JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 22 février 2000
Le vice-président (M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)): La séance est ouverte. Maintenant que nous sommes suffisamment nombreux, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je suis désolé de notre retard.
Nos témoins d'aujourd'hui sont M. Peter Dudding qui représente la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada; Martha MacKinnon et Mary Birdsell qui représentent la Canadian Foundation for Children, Youth and the Law; et Marlene Viau.
Selon nos règles, chaque groupe a dix minutes pour faire un exposé, mais vous souhaitez vous partager ce temps. Nous allons commencer dans l'ordre où apparaissent les témoins sur la liste qui figure sur ce papier—et non pour une autre raison—ce qui veut dire que M. Dudding sera le premier.
M. Peter Dudding (directeur exécutif, Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs.
Je m'appelle Peter Dudding et je suis directeur exécutif de la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada. Nous sommes une organisation nationale de services sociaux bénévoles qui compte 87 membres dans le pays, lesquels représentent diverses organisations de services à l'enfance de toutes les régions. Nous nous attachons avant tout aux enfants à risque et à leur famille. Ce sont évidemment les enfants qui sont connus du système de protection de la jeunesse, du système de la santé mentale des enfants et du système des jeunes contrevenants.
Notre exposé de ce matin se fonde sur un sondage réalisé auprès de nos membres au cours de l'été dernier et sur notre expérience en tant qu'organisation découlant de notre participation, au cours de l'année 1999, à deux études intéressantes sur le sujet.
La première étude portait sur l'expérience unique des jeunes femmes qui ont eu affaire au système des jeunes contrevenants. La deuxième sur les besoins de la population enfantine des six à douze ans qui n'est évidemment pas couverte par cette initiative législative mais dont nous devons nous préoccuper pour savoir quels services leur sont destinés et ce qui se passe au sein de cette population dans l'ensemble du pays.
Une partie de cette réflexion a donné lieu au document que vous avez sous les yeux aujourd'hui. Ne disposant que de dix minutes, je ne vais pas passer notre mémoire entièrement en revue, mais je crois bon de m'en tenir aux observations générales et à un examen du sommaire relatif aux points faibles et aux points forts du projet de loi dont vous êtes saisis.
La Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada estime que la nouvelle loi n'est pas nécessaire parce que la Loi sur les jeunes contrevenants en vigueur, lorsqu'elle est appliquée dans sa totalité, comme c'est le cas dans certaines provinces, est très efficace. Nous nous demandons, si dans son ensemble, cette nouvelle loi est vraiment nécessaire étant donné que celle qui est en vigueur a donné d'assez bons résultats dans les provinces qui l'ont intégralement appliquée. J'approfondirai cette idée plus tard.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents renferme des propositions qui affaibliraient la conformité aux dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. J'attirerais notamment votre attention sur l'abaissement de la limite d'âge à 14 ans pour les inculpations d'infractions désignées. La question concernant l'interdiction de publication est un problème particulier. J'aborderai le sujet à la lumière de la réserve du Canada relativement au paragraphe 37c) de la convention des Nations Unies qui devrait être éliminée, à notre avis. On devrait abandonner la pratique de placer les jeunes contrevenants avec les adultes.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents devrait exiger que les intérêts des enfants priment dans toute intervention les concernant. Si certains articles du préambule nous semblent digne d'éloges pour leur clarté, il n'est pas précisé dans cette partie du texte de loi que ce principe doit l'emporter dans toute la loi.
À cet égard, l'emploi du terme «criminel» pour les enfants nous semble tout à fait inapproprié et offensant. Les enfants ne sont pas des criminels.
• 0915
Nous croyons pour terminer que les châtiments corporels et
autres traitements cruels et inhabituels devraient être interdits
dans les établissements pour enfants. Cela devrait figurer dans le
texte de loi lui-même.
Je ne vais pas passer en revue le projet de loi. Nous abordons d'une part ses points forts, d'autre part ses points faibles et estimons que l'un de ses aspects pouvait être remis en question.
Pour les points forts, c'est-à-dire les éléments qui nous semblent constituer une amélioration par rapport à la Loi sur les jeunes contrevenants, le fait d'avoir ajouté le préambule nous semble utile, surtout lorsqu'il s'agit de reconnaître que l'on a beaucoup trop recours à l'incarcération dans notre pays, en particulier pour les infractions sans violence.
Selon certains chercheurs, et je suis sûr que vous en êtes conscients, le Canada est sans doute en tête de file, sinon le premier pour le nombre d'incarcérations d'adolescents par habitant. Chose assez surprenante, nous sommes même mieux placés que les États-Unis. Le fait que ce texte de loi incite à réduire le nombre des incarcérations est tout à fait louable.
Le principe du projet de loi et ses dispositions sont plus généraux et cohérents. Les mesures extrajudiciaires sont plus largement définies. Vous constaterez certainement dans notre document que nous jugeons très important le fait que l'on insiste, tant dans la Loi sur les jeunes contrevenants que dans ce projet de loi, sur les mesures de rechange, les mesures extrajudiciaires pour éviter aux enfants d'entrer dans le système de justice pénale pour adolescents.
Les critères pour le recours aux mesures extrajudiciaires sont importants. L'autorisation du recours aux avertissements, aux mises en garde, aux comités de justice pour la jeunesse et les groupes consultatifs sont des approches que nous connaissons bien et qui donnent de très bons résultats dans les provinces où on les applique. Nous approuvons les propositions de les généraliser qui figurent dans ce texte de loi.
Le fait qu'on limite le recours à la détention avant le procès nous semble indiqué et nécessaire. À cet égard, nous reconnaissons aussi le fait que dans le système de protection de la jeunesse, il y a parfois des problèmes pour les jeunes qui vivent tellement de difficultés, qu'il est nécessaire d'avoir des mesures extraordinaires, dans un système où le recours à la garde en milieu fermé n'est pas une option, pour que ces enfants soient en sécurité et qu'on s'occupe d'eux. C'est un problème dans le système actuel de protection de la jeunesse qui va exiger des ressources supplémentaires et une plus grande planification du fait de cette interdiction à laquelle nous sommes néanmoins favorables.
En ce qui concerne l'abolition des audiences de transfèrement avant le procès au profit d'audiences de détermination de la peine applicable aux adultes après le procès, bien que nous ayons quelques graves inquiétudes en ce qui concerne les dispositions de transfèrement, nous pensons que ce mécanisme est meilleur, comme d'ailleurs le fait de limiter le recours à la détention préventive.
Les critères pour les peines applicables aux adultes sont plus précis que dans les dispositions de transfèrement de la Loi sur les jeunes contrevenants en vigueur. Les principes de détermination de la peine sont plus mesurés et s'attachent davantage à la réadaptation. Nous sommes d'accord. Limiter le recours à la détention est indiqué. Nous sommes aussi favorables à l'inclusion d'un large éventail d'options pour la détermination de la peine, notamment les réprimandes.
La souplesse permise pour le placement des adolescents qui reçoivent des peines applicables aux adultes, qui fait qu'il est possible de garder ces jeunes dans des établissements pour adolescents, nous semble indiquée. Quant à l'objet et au principe qui sous-tendent les ordonnances de placement et de surveillance, nous constatons encore une fois que leur généralisation est utile. Les dispositions plus amples concernant les autorisations de sortie constituent également une amélioration.
L'introduction, dans le projet de loi, de la surveillance conditionnelle dans le cadre des peines de détention sans que cela rallonge la peine, nous semble représenter un gros progrès. Cela augmentera les possibilités d'atteindre l'objectif de réinsertion des enfants dans leur collectivité.
• 0920
Quant aux points faibles du texte de loi, l'absence de
définition de nombreuses mesures extrajudiciaires constitue un
problème. Nous pensons qu'un travail supplémentaire est nécessaire
à cet égard.
Pour nous, le caractère optionnel est un gros problème. La capacité qu'ont les provinces de ne pas appliquer bon nombre de dispositions importantes au chapitre des mesures extrajudiciaires perpétue ce qui nous semble être le même problème, dont nous avons parlé plus tôt, c'est-à-dire l'application inégale de la Loi sur les jeunes contrevenants au Canada. Nous créons en fait une situation qui permettra de maintenir pour commencer le traitement inégal des enfants dans le pays et de traiter les questions de justice concernant les adolescents au coup par coup.
Par exemple, dans une province, l'ordre du jour pourrait fort bien être l'incarcération alors que dans une autre, où on s'efforce d'appliquer des mesures extrajudiciaires, le système de justice s'appliquant aux adolescents aura un style tout différent. Nous pensons que c'est un gros défaut du projet de loi qu'il faudrait corriger.
En ce qui concerne les peines applicables à des adultes pour des infractions désignées et l'abaissement de l'âge à 14 ans, nous estimons qu'aucune étude ne justifie vraiment cela. Nous savons que les infractions avec violence chez les jeunes sont un phénomène rare et nous contestons vraiment le raisonnement qui a donné lieu à ces mesures.
Nous trouvons la définition des infractions graves avec violence trop générale et la publication du nom qui est permise pour les adolescents auxquels on inflige une peine applicable aux adultes ne nous semble justifiée en aucun cas. Cela est tout à fait contraire au principe général du projet de loi relatif à la réadaptation et à la réinsertion sociale car cela revient à jeter l'opprobre sur quelqu'un. Je vous signalerai encore une fois que cela constitue un problème par rapport aux dispositions de la convention des Nations Unies. La seule exception que nous pourrions accepter en l'occurrence serait la disposition concernant les enfants en fuite et qui courent des risques.
À notre avis, les exigences de destruction des dossiers des jeunes ne sont pas suffisamment définies, pas plus d'ailleurs que les différents niveaux de sécurité nécessaires pour les conserver et le fait que les décisions de garde en milieu ouvert ou fermé ne peuvent être examinées par le tribunal et sont maintenant la responsabilité des directeurs provinciaux. Cela constitue pour nous un problème.
De même, nous pensons que l'affaiblissement des dispositions concernant la prise des dépositions par la police constitue un véritable problème lorsqu'on pense à la population concernée.
Pour terminer, je mentionnerai l'aspect que nous remettons en question et qui nous inquiète toujours, à savoir le placement par niveau de sécurité qui relève désormais des responsables provinciaux des services correctionnels. Cela va encore une fois donner lieu à des approches différentes selon les régions, ce qui nous inquiète.
J'en resterai là, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir donné la parole.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Dudding.
J'ai oublié de dire au départ que l'on posera des questions à la suite des trois exposés. Je suis sûr que nous aurons l'occasion de parler de tout ce que vous avez laissé de côté.
M. Peter Dudding: Merci.
Le président: Je dois aussi avertir les témoins qu'il est possible que le happening habituel se produise, c'est-à-dire que la sonnerie retentisse et que, tels des chiens de Pavlov, nous réagissions en quittant rapidement la salle. J'en suis désolé, mais cela est indépendant de notre volonté.
Nous allons maintenant entendre les représentantes de la Canadian Foundation for Children, Youth and the Law. À vous de voir laquelle de vous deux va commencer.
Mme Martha MacKinnon (directrice exécutive suppléante, Justice for Children and Youth; Canadian Foundation for Children, Youth and the Law): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Martha MacKinnon et je suis directrice exécutive suppléante de Justice for Children and Youth. Je suis accompagnée de Mary Birdsell, avocate employée par notre organisation qui s'occupe de la diffusion et du développement communautaire à Justice for Children and Youth.
Pendant plus de 20 ans, Justice for Children and Youth a été la seule clinique juridique du Canada pour les jeunes de moins de 18 ans. Nous nous occupons de continuité du revenu, d'éducation, de droit pénal, de droit de la famille, de droit de la santé mentale, de droit de la santé, de droit constitutionnel et des droits de la personne. Puisque nous sommes la seule clinique du Canada qui représente directement les jeunes, qui les défende et qui prépare des documents de politique sur les questions qui les concernent, nous pensons pouvoir vous apporter une optique unique et nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de le faire.
• 0925
Je suis d'accord avec M. Dudding pour dire que la Loi sur les
jeunes contrevenants, si elle avait été appliquée comme il se doit,
aurait pu permettre de réaliser la plupart des objectifs du projet
de loi. L'un des problèmes, comme il l'a laissé entendre, vient de
ce que son application a été très inégale dans l'ensemble du pays
et qu'elle a été faite à contrecoeur dans certaines provinces, si
elle a été appliquée. De ce fait, nous estimons que l'on pourrait
rendre la Loi sur les jeunes contrevenants applicable moyennant
certaines modifications, et comme ni la carotte ni le bâton n'ont
donné des résultats avec cette loi, je m'attacherais aux
propositions que contient la Loi sur le système de justice pénale
pour les adolescents.
À Justice for Children and Youth, nous estimons que le projet de loi pourrait être comparé à un sandwich fait avec un pain extraordinaire mais dont l'intérieur laisse à désirer. Sur l'une des tranches de pain, au début, on trouve de nombreux aspects positifs au projet de loi. Son objectif de réduire l'incarcération est louable et admirable, et j'espère qu'il sera réalisé.
Comme tous les membres du comité le savent, le Canada est le pays où l'on incarcère le plus de jeunes. Ce n'est pas pour cela que le taux de criminalité est inférieur à celui des pays où le taux d'incarcération est bien inférieur, comme les États-Unis. En Nouvelle-Zélande, comme vous le savez aussi, 61 p. 100 des affaires concernant de jeunes délinquants sont déjudiciarisées, contre 25 p. 100 seulement au Canada. On a réduit le recours à l'incarcération de 89 p. 100 sans voir pour autant le taux de criminalité des jeunes augmenter. L'incarcération est une approche interventionniste grave et coûteuse qui n'est pas adaptée aux infractions mineures courantes.
La tentative de réduire le recours à l'incarcération que contient ce projet de loi est louable, mais nous ferons cependant quelques mises en garde. Tout d'abord, lorsque nous disons dans notre mémoire, qu'il faudrait éviter l'incarcération, cela vaut non seulement pour les infractions avec violence, mais aussi pour les infractions graves avec violence. En fait, on devrait envisager d'incarcérer seulement dans les cas d'infractions graves avec violence.
Et cela notamment parce que les crimes sont souvent décrits comme des infractions avec violence ou des infractions graves avec violence, ou encore comme des voies de fait ou des voies de fait graves, alors que l'éventail des comportements qui couvre ces définitions est très vaste. L'un de mes premiers clients que j'ai trouvé très touchant était un garçon de 12 ans—et je vais maintenant agresser Mary parce que je sais qu'elle ne va rien me faire en retour—qui avait été accusé, au cours d'un test à l'école, alors qu'il était assis comme nous, de tricher. Avec un crayon dans sa main, il a clamé: «Non, je ne triche pas!». Il a été condamné pour voie de fait grave avec une arme. Il s'agit d'une infraction grave et d'une très grande violence.
On a réussi à obtenir, avec le plaidoyer, que l'affaire soit classée comme une simple voie de fait, mais il n'y a pas de raison que l'on envisage une incarcération dans une telle situation. À notre avis, il est donc de la plus haute importance que l'incarcération éventuelle soit réservée aux infractions les plus violentes, les plus graves.
Deuxièmement, nous vous félicitons d'avoir résisté aux pressions pour abaisser l'âge de la responsabilité pénale. Les directeurs des organismes de protection de la jeunesse de l'ensemble du pays ont indiqué qu'ils étaient tout à fait satisfaits du pouvoir d'intervention qu'ils ont lorsqu'il s'agit de la vie des enfants de moins de 12 ans.
Mais un deuxième problème se pose lorsqu'on essaie de voir ce qui arrive aux enfants qui ont été inculpés: a) vont-ils être incarcérés ou non et b) que se passe-t-il pour les délits mineurs? Le fait que l'on augmente les options pour la détermination de la peine dans ce projet de loi est louable; les réprimandes constituent notamment une excellente option. Mais nous estimons qu'il devrait y en avoir davantage. Il nous semble que si nous voulons encourager la déjudiciarisation et dissuader d'incarcérer, il devrait être obligatoire pour la Couronne d'expliquer au tribunal pourquoi la déjudiciarisation n'est pas indiquée. Si une telle explication est obligatoire, les procureurs de la Couronne déjudiciariseront davantage d'affaires.
Mais lorsqu'ils ne le font pas, il nous semble que les juges devraient pouvoir dire que telle affaire aurait dû être déjudiciarisée. Les juges devraient donc avoir le pouvoir d'imposer des réprimandes ou des mesures de rechange. En l'absence d'un verdict de culpabilité, le juge devrait avoir le pouvoir de dire: «Il n'est pas justifié de trouver un coupable dans cette affaire. On aurait dû la déjudiciariser.»
• 0930
Nous indiquons dans notre mémoire que les juges devraient
avoir un troisième pouvoir—et M. Dudding l'a mentionné
indirectement—celui de décider quand des dossiers doivent être
détruits. L'existence d'un casier judiciaire est très gênante pour
les jeunes, surtout lorsqu'ils approchent l'âge de 18 ans et
cherchent un emploi. De plus en plus souvent, les employeurs
exigent un extrait de casier judiciaire ou demandent aux jeunes la
permission d'obtenir leur dossier. Bon nombre de ces jeunes n'ont
pas eu d'ennuis dans les cinq dernières années et voudraient
devenir agents de police. Le fait que ces dossiers restent dans les
mains de la police constitue pour nous un aspect gênant.
L'autre partie du sandwich, le moment de la sortie, nous semble aussi digne d'éloges dans ce projet de loi. L'idée de donner des occasions de réinsertion sociale, de réintégrer la communauté sous surveillance à la fin de la peine, et la planification de la libération sont des choses excellentes et louables. Nous avons connu des jeunes qui ont quitté un lieu de garde fermé avec dans leurs poches un billet d'autobus pour rentrer chez eux et aucun autre soutien après leur départ. Il n'est pas surprenant qu'ils récidivent. Le fait qu'on s'attache à cet aspect est tout à fait digne d'éloges et on devrait mettre en oeuvre ces dispositions immédiatement si c'était possible.
Mais il y a des éléments à l'intérieur du sandwich, dans la viande—ou le fromage si vous êtes végétarien—qui nous préoccupent. Nous craignons, comme M. Dudding, les transfèrements pour les infractions désignées. Comme j'ai tenté de vous le montrer, la nature et la définition de l'infraction ne concordent pas toujours avec l'activité ou le comportement lui-même.
Nous avons eu une cliente qui avait à la fois des problèmes d'apprentissage et de santé mentale, qui était allée tous les jours pendant des mois chez le même dépanneur acheter ce qu'elle pouvait avec l'argent qu'elle avait ce jour-là. Un jour, elle est arrivée avec une note—rédigée en caractères d'imprimerie et que des enfants de six ans auraient pu écrire de façon moins maladroite—qui disait: «Donne-moi ton argent, sinon gare à toi.» Le propriétaire du magasin a ri. Il la connaissait. Il l'avait vue tous les jours. Il savait que ce n'était pas une enfant à problème. Elle est retournée dans le foyer collectif où elle vivait. On a trouvé la note et on a appelé la police. Elle a été inculpée de vol qualifié. Elle a passé trois mois sous garde parce qu'elle n'avait pas d'autre endroit où vivre.
Le vol qualifié est encore une fois une infraction extrêmement grave. Mais son comportement n'avait rien d'effrayant, même pour la personne qu'elle était présumée avoir volée et qui n'était pas du tout inquiétée ni menacée par son comportement. Il est donc important d'éviter la solution de la catégorisation des infractions pour les transfèrements et les peines, comme je l'ai dit plus tôt.
Pour Justice for Children and Youth, les dispositions relatives à la prise des dépositions constituent un autre sujet d'inquiétude. M. Dudding en a parlé. Nous l'abordons assez longuement dans notre mémoire. Nous avons présenté un document sur l'article 56 de la Loi sur les jeunes contrevenants. À notre avis, il est extrêmement important que les jeunes connaissent leurs droits et sachent qu'ils font vraiment une déposition, si c'est le cas, volontairement.
Normalement, la différence de pouvoir et les connaissances des adolescents font qu'ils ne savent pas s'ils ont vraiment le choix. Je ne passerai pas en revue les données de la recherche; elles sont très solides. Mais je me permets de vous suggérer que rien ne prouve que l'article 56 de la Loi sur les jeunes contrevenants constituait un problème. Les corps de police ont en fait de longs modèles de dépositions qu'ils suivent lorsqu'ils interrogent des jeunes. C'est en réalité un avantage pour les policiers et les procureurs de la Couronne d'avoir une routine précise et longue lorsqu'on prend une déposition parce qu'il n'y a pas alors de contestations. On ne perd pas des journées au tribunal à discuter de l'admissibilité de la déposition, ce qui constitue un moyen moins sûr, plus lourd et coûteux de procéder.
Comme M. Dudding l'a indiqué, il y a aussi des problèmes d'application des décisions. Dans notre mémoire, nous disons qu'il est primordial que toutes les peines soient disponibles dans toutes les provinces et territoires du Canada, que la détermination de la peine fait partie intégrante du droit pénal, et que le Parlement du Canada devrait faire en sorte que la détermination de la peine et les peines disponibles soient les mêmes dans tout le pays.
• 0935
M. Dudding a en outre parlé de ceux qui prennent la décision
concernant le lieu où sera purgée la peine de détention. Dans le
mémoire de Justice for Children and Youth, nous disons qu'il est
essentiel que cette décision soit prise par un juge. Les juges sont
ceux qui connaissent effectivement le contrevenant, l'infraction et
la victime au moment de la décision. À notre avis, c'est une erreur
de transférer ce pouvoir aux directeurs provinciaux.
Mais si on procède à ce changement, il devient alors indispensable que la décision soit prise selon une procédure aussi équitable que celle qui existe dans les tribunaux. Autrement dit, avant qu'un directeur provincial prenne une décision, il faudrait que le jeune soit représenté. Il devrait être possible de connaître les raisons d'une recommandation donnée de placement et de dire ce que l'on en pense; il est donc essentiel que l'adolescent soit représenté par un avocat. Il est toujours plus facile de prendre une bonne décision au début que d'essayer de la corriger par la suite lorsqu'on s'est trompé sur le placement initial.
Je suis on ne peut plus d'accord avec les remarques de M. Dudding sur la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et le placement des adolescents avec des adultes. Nous avons joint à notre mémoire les recommandations faites à la suite d'une enquête sur le décès de James L., jeune homme qui est décédé tragiquement dans un établissement pour adultes. Il n'avait pas pu bénéficier de renvoi par vidéo et avait donc été transféré à un autre établissement alors que cela n'était pas nécessaire. Une grande partie de notre mémoire reprend certaines des recommandations qui figurent dans l'enquête. Elles m'apparaissent convaincantes et tragiques; j'espère que vous serez du même avis.
Ce sont là des occasions manquées. J'ai parlé de la possibilité d'offrir plus généralement des renvois par vidéo. J'ai indiqué que c'était une occasion pour interdire complètement le placement des adolescents chez les adultes.
Je dirais aussi que ce projet de loi offre l'occasion de renforcer les dispositions sur la confidentialité des renseignements. Une affaire dont est actuellement saisie la Cour suprême porte sur le fait de savoir si les rôles des tribunaux constituent des renseignements. Le nom des adolescents y figure. Il y a à Terre-Neuve un tribunal qui les communique régulièrement aux conseils scolaires et cela a des conséquences néfastes pour les élèves.
J'aimerais pour finir demander une chose. La terminologie et la composition du projet de loi sont très difficiles. La Loi sur les jeunes contrevenants pouvait au moins être expliquée à la plupart des adolescents. J'ai trouvé que ce projet de loi était difficile à lire; certains articles renvoient à sept autres articles. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour rendre ce texte qui touche si directement les adolescents clair et compréhensible.
En dernier lieu, je veux vous parler d'une chose que j'ai entendue ce matin à la radio. Je crois que M. Wamback va comparaître devant vous demain matin. J'ai participé à une tribune sur l'ordre public samedi à Newmarket, et M. MacKay y était, de même que les Wamback. Ce fut une expérience très instructive. Il y avait des tables où l'on discutait de différents sujets.
À leur arrivée, de nombreuses personnes disaient qu'on devrait incarcérer immédiatement pour telle et telle chose, qu'on devrait baisser l'âge pour telle autre chose, qu'il devrait y avoir des peines conditionnelles et que l'on devait envoyer les gens directement en prison. Au cours des tables rondes, la dame qui était assise à ma droite, qui a trois enfants affligés du syndrome de Tourette, disait: «Non, ils n'y peuvent rien; pas mes enfants», alors que c'était elle qui avait dit au départ que l'on devait incarcérer immédiatement ceux qui commettent des infractions avec violence. La dame qui était à l'autre bout de la table, dont le fils avait eu des ennuis avec la Loi sur les jeunes contrevenants pour avoir volé des cassettes et des CD-ROM, pensait que cela faisait partie du processus de croissance; ce n'était pas bien, mais ce n'était pas une chose—bien qu'il y ait eu récidive—qui aurait dû l'envoyer en prison.
Il est donc relativement simple d'éduquer les gens et de les aider à comprendre qu'ils ne veulent pas vraiment les punitions qu'ils revendiquent parfois pour les contrevenants. Je vous demanderais d'avoir une approche semblable, même si elle est plus compliquée.
Merci.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame MacKinnon.
Je trouve intéressant que vous ayez parlé de jeunes qui veulent devenir policiers alors qu'ils ont des infractions mineures à leur casier judiciaire. J'en ai rencontré un. Les policiers avaient tellement hâte qu'il rejoigne leur rang qu'ils ont attendu pendant qu'on lui accordait le pardon de façon accélérée. Je comprends donc ce que vous voulez dire.
Mme Martha MacKinnon: Vous avez raison, cela peut se passer ainsi. Nous avons actuellement un jeune qui présente sa candidature à un cinquième corps de police. Cela dépend donc des services policiers, mais vous avez raison. Merci.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.
Madame Viau, vous avez 10 minutes.
Mme Marlene Viau (témoignage à titre personnel): Je suis heureuse de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous donner mon opinion sur le système de justice pour adolescents. Je suis en fait fière d'être canadienne et heureuse de vivre dans un pays où le gouvernement permet aux simples citoyens de participer à une tribune comme celle-ci.
J'ai deux raisons pour prendre la parole devant le comité. Je suis une victime qui souhaite exprimer son opinion sur un système qui a permis à de jeunes contrevenants de voler une fourgonnette et de tuer mon frère, le sergent Richard McDonald.
Rick a été tué le 28 juillet 1999 lors d'une poursuite de la police. Un jeune délinquant de 16 ans qui avait volé une fourgonnette a frappé mon frère après qu'il ait posé une herse sur la route. Deux autres jeunes contrevenants de 15 et 17 ans ont pris part à cet incident. L'un est décédé à la suite de l'accident et l'autre a fui avec le conducteur du véhicule. La police a dû procéder à une recherche épuisante de 36 heures avant de pouvoir les appréhender.
Je suis deuxièmement ici à titre de mère de remplacement pour un jeune garçon de 11 ans qui est une pupille de la Couronne. Je l'ai avec moi les fins de semaine. La Société d'aide à l'enfance l'a enlevé à sa famille lorsqu'il avait quatre ans parce qu'il souffrait de négligence et de mauvais traitements physiques, sexuels et psychologiques. Il nous a beaucoup appris sur la délinquance, sur la souffrance et sur l'amour inconditionnel. Je m'inquiète constamment pour lui et de ce que l'avenir lui réserve car il a toutes les caractéristiques dans sa personnalité qui pourraient le pousser à un comportement criminel. Nous espérons que notre amour, notre soutien et nos conseils l'amèneront sur une autre voie et que ses actions ne feront pas souffrir une autre famille comme la mienne a souffert.
Ces deux expériences me permettent de voir le système judiciaire destiné aux jeunes sous deux angles très différents. Au cours des six derniers mois, j'ai étudié la législation sur les jeunes contrevenants avec ces deux optiques à l'esprit. Après un examen attentif et une comparaison du système en vigueur, la Loi sur les jeunes contrevenants, et du projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, j'ai indiqué à la ministre de la Justice que je suis pour le projet de loi C-3. Son préambule et sa déclaration de principes permettent de faire la juste part des besoins de ces jeunes et de la nécessité de protéger la société.
Dans un rapport de 1994, le Conseil national de prévention du crime a reconnu qu'une telle prévention, lorsqu'elle se fait par le biais du développement social, représente la méthode la plus efficace et la plus durable pour réduire la criminalité au Canada. Je suis d'accord avec cette idée et je crois que le projet de loi permettra de réduire le taux de criminalité canadien parce qu'il adopte cette approche.
J'ai cependant quelques inquiétudes. Si le gouvernement ne règle pas certains problèmes, la nouvelle loi comportera les mêmes inégalités que la Loi sur les jeunes contrevenants et perdra donc sa crédibilité auprès de la population canadienne.
Le premier est celui du financement et de la mise en oeuvre. Le gouvernement doit fournir un financement suffisant et durable pour que les provinces mettent en oeuvre ces programmes communautaires.
Je m'inquiète aussi de l'hésitation des provinces à respecter l'esprit de la loi, notamment celle de la province de l'Ontario.
Je me demande aussi si l'échec du système actuel est dû à l'application de la loi plutôt qu'à la loi elle-même. Dans son entente avec les provinces, le gouvernement fédéral devrait prévoir des encouragements financiers à l'intention des provinces qui appliquent des programmes de rechange—par exemple la province de Québec. Le gouvernement doit faire en sorte que les ressources supplémentaires affectées aux mesures de rechange soient destinées uniquement aux efforts communautaires de prévention du crime.
Viennent ensuite les besoins d'éducation et de formation pour tous les professionnels qui travaillent dans ce secteur. Dans une étude universitaire de 1988, les juges des tribunaux pour adolescents ont indiqué qu'ils étaient frustrés parce que les avocats de ces tribunaux ne participaient pas activement au processus de décision. Deux autres études en arrivent à la même conclusion, l'une a été réalisée par un comité du barreau québécois en 1996 et l'autre est un examen de l'aide juridique en Ontario effectué en 1997.
La question que j'aimerais vous poser est la suivante: comment garantir aux jeunes la réadaptation avec un système où les avocats ne prévoient pas de plan adapté aux besoins de l'adolescent et à son comportement déviant? Je recommanderais que tous les avocats passent par un programme d'accréditation.
• 0945
Mesures de prévention: Le gouvernement doit créer un programme
national permettant d'identifier les enfants qui ont un
comportement antisocial, ceux qui font preuve par exemple
d'agressivité, et ceux qui ont des difficultés d'apprentissage afin
d'intervenir et de les réadapter. On sait que 75 p. 100 des jeunes
contrevenants ont des problèmes d'apprentissage. Comme mesure de
prévention, le gouvernement doit aussi intervenir auprès des jeunes
délinquants de moins de 12 ans en les aiguillant vers un comité de
justice pour la jeunesse ou en créant un groupe consultatif afin de
remédier effectivement au comportement déviant. Je ne recommande
pas l'emprisonnement. Je ne crois pas dans cette mesure.
Le système actuel de justice pour les adolescents répond aux besoins des délinquants primaires, c'est-à-dire ceux de la quatrième catégorie, en les orientant vers des programmes communautaires. Il s'occupe aussi des jeunes qui commettent des infractions graves avec violence, mais il ne s'occupe pas des besoins des jeunes récidivistes de la catégorie non violente. Le projet de loi C-3 a les mêmes lacunes. Ce sont des jeunes qui commettent à maintes reprises des infractions contre les biens et qui créent des encombrements dans nos systèmes judiciaires pour adolescents en ne respectant pas les ordonnances de probation et des tribunaux. Notre système de justice ne les réadapte pas; il leur donne des ressources.
Ce sont ces jeunes qui ont tué mon frère. Mon frère avait inculpé le conducteur du véhicule, le 23 mars 1999, pour le même genre d'incident. Il a forcé la police à le poursuivre parce qu'il avait volé un véhicule et qu'il conduisait imprudemment. Il a arrêté le véhicule et a fui à pied. Mon frère l'a attrapé et il était en liberté provisoire sous caution lorsqu'il a commis cette infraction. Il avait de nombreux antécédents d'infractions contre les biens et était toxicomane. Les responsables des services de détention me disent que 90 p. 100 de ces jeunes ont des problèmes de drogue.
Quant au passager du véhicule, lors de son procès, on a appris qu'il avait déjà été inculpé quatre fois pour vol, conduite imprudente et vol de véhicules. N'oubliez pas qu'il n'a que 15 ans. Il n'a même pas le permis de conduire. La dernière peine qu'il a eue pour sa quatrième condamnation était six semaines dans un foyer collectif. Il a été libéré en juin et le décès de mon frère a eu lieu le 28 juillet. Le juge a dit que toutes les autres fois que ce jeune avait été intercepté au volant d'un véhicule volé, il avait reçu une peine de détention de 14 mois.
Ces jeunes sont pris dans un système qui manque de financement et qui ne peut pas assurer le respect des ordonnances des tribunaux ni des exigences de surveillance communautaire. La non-comparution au tribunal a augmenté de 129 p. 100. Nicholas Bala, spécialiste bien connu et l'un des grands experts canadiens en matière de justice pour les adolescents, fait remarquer que le quart de tous les jeunes contrevenants placés en détention le sont pour non- comparution devant le tribunal ou pour non-respect d'une ordonnance antérieure du tribunal, par exemple une ordonnance de probation. Cela montre que de nombreux jeunes sont placés en détention parce que la société n'assure pas la surveillance communautaire voulue et non parce que leur comportement déviant représente une menace directe pour la société.
Ce sont ces jeunes qui m'inquiètent car ces manquements montrent qu'ils ne sont pas surveillés par des parents. Ils manquent de respect pour l'autorité et le système judiciaire et sont moralement coupables parce qu'ils ont appris à jouer le jeu.
Nicholas Bala indique également qu'un cinquième de toutes les condamnations de jeunes découlent du non-respect des conditions de probation ou de la non-comparution au tribunal. Autrement dit, un grand nombre de jeunes ont maille à partir avec l'appareil judiciaire non parce qu'ils représentent un danger immédiat pour le public, mais parce qu'on n'a pas les moyens voulus pour intervenir plus tôt, lors d'une infraction antérieure.
«Non parce qu'ils représentent un danger immédiat pour le public.» Ces mots me restent à l'esprit. Chaque fois qu'un jeune délinquant vole un véhicule, cela représente un danger immédiat pour le public. Ces petits larcins et ces balades en véhicules volés peuvent entraîner une véritable escalade et tourner à la tragédie. Notre famille ne le sait que trop. Les collègues de mon frère me disent que près de la moitié des véhicules impliqués dans des poursuites sont conduits par de jeunes contrevenants. Chaque fois qu'un jeune délinquant entre par effraction dans un domicile, il y a danger immédiat si la maison est occupée.
Ces jeunes encombrent nos tribunaux et ils reçoivent pourtant des peines légères répétées. S. Moyer indique dans un rapport que la peine moyenne appliquée aux jeunes au Canada est de 84 jours pour une garde en milieu ouvert et de 107 jours pour une garde en milieu fermé. Plus de la moitié des peines sont de moins de six mois et moins d'une sur dix dépasse un an. Je sais que les peines plus longues ne sont pas dissuasives et ne constituent pas la solution, mais le Conseil national de prévention du crime signale aussi que cette prévention implique des mesures visant à appréhender et punir les contrevenants puisque l'objectif est d'éviter de nouveaux crimes soit en dissuadant les intéressés de recommencer soit en leur en enlevant la possibilité, s'il y a incarcération.
• 0950
Voilà ce que je propose. S'il n'est pas possible de réadapter
ces jeunes, il faut les empêcher de mal agir. Je veux parler de
cette catégorie de jeunes. Je recommande qu'un jeune qui a déjà été
condamné cinq fois reçoive une peine pour adultes. À ce stade, il
est en effet sur une pente dangereuse. Il est clair qu'il a fait
son chemin dans le système de justice pour adolescents, qu'il a
reçu des sanctions extrajudiciaires et qu'il a été l'objet de
mesures de rechange.
Je suis aussi heureuse de voir que la ministre a suggéré que les programmes communautaires comportent des programmes visant l'application des citations à comparaître. Il faut aussi mettre au point des programmes pour cibler et réadapter ce segment de population. Sinon, nous n'aurons pas réussi à aider ces jeunes.
Je recommande aussi que tous les jeunes se voient appliquer des mesures de rechange après la condamnation. De cette façon, les tribunaux auront l'avantage de lancer une enquête si le jeune ne se conforme pas au programme de rechange.
Je recommande un système judiciaire à deux niveaux un peu comme dans la province de Québec, où on passe de la porte A à la porte B. L'une représente la procédure judiciaire et l'autre les comités de justice communautaires ou assure le lien avec le système de santé mentale ou de protection de la jeunesse. Je crois que le Québec a beaucoup à nous apprendre à ce chapitre.
Je pense qu'à long terme, l'approche du gouvernement, qui vise à instaurer des programmes de prévention du crime et des mesures de rechange, réduira les infractions dans ce segment de la population. Mais je crois aussi que pour certains récidivistes, le tribunal est la seule réponse indiquée et une décision de placement sous garde ou de placement thérapeutique est nécessaire pour protéger le public.
Je vous enverrai un mémoire dans les prochaines semaines. Je vous remercie.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame Viau.
Soit dit en passant, je suis aussi fier d'être citoyen d'un pays qui permet à ses ressortissants de faire des exposés à leurs députés. J'aimerais qu'ils soient plus nombreux à profiter de cette possibilité. Encore une fois merci.
Nous allons maintenant commencer la période des questions en donnant la parole à M. Reynolds.
M. John Reynolds (Vancouver-Ouest—Sunshine Coast, Réf.): Merci, monsieur le président.
Merci aux trois groupes présents. Vos exposés ont été excellents. Je n'ai que quelques questions à vous poser.
Si je regarde votre recommandation 3, vous dites que la loi devrait interdire expressément de faire purger les peines pour adolescents dans des établissements pénitentiaires. Dans le premier exposé, vous avez dit que les jeunes, jusqu'à 18 ans, devraient purger leur peine dans un établissement pour adolescents. Mais que faites-vous de...
Je sais que dans ma région, un nombre de plus en plus grand de jeunes sont impliqués dans le trafic de drogue et c'est un milieu très violent. Les meurtres y sont de plus en plus nombreux. Il y a des bagarres. Marlene parlait de jeunes qui conduisent des voitures et qui causent des problèmes du fait des poursuites.
La plupart de ces jeunes avaient déjà des problèmes à 13, 14 ou 15 ans. Lorsqu'ils arrivent à 16 et 17 ans, qu'ils prennent part à ce genre d'incident, ils commettent des crimes avec violence. Vous dites qu'ils devraient rester dans le même établissement pour jeunes. Ma foi, je ne suis pas si sûr que je souhaite voir un jeune de 17 ans dans le même établissement que ceux qui ont 13 ou 14 ans et qui sont sans doute là pour des infractions mineures. Quelle solution proposez-vous à ce problème?
Quelqu'un a dit que les infractions avec violence chez les jeunes sont rares. C'est peut-être ce que vous dites, mais ce n'est pas l'impression que j'ai dans ma région actuellement avec le trafic de drogue.
Me Mary Birdsell (avocate, Développement communautaire, Justice for Children and Youth; Canadian Foundation for Children, Youth and the Law): Je crois qu'il est vrai que des infractions graves sont commises par des jeunes et qu'il est aussi vrai qu'à l'occasion ce sont des meurtres qui sont perpétrés.
Mais je crois qu'il faut réorienter notre attention sur la gravité des crimes lorsqu'on croit que leur nombre augmente alors que c'est plutôt que chaque fois qu'un crime se produit, il est grave. Nous pouvons regarder le système de justice pour les adolescents et dire que la criminalité chez les jeunes n'a pas besoin de se généraliser pour qu'on la prenne au sérieux. Ça n'est pas nécessaire et les données statistiques ne prouvent pas qu'il y a maintenant davantage de crimes et d'infractions avec violence qui sont perpétrés par des jeunes que dans les 10 ou 20 dernières années.
Ceci dit, votre question concerne en fait la fréquence de la détention. S'il est important de faire la distinction entre la garde en milieu ouvert et la garde en milieu fermé, c'est notamment que nous devons alors avoir des établissements où la détention en milieu ouvert est une décision judicieuse pour les infractions mineures mais tout de même graves. Je continue à dire que la détention n'est pas une option indiquée, sauf dans les situations graves. La garde en milieu fermé est alors réservée aux jeunes contrevenants qui sont impliqués dans des situations les plus graves.
• 0955
La majorité des contrevenants de 17 ans à qui on a infligé des
peines d'adultes pour des crimes graves comme des meurtres ou l'un
des cinq crimes les plus graves restent de jeunes personnes. Ils
ont 17 ans et le système pénitentiaire est un endroit extrêmement
violent, extrêmement destructeur même pour des adultes.
On essaie de trouver un moyen terme. Même un jeune de 17 ans que vous jugez particulièrement futé, particulièrement agressif et particulièrement violent, qui est capable de faire face au stress énorme que représente le système pour adultes, serait mieux dans un centre provincial que dans un établissement pénitentiaire. Les prisons sont des endroits terriblement violents et je ne pense pas que nous devrions y placer nos enfants même lorsqu'ils ont commis des actes extrêmement violents eux-mêmes qui ne sont pas conformes au comportement courant des jeunes.
M. John Reynolds: Je ne voulais pas que l'on se batte à coup de statistiques, mais si vous parlez aux policiers qui patrouillent les rues, vous comprendrez que ces chiffres restent bas parce que de nombreux crimes ne sont plus signalés. Dans ma propre circonscription, la police ne va même pas venir pour une effraction avant le jour suivant parce que ses effectifs sont insuffisants.
On peut tous donner bonne apparence aux statistiques, mais si vous allez parler aux gens des petites villes ou à ceux de la Sunshine Coast du taux de criminalité, à Powell River, ce chiffre a augmenté de 45 p. 100 cette année par rapport à l'année dernière à cause d'une chose seulement, le manque de policiers. Les corps de police ont perdu de nombreux agents et c'est regrettable. Le taux de chômage est élevé; on manque de policiers, etc.
J'aurais une dernière question à vous poser. Vous avez parlé de peines légères en l'occurrence. Je viens d'entendre parler d'un individu qui a commis 17 ou 18 effractions d'affilée et dont la dernière peine a été deux semaines de détention. Les gens de ma région se mobilisent pour cette affaire. Comment cet adolescent, qui a maintenant 17 ans, s'en sort-il toujours? À leur avis, c'est parce que rien ne lui est arrivé.
Ce sont des jeunes tout à fait charmants, mais ils ne sont plus aussi charmants lorsqu'ils entrent par effraction chez une personne âgée. Cela fait peur et on n'a guère de sympathie pour ces jeunes. Que faire pour résoudre ce problème? Que faire à cet individu?
Mme Martha MacKinnon: Si vous me le permettez, je dirais qu'il y a également des aberrations dans la détermination de la peine des adultes. Il y en aura toujours et il y aura toujours des peines que le public jugera trop dures ou trop douces.
Vous avez la responsabilité de concevoir un texte de loi qui donne les meilleurs résultats possibles pour la plupart des gens dans la plupart des circonstances. Si personne ne peut régler le problème de cet individu, on peut essayer de voir comment on veut traiter nos jeunes pour trouver le meilleur moyen d'en faire des adultes productifs. Ce n'est certainement pas de les mettre dans une prison pour adultes.
M. John Reynolds: Je ne dis pas le contraire. Je suis d'accord avec vous. J'essaie simplement de voir ce que l'on pourrait leur faire. Je ne vois rien dans le projet de loi qui permette de résoudre ce problème.
Mme Martha MacKinnon: Je ne sais pas. Il y a certainement des tentatives et pour ce qui est de la réadaptation sérieuse, on ne sait pas si on aura les programmes voulus ou si l'on y consacrera suffisamment d'argent. On ne sait pas si on aura des travailleurs mieux formés pour s'occuper des jeunes dans les établissements pour adolescents au lieu de les envoyer à des agents du service correctionnel qui s'occupent d'adultes et qui ont davantage tendance à les garder qu'à les réadapter.
M. John Reynolds: Mais est-ce que l'argent résout le problème? Le Québec a un meilleur programme que la Colombie-Britannique. Je l'admets volontiers. Est-ce que le Québec dépense plus par habitant que la Colombie-Britannique?
Mme Martha MacKinnon: C'est certainement le cas. Et l'argent n'est jamais la réponse, mais les programmes peuvent faire partie de la réponse.
M. John Reynolds: Oui, mais les programmes coûtent de l'argent.
Mme Martha MacKinnon: J'aimerais faire une remarque au sujet du Québec. Jusqu'à un certain point, certains de ces programmes excellents sont des programmes qui relèvent de la législation de protection de l'enfance. Il n'est pas nécessaire que ce soient des programmes qui criminalisent les jeunes. Pour une bonne partie des traitements qu'ils offrent, il est également possible d'appréhender un jeune jusqu'à l'âge de 18 ans en vertu de la législation de protection de l'enfance. Ils concernent le même segment de population et il est possible de le traiter de cette façon si on préfère.
Mme Marlene Viau: Je crois que si le Québec remporte un tel succès avec la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est parce que c'est la province qui finance les programmes—et je ne sais pas si c'est exact, mais c'est ce que j'ai lu. Il ne s'agit pas de l'argent du gouvernement fédéral, c'est l'argent du gouvernement provincial et c'est pour ça que ces programmes donnent des résultats.
Je crois que c'est l'un des problèmes de la loi en vigueur. Certaines provinces n'ont pas agi alors que le Québec l'a fait. Et j'estime que les provinces qui agissent devraient être indemnisées par le gouvernement fédéral.
M. Peter Dudding: J'aimerais faire une autre petite remarque. Lorsqu'on parle de programmes pour des jeunes qui ont atteint l'âge de 17 ou 18 ans, ce sont des programmes qui coûtent très cher. Il est clair que pour les activités de prévention et d'intervention précoce, plus vite vous réglez le problème, plus vous obtiendrez des résultats et moins le programme coûtera sans doute.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Reynolds. Vous avez tout à fait respecter votre temps de parole qui était de sept minutes, soit dit en passant.
Madame Venne, vous avez sept minutes.
[Français]
Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Mesdames, messieurs, d'après ce que je comprends, tout au moins pour la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada, cette nouvelle loi n'est pas nécessaire et la Loi sur les jeunes contrevenants aurait grandement suffit. Vous n'êtes pas les premiers à nous dire cela, et j'espère que ce pourra être entendu par la ministre.
Monsieur Dudding, j'aimerais que vous expliquiez ce que vous dites au deuxième paragraphe des observations générales de votre mémoire. Vous mentionnez que cette nouvelle loi, dont le titre est assez simple, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, «renferme des propositions qui affaibliraient la conformité aux dispositions de la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant». J'aimerais savoir à quoi vous faite allusion dans ce paragraphe.
Mon autre question porte sur la dernière remarque contenue dans ces observations générales. Vous dites qu'«on devrait interdire les châtiments corporels et les autres traitements cruels ou inhabituels dans les établissements pour enfants». Je vous avoue que je suis assez étonnée de lire cela ici. J'aimerais que vous me donniez des exemples, s'il y en a, d'endroits où on inflige encore des châtiments de ce genre à des enfants, ainsi que des exemples des châtiments auxquels vous faites allusion.
[Traduction]
M. Peter Dudding: Pour la première question relative à la convention des Nations Unies, il y a en fait trois aspects du projet de loi qui me posent des problèmes. Le premier concerne l'interdiction de publication ou la solution de rechange pour la publication des noms. Cela m'inquiète. Le deuxième porte sur l'abaissement de l'âge à 14 ans pour les infractions désignées. En gros, pour un texte de loi qui traite des enfants de 12 à 18 ans, 66 ou 67 p. 100 des jeunes de ce groupe d'âge vont sans doute se voir infliger des peines pour adultes et cela est contraire à l'esprit et à l'intention de la convention des Nations Unies. Le troisième aspect est bien sûr la réserve quant au mélange des populations de jeunes et d'adultes. Ces trois aspects du projet de loi posent des problèmes à l'égard de la convention des Nations Unies.
Pour ce qui est d'interdire le recours aux punitions corporelles ou aux autres traitements cruels et inhabituels, je crois que l'on s'inquiète surtout de ce qui se passe dans des milieux violents... L'incarcération, par définition, peut être un acte assez violent à de nombreux égards. Il faut vraiment veiller à ce que l'expérience soit à la fois correctrice et indiquée si l'on tient compte de l'expérience de l'adolescent. On le sait, une bonne partie des jeunes dont nous parlons ont eu à souffrir au cours de leur vie de négligence, de violence et de mauvais traitements.
Par exemple, pour vous citer notre étude sur les jeunes femmes et leur expérience de la Loi sur les jeunes contrevenants, j'ai été très surpris de constater qu'une jeune femme qui réside maintenant dans un établissement de détention en milieu fermé avait subi de nombreuses violences sexuelles. Elle se trouvait là avec une autre jeune femme au milieu d'un groupe de 45 à 50 jeunes gens assez difficiles. En fait, pour elle, c'était peut-être une expérience plus effrayante que de se trouver dans la rue.
• 1005
L'autre aspect qui nous inquiète vraiment a fait l'objet d'une
observation il y a quelques instants et concerne la formation et
l'état d'esprit, si vous voulez, du personnel des établissements.
Qu'il s'agisse d'une tournure d'esprit axée sur la correction ou
sur la réadaptation dépend en fait de la province et du type
d'établissement où vous vous trouvez.
Vous connaissez sans doute l'exemple de l'Ontario où la compétence est partagée. Le ministère des Services correctionnels fournit les services pour les jeunes de 16 et 17 ans alors que le ministère des Services sociaux et communautaires offre des programmes pour le groupe des 12 à 15 ans. J'ai eu l'occasion de parler à des enfants qui avaient eu affaire au système et qui m'ont dit clairement que lorsqu'ils se trouvaient dans des établissements pour enfants, ils avaient l'impression qu'on se souciait d'eux, qu'on voulait vraiment favoriser leur réadaptation. C'était un facteur important pour leur réadaptation, alors que leur expérience des milieux correctionnels était que l'on ne se souciait pas d'eux. On les considérait comme des numéros ou de simples criminels. De ce fait, leur traitement, c'est-à-dire le fait d'être mis sous les verrous ou dans des cellules d'isolement, par exemple, leur a causé des problèmes.
[Français]
Mme Pierrette Venne: J'aurais une question à vous poser au sujet des comités de justice. Vous dites y être favorable. Si je me souviens bien, on peut lire que les comités de justice pour les jeunes et les groupes consultatifs contribuent grandement à améliorer et à décriminaliser le système de justice pour les adolescents. C'est l'article 18 du projet de loi qui parle de leur établissement.
Nous avons reçu un autre groupe qui semblait plutôt craintif face à cet article. Il craignait qu'on brise la confidentialité des dossiers des jeunes. Je ne sens pas cette crainte chez vous et je me demande si, pour vous, cela ne pose aucun problème. C'est ce que je constate. Je vous compare à l'autre groupe et je trouve cela un peu étrange.
[Traduction]
Mme Martha MacKinnon: Ce n'est pas qu'il n'y ait pas de problème. C'est un problème, mais Justice for Children and Youth participe depuis plusieurs années à des projets de médiation avec des camarades et autres solutions de rechange; nous avons aussi travaillé avec des écoles et d'autres groupes communautaires pour mettre au point des protocoles qui permettent de protéger les divers intérêts. Mary pourrait sans doute vous en dire plus. Ce n'est pas une chose que l'on peut faire automatiquement. Il y a des problèmes, mais c'est réalisable.
Me Mary Birdsell: C'est en fait l'une de nos inquiétudes et je crois qu'il serait bon d'inclure une disposition précise exigeant la confidentialité pour toutes les mesures extrajudiciaires. Il a été relativement simple pour nos programmes de médiation avec des camarades de négocier avec les procureurs de la Couronne des dispositions de confidentialité et des contrats que tout le monde signe de sorte qu'en participant à des mesures extrajudiciaires, si on veut, on ne compromet pas son statut juridique pour le tribunal si jamais on doit comparaître à nouveau. Cela encourage les gens à participer librement et pourrait encourager certains jeunes à assumer leurs responsabilités alors que ce ne serait pas le cas autrement. Cela leur permet de participer rapidement à un processus dans la collectivité qui peut être très efficace et qui est souvent plus utile pour eux que d'attendre six ou huit mois pour que des choses bizarres se passent dans les tribunaux.
Par exemple, lorsqu'il y a une bagarre entre deux jeunes, dans la plupart des conseils scolaires ontariens, on a adopté une politique de tolérance zéro. La police est immédiatement appelée même pour une simple bousculade dans le couloir. Le jeune est inculpé pour agression, ce qui constitue une infraction avec violence. On l'envoie au tribunal et il faudra évidemment qu'il attende au moins quatre mois avant d'être jugé. Au mieux, il pourra sans doute plaider la culpabilité un mois ou peut-être un mois et demi ou deux après avoir été arrêté.
• 1010
Lorsqu'il y a un programme de médiation avec les camarades
dans une école, on fait venir ces jeunes, mais on fait également
venir la personne qui a subi l'agression, si elle est d'accord, et
un médiateur ou un responsable de l'école éventuellement leur parle
et leur demande la raison de l'incident. On peut ainsi parfois
découvrir que l'inculpé faisait l'objet de sarcasmes ou de
harcèlement de la part de l'agressé. Ils conviennent ensemble d'un
arrangement qui semble à tous juste et utile et ils ont la
possibilité de s'excuser et parfois de renouer avec l'autre
intéressé, voire de protéger les individus et la communauté en
général.
Nous pensons donc que ces mesures extrajudiciaires peuvent être des outils très puissants pour intervenir auprès des jeunes avant qu'ils n'adoptent un schéma de comportement mauvais ou criminel et elles peuvent être très efficaces car elles ont immédiatement un effet dans la communauté des jeunes. Et en l'occurrence, la confidentialité est cruciale.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame Birdsell.
Merci, madame Venne.
Monsieur Peter MacKay, vous avez sept minutes.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci beaucoup, monsieur le président et merci à tous nos témoins, et particulièrement à Mme Viau. Je dois dire que votre témoignage est extrêmement puissant. Je crois que les raisons de votre venue sont particulièrement nobles et nous sommes heureux d'avoir entendu ce que vous aviez à nous dire.
L'essentiel de ce que vous avez dit—comme l'a souligné mon collègue du Bloc—nous a déjà été expliqué dans le passé, surtout le problème important qui fait que même si le texte de loi constitue un effort important pour améliorer l'approche actuelle que nous adoptons face à la justice pénale pour les adolescents, sans les ressources voulues, nous créons des attentes auxquelles nous ne pourrons pas répondre.
Deux choses m'ont en particulier frappé dans votre exposé, les dépositions et les dispositions de transfèrement que nous tentons, dans ce projet de loi, de formuler de façon plus adéquate. Je suis aussi d'accord lorsque vous dites que de façon générale, il s'agit d'un texte de loi très compliqué et très lourd.
J'ai poursuivi et défendu des jeunes aux termes de l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants. Le système est fait sur mesure pour les avocats, et non pour les jeunes ou le grand public. Ceci dit, je pense aussi que c'est une tentative légitime de faire plaisir à tout le monde et à tous les intéressés du système, ce qui donne inévitablement lieu à ce que nous avons sous les yeux.
Mais sur le sujet des transfèrements, en vertu de l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants, il est très difficile d'obtenir un transfèrement. Puis la présomption a bien sûr changé de côté et c'est à la défense qu'il revient d'essayer de prouver que le jeune ne devrait pas être transféré. Une grande partie de ce processus judiciaire ne tient-elle pas aux faiblesses humaines—si j'ose m'exprimer ainsi—du procureur, de l'avocat de la défense, de la police et bien sûr du juge, en définitive?
Votre message, en particulier, madame MacKinnon, m'a semblé un peu contradictoire puisque d'une part on devrait donner davantage de pouvoir aux juges, surtout en ce qui concerne le placement dans l'établissement qui sera choisi en définitive, alors qu'en même temps, j'ai eu l'impression que l'on tenait à préciser aux juges à quel moment ils doivent appliquer la mesure de dernier recours qu'est l'incarcération. Nous avons voulu définir plus précisément l'infraction grave.
Nous avons voulu d'une certaine façon limiter la capacité du juge de dire—en définitive, après avoir entendu la preuve, après avoir vu le jeune et eu la possibilité de convoquer des témoins—«L'option de dernier recours consisterait à isoler ce jeune du reste de la société. En outre, pour ce qui est du transfèrement, la dernière chose que je puisse envisager, c'est de transférer ce jeune parce que»—et je regrette de devoir employer l'expression—«il est pourri jusqu'à la moelle. Si je le place avec d'autres jeunes...»
Je l'ai vu. J'ai vu des adolescents incarcérés pour meurtre. Ils avaient 17 ou 18 ans et en définitive, ils se trouvaient complètement isolés de tous et n'avaient aucun contact avec les autres détenus, ou très peu, ni même avec les gardes. Si c'est l'option la moins souhaitable mais la seule disponible, pourquoi ne pas permettre le transfèrement de ces jeunes dans des établissements pour adultes et pourquoi limiter davantage le pouvoir discrétionnaire du juge?
Mme Martha MacKinnon: Il existe déjà des transfèrements dans les établissements pour adultes pour les jeunes qui ont 18 ans lorsqu'ils sont dans le système. Cela se produit souvent maintenant car ces jeunes dépassent l'âge limite de l'établissement, ont utilisé tous les programmes disponibles et n'ont plus leur place à cet endroit. On est en général d'accord. Cela peut être très gênant s'ils sont en train de participer à un programme. Cela peut être gênant si cela les empêche de suivre des cours, ce qui pourrait être le cas.
J'ai peut-être légèrement mal interprété votre question, monsieur MacKay, mais nous ne sommes pas contre les dispositions actuelles de transfèrement. Les jeunes peuvent déjà être transférés maintenant. Ce à quoi nous nous opposons, ce sont les infractions désignées. C'est le fait d'abaisser l'âge à 14 ans pour les infractions désignées. Les jeunes de 14 ans ne sont pas des jeunes de 17 ans. Ils sont différents. Ils n'ont pas grand-chose en commun avec tous ceux qui sont dans un établissement pour adultes. C'est donc le fait d'abaisser l'âge pour les infractions désignées auquel nous nous opposons et nous sommes également contre l'élargissement des critères pour les infractions désignées, c'est-à-dire la récidive, sans entrer dans le détail. Mais la Couronne peut déjà demander ce transfèrement. Je crois que vous dites que les procureurs de la Couronne sont les mieux placés pour savoir si la collectivité veut un transfèrement en l'occurrence.
M. Peter MacKay: Votre observation est judicieuse.
Madame Birdsell, tout comme Mme MacKinnon, vous citez le cas classique d'un incident qui a mal tourné, qui n'aurait jamais dû entrer dans le système de justice pour commencer—une bousculade dans la cour de l'école. Chaque affaire dont je me suis occupé comportait au moins huit facettes. Dans l'optique de quelqu'un d'autre, un jeune qui frappe un autre jeune avec un crayon peut tenter de le poignarder avec un crayon. Mais il faut le répéter, notre système n'est pas parfait. Mais comme on l'a souvent laissé entendre, c'est le meilleur comparé à tous les autres.
Peut-on remanier le système au point d'en arriver à des indemnisations pour mauvaise décision de la part d'un intervenant quelconque du système, pour la faiblesse humaine? Allons-nous jamais pouvoir le perfectionner au point de parvenir à éviter des cas comme celui que vous avez décrit où un jeune entre dans le système alors qu'il n'aurait jamais dû aller jusque-là? Il me semble que notre système est plutôt axé sur les infractions graves et essayer de faire la part des choses...
Mme Martha MacKinnon: Il n'est pas possible de le rendre parfait, c'est vrai. Il y aura toujours de mauvaises décisions. Mais je tiens à préciser que je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il s'agit là d'une aberration. Les politiques de tolérance zéro dans les conseils scolaires, du moins en Ontario, font qu'on demande à la police d'intervenir pour la moindre petite bousculade. La tolérance zéro veut dire qu'avec l'encouragement de la police, les conseils scolaires mettent au point avec elle un protocole qui les incite à compter sur la police.
Si dans certaines petites régions du pays les incidents sont moins souvent signalés, je peux vous dire que le plus gros de notre travail actuel est dû aux trop nombreux incidents signalés. Le nombre de fois où des adolescents sont accusés de quelque chose qui s'est produit à l'école, où il n'y aurait jamais eu d'inculpation lorsque j'étais enfant—où il n'y aurait jamais eu d'inculpation lorsque Mary, qui est plus jeune, était enfant—est incroyable et cette fréquence augmente. Il nous faut donc des limites juridiques.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Vous pouvez encore poser une de vos habituelles questions brèves.
M. Peter MacKay: Très bien. J'en ai une très brève.
Pour ce qui est du suivi des questions extrajudiciaires, j'ai une inquiétude et j'aimerais savoir ce que vous en pensez tous. Nous mettons en place un système qui donne au policier davantage de pouvoir discrétionnaire pour les mises en garde, par exemple, et lui permet de raccompagner l'enfant chez lui en le tenant par le col... Il ne peut pas le frapper, mais il peut le ramener chez lui et dire: «Assoyons-nous dans le salon pour discuter de ce qui s'est passé et essayer de voir pourquoi tu as brisé la vitre du voisin.» C'est une bonne chose et je crois que cela se produit assez généralement maintenant.
Mais on a de plus grandes attentes et on pense que la police va avoir le temps de le faire. Comment assure-t-on le suivi de toutes les occasions où cela pourrait se produire? Comme on le sait, au Canada, les jeunes sont un segment de population très mobile. Comment savoir qu'un jeune a déjà reçu 13 mises en garde? On ne peut les mentionner au tribunal. Ces renseignements ne sont pas admissibles même pour une enquête sur le cautionnement.
Mme Martha MacKinnon: J'ai cru que vous alliez poser des questions sur les mesures de rechange et le suivi au sens plus officiel que celui de la simple mise en garde. Plus officiellement, si nous demandons à un jeune de faire quelque chose, il n'y a pas de raison que l'on ne puisse pas prendre en compte le fait que ce jeune a fait cela, a travaillé dans une maison de repos ou a fait je ne sais quoi. La maison de repos fait un rapport qui peut être versé au dossier. Je pense donc qu'il n'y a pas de problème à retrouver ce genre de choses.
• 1020
Le fait de pouvoir retrouver les mises en garde de la police
m'inquiète moins. La police peut maintenant faire ces mises en
garde. Elle le fait constamment avec les gens qui conduisent trop
vite. Que je sache, cela figure nulle part. On va cependant le
noter, si on pense que je suis une personne qui peut causer des
problèmes. Dans une certaine mesure, on espère avoir des exigences
qui feront qu'on aura les policiers les meilleurs et les plus
instruits qu'on puisse obtenir, car la loi leur donne, et leur
donnera toujours, énormément de pouvoir discrétionnaire. Dans une
certaine mesure donc, il nous faut leur faire confiance. Et je n'ai
pas remarqué de manquement de la part des agents de police
lorsqu'il s'agit d'inscrire les jeunes qui sont difficiles; je
pense donc qu'on peut faire confiance à leur jugement.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur MacKay.
Monsieur John McKay, vous avez sept minutes.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais poser une question à M. Dudding sur ce qu'il dit concernant le respect de la convention des Nations Unies car Mme Venne a aussi exprimé des inquiétudes à ce sujet.
Vous dites que l'on respecterait moins la convention des Nations Unies avec ce projet de loi et vous citez l'abaissement de l'âge, le mélange les adultes avec les adolescents en milieu carcéral et la possibilité de publier les noms. Votre déclaration est-elle à mettre dans la catégorie des avis juridiques ou s'agit- il simplement d'une impression sur le libellé de la convention des Nations Unies? Pourriez-vous orienter le comité plus précisément car c'est une déclaration assez grave et importante que vous faites et je pense que personne ici ne souhaite concevoir par inadvertance une loi qui est contraire aux protocoles de la convention des Nations Unies. Ce serait un problème approchant celui de la souveraineté.
M. Peter Dudding: Pour répondre brièvement à votre question, non, ce n'est pas un avis juridique. Et il faut comprendre que, même parmi les avocats qui étudient la convention des Nations Unies, laquelle est rédigée de façon assez générale, il est possible d'en faire toutes sortes d'interprétations. Il faut le reconnaître. Nous en avons cependant une conception beaucoup plus thématique. Si vous lisez les grandes intentions de la convention relatives à la protection de l'enfance au nom des enfants, on peut certainement concevoir que ces dispositions sont contraires à la convention.
M. John McKay: Merci.
Ma deuxième question s'adresse à Mme MacKinnon. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre remarque sur le pouvoir discrétionnaire d'un juge pour la déjudiciarisation d'une affaire. Si j'ai bien suivi, le juge aurait quatre options: coupable; non coupable; cet enfant est coupable, mais vous n'auriez jamais dû l'amener ici pour commencer; ou cet enfant n'est pas coupable, mais il est tellement pourri qu'on devrait prévoir quelque chose de toute façon. Les deux dernières possibilités vont à l'encontre de toute législation précise. Ai-je correctement illustré votre opinion?
Mme Martha MacKinnon: Je ne suis pas sûre de la quatrième option. Si c'est ce que j'ai dit, ce n'est pas tout à fait de cette façon que j'avais l'intention de l'exprimer. Il y a certainement des verdicts de culpabilité et de non-culpabilité. Lorsqu'on conclut qu'il y a culpabilité, il y a alors, et il devrait y avoir, toute une série d'options pour la détermination de la peine. Tout ce que j'ai dit à cet égard, c'est que l'option de détermination de la peine qu'est l'incarcération devrait être réservée aux infractions les plus graves.
Mais par ailleurs, ce que Justice for Children and Youth propose, c'est qu'il y ait un moyen pour régler une affaire sans aller jusqu'au verdict de culpabilité, sans dire: vous allez avoir un casier judiciaire, vous allez être jugé coupable. Pour les adultes, cela s'appelle de minimis; c'est une affaire tellement mineure, qu'elle n'aurait jamais dû être portée devant les tribunaux. Mais c'est à la fois la bonne réponse sans doute sur le plan juridique pour certains jeunes et certaines infractions, et c'est aussi un outil éducatif pour que les procureurs de la Couronne les encouragent à utiliser le système que vise à mon avis la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et qui est de moins avoir recours à l'incarcération et d'inciter à envisager des décisions de nature différente.
M. John McKay: Peut-on à juste titre envisager le de minimis non curat lex pour un projet de loi qui concerne les adolescents? Vous avez donné l'exemple d'un garçon qui a poussé quelqu'un avec un crayon et qui a été accusé d'agression grave, accusation qui a été ramenée à une simple agression, et vous me demandiez si une telle affaire aurait même dû arriver jusqu'à l'appareil judiciaire. Y a-t-il un moyen pratique d'envisager ce genre de situation ou de la faire figurer dans le projet de loi?
Mme Martha MacKinnon: Nous disons dans notre mémoire que l'on devrait exiger des procureurs de la Couronne qu'ils expliquent au tribunal pourquoi des mesures de rechange ne sont pas indiquées dans une affaire donnée. Tout comme on demande déjà dans le projet de loi à la police d'envisager la déjudiciarisation, nous disons qu'on devrait exiger des procureurs de la Couronne qu'ils envisagent la déjudiciarisation, et dans les provinces ou dans les régions où ils ne le font pas, les juges devraient avoir le dernier mot et pouvoir dire: «Non, vous utilisez le système à mauvais escient; je ne rendrais pas de verdict de culpabilité.»
M. John McKay: Nous avons en fait 10 systèmes de justice dans notre pays.
Mme Martha MacKinnon: Ou 13.
M. John McKay: Ou 13, j'imagine maintenant. Il y a des jours où à être assis de ce côté de la table, on se demande s'il y a quelque chose de réaliste que l'on puisse faire étant donné que nous avons en fait 13 principautés indépendantes qui se font passer pour un pays.
Le problème, côté gouvernement, c'est que nous sommes toujours à court de ressources. Si j'ai bien compris, le gouvernement fédéral négocie essentiellement le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et c'est là que va tout l'argent; vous le dépensez ensuite comme bon vous semble. Y a-t-il d'autres ressources que le gouvernement fédéral affecte à la justice destinée aux jeunes qui constituent un financement direct?
Mme Martha MacKinnon: Il y a des programmes temporaires. Il y a des projets pilotes et...
M. John McKay: Ce sont des activités uniques et indépendantes. Il y a en effet des projets pilotes.
Mme Martha MacKinnon: Pour en revenir aux premiers principes, que le gouvernement fédéral le fasse ou non, la détermination de la peine fait pour moi partie intégrante du droit pénal et relève du gouvernement fédéral. Si l'inégalité d'accès à certaines décisions, l'inégalité de traitement selon l'endroit où vous piquez quelqu'un avec un crayon, est un problème suffisamment troublant, j'estime quant à moi que le gouvernement fédéral et le Parlement ont le pouvoir de régler cela—pas à 100 p. 100, car il y a toujours l'élément administration de la justice qui entre en jeu. Mais pour la détermination de la peine et l'obligation de rendre diverses solutions disponibles, cela relève à mon sens du pouvoir fédéral.
M. John McKay: Me reste-t-il du temps?
Le vice-président (M. Ivan Grose): Pour une dernière question.
M. John McKay: Je veux revenir sur la question des ressources car vous avez mentionné un autre problème en répondant à la question.
En l'absence de projets pilotes, qui semblent être des projets uniques, il ne nous reste guère que l'affaire négociée avec les provinces et qui est le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Toutes les provinces ne cessent de répéter qu'elles ont besoin de davantage d'argent. C'est une litanie incessante. Et pourtant en Ontario, d'où nous sommes pour la plupart et dont vous êtes, la répartition de ces ressources semble curieuse, c'est le moins qu'on puisse dire. Je suis donc perplexe lorsque la phrase convenue: «nous avons besoin de davantage de ressources» est exprimée devant le gouvernement fédéral. Cela veut dire davantage d'argent. Que pouvons-nous vraiment faire en dehors de renégocier l'ensemble des conditions de l'union sociale?
Mme Martha MacKinnon: En ce qui concerne les pouvoirs en matière de santé, il y a un crédit budgétaire consacré à l'enfant qui va être mis en place. M. Dudding vous a parlé d'intervention précoce, de même que Mme Viau d'ailleurs. Tout cela fait partie de l'ensemble des mesures qui permettront d'avoir des adultes en bonne santé si on s'efforce d'avoir des enfants en bonne santé. Je suis sûre qu'il y a des gens qui ont des idées et qui savent comment procéder.
M. John McKay: Vous semblez être beaucoup plus confiante que moi.
M. Peter Dudding: Si vous me permettez une brève remarque, les résultats des négociations se mettent en place dans l'Entente-cadre sur l'union sociale et sont très importants pour comprendre l'aspect financier et la façon dont l'argent est dépensé. Je dirais aussi, et vous avez encore fait une remarque sur la façon curieuse dont l'argent provenant du transfert en matière de santé et de programmes sociaux semble être dépensé... Je ne sais si ce sont davantage de ressources qui sont nécessaires ou si c'est la façon dont ces ressources sont dépensées qui est en cause. L'incarcération est très coûteuse.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Dudding.
Madame Venne.
[Français]
Mme Pierrette Venne: Non, pas pour l'instant. Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: J'aimerais revenir à l'idée de demander aux procureurs de la Couronne de se défendre et j'ai peut-être un intérêt un peu trop personnel à cette optique. Il faut effectivement qu'ils s'expliquent. Ils doivent pour commencer présenter une affaire qui répond aux critères.
J'ai déjà été réprimandé par un juge qui a conclu: «Eh bien, je ne crois pas les témoins que vous nous avez amenés. Désolé, ce sera non coupable.» Je ne vois pas vraiment comment cela pourrait être mis en place dans la pratique. Voulez-vous dire qu'il devrait y avoir quelque chose comme une enquête sur le cautionnement avant le procès où vous devez défendre votre cause et expliquer pourquoi il y a eu inculpation?
Cela fait partie du pouvoir discrétionnaire. La police a besoin de ces motifs probables et raisonnables pour inculper. Elle soumet ensuite l'inculpation au procureur de la Couronne qui décide parfois de l'examiner immédiatement et de l'envoyer à un programme de déjudiciarisation... ou qui ne fait rien du tout parce qu'il juge les preuves insuffisantes. Je ne vois donc pas comment on pourrait exiger cette étape supplémentaire des procureurs de la Couronne qui devraient désormais dire pourquoi ils n'ont pas eu recours à la déjudiciarisation, pourquoi ils ne procèdent pas de la façon habituelle.
Mme Martha MacKinnon: Le problème est que la plupart des procureurs de la Couronne, du moins en Ontario, travaillent sur des présomptions. On présume que la déjudiciarisation n'est pas disponible pour une infraction avec violence et c'est pourquoi, 14 comparutions devant le tribunal plus tard, j'essaie encore de régler l'histoire du crayon, car il existe une règle que l'on applique sans vouloir rien savoir de l'infraction concernée ni de l'enfant.
La plupart des procureurs de la Couronne ont une règle pour les infractions commises dans un périmètre de 500 mètres autour des écoles. Parce que ce sont des règles générales, on n'applique pas toujours tout à fait son pouvoir discrétionnaire; on se contente d'appliquer une politique qui rend le travail plus facile à défendre, plus uniforme, plus rapide et plus efficace, mais on ne prend pas en considération chaque cas individuellement.
C'est donc la première chose et Mary allait vous raconter une autre histoire.
Me Mary Birdsell: Je veux simplement vous donner l'exemple d'une affaire concernant une jeune fille de 15 ans et son père célibataire qui ne s'entendaient pas. Il avait une nouvelle petite amie, etc. La jeune fille a volé 20 $ dans le portefeuille de son père qui a appelé la police. Elle a avoué le crime à la police; on l'a inculpée de vol et on a amené l'affaire devant le tribunal. Son père l'a aussi chassée de la maison et elle n'avait donc pas de domicile après cela. Le procureur de la Couronne n'a pas voulu déjudiciariser l'affaire parce que le père était un professeur d'université de la classe moyenne qui souhaitait que l'affaire aille jusque devant les tribunaux. Le père, la victime, y tenait et le procureur de la Couronne ne serait pas allé jusque-là de lui- même, mais on s'est retrouvé au tribunal.
La jeune fille n'avait rien à dire pour sa défense et a admis avoir commis le crime. Le juge a réprimandé le procureur de la Couronne et a voulu savoir pourquoi l'affaire était arrivée devant le tribunal. Pour lui, 20 $ permettait de passer une soirée au cinéma et il ne comprenait pas ce que nous faisions tous là. Cela n'a pas été favorable à cette jeune personne qu'elle ait désormais un casier judiciaire. On lui a accordé l'absolution inconditionnelle et elle a reçu la peine la moins restrictive disponible.
Ce genre de choses arrive et je pense qu'une disposition dans le projet de loi exigeant du procureur de la Couronne qu'il applique son raisonnement juridique à l'affaire serait une mesure très utile pour les peines qui s'appliquent à ces délits mineurs.
M. Peter MacKay: On devrait donc insérer un article pour demander aux procureurs de la Couronne d'exercer davantage leur pouvoir discrétionnaire, ou à peu près...
Mme Martha MacKinnon: Il faudrait exiger qu'ils envisagent des mesures de rechange.
M. Peter MacKay: Très bien.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur MacKay.
Monsieur Saada.
[Français]
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci beaucoup de votre présentation. Il y a une chose qui m'a fasciné. Au fond, vous avez tous été extrêmement éloquents et vous nous avez rappelé que le système de justice dont on parle ne devait pas s'occuper seulement des cas extrêmes, mais aussi de la grande majorité qui se situe entre les extrêmes. C'est là qu'il y a le plus de difficulté et c'est là qu'il faut faire preuve de plus de souplesse.
[Traduction]
Les politiques de tolérance zéro que l'on trouve à divers endroits, notamment dans les conseils scolaires, me semblent difficiles à accepter. Je ne vois pas comment on résout les problèmes; on les transmet simplement à quelqu'un d'autre, ou à personne.
• 1035
Pensez-vous que les dispositions du projet de loi qui
concernent les mesures extrajudiciaires puissent dissuader certains
conseils scolaires, certaines organisations d'adopter des
politiques de tolérance zéro? Sinon, que devrions-nous tenter pour
essayer de les dissuader de le faire?
Mme Martha MacKinnon: Malheureusement, s'il y a une partie des pouvoirs qui sont accordés assez clairement aux provinces par la Loi constitutionnelle, c'est dans le domaine de l'éducation et j'aimerais bien pouvoir vous dire que vous avez la possibilité de faire quelque chose avec ce projet de loi. Les conseillers ou commissaires scolaires et les responsables locaux des conseils scolaires sont davantage du ressort local que la plupart des responsables élus. Je vais exagérer un peu, mais il faut environ 10 voix pour élire ou rejeter quelqu'un à ce niveau et ces élus ont souvent tendance à réagir avec excès aux craintes qui existent en surface dans la localité.
J'ai essayé de montrer qu'une éducation poussée n'était pas nécessaire pour encourager les gens à modérer leurs opinions et à envisager ces questions de façon un peu plus subtile. En surface, c'est facile. Nous voulons tous garantir la sécurité dans les écoles, il est donc très facile de dire que le seul moyen de le faire, c'est d'adopter la politique de la tolérance zéro.
Ce qui me gêne beaucoup, c'est lorsqu'on expulse un jeune de 15, 16 ou 17 ans... Comment pourrait-il constituer un moins grand danger dans la rue qu'à l'école. Je préférerais qu'il force des casiers au lieu d'entrer par effraction dans des maisons, même si j'aimerais mieux qu'il ne commette pas du tout d'effraction.
Je comprends donc vos problèmes et j'aimerais bien avoir la réponse voulue.
M. Peter Dudding: Pour reprendre le sujet, nous avons aussi un énorme problème dans nos écoles dans la mesure où la réduction des ressources est à prendre en compte lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins des enfants et des adolescents; il est aussi très inquiétant de voir ce qui se passe dans les salles de classe et de connaître les ressources dont disposent les enseignants. Je comprends donc cette réalité.
Je suis on ne peut plus d'accord sur la solution de ce problème. Il ne s'agit pas simplement de faire sortir les gens du système; cela constitue un défi. Comme ma collègue l'a indiqué, il y a un défi à relever au niveau provincial si l'on veut essayer de mieux intégrer ce qui se passe dans l'école et ce qui se passe dans la collectivité. L'utilisation des mesures extrajudiciaires pour trouver, en collaboration avec les responsables des conseils scolaires, des services sociaux et autres, des solutions originales à ces problèmes représente certainement un défi.
À ce chapitre, il faut vraiment féliciter le gouvernement fédéral d'avoir créé le Conseil national de prévention du crime qui a financé toutes sortes de projets intéressants en vue d'une collaboration des services communautaires pour agir plus efficacement dans ce domaine. Cet ensemble d'initiatives est certainement très important.
Je crois que dans l'ensemble, la situation s'est détériorée au lieu de s'améliorer pour ce qui est du rôle de l'école à l'égard de la collectivité et nous avons là énormément de travail à faire.
Il y a encore un élément final qui m'inquiète dans les dispositions relatives à la confidentialité, car dans un environnement quelque peu hostile de tolérance zéro, la communication du dossier d'un jeune contrevenant a abouti dans de nombreux cas à l'expulsion du jeune de l'école plutôt qu'à l'inscription à des programmes utiles visant sa réadaptation.
[Français]
M. Jacques Saada: Je comprends très bien. En fait, vous constatez comme nous que même la meilleure loi possible—et je pense que cette loi est très prometteuse—ne peut pas régler tous les problèmes, qui dépassent de loin, finalement, les responsabilités fédérales et doivent mettre en cause une philosophie et des mesures en conséquence au niveau provincial.
La seconde question que j'ai à poser porte sur la publication.
[Traduction]
Madame MacKinnon, vous avez cité le cas de Terre-Neuve où de nombreux dossiers sont couramment transmis aux conseils scolaires. Pour autant que je sois contre l'idée de publication des noms, parce que je ne pense pas que ça résolve quoi que ce soit et cela crée en fait davantage de problèmes que ça ne permet d'en résoudre, j'ai du mal à comprendre ce que vous avez dit. Êtes-vous contre la publication des noms ou êtes-vous contre la communication de l'information concernant certaines affaires précises à certains professionnels des conseils scolaires par exemple?
Mme Martha MacKinnon: Je nuancerais cette distinction. Si on étudie chaque cas, il y en aura sans doute toujours pour lesquels il sera utile de communiquer l'information.
Ce qui s'est passé à Terre-Neuve, et qui s'y passe toujours d'ailleurs, c'est la communication courante des rôles des tribunaux. C'est-à-dire que les conseils scolaires reçoivent la liste de tous les jeunes qui comparaissent devant les tribunaux, qu'ils soient condamnés ou non, qu'ils aillent à l'école concernée ou non, qu'ils fassent partie du conseil scolaire ou non, que l'infraction concerne le système scolaire ou non.
Il est possible qu'un jeune ait fait quelque chose de mal un samedi soir. C'était peut-être une bagarre et les protagonistes vont éventuellement s'entendre; il n'y aura donc pas de responsabilité criminelle. On signale le jeune à l'école, où il n'a jamais eu de problème, et on le transfère ou on l'expulse. Ce sont des affaires qui figurent dans les dossiers du conseil scolaire.
Le principe de la non-publication est essentiel. Il est possible d'obtenir suffisamment de renseignements pour que les services d'aide puissent faire le nécessaire et faire intervenir le soutien voulu; il suffit de demander à l'administration judiciaire l'autorisation d'obtenir cette information. Les demandes d'autorisation peuvent être présentées à un juge pour chaque cas individuellement. Pour les évader, ceux qui sont illégalement en liberté ou qui représentent un danger, il peut y avoir communication, mais il peut y avoir d'autres cas particuliers où la publication est importante. Il faut, pour la divulgation de l'information, des poids et des contrepoids pour être sûr qu'elle sera utilisée dans le cadre d'un programme d'aide.
M. Jacques Saada: Permettez-moi de parler de façon très concrète. Ma femme est directrice d'école. Si quelqu'un fait quelque chose de mal à proximité de l'école, elle ne va pas demander... vous pouvez imaginer que ce n'est peut-être pas la première fois pour l'élève et à ce moment-là elle va demander la publication. Si elle peut obtenir l'information immédiatement ainsi que les professionnels qui ont une responsabilité, ce n'est pas la même chose. Vous voulez un système plus rapide et meilleur, mais en même temps, si vous me permettez de le dire, il me semble que vous rendez les choses plus difficiles à cet égard.
Mme Martha MacKinnon: Je ne veux pas toujours que le système aille plus vite et soit meilleur car je ne crois pas nécessairement que les écoles doivent connaître cette information. J'ai été moi- même enseignante. Il arrive qu'une adolescente ait besoin de faire un bon départ à l'école. C'est l'endroit où elle se conforme à la règle, où elle marche bien, et elle n'a pas besoin que quelqu'un aille voir si elle va faire quelque chose de mal.
Les enseignants sont extraordinaires. J'étais sans doute une meilleure personne lorsque je n'étais qu'enseignante et non avocate; j'étais sans doute plus agréable et meilleure sur le plan humain.
M. Jacques Saada: Moi aussi avant que je ne me lance en politique.
Des voix: Oh, oh!
Mme Martha MacKinnon: Mais les études montrent clairement que si vous dites à un enseignant que vous avez un groupe de «bluebirds», c'est-à-dire des élèves un peu lents, même si ce n'est pas le cas, à la fin de l'année l'enseignant retiendra qu'il a eu une classe d'élèves lents ou de «bluebirds». Avec les meilleures intentions du monde, nous faisons tous des hypothèses sur les gens en fonction des étiquettes que nous leur attribuons. Imposer l'étiquette de jeune contrevenant à quelqu'un...
M. John McKay: Monsieur le président, qu'est-ce que les «bluebirds»? Est-ce un terme juridique? Qu'est-ce que les «bluebirds»?
Mme Martha MacKinnon: Lorsque j'étais enfant on parlait des «bluebirds» et des «robins». Je n'y peux rien. Ce genre d'étiquetage peut faire autant de mal que de bien et il est donc essentiel d'avoir des balises en place.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci beaucoup.
Monsieur Peter MacKay.
M. Peter MacKay: C'est dur d'être étiqueté à la fois homme politique et avocat. J'aimerais bien pouvoir revenir en arrière.
Je crois que tous ceux qui sont autour de la table sont tout à fait d'accord pour dire que nous voulons obtenir des adultes sains. Si nous pouvons orienter un peu le système pour qu'il donne de meilleurs résultats sur le plan de l'intervention précoce et de la différenciation entre les infractions avec violence et sans violence...
J'aimerais aborder un aspect tout à fait fondamental dans tout cela et qui semble nous avoir échappé. Mme Viau y a fait allusion. Il s'agit du rôle des parents et de la participation des parents au système. Elle joue le rôle de mère de remplacement en l'occurrence.
J'ai vu tellement souvent des cas où les parents ne viennent même pas au tribunal avec leur enfant. Ils se lavent complètement les mains de l'affaire ou pire, ils se décrivent comme les véritables victimes. Ils vous disent: «Je ne peux plus m'occuper de cet enfant et je préférerais le voir partir.» Il y a vraiment des cas où il se passe ce que ce texte de loi dit précisément que nous ne devrions pas faire. On utilise le système de justice en remplacement des parents ou des services de protection de la jeunesse.
• 1045
Comment impliquer les parents de façon plus efficace? Je ne
pense pas que l'on doive prévoir des articles où il est dit qu'on
va inculper les parents s'ils ne font pas leur travail, mais il
faut qu'il y ait un mécanisme qui nous permette de les impliquer
vraiment davantage: les obliger à comparaître au tribunal, les
obliger à dire à un juge pourquoi ils ne jouent pas leur rôle.
Mme Martha MacKinnon: Je dirais simplement que je suis d'accord avec vous. J'ajouterais que si un parent doit s'absenter 14 jours du travail pour aller comparaître, cela peut être non seulement frustrant mais aussi leur faire perdre leur emploi. En fait, la mère de l'enfant qui en avait piqué un autre avec un crayon a perdu son emploi pour être venue au tribunal.
Mary.
Me Mary Birdsell: J'allais simplement dire que je ne pense pas qu'on puisse légiférer le rôle de parent avec un texte de loi qui porte sur la justice pour les adolescents. Et je pense que par ailleurs ce n'est pas indiqué car il y a des parents qui travaillent très forts et qui essaient de faire de leur mieux, mais qui n'ont pas les ressources personnelles pour faire ce qu'il faut ou qui ne savent tout simplement pas quoi faire.
Je pense que la disposition voulant que l'on n'utilise pas le système de justice pour remplacer les services de protection de la jeunesse est essentiel. Beaucoup de jeunes aboutissent en prison parce qu'il n'y a pas d'autre endroit où ils peuvent aller. C'est aussi gênant et nous avons des recommandations à faire à ce sujet. Lorsque le parent chasse l'adolescent de la maison et que celui-ci ne sait où aller parce que le parent ne veut pas le laisser rentrer, il n'y a rien que le droit pénal puisse faire sinon criminaliser les mauvais parents et cela relève alors du système de justice pour les adultes.
Je ne crois pas que la solution se situe à ce niveau.
Mme Marlene Viau: À mon avis, on pourrait notamment donner au juge le pouvoir discrétionnaire de rendre obligatoire pour cette famille d'aller à des séances de counselling.
Quant à ce que j'ai dit auparavant, les infractions contre les biens représentent 51 p. 100 des crimes dans notre pays. Je ne veux pas dire par là que nous ne pouvons pas réadapter ces jeunes. Dans l'affaire qui concerne mon frère, nous avons deux adolescents qui ont dû ou doivent comparaître. L'un d'eux a été jugé au tribunal pour adolescents. Il a dit qu'il voulait changer sa façon de vivre et je l'ai cru. L'autre va être transféré au tribunal pour adultes. Je ne crois pas qu'il regrette le moins du monde ce qu'il a fait et je ne pense pas que ce genre d'adolescent puisse être réadapté.
Il y a deux distinctions à faire en l'occurrence. Je ne dis pas qu'il faille jeter tout le monde en prison. Je dis simplement de le faire pour ceux qu'on ne peut pas réadapter, ceux qui ont déjà comparu 12, 13, 14 ou 15 fois devant les tribunaux, qui ont reçu des mises en garde de la police et à qui on a appliqué des mesures extrajudiciaires, parce qu'il nous faut quelque chose pour traiter cette partie de la population juvénile. Nous avons aussi besoin de programmes destinés à l'autre partie de cette population, à ceux que l'on peut réadapter.
J'ai en fait effectué une enquête auprès des responsables de la détention, j'ai parlé aux procureurs de la Couronne, aux avocats et à la police. Ces responsables m'ont dit que ces jeunes étaient frustrés. Ils sont aux prises avec un système qui ne les aide pas. Ils sont toxicomanes. Ils n'arrivent pas à obtenir l'aide dont ils ont besoin. Il nous faut répondre à ce besoin. Peu importe la loi que vous allez adopter; si vous ne vous occupez pas de ce segment de la population, elle va échouer.
M. Peter MacKay: Merci.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur MacKay.
Monsieur Maloney, vous avez trois minutes.
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Vous avez fait une remarque que j'ai trouvée intéressante sur les besoins d'éducation et de formation et sur les problèmes. Vous avez demandé comment il pouvait y avoir réadaptation lorsqu'il y a un avocat?
Ce projet de loi augmente le recours à la déjudiciarisation et aux mesures extrajudiciaires. Je me demande simplement, de façon générale, si nous ne devrions pas revenir à un système plus paternaliste. Ne devrions-nous pas—les avocats—ne plus nous occuper du système de justice pour les adolescents, du moins pour les infractions mineures, pour laisser la place aux travailleurs sociaux, à des juges des tribunaux pour adolescents qui ont reçu une formation et une éducation poussées, aux procureurs qui ont été sensibilisés à la jeunesse et également aux agents de police spécialisés dans les tribunaux pour adolescents?
Mme Marlene Viau: Je crois que c'est ce que nous devrions faire. Il devrait y avoir un système à deux niveaux, un pour la déjudiciarisation et le recours aux mesures de rechange et l'autre pour la procédure judiciaire. Je crois que cela fonctionnerait. Nous devons éduquer les avocats, car les juges sont déçus par ce qu'ils font.
• 1050
De même, lorsque je parle à des policiers—et je parle à de
nombreux collègues de mon frère—ils ne connaissent pas la
législation concernant les jeunes contrevenants. Lorsque je leur
signale des choses que j'ai découvertes dans la loi, ils ne les
connaissent pas. Je recommanderais aussi dans mon mémoire—et
j'approfondirai un peu toutes ces questions—la création d'une
unité pour les crimes des adolescents, ou la désignation d'un
groupe de personnes ou d'une personne, dans chaque service de
police, qui aura reçu une formation sur la criminalité chez les
jeunes parce que les agents ne connaissent pas la législation.
Hier soir encore, je parlais à un ami de mon frère qui est président de l'Association des policiers de Sudbury—je dois prendre la parole devant cette organisation dans deux jours pour traiter de la législation relative aux jeunes contrevenants—et lui-même ignorait une grande partie de ce que je lui ai dit.
J'ai parlé à Dave Griffin, président de l'Association canadienne des policiers, et lui ai indiqué que ces jeunes qui sont transférés devant des tribunaux pour adultes ont droit à la libération conditionnelle. Lorsque ces jeunes sont transférés devant ces tribunaux, ils reçoivent parfois une peine inférieure à celle qu'ils auraient reçue dans les tribunaux pour adolescents. Il arrive très rarement, au tribunal pour adolescents, qu'on accorde la libération conditionnelle, alors qu'au tribunal pour adultes, vous avez une peine de cinq à sept ans qui vous donne droit à la libération conditionnelle... en fait, ce n'est pas une peine, mais le juge peut dire au jury que l'adolescent pourrait obtenir la libération conditionnelle dans cinq à sept ans. Il lui demande de fixer ce délai. Cela vaut pour des adolescents de 14 à 16 ans et ensuite, il leur faut attendre de sept à dix ans pour avoir droit à la libération conditionnelle.
En étudiant le système, je me suis demandée pourquoi on les transférait. Il est clair qu'on ne va pas leur infliger la détention à perpétuité; ils vont obtenir des peines plus légères, surtout lorsque les juges donnent des indications au jury comme c'est prévu à l'article 743.1 du Code criminel. Les policiers ne le savaient pas. Dave Griffin ne le savait pas et je lui ai montré l'article en question.
M. John Maloney: Quelqu'un d'autre voudrait-il faire une observation?
M. Peter Dudding: Oui. Je pense que l'idée des comités communautaires de justice pour les jeunes, notamment, est vraiment très prometteuse. C'est un peu comme pour tout cependant; il faudra faire très attention à la façon dont on va la mettre en oeuvre.
Bien souvent, les jeunes dont nous parlons présentent un ensemble complexe de problèmes—un ensemble assez insoluble de problèmes car s'il n'en était pas ainsi, ils ne seraient pas là. Il ne s'agit pas simplement du travail d'un groupe de personnes bien intentionnées de la collectivité. Cela ne veut pas dire que ces personnes ne peuvent pas jouer un rôle important pour orienter le processus et pour offrir la participation de la collectivité que nous souhaitons, mais il faut davantage pour que les ressources et les services voulus puissent avoir un effet sur des cas où il peut être assez difficile, assez complexe de s'y retrouver.
Mme Marlene Viau: Il y a autre chose que je trouve remarquable dans ce projet de loi, c'est que le gouvernement envisage vraiment des programmes de déjudiciarisation, mais si vous regarder l'article 156, vous constaterez qu'il y a trois paragraphes sur les programmes de déjudiciarisation, sur le type de programmes que les provinces peuvent mettre en oeuvre. Je pense que cet article devrait être élargi car toute l'idée de ce nouveau texte de loi est de déjudiciariser et d'orienter les jeunes concernés vers des mesures extrajudiciaires, et pourtant il n'y a que trois paragraphes à cet article.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Maloney, avez-vous d'autres questions?
M. John Maloney: Non. Je vous remercie.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.
Monsieur Reynolds, si vous le voulez bien. Vous serez le dernier à poser des questions.
M. John Reynolds: J'aimerais aborder quelque chose brièvement.
Une classe du secondaire est venue dans mon bureau de circonscription il y a quelques semaines pour faire une vidéocassette sur la politique en général. Lorsque les élèves ont eu fini de poser des questions, j'ai inversé les rôles et j'ai commencé à les interroger. Je leur ai notamment demandé s'ils pensaient que des jeunes de 16 et 17 ans devraient être automatiquement transférés devant des tribunaux pour adultes, quel que soit leur crime—autrement dit, s'il fallait les soustraire à la Loi sur les jeunes contrevenants à l'âge de 16 ans. Je leur ai aussi demandé s'ils pensaient que l'on doive divulguer leur nom si on les considère comme des adultes.
D'un commun accord, ils ont répondu oui à ces questions. Ils ont dit que si les adolescents savaient qu'on allait divulguer leurs noms, qu'ils allaient comparaître devant les tribunaux pour adultes, cela réduirait considérablement le taux de criminalité chez les jeunes. Ils ont précisé que beaucoup de leurs amis font certaines choses sachant parfaitement qu'à leur âge, on ne peut que leur donner une petite tape sur la main.
Cela ne leur a pas été soufflé; je suis vraiment tombé des nues en discutant avec eux. J'ai été très surpris. Je pensais qu'ils allaient me répondre tout le contraire.
M. Peter Dudding: J'imagine qu'il aurait encore peut-être fallu leur demander combien d'entre eux avaient eu une expérience personnelle avec le système de justice pour les adolescents.
Je crois que c'est une question qu'il est important de poser car, on l'a dit plus tôt au sujet de toutes nos perceptions et sans doute nos idées fausses sur ce qui devrait ou ne devrait pas se produire, sur le processus éducatif que représente notre réflexion sur la situation de ces jeunes et leurs expériences.
M. John Reynolds: C'est un peu difficile de leur demander cela devant la classe...
M. Peter Dudding: Je le comprends. Cela semble parfois une meilleure idée en théorie qu'en pratique.
Cela m'amène en fait à dire que lorsqu'on étudie les facteurs qui provoquent le comportement déviant, on ne pense généralement pas au fait que les jeunes vont dire: «C'est super, je vais pouvoir m'en tirer sans mal.» Ces facteurs concernent un ensemble de questions plus profondes sur la personne en question et l'image qu'elle a d'elle-même, sur les valeurs avec lesquelles elle a grandi sur la façon dont elle se situe par rapport à la société sur le fait qu'elle est impliquée dans la société ou au contraire marginalisée; tout cet ensemble de facteurs.
Mme Martha MacKinnon: Et j'ajouterais que si vous posiez aux mêmes jeunes un million d'autres questions sur la Loi sur les jeunes contrevenants, ils estimeraient sans doute, comme ils l'ont entendu dans les médias et ailleurs, qu'elle est beaucoup trop indulgente. Ils auraient tous tendance à croire que pour le même incident commis par des jeunes de 17, 18 et 19 ans, celui de 17 ans recevrait la peine la plus légère. Notre expérience nous montre que c'est souvent le contraire qui se passe, sauf pour les infractions très graves.
Ils ne sont pas très différents des groupes d'adultes qui ont participé à la tribune sur l'ordre public. Leur compréhension du système s'appuie sur des impressions, comme le dit M. Dudding. À moins d'en avoir fait l'expérience, ils ne savent pas combien il peut être difficile et dur. Ils ne savent certainement pas quel effet il peut avoir sur leur vie et quelles contraintes il leur impose. Ils ne savent pas ce que cela peut faire que d'avoir un couvre-feu à 5 heures. Si au lieu de leur demander si à l'âge de seize ans ils savent faire la différence entre le bien et le mal—car je suppose qu'ils pensent qu'un jeune de 16 ans sait le faire—vous leur demandez si un jeune de 16 ans a davantage en commun avec un enfant de six ans, un jeune de 26 ans, un enfant de 11 ans ou un jeune de 21 ans, vous pourriez obtenir une réponse différente. Ils savent ce que veut dire se développer et avoir des responsabilités et ils savent qu'ils ne sont pas des adultes à 16 ans. Ils ne peuvent pas conduire et ils ne peuvent même pas voter sur la loi qui les touche de si près.
Mme Marlene Viau: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose sur l'abaissement de l'âge à 16 ans. Nicholas Bala, qui est professeur de droit, a consacré un chapitre dans un de ses livres intitulé Young Offenders Law (la législation sur les jeunes contrevenants) dans lequel il aborde cette législation dans le contexte de l'application de la convention des Nations Unies. Il dit notamment que si nous abaissons l'âge à 16 ans, cela représente une infraction directe à la convention.
Lorsque je parle aux policiers donc, je leur dis que la chose ne va pas se faire. Le Canada semble prendre cela très au sérieux. Dans une affaire judiciaire, le Canada a demandé qu'un article donné soit changé parce que l'on craignait qu'il enfreigne cette partie de l'accord. Je pourrais ajouter à mon mémoire la section où tout cela figure.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Je dois dire à nos témoins qu'à ce stade des audiences, il est très difficile d'innover, mais ils y sont parvenus. Merci infiniment d'être venus aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de vos témoignages.
La séance est levée.