Passer au contenu
;

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 16 février 2000

• 1535

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)): La séance est ouverte.

Comme vous le savez tous, je ne suis pas le président habituel de ce comité. Je vais tout de suite vous dire comment j'entends procéder. Je crois en la justice pour tous et j'estime qu'un président ne devrait ni poser de questions, ni interrompre les échanges, à moins qu'une omission flagrante ne se soit produite. Avec le groupe que j'ai devant moi, je ne pense pas que cela se produise.

C'est avec plaisir que je vous présente M. Nicholas Bala, notre témoin d'aujourd'hui. J'espère avoir bien prononcé son nom.

M. Nicholas Bala (professeur, Faculté de droit, université Queen's): C'est «Bala», comme la ville ontarienne.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Ah, comme le centre de villégiature de la baie Georgienne.

M. Bala est doyen adjoint à la Faculté de droit de l'université Queen's.

Avez-vous un exposé?

M. Nicholas Bala: Oui, vous avez mon mémoire, je crois.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Oui, en effet.

M. Nicholas Bala: Le mot «mémoire» est un peu une exagération, puisqu'il s'agit d'un très court document, dont je vous parlerai.

Brièvement, pour me présenter, je dois dire que j'étais doyen adjoint mais que je suis de retour dans les tranchées, pour ainsi dire, à titre de professeur. J'enseigne à l'université Queen's depuis 1980. Mes principaux domaines d'enseignement et de recherche sont le droit de la famille et de l'enfance: les questions qui se rapportent au divorce, aux enfants maltraités et à la justice chez les jeunes.

J'ai beaucoup écrit sur des questions se rapportant à la justice pour les jeunes. J'ai prononcé des allocutions dans le cadre de programmes de formation permanente destinés à des juges, des avocats et des policiers, sur ce sujet. J'ai fait du travail dans le même domaine avec des groupes autochtones. J'ai eu le privilège de comparaître devant des comités parlementaires sur ce même sujet.

J'ai acquis le gros de mes connaissances dans le cadre de mon expérience universitaire et de mes recherches. J'ai toutefois aussi fait du travail auprès des jeunes contrevenants. Je continue d'en faire un peu à Kingston. J'ai quatre enfants, dont un adolescent.

Je suis convaincu que votre comité a déjà entendu nombre de critiques au sujet du système de justice pour adolescents au Canada. Je pense qu'il est important que vous compreniez que nous avons à la fois des préoccupations et des objections au sujet de la loi. Nous avons des problèmes et des objections au sujet de la mise en oeuvre de la loi par les provinces et les territoires. Nous sommes préoccupés par une crise de confiance à l'égard du système judiciaire pour les jeunes.

Je pense que dans bien des domaines, le public a des idées fausses au sujet de la justice pour les jeunes et c'est ce qui a donné son élan à la réforme, ce qui est à mon avis, malheureux. On a l'impression que le problème de la criminalité chez les jeunes s'aggrave au Canada. Nous avons certes un grave problème de criminalité juvénile, mais je ne suis pas convaincu que les choses empirent nécessairement. Particulièrement pour le plus grave des crimes, soit l'homicide, chez les jeunes, le taux est relativement stable au Canada.

Ce que nous constatons certainement, c'est un changement d'attitude envers les adolescents. D'une certaine façon, je crois que ce qu'on entend chez le public et chez certains de nos dirigeants politiques, c'est un discours contre les jeunes et contre les adolescents. Il est vrai aussi que les enfants et les adolescents n'ont pas la même attitude qu'avant à l'égard des adultes, mais je ne crois pas nécessairement qu'il y ait plus de criminalité qu'il y a 20 ans.

Il est vrai que les jeunes ont moins de respect pour l'autorité qu'il y a 20 ans. Ils sont plus susceptibles de s'exprimer et de se vêtir d'une façon qui semble manifester moins de respect pour les adultes. Je pense que cela reflète en partie la façon dont les adultes agissent entre eux. On se plaint de la façon dont les jeunes s'habillent de nos jours, mais si on regarde la tenue des adultes eux-mêmes, on constate qu'elle est moins habillée qu'autrefois. On peut dire: «je n'aime pas voir qu'ils ne respectent pas les adultes comme lorsque j'étais enfant», c'est peut-être vrai, mais il faut dire aussi que les adultes n'ont pas le même respect les uns pour les autres qu'autrefois. Les jeunes traduisent les valeurs des adultes, en quelque sorte.

En outre, les médias et la culture populaire valorisent de bien des façons la violence. Par ailleurs, beaucoup de jeunes personnes, surtout celles qui ont des problèmes d'apprentissage ont un avenir incertain et des problèmes à trouver un emploi.

Il est important à mon avis de comprendre qu'en disant: «soyons plus sévères avec les jeunes criminels et imposons des peines plus longues», on n'améliorera pas la sécurité publique. Nombre de travaux de recherche révèlent qu'une démarche punitive pour lutter contre la criminalité juvénile ne rend pas nos sociétés plus sûres.

Heureusement, à mon avis, dans le discours de la ministre de la Justice et dans la Stratégie fédérale de renouvellement de la justice pour les jeunes, on reconnaît du moins en théorie les limites d'une approche punitive ou strictement punitive pour lutter contre la criminalité juvénile. On reconnaît aussi, je crois que pour la plupart des jeunes contrevenants, une intervention communautaire sera plus efficace pour donner suite à leurs infractions et aussi pour leur donner un sentiment de responsabilité envers la communauté et les victimes.

• 1540

Cela ne veut pas dire que la mise sous garde n'a pas un rôle à jouer, mais elle doit être réservée aux auteurs d'infractions les plus graves. Je présume que votre comité a appris que le Canada est un chef de file mondial du recours à la détention et que l'un des objectifs de ce projet de loi, c'est de réserver l'incarcération aux cas les plus graves.

Dans l'exposé qui va suivre, je vais me concentrer sur certains détails de la loi. Je crois que votre comité a déjà beaucoup entendu parler des questions philosophiques. Je présume que vous avez tous sous les yeux une copie du projet de loi. Je vais m'y reporter, pour décrire certains des problèmes que je vois dans ce projet de loi.

Tout d'abord, au sujet de la déclaration de principe, je pense qu'on trouve beaucoup de bonnes choses dans le nouvel article 3; comme dans la loi actuelle, on veut arriver à un équilibre entre la responsabilité et la réadaptation. J'ai deux préoccupations précises. L'une se rapporte à une question de détail alors que l'autre est plus substantielle.

La question substantielle, s'est qu'on ne mentionne aucunement à l'article 3—ni ailleurs dans le projet de loi—le statut particulier des jeunes Autochtones. Les jeunes Autochtones sont sur-représentés chez les jeunes qui ont des démêlés avec la justice et dans la population carcérale. Le Code criminel reconnaît qu'il faut se préoccuper particulièrement de la détermination de la peine chez les contrevenants autochtones adultes, à l'alinéa 718.2e), et je prétends que la loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents doit reconnaître explicitement la nécessité d'accorder une considération particulière aux jeunes contrevenants autochtones, et à la participation des communautés autochtones, autant que celle des tribunaux, dans les interventions faites par suite d'une infraction commise par un jeune Autochtone.

La question de détail, maintenant: il est très louable que le projet de loi reconnaisse le rôle des victimes et leur donner davantage d'importance que la loi actuelle, mais je remarque qu'à l'alinéa 3(1)d), on dit que: «des règles spéciales s'appliquent aux procédures intentées contre des adolescents...». Dans les sous- alinéas 3(1)d) II et III, on fait allusion aux victimes et à la nécessité de les traiter avec courtoisie et compassion, sans porter atteinte à leur dignité. C'est certes vrai, sauf que cela devrait s'appliquer aux victimes dans les procédures intentées contre des adultes, comme celles intentées contre des adolescents. Je ne sais pourquoi on a ajouté cela.

Passons maintenant à la question des mesures extrajudiciaires ou des sanctions extrajudiciaires. Encore une question de détail, je vous fais remarquer que ces expressions ne sont pas faciles à mettre en bouche. Quand on dit «sanctions extrajudiciaires», ça rappelle certains pays où on pourrait dire qu'on nÂa plus besoin de juges du tout; d'autres termes seraient plus appropriés. Par exemple, l'expression actuelle «mesures de rechange», pour les Programmes de déjudiciarisation, est probablement utile, mais on pourrait lui préférer «sanctions communautaires» ou «Programme de sanctions communautaires» ou «mesures communautaires». Je pense que vous devriez examiner les termes employés dans le projet de loi.

Mais revenons aux questions plus fondamentales. Ces dispositions sont destinées à traiter nombre de jeunes contrevenants qui se retrouvent normalement devant les tribunaux ailleurs, dans la communauté, avant qu'une décision soit rendue. Comparé à d'autres pays, le Canada a le taux de judiciarisation le plus élevé. Je pense que ces dispositions sont louables et qu'on vous en a déjà parlé.

Ce que je crains, c'est qu'avec le libellé actuel du projet de loi, ces dispositions ne seront en fait que des déclarations du gouvernement fédéral, comme quoi il espère que les provinces feront ceci, que la police fera cela, mais qu'autrement, il n'y aura pas de conséquence, ni de changement.

Si nous voulons du changement—c'est certainement mon cas—si nous voulons qu'on recoure davantage à ces méthodes peu coûteuses de responsabilisation des adolescents, il faudra donner davantage de mordant à ces dispositions. Pour ce faire, il faudrait préciser qu'un juge de tribunal pour adolescents a le pouvoir de renvoyer un dossier soit à la police, soit au procureur, pour une évaluation, une mise en garde, un renvoi à des sanctions extrajudiciaires, à des groupes de consultation familiale ou à d'autres mesures. Autrement dit, il doit y avoir une vérification, une responsabilité.

Dans un cas où ce serait indiqué, le juge pourrait renvoyer le dossier, plutôt que de dire aux policiers: «Nous espérons que vous ferez une évaluation, mais si vous n'en faites pas, tant pis, c'est à vous de décider». Il doit y avoir une vérification judiciaire qui donne du poids à ces dispositions, à ces changements. Autrement, il ne s'agirait que de mots creux. Je doute que les juges recourent beaucoup à ces dispositions, mais si les policiers et les procureurs savent qu'il y a une responsabilisation, que quelqu'un vérifiera ce qu'ils font, ils seront plus susceptibles de recourir à ces importantes nouvelles dispositions.

• 1545

J'aimerais maintenant parler brièvement d'un ensemble de questions se rapportant à la peine et à l'incarcération. Les articles 37 et 3 comportent de nombreux éléments positifs pour guider la détermination de la peine. De bien des façons, ces dispositions sont semblables à celles de la loi actuelle, mais je crois qu'elles se concentrent plus précisément sur la responsabilisation, dans le cas des auteurs d'infractions graves avec violence. Par ailleurs, on comprend que pour la plupart des jeunes contrevenants, particulièrement les contrevenants primaires non violents, il faudrait recourir moins souvent à la mise sous garde.

Je suis toutefois préoccupé par deux choses au sujet de l'article 37 et, plus particulièrement, de l'article 38. L'article 38 est la disposition qui vise à réduire le recours à l'incarcération au Canada. Comme je le disais, per capita, nous avons probablement le taux d'incarcération d'adolescents le plus élevé au monde. L'article 38 est destiné à réduire ce taux, mais l'alinéa 38(1)d) me préoccupe. On peut lire à l'article 38: «Le tribunal pour adolescents n'impose une peine comportant le placement sous garde [...] que si [...]: , puis certains critères sont fixés. Je n'ai pas d'objections au sujet des alinéas a), b) et c), mais l'alinéa d) me semble avoir une portée très large. On peut y lire: «les circonstances de la perpétration de l'infraction font que l'infliction d'une peine ne comportant pas de placement sous garde enfreindrait les principes et objectifs énoncés à l'article 37. On rouvre de nouveau toute grande la porte. À mon avis, l'alinéa d) doit être supprimé ou du moins, récrit pour réduire sa portée, en la limitant à des circonstances exceptionnelles.

Quant à mes craintes au sujet des peines communautaires ou des décisions rendues avant le procès, je crois que la plupart des dispositions sur le recours à des mesures communautaires sont facultatives, que les provinces peuvent choisir de les mettre en oeuvre ou non, ou leur directeurs provinciaux, qui sont des fonctionnaires et qui pourraient décider de ne pas les appliquer.

Il y a des innovations positives dans ce projet de loi, en particulier les dispositions sur les ordonnances de fréquentation pour envoyer les adolescents dans les établissements communautaires, pour ce qu'on appelle l'assistance communautaire intensive et les programmes intensifs de réadaptation. Ces trois éléments—les ordonnances de fréquentation, l'assistance communautaire intensive et le programme intensif de réadaptation en placement—ne peuvent actuellement être utilisés que si le directeur provincial le permet. Je crois que ce sont les juges qui devraient en décider et qu'ainsi, ces dispositions seraient utilisées dans l'intérêt des adolescents.

Je pense aussi que les juges devraient en dernier recours décider du niveau de détention: la garde en milieu ouvert ou fermé. Je crains que les décisions des directeurs provinciaux puissent être motivées davantage par des préoccupations budgétaires que par l'intérêt des jeunes.

J'aimerais maintenant parler brièvement des dispositions concernant les peines applicables aux adultes. La question m'inquiète, et plus particulièrement quand on examine l'article 72 du projet de loi. Je dois dire qu'il y a de grands avantages à passer du modèle de base à celui de la détention après jugement, et je pourrais répondre à vos questions à ce sujet, mais je crains qu'à l'article 72—qui définit les critères d'imposition de peines applicables aux adultes—l'accent ne soit mis, dans la formulation de l'alinéa 72(1)a), exclusivement que sur la question de la responsabilité. La loi actuelle dispose qu'il faut tenir compte à la fois des besoins des adolescents et des intérêts de la société quand il s'agit de déterminer la responsabilité.

Or, à propos de l'alinéa 72(1)a), j'ai compris que je l'interprétais peut-être mal. En fait, il y est dit que le critère pour déterminer s'il doit y avoir ou non assujettissement à la peine applicable aux adultes serait la conformité «aux principes et objectifs énoncés à l'article 37», puis il est question de la responsabilité de l'adolescent. L'objectif de l'article 72 est peut-être de rappeler les notions de responsabilité dont il est fait mention à l'article 37 du projet de loi. Dans cet article, on essaie effectivement à concilier d'une part l'intérêt de la responsabilité par l'injection de sanctions justes, avec d'autre part les perspectives de réadaptation et de réinsertion sociale.

Ces idées me semblent importantes. Il faudrait les rappeler. Autrement dit, je pense qu'il s'agit davantage d'un problème de rédaction que d'intentions, et je vous demande instamment de modifier l'article 72 pour que cet équilibre soit bien assuré.

J'aimerais aussi dire qu'en ce qui concerne les adolescents qui sont ou qui devraient être assujettis à des peines applicables aux adultes, il devrait être clair que bien qu'ils soient assujettis à de telles peines, l'esprit de l'article 37 du projet de loi, les principes de détermination de la peine pour les adolescents, continue de valoir. Cela serait conforme au régime actuel et à l'idée que même des jeunes qui commettent un meurtre ont accès à une libération conditionnelle anticipée. Il devrait être clair que dans le cas de tous les jeunes qui sont assujettis à des peines applicables aux adultes, leur jeune âge devrait être pris en compte.

J'aimerais aussi parler brièvement de la publication. Je crains qu'en raison des dispositions qu'on propose d'inclure dans la loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, on ne publie de l'information qui permette d'identifier les jeunes qui ne sont pas traités comme des adultes. Je pense que ce n'est pas acceptable, que cela va à l'encontre de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, et que c'est inutile.

• 1550

C'est bien un cas où comme l'a dit le premier ministre, et comme l'ont rapporté les médias: on se plie aux exigences de celle- ci. Les journaux réclament l'ouverture du processus afin qu'on puisse identifier les adolescents. Ce n'est ni dans l'intérêt de la société ni des adolescents.

J'aimerais parler brièvement des services juridiques offerts aux adolescents, et plus particulièrement en ce qui concerne l'article 25. Le système de justice pénale pour les adolescents est très complexe. La loi est particulièrement complexe. La majorité des adolescents qui ont affaire au système judiciaire ont besoin de services juridiques, surtout s'ils ont affaire aux tribunaux. Il est très important avant de comparaître au tribunal, à l'étape dite extrajudiciaire, comme des avocats ne sont peut-être pas toujours disponibles... mais si un adolescent comparaît au tribunal, s'il risque une lourde peine, il devrait avoir accès à des services juridiques.

Deux choses m'inquiètent. D'abord, je suis préoccupé par le principe qui sous-tend le paragraphe 25(10), c'est-à-dire le principe selon lequel une province peut demander aux parents de payer les services d'un avocat pour leur enfant. D'abord, on fait comprendre à tort que les parents devraient être responsables des délits commis par leurs enfants. Deuxièmement, des parents risquent de dissuader leurs enfants de recourir aux services juridiques. Ils diront: «Nous allons payer, nous voulons que tu plaides coupable, nous pensons que tu l'es, et ne prends pas d'avocat.» Cela dissuadera vraiment les adolescents de recourir à des services juridiques. Je pense qu'il faudrait tout simplement supprimer ce paragraphe 25(10).

Si vous décidez de maintenir le paragraphe 25(10), une autre chose m'inquiète. Une récente décision de la Cour d'appel de l'Ontario laisse entendre et même demande qu'avant de rendre son jugement un juge évalue si les parents, selon lui, sont en mesure de payer, et si c'est le cas, que l'adolescent ne soit pas autorisé à avoir un avocat et que les parents doivent de quelque manière être priés de payer les services de l'avocat, même à cette étape.

Le paragraphe 25(4) devrait établir clairement que ce sont les moyens financiers de l'adolescent qui doivent être le seul critère devant servir à établir s'il peut ou non obtenir les services d'un avocat, que si cet adolescent ne peut se permettre de payer les services d'un avocat, ce qui est généralement le cas, un ordre devra être donné pour qu'on fournisse des services juridiques à l'adolescent, et que les moyens financiers des parents, à ce moment-là, ne soient pas pris en compte. Autrement, on dissuadera de plus en plus d'adolescents de recourir aux services juridiques.

Je pourrais en dire long encore, mais j'ai épuisé mes 10 minutes—et plus encore—et je me tiens donc prêt à répondre à vos questions sur ces points ou d'autres points.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Bala. Vous savez sans doute, puisque vous avez déjà comparu, que nous devons suspendre nos travaux quand la sonnerie retentit. Nous devrons les suspendre à 16 h 05.

Monsieur Cadman, vous avez sept minutes. S'il vous en faut moins, ce serait bien, mais c'est à vous de décider.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Et s'il m'en fallait moins? Je n'ai qu'une question pour M. Bala.

Merci d'être venu comparaître. Je sais que vous êtes d'accord pour que les enfants de moins de 12 ans soient de quelque manière jugés à l'intérieur du système. Je pense que c'était l'une des recommandations que vous aviez faite la dernière fois.

M. Nicholas Bala: Oui.

M. Chuck Cadman: J'aimerais que vous précisiez votre position, comment pourrait-on le faire et comment pensez-vous qu'il faudrait le faire.

M. Nicholas Bala: Eh bien, je m'inquiète... J'ai rédigé un document pour lequel j'ai reçu des fonds du ministère de la Justice, mais j'y expose mes vues personnelles. En ce moment, en ce qui concerne la situation au Canada, je suis préoccupé par les délinquants qui sont des enfants de moins de 12 ans: la grande majorité devrait avoir affaire à leurs parents, à leurs écoles, au système d'aide à l'enfance. Mais je crains que certains des enfants auteurs d'infractions très graves ne soient pas adéquatement pris en charge par la police et d'autres servies sociaux et qu'il y a un manque de responsabilité juridique. Cela a une incidence tant sur la façon dont les victimes perçoivent le système que sur la façon dont la police peut réagir. Naturellement, cela veut dire que certains enfants n'ont pas un accès suffisant aux services dont ils ont besoin et qu'ils devraient avoir.

Je crains aussi—bien que je ne crois pas à la valeur dissuasive de cette croyance selon laquelle «des peines plus longues vont réduire le nombre de jeunes qui commettent des délits»—qu'on laisse entendre aux enfants de moins de 12 ans qu'ils peuvent commettre des délits et qu'ils n'en seront aucunement tenus responsables. Or, la plupart des enfants de moins de 12 ans ne savent pas qu'il n'y a pas de comptes à rendre; ils croient qu'ils ont des comptes à rendre à leurs parents ou à d'autres. Ceux qui commettent les délits les plus graves déduisent de leur interaction avec la police qu'il n'y a pas de responsabilité, qu'il peut ne pas y en avoir ce qui à mon avis leur communique un très mauvais message.

• 1555

Je pense aussi qu'il est très mauvais de laisser entendre à la société que des enfants de moins de 12 ans ne peuvent pas être jugés responsables de ce qu'ils font. Je reconnais qu'on rend des comptes, en fait, par l'intermédiaire du système d'aide à l'enfance et autrement, mais c'est problématique. Je crains qu'on n'apporte pas de solution à cette question tant qu'on ne subira pas de tragédies comme celles qui ont eu lieu en Angleterre et aux États- Unis, où un jeune de 11 ans a commis un homicide et alors tout le monde s'est dit, eh bien, qu'est-ce qu'on va faire? Le système d'aide à l'enfance apporte certains éléments de réponse, mais en réalité, cela ne suffirait pas. D'autres auteurs qui ont examiné la question ont fait état de préoccupations similaires.

Il y a diverses solutions. Je crois que le comité a recommandé, et je suis d'accord, une solution qui maintiendrait la majorité des enfants de moins de 10 ans dans le système aide à l'enfance, sachant que pour les auteurs d'infractions les plus graves, il y aurait un moyen d'intervenir grâce au système de justice pénale pour les adolescents.

M. Chuck Cadman: Suggérez-vous un mécanisme comme le système de transfert que nous avons à l'heure actuelle ou, dans certains cas spéciaux, on pourrait demander aux tribunaux...?

M. Nicholas Bala: Ce serait un très bon modèle, quelque chose comme cette liste des infractions les plus graves, l'idée que le récidivisme en cas d'infractions graves pourrait entraîner cela. Oui, en effet, ce serait un modèle à envisager pour ce groupe d'âge.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Cadman.

Monsieur Maloney, vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Je pourrais en effet poser une ou deux questions.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Je laisse mon collègue...

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Saada.

M. John Maloney: Je cède toujours la parole à mes collègues.

M. Jacques Saada: Mais mon collègue est un chef naturel si bien qu'il n'y a pas de problème.

Le vice-président (M. Ivan Grose): M. Maloney semblait en écrire davantage que vous et c'est pourquoi je lui ai posé la question.

M. Jacques Saada: Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Bala. Je dois dire que je suis très impressionné par l'équilibre que vous semblez préconiser. Cela fait du bien.

Il y a une chose que j'aimerais comprendre. Vous parlez du paragraphe (10) de l'article 25 et suggérez de le supprimer. Or il s'agit du recouvrement des honoraires versés aux avocats. Il est stipulé qu'il n'est pas question d'empêcher un programme d'autoriser à recouvrer des honoraires. Ma question est donc la suivante: si nous poussons la logique jusqu'au bout, que ce paragraphe existe ou non, qu'est-ce que cela change?

M. Nicholas Bala: Comme je crois l'avoir dit dans mon mémoire, il me semblerait plus logique de dire aux parents que si leur enfant est détenu et qu'ils n'ont plus à subvenir à ses besoins, on leur demandera de payer la totalité ou une partie des frais de garde et de le prendre en charge pendant sa détention s'il est jugé coupable. Dans son libellé actuel, le paragraphe (10) stipule que les provinces peuvent demander aux parents de payer, que leur enfant soit coupable ou non.

C'est une bonne question. Il n'y a rien à ce sujet dans la loi actuelle, et, vous le savez peut-être, cela suscite des controverses dans certaines provinces qui commencent à demander aux parents de payer. Je pense qu'il serait tout à fait compréhensible que le gouvernement fédéral, en vertu des pouvoirs que lui confère la Loi constitutionnelle à l'article 91, déclare que les provinces peuvent demander aux parents de payer les services, sans toutefois les poursuivre.

M. Jacques Saada: En fait, vous préconisez non seulement de supprimer ce paragraphe mais encore de le remplacer par le contraire.

M. Nicholas Bala: Oui, je pense que ce serait beaucoup mieux. Je pense toutefois qu'un tribunal pourrait peut-être maintenant considérer le contexte législatif. Si on se contente de le supprimer, c'est déjà donner un message, mais, vous avez raison, il serait encore mieux de dire qu'il appartient à l'État d'assurer ces services d'avocat sans recouvrement des frais auprès des parents. Et, en fait, dans ce sens, vous pourriez indiquer les services qu'à votre avis devraient payer les parents ou auxquels ils devraient contribuer. La détention pourrait être un facteur légitime. Autrement dit, les parents devraient être encouragés à faire en sorte que leurs enfants ne soient pas détenus et non pas à les empêcher d'avoir recours à des services juridiques.

M. Jacques Saada: J'aimerais poursuivre dans la même veine, si vous me permettez. Si vous demandez à un parent qui a de l'argent de subvenir aux besoins de son enfant et si les parents qui n'ont pas nécessairement les mêmes ressources financières ne subviennent pas aux besoins de leur enfant, ne fondez-vous pas cette décision plutôt sur les ressources financières des parents que sur le besoin réel de l'enfant? Ne punissez-vous pas ainsi les parents?

M. Nicholas Bala: Eh bien, c'est une façon de dire que si vous en avez les moyens, nous nous attendons à ce que vous subveniez aux besoins de vos enfants. Si vous n'avez pas les moyens, en fonction d'une échelle mobile, le niveau de soutien changerait par exemple si vous receviez des prestations de bien-être. C'est une idée qui... En fait, je le dis presque plus pour la forme. Je crois que le fait de ne pas demander aux parents de payer pour ces services présente certains avantages; on pourrait dire qu'il s'agit d'un service comme l'éducation et les soins de santé—les parents, après tout, assument déjà un fardeau assez lourd.

• 1600

Je ne crois pas que les parents encouragent leurs enfants à commettre des infractions en se disant qu'ils n'auront aucune responsabilité financière dans ces circonstances; cependant, si les provinces se plaignent du fait que cela leur coûte trop cher et qu'elles veulent récupérer une partie des coûts auprès des parents, je crois qu'à ce moment-là il faudrait penser à la détention. Mais ça ne veut pas dire que je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent ne prenons pas... La majorité des pays ne demandent pas aux parents de payer pour ce genre de choses, mais si l'on vous exhorte à agir, à mon avis vous devriez demander aux parents de payer pour la détention, puis les services juridiques—ou simplement n'en dispenser aucun.

M. Jacques Saada: Le problème, c'est que personne ne nous exhorte à faire quoi que ce soit en ce sens. En fait, c'est le contraire. Je crois qu'on essaie de refléter dans ce projet de loi la réalité qui existe au Canada. De toute façon, c'est une question dont on pourrait débattre longtemps, monsieur Bala. Mais je comprends ce que vous voulez dire.

M. Nicholas Bala: Mais je préférerais qu'il n'y ait aucun... La situation est déjà suffisamment tendue entre les parents et les jeunes contrevenants. Généralement, une fois qu'un jeune a commis une infraction, il y a beaucoup de tension à la maison. Nous voulons encourager la réadaptation de ce jeune; on aurait donc tort d'exercer des pressions supplémentaires sur les parents. Il n'est pas dans l'intérêt à long terme de la société d'agir ainsi. En fait, comme on dit souvent, il s'agirait là d'économie de bouts de chandelle. Nous pensons que nous économisons quelques dollars dans un secteur ou dans un autre, mais il se peut fort bien que de cette façon, ce jeune deviendra un récidiviste et commettra des infractions plus graves.

M. Jacques Saada: J'aimerais vous parler de l'alinéa 37(2)b) qui porte sur l'harmonisation des peines.

Le projet de loi fait mention de l'harmonisation des peines, mais évidemment, il y aurait lieu de se demander si on entend également harmonisation des ressources. Les peines peuvent être établies dans ce genre de projet de loi, sous responsabilité fédérale, mais les ressources proviendront des deux paliers, du palier fédéral et du palier provincial... À votre avis, quel impact cette dichotomie aura-t-elle sur la mise en oeuvre de l'harmonisation des peines?

M. Nicholas Bala: Cette question m'inquiète. Actuellement, il existe d'importantes disparités au niveau des pratiques de détermination de la peine entre les provinces. Je crains que cette mesure législative, dans son libellé actuel, puisse dans une certaine mesure accroître cette disparité. Il est possible à plusieurs égards pour les provinces de décider de ne pas participer à un programme ou, simplement, de ne pas offrir certains services. Je sais que le gouvernement fédéral songe à offrir des encouragements financiers aux provinces afin qu'elles consacrent des ressources à cette fin, mais c'est justement pourquoi j'aimerais que les juges exercent un plus grand contrôle sur ce processus.

L'expérience m'a appris, dans les contacts avec divers groupes, que dans l'ensemble, les juges ont à coeur le bien-être du jeune qui est traduit devant eux—tenant compte ainsi de divers facteurs—et si les juges, tenant compte de tous les facteurs, ont l'autorité nécessaire pour dire que ce jeune a besoin de ces services, ils ordonneront qu'il y ait accès—si la mesure législative leur donne justement cette autorité. Je crois qu'une certaine responsabilité judiciaire assortie d'un appui financier du gouvernement fédéral pourrait, dans une large mesure, réduire les disparités qui existent actuellement entre les provinces.

M. Jacques Saada: Je ne me souviens pas exactement à quel endroit, mais dans votre mémoire vous parlez des décisions qui sont prises ou qui ne sont pas prises par les provinces à l'égard du soutien social et d'autre chose. Vous dites—à raison d'ailleurs d'après moi—que ce projet de loi ne peut pas vraiment imposer des changements.

Vous venez d'une université en Ontario. Avez-vous eu l'occasion de communiquer au gouvernement provincial les choses que vous présentez dans ce mémoire, en ce qui a trait au besoin d'affecter plus de ressources financières à ce secteur, mais tout particulièrement dans le domaine de la justice pour les jeunes, en optant moins pour la détention et davantage pour toutes les autres mesures...?

Le vice-président (M. Ivan Grose): Pourriez-vous être bref, monsieur Bala?

M. Nicholas Bala: Certainement.

Pas auprès d'un comité comme le vôtre. Cependant j'ai communiqué à plusieurs reprises avec des représentants du gouvernement provincial, y compris des politiciens, pour leur faire part de mon opinion sur la question: j'ai dit qu'on devrait mettre plutôt l'accent sur ces solutions de rechange communautaires, comme je le signale dans mon mémoire. Pour diverses raisons, le gouvernement de l'Ontario n'a pas tenu ce genre d'audiences.

M. Jacques Saada: Existe-t-il actuellement des politiques en ce sens en Ontario?

M. Nicholas Bala: Certaines sont explicites et d'autres sont implicites. Je ne crois pas que l'Ontario s'intéresse autant, que le Québec par exemple, aux questions touchant les enfants et les adolescents.

• 1605

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Saada, il ne reste plus de temps. Je suis désolé.

Monsieur MacKay, vous disposez d'une minute.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guyborough, PC): Merci, monsieur le président.

Monsieur Bala, je tiens à vous remercier d'être venu. Je m'excuse d'avoir manqué votre exposé. J'ai vos notes, et je sais que vous appuyez un mécanisme qui permettrait d'assurer une nouvelle approche pour les enfants, une approche différente du système actuel de justice pénale, un peu semblable au système qui nous permet de renvoyer un jeune vers le système pour adulte; ainsi, dans des circonstances très graves et très précises, un jeune pourrait bénéficier de cette nouvelle approche.

J'aimerais vous poser une question. Aux termes de la nouvelle mesure législative, en ce qui a trait au non-respect d'une ordonnance de probation... Vous savez, et je sais, à titre d'ancien procureur de la Couronne, que cela était un grave problème. Le non- respect des ordonnances de probation était monnaie courante dans le système de justice pour les adolescents et était en fait un des plus graves problèmes en ce qui a trait à la crédibilité du système aux yeux de la communauté et la confiance que manifestaient les adultes et les jeunes à l'égard du système.

Dans le projet de loi—je ne sais pas exactement à quel paragraphe, mais je sais qu'il s'agit de l'article 733 dans le Code criminel, en ce qui a trait aux adultes, là où on parle du type de non-respect. Dans le projet de loi on dit «sciemment». Dans le système pour adultes, on utilise des expressions différentes, et des normes différentes, à mon avis. L'élément mens rea est beaucoup plus élevé s'il faut démontrer qu'un jeune a sciemment enfreint une ordonnance de probation, une ordonnance du tribunal, alors que dans le système pénal pour adultes on utilise plutôt l'expression «sans excuse raisonnable».

Je me demande simplement ce que vous en pensez et dans quelle mesure on se heurtera à des problèmes si l'on ne modifie pas ce libellé.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Vous avez réussi à poser une question de trois minutes en une minute.

M. Peter MacKay: Merci.

M. Nicholas Bala: Vous avez posé plusieurs questions. Vous avez raison de signaler que le non-respect des ordonnances présente un grave problème, mais à mon avis il ne s'agit pas vraiment d'un problème législatif. En d'autres termes, ce n'est pas le libellé qui est trop limitatif. C'est plutôt le manque de ressources ou le fait que les agents de probation jugent qu'il ne vaut pas la peine de saisir à nouveau le tribunal du dossier, surtout s'il s'agit d'infractions mineures ou si le jeune s'améliore. Je ne crois pas que ce soit nécessairement une mauvaise chose.

Je crois que l'idée d'enfreindre sciemment les conditions d'une ordonnance revient à que si vous êtes un jeune, vous saviez que ce que vous faisiez était mal, et que vous le faisiez sciemment; nous n'attribuons pas le même degré de responsabilité aux jeunes. Je ne crois pas que ce soit nécessairement inapproprié.

M. Peter MacKay: Très bien.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Bala.

Les députés désirent-ils que l'on demande à M. Bala de rester? Je suppose que nous reviendrons vers 17 heures.

Consentiriez-vous à rester? Vous avez parlez d'un train à prendre à 18 h 30.

M. Nicholas Bala: Le train est à 17 h 55, mais je serai certainement disposé...

Le vice-président (M. Ivan Grose): Les députés désirent-ils demander à notre témoin de...?

Une voix: Ivan, vous avez dit que nous ne reviendrions qu'à 17 heures.

Le vice-président (M. Ivan Grose): C'est exact.

Une voix: Nous serons de retour à 16 h 30.

M. John Maloney: Je crois qu'il ne nous faudra qu'une demi- heure.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Nous reviendrons plutôt que je ne le pensais.

• 1608




• 1640

Le vice-président (M. Ivan Grose): Je vous remercie d'être resté, monsieur Bala. C'est un des problème ici: nous réagissons à la sonnerie comme les chiens de Pavlov.

Nous avons un peu perdu le fil de la discussion; je crois que nous commencerons par M. Cadman, pour une ronde de trois minutes.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

Pour ce qui est des mesures extrajudiciaires, monsieur Bala, d'aucuns ont exprimé certaines préoccupations. La plupart des gens croient que les mesures extrajudiciaires s'appliquent aux premières infractions, aux infractions sans violence. Il se pourrait qu'un jeune tout compte fait comparaisse devant les tribunaux à plusieurs reprises, après une déjudiciarisation, après plusieurs mises en garde... Il y a d'ailleurs un problème de tenue des dossiers et de communications entre les services policiers; de cette façon il se pourrait qu'une personne soit visée à plusieurs reprises par des mesures extrajudiciaires, qu'il s'agisse de déjudiciarisation et non pas simplement du fait qu'il s'agit d'une première infraction et une infraction sans violence. Qu'en pensez-vous?

M. Nicholas Bala: Vous soulevez plusieurs questions.

Je crois que la nouvelle loi envisage, enfin tout comme l'autorise la loi actuelle, que l'on offre des solutions et des programmes de rechange ou des mesures extrajudiciaires pour les jeunes, et ce à plus d'une occasion. Je crois qu'il faut reconnaître que nous parlons ici d'adolescents. L'expérience m'a appris qu'il ne suffit pas de dire oui je te l'ai déjà dit et ça suffit... Vous devez répéter le message à plusieurs reprises.

Demandons-nous aux jeunes de rendre compte de leurs actes? Les sanctions extrajudiciaires comportent souvent un élément important de responsabilité. S'agit-il d'une façon rentable et socialement appropriée de composer avec les jeunes contrevenants? Ces méthodes répondent-elles aux besoins des victimes?

De la façon dont on semble décrire les sanctions extrajudiciaires dans le projet de loi, elles pourraient fort bien comporter un élément de responsabilité et, dans une certaine mesure, un élément de réadaptation et la participation nécessaires des victimes. Le problème quand on se tourne vers les tribunaux, je crois, est que dans notre société les tribunaux sont impressionnantes et souvent les jeunes se sentent étrangers à la procédure. Un programme de mesures de rechange ou de sanctions extrajudiciaires communautaires, bien administré, assure un plus grand engagement de l'adolescent que si l'on s'adresse aux tribunaux; je ne crois donc pas qu'il s'agit là d'une sanction qui a moins d'importance. Évidemment plus de problèmes se posent s'il s'agit d'infractions avec violence, et c'est pourquoi on a prévu des restrictions à cet égard.

En théorie, la tenue de dossiers ne devrait pas présenter de problèmes. La loi prévoit certes des mesures pour assurer une tenue des dossiers appropriée. Cependant en réalité la qualité de la tenue des dossiers dépend souvent des ressources financières disponibles.

M. Chuck Cadman: D'après les témoins que qui nous avons entendus c'est la déjudiciarisation par la police qui semble les inquiéter. Les services policiers ne se parlent pas parfois; il se pourrait donc que dans trois mois un policier prévoit une mesure extrajudiciaire pour un jeune ne sachant pas qu'il y a trois mois ce jeune avait déjà été mis en garde.

M. Nicholas Bala: Dans un service de police bien administré qui dispose de ressources financières nécessaires, des dossiers devraient exister sur ce genre d'intervention. Il est vrai que parfois ils n'existent pas. La même chose se produit parfois avec les délinquants adultes. Cependant, le problème n'a rien à voir avec la mesure législative; il concerne plutôt la mise en oeuvre provinciale ou locale de cette mesure, à laquelle il faut accorder la priorité voulue et assurer la formation pertinente.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Cadman.

Monsieur Maloney, vous disposez de trois minutes.

M. John Maloney: J'aimerais parler des jeunes de moins de 12 ans. Vous vous fondez sur l'hypothèse voulant que ces enfants recevraient probablement des meilleurs services de leurs parents, des écoles, ou de l'aide à l'enfance. Mais beaucoup de gens pensent, parmi les jeunes de moins de 12 ans comme parmi les citoyens, qu'il n'y aucune responsabilité, et que les jeunes peuvent s'en tirer avec impunité parce qu'ils ont moins de 12 ans. Il faudrait donc prévoir peut-être une disposition qui stipule que ces jeunes seraient visés par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

S'agit-il simplement d'une meilleure communication, de dire aux jeunes ainsi qu'au public qu'il y a des comptes à rendre? S'il y a des faiblesses dans la responsabilisation prévue par le système de l'aide à l'enfance, qui relève du gouvernement provincial, n'appartient-il pas à ce moment-là aux gouvernements provinciaux d'agir plutôt que d'essayer de criminaliser les actes des jeunes de moins de 12 ans?

• 1645

M. Nicholas Bala: La criminalisation des jeunes de moins de 12 ans devrait être une solution de dernier recours. Il est clair que le public, les parents et les enfants sont mal informés, mais comme le précise la loi, en Ontario et ailleurs, il y a des cas où le système de l'aide à l'enfance ne sera pas la solution.

Prenez un cas extrême: celui par exemple d'un jeune de 11 ans responsable d'un homicide, il y aura la réaction ou l'intervention du service d'aide à l'enfance et, dans un cas aussi important, cette intervention sera nécessaire. La législation en matière d'aide à l'enfance dans chaque province stipule que l'intérêt de l'enfant est le seul critère qui compte. Si cet enfant de 11 ans est responsable d'un homicide, il n'est pas nécessairement approprié de s'attarder exclusivement à son intérêt. La protection du public et la situation des victimes sont également des facteurs légitimes dont il faut tenir compte. Ça c'est la théorie.

Cependant, si vous choisissez une infraction qui est au centre en fait de l'échelle des infractions graves, le fait est que si vous êtes responsable d'une agence de protection de l'enfance en Ontario par exemple... Mais supposons ailleurs qu'il y a des cas de violence faite aux enfants, tous ces cas, et que quelqu'un téléphone pour dire: Je crois que ce jeune vient de s'introduire par effraction à un endroit, le travailleur social dira qu'il y a des enfants qui sont victimes de mauvais traitements et qu'il devrait s'occuper d'une simple introduction par effraction...? Évidemment ce cas ne sera pas une priorité à leurs yeux.

Le fait est que ce genre d'infractions ne reçoivent habituellement aucune attention. En théorie, on devrait s'en occuper, mais le fait est que ces cas ne sont pas vraiment prioritaires, et c'est normal, aux yeux de nombre de travailleurs sociaux. Je crois que nous avons donc un problème théorique ainsi qu'un problème pratique.

M. John Maloney: Vous avez parlé de la réussite du programme Earlscourt dans votre mémoire. Pourquoi les responsables de ce programme connaissent-ils un tel succès? Pourrait-on s'en servir comme modèle pour le reste du pays?

M. Nicholas Bala: Earlscourt est un magnifique programme. Les responsables ont préparé un document et ont également suggéré une solution législative, en fait une mesure législative hybride fédérale-provinciale qui sans pour autant suggérer que l'enfant soit traduit devant le Tribunal de la jeunesse, assurerait une meilleure réponse juridique au problème. Les auteurs reconnaissent qu'il existe en fait un problème.

Un des problèmes des responsables d'Earlscourt est que... La majorité des parents dont les enfants de moins de 12 ans sont coupables d'infractions et sont renvoyés à Earlscourt profitent des services qui sont offerts et disent merci de nous avoir aidés c'est un très bon service, nous savons que notre enfant a des problèmes et vous offrez un bon programme. Cependant il y a des enfants dont les parents s'en moquent. Nombre de ces parents eux-mêmes ont des casiers judiciaires ou des problèmes avec la loi. Ce sont justement les enfants pour lesquels vous diriez que cette intervention volontaire ne fonctionnera pas, qu'il faut donc avoir un mécanisme juridique pour les rejoindre. C'est justement là où un modèle fondé sur le Tribunal de la jeunesse pourrait être approprié.

Je sais que le comité a recommandé une gamme étroite jusqu'à 12 ans. Je peux comprendre que la politique gouvernementale pour l'instant est d'aller jusqu'à 12 ans. Ce n'est pas la solution parfaite. À mon avis, cette question se posera de nouveau à l'avenir. Le Canada, comparé aux autres pays, a un des niveaux les plus élevés. Douze ans, c'est très élevé. Quelques pays scandinaves ont des niveaux encore plus élevés. L'Angleterre, par exemple, où il y a eu cette terrible tragédie, a fixé l'âge à 10. Plusieurs États américains l'ont fixé à 7. Je ne suis pas en faveur d'un chiffre aussi bas.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Maloney, une question rapide encore.

M. John Maloney: Dans une année moyenne, combien d'enfants partout au Canada se situent dans une catégorie où à votre avis il faudrait intervenir avant 12 ans?

M. Nicholas Bala: Les données statistiques ne sont pas nécessairement fiables. Tout dépend de la définition, mais je pense qu'on peut dire des douzaines, peut-être 100, pas un nombre très grand—comparé à des milliers qui ont plus de 12 ans. Il ne s'agit pas—à mon avis—d'un très grand nombre. Il s'agit en partie de symbolisme. Il est question d'intervenir dans les cas les plus graves. Nous parlons de gens qui savent qu'il y a recours mais qui ne l'utilisent pas.

En d'autres termes, si un enfant de moins de 12 ans sait que s'il fait quelque chose de vraiment mal—il ne saura pas où est la limite—quelque chose va se produire. S'il reçoit le message que rien ne se produira, le problème s'en trouve exacerbé.

M. John Maloney: Merci.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.

Monsieur Peter MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Monsieur Bala, dans la même veine, il semble que vous soyez l'un des rares témoins qui soit en faveur de cette approche. J'avais une question sur des données statistiques, et j'en ai une autre qui porte sur la réaction des forces policières.

• 1650

Sur ces dizaines ou peut-être 100 qui seraient inclus dans ce groupe, avez-vous l'impression qu'il y a des cas où des enfants dans cette catégorie de 10 à 11 ans, sont utilisés soit par des adultes ou par des enfants plus âgés? J'ai personnellement eu connaissance de situations de ce genre—évidemment, un assez petit nombre. Comme vous l'avez dit, il s'agit des cas les plus extrêmes, où il s'agit de récidives, où on a déjà tenté des mesures extrajudiciaires. Êtes-vous au courant de situations de ce genre, soit par anecdote ou autrement?

M. Nicholas Bala: Vous soulevez deux points. D'abord, la question des données statistiques. Il y a les données des forces policières qui portent à croire que jusqu'à 10 p. 100 des jeunes délinquants, selon la définition, sont actuellement des enfants de moins de 12 ans, ce qui est un fort pourcentage. C'est certes un pourcentage élevé, mais cela ne signifie pas que la majorité des infractions sont commises par des moins de 12 ans. Plus particulièrement, ils sont responsables d'un grand nombre d'incendies criminels par exemple, et de quelques agressions sexuelles, mais dans la plupart des cas, même aux termes d'un régime judiciaire modifié, à mon avis, ils ne seraient pas passibles... Oui, la police doit être impliquée, mais pas le tribunal.

En ce qui concerne les dossiers qui, à mon avis, pourraient être portées devant les tribunaux, je dirais qu'il faudrait imposer des restrictions au fonctionnement du tribunal. En fait, j'aimerais que le placement en garde soit vraiment le dernier recours. C'est là une grave lacune dans nos lois actuelles. Les provinces peuvent certainement faire le travail beaucoup mieux.

Pour revenir au point que vous avez soulevé précédemment, si Mike Harris s'intéresse à cette question, on peut évidemment dire que vous à Ottawa ne faites pas votre travail—et c'est vrai jusqu'à un certain point—mais je pense qu'on peut dire qu'en Ontario, il nous faut examiner nos lois. En fait, j'ai fait valoir au gouvernement provincial que plusieurs de ces questions peuvent et doivent être traitées en modifiant la loi provinciale sur les services à l'enfance et à la famille. Cela permettrait de traiter plusieurs questions. Earlscourt certainement cherche des mesures provinciales. Il ne faut absolument pas penser qu'il s'agit simplement d'une question qui relève du gouvernement fédéral. À mon avis, cela relève du gouvernement fédéral et de la justice pénale.

M. Peter MacKay: Cette idée qu'il faut avoir recours aux service à l'enfance et à la famille... Le libellé et de l'ancienne loi et de ce projet de loi précise expressément que nous n'allons pas avoir recours au système de justice pénale pour les adolescents pour faire le travail des services à l'enfance. Ce que vous proposez et les mécanismes que cela suppose devront respecter ce critère. Il faudrait quand même respecter cette disposition.

Je suis tout à fait d'accord avec votre hypothèse car je crois que c'est une réaction spontanée que de dire, comment peut-on mettre un enfant de 10 ans en prison? Ce sont là des circonstances extrêmes et très rares. Cela ne va pas se produire. Même dans les cas dont vous parlez, c'est un pourcentage encore plus infime qui se retrouverait dans de telles circonstances.

En ce qui concerne d'autres pays, vous nous avez cité quelques exemples comme l'Angleterre, et certains pays scandinaves. Quels sont certains des exemples américains que vous avez cités?

M. Nicholas Bala: Aucun État américain ne va jusqu'à 12; c'est 10, c'est 7, et dans certains cas on ne précise pas l'âge. Je dois reconnaître que bien que je sois en faveur, en général, d'abaisser l'âge à 10 ans, il vous faut savoir, surtout comme avocat, que c'est très difficile d'obtenir des directives claires d'un enfant de 10 ans.

Des psychologues ont fait des recherches et ont constaté que la grande majorité des enfants de 10 ans ont une assez bonne idée de la différence entre le bien et le mal. En fait, on peut même dire la même chose d'enfants plus jeunes, 6 ou 7 ans. Le problème est le suivant: Est-ce qu'un tribunal est le bon endroit...? Dans les pays où l'on intente des procès à des enfants de 10 et 11 ans, l'enfant ne s'intéresse pas vraiment à ce qui se passe. En fait, c'est la même chose dans le cas des enfants de 12, 13 et 14 ans. C'est même vrai de personne de 25 ans. Certains sont là assis, et ne comprennent pas vraiment comment se déroule le procès.

Ce n'est donc pas sans problème, et dans l'ensemble, je dirais qu'il y a de meilleures façon d'intervenir dans le cas d'un petit nombre de jeunes de 10 à 12 ans, certainement en ce qui concerne leur placement.

• 1655

Vous avez parlé du placement sous garde. J'ai écrit des articles en faveur d'un régime où si vous avez moins de 12 ans, vous ne serez jamais placé dans un établissement pénitentiaire, vous allez dans un foyer collectif, au moins jusqu'à l'âge de 12 ou 14 ans et peut-être pour le reste de la peine, selon sa nature, avec des adolescents d'un âge approprié. Je ne dis pas qu'il faut détenir sous garde un jeune de 10 ans avec un jeune de 18 ans—jamais, en aucune circonstance.

M. Peter MacKay: Comment cela...

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur MacKay, nous vous reviendrons.

Toujours avec les McKay, monsieur John McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Je m'excuse d'avoir raté la première partie de votre exposé, mais c'est parfois difficile de faire autrement ici.

De très nombreux témoins, surtout du Québec, nous ont dit préférer un autre modèle pour faire face à cette situation. Pour résumer très brièvement, il semblerait que le taux est considérablement inférieur au Québec par rapport au reste du pays. Toutefois, je crois comprendre que ce qui échappe à la Loi sur les jeunes contrevenants est rattrapé par la Loi sur les services à l'enfance et qu'en fait, les enfants se retrouvent au terme de cette dernière loi incarcérés quand même. Pourriez-vous m'expliquer comment ces deux lois fonctionnent ensemble. Est-ce que le modèle québécois qu'on nous propose de suivre est considérablement différent du modèle en Ontario ou ailleurs au pays?

M. Nicholas Bala: Vous soulevez plusieurs questions ici. Il y a sans doute des différences fondamentales d'approche entre le Québec et les autres provinces pour ce qui touche en l'occurrence les enfants, les jeunes et la famille. Au Québec, on met davantage l'accent sur l'appui, non seulement l'appui financier à l'intention des familles, des garderies, etc. Il y a beaucoup de vrai là- dedans.

Il m'est arrivé de temps à autre de travailler avec des juges de diverses provinces et de m'entretenir avec eux. Ce qui me frappe sur le plan des principes, c'est que les juges des tribunaux pour adolescents au Québec semblent adopter une attitude différente, davantage orientée vers la réadaptation.

D'autre part, cela dit, on trouve aussi entre le Québec et les autres provinces des points communs considérables. Selon moi, le discours et les mémoires québécois dont j'ai pris connaissance ne dépeignent pas totalement toutes les opinions qui ont cours au Québec. On a été témoin de meurtres tragiques et spectaculaires au Québec et certains Québécois se sont scandalisés en disant que la Loi sur les jeunes contrevenants n'était pas assez sévère: Pourquoi ces jeunes gens purgeaient-ils des peines de trois ans seulement, se demandait-on, et pourquoi n'y avait-il pas renvoi à un tribunal pour adultes? Je ne suis pas certain que ces opinions-là aient été présentées aux membres du comité ou qu'elles figuraient dans les mémoires.

Vous avez signalé qu'il existe des résultats de recherches indiquant clairement qu'au Québec, même si le taux de déjudiciarisation par exemple est plus élevé que dans d'autres provinces—et dans l'ensemble je pense que c'est souhaitable—on y envoie probablement plus d'adolescents en institution en vertu de lois québécoises de la protection de la jeunesse et de l'enfance que dans d'autres provinces. En fait, contrairement à l'Ontario, par exemple, un jeune, un enfant, un adolescent, qui tombe sous le coup de la Loi sur la protection de la jeunesse est envoyé dans le même établissement qu'un jeune contrevenant, et en réalité il a moins de droits. Voilà ma plus grande inquiétude concernant le modèle québécois et on a tendance à oublier cela quand on s'adonne au jeu des comparaisons.

Cela dit, les autres provinces auraient bien des leçons à tirer des principes appliqués au Québec sur le plan de l'appui accordé aux enfants et aux familles.

M. John McKay: Merci.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur McKay.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: L'année dernière j'ai passé une demi-journée à Barrie pour me familiariser avec le Projet Turnaround. J'en conclus d'après mes conversations avec les jeunes qui s'y trouvent, qu'ils se trouvent bien là, dans ce milieu structuré. Quelle est votre opinion de ce genre d'établissement?

M. Nicholas Bala: Nous disposons de résultats de recherche sur ce genre d'institutions. Je connais des gens qui travaillent là-bas précisément. Je pense qu'un programme disciplinaire sévère peut être utile.

Cependant, ce qui sera révélateur, ce sont les résultats obtenus sur le plan de la réduction de la récidive. En particulier, d'après la recherche, ce genre de programme n'est pas très efficace à moins qu'il comporte avant tout une composante éducative et de counselling—et c'est le cas—et ensuite un suivi approprié dans la collectivité.

• 1700

En d'autres termes, dans ce genre de milieu, la question est... Il est vrai qu'un jeune qui quitte l'établissement a acquis un sens de la discipline ou de l'autodiscipline mais si le suivi fait défaut, on constate que le taux de récidive est plus élevé que chez ceux qui passent par d'autres établissements. Le suivi dans la collectivité est absolument crucial.

Je ne pense pas que ce genre de programme convienne à tous les jeunes, tant s'en faut et je pense qu'il faut qu'un tel programme soit surveillé de très près. Aux États Unis, on a constaté que certains de ces camps de type militaire ou ces établissements disciplinaires très sévères avaient donné lieu à des abus considérables. On procède à des enquêtes.

Bien sûr la discipline a sa place et si la seule autre possibilité est de mettre le jeune sous garde, sans grand programme, les activités se limitant à regarder la télévision et à rester enfermer dans sa chambre, un programme beaucoup plus structuré semble être beaucoup plus souhaitable. Encore faut-il que le programme soit bien pensé et qu'il y ait un suivi. Je pense qu'il y a des problèmes dans certains cas sur le plan de la théorie comme de l'application.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Cadman.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Vous avez dit que vous ne voudriez pas qu'on envoie des jeunes de moins de 12 ans dans des établissements de garde, dans des foyers collectifs. En fait, n'est-ce pas dans ce genre d'établissements qu'on les envoie quand on les place sous garde en vertu de la Loi sur la protection de l'enfance?

M. Nicholas Bala: Il y a deux questions ici. Tout d'abord, y a-t-il lieu d'intervenir absolument? Comme je l'ai dit, très souvent il n'y a pas lieu de le faire. Si c'est le cas toutefois, ces jeunes se retrouvent dans un foyer collectif. Ensuite, on doit se demander combien de temps on les y gardera. En vertu des lois sur la protection de l'enfance, très souvent ce n'est pas très longtemps. Dans un petit nombre de cas—moins de 100 par année—l'enfant pour son propre bien, pour la protection du public, pour qu'il acquiert un peu le sens des responsabilités, devrait séjourner dans le foyer plus que quelques mois.

Je le répète, ce n'est sans doute pas comme ça que les choses se passent en vertu des lois sur la protection de l'enfance à moins que ce soit parce qu'il n'existe pas de renseignements à cet égard. Je ne préconise pas la publication du nom des jeunes à moins qu'on ne les traite comme des adultes.

Par ailleurs, quand intervient le modèle de la protection de l'enfance, on constate par exemple qu'un jeune de Toronto commet une agression sexuelle, est envoyé dans un foyer collectif, et on ne sait même pas combien de temps il y restera. Il n'y a pas de suivi. On comprend que le public soit outré dans de tels cas. S'il s'agit uniquement d'une question de protection de l'enfance, le public, je veux bien, n'a pas le droit de savoir mais si c'est une question de responsabilisation, de protection du public, le public a le droit jusqu'à un certain point de le savoir si le suivi est convenable, mais ce n'est pas le cas si seule la protection de l'enfance s'en mêle.

M. John Maloney: Ce sera ma dernière question. Vous avez signalé qu'il faudrait prévoir des mesures dans la loi juste au cas où nous en aurions besoin tôt ou tard. Nous avons parlé des différences d'opinions concernant l'approche du Québec et celle des autres provinces. Vous n'avez guère louangé la province de l'Ontario—et pour cause. Nous avons abordé la question des établissements disciplinaires sévères. Si cela était prévu, ne risquerait-on pas—si c'était prévu dans un petit nombre de cas—que certaines provinces s'en servent et en abusent? Y a-t-il de quoi s'inquiéter?

M. Nicholas Bala: Dans le cas des enfants de moins de 12 ans, il faudrait veiller à prévoir une série de critères pouvant en restreindre le recours.

En fait, autrefois, les dispositions de la Loi sur les jeunes délinquants établissait le seuil à sept ans. Il n'y a eu que de rares cas, pour diverses raisons, même quand rien n'était prévu dans la loi. Je signale que cela représentait environ 10 p. 100 des contrevenants, et 2 p. 100 des causes étaient entendues au tribunal des jeunes.

On pourrait—il y aurait diverses façons de le faire—donner au tribunal un pouvoir d'intervention pour que ce chiffre reste vraiment bas. Dans ces conditions, j'en serais partisan. Très franchement, si l'âge est maintenu à 12 ans, ce nÂest que prolonger le sursis, car tôt ou tard quelqu'un pourrait demander, à bon droit jusqu'à un certain point, pourquoi on n'est pas intervenu plus tôt. Les gens diront que la responsabilité vous en incombai... Je me rends bien compte qu'il s'agit d'une évaluation difficile des facteurs et que cela pose problème, comme je l'ai dit, sur le plan théorique comme en pratique.

J'ai écrit une longue communication là-dessus. Je vais vous donner mon adresse électronique. Cette communication se trouve sur le Web. Si vous m'envoyez un courriel, je vous l'enverrai.

M. John Maloney: Merci.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Peter MacKay, vous n'avez rien dit mais je suis sûr que vous aviez une autre question quand je vous ai coupé la parole tout à l'heure.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Effectivement, j'ai quelques questions à poser à notre témoin, dans la même veine que les questions de mon collègue, M. Cadman, concernant la surveillance obligatoire et son suivi.

• 1705

Vous savez sans doute ce qui s'est passé à Shelburne, en Nouvelle-Écosse, à cette école pour garçons, où il y a eu des abus épouvantables. Je ne compare pas cela à la notion qui sous-tend les camps de type militaire, mais on a certainement pu constater à bien des égards que si l'on envoyait des jeunes dans ce genre d'établissement, et si on les traitait de façon épouvantable... Il est entendu que ces traitements n'étaient pas approuvés et ne faisaient pas partie du programme de réadaptation, mais les abus qu'on a constatés... Avec du recul, le taux de récidive des jeunes de cet établissement était très haut quand ils étaient relâchés, ce qui démontre assurément qu'en les enfermant, en les soustrayant à une vie collective normale, en leur refusant l'appui d'une famille, en les traitant durement, pour leur faire expier ce qu'ils avaient fait, on n'obtenait pas de résultats.

Vous connaissez bien les dispositions de ce projet de loi et vous avez pu constater que désormais, la nouvelle donne sera le suivi et l'appui de la collectivité après la libération, ce qui n'est guère présent dans l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants. Que devrions-nous ajouter à ce projet de loi pour que cette étape intermédiaire, entre le moment où l'enfant est réinséré dans la collectivité après une détention en milieu fermé puisse se dérouler dans une maison de transition ou dans un milieu surveillé et structuré, afin que cette étape ne se limite pas uniquement à une comparution de ces jeunes de temps à autre devant un agent de probation?

M. Nicholas Bala: Vous faites allusion ici à des enjeux très importants. Tout d'abord, il est vrai que dans notre pays, on a traité épouvantablement des enfants et des adolescents dans toutes sortes de contextes. Nous en payons le prix d'une génération à l'autre et il y a toute une gamme de solutions pour y remédier. Par exemple, il existe des services juridiques qui jouent un rôle important moyennant quoi les gens qui travaillent dans ces établissements savent désormais que s'ils faut subir des sévices sur un enfant, il est fort probable que cet enfant va téléphoner pour demander de l'aide immédiatement, si bien qu'ils ne s'en tireront pas indemnes. Je pense qu'on a pu constater une chute importante des cas de sévices en établissement pour cette raison et pour d'autres raisons.

Vous faites également remarquer que la garde à elle seule a très peu d'impact sur les jeunes. Certains d'entre eux, et ils sont nombreux, viennent d'un milieu familial où ils sont soumis à des sévices ou à de la négligence. La garde ne semble pas un trop mauvais sort comparé à leur situation antérieure.

Mais il y a un autre problème. Quand on prend des jeunes qui viennent de milieux plutôt acceptables et qu'on les place dans un endroit où ils côtoient des contrevenants qui ont commis des crimes beaucoup plus graves, on les envoie littéralement à l'école du crime. On les met dans un milieu où ils retrouvent leurs pairs et à leur sortie, ils ont un bagage de valeurs et de compétences qui les pousse à commettre d'autres infractions.

Les études sont très claires là-dessus: les programmes les plus efficaces sont ceux qui ne mettent pas les jeunes sous garde. Ce n'est pas dire qu'il n'y a pas de sanctions. Cela veut dire des sanctions structurées dans la collectivité, des restrictions quant au comportement, mais aussi des services d'appui aux familles, aux écoles, parfois des écoles alternatives, de sorte qu'ils évitent un milieu malsain. Quant aux enfants qui sont mis sous garde, dans leur cas, la période de suivi est absolument cruciale.

Vous comprendrez que je me suis attardé sur les éléments qui me déplaisaient dans le projet de loi mais il faut dire qu'il contient nombreux de bons éléments. L'une des choses que j'apprécie dans le projet de loi est le fait que l'on prévoit une peine structurée obligatoire des deux tiers sous garde et ensuite, le tiers restant en suivi. Je pense que c'est un facteur important. L'élément absolument crucial réside dans les ressources effectivement disponibles pour le suivi. Les provinces auront-elles les ressources et la volonté d'offrir ces services? Est-ce qu'on se dira tout simplement qu'il suffit de purger deux tiers de la peine et qu'ensuite, le jeune est relâché dans la collectivité, l'agent de probation devant téléphoner au cours des semaines ou des mois suivants? Peut-être?

M. Peter MacKay: Bien sûr, vous savez que l'on ne finance pas équitablement l'application de la loi actuelle par les provinces, on est loin en tout cas de ce que l'on comptait faire au tout début, après qu'elle a été adoptée et que nous sommes passés de la Loi sur les jeunes délinquants à cette nouvelle loi-ci. Cet accord de partage des coûts moitié-moitié n'a jamais été respecté. C'est un gros problème, je crois, à l'heure où nous entrons dans ce système que l'on voudrait plus humain et plus convivial, et où l'on accorde certainement plus d'importance aux mesures de prévention et aux dispositions sans placement sous garde. Je crains fort que l'on suscite de faux espoirs. Si nous nous engageons dans ce système mais sans le financement voulu, nous allons accabler encore plus des personnes qui sont déjà surchargées; nous leur disons simplement que nous allons leur confier davantage de travail mais pas de ressources supplémentaires.

M. Nicholas Bala: Je n'aurais pas pu mieux le dire moi-même. Certains vous diront qu'il ne faut pas toucher à la loi simplement leur donner le pouvoir de modifier la formule de financement ainsi que les ressources pour la mettre en oeuvre; à ce moment-là, on ferait beaucoup plus que changer la loi. Je pense que tout cela va ensemble. Le gouvernement fédéral dit qu'il va investir les ressources voulues. Mais il est absolument essentiel qu'il donne suite à cet engagement.

• 1710

M. Peter MacKay: Que dites-vous de la complexité du projet de loi lui-même? S'agit-il d'un programme de création d'emplois pour les avocats?

M. John McKay: Il dirige le témoin.

Des voix: Ah, ah!

M. Nicholas Bala: Il y a une foule de questions complexes dans ce texte. Bon nombre des changements explicités sont nécessaires et souhaitables. Il y a des passages du projet de loi qu'on aurait pu rendre plus compréhensibles. Chose certaine, c'est un projet de loi très complexe. Je ne suis pas sûr que ce soit un projet de création d'emplois pour avocats; c'est un projet de création d'emplois pour les rédacteurs de lois. Il y a un tas de questions complexes dans ce texte.

M. Peter MacKay: Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur MacKay.

Ça commence à ressembler à: «Le roi est mort, vive le roi!»

Monsieur McKay, s'il vous plaît.

M. John McKay: Vous devez comprendre que tous les députés de l'opposition ramènent toujours cela à une question de ressources. C'est la règle du jeu ici.

J'aimerais reprendre votre réponse à ma question initiale concernant les droits de l'enfant qui est sous la garde de l'aide à l'enfance par opposition aux droits qu'aurait l'enfant en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants ou de ce projet de loi-ci. Pouvez expliquer au comité la différence qu'il y a entre les droits de ces deux enfants qui sont sous garde, si vous voulez?

M. Nicholas Bala: Soit dit en passant, il se pose une foule de problèmes relativement aux droits et à la manière de traiter les enfants de moins de 12 ans qui commettent des infractions. Si vous croyez que l'infraction motive l'intervention de l'aide à l'enfance, quel genre de procès intenterait-on en vertu de la Loi sur l'aide à enfance pour prouver que l'infraction a bel et bien été commise, de sorte que vous puissiez faire intervenir l'aide à l'enfance? La Charte s'appliquerait-elle? Les règles de preuve s'appliqueraient-elles aussi? Il n'y a pas beaucoup de jurisprudence sur cette question, mais du moins, en théorie, le fardeau de la preuve est mois lourd lorsqu'il s'agit de faire intervenir l'aide à l'enfance, ce qui peut être au moins un problème théorique. Il y a aussi une foule de variantes, et on se demande: quels sont les droits de l'enfant?

En Ontario, l'enfant de moins de 12 ans est assez bien représenté sur le plan juridique dans le système d'aide à l'enfance. Dans les autres provinces, ils n'ont pas toujours droit à un avocat, par exemple, s'ils sont traduits devant le tribunal en vertu de la Loi sur l'aide à l'enfance. Ce sont d'autres problèmes qui se posent ici. Peut-être que la Charte va s'appliquer et leur assurer le droit à un avocat.

De manière très générale, si l'on considère le pays tout entier, pour ce qui est des normes et de l'application possible de la Charte, la législation concernant les adolescents renferme un ensemble de mesures de protection juridiques plus large que la législation concernant l'aide à l'enfance.

M. John McKay: Cela ne s'applique pas seulement aux enfants de moins de 12 ans. Le policier peut décider que l'enfant tombe sous le coup de la Loi sur les jeunes contrevenants, sous le coup de ce projet de loi, ou qu'il doit être confié aux services de l'aide à l'enfance.

M. Nicholas Bala: Les services de police ont le pouvoir d'invoquer cette loi pour les 12 ans et plus; pour moins de 12 ans, ils ne peuvent que...

M. John McKay: C'est incontestable.

M. Nicholas Bala: Ils téléphonent aux services chargés de l'aide à l'enfance qui ont eux-mêmes leur pouvoir d'appréciation. Comme je l'ai dit, parfois ils se diront trop occupés, que le problème n'est pas assez grave ou qu'il n'est pas prioritaire ou que ce n'est pas leur rôle d'après la loi—dans certaines provinces, ce n'est pas prévu dans la loi—et ils ne réagiront donc pas de façon adéquate.

M. John McKay: Est-ce que l'on parque les enfants en vertu de la l'aide à l'enfance?

M. Nicholas Bala: Eh bien, ça dépend ce que vous voulez dire par «parquer». Si vous voulez dire mis dans des installations où il n'y a pas toujours de programmes adéquats, je dirais que c'est plutôt un problème pour les jeunes contrevenants qu'en vertu de l'aide à l'enfance—si je prends le pays en entier, c'est une généralisation très grossière. Mais c'est un problème dans les deux cas... Comme je l'ai dit, beaucoup d'enfants au Québec, beaucoup d'adolescents de plus de 12 ans se retrouveront dans les mêmes établissements, qu'il s'agissent de jeunes contrevenants ou d'enfants qui doivent être protégés, de sorte qu'il n'y aura peut- être pas beaucoup de différence sur le plan des programmes.

En général, par contre, et je crois que c'est tout à fait approprié, nous consacrons plus d'efforts et de ressources aux adolescents sous garde en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants plutôt qu'aux contrevenants adultes. Je pense que c'est approprié, cela nous rapporte. Ce sont des établissements moins durs, davantage axés sur le traitement que ceux destinés aux adultes.

M. John McKay: Si l'enfant tombe sous le coup de la législation de l'aide à l'enfance, le traitement est-il indéfini dans le temps, autrement dit la peine n'a pas de fin? Comme vous l'avez dit dans le cas d'un établissement à Montréal, les enfants ne sont-ils pas là en quelque sorte au bon plaisir des autorités de protection?

M. Nicholas Bala: Il y a un contrôle judiciaire, mais il ne fait pas de doute que les décisions en matière de l'aide à l'enfance sont moins limitatives et peuvent être renouvelées indéfiniment tandis que la peine d'un jeune contrevenant, elle, est limitée. Cela peut donc être indéfini. Le problème dans le cas de la Loi de protection de l'enfance c'est que s'il s'agit d'une infraction grave commise par un moins de 12 ans, la sanction peut être à durée indéterminée; elle peut être très courte. Qui sait ce qui se passe en réalité? On ne sait pas.

• 1715

L'un des problèmes des lois d'aide à l'enfance, c'est qu'elles prêtent aux abus des deux côtés. Dans le cas d'une sanction à une infraction, celle-ci peut être très courte ou insuffisante. Si l'on s'inquiète des droits des enfants, comme c'est mon cas, les sanctions paraissent parfois arbitraires et il semble y avoir moins de respect pour les droits reconnus par la loi que dans le système judiciaire.

M. John McKay: C'est donc dire que l'enfant...

Le vice-président (M. Ivan Grose): Ce sera la dernière question, monsieur McKay.

M. John McKay: D'accord. Invoquer les dispositions d'aide à l'enfance pourrait donc avoir des effets juridiques uniques: l'enfant pourrait se retrouver dans un établissement pour une durée plus longue que s'il était passé par la filière judiciaire. L'autre injustice, c'est que dès son entrée dans le système, l'enfant n'a aucun mot à dire sur la filière qu'il va suivre et que quelqu'un d'autre prend la décision.

M. Nicholas Bala: C'est précisément là où je veux en venir. Un système d'aide à l'enfance, qui est une façon très importante au Canada de s'occuper des enfants, n'est pas la bonne façon de s'occuper des cas graves de récidive des jeunes de 10 et 11 ans et des adolescents plus vieux.

Dans l'ensemble, je crois que nous avons pris une décision sage... À l'époque de la Loi sur les jeunes délinquants, nous faisions l'amalgame. Aujourd'hui, nous disons qu'il y a des différences entre les enfants qui commettent des infractions et ceux qui ont des difficultés avec leurs parents. Certains se retrouvent dans les deux catégories, mais beaucoup devraient être traités de façon différente, avec des droits et des responsabilités différents.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur McKay.

Monsieur Saada, rapidement, puisqu'il faut terminer.

M. Jacques Saada: Je n'ai qu'une brève question à poser.

Avez-vous eu la chance de visiter le tribunal de la jeunesse à Montréal?

M. Nicholas Bala: Oui.

M. Jacques Saada: Je suis resté perplexe quand j'ai entendu ce que vous avez dit tout à l'heure. Effectivement, ce n'est pas généralisé, et il n'y en a qu'un, mais il est fascinant de voir que vous avez le centre de détention—c'est ainsi que je l'appelle, parce que je ne connais pas le nom officiel—au même endroit, dans le même immeuble—mais à un autre endroit—où se trouvent ceux qui sont là pour être protégés. La commodité d'avoir les deux au même endroit, c'est parce que les professionnels qui servent l'un et l'autre sont parfois les mêmes.

C'est donc la tendance que le Québec veut encourager. Je ne veux pas faire de comparaison avec le reste du pays. Je parle seulement de la philosophie du Québec d'avoir, dans le même immeuble, mais avec certaines limites, le jeune qui a besoin de tout un éventail de services. C'est un modèle que je trouve très attrayant. Je ne suis pas un bon apôtre de ce modèle, mais si vous avez la chance de le visiter, c'est vraiment fascinant de voir comment la philosophie a été traduite, dans le concret, dans l'immeuble, dans son architecture, dans la répartition des salles, l'accès direct au tribunal; c'est fascinant.

M. Nicholas Bala: Il faut que je vous dise—et je ne suis pas du tout un expert du Québec—qu'il y a aussi des établissements comme ceux-là en Ontario, où , dans le même immeuble, on retrouve la protection de l'enfance et les jeunes contrevenants—mais séparés les uns des autres. Je croyais savoir qu'il y a des endroits au Québec où ils sont en fait dans la même salle.

M. Jacques Saada: C'est juste.

M. Nicholas Bala: C'est justement le problème et l'inquiétude que j'ai. Il est certain qu'il y a regroupement entre les besoins des adolescents qui ont besoin d'être protégés et ceux des jeunes contrevenants; cela ne fait pas de doute, et un établissement bien conçu peut en tenir compte.

Le vice-président (M. Ivan Grose): J'aimerais maintenant vous remercier beaucoup, monsieur Bala. Vous nous avez permis de poser toute une série de nouvelles questions et d'entendre un nouvel ensemble de réponses, et je vous en remercie. Merci beaucoup, et en particulier de votre patience pendant l'interruption.

M. Nicholas Bala: Je vous remercie de m'avoir entendu.

Le vice-président (M. Ivan Grose): J'espère que votre train sera à l'heure.

La séance est levée.