FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 22 avril 1999
Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Pouvons-nous déclarer la séance d'information ouverte?
Chers collègues, si vous me permettez de vous rappeler les règles de base, la séance d'aujourd'hui n'est pas une réunion habituelle du comité, mais bien une séance d'information. Nous la tenons conjointement avec le Comité de la défense. Nous allons respecter les mêmes règles que la dernière fois, c'est-à-dire que les questions et les réponses seront limitées à une minute. Nous essayons de donner la parole au plus grand nombre d'entre vous.
Général Henault, vous êtes le seul membre du groupe qui était là la dernière fois...
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Mme Corneau y était aussi.
Le président: Madame Corneau, je m'excuse.
Vous vous rappellerez que, la dernière fois, vous avez parlé un peu plus longtemps parce que vous nous faisiez un bilan de la situation. Dorénavant, nous vous saurions gré de vous en tenir aux faits nouveaux, de sorte que nous puissions passer immédiatement aux questions des membres du comité.
[Français]
M. Daniel Turp: Monsieur le président, pour la semaine prochaine, puisque plusieurs membres font partie de notre comité des Affaires étrangères, dois-je comprendre qu'il s'agira encore de réunions conjointes des deux comités? A-t-on une idée du moment où seront tenues les réunions?
Le président: La meilleure chose est de garder la même heure parce que si on change tout le temps, cela devient impossible. Donc, je propose 15 h 15, comme cette semaine, les mardis et jeudis.
M. Daniel Turp: Ces séances seront sous la coprésidence...
Le président: Je crois que Mme Finestone sera ici pour nous.
M. Daniel Turp: Et M. O'Brien. Où auront lieu ces réunions? En a-t-on une idée?
Le président: On a changé celle d'aujourd'hui deux fois. Alors, j'espère que notre greffière, qui ne sera pas ici, transmettra cette tâche au greffier du Comité de la défense nationale.
M. Daniel Turp: Est-ce que le greffier du Comité de la défense nous informera du lieu des réunions?
Le président: Oui, en temps et lieu et, si possible, suffisamment à l'avance.
[Traduction]
Monsieur Meyer, serez-vous le premier à prendre la parole?
M. Paul Meyer (directeur général, Direction générale de la sécurité internationale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur le président.
Mardi dernier, Jim Wright, mon collègue du ministère des Affaires étrangères, de même que le général Henault, vous ont fait une introduction assez complète. Désormais, nous nous contenterons de vous faire de brèves mises à jour. Je vous parlerai de ce qui se passe sur le plan diplomatique, et le général Henault vous communiquera des informations militaires. Mme Corneau a aussi quelque chose à vous annoncer. Ensuite, nous répondrons à vos questions.
Je mentionne tout d'abord qu'hier, à l'OTAN, sous le régime qualifié de la formule «19 plus 1», il y a eu une rencontre avec le premier ministre de la Bulgarie, M. Kostov. Selon cette formule, tout État partenaire de l'OTAN peut demander qu'une réunion ait lieu avec le conseil pour discuter de questions de sécurité. À cette rencontre, le premier ministre a dit qu'il acquiesçait à la demande de l'OTAN, qui souhaite utiliser l'espace aérien bulgare. Il a souligné la crise économique grave qui sévit dans son pays, les menaces posées à la sécurité bulgare par l'ex-Yougoslavie et il a déclaré souhaiter un soutien politique et matériel de l'OTAN. Le premier ministre a terminé en disant que la Bulgarie était consciente que l'heure des décisions avait sonné, qu'elle refusait d'être seulement une amie des beaux jours de l'OTAN, qu'elle ne se contenterait pas d'un rôle passif.
Vous savez également, naturellement, que le principal événement en ce qui concerne l'OTAN sera le sommet qui doit avoir lieu demain jusqu'à dimanche, à Washington. Vendredi matin, il y aura une réunion consacrée au Kosovo d'une importance particulière, de même qu'une séance, dimanche matin, en présence des États du front.
• 1525
Hier, le Conseil de sécurité des Nations Unies a aussi examiné le cas
de Prevlaka. Il s'agit de cette petite région faisant l'objet d'un
litige entre la Croatie et l'ex-Yougoslavie. Les Nations Unies y ont
envoyé une mission d'observation composée de quelque 27 membres—y
compris d'un Canadien. Cet arrangement prévoit une zone démilitarisée.
Hier, des rapports ont fait état de l'entrée dans cette zone de
plusieurs membres de la police militaire yougoslave. Ils y auraient
installé un poste de contrôle.
Le président du Conseil de sécurité des Nations Unies a émis un communiqué dans lequel il se dit préoccupé et il s'engage à suivre la situation de près.
Il a aussi rappelé les dispositions de la résolution 1222 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies dans laquelle il exige la cessation de toutes les violations de la zone démilitarisée.
Enfin, comme vous le savez, je crois,
[Français]
il y a actuellement une visite de l'ex-premier ministre russe, M. Tchernomyrdine, à Belgrade. Il est un envoyé spécial du président Eltsine pour tenter de trouver une solution diplomatique à la crise. Le premier ministre, M. Chrétien, a eu, plus tôt cette semaine, un entretien très utile et constructif avec M. Tchernomyrdine au cours duquel il a fait valoir la position du Canada et souhaité à son interlocuteur du succès dans ses efforts pour jouer un rôle clé dans la recherche d'une solution diplomatique.
[Traduction]
Voilà qui met fin à ma mise à jour, monsieur le président. Je cède maintenant la parole au général Henault.
Le président: Général Henault.
Le lieutenant-général Raymond Henault (sous-chef d'état-major de la défense, ministère de la Défense nationale): Merci, monsieur.
Monsieur le président, mesdames et messieurs,
[Français]
mesdames et messieurs, bon après-midi.
Mes commentaires de cet après-midi seront brefs parce que nous avons, comme M. Meyer l'a déjà mentionné, donné un update assez complet mardi dernier.
[Traduction]
En ce qui concerne les frappes aériennes de l'OTAN, comme vous avez pu le voir dans les bulletins d'actualité, elles n'ont pas cessé, et on continue de frapper des cibles stratégiques et tactiques partout en Yougoslavie. Bien que le temps nuageux continue de limiter les raids menés par des avions pilotés—un problème persistant—, je pourrais peut-être faire remarquer que le problème n'est pas forcément généralisé à l'échelle du pays; il sévit habituellement dans des secteurs isolés, de sorte qu'il n'affecte que certains appareils. Malgré tout, les missiles de croisière continuent bien sûr d'atteindre leurs objectifs, le nombre de sorties d'avion atteignant en moyenne entre 350 et 400 par jour environ.
À titre strictement indicatif, je signale que le nombre total de sorties jusqu'ici—c'est-à-dire le nombre total de sorties d'avions pilotés—est maintenant de 9 300, dont 2 750 environ ou le quart étaient de véritables missions d'attaque. Le reste sont des missions d'appui de tout genre—ravitaillement en vol, suppression de la défense aérienne et ainsi de suite.
Les cibles de l'OTAN au cours des deux derniers jours ressemblent à celles que je vous ai décrites auparavant. Ce sont des cibles stratégiques, entre autres des terrains d'aviation, des raffineries, des ponts et des dépôts, des quartiers généraux, de même que des installations de commandement et de contrôle. Nous continuons de frapper les systèmes intégrés de défense aérienne, comme je l'ai déjà mentionné, et les objectifs militaires de grande valeur, dont les installations de commandement.
Vous aurez aussi appris dans les nouvelles, je crois, que l'OTAN a frappé le siège du parti politique serbe—ce qu'on appelle le poste de commandement présidentiel—à Belgrade, ainsi que la résidence du président Milosevic qui est aussi, en réalité, un centre de commandement et de contrôle et est donc considérée comme une cible légitime.
Comme on vous l'a dit, les frappes aériennes de l'OTAN se poursuivent. C'est ainsi que l'OTAN a réussi à perturber la machine militaire yougoslave, à en diminuer l'efficacité et, lorsqu'elle le peut, à la détruire, de même que son organe de commandement et de contrôle, sa structure de commandement et de contrôle, l'infrastructure d'appoint et les forces déployées.
En ce qui concerne le système intégré de défense aérienne, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, on est en train d'en réduire systématiquement la capacité.
[Français]
Nos chasseurs ont détruit environ 50 p. 100 des avions de chasse de l'armée de l'air yougoslave, et les effectifs restants sont essentiellement au sol et ont énormément de difficulté à exécuter leurs missions, surtout les missions air-air.
Cela représente environ la moitié de leurs avions de chasse. On peut donc dire que cette force de combat a été pratiquement annihilée. L'OTAN contrôle essentiellement l'espace aérien, particulièrement la nuit, et, bien que l'aviation de l'ex-Yougoslavie, particulièrement les forces de défense aériennes, ait fait preuve d'une certaine résistance et qu'elle continue ses opérations, celles-ci ont perdu une grande partie de leur efficacité. À nouveau, c'est ce que je vous avais déjà signalé.
Quant à l'autorité nationale de commandement—et des objectifs ont été fixés à cet égard—, il existe toute une série de cibles, y compris des postes de commandement et de contrôle, des installations de l'armée et des corps d'armée, d'autres installations de commandement et de contrôle, ainsi que des postes de commandement au niveau tactique, opérationnel et stratégique. En termes très généraux, un grand nombre d'entre eux sont dans un piètre état.
[Français]
Il y a aussi une destruction généralisée de l'infrastructure et des forces déployées de la troisième armée, c'est-à-dire celle déployée dans la zone du Kosovo, et le soutien à cette armée a été assez sérieusement affecté jusqu'à présent. Selon nos comptes rendus, le moral est bas dans les forces déployées.
[Traduction]
C'est-à-dire que la destruction se poursuit et que le moral semble certes bas, du moins au sein de certains effectifs de l'armée.
À court terme et peut-être aussi à long terme, selon la durée de la campagne de l'OTAN, celle-ci poursuivra, au moyen de diverses armes, ses frappes aériennes contre les objectifs stratégiques, tactiques et opérationnels que j'ai mentionnés et, naturellement, les installations fixes, en dépit du mauvais temps.
Je pourrais aussi vous signaler que les hélicoptères Apache des États-Unis, ces hélicoptères d'attaque déployés par les États-Unis dans le cadre des frappes aériennes, sont arrivés sur le théâtre de guerre aujourd'hui. Ils ajouteront certes à la capacité des alliés et une dimension très réelle au conflit. Toutefois, je vous préviens, comme l'ont déjà fait les militaires des États-Unis, que ces hélicoptères ne sont pas forcément une arme définitive; ils ont leurs limites et sont vulnérables, surtout aux attaques d'armes légères—pas forcément aux armes qui nous viennent habituellement à l'esprit comme les fusils, mais plutôt à des armes comme des lance-missiles portatifs et l'artillerie antiaérienne de fort calibre déployée dans la région.
Les forces de l'OTAN continuent également de se déployer en Albanie, à l'appui surtout de l'action humanitaire. Il y a actuellement plus de 2 000 troupes en place pour soutenir l'opération A-FOR ou force de l'Albanie. Elles continuent de s'organiser autour du point central qu'est l'aéroport de Tirana et d'aider les autorités albanaises à essayer de maîtriser la crise humanitaire et d'offrir du soutien aux réfugiés en Albanie.
Pour ce qui est de la contribution particulière du Canada au cours des deux derniers jours, nos chasseurs ont en fait été incapables de vraiment accomplir leur mission en raison du mauvais temps. Par conséquent, nous n'avons pas vraiment utilisé de matériel de guerre au cours des 48 dernières heures. Des missions sont en cours aujourd'hui. En fait, certaines missions aéroportées sont actuellement en cours—quatre appareils pour l'instant. Je n'ai pas le rapport de ces missions. Les avions ne seront pas de retour avant au moins une heure.
[Français]
Comme je l'ai mentionné mardi dernier, le gouvernement a indiqué qu'il voulait fournir six chasseurs supplémentaires à l'effort de l'OTAN. Ils sont en préparation pour le déploiement, avec tous les préparatifs nécessaires que cela implique. Leur arrivée à Aviano est prévue d'ici deux semaines.
[Traduction]
Le genre d'objectifs touchés par nos chasseurs—vous m'avez posé la question la dernière fois—incluait diverses cibles: des casernements, des positions de commandement et de contrôle de l'armée, des dépôts de carburant, d'huile et de lubrifiant, c'est- à-dire là où sont entreposés les produits pétroliers, les transmetteurs radio, les postes de commandement ainsi que des forces déployées, plus particulièrement l'artillerie.
Les Forces canadiennes sont toujours sur un pied d'alerte, prêtes à envoyer une force dans l'ex-république yougoslave de la Macédoine à l'appui d'une mission de maintien de la paix, comme vous le savez fort bien. À nouveau, je vous rappellerai simplement que cette force est composée surtout de l'escadron de reconnaissance dont il a déjà été question, d'un escadron d'hélicoptères ainsi que du soutien national, c'est-à-dire de l'élément de ravitaillement et de logistique et de l'élément de commandement qui l'accompagnent.
Les secteurs armée et aviation—je vous en ai aussi parlé la dernière fois—ont maintenant terminé leur formation et sont en fait déclarés opérationnellement prêts au déploiement.
Avant-dernier point, je précise que les Forces canadiennes demeurent prêtes à accueillir des réfugiés, en collaboration avec Citoyenneté et Immigration Canada et d'autres organismes, à 72 heures de préavis. Jusqu'ici, nous n'avons pas reçu de précision quant au nombre de réfugiés qui pourraient nous être envoyés. J'en parlais justement à l'ambassadeur Girard avant de venir ici. Tout dépendra des priorités en cours, entre autres au Haut-Commissariat, et, bien sûr, de la politique canadienne à cet égard. Nous sommes tous prêts à faire ce qu'il faut sur ce plan.
• 1535
Enfin, comme l'a dit le ministre, à défaut de présenter un rapport,
nous avons au moins précisé le coût additionnel associé aux opérations
des Forces canadiennes dans les Balkans jusqu'ici—plus
particulièrement en termes des opérations d'Aviano—, y compris toutes
les opérations liées au Kosovo. Cela comprend toute la gamme des
opérations tant militaires qu'humanitaires depuis le premier
déploiement en Italie des CF-18, en juin 1998. Au moment où je vous
parle, les Forces canadiennes ont dépensé 32 millions de dollars
approximativement en coûts différentiels, dont 12 millions
approximativement ont été engagés depuis le 24 mars, soit depuis le
début des frappes aériennes. De ce montant, 1,5 million de dollars
environ représentent des dépenses réelles liées aux armes.
Voilà qui met fin à mon exposé d'aujourd'hui, monsieur le président. Nous demeurons à votre disposition pour répondre aux questions, après l'exposé de Mme Corneau.
Le président: Je vous remercie, général.
Madame Corneau.
[Français]
Mme Hélène Corneau (gestionnaire de programmes, Europe centrale et de l'Est, Agence canadienne de développement international): Merci, monsieur le président.
La ministre Diane Marleau, responsable de l'ACDI, a annoncé aujourd'hui que le Canada fournira la somme additionnelle de 30 millions de dollars en aide humanitaire et économique pour réagir à la crise au Kosovo.
La contribution annoncée consiste en 20 millions de dollars supplémentaires au titre de l'aide humanitaire, soit de la nourriture, des vêtements et des abris. L'aide humanitaire fournie par l'ACDI est distribuée par des partenaires comme le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le Programme alimentaire mondial, la Croix-Rouge et des organisations non gouvernementales canadiennes.
[Traduction]
Les autres 10 millions de dollars serviront à fournir une aide économique à la région. En effet, des gens y ont accueilli des réfugiés, et l'infrastructure sociale, par exemple les écoles et les hôpitaux, est durement éprouvée. De plus, les voies de commerce et les routes du large de la région sont bloquées. Les perspectives économiques de l'Albanie, améliorées récemment au prix de durs sacrifices, se sont détériorées et, en Macédoine, les taux de chômage et de pauvreté demeurent élevés. Jusqu'ici, l'ACDI a engagé 10 millions de dollars en aide humanitaire et cinq millions de dollars en aide alimentaire. Après l'injection des montants additionnels annoncés aujourd'hui, la contribution totale de l'ACDI à la crise du Kosovo est de 45 millions de dollars.
[Français]
Merci.
Le président: Merci, madame Corneau.
[Traduction]
Monsieur Martin, vous êtes arrivé après les introductions. Nous avons limité le temps alloué pour les questions et les réponses à une minute.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être ici.
J'aurais quelques points à faire valoir très rapidement. La situation est en train de nous échapper, en réalité, et je crains que nous ne nous retrouvions dans une nouvelle Chypre, un engagement à long terme qui a coûté très cher à tous les intéressés. Voici donc mes questions.
Envisage-t-on la possibilité de faire de la propagande au sein de la République fédérale de Yougoslavie afin d'informer les Serbes des atrocités dont est responsable Milosevic, non seulement au Kosovo, mais aussi en Croatie et en Bosnie?
Ensuite, projette-t-on de demander à Kofi Annan, qui attend dans les coulisses, d'entamer des pourparlers diplomatiques avec M. Milosevic? Allons-nous l'inviter officiellement à le faire ou le presser, avec l'aide de nos confrères, d'entrer en contact avec M. Milosevic en vue de trouver une solution diplomatique qui comprendrait l'envoi d'une force de maintien de la paix composée de troupes onusiennes et russes?
Je vous remercie.
Lgén Raymond Henault: Je vais répondre à la première question concernant la propagande. Bien sûr, il faudrait que toute campagne du genre soit entreprise par l'OTAN avec le consentement des membres de l'Alliance. Je puis vous dire qu'en termes de propagande du genre, je ne connais pas bien toute la gamme des activités qui pourraient être entreprises. Cependant, je sais que des tracts, entre autres, ont été distribués. Pour l'instant, c'est la seule activité de propagande à laquelle s'est livrée l'OTAN.
Je ferai toutefois remarquer qu'en termes de propagande, je suppose, ou du moins en termes de connaissance des opérations chez les Yougoslaves, pour ce qui est de savoir ce qu'ils font et les événements survenant au Kosovo et ainsi de suite, certains d'entre eux auraient incontestablement accès à ce genre d'information, puisque des journalistes de Belgrade nous ont signalé qu'il y avait moyen de capter CNN, NBC et plusieurs autres chaînes. Donc, sans que l'OTAN fasse forcément campagne sur ces réseaux, ils ont de toute évidence accès à de l'information sur le déroulement de la campagne menée par l'Occident. C'est à peu près tout ce que je puis vous dire à ce stade-ci. Je sais que seulement des tracts ont été distribués jusqu'ici.
M. Keith Martin: Je vous remercie.
Paul?
M. Paul Meyer: En fait, le rôle actif assumé par Kofi Annan nous encourage beaucoup. Son engagement jouit de tout notre appui. Quant à son intention de se rendre à Moscou, nous reconnaissons tous, je crois, que la Russie peut jouer un rôle clé en vue de rétablir le consensus au sein du Conseil de sécurité au sujet d'une solution pour le Kosovo. La composition d'une force de maintien de la paix serait certes un domaine au sujet duquel il serait très important que le secrétaire général Annan ait des discussions avec les Russes pour voir si l'on peut trouver un terrain d'entente commun.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Turp.
[Français]
M. Daniel Turp: Monsieur le président, je ne voudrais pas que cela compte dans ma minute, car je voudrais souligner la présence de l'ambassadeur Girard. Nous vous avons vu à la télévision et constaté que vous étiez ici; j'aimerais qu'à la fin de la rencontre, on donne à l'ambassadeur l'occasion de nous parler de cette expérience et de nous livrer quelques leçons apprises lors de son séjour sur le terrain.
Ma première question s'adresse à M. Meyer. Cette fin de semaine me semble très décisive. L'accent, à Washington, portera-t-il sur les forces terrestres ou sur une solution diplomatique? J'aimerais que vous essayiez de répondre à cette question avec la plus grande franchise, à la lumière de l'initiative de l'envoyé spécial russe et du fait que l'Union européenne semble vouloir présenter un nouveau plan de paix fondé sur le plan allemand. Quelle sera la priorité pendant ce Sommet de Washington pour le Kosovo?
Ma deuxième question s'adresse à M. Henault. Veut-on tuer Slobodan Milosevic? On a attaqué une de ses résidences à 4 heures ce matin; peut-être pensait-on que c'était celle qu'il habitait cette nuit. Est-ce un objectif des alliés, et est-il vrai que l'OTAN est en train de créer un corridor terrestre puisqu'elle a obtenu de la République tchèque, des Slovaques et même de l'Allemagne la possibilité d'utiliser leurs territoires et d'avoir ainsi accès à la Serbie et au Kosovo?
M. Paul Meyer: Le Canada, à l'OTAN, a toujours privilégié une solution diplomatique. À mon avis, ce sera toujours la priorité dans les discussions, mais il faut aussi constater que nous devrons persévérer dans nos efforts militaires pour convaincre le leadership à Belgrade d'accepter la demande de la communauté internationale.
M. Daniel Turp: C'est lapidaire. L'Union européenne a-t-elle un plan?
Le président: Vous avez déjà pris plus de deux minutes. Si vous voulez une réponse du général Henault, je vous suggère de passer à lui.
Lgén Raymond Henault: Concernant les attaques des résidences, il n'y a pas de politique, au sein de l'OTAN, et certainement aucune politique que je connaisse du point de vue de la campagne aérienne visant à assassiner Milosevic ou à cibler des individus. Les attaques sur la résidence de M. Milosevic visaient une bâtisse qui était connue comme un centre de commandement et de contrôle aussi bien qu'une résidence. La résidence elle-même a été ciblée dans ce contexte-là.
Du point de vue des corridors terrestres au Kosovo, les données que vous avez mentionnées ne me sont pas toutes familières, mais je sais qu'en ce moment, on considère différentes possibilités pour porter assistance aux personnes déplacées, incluant différentes options qui permettraient aux organisations non gouvernementales, par exemple, de livrer de l'aide humanitaire, etc.
• 1545
Ces options nécessiteraient peut-être des corridors, mais je vous
rappelle que de tels corridors exigent la présence de troupes au sol
et que cela implique aussi qu'il y ait un conflit au sol à l'intérieur
des corridors du Kosovo. Pour l'instant, je ne suis pas au courant
d'un tel plan, monsieur Turp.
Le président: Merci.
[Traduction]
Monsieur Robinson.
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.
Ma question fait simplement suite à une des questions posées par M. Turp, après quoi j'aurai une autre question.
En ce qui concerne les décisions visant l'établissement des cibles, on nous a affirmé au départ qu'il s'agirait de cibles militaires. C'est la déclaration qui a été faite au Parlement, le 24 mars. Voilà maintenant que l'on bombarde la résidence de Milosevic. J'aimerais beaucoup avoir la preuve que cette résidence sert aussi de centre de contrôle militaire. J'espère que le général nous fournira cette documentation. Nous avons aussi vu une grosse tour de bureaux bombardée dans le centre-ville de Belgrade—ce n'est pas une cible militaire. Nous apprenons maintenant qu'une usine pétrochimique située près de Belgrade, à Pancevo, a été bombardée et que ce bombardement pourrait avoir de très graves conséquences sur l'environnement. Le Canada est-il d'accord avec ces décisions concernant les objectifs? Quel rôle jouons-nous sur ce plan? La décision relève-t-elle uniquement du commandement suprême des États-Unis?
Ensuite, j'ai une autre question que j'ai déjà posée. On nous dit qu'il y a entre 300 000 et 400 000 réfugiés au Kosovo même. D'après la documentation que nous avons reçue, ils manquent de biens de première nécessité, par exemple de nourriture, d'eau, de médicaments et d'abris. Quelles mesures concrètes le Canada est-il en train de prendre pour leur envoyer de la nourriture et des biens de première nécessité? Tout ce que nous avons entendu à ce sujet, c'est Tony Blair et, hier, le ministre Axworthy dire: «Attendez que les bombardements soient finis». Que sommes-nous en train de faire maintenant pour faire face à cette crise humanitaire?
Enfin, monsieur Meyer, les Russes ont dit qu'une force dirigée par l'OTAN est hors de question, qu'ils ne participeront pas à une pareille force. Le Canada continue-t-il d'insister pour que cette force de maintien de la paix soit dirigée par l'OTAN? Oui ou non? Quelle est notre position au sommet de l'OTAN?
Le président: Monsieur Robinson, je ne veux pas interrompre vos questions, mais il conviendrait de rappeler que nos invités sont ici pour nous renseigner en tant que bureaucrates, en tant que membres...
M. Svend Robinson: Je demande quelle est la position du gouvernement...
Le président: Toutefois, il n'est pas clair que les décisions politiques concernant le rôle du Canada, le choix des cibles et ainsi de suite relèvent du domaine militaire. Je dis simplement que, si vous souhaitez poser une question concernant l'orientation, il faudra poser la question au ministre. Sur ce plan, nous ne pouvons pas demander à nos officiers et à nos fonctionnaires plus qu'ils ne peuvent nous donner. Ils le savent, et vous le savez fort bien aussi. Je suis donc convaincu qu'ils répondront aux questions du mieux qu'ils peuvent, mais je tenais simplement à vous rappeler les faits—et que nous nous efforçons d'avoir des réponses courtes. Vous avez posé trois questions. Nous obtiendrons donc trois très courtes réponses.
Lgén Raymond Henault: Je répondrai le plus vite possible. L'établissement des cibles se fait au sein même de l'OTAN. C'est le Conseil de l'Atlantique Nord qui en est juge. Les objectifs fixés font l'objet d'un accord de tous les États membres. Le secrétaire général, auquel revient la décision ultime à ce sujet, consulte manifestement tous les États. Donc, c'est au secrétaire général et ostensiblement à tous les membres de l'OTAN que revient la décision au sujet des cibles, du moins en ce qui concerne les consignes sur les forces tactiques d'intervention aérienne de l'OTAN. Le Canada y joue donc un rôle, puisque nous avons, au sein de l'OTAN, un ambassadeur qui fait partie du Conseil de l'Atlantique Nord et un représentant militaire qui fait partie du Comité militaire.
Pour ce qui est des réfugiés à l'intérieur même du Kosovo, je sais que la question préoccupe vivement le Comité militaire et le Conseil de l'Atlantique Nord. Plusieurs documents ont été distribués au cours des derniers jours concernant les voies et moyens de leur envoyer de l'aide, mais il faut se rendre compte qu'une pareille entreprise comporte de très grands risques. Le largage de matériel et de vivres, par exemple, serait certes très risqué, si ce n'est extrêmement risqué, pour les appareils volant à basse altitude au-dessus du terrain en l'absence d'un accord les excluant comme cibles.
Par conséquent, je n'ai pas encore la réponse à cette question. L'accent est nettement mis sur ce que nous pouvons faire et sur la façon de le faire, mais il n'y a pas encore d'accord entre les pays pour le faire. Je ne puis vous répondre, et j'ose croire que M. Milosevic voudrait lui aussi prendre soin de sa population. C'est un problème du Conseil de l'Atlantique Nord et c'est certes un problème des alliés, mais c'est aussi le problème de M. Milosevic.
M. Paul Meyer: Pour ce qui est de la force de maintien de la paix, si on lit bien la position énoncée par l'OTAN—et, en fait, c'est une des cinq exigences posées—, il faut qu'il y ait une présence militaire internationale. On ne précise pas qu'elle doit relever de l'OTAN. L'Alliance a offert de diriger la force, mais cela ne figure pas dans les exigences, et il est donc très évident que c'est là un point crucial d'éventuelles négociations qui permettraient de dégager à nouveau un consensus au sein du Conseil de sécurité quant à la composition et à la nature exacte de cette force.
M. Svend Robinson: Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie. C'était intéressant.
M. Price a la parole.
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Merci, monsieur le président. Mes questions viseront à...
Le président: Pas de révélations, je vous prie, seulement des questions.
M. David Price: Je vous demande pardon?
Le président: Pas de révélations, je vous prie, seulement des questions.
M. David Price: Je vois.
Général, tout d'abord, nous avons été renseignés sur les coûts engagés jusqu'ici. On parle de 32 millions de dollars environ, dont 12 millions à peu près ont été consacrés à des armes. Cela signifie-t-il que nous sommes en train de dépenser 12 autres millions de dollars pour renouveler nos stocks? On entend aussi dire maintenant que nos stocks d'armes sont pas mal épuisés. Pourtant, nous avons envoyé six autres appareils là-bas. Cela signifie-t-il que désormais nous allons faire de la couverture aérienne plutôt que des missions de bombardement? Quelle est la situation en ce qui concerne nos CF-18? Avons-nous suffisamment de pièces de rechange? Commençons-nous à dépouiller des appareils là- bas pour obtenir des pièces de rechange?
Lgén Raymond Henault: Monsieur Price, pour ce qui est du coût que je vous ai décrit, les 12 millions de dollars représentent le coût global des opérations dans les Balkans depuis le tout début, soit depuis le 24 mars, y compris le déploiement des CF-18, les secours humanitaires entrepris jusqu'ici, les préparatifs en vue d'accueillir des réfugiés et ainsi de suite. Des 12 millions de dollars, un million et demi est absorbé par le coût réel des armes à ce stade-ci; c'est le coût de remplacement des armes. Nous continuons de nous réapprovisionner en armes, mais je puis vous donner l'assurance que nous avons des stocks assez complets d'armes sur le théâtre de guerre et que nous sommes en train de les renouveler pour faire en sorte d'avoir un roulement, si vous voulez, si nous...
M. David Price: Donc, nous avons placé d'autres commandes sur une base...
Lgén Raymond Henault: Nous avons passé d'autres commandes. Nous achetons en Europe les stocks disponibles que nous pouvons obtenir par ventes militaires étrangères et ainsi de suite. Nous le faisons en vue de tenir nos coûts à un minimum, si vous préférez, en termes de disponibilité, entre autres. Pour l'instant, nous n'éprouvons aucune difficulté sur ce plan, ce qui ne veut pas forcément dire que le rôle de nos chasseurs est modifié. Les chasseurs continuent d'effectuer les opérations dont nous avons parlé, ce qui inclut les combats air-air, les patrouilles aériennes de combat et le largage d'armes à guidage précis et dirigé. Nous continuons de fonctionner à pleine capacité et d'avoir des stocks complets d'armes pour quelque temps encore. Nous suivons cette situation de très près.
Les appareils comme tels tiennent raisonnablement bon. C'est une bonne question. Un appareil a habituellement un taux d'utilisation de 75 p. 100 environ. Quand j'ai examiné les données aujourd'hui concernant les 12 appareils qui se trouvent à Aviano, 11 d'entre eux étaient prêts à combattre, ce qui signifie qu'un seul avait besoin de maintenance. C'est un taux raisonnablement bon. En moyenne, 75 p. 100 environ de nos appareils sont disponibles tous les jours, et nous projetons d'en faire voler huit sur 12; quand les 18 appareils se trouveront sur place, nous en utiliserons 12 ou 13 à la fois.
M. David Price: Soit dit en passant, parlons-nous en termes de dollars canadiens?
Lgén Raymond Henault: Oui.
J'ajouterais seulement qu'il s'agit-là de coût additionnel, plutôt que de plein coût.
M. David Price: Oui.
Le président: La proposition du Bloc visant à les exprimer en dollars US ne s'est pas encore matérialisée.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Monsieur Turp.
M. Daniel Turp: Un appareil a-t-il été endommagé jusqu'ici?
Lgén Raymond Henault: Aucun appareil n'a été endommagé au combat. L'un d'entre eux a été endommagé lors d'un ravitaillement en vol effectué la nuit, quand ce que nous appelons une «palette d'angle d'attaque» installée sur le côté de l'appareil a été endommagé. C'est le seul dommage que nous ayons subi jusqu'ici.
M. Daniel Turp: Comment cela s'est-il produit?
Le président: Monsieur Turp.
M. Daniel Turp: Désolé, monsieur le président.
Le président: C'est le tour de M. White.
M. Daniel Turp: Je pensais seulement qu'il serait intéressant de le savoir.
Le président: Navré. Monsieur McKay, puis M. White.
Monsieur McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Monsieur Meyer, je suppose qu'à un point donné, les 19 membres de l'OTAN ont adopté une résolution affirmant leur volonté de s'engager dans ce conflit. Était-ce une résolution ouverte ou les États peuvent-ils, à un moment donné, refuser de participer au conflit? Le sommet de Washington est-il un de ces points où les États, du moins en théorie, s'ils le souhaitent, peuvent choisir de se retirer du conflit?
M. Paul Meyer: D'un point de vue politique, je crois savoir... Naturellement, les gouvernements nationaux ont toujours le choix de participer ou non; rien ne les oblige à prendre part à une opération de l'OTAN s'ils ont pris la décision souveraine de ne pas le faire. Vous savez que, même parmi les États membres de l'OTAN, la nature de la participation ou non-participation à la campagne en cours varie.
Toutefois, je crois qu'une base de solidarité politique a continué de caractériser l'attitude des États membres. Vous avez aussi raison de dire qu'à tout moment, à Washington, lorsque les dirigeants se rencontreront, les États pourraient modifier la nature de leur participation.
Le président: Monsieur White.
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Merci, monsieur le président.
La première partie de ma question s'adresse au général Henault. Au cas où nous enverrions des troupes canadiennes au sol, le vérificateur général a affirmé dans son rapport qu'il n'est pas très impressionné par l'état des hélicoptères Griffon, des chars Léopard et des blindés Coyote. Que je sache, le vérificateur général ne s'est jamais trompé. Je me demande donc si je peux avoir votre opinion à ce sujet.
L'autre question est une réaction aux lettres que je reçois de ma circonscription. Je remarque deux constantes. Elles affirment que tout cet exercice est illégal—quelqu'un peut peut-être faire une observation s'il s'estime compétent pour le faire. Que répondriez-vous à ces gens?
De plus, quelqu'un peut-il me donner une idée du flot de réfugiés avant et après le début des bombardements. Le nombre s'est-il décuplé? Quelqu'un peut-il m'en donner une idée?
Lgén Raymond Henault: Si cela vous convient, je peux répondre à la première question, laisser M. Meyer répondre à la deuxième, puis l'ambassadeur Girard acceptera peut-être de répondre à la troisième.
Par exemple, je puis vous dire que, dans le cas des chars, nous ne projetons pas d'en déployer pour l'instant, bien que nous soyons en train d'en renforcer la protection. Les chars Léopard sont donc améliorés.
Pour l'instant, les plans actuels prévoient une force de maintien de la paix de 600 à 800 hommes dont je vous ai déjà parlé, et des Coyote, la plus récente acquisition motorisée de la force terrestre. C'est le plus moderne au monde, et il est considéré comme étant le dernier cri. Il inclut tous les systèmes d'autoprotection et toutes les capacités que pourrait vouloir un commandant au sol pour effectuer de la reconnaissance à long terme ou de la reconnaissance de longue vision—jour et nuit, en tout temps... Il ne faut pas oublier non plus l'hélicoptère Griffon, un de nos plus récents achats qui serait équipé de toute la gamme de systèmes de guerre électronique de défense.
Je puis donc vous dire que ce que nous allons déployer est ce que nous avons de meilleur pour l'instant. Les troupes sont prêtes, la formation est complète, et toutes ces forces, y compris leurs éléments de soutien et de commandement, sont en fait prêtes à déployer. Je fais entièrement confiance aux hommes et au matériel que nous projetons déployer.
M. Paul Meyer: Nous avons toujours vu notre action comme étant légitime. C'est donc la réponse brève.
Si vous voulez parler de processus, je crois que ce dossier a un long passé, en diplomatie. Il y eut d'abord la série de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies condamnant ce qui se passait là-bas, l'appui aux négociations et à un règlement politique offert à Rambouillet et les exigences ordonnant la fin des actes de violence, du recours disproportionné à la force et des expulsions. Ces éléments sont là depuis le tout début.
Comme vous le savez, tout a échoué lorsque vint le temps d'adopter la résolution autorisant la prise de tous les moyens voulus. Deux membres du Conseil de sécurité ont refusé de voter en faveur de cette résolution, mais les États membres de l'Alliance jugeaient qu'ils étaient justifiés de poser de pareils gestes pour, en un certain sens, faire respecter les exigences de la communauté internationale.
Il ne faut pas oublier, selon moi, l'attitude de Kofi Annan lui-même qui a parlé, avec beaucoup d'à-propos, de la nouvelle norme qui était en train de s'établir concernant l'intervention humanitaire. Il en a parlé avec beaucoup d'éloquence, affirmant que, pour sa part, il ne faudrait pas que la charte des Nations Unies serve de prétexte pour protéger ceux qui s'adonnent à la répression violente de leur population.
Le président: Monsieur le ministre, très rapidement, je vous prie.
M. Raphael Girard (ambassadeur du Canada en Yougoslavie): Les mouvements de population tout au long de cette crise ont beaucoup changé durant la dernière année. L'an dernier, au début des attaques systématiques contre des civils, on a observé beaucoup de déplacements internes, mais très peu d'expulsions.
• 1600
Les premières attaques ont commencé en mars. La population s'est
déplacée surtout de la région de Drenica, dans le centre du Kosovo,
vers d'autres régions du Kosovo. Une deuxième campagne lancée contre
les populations vivant à la périphérie ouest du Kosovo et les bases de
l'armée de libération dans cette partie du pays les a refoulées vers
le Monténégro dans le Nord et vers l'Albanie dans l'Ouest et le Sud.
On comptait à ce moment-là moins de 50 000 réfugiés.
Depuis le départ des observateurs de la mission de vérification du Kosovo (KVM) vers le 24 mars, le nombre de refoulés a augmenté, voire décuplé. Je vous mets en garde: il ne faut pas conclure que ces expulsions sont le résultat des bombardements. Ce n'est pas ce que nous disent les réfugiés et ce n'est pas ce que nous observons. Ces gens partent parce que la police serbe lourdement armée—pas les militaires, mais la police—va de village en village, brûlant tout sur son passage et terrorisant la population, comme elle l'a fait tout au long de l'été dernier, et la refoulant, cette fois, vers la frontière.
[Français]
Le président: Madame Guay.
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Mes questions porteront sur l'aide internationale, surtout sur les réfugiés. Je pense qu'on a déjà touché à toute la question militaire.
Madame Corneau, j'aurais trois questions. Comment ont été distribués les premiers 15 millions de dollars d'aide internationale? Qui s'occupe, sur le terrain, de distribuer les fonds? Je voudrais avoir plus de précisions. Vous nous dites que les ONG s'en occupent, mais a-t-on des gens de l'ACDI ou du gouvernement sur place pour s'assurer que tout soit distribué selon les besoins? Avez-vous de l'information sur le fait qu'une mafia s'installe là-bas? Il y a également une chose que je ne suis pas en mesure de confirmer, mais peut-être pourrez-vous le faire. Il y aurait seulement 3 rations sur 10 qui seraient distribuées aux réfugiés et cette situation menacerait de s'aggraver. Si vous n'avez pas d'information à ce sujet, peut-être pourrez-vous nous l'apporter lors de la prochaine réunion.
Mme Hélène Corneau: Merci. Des 15 millions de dollars annoncés il y a quelque temps, 5 millions de dollars sont allés au Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 2 millions de dollars à la Croix-Rouge, 1 million de dollars à l'UNICEF, 2 millions de dollars à des organisations non gouvernementales canadiennes comme le CECI, CARE Canada, World Vision et, finalement, 5 millions de dollars à l'aide alimentaire.
Concernant le processus d'allocation, nous travaillons en étroite collaboration avec les organisations multilatérales, qui jouent un rôle très important au niveau de la coordination sur le terrain, en Macédoine et en Albanie. On est assuré de répondre de façon la plus précise possible aux besoins sentis en Albanie et en Macédoine.
Concernant votre dernière question, qui était très préoccupante, la ministre Marleau a parlé ce matin au brigadier général Maisonneuve, qui est en Albanie, et on nous indique que les rapports de presse sont largement exagérés. Vous dites que 70 p. 100 des...
Mme Monique Guay: C'est ce qu'on voit dans les journaux.
Mme Hélène Corneau: Selon les rapports de presse, 70 p. 100 de l'aide serait détournée. C'est très exagéré. Le général Maisonneuve dirige une équipe présente dans les 12 préfectures à l'intérieur de l'Albanie et, lorsqu'il y a des soupçons quant au détournement de l'assistance humanitaire, ces indications sont données dans les meilleurs délais au gouvernement pour qu'une action immédiate soit prise. Le général nous a également indiqué que ces informations auraient été coulées de façon plus ou moins correcte par un des membres de la coalition gouvernementale qui a un peu de problèmes avec l'autre partenaire de cette coalition.
M. Daniel Turp: Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît?
Le président: Excusez-moi, monsieur.
M. Daniel Turp: J'aimerais seulement qu'elle répète cette information.
Mme Hélène Corneau: C'est que le gouvernement...
Le président: Elle a pris deux minutes pour donner cette information.
[Traduction]
Nous avons dépassé le temps alloué. Nous sommes au beau milieu d'une situation extrêmement compliquée. Et ces personnes ont pris la peine de nous réserver une part précieuse de leur temps. Je vais leur demander s'ils peuvent demeurer ici quelques minutes de plus, car d'autres ont des questions, mais il faudrait vraiment s'efforcer de respecter la limite de temps fixée pour ce que nous essayons de faire ici, sans quoi nous ne pourrons avoir ces séances d'information. Nous discutons là de questions très graves, et il faut que ces personnes retournent à leur bureau pour s'en occuper.
[Français]
M. Daniel Turp: C'est pour cela qu'il faut prendre le temps d'en parler, monsieur le président.
On est sept minutes en retard parce qu'on a commencé sept minutes en retard. Vous n'étiez pas à l'heure.
[Traduction]
Le président: D'accord.
Monsieur Reed.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Je vous remercie.
Lors de la dernière séance d'information, il avait été question d'uranium appauvri. Par la suite, j'ai entendu à la télévision deux descriptions de l'uranium appauvri. D'après l'une, l'uranium appauvri émet simplement une radioactivité plus faible. D'après l'autre, l'uranium appauvri est en fait complètement appauvri. La communauté serbo-canadienne a exprimé certaines craintes au sujet de cette question. J'aimerais donc savoir s'il est possible d'obtenir une description plutôt précise de ce qu'est l'uranium appauvri et s'il cause la détérioration massive de l'environnement dont on l'accuse.
Lgén Raymond Henault: Si vous le désirez, monsieur, je peux remettre au greffier la note d'information que nous avons rédigée à ce sujet pour que vous sachiez à quoi vous en tenir au juste au sujet des munitions contenant de l'uranium appauvri.
Je puis toutefois vous donner l'assurance que l'uranium appauvri est en fait un produit sans danger... J'hésite à dire qu'il est sans danger, car c'est une arme, mais il n'est pas radioactif. Il est utilisé en raison de sa densité et de son grand pouvoir de pénétration, qui permet même de percer des blindages. Toutes les études que nous connaissons affirment que ce genre d'uranium appauvri n'a pas d'effet sur l'environnement. La seule détérioration de l'environnement résulte de l'agent propulsif et d'autres produits chimiques requis pour tirer un coup, si vous préférez. Il n'y a pas de retombées, sur le plan de la radioactivité.
Si cela peut vous être utile, la prochaine fois, j'apporterai un exemplaire de la note d'information qui rend tout cela beaucoup plus clair.
M. Julian Reed: Je vous remercie, général.
Le président: Général, je vous remercie beaucoup.
Monsieur Laurin.
[Français]
M. René Laurin (Joliette, BQ): Dans l'hypothèse de l'envoi de troupes terrestres, il faudra évidemment préparer l'arrivée de ces troupes. Actuellement, y a-t-il des préparatifs sur le terrain, au Kosovo, au cas où on déciderait d'envoyer des troupes terrestres pour une intervention?
Lgén Raymond Henault: Vous savez, monsieur Laurin, qu'il n'y a pas de préparatifs en ce moment. L'OTAN n'a pas encore de plan pour déployer des troupes au sol. Nous poursuivons toujours la campagne aérienne, suivie par une force au sol apte à forcer ou implanter une entente de paix. Que je sache, il n'y a aucun préparatif au sol ou sur le terrain du Kosovo pour l'arrivée de troupes au sol.
M. René Laurin: On ne ne prépare pas au cas où? On attend une décision. Qu'est-ce qu'on fait?
Lgén Raymond Henault: Du côté militaire, on ne commence pas de planification avant de recevoir cette indication de la direction politique qui nous vient de l'OTAN, du Conseil de l'Atlantique du Nord, par la suite du comité militaire et, enfin, de nos maîtres politiques, c'est-à-dire le ministre. Nous n'avons pas encore reçu cette directive.
M. René Laurin: Monsieur Meyer, cette semaine, on a vu de plus en plus de grands reportages sur la vie au Kosovo à la télévision. On a pu en voir un d'une demi-heure sur les antécédents psychologiques et militaires de Milosevic. Y a-t-il un plan d'interventions ou de programmes de télévision diffusés à la population pour montrer la situation exacte, l'état psychologique des leaders kosovars et serbes? Cela fait-il partie d'une stratégie ou est-ce simplement un hasard, le choix des émissions étant fait par les chaînes de télévision?
M. Paul Meyer: Le général Henault a déjà fait allusion aux efforts et à l'apport de l'OTAN dans cet aspect de guerre psychologique, mais nous n'avons pas l'intention de...
M. René Laurin: Je parle d'émissions ici, au Canada.
M. Paul Meyer: Non, pas ici, au Canada. On n'est pas responsables des émissions de télévision serbes. Donc, je n'ai aucune information concernant ces émissions ici, au Canada.
Lgén Raymond Henault: Il y a toujours la possibilité que M. Milosevic tienne compte de nos briefings techniques à tous les jours. Ce serait la seule guerre psychologique que je puisse voir.
M. René Laurin: Les nôtres ne sont pas tellement longs. Il ne faudrait pas qu'il s'ajoute à nous.
[Traduction]
Le président: Monsieur Robinson, avez-vous une question très brève à poser?
M. Svend Robinson: J'ai effectivement une question très brève à poser qui fait suite à une autre. J'avoue que je suis profondément préoccupé par la réponse qu'a donnée le général Henault au sujet des réfugiés demeurés au Kosovo. Il disait essentiellement: «Nous ne savons pas quoi faire». Ils font face à une famine; il n'y aura pas de récolte.
Selon nos notes d'information, la Grèce a négocié auprès des autorités yougoslaves la permission d'organiser une intervention humanitaire en Yougoslavie pour fournir des médicaments et des denrées alimentaires.
Je me demande si vous êtes en mesure de nous en dire plus à ce sujet et si le Canada est disposé à collaborer avec la Grèce et lui fournir des ressources pour acheminer les denrées alimentaires dont la population a si désespérément besoin. En effet, sans cette intervention, l'OTAN continuera de nous dire qu'elle ne sait pas quoi faire et les gens continueront à mourir de faim dans les collines et les montagnes.
Lgén Raymond Henault: Monsieur Robinson, je partage certes votre inquiétude mais, du point de vue militaire, nous devons attendre que le Comité militaire nous donne des instructions, soit aux forces de l'OTAN dans leur ensemble soit au Canada en particulier, avant de pouvoir prendre à l'heure qu'il est quelque mesure que ce soit pour l'instant. Au moment où on se parle, je ne suis au courant d'aucune possibilité...
M. Svend Robinson: Je m'informe de la proposition de la Grèce. Quelqu'un est-il au courant?
Lgén Raymond Henault: Je ne suis pas au courant.
M. Daniel Dhavernas (directeur, Direction de l'Europe méridionale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Nous sommes au courant de l'initiative. Dans le contexte des relations entre la Yougoslavie et la Grèce, certains ONG grecs ont leur entrée en Yougoslavie. Quant à l'importance de l'aide qu'ils peuvent apporter à ce qu'ils sont en mesure de faire, je n'en sais rien. Nous allons nous pencher là-dessus et vous donner une réponse la prochaine fois.
M. Svend Robinson: Si nous pouvons faire parvenir des denrées alimentaires par l'entremise des Grecs, allons-y.
Le président: Vous pourriez peut-être, monsieur Meyer ou monsieur Dhavernas nous en dire davantage mardi prochain. Ce serait utile. Je crois que les membres du comité s'intéresseraient beaucoup à cette situation.
Je ne veux pas m'imposer, mais j'aimerais poser deux petites questions. La première s'adresse au général Henault.
Vous avez parlé de la destruction d'aéronefs des forces yougoslaves. De toute évidence, c'est l'utilisation des véhicules militaires—plus particulièrement l'utilisation par les forces policières des véhicules de l'infanterie mécanisée—qui ont en grande partie mené la flambée des villages et des chars. Savez-vous combien de chars et de véhicules de l'infanterie mécanisée de l'armée yougoslave ont été détruits? Est-ce que cela leur a causé du tort? Avons-nous une idée des dommages qu'ils ont subis?
Lgén Raymond Henault: Non. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais je sais qu'il y en aurait des dizaines maintenant sinon davantage.
Je sais qu'en ce qui concerne la force aérienne, nous avons détruit au moins cinq MiG-29 en vol. Nous avons détruit une grande quantité d'avions au sol. Comme je vous l'ai dit, environ 60 p. 100 de force de combat a été détruite ou lourdement endommagée, au point où il leur est impossible d'opérer. En ce qui concerne les véhicules au sol, on en détruit tous les jours. Les chargés de l'information de l'OTAN auraient probablement ces chiffres. Si vous voulez, je peux essayer de rassembler des chiffres qui vous donneraient une idée de ce que cela pourrait être. Je peux vous les fournir à la prochaine réunion.
Le président: Ce serait très évident si on nous disait qu'il disposait de 300 chars et que 220 ont été détruits... Cela commence à nous donner une idée de la capacité dont il dispose pour faire campagne. En ce qui concerne les hélicoptères d'attaque Apache, je suppose que ce sera un de leurs rôles, de pénétrer dans le territoire et d'attaquer ces...
Lgén Raymond Henault: Oui, ça l'est. L'hélicoptère Apache n'a pas encore été utilisé, comme vous le savez probablement, et ne le sera pas avant une semaine ou deux, mais c'est exactement le genre de véhicule que ciblent les aéronefs qui opèrent dans ce que nous appelons les «zones d'engagement» du Kosovo: les blindés lourds, l'artillerie, les chars et ainsi de suite.
Le président: Monsieur l'ambassadeur, nous avons entendu dire que la campagne de bombardement a affaibli la détermination des Serbes entourant M. Milosevic, et qu'en fait, il n'y a peut-être pas de place pour la dissension à l'heure actuelle. Pouvez-vous, d'après l'expérience que vous avez acquise, nous dire...? À un certain moment, j'aurais cru, si j'avais été un Serbe siégeant à Belgrade, que la politique de M. Milosevic consistant à garantir la Grande Serbie ne fonctionne pas, que le Kosovo semblait disparaître, que le Monténégro pourrait se séparer, qu'ils ont déjà perdu la Croatie, la Slovénie etc. Que pense-t-on de la situation politique à Belgrade pour ce qui est de sa capacité de survivre étant donné ce dans quoi il a entraîné son peuple?
M. Raphael Girard: La campagne dans les premières étapes a certes consolidé dans le pays l'appui en faveur de Milosevic. Si vous pouvez généraliser, les Serbes considèrent dans l'ensemble ceci comme une attaque injustifiée contre la Serbie par des étrangers qui sont peut-être déterminés à faire du tort au peuple serbe. Leur réponse patriotique consiste donc à s'unir derrière leur chef même s'ils ne partagent pas ses politiques.
Le plus éloquent et le plus visible des critiques de Milosevic a fait des déclarations publiques à cet égard. Le chef de l'association des médias indépendants, qui n'a cessé de subir les attaques de Milosevic et de son régime au cours des derniers mois, a publié un article dans le New York Times il y a à peu près 10 jours en disant exactement que la campagne de bombardements n'a pas permis d'accroître à l'intérieur du pays l'opposition à Milosevic. Au contraire, les gens qui ne sont pas d'accord avec lui, doivent tenir leur langue et se ranger derrière lui dans ce qu'ils considèrent une attaque injuste contre la Serbie.
Le président: Mais il doit bien y avoir des théories ou des pensées politiques quant aux limites des dégâts que peut tolérer un pays avant de céder du terrain ou à tout le moins... Cela va ressembler à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Nous devrons dire que cela doit être une capitulation complète ou rien d'autre. À un certain moment... il s'agit là toutefois d'une autre question. Je ne vais pas me lancer sur cette question. Cela exige une très longue réponse.
M. Raphael Girard: C'est une situation très affligeante, croyez-moi.
Le président: Merci beaucoup, nous vous remercions de prendre le temps de venir nous rencontrer. Nous savons que vous êtes très occupés. Nous vous reverrons à 15 h 15. Merci.