdonald.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Ménard, vous avez trois minutes et des poussières.
[Français]
M. Réal Ménard: Merci. Je voudrais échanger avec M. Ali. Je dois dire en tout respect que son témoignage m'a un peu troublé. Je voudrais lui poser deux questions. Est-il d'accord avec moi pour affirmer que comme législateur... Alors, je disais qu'il y a deux questions que je souhaitais... Je disais que votre témoignage, en tout respect, m'a beaucoup troublé et que je voulais m'assurer...
Est-ce que je parle dans le vide et que personne ne m'écoute? C'est une vraie relation conjugale: je parle et personne ne m'écoute.
[Traduction]
C'est comme un mariage, monsieur le président. Je parle et personne ne veut écouter. Très bien. N'oubliez pas que je suis célibataire.
[Français]
Faisons preuve d'un peu plus de sérieux. Est-ce que vous comprenez?
[Traduction]
Le vice-président (M. Ivan Grose): S'il s'agit d'égalité, cela m'arrive aussi.
M. Réal Ménard: Je connais votre épouse. Elle est merveilleuse.
[Français]
Monsieur Ali, je voudrais vous demander si vous êtes d'accord avec moi pour dire que du point de vue du droit et du point de vue d'un législateur—parce que vous êtes ici dans un parlement—, on ne peut pas adopter et modifier la loi en vertu de préceptes religieux. La religion est une chose personnelle et elle mérite évidemment d'être respectée en toutes circonstances, mais la religion des uns ne peut pas nécessairement être la religion des autres.
Je vais vous relire un extrait de la déclaration de l'Institut professionnel de la fonction publique lors de son témoignage. À la page 5 de son mémoire, on lit la définition que la Cour suprême a donnée au mot conjoint:
-
le partage d'un toit, les rapports personnels et
sexuels, les services, les activités sociales, le
soutien financier, les enfants et aussi l'image
sociétale du couple.
• 1235
Convenez-vous que cette définition de «conjoints», qui
est une définition qu'a donnée la Cour suprême dans la
décision M. c. H., pourrait s'appliquer
sans aucune difficulté
aux relations homosexuelles, et que si on ne change pas
la définition que l'on donne de «conjoints» et qu'on ne
reconnaît pas les relations d'union de fait
homosexuelles, comme parlementaires, nous ne faisons
pas notre travail eu égard à ce qu'a demandé la Cour
suprême? Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour
admettre ce point de vue?
[Traduction]
M. Mobarak Ali: Vous soulevez des questions très importantes. Je comprends que les lois au Canada, comme c'est le cas dans tout État laïque, ne sont pas fondées sur des préceptes religieux. Il se peut qu'elles ne méconnaissent pas les préceptes religieux, mais elles sont «areligieuses» de ce point de vue; elles ne tiennent pas entièrement compte des convictions et des points de vue religieux.
Cependant, la réalité est que les gens, même s'ils n'observent pas les pratiques de leur religion—et je parle ici en général, pas nécessairement en tant que musulmans, juifs ou chrétiens ou peu importe le groupe auquel ils choisissent de s'identifier, en tant que groupe confessionnel—auront certaines convictions et croyances religieuses. Des questions fondamentales se posent et, même si nous pouvons constater des manquements dans la pratique de leur religion, ils ne feront aucun compromis en ce qui concerne ces convictions et ces croyances.
Je suis convaincu que les députés, les sénateurs et toutes les honorables personnes qui siègent ici—certains d'entre nous—ont une certaine idée générale de la religion. Pour cette raison, elle st importante, même si la mesure législative ne considère pas la religion non pas comme étant le fondement mais un des fondements de la définition du mariage ou du régime d'avantages qui en découle. Notre présence ici ne veut pas suggérer l'idée que la définition ne devrait se fonder uniquement sur la religion mais que la religion devrait être prise en considération. Nous, musulmans, avons une définition claire du mariage, conformément à la charia, la loi islamique, et cela ne nous pose aucun problème. Dans un État islamique, il n'est pas difficile de s'entendre sur une définition commune étant donné que tout le monde souscrit à un code élevé, un code révélé, et ce n'est pas une question de démocratie ou de discussion intellectuelle. Il s'agit d'un standard de référence pour tout le monde.
Ce que nous voulons dire ici, c'est qu'étant donné le caractère unique de ce groupe, qu'il s'agisse de gais, de lesbiennes, peu importe le nom qu'ils veulent se donner, ou de quelque autre groupe, ils ont aussi des besoins spéciaux et ils sont uniques de ce point de vue, dans la mesure où un couple dûment marié est unique.
[Français]
M. Réal Ménard: Ils n'ont pas de besoins particuliers. Pensez-vous sincèrement que, comme homosexuel déclaré, ouvert, heureux, quoique célibataire, je le répète, j'aie des besoins que vous n'avez pas? J'aimerais que vous me précisiez ces besoins. Quand je conduis ma voiture, quand je me mets à cuisiner, quand je vais magasiner au centre-ville ou quand j'encaisse mon chèque de paye, je n'ai pas l'impression d'avoir des besoins très différents des vôtres. À part l'objet de ma sexualité et ma pulsion sexuelle, nommez-moi un besoin différent que j'aurais.
[Traduction]
Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Ménard, vous devrez vous satisfaire de la définition que vous allez obtenir.
M. Mobarak Ali: Je pense que vous avez des besoins spéciaux, avec tout le respect que je vous dois, parce que votre relation n'est pas hétérosexuelle; elle n'est pas fondée sur un mariage dûment contracté. La définition comporte un aspect légal mais aussi religieux comme le soutiendrait l'islam. Lorsque vous êtes considérés comme légalement marié ou vivez dans une relation conjugale légitimement constituée, vous avez des droits, des responsabilités de même que des obligations. Par conséquent, ces droits ne peuvent être transférés à d'autres groupes.
Ainsi vous mangez, vous conduisez votre voiture et vous utilisez votre carte de crédit. Une personne qui n'est pas mariée fait aussi tout cela.
Nous ne pouvons simplement transférer à une personne qui n'est pas mariée tous les droits associés au mariage en nous appuyant sur le genre de raison que vous donnez. Vous devez comprendre que les catégories sont différentes. C'est la raison pour laquelle ils sont homosexuels, lesbiennes, mariés, conjoints de fait, célibataires ou que sais-je encore. Leurs exigences sont donc différentes.
• 1240
Le genre d'exemple que vous donnez est applicable à tous les
êtres humains et n'a rien à voir avec l'orientation sexuelle. Ici
par contre, il s'agit d'un groupe de personnes qui se servent de
leur activité sexuelle et de leur style de vie pour déterminer
leurs droits. Elles ne se servent pas de leur carte de crédit et ne
conduisent pas leur voiture, comme vous le suggérez. Nous savons
que ces droits ont toujours été uniques, traditionnels et propres
à un mariage correctement contracté et qu'ils lui sont exclusifs.
Tout ce que je dis, c'est qu'il faut laisser aux gens mariés leurs droits, leurs avantages, leurs responsabilités, etc., et les laisser assumer leurs obligations et ensuite, répondre aux besoins particuliers des autres groupes selon leur situation et non en fonction de la situation des gens mariés.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.
Monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Oui. Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Macdonald, Mme Alter,
[Français]
ou peut-être même Mme Falardeau-Ramsay.
[Traduction]
Notre comité a déjà entendu des témoins sur l'état du droit et sur la définition du terme «conjugal» et ces témoins se sont également demandés si le sexe était un élément nécessaire de cette définition, telle que précisée par les cours, ou s'il s'agit simplement d'un indice. Je me demande si vous avez une opinion à ce sujet. Franchement, cela porte un peu à confusion. Je me demande si vous pouvez exprimer votre point de vue, si vous êtes en mesure d'aider le comité de cette façon.
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je peux essayer de vous aider, d'une certaine façon.
Je crois que la définition donnée dans l'arrêt M. c. H. de la Cour suprême découle d'une décision de la Cour de district de l'Ontario en 1980, l'arrêt Molodovich c. Penttinen. Dans cette décision, bien que toutes ces caractéristiques soient citées, il est spécifiquement dit que toutes ne sont pas nécessaires, pas toutes ces caractéristiques, qui sont le foyer partagé, le comportement sexuel et personnel, les services, les activités sociales, le soutien économique, les enfants et la perception sociétale. Il n'est pas nécessaire que toutes soient présentes. Par conséquent, les relations sexuelles ne sont pas une nécessité dans ce cas-là. Il peut y avoir d'autres choses.
Il suffit d'examiner les règlements des Services correctionnels pour s'apercevoir que les visites conjugales sont prévues pour les gens qui ont un degré de consanguinité, qui sont mariés ou conjoints de fait ou qui partagent des affinités. Le terme conjugal ne se rapporte donc pas nécessairement à une relation sexuelle.
M. Paul DeVillers: Vous êtes donc d'accord avec les témoignages préalables...
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Oui.
M. Paul DeVillers: ...disant que ce n'est pas absolument nécessaire.
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Non, ce n'est pas absolument nécessaire.
M. Paul DeVillers: D'accord.
Monsieur Macdonald et madame Alter.
M. Roderick Macdonald: J'aimerais souligner deux points. Premièrement, chaque fois qu'une décision judiciaire est rendue et qu'elle propose une liste de critères à envisager et à apprécier dans leur totalité, il est difficile d'extraire un seul critère de cette liste et de dire que c'est le test sur lequel tout repose, car le fait d'avoir une série de critères vise justement à faire des jugements globaux.
Je ne prétends pas être spécialiste en la matière et je ne voudrais pas aborder ce sujet en tant que tel, mais j'aimerais faire une autre observation. Les questions relatives à la définition de «conjugal» ou qui tentent de définir ce terme sont dans une grande mesure de même nature que la définition à laquelle les cours du Canada sont confrontées à propos de mots comme «époux». Cela s'explique par le fait que les politiques que l'on veut promouvoir sont si diversifiées qu'elles ne se prêtent pas à des concepts qui ne se rapportent pas véritablement à la politique que recherche le corps législatif.
Par conséquent, les mots de la même famille que le mot «conjugal» sont des termes que nous allons examiner dans nos prochaines études afin de déterminer dans quelle mesure ces mots sont en fait des mots de remplacement utilisés pour un autre concept que le Parlement essaie de privilégier.
• 1245
Je ne peux pas répondre à votre question précise autrement que
de la même façon que Mme Falardeau-Ramsay, mais je crois que ce que
vous dites est excellent pour le Parlement: parfois, les concepts
que nous utilisons ne conviennent pas aux politiques que nous
essayons de promouvoir.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Forseth, pas plus de trois minutes.
M. Paul Forseth: Merci, monsieur le président.
Je vais m'adresser à Mme Falardeau-Ramsay, n'importe qui d'autre pouvant également intervenir.
À la dernière page de votre document vous dites: «Permettez- moi de conclure en disant que nous souhaitons que le projet de loi C-23 soit adopté, car il fournira de nouveaux moyens»—vous utilisez ces mots, «nouveaux moyens»—«d'assurer le respect des droits de la personne, y compris ceux des couples de même sexe.» J'aimerais vous demander si les changements apportés par le projet de loi C-23 vont faciliter les choses pour ce qui est de la prochaine étape prévue de recours juridiques qui vont servir à contester la définition de mariage? Peut-être pouvez-vous nous dire ce que vous prévoyez à cet égard, l'orientation que nous prenons en tant que société, et également nous parler du genre de travail que vous allez faire à ce sujet, puisque vous dites: «car il fournira de nouveaux moyens».
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: À mon avis, ces nouveaux moyens n'ont rien à voir avec le mariage, car nous ne nous occupons pas du mariage, voyez-vous. C'est au Parlement de décider, non pas à la Commission canadienne des droits de la personne. Notre travail consiste à faire en sorte qu'il n'y ait pas de discrimination et à assurer l'équité.
Les moyens dont je parle sont les moyens qui, par exemple, permettent d'avoir accès à certaines déductions fiscales ou de bénéficier de l'assurance-emploi. Ce sont ces moyens-là que j'examine.
M. Paul Forseth: Un autre témoin veut-il parler au sujet des répercussions du projet de loi C-23 sur les futures contestations relatives à la définition même du mariage?
M. Steve Hindle: Je pense bien qu'il y aura des contestations, mais ce n'est pas l'objet du projet de loi C-23. Le projet de loi C-23 vise à inscrire dans la loi les décisions qui ont été rendues par les cours de notre pays. Je pense que c'est là dessus qu'il faut se concentrer. Si un débat sur le mariage doit s'instaurer dans l'avenir, nous pourrons alors tous y participer.
M. Paul Forseth: D'accord, merci.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Oui, merci, monsieur le président.
Pour reprendre le dernier point de M. Hindle, mais aussi les observations faites par la Commission des droits de la personne et la Commission du droit, comment travaillez-vous ensemble? Dans le mémoire de la Commission des droits de la personne, vous dites que l'effet positif du projet de loi, c'est de diminuer le nombre de recours. Est-ce sur cela que se fonde le travail de la Commission du droit pour ce qui est de votre recherche et de vos projets sur le nombre de causes présentées à la Commission des droits de la personne, le nombre de causes présentées à la Cour suprême? Comment devrions-nous alors arranger la loi?
Je suis portée à croire que si nous ne faisons pas notre travail de parlementaires, nos amis qui se trouvent à côté, à la Cour suprême, auront beaucoup de travail. Si nous n'écoutons pas les Canadiens, nous découvrirons qu'ils disposent de cette autre possibilité de recours. Comment travailler de façon plus proactive à cet égard ou comment remplir notre fonction de vérification? Ce point pourrait-t-il être envisagé dans le cadre de l'examen de la Commission des droits de la personne?
Peut-être pourrais-je poser ma deuxième question. Je crois que j'ai eu beaucoup de mal à accepter les observations de M. Ali qui déclare que si l'on accepte les avantages pour les couples de même sexe aujourd'hui, on risque d'accepter l'inceste demain. Peut-être pourriez-vous m'aider à comprendre ce qui, à mon avis, est une analyse fondée sur le préjudice ou ce qui fait la différence entre des adultes consentants et des enfants victimes de préjudice. Je sais que vous pouvez mieux l'exprimer que moi-même. Comment savoir où fixer une limite dans notre pays et préciser ce qu'est la moralité dans un contexte religieux et ce qu'est véritablement le droit?
Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Permettez-moi de commencer par votre deuxième question. Je crois que le droit n'est pas une question de moralité et qu'il faut faire la distinction entre droit et moralité.
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Deuxièmement, je crois qu'il n'y a aucune commune mesure entre
un crime et une situation où intervient le droit civil. J'estime
par exemple qu'il est absolument impossible de comparer l'inceste
et l'orientation sexuelle. Je crois que l'inceste relève du droit
criminel et qu'il s'agit d'une chose que réprime la société
canadienne tout entière. Lorsqu'il est question d'orientation
sexuelle, la criminalité n'entre pas en ligne de compte. Nous avons
affaire à deux personnes dont l'orientation sexuelle est différente
de celle d'autres personnes. Mais aucun tort n'est causé nulle
part. Ce n'est pas du tout le même genre de question.
J'aimerais aussi dire qu'il est aussi important de faire en sorte—et c'est le cas dans le projet de loi C-23—que personne ne se sente obligé de vivre avec une autre personne du même sexe dans une relation conjugale, dans une relation hétérosexuelle ou dans une union de fait. À ce que je sache, tout le monde est libre au Canada de choisir le genre de relation souhaité.
Pour ce qui est de la première partie de votre autre question, si bien j'ai compris, à savoir demandez si nous nous concertons pour examiner ces questions. Même si je ne veux pas répondre à la place de mon collègue M. Macdonald, je dirais que nous nous consultons habituellement sur à ces questions parce que nous ne voulons pas travailler en vase clos. Si, par exemple, les gens de la commission élaboraient une nouvelle politique, ils en discuteraient avec M. Hindle, les intervenants et les parties intéressées à cette question particulière.
Il est évident que l'adoption du projet de loi C-23 permettra à la commission de régler un certain nombre de cas, comme je l'ai déjà dit. Cela veut dire que ces cas ne feront pas l'objet d'un examen judiciaire ou n'aboutiront pas à la Cour suprême étant donné que la situation aura été réglée.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame Falardeau-Ramsay.
J'aimerais dire aux témoins qu'à cette étape-ci de nos audiences il est très difficile d'examiner la question sous un angle nouveau, ce que vous avez réussi à faire aujourd'hui et nous vous en remercions.
La séance est levée.