FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le vendredi 30 avril 1999
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): ...merci, Gary! Je vais inviter nos témoins à s'en tenir à des déclarations liminaires d'une dizaine de minutes afin que nous ayons plus de temps pour les questions.
M. Peter Pellerito (président, Political Education Committee, Windsor and District Labour Council): Très bien, je vais essayer.
Encore une fois, sachez que j'apprécie l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous, parce qu'il s'agit d'une question très importante. Vous pourrez constater que le document que nous avons préparé nous a demandé beaucoup de travail, justement parce que nous estimons que cette question est très importante.
Je ne vais pas passer au travers de ce mémoire, mais j'espère que vous en prendrez connaissance de votre côté. Je commencerai par la première page où apparaît une citation de Mahatma Gandhi: «Le monde peut produire assez pour répondre aux besoins de tout le monde, mais pas suffisamment pour satisfaire l'avidité de tous». J'estime que cette pensée a un rapport direct avec l'objectif que vise le monde des affaires dans les négociations de l'OMC.
Je limiterai mes remarques à ce qui apparaît aux pages 10 à 12 et je terminerai par les recommandations que nous jugeons appropriées.
Le Congrès du travail du Canada vous a fait une présentation, il y a deux ou trois jours. J'ai lu son document et je puis vous dire que je suis entièrement accord avec son contenu.
Je me propose de commencer par nos conclusions et par nos recommandations.
Le Canada représente un riche marché pour les sociétés transnationales; cette situation nous a donné un certain pouvoir pour attirer les investissements. Or, par l'entremise d'accords commerciaux et de mesures unilatérales, avec tous les engagements qui s'y rattachent, nous avons renoncé pratiquement à l'ensemble de ce pouvoir. Avant de céder le pouvoir qui nous reste encore, en nous soumettant à des politiques élaborées «hors du Canada», il faut que quelqu'un formule un argument assez solide pour expliquer pourquoi nous permettons à des forces extérieures de déterminer ce qui constitue une bonne politique commerciale et ce qui est dans le meilleur intérêt des Canadiens et des Canadiennes.
À la suite de la crise financière qui a touché l'Asie—et qui a maintenant pris de l'ampleur—même des partisans de premier plan du commerce mondial et de la libéralisation des investissements mettent ouvertement en question l'intérêt de continuer sur la voie qu'ils ont choisie. Pourtant, bien des Canadiens et des Canadiennes craignent que le gouvernement ne soit déterminé à augmenter et non à réduire la participation du pays à la libéralisation du commerce et des investissements, c'est-à-dire à suivre le même parcours désastreux qui avait été prévu pour l'Accord multilatéral sur les investissements.
Nos collectivités ont subi les conséquences du modèle imposé par l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, l'ALE, puis par l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALÉNA.
L'ALÉNA a été la première entente commerciale internationale qui a accordé à des sociétés étrangères le droit de poursuivre en justice des gouvernements si une législation les empêche de réaliser des profits. L'agriculture, l'industrie, les programmes sociaux et d'autres aspects de notre vie à l'échelle du pays ont été sévèrement touchés par ces accords. L'ALE et l'ALÉNA ont modifié le visage du Canada.
Des décisions prises par l'Organisation mondiale du commerce se sont attaquées à notre capacité souveraine de promouvoir notre propre culture, d'établir des normes pour protéger l'environnement et de soutenir des collectivités, des investissements et des emplois durables, et tout cela au nom d'impératifs commerciaux de la mondialisation, de la privatisation et d'une vision économique fondée sur le laissez-faire. Si la libéralisation du commerce a sans aucun doute profité aux riches et aux puissants, elle a porté atteinte à la qualité de vie et aux droits démocratiques de la plupart des Canadiens et des Canadiennes.
Pour beaucoup d'autres gens dans le monde, la mondialisation de l'économie a eu des conséquences beaucoup plus dramatiques. Sous le régime de l'OMC, la libéralisation du commerce se poursuit de façon navrante. Il s'agit d'un modèle qui vise impitoyablement à abaisser les normes sociales et environnementales jusqu'à un dénominateur commun, puis à réduire ces normes encore davantage. Il en résulte une explosion de la pauvreté dans la majeure partie du monde.
Au Canada, le taux de chômage n'a pas diminué autant qu'on nous l'avait prédit avec l'ALE et l'ALÉNA, et maintenant avec l'OMC. La flore et la faune, l'air, l'eau... tout est menacé pour le profit.
La population canadienne doit être informée de la pression qu'exerce l'entreprise privée pour intervenir dans les programmes de soins de santé, d'éducation et de services sociaux; de l'argent des contribuables qui s'en va dans les coffres d'intérêts privés. Quelle sera l'efficacité de nos programmes sociaux pour la population canadienne s'ils sont liés au profit?
Compte tenu de cette situation, il est difficile de comprendre pourquoi notre gouvernement continue de viser la conclusion d'un tas de nouvelles ententes sur le commerce et les investissements, dont l'accord sur la Zone de libre-échange des Amériques, ZLÉA. Mais ce qui est encore pire, c'est que le gouvernement canadien semble être en faveur d'un élargissement du mandat de l'OMC pour inclure des dispositions à l'AMI en matière d'investissement, de marchés publics et de politiques de concurrence.
Dans l'ensemble de la documentation relative à la ZLÉA, il n'est fait aucune mention des questions les plus fondamentales qui sont touchées par toute entente commerciale, c'est-à-dire les questions liées aux travailleurs et aux droits de la personne. Depuis le début des années 90, le mouvement international des travailleurs oeuvre en faveur de l'inclusion, dans les accords commerciaux internationaux, d'une clause relative aux travailleurs qui obligerait les employeurs et les gouvernements à se pencher sur les violations fréquentes et répétées de droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses.
• 0905
Des normes du travail et des programmes sociaux de base
doivent faire partie de tout accord. Cela contribuerait à améliorer
les conditions de vie et de travail des travailleurs et des
travailleuses et donnerait lieu à une distribution plus égalitaire
du revenu à l'intérieur des pays. Selon cette approche dominante
fondée sur une économie libérale—incarnée par l'ALÉNA, par les
négociations sur la ZLÉA menées par de grandes sociétés
multinationales et par l'AMI, qui a été temporairement écarté—le
marché mondial va attribuer et créer par lui-même les meilleures
possibilités dans chaque pays. Or, le libre-échange ne comporte pas
uniquement une ouverture de notre part vis-à-vis du commerce
mondial; il comporte également la renonciation à notre rôle de
sujets actifs dans la détermination de notre avenir.
Ne laissons pas ainsi le marché décider pour nous. D'après ce point de vue, il n'est pas nécessaire pour nous d'imaginer le genre de société que nous voulons ou que nous pourrions être. Nous n'avons qu'à éliminer tous les obstacles au commerce mondial et le marché se chargera de nous offrir le meilleur de tous les mondes possibles.
Je vais revenir un instant sur mon mémoire. Je vous ai indiqué qu'il y a eu une conférence lors des délibérations de Santiago, une sorte de sommet auquel ont participé plus d'un millier de personnes. Je vous ai aussi parlé d'un livre dont je n'ai apporté avec moi qu'un exemplaire, parce qu'il me coûte 12 $. Je me suis dit que vous seriez sans doute plus en moyens que moi de vous l'offrir. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un excellent ouvrage intitulé Alternatives for the Americas: Building a People's Hemispheric Agreement. Je recommande aux membres du comité de s'en procurer des exemplaires et de le lire. On y apprend que...
Le président: On me dit que nous en avons un exemplaire.
M. Peter Pellerito: Très bien.
Le président: Ainsi, nous n'aurons pas besoin de vos 12 $...
M. Peter Pellerito: Merci.
Le président: ...puisque nous avons déjà dépensé cette somme.
M. Peter Pellerito: En fait, beaucoup m'ont réclamé cet ouvrage et je vais chercher un moyen d'en faire payer deux ou trois exemplaires par le Conseil du travail.
Donc, dans un passage, on apprend que, lors de cette réunion, le président Clinton a cité le Chili en modèle. Le lendemain, Luis Anderson, secrétaire général de l'ORIT déclarait que s'il fallait prendre pour modèle un pays où les enfants font la manche dans la rue, on ne prenait certainement pas le bon modèle. C'est, devait-il préciser, précisément ce qui se passe au Chili.
Bien, je vais revenir à mon exposé. Dans mon mémoire, je parle des conséquences du néolibéralisme au Chili en 1973, après le renversement du gouvernement Allende par les militaires, avec l'appui des États-Unis. Bref, comme je le disais, j'ai parlé de cette question et je crois que le livre que je vous ai cité traite de certains de ces aspects.
J'ai également repris un document traitant de la situation et de l'historique des négociations sur le libre-échange dans les Amériques. Il est intéressant de constater que les neuf groupes de négociation sont l'accès au marché, l'agriculture, l'investissement, les services, les marchés publics, les droits de propriété intellectuelle, les subventions—ce qui inclue l'anti-dumping et les droits compensateurs—les politiques relatives à la concurrence et les mécanismes de règlement des différends. Pas un mot sur les droits de la personne, pas un mot sur les droits des travailleurs et pas un mot non plus sur l'environnement! Il y a de quoi s'en inquiéter.
Nous voulons donc profiter de cette occasion, au tout début des audiences du Parlement sur les négociations de l'OMC et de l'accord sur la ZLÉA, pour bien faire connaître notre position.
Nous estimons que le gouvernement du Canada devrait interrompre les discussions visant à libéraliser davantage le commerce et l'investissement, notamment celles entourant l'accord sur la ZLÉA, pour s'engager dans un véritable dialogue avec les Canadiennes et les Canadiens sur les conséquences éventuelles de ce modèle de mondialisation économique. Il faut qu'ils se servent des prochaines négociations de l'OMC, dites du millénaire, pour réclamer un examen sérieux de ce qu'a véritablement donné, dans le monde, la libéralisation du commerce et de l'investissement. Il faut insister pour la tenue d'une évaluation exhaustive des incidences économiques, sociales et environnementales de la mondialisation de l'économie. Il faut continuer de dénoncer l'absence de démocratie et de transparence à cause de laquelle les sociétés transnationales ont de plus en plus de pouvoirs aux dépens de la société civile. Il faut appuyer la mise sur pied d'un groupe de travail OMC-OIT chargé d'étudier l'inclusion dans l'OMC d'un article sur les droits des travailleurs. Il faut exhorter l'OMC à accorder un statut d'observateur à l'OIT dans toutes les tribunes, et faire en sorte que les questions des droits des travailleurs fassent partie intégrante de l'examen des pays membres relativement à la politique commerciale de l'OMC.
Je vous remercie.
M. Gary Parent (président, Windsor and District Labour Council): Pour enchaîner sur ce que Peter vous a dit, dans le document qui est devant vous... J'aimerais, pendant un moment, parler d'une question plus locale ou de ce qui se passe dans la région. Sous le régime de l'ALÉNA et de l'Accord de libre-échange, nous avons assisté au départ graduel des emplois de la région de Windsor—Essex. Cette migration des emplois a débuté tout de suite après la signature de l'ALE, et Susan et Jerry se rappelleront certainement le cas de la compagnie Sheller-Globe, qui est allée s'installer au Mexique dès que l'accord autorisant ce mouvement a été ratifié.
Nos importations en provenance du Mexique ont augmenté de 50 p. 100 en 1988, c'est-à-dire après la signature de l'ALÉNA, pour atteindre 7,6 milliards de dollars. Toujours depuis la signature de l'ALÉNA—parce que n'oubliez pas que, quand nous nous demandions s'il fallait ou non adhérer à cet accord qu'on nous parlait des emplois qu'on allait pouvoir créer et de tous les produits qu'on pourrait exporter vers le Mexique—eh bien, depuis l'ALÉNA, nos exportations ont augmenté de 17 p. 100 pour atteindre 187 millions de dollars. Malheureusement, les craintes que nous avions énoncées à l'occasion de ce débat se sont pleinement réalisées.
Je ne prétends pas que le gouvernement cherche délibérément à transférer les emplois canadiens à l'étranger ou vers d'autres régions. Il est évident qu'il cherche à faire ce qui, selon lui, est le mieux pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes. Cependant, nous nous devons de voir examiner ce qui se passe sur le terrain. Je pourrais vous citer des centaines d'exemples d'emplois qui n'existent plus dans cette ville et je tiens à souligner au comité que ces emplois appartiennent à des secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre.
Prenons, par exemple, notre installation d'ébarbage, qui nécessite une main-d'oeuvre importante. Comme ce type d'opération soulève des préoccupations sur le plan de la sécurité, les administrateurs de la compagnie se sont dit qu'il serait peut-être tout aussi bien d'aller installer cette usine au Mexique où la réglementation en matière de sécurité et de santé au travail est moins exigeante. Voilà, c'est ainsi que ça se passe.
Je travaille pour Chrysler Canada et je négocie aussi avec cette compagnie. Ce n'est que grâce à la négociation collective que nous sommes parvenus à conserver notre opération d'ébarbage d'Ajax sur place. La société ne pourrait rêver mieux que d'envoyer cette opération dans le Sud. Avant, nous avions une loi qui protégeait ce genre d'emplois. Cependant, à cause des ententes diverses que nous avons négociées avec le reste du monde, à cause aussi de l'ALE et de l'ALÉNA, ce n'est n'est plus le cas. Nous devons donc être très prudents par rapport à ce que nous faisons ici.
Il peut sembler fabuleux de pouvoir raisonner en termes de mondialisation et d'essayer, à notre façon, d'attirer plus d'emplois au Canada pour écouler nos produits sur ces autres marchés. Cependant, si les travailleurs de ces autres pays vers lesquels nous exportons notre travail ne sont pas en mesure d'acheter ce que nous produisons... Prenons le Mexique pour exemple, parce que dans le cadre de l'ALÉNA, on produit davantage d'automobiles ou de véhicules dans ce pays vers qui nous n'en exportons pas autant pour la simple et bonne raison que les gens, là-bas, ne gagnent pas suffisamment pour pouvoir acheter les véhicules en question.
Ainsi, à l'occasion du Pacte de l'auto—et il faut se rappeler que Jerry et le collègue de Susan, M. Herb Gray, étaient au pouvoir à l'époque—nous avons voulu protéger les emplois des Canadiens et nous y sommes parvenus. Il faut s'inquiéter de la même chose dans toute cette question de commerce international, et la façon dont les fabricants d'automobiles japonais, selon nous... D'ailleurs dans les documents que vous avez...
Je félicite au passage le gouvernement de l'époque pour la position qu'il avait alors adoptée et pour le fait qu'il n'ait pas plié aux pressions des Japonais relativement à la réduction des tarifs. Il faut savoir, malgré tout—et sachez que nous suivons de près les discussions actuelles—que les Japonais et les producteurs étrangers pourraient recourir à un autre moyen pour s'imposer dans ce genre de forum et essayer de parvenir à leur dessein qui est d'inonder notre marché aux dépens des bons emplois, rémunérateurs, du comté de Windsor—Essex.
• 0915
Nous ne pouvons qu'inviter le comité à examiner les documents
que nous lui avons soumis. Il y est essentiellement question
d'emplois. Il y est aussi question de l'avenir de notre pays et de
cette ville.
Je pourrais vous citer d'autres exemples qui concernent l'administration municipale. Celle-ci veut confier une partie de ses travaux à l'extérieur, pas uniquement à l'extérieur de l'administration elle-même, à des entreprises canadiennes, mais à l'extérieur du pays, à des entreprises américaines. La municipalité est tenue à cela en vertu de l'Accord de libre-échange; si elle ne le faisait pas, elle se placerait en contravention des dispositions de l'ALE. Allons-nous devoir, maintenant, nous faire à l'idée qu'une entreprise américaine ramassera nos déchets et prendra nos bons emplois canadiens? Je ne crois pas que ce soit l'intention visée par ce comité. Je ne pense pas que ce soit l'intention d'un quelconque gouvernement au Canada.
Comme l'a si bien dit Bob White l'autre soir à la télévision, au sujet de toute la question de la mondialisation: Reste à savoir qui profite effectivement de tous ces accords de libre-échange. Ceux qui profitent des retombées de l'Accord nord-américain de libre-échange ou de l'Accord de libre-échange, ce sont les pdg, les détenteurs d'obligations, les détenteurs d'actions et certainement pas le Canadien moyen ni le travailleur moyen de Windsor. Dieu nous garde de jamais conclure un jour un accord de commerce international qui ouvrirait toutes nos frontières, parce que le peuple canadien serait l'un des grands perdants de la partie, ce même peuple que Jerry et Susan représentent. Je ne pense pas qu'ils aient intérêt à ce que cela se produise.
Merci beaucoup pour le temps que vous nous avez accordé. Nous espérons que vous tiendrez compte de certains des renseignements que nous vous avons communiqués.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Parent.
Avant de passer à M. Sands, dites-moi, monsieur Pellerito, vous avez dit que l'accord sur la ZLÉA ne renferme rien en matière de main-d'oeuvre ni d'environnement. Vous savez peut-être que sous la pression de la société civile, le Canada est un des pays a avoir le plus insisté sur cela. Soit dit en passant, nous nous heurtons à une importante résistance de la part des pays d'Amérique latine sur ce plan. Il est certain que la main-d'oeuvre, l'environnement et les droits de la personne sont des thèmes très importants pour la société civile. Voilà pourquoi nous nous heurtons à une telle résistance de la part de certains pays.
M. Gary Parent: Nous ne voyons là aucun problème. Ce qui fait problème, c'est l'application.
Le président: Certes, mais je ne veux pas que vous ayez l'impression que nous ne débattons pas de ces questions-là. On en parle à propos de l'accord sur la ZLÉA. C'est autre chose que de parvenir à les faire passer à l'avant-plan, mais nous insisterons en ce sens dans notre rapport.
Monsieur Sands.
M. Christopher Sands (directeur et chercheur, coordonnateur du Projet Canada, American Auto Project Americas Program, Centre for Strategic and International Studies): Merci, monsieur le président.
Je me réjouis de me trouver parmi vous. Comme j'ai grandi à Détroit, je me trouve en quelque sorte à revenir sur les lieux de mon enfance.
Je disais à la greffière du comité que ma venue ici présente un autre avantage: je vais pouvoir effectuer quelques recherches dans la région et passer la Fête des mères auprès de maman. En plus de tout ce que votre comité accomplit en venant à Windsor, vous allez rendre ma mère heureuse. Je vous en remercie donc du fond du coeur.
Le président: Nous sommes là pour essayer de répondre à toutes sortes d'intérêts, je ne savais pas que votre mère pouvait en faire partie, mais nous allons, sur ce plan également, essayer de faire de notre mieux.
M. Christopher Sands: Malheureusement, elle ne vote pas au Canada, sinon, elle se serait montrée très reconnaissante.
Je me réjouis de l'invitation que vous m'avez adressée. Je travaille pour une institution que certains d'entre vous connaissent, le Centre for Strategic and International Studies, qui est un groupe de réflexion de Washington. Au cours des deux dernières années, nous avons effectué une étude pour déterminer comment l'industrie nord-américaine de l'automobile s'ajustait à l'ALÉNA et ce vers quoi elle allait. Nous avons donc essayé de recueillir des données à ce sujet et, ce faisant, nous avons tenté de mesurer sa prospérité, ses points forts, ses points faibles, les ajustements pouvant être attribués à l'ALÉNA et ceux pouvant être simplement dus à l'évolution de l'industrie dans le monde entier. Nous avons essayé de faire la part entre ces divers aspects.
Avant de vous en faire un résumé, sachez que j'ai avec moi des exemplaires de cette étude que je serais très heureux de vous remettre et de remettre à mes cotémoins, si vous le désirez. Je serais heureux de les donner à votre greffière, si ce document vous intrigue. Le livre en question comporte un chapitre consacré au Canada et un autre à l'environnement, ainsi que tout ce que nous avons pu recueillir comme données sur le revenu, sur la productivité et sur bien d'autres choses. Mais plutôt que de m'écouter vous en parler, il serait sans doute mieux que vous lisiez ce livre; je crains cependant de n'avoir rien d'autre à vous proposer que mon témoignage et je me propose donc de m'ouvrir à vous par la parole et par l'écrit.
• 0920
Comme vous le savez, l'industrie de l'automobile—pour ce qui
est de sa production, de son rendement et de ses ventes de
véhicules en Amérique du Nord—connaît d'excellentes années depuis
l'entrée en vigueur de l'ALÉNA. Il est important de faire la
distinction entre l'ALÉNA et les autres accords. Comme mes voisins
viennent de vous le dire, l'industrie de l'automobile pratique
l'intégration depuis longtemps, en fait depuis 1965. Cela étant, il
peut-être difficile de faire la part entre les différents accords.
À bien des égards, l'ALÉNA n'est venu que confirmer l'orientation
que l'industrie avait déjà.
À cette époque, bien des gens s'interrogeaient sur la construction d'usines au Mexique. Cependant, si l'on prend le secteur de l'assemblage, on se rend compte qu'aucun grand industriel du domaine n'a ouvert d'usine dans ce pays, pour la bonne raison qu'ils étaient déjà installés là-bas avant la signature de l'accord. Dans cet ouvrage, nous avons donc essayé de faire la part des choses et d'établir des liens de causalité.
Il vaut également la peine de s'intéresser à l'industrie de l'auto—et je suis heureux de constater que vous consacrez un certain temps à ce sujet—surtout en Amérique du Nord. Non seulement cette industrie se taille la part du lion dans nos échanges canado-américains, mais elle représente de plus 40 p. 100 des échanges sur notre continent. Ainsi, l'industrie de l'automobile se porte bien, ce qui indique que l'économie américaine est en bonne santé, du moins pour ce qui est des échanges commerciaux. Si le commerce de l'automobile n'allait pas bien, il y aurait lieu de s'en inquiéter, parce que c'est dans ce secteur que notre morceau de tarte est le plus gros.
J'ai eu l'occasion d'examiner le mandat que M. Marchi, votre ministre, vous a soumis en février. Celui-ci prévoit l'évaluation des accords commerciaux. Je vais vous parler d'un outil que nous avons produit et qui permet de déterminer exactement si un accord commercial vous est bénéfique. On a tendance à se pencher sur des aspects très pratico-pratiques concernant la main-d'oeuvre à la base. Quand on procède ainsi, il devient difficile d'évaluer la retombée globale d'un accord, parce qu'on ne s'intéresse qu'à des cas très particuliers, très réels certes, mais non statistiques. Personnellement, je pense qu'on a plus de chance d'aboutir en adoptant un point de vue plus large, pour envisager ce qui se passe à l'échelle macro-économique, avant de tirer des conclusions pour telle ou telle industrie.
Le plus souvent, pour évaluer les accords de libre-échange, on examine la balance commerciale par secteur afin de savoir si les exportations et les importations sont équilibrées. Cependant, plutôt que de procéder ainsi, il est beaucoup plus constructif d'envisager les échanges sur un plan global, autrement dit de se demander ce qu'il en est de l'ensemble des exportations et de l'ensemble des importations canadiennes. En effet, les accords commerciaux ont tendance à naturellement spécialiser les pays. Ainsi, vous pourrez constater une diminution des emplois très manuels qui ne font appel ni à une compétence ni à une valeur ajoutée, mais dans le même temps enregistrer des progrès dans d'autres domaines.
Il faut donc prendre le plus de recul possible pour évaluer raisonnablement ce genre d'accord. Il faut examiner ce qu'il advient de la productivité de l'économie et des revenus des gens, sans établir de rapport direct avec telle ou telle usine.
Je ne vous lirai pas mon mémoire, mais je vais au moins vous donner une impression des conclusions que nous avons tirées sur la performance du Canada dans le domaine de l'industrie automobile nord-américaine. J'ai retenu cinq catégories. La première porte sur le commerce mondial. La deuxième concerne la productivité et le revenu.
Troisièmement, nous avons étudié les données concernant les échanges au sein de l'industrie elle-même et le phénomène de spécialisation. Nous avons décidé de nous intéresser à ce secteur, parce que les échanges infra-industriels sont particulièrement stables, qu'ils n'évoluent pas en dents de scie comme les transactions habituelles entre clients et vendeurs. Qui dit spécialisation, dit nécessité d'acquérir de nouvelles compétences dans les domaines choisis, de se doter des compétences susceptibles de vous rapporter.
Quatrièmement, nous nous sommes intéressés à l'effet des accords sur la position concurrentielle de l'industrie. Dans ce cas, nous avons examiné comment l'industrie canadienne se comporte sur le plan de la concurrence qu'elle livre au reste de l'industrie mondiale et dans quelle mesure elle est compétitive dans le cadre des accords commerciaux. Enfin, nous avons analysé les conséquences de ces accords sur l'environnement.
S'agissant d'échanges globaux, il est très net que le Canada se débrouille très bien. Vous en avez d'ailleurs eu la preuve dans le témoignage d'un de mes voisins, dans les tableaux qu'il a présentés. Je ne sais pas si vous avez la page en question, mais on peut voir que le Canada compte 12 p. 100 des emplois nord- américains dans le domaine de l'automobile, pour moins de 8 p. 100 du marché total nord-américain. Comme c'est le cas depuis 1965, on peut affirmer que le Canada produit beaucoup plus qu'il ne vend, ce qui n'est pas le cas pour les États-Unis, mais qui est également vrai pour le Mexique.
• 0925
Quand on analyse la question sous cet angle, depuis les États-
Unis, on se dit que le Canada ne se débrouille pas trop mal. Sa
part est équitable pour ne pas dire à son avantage. Je ne m'en
plains pas et je reconnais simplement que le Canada a prospéré
grâce à sa participation à une industrie intégrée. En effet, cette
industrie ayant connu de bons résultats, l'économie canadienne en
a profité.
Vous savez que les échanges commerciaux en général sont à la hausse et que le Canada se débrouille particulièrement bien dans le domaine des services. Certains de ces services ont un lien direct avec l'industrie de l'automobile et il faut dire que les compétences dont jouit le Canada lui sont également particulièrement utiles dans ce domaine.
Je vais vous parler un peu du Mexique. Nous avons attentivement étudié les chiffres concernant ce pays, chiffres que nous commentons dans cet ouvrage. Le Mexique n'importe pas autant qu'on le voudrait, en partie parce que les données dont nous disposons aujourd'hui—il faut dire au passage que nous sommes en retard dans les données, surtout pour le Mexique où le gouvernement est le seul à collecter et à traiter ces informations—continuent de montrer, dans une certaine mesure, les effets de l'effondrement du peso en 1995. On peut cependant affirmer que la reprise au Mexique n'a pas été aussi mauvaise que cela et qu'elle a même été meilleure que lors des dévaluations précédentes. Il n'en demeure pas moins que ce pays continue de se relever d'une dévaluation et d'une crise économique qui ont été très difficiles. Les revenus n'ont pas atteint les niveaux que nous aurions souhaités.
Un indicateur peut toutefois nous rassurer quant à l'avenir de ce pays—et cela est étayé dans notre document qui présente des chiffres utiles: la courbe d'augmentation des revenus dans le secteur de l'automobile au Mexique suit plus ou moins celle de la productivité. Il y a toujours un petit décalage à cause des conventions collectives—comme il faut en effet renouveler régulièrement les conventions, on progresse par étapes sur le plan des salaires, alors que la productivité, elle, suit une courbe uniforme—mais on chemine dans la bonne direction. Un écart demeure, mais il est en train de se combler, ce qui est un signe très positif, du moins dans le secteur de l'automobile au Mexique.
Il y a d'autres secteurs qui ne fonctionnent pas aussi bien et qui ne sont pas concurrentiels, mais celui de l'automobile marche très bien, car le revenu des travailleurs mexicains évolue dans le bon sens. Le Mexique n'est pas encore au bout de ses peines, mais il progresse bien.
• 0930
L'un des véritables points forts du Canada se situe sur le
plan de la productivité et des revenus. Je sais que vous avez eu
récemment un débat sur les données de productivité, mais il faut
dire que, dans le secteur de l'automobile, la productivité
canadienne est de classe internationale, qu'elle est tout
simplement extraordinaire. Plusieurs facteurs entrent en jeu ici.
Cette bonne performance est en partie due à l'investissement
réalisé dans la technologie, mais aussi, et je tiens à insister sur
ce fait, à l'investissement dans les compétences humaines. La main-
d'oeuvre canadienne est très compétente, elle est talentueuse et
elle a une grande valeur.
Au Mexique, les constructeurs automobiles se sont rendu compte qu'on ne trouve pas une main-d'oeuvre qualifiée à la première station d'autocars. On trouve, certes, des gens qui travaillent fort, qui sont prêts à faire de leur mieux, mais qui n'ont ni les compétences ni la formation voulue. Il n'est pas facile de construire une automobile, comme tout le monde vous le dira. Ce secteur exige compétence, expérience et connaissances. La main- d'oeuvre canadienne est un facteur important de la compétitivité soutenue du Canada.
Certains ont craint, à tort, que le Canada accuse un recul à cause de l'Accord de libre-échange canado-américain et de l'ALÉNA, parce que son industrie était géographiquement rattachée à celle des États-Unis. Si ce phénomène ne s'est pas massivement produit, c'est que le Canada a une forte productivité et une main-d'oeuvre très compétente.
Je vais vous lire un passage de mon mémoire dans lequel je cite la conclusion des professeurs Pradeep Kumar et John Holmes de l'université Queen's, qui ont examiné pour nous en détail l'industrie canadienne:
-
La modernisation de l'équipement des usines, l'application de
nouvelles technologies et la mise en place de techniques de
production rationalisées ont amené une rentabilisation et une
amélioration considérables de la productivité et de la qualité des
produits. Les gains de productivité ont été impressionnants à la
fois dans les opérations de montage des véhicules et, depuis 1991,
dans la fabrication de pièces et accessoires. Presque tous les
segments de l'industrie des pièces ont connu une hausse importante
de la productivité, en particulier au cours des cinq années 1991-
1995 en raison de l'augmentation cyclique de la production
—qui nous a également profité, et grâce à laquelle nous avons connu deux ou trois très bonnes années—
-
mais aussi des gains d'efficacité et de la meilleure utilisation
des moyens de production. L'amélioration de la productivité due aux
gains d'efficacité a été particulièrement élevée dans le secteur du
montage des véhicules, du câblage, de la fabrication et de
l'estampage.
Je tenais à insister sur cet aspect, parce qu'il dépeint une situation très positive. Pour ce qui est de la politique commerciale et de ses effets sur l'économie canadienne, force est de constater que l'industrie automobile est l'exemple d'une situation très intéressante—malgré quelques aspects éventuellement préoccupants—où le Canada et les États-Unis, en particulier, sont parvenus, grâce à leurs politiques commerciales, à faire beaucoup de bien à des industries qui ont employé des milliers de travailleurs des deux côtés de la frontière.
• 0935
Pour résumer, donc, la productivité dans le secteur automobile
est à la hausse. Pour ce qui est des salaires—et il en a déjà été
un peu question ici—la situation est plutôt mitigée. On a assisté
à des augmentations salariales dans le secteur de l'assemblage,
augmentations qu'on peut attribuer à la négociation collective. Par
ailleurs, les retombées salariales du côté des fournisseurs varient
beaucoup selon les conditions et la capacité concurrentielle des
divers acteurs.
Dans l'ensemble, les salaires demeurent constants. C'est au moins ça. On n'a pas, dans l'ensemble, assisté à un recul précipité des salaires et, sur ce plan également, j'estime important d'analyser globalement la situation plutôt que de se concentrer sur tel ou tel cas isolé qui, bien que décrivant des circonstances importantes, n'est pas forcément représentatif de la conjoncture générale.
Troisièmement, il n'est nul besoin de dire que l'industrie automobile nord-américaine a été caractérisée par la spécialisation et par des échanges intersectoriels, surtout entre le Canada et les États-Unis. L'industrie canadienne a une position compétitive généralement très forte. On s'en rend compte au fait que les sociétés japonaises investissent ici pour étendre leurs opérations d'assemblage. Les trois grands—ou plus exactement les deux grands plus Daimler-Chrysler, parce qu'on ne sait plus très bien au juste si cette société fait encore partie des trois—continuent d'investir de leur côté.
Le Canada n'a donc pas été abandonné à son sort, il n'est pas resté en arrière. Le Canada est un pays qui demeure compétitif sur la scène internationale. Encore une fois, j'établis un lien entre cet état de fait et la productivité qui joue beaucoup pour attirer ce genre d'investissements. Toujours sur cette question, je tiens à attirer votre attention sur le rôle des fournisseurs.
Il fut un temps où les fournisseurs n'étaient que des éléments secondaires de cette industrie. Il s'agissait de petites compagnies effectuant un travail de fabrication relativement secondaire, mais depuis, elles assument un rôle de plus en plus important, non seulement sur le plan de la production du contenu, mais également dans les domaines de la haute technologie, de la conception, de l'ingénierie et de la collaboration avec les fabricants pour concevoir les voitures qu'ils nous proposent. Au Canada, on dénombre un certain nombre de fournisseurs exceptionnels. Lear, par exemple, se débrouille très bien. La société a fait l'objet d'importants investissements. Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette entreprise, sachez que Lear fabrique les sièges et les intérieurs d'automobile. Il faut également mentionner les énormes investissements réalisés par Magna, un fournisseur de classe internationale détenu par des intérêts canadiens.
Ainsi, le secteur des fournisseurs est très important, même s'il est souvent éclipsé par les grands fabricants. Quand on songe, par ailleurs, à Delphi—le fournisseur maison de General Motors, qui est de plus en plus indépendant et qui va être vendu—ainsi qu'à Visteon—ancien fournisseur maison de Ford, qui a été restructuré en tant que société indépendante—on s'aperçoit à quel point la contribution de ce secteur est importante pour l'industrie dans laquelle le Canada est également très concurrentiel. Ainsi, le Canada obtient aussi d'excellents résultats sur ce chapitre.
Cinquièmement, nous finirons par les conséquences de la libéralisation commerciale dans le secteur de l'automobile sur l'environnement. Nous avons eu beaucoup de chance, à ce sujet, de compter parmi notre équipe de recherche M. John Kirton, de l'Université de Toronto, qui a d'ailleurs déjà témoigné devant votre comité. John a également travaillé auprès de la Commission pour la coopération environnementale, dont le siège est à Montréal, et il a étudié les règlements dans le domaine de l'environnement ainsi que leur application dans toute l'Amérique du Nord, notamment au Mexique. Après s'être intéressé ainsi à toute la région, il a formulé des conclusions—qu'on retrouve dans le livre—qui sont positives. Toutefois, ce constat positif ne concerne que l'industrie automobile, parce qu'il y a des raisons d'être inquiet au sujet d'autres secteurs. Nous avons cependant constaté que les gouvernements d'Amérique du Nord—c'est-à-dire au Canada, aux États-Unis et au Mexique, tant à l'échelon des États qu'à celui des provinces, y compris des États mexicains—sont en quête de normes qui leur serviront de modèle. En outre, ils comptent de plus en plus les uns sur les autres pour tout ce qui touche à l'évaluation de la pollution, à la réglementation et à l'application des règlements.
Dans le secteur de l'automobile, à l'invite des grands fabricants, la tendance est à une plus grande harmonisation. Les pays adoptent des normes de plus en plus exigeantes dans la région et se soutiennent mutuellement en matière d'application des règlements. On pourrait se demander pourquoi les grands fabricants encouragent cela, alors qu'ils pourraient peut-être profiter d'un abaissement des normes environnementales. Eh bien, dans la région nord-amérique, les entreprises sont préoccupées par le problème de la responsabilité civile. Il n'est pas logique, en effet, d'opter pour des normes moins exigeantes quand on risque d'en payer très rapidement les conséquences. Or, l'expérience nous enseigne qu'au Mexique, les gens estiment que ce sont les grandes sociétés américaines et canadiennes travaillant sur place qui ont le plus les moyens de payer. Ainsi, en cas de litige à la suite de dommages environnementaux, elles sont souvent appelées à payer le prix fort.
• 0940
La situation des fournisseurs nationaux mexicains, qui n'ont
pas accès à la technologie ni aux capitaux pour investir dans les
derniers progrès, continue d'être préoccupante. Vous savez sans
doute que, dans le domaine de la fabrication automobile, c'est
généralement grâce à des équipements incorporant les tout derniers
progrès technologiques, qu'on obtient les meilleurs résultats dans
la lutte contre la pollution. Le Mexique a été désavantagé sur ce
plan mais, grâce à des acquisitions réalisées par les entreprises
canadiennes et américaines—acquisitions qui ont été en partie
rendues possible par l'accès aux marchés des capitaux nord-
américains favorisé par l'ALÉNA—ce pays a réalisé d'importants
progrès sur ce plan.
D'après les données dont nous disposons, il est trop tôt pour se prononcer de façon définitive, mais je dirais que la situation est très encourageante et je me permettrais de conclure en vous recommandant d'analyser de très près l'industrie de l'automobile. Je le répète, la situation est très encourageante et il est bien d'avoir de bonnes nouvelles à communiquer, même s'il y a toujours un peu de travail à faire.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sands. Nous en sommes conscients.
M. Gary Parent: Monsieur le président, si vous me le permettez, je tiens à rassurer mon ami Chris que Daimler-Chrysler fait encore partie des trois grands et qu'elle le demeurera pendant encore longtemps.
M. Christopher Sands: J'en prends bonne note.
Le président: Je n'étais plus très certain de qui, selon lui, était passé devant, mais nous lui poserons la question plus tard. Quoi qu'il en soit, je ne crois pas qu'il s'agisse de Jaguar.
Merci de vous être rendu à notre invitation, monsieur Bondy. Nous commencerons par votre exposé, puis nous passerons aux questions. Essayer de vous en tenir à une dizaine de minutes, après quoi nous passerons aux questions.
M. Ken Bondy (président, Windsor Regional Environment Council, Canadian Auto Workers): Merci beaucoup.
Je vais être très bref. Le Conseil de l'environnement de la région de Windsor des TCA représente quelque 35 000 travailleurs de l'automobile canadiens de la région, dans les questions environnementales.
Nous avons bien sûr des choses à dire à propos des répercussions sur l'environnement, et je suis certain que, ce matin, vous avez pu constater que nous sommes très préoccupés par ce qui se passe dans le monde et par l'incidence des échanges internationaux sur notre travail quotidien et donc sur nos emplois dans l'industrie de l'automobile.
Cependant, aujourd'hui, nous axerons surtout notre propos sur l'effet que le commerce et les politiques commerciales a sur l'environnement, surtout sur la protection de l'environnement. Il est malheureux de constater—à l'analyse de certaines des politiques commerciales mises en oeuvre, ainsi que d'accords comme l'ALE, l'ALÉNA et le projet d'AMI—qu'on a adopté des politiques environnementales uniquement pour calmer certaines inquiétudes.
Eh bien, nous tenons à vous dire que, malgré les apparences, il n'est pas vrai que beaucoup se désintéressent des aspects environnementaux du commerce international ou semblent ne pas s'en inquiéter. De nos jours, un grand nombre de jeunes, qui trouvent les discussions sur les politiques commerciales plutôt ennuyantes, s'intéressent tout particulièrement aux volets environnementaux. Ils comprennent très bien qu'ils vont hériter des décisions prises aujourd'hui et qu'ils n'auront d'autres choix que de vivre dans le monde qu'on leur aura légué. Nous sommes conscients que beaucoup s'inquiètent de ces problèmes, et les jeunes nous posent énormément de questions sur ce qui va se passer et sur le genre d'avenir auquel il faut s'attendre.
Je le répète, nous sommes préoccupés par l'aspect environnemental des mesures adoptées, car les politiques commerciales sont loin de porter sur ce qu'il y a lieu de protéger. Et cela est particulièrement vrai dans cette province, l'Ontario, où le gouvernement a pris la décision catastrophique de vendre en vrac l'eau d'un de nos Grands lacs. Pour cela, il n'a consulté aucune des populations riveraines.
Nous estimons que toutes nos ressources naturelles, où qu'elles se trouvent au pays ou ailleurs, appartiennent à la population du pays ou de la province et pas à quelques politiciens qui croient avoir le droit de prendre ce genre de décisions en notre nom. Nous nous sommes beaucoup inquiétés de cette décision mais les gouvernements américains s'en sont tout de suite mêlés, à juste titre, pour essayer de renverser cette décision du gouvernement ontarien.
Quoi qu'il en soit, voilà un autre exemple de ce qui peut arriver quand on ne tient pas pleinement compte des aspects environnementaux des échanges internationaux, et Dieu sait où nous aurions pu aboutir dans ce cas. À l'aube du nouveau millénaire, l'environnement et les ressources naturelles, surtout au Canada qui est un pays très riche sur ce plan, vont devenir un instrument de troc très important et représenter une richesse que nous apprécierons d'autant plus que, dans le reste du monde, on constate un déclin de la qualité des ressources naturelles, de l'eau, de l'air, ainsi qu'un problème de déforestation. On constate une kyrielle de problèmes que nous imputons en partie à la forte poussée en faveur de la mondialisation du commerce.
• 0945
À nos yeux, l'industrialisation est en train de prendre le
dessus, sans forcément qu'on songe à tous les dégâts qu'elle
causera à l'environnement. À cause du désir effréné
d'industrialisation du monde des affaires, qui veut en outre
monopoliser les marchés, nous faisons disparaître de la surface de
la planète des espèces animales et végétales. Nous ne parviendrons
jamais à corriger certains des dégâts que nous avons ainsi
occasionnés et nous tenons à ce que l'on adopte des politiques
destinées à garantir la protection de l'environnement au plus haut
degré. Voilà ce que nous sommes venus vous dire aujourd'hui.
En Ontario, nous avons pu constater que le gouvernement provincial a atténuer ses règlements et ses politiques pour se conformer aux exigences de la mondialisation. D'ailleurs, on s'en rend bien compte à la lecture du rapport qui vient d'être publié par la commissaire à l'environnement de l'Ontario qui critique ce qui s'est passé dans cette province, par ailleurs très riche en ressources naturelles. Il lui reproche d'avoir déréglementé la protection de l'environnement dans le seul dessein de permettre aux sociétés de faire plus facilement des bénéfices. En fin de compte, nous savons bien que ce sont les générations à venir qui devront payer un prix très élevé pour tout cela.
Nous sommes donc très inquiets et nous sommes venus faire pression sur vous pour que l'environnement soit la priorité absolue dans toutes les décisions ou toutes les politiques adoptées. Nous sommes venus vous dire que nous voulons combattre pour protéger notre environnement; nous voulons même que l'on resserre les mesures en place et qu'on ne recule plus sur ce terrain, comme nous l'avons, je crois, fait au cours des cinq ou six dernières années.
Nous tenons également à dire que le principe du développement envers et contre tous, à tout prix, n'est pas forcément valable et qu'il risque, dans l'avenir, de devenir un problème encore plus aigu. Toute forme de développement devra être conditionnée à l'application de politiques de développement durable pour que nous n'endommagions pas la planète à outrance, pour que nous n'endommagions pas nos ressources naturelles, grâce à une politique de développement qui nous garantira que nous ne risquons pas de nous retrouver pas avec des terres sans un seul arbre.
Cela ne revient cependant pas à dire qu'il suffira, dans le secteur forestier par exemple—pour compenser des coupes à blanc effectuées sur quelque 150 hectares—de replanter de jeunes arbres. Ce n'est certainement pas la solution pour remplacer une forêt mûre de 200 ou 300 ans. Je vous ai donné cet exemple parce qu'au Canada, nous nous inquiétons beaucoup de ce qu'il arrive à ce genre de forêts dans les régions côtières, forêts qu'on rase littéralement au nom de l'industrialisation ou des profits des grandes sociétés.
Je conclurai sur cela en vous demandant, au nom de nos membres, de réfléchir très sérieusement aux incidences environnementales des politiques de l'heure. Ne négligez pas cet aspect. Pensez à ce que pourrait être votre avenir, celui de vos enfants et celui de vos petits-enfants et veillez à mettre en place et à faire respecter des règlements et des politiques écologiques, à l'heure où nous effectuons la transition à l'économie mondiale.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Bondy. Merci beaucoup.
Il nous reste donc un peu de temps pour les questions. Monsieur Obhrai.
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Merci, monsieur le président et merci à vous, messieurs, d'être venus nous faire part de vos points de vue. En ce qui me concerne, je dirais que nous prenons vos exposés très au sérieux. Vous nous obligez à réfléchir et je vous remercie donc d'être venus.
Ma question n'est pas une accusation, loin s'en faut. Je suis curieux et intéressé.
Vous représentez les travailleurs canadiens de l'automobile. Vous nous avez entretenus, avec raison, d'environnement et de tout le reste. Je veux simplement recueillir votre opinion, savoir ce que vous pensez. Christopher a parlé de... En fait, ce qu'il nous a dit à propos de la contribution positive de l'ALÉNA à l'industrie automobile va tout à l'encontre de ce que vous venez de déclarer. Lui aussi nous a fait réfléchir, tout comme vous. J'ai d'ailleurs été frappé par un des aspects qu'il a abordés.
Comme vous le savez, le Mexique est aux prises avec une crise profonde, affligeante. L'industrie de l'automobile est aussi l'un des plus gros pollueurs du monde et cela pourrait également avoir des répercussions très graves sur votre industrie. Christopher nous a dit une chose très intéressante: le Mexique est en train de resserrer ses normes environnementales parce qu'il veut accéder aux marchés canadiens et américains où les normes sont plus élevées. Donc, nos normes nationales sont déjà plus élevées qu'ailleurs. En outre, il est intéressant de constater que les normes mexicaines sont à la hausse. Que pensez- vous de tout cela?
M. Gary Parent: Eh bien, pour vous répondre très rapidement, il faut savoir que le Mexique n'a pas resserré ses normes autant que Christopher aime à nous le dire. Ce n'est d'ailleurs que sous l'effet des pressions exercées par les gouvernements canadien et américain que les Mexicains essaient de faire mieux au chapitre de l'environnement. Cependant, les Mexicains ont relâché leurs normes sur les plans de la santé et de la sécurité au travail, entre autres... S'ils intéressent à l'environnement c'est qu'à Mexico, par exemple, on ne peut même pas voir son interlocuteur dans la rue. Voilà ce qui se passe.
Je voudrais faire une remarque en passant, si vous me le permettez. Vous avez fait la part belle à Christopher en le laissant affirmer que les gains horaires dans le secteur de l'assemblage ont augmenté de 19 p. 100 entre 1985 et 1995. C'est ironique. C'est à la même période que nous nous sommes séparés des TUA aux États-Unis. Nos membres, au Canada, ont adopté un programme totalement différent de nos homologues américains. Nous voulions négocier de véritables salaires, pas des règlements forfaitaires, et nous ne voulions pas que nos salaires soient fonction des bénéfices. Les Américains, par le truchement de leur syndicat, ont décidé de faire autrement, ce qui les regarde, ils en ont tout à fait le droit. Mais c'est cela qui explique l'augmentation de 19 p. 100 qui, quant à nous, n'a absolument rien à voir avec l'ALÉNA ni avec le libre-échange. Cette augmentation est le résultat d'une certaine stratégie de négociation.
Il vous a également parlé du déclin des salaires horaires réels dans le secteur des pièces d'automobile. Eh bien, il faut savoir, que les fournisseurs ont été soumis à d'énormes pressions de la part des trois grands pour conserver leurs contrats. Ce sont les trois grands qui ont poussé les salaires à la baisse.
Je dois également ajouter que, dans cette ville—et Jerry et Susan doivent le savoir; un député a assisté à notre assemblée annuelle, hier soir—il y a 35 ou 37 agences de placement. Je trouve cela atroce. Je ne m'étais pas rendu compte qu'il n'y en avait autant ici, mais pourtant c'est bien le cas. Et vous savez ce qu'elles font, ces agences? Eh bien, elles font tourner leur main-d'oeuvre d'un fournisseur de pièces à l'autre. Les gens touchent 7, 9, 10, parfois 12 $ de l'heure, mais ils n'ont jamais d'emploi à temps plein et ils sont toujours à contrat.
• 0955
Alors, quand Mike Harris et les autres gouvernements en
place veulent prendre le crédit de la création d'emplois, il faut
savoir qu'il ne s'agit pas d'emplois à temps plein, bien payés,
dus à l'ALÉNA ou à l'ALE. Nos politiciens ont créé des emplois à
temps partiel et à contrat. Dans le mouvement ouvrier, nous nous
inscrivons en faux contre tout ce qu'on nous raconte à ce sujet.
Il y a une chose de vraie: les gains des pdg et les profits des
sociétés augmentent. En revanche, personne ne parle du pouvoir
d'achat des travailleurs.
Quand ils vous parlent des salaires horaires réels, vous disent-ils que, dans notre ville, nous comptons 35 ou 37 bureaux de placement? D'ailleurs, un tel bureau touche 14 $ de l'heure et le travailleur, soit dit en passant, n'est pas payé par le client de l'agence, c'est-à-dire par le fournisseur; il est payé directement par l'agence 7 ou 9 $ de l'heure. Ainsi, je ne suis même pas d'accord avec les chiffres avancés. Ainsi, les salaires reculent, mais je pense qu'ils reculent encore beaucoup plus qu'on nous le dit et je peux vous donner à ce sujet les exemples des comtés de Windsor et d'Essex que nous connaissons bien.
Je puis vous affirmer que cela m'a vraiment ébranlé, hier soir, quand j'ai appris que nous avions 35 ou 37 bureaux de placement. De plus, tout cela arrive après que le gouvernement fédéral a modifié le régime d'assurance-chômage au point que nos chômeurs ne sont plus conseillés et qu'on ne leur cherche plus d'emplois. Pourquoi le gouvernement ne se charge-t-il pas de caser les employeurs? Nous, nous estimons que c'est sa responsabilité! C'est la responsabilité du gouvernement, pas celle des bureaux de placement qui, quant à nous, ne font qu'arracher de l'argent des mains des travailleurs qui essaient simplement de faire valoir leurs droits à un emploi. Ça ne va pas! On nous ramène, à tort, à l'échelon local quand on analyse toute cette question. L'avenir de nos enfants et de nos petits- enfants ne sera pas brillant s'ils doivent être des travailleurs à contrat, passant d'un emploi à l'autre, plutôt que d'avoir des emplois réels, pleinement rémunérés, ce que nous voulons tous pour nos enfants.
M. Ken Bondy: Monsieur le président, j'aimerais répondre à ce que vient de dire Gary à propos de l'environnement.
Moi aussi, je trouve qu'il est ridicule d'affirmer que le Mexique a haussé ses normes environnementales pour profiter d'une plus grande libéralisation du commerce avec le Canada et les États-Unis. D'ailleurs, si le Mexique a, en théorie, l'une des législations les plus exigeantes d'Amérique du Nord en matière d'environnement, il faut se demander si celle-ci est appliquée. Ces lois-là sont-elles respectées? Eh bien non! Résultat: si nous réclamons des lois environnementales plus sévères au Canada et aux États-Unis, lois que les syndicats veilleront à faire appliquer par les ministères ou les organismes gouvernementaux, on nous menace... les travailleurs craignent maintenant que si nous allons trop loin en matière de protection environnementale—ce qui correspond pourtant à une meilleure protection de la santé—les entreprises américaines et canadiennes déménageront au Mexique. C'est ce que nous entendons en permanence. En fin de compte, il est vrai qu'en théorie le Mexique a d'excellentes lois pour protéger l'environnement, mais sont-elles vraiment appliquées? Ces lois sont-elles respectées? Non! elles ne le sont pas.
M. Deepak Obhrai: Je ne vais pas revenir sur ce que vous avez dit, votre remarque est excellente. Les lois sont là, mais il faut se demander si elles sont bel et bien appliquées. Nous sommes donc aux prises avec un problème d'application de la loi. On peut bien avoir toutes les lois qu'on veut sur papier, mais qui va les faire respecter? Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire à ce sujet pour le Mexique.
En revanche, pour revenir à ce que Christopher a dit, j'aimerais obtenir vos réactions... il est bien question de votre opinion et pas de la mienne. Je veux simplement savoir ce que vous pensez. Ainsi, ne pensez-vous pas que puisque les lois sont là, même si elles ne sont pas appliquées, les pressions associées au libre-échange et à d'autres aspects contraindront le Mexique à faire respecter les lois qu'il a adoptées? Le Mexique peut bien ne pas vouloir faire respecter les normes environnementales, mais il pourrait faire l'objet de pressions extérieures et, désireux de ne pas être exclu, on peut imaginer qu'il appliquerait les lois en question.
M. Peter Pellerito: J'aimerais dire un mot à ce sujet. Eh bien justement, ce n'est pas ce qui s'est produit et c'est cela le fond du problème.
M. Deepak Obhrai: Vrai!
M. Peter Pellerito: Toutefois, je pense que cela se produira dans l'avenir. Des pays membres de l'OCDE, ont essayé de faire adopter l'AMI. Il s'agissait d'un petit groupe de 29 pays qui voulaient essentiellement imposer au reste du monde les dispositions qui les intéressaient dans les accords commerciaux.
Il y a l'OMC, énorme organisation très musclée. Aujourd'hui, les sociétés transnationales disposent d'une tribune encore plus importante pour imposer leurs desiderata. Et pourtant, c'est l'inverse qui se produit. On parle de lois environnementales, de lois du travail... Le Mexique a parmi les meilleures lois du travail du monde, mais elles ne sont pas appliquées, parce qu'elles n'ont pas de prises. Ce faisant, ce genre de protection n'est pas assurée. Vous pensez que le libre-échange fera le travail? Eh bien, cela n'a pas été le cas jusqu'ici.
• 1000
Pour en revenir à certains commentaires de M. Sands, il faut
savoir que le dollar joue pour beaucoup dans la force relative de
l'industrie automobile canadienne, au même titre que la
conception actuelle des automobiles... Je veux dire par-là que
Chrysler dispose actuellement d'un excellent produit et que la
société vend toute sa production. Cet aspect là non plus n'est
pas négligeable. Et puis, il y a le marketing.
Si on analyse vraiment les choses, on se rend compte que l'ALÉNA n'a absolument rien à voir dans tout cela. En fait, des entreprises de l'Ontario ont déménagé au Michigan parce que les salaires y sont plus bas. L'ALÉNA n'y est pour rien. D'abord, l'ALÉNA est responsable de la diminution des salaires. Comme Kenny l'a dit, on nous a mis un pistolet sur la tempe en nous disant: «si vous ne pliez pas, nous allons déménager vos emplois ailleurs». Nous avons déjà vécu cela à deux ou trois reprises. L'usine de Volvo en Nouvelle-Écosse en est un excellent exemple. Voilà une société qui faisait de l'argent en Nouvelle-Écosse et qui employait 200 personnes. Ça ne paraît pas beaucoup, mais c'est énorme dans des villes d'une petite province comme celle- ci. Et savez-vous ce qu'a fait cette compagnie? Eh bien, elle a plié bagage au Mexique parce que les coûts de main-d'oeuvre y sont inférieurs et qu'elle va pouvoir ainsi réaliser plus de profits.
Quant à moi, les ententes de libre-échange ne sont valables que dans la mesure où les gouvernements s'occupent de leur population et insistent pour que les autres appliquent les lois qu'ils ont adoptées. Ni l'ALE ni l'ALÉNA ne permettent cela, en dépit de ce qu'on nous avait promis.
M. Gary Parent: Je viens juste de penser à une chose et j'aimerais vous faire une suggestion à propos de toute cette question. Tant que le Mexique et d'autres pays avec qui nous commerçons ne respecteront pas des normes que nous jugeons justes et équitables, nous devrions ne pas donner carte blanche aux sociétés pour déménager chez eux. J'aimerais que notre gouvernement dise, par exemple: «Excusez-nous, Chrysler, mais vous ne pouvez pas aller vous implanter là-bas. Excusez-nous, General Motors, mais vous ne pouvez pas aller ouvrir une usine là-bas»—on pourrait dire la même chose à IBM, à Nortel ou à d'autres.
J'en ai assez de voir, dans les médias, toutes ces sociétés qui déclarent quitter le Canada à cause des impôts, à cause des règlements, à cause de... Et pourtant, regardez leurs résultats nets: elles font des millions, voire des milliards de dollars de bénéfices. La seule raison pour laquelle elles veulent aller dans le Sud, c'est pour en faire encore plus. Pour en revenir à ce qu'a dit Peter au début, c'est la cupidité qui est à la base de tout cela. Ce n'est pas l'équité, ce n'est pas la justice. C'est la cupidité, la cupidité des grandes sociétés contre laquelle les gouvernements en place n'ont jamais rien fait pour essayer de protéger les Canadiens et les Canadiennes.
Il faut se demander, avec tous ces bouleversements que l'on constate dans le monde, aux dépens de qui nous sommes en train de scier la branche sur laquelle nous sommes assis. Nous affirmons que, jusqu'à présent, rien de tout cela n'a été favorable aux Canadiens. C'est pour cette raison—et je m'adresse notre voisin qui vient des États-Unis—c'est exactement pour la même raison que le mouvement ouvrier américain développe la même argumentation que la nôtre aujourd'hui dans toute la question du libre-échange et de l'ALÉNA.
Le président: Je vais vous demander de vous limiter à une trentaine de secondes, monsieur Sands, parce que nous avons déjà dépassé notre temps de beaucoup.
M. Christopher Sands: Très bien. De toute façon je ne veux pas relancer la polémique.
En réponse à votre question, je me contenterai de dire que l'industrie de l'automobile s'en sort bien mieux que d'autres secteurs. Aujourd'hui, j'ai simplement essayé de présenter la situation de l'industrie automobile. Étant donné sa grande taille, je pense qu'elle est un bon exemple de secteur où les choses fonctionnent bien. Par ailleurs, il convient de faire la distinction par rapport à ce que vous voulez... Il est évident que ce monde n'est pas parfait et qu'il conviendrait d'y améliorer bien des choses. Sinon, nous pourrions tout aussi bien supprimer les gouvernements et vivre heureux sans eux. Cependant, la politique commerciale n'a pas pour objet de se substituer aux politiques sociales; elle n'est pas là pour régler tous nos problèmes. La question est de savoir si elle a un effet positif ou négatif sur nos vies et comment nous y prendre pour intervenir attaquer au niveau des effets?
Comme M. Pellerito le disait, l'ALÉNA n'a rien à voir avec la bonne santé de l'industrie canadienne. Cependant, l'ALÉNA n'est pas sans avoir des répercussions, les unes bénéfiques, les autres néfaste. Ainsi, on se trouve à comparer en quelque sorte des pommes avec des oranges et je crois qu'il est important de l'admettre.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Madame Debien.
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Merci, monsieur le président.
• 1005
Bonjour, messieurs, et bon matin. Ma première question
s'adresse à M. Parent. La première recommandation que
vous faites dans votre mémoire est de demander au
gouvernement du Canada d'arrêter les
discussions sur les prochaines
négociations de l'Organisation mondiale du commerce.
Pensez-vous qu'il soit possible ou faisable
d'arrêter le train en marche depuis quelques années?
Nous avons rencontré cette semaine M. White du Congrès du travail du Canada. Il n'était pas allé aussi loin que cela dans le mémoire qu'il nous avait fait parvenir. Par contre, le Congrès du travail nous a demandé, dans ses recommandations, d'inclure toutes les clauses relatives au respect des droits de la personne et aux conditions de travail, les clauses sociales et toutes les questions environnementales. Il nous a aussi demandé que l'OIT puisse collaborer de façon très étroite avec l'OMC et que les travailleurs soient présents aux tables de négociation. Par quel mécanisme pensez-vous que cela pourrait se réaliser?
Ma deuxième question s'adresse à M. Sands. J'aimerais bien partager votre enthousiasme quand vous dites que le Canada se porte bien. Bien sûr, vous l'avez démontré dans le contexte de l'industrie de l'automobile.
Par contre, depuis que nous tenons ces audiences, nous avons entendu beaucoup de personnes, d'organismes et de membres de la société civile nous dire tout à fait le contraire. Bien sûr, vous avez parlé spécifiquement de votre industrie, alors que M. Parent et M. Pellerito nous ont fait entendre un son de cloche quelque peu différent.
Je vais vous donner un exemple très concret pour vous démontrer que l'industrie automobile ne se porte pas particulièrement bien au Québec. Je pense à l'usine de GM, à Sainte-Thérèse, qui devrait fermer ses portes bientôt. Cela implique, je crois, 400 emplois dans une toute petite communauté. Je me questionne donc quand vous me dites que l'industrie de l'automobile se porte très bien. L'industrie et les propriétaires de l'industrie se portent peut-être très bien, mais les travailleurs, eux, se portent-il bien?
Ma dernière question s'adresse à M. Bondy. Je voudrais lui demander un renseignement. On nous a dit que le gouvernement ontarien avait voulu vendre en vrac l'eau des Grands Lacs. Y a-t-il un organisme qui étudie cela? Au Québec, par exemple, le BAPE, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, se penche depuis quelques mois sur toute ces questions de l'exportation de l'eau, de la gestion publique de l'eau et de la préservation de cette ressource naturelle. On s'apprête à faire la même chose pour la forêt parce que le film L'erreur boréale a démontré que les forêts québécoises avaient aussi quelques problèmes. Y a-t-il des consultations publiques du gouvernement ontarien, comme on le fait au Québec, auprès des entreprises, de la société civile et des organismes sur la gestion des ressources ou est-ce que ce sont des décisions unilatérales du gouvernement ontarien? C'est une question d'information tout simplement.
Le président: Monsieur Parent.
[Traduction]
M. Gary Parent: Merci beaucoup de m'avoir posé cette question.
Je crois que lorsqu'on regarde toutes les données que nous avons rassemblées... Dans son exposé, M. Sands a dit que si l'on a réalisé beaucoup d'études, on n'a pas tiré de conclusions définitives quant aux répercussions globales de ces accords. Quand nous disons qu'il faut arrêter les discussions, nous affirmons, tout comme notre confrère Bob White, qu'il faut tenir compte de tous ces aspects dans toute négociation ultérieure. En attendant, tant qu'on n'aura pas complètement analysé les effets de l'ALE entre les États-Unis et le Canada et de l'ALÉNA entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, et tant qu'on n'aura pas consulté tous les Canadiens et toutes les Canadiennes...
• 1010
Il est très bien que nous ayons des entretiens de ce genre,
mais nous réclamons des consultations beaucoup plus larges que
celles qu'on nous accorde aujourd'hui à propos des audiences de
l'OMC. Nous voulons que la base participe, que toutes les
collectivités partout au pays aient l'occasion de nous dire en
quoi elles ont été touchées par l'ALÉNA et par l'ALE.
Vous avez parlé de la situation de Sainte-Thérèse. Eh bien, ce dossier est à mettre au compte de l'Accord de libre-échange. Si nous avions pu raisonner sur ce scénario il y a dix ans, avant de mettre le libre-échange en place, rien de cela ne serait arrivé pour une question de vente d'un certain produit, et nous aurions pu nous arranger pour que cette usine demeure ouverte... j'en suis sûr. Ce n'est qu'à cause de l'ALE et de l'ALÉNA que cette usine va fermer et nous estimons que c'est criminel, surtout pour la province du Québec. Quand on regarde ce qui se passe au Québec, vous avez raison, nous avons affaire à une très petite communauté qui dépend énormément de cette usine.
Je vais faire un plaidoyer. Je sais que le gouvernement fédéral a travaillé de concert avec celui du Québec pour essayer de conserver cette usine, mais je suis sûr que General Motors pourrait trouver d'autres produits à faire fabriquer là-bas, si Québec et Ottawa exerçaient suffisamment de pressions en ce sens. Mais connaissant General Motors comme nous la connaissons, rien de cela ne se passera parce que l'accord de libre-échange lui permet de fermer l'usine sans égard aux conséquences économiques pour cette petite collectivité.
C'est ce genre d'événement qui nécessite une véritable consultation afin que tous les Canadiens et toutes les Canadiennes soient bien au courant des effets du libre-échange sur leurs collectivités. Sainte-Thérèse est un exemple parfait de ce qui peut arriver à cause du libre-échange.
J'espère avoir répondu à votre question.
Le président: Merci.
Monsieur Sands.
M. Christopher Sands: Moi aussi, j'aime votre question. Je parlais tout à l'heure du niveau d'analyse et des défis que constitue le fait d'essayer de dresser un tableau d'ensemble pour se faire une assez bonne idée de ce qui se passe et pour éviter de s'appuyer sur des données non scientifiques. Si l'on veut savoir si les travailleurs s'en sortent aussi bien que leurs entreprises et que l'industrie en général, je crois important d'évaluer la situation telle qu'elle se présente, par rapport à ce qu'elle aurait pu être, en regard d'autres scénarios réalistes.
Ainsi, je ne suis pas d'accord avec mon voisin qui soutient que l'ALE a joué à la défaveur de Sainte-Thérèse. Personnellement, je pense que l'usine de Sainte-Thérèse n'est pas assez proche du centre de cette industrie. Elle est confrontée à des problèmes de distance, comme c'était le cas de l'usine de Volvo à Halifax.
L'industrie de l'automobile est très compétitive et l'on a vu ce qui s'est passé, à la fin des années 70 et au début des années 80, quand l'industrie nord-américaine n'était pas concurrentielle par rapport à l'industrie japonaise. Les constructeurs ont été obligés de réduire leurs effectifs et des travailleurs ont perdu leurs emplois. Par la suite, les sociétés sont devenues plus rentables, ce qui leur a permis de maintenir les emplois actuels.
L'autre solution, qui consisterait à permettre au gouvernement du Canada ou à d'autres de décider comment les propriétaires peuvent exploiter leurs biens et comment les gens peuvent utiliser leur capital, serait catastrophique pour l'industrie. Elle quitterait le Canada pour les États-Unis et elle quitterait même les États-Unis si nous adoptions la même position, pour aller ailleurs, là où les propriétaires de ces industries se sentiraient plus à l'aise. Personnellement, je pense que le gouvernement du Canada a trouvé un très bon équilibre puisqu'il est parvenu à influencer l'industrie pour qu'elle fasse de son mieux en se servant des leviers à sa disposition, tout en reconnaissant que le monde des affaires doit relever le défi des réalités du marché. On ne peut changer les réalités géographiques.
Lors du débat sur l'ALÉNA, nous nous sommes demandé quel effet cet accord pourrait avoir sur l'économie nord-américaine, à partir de 1993, en nous fondant sur un modèle qui était alors vieux de 20 ans. Il s'agit d'un modèle économique qui prend en compte certaines hypothèses, mais qui n'est pas parfait pour analyser l'avenir, parce que personne ne peut prédire ce qui viendra.
• 1015
En rétrospective, on peut se demander si nous aurions eu la
même obligation? Nous pouvons tirer certaines conclusions sur une
petite période, de 1993 à 1999, pour laquelle nous disposons de
certaines données, et nous sommes en mesure de voir ce qui s'est
effectivement passé. Quand on se demande si d'autres solutions
n'auraient pas été meilleures, il faut veiller à être réaliste.
Personnellement, j'affirme que nous nous débrouillons pas mal en vertu de l'ALÉNA, du moins aussi bien que nous aurions pu l'espérer et dans certains cas peut-être même mieux, surtout dans le secteur de l'automobile. On peut toujours imaginer d'autres solutions, mais il faut être réaliste et reconnaître que l'industrie exerce effectivement des pressions de nature concurrentielle sur ses fournisseurs et sur d'autres, et que ce sont là des éléments qu'on ne peut effacer d'un accord de libre- échange.
M. Gary Parent: Je me dois d'intervenir, parce que...
Le président: Laissez-moi vous expliquer une chose. D'autres attendent pour poser des questions. Mme Debien a posé trois questions pour lesquelles elle disposait de dix minutes et il se trouve que nous avons largement dépassé son temps. Si vous voulez vous lancer dans un débat, Mme Debien se retrouvera avec 15 minutes à sa disposition et mes autres collègues...
M. Gary Parent: Mais c'est important, parce qu'il parle des conséquences du libre-échange. Je me permettrais d'indiquer à mon éminent voisin que l'usine de Sainte-Thérèse fabrique des produits d'excellente qualité et que sa productivité est à la hausse. Par ailleurs, General Motors envisage de fermer son usine, elle dit qu'elle va construire trois autres usines, deux au Michigan et une au Mexique. Voilà ce que fait la compagnie, aux dépens des travailleurs de Sainte-Thérèse. Si les dirigeants de l'entreprise le veulent, ils ont la possibilité d'aller faire produire ailleurs ce que fabrique actuellement l'usine de Sainte- Thérèse.
J'affirme simplement que cette situation a été rendue possible grâce au libre-échange, et c'est condamnable. Le comité doit écouter et respecter ce type d'argument.
Le président: Nous avion bien compris la première fois. Ce que je veux dire, c'est que si vous vous lancez dans un débat, nous ne pourrons pas donner la parole aux autres. C'est tout!
Donc, monsieur Bondy, je vous invite à être très bref, parce que nous avons déjà dépassé notre temps de beaucoup.
M. Ken Bondy: Merci pour votre question. J'estime important de faire la comparaison entre le Québec et l'Ontario, parce que nous avons en commun de nombreuses ressources naturelles et que nous vivons des situations identiques.
En Ontario, sous le règne de ce gouvernement favorable à l'entreprise privée, nous avons assisté à une érosion complète du processus de consultation avec les citoyens. Je crois pouvoir attribuer ce phénomène au fait que le gouvernement estime que nous sommes des empêcheurs de tourner en rond. Les gens irritent nos dirigeants avec leurs commentaires, parce que, très souvent, nos préoccupations vont à l'encontre de leurs idéaux politiques. Or, plutôt que de nous consacrer un peu de temps pour nous écouter à propos de ce qui nous préoccupe, nos dirigeants semblent vouloir nous reléguer dans un coin pour nous y oublier.
Nous avons été témoins de cette dégradation. Le gouvernement a supprimé les allocations qui nous permettaient, avant, de participer aux débats et de contester certaines décisions prises à la faveur des grandes sociétés. Cela n'existe plus. Certes, le gouvernement de l'Ontario a désigné des forêts-parcs, mais il faut savoir que, sous sa gouverne—puisqu'il en conserve l'administration—on y pratique encore la déforestation et l'exploitation minière. Ainsi, de l'extérieur, tout semble bien aller parce qu'on a désigné des régions forêts-parcs, mais il y a des industries qui sont encore installées dans les bâtiments de ces parcs pour bénéficier de l'exploitation de nos ressources naturelles.
Le président: Merci beaucoup.
Je donne la parole à M. Pickard qui sera suivi de Mme Whelan.
M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Comme la plupart des remarques formulées aujourd'hui par nos témoins l'ont régulièrement été dans le passé, j'ai l'impression que nous n'avons pas simplement affaire à des préoccupations d'ordre local mais bien à des préoccupations à caractère national. Dans l'avenir, nous devrons veiller à intégrer, dans les accords commerciaux et dans tout ce qui s'y rattache, les questions concernant les gens et l'environnement. Tout cela est très évident.
Cependant, je suis convaincu que ce sera un défi très difficile à relever. Il n'en demeure pas moins que notre comité est ici pour essayer de recueillir le plus d'informations possible et pour conduire une consultation transparente afin de s'assurer que les Canadiens et les différents secteurs de l'industrie puissent raisonnablement faire valoir leurs points de vue.
Nous ne sommes peut-être pas parfaits. À l'heure actuelle, une partie de notre comité sillonne l'Ouest. Nous sommes allés au Québec et dans les provinces de l'Atlantique. Ce comité a tenu des séances à Winnipeg et en Ontario. Nous essayons de recueillir le plus d'informations possible en région de même qu'à Ottawa, car c'est un dossier très important.
• 1020
Pour ce qui est de l'industrie automobile à Windsor et de
l'industrie qui la soutient, nous avons affaire, comme l'ont
précisé MM. Parent et Bondy, à l'un des moteurs de ce secteur de
l'économie et à l'un des principaux éléments des échanges
commerciaux pour l'Ontario. Il est évident que ce secteur est
très important pour la nation tout entière, et je vous félicite
de nous l'avoir rappelé.
Il a été question de certains problèmes critiques que nous devons examiner avec soin. Gary, je suis heureux que vous ayez soulevé la question des contrats, parce que je crois que nous allons devoir nous pencher sérieusement sur tout ce problème des bureaux de placement et des contrats avec les travailleurs. C'est peut-être là une nouvelle tendance qui se dessine pour notre main-d'oeuvre. Beaucoup nous ont dit que les salaires inférieurs sont le résultat des conventions collectives et on ne peut pas forcément parler de progrès quand la baisse des salaires entraîne un fléchissement du niveau de vie des Canadiennes et des Canadiens, à cause des ententes commerciales que nous avons signées. J'estime qu'il nous faudrait examiner de très près la façon dont les accords que nous avons signés et ceux que nous signerons plus tard influent sur le revenu et la sécurité des Canadiens, des Américains, des Mexicains et d'autres. Je trouve cela très important, car nous voyons bien que c'est un phénomène réel. Nous l'avons constaté dans un grand nombre d'entreprises.
Quant au problème de l'eau qu'a soulevé Ken—sachez que personne à ce comité n'a appuyé le point de vue du gouvernement provincial dans ce cas et soyez assuré que nous avons tous été inquiété de voir ce qui se passait; encore une fois, nous ne pouvons pas tout contrôler. Le système n'est pas parfait, mais il y a tout de même eu un retour de flamme parce que les gens ont été inquiétés par la vente possible d'eau en vrac et de ressources de ce genre. Personne n'a dit qu'une telle chose était acceptable, pas plus les témoins que les membres du comité; tout le monde a réagi de façon négative.
J'aimerais que nous parlions d'une question qui fait suite à une des remarques de M. Sands. Il s'agit de la proximité des usines par rapport aux centres industriels et aux marchés. Vous avez dit que Sainte-Thérèse et Halifax étaient éloignés du marché. Dans le même souffle, vous nous avez affirmé que si une usine fermait ici, une autre s'ouvrirait au Mexique que je trouve personnellement encore plus éloigné du centre industriel et des marchés. Ainsi, on déménage des usines très très loin, alors que dans le même temps, on en ferme d'autres—comme celle de Sainte- Thérèse que je ne trouve pas aussi éloignées que cela—pour des considérations...
Vous pourriez peut-être m'aider à mieux comprendre en quoi la distance influe sur ce genre de décision, quand on veut également construire une usine compétitive au Mexique.
M. Christopher Sands: Tout cela ne se ramène pas à une simple question de distance. Il existe en effet de petits bassins de spécialistes de l'assemblage, de fournisseurs évoluant dans des petits secteurs ou l'on a regroupé des compétences. La tenue d'un inventaire juste à temps dépend de l'infrastructure avoisinante, de la proximité des installations et de leur capacité de fournir le matériel nécessaire, et donc d'éviter qu'on entrepose trop de pièces à la fois.
Les installations les plus éloignées au Mexique sont situées dans la région immédiate de Mexico. C'est là qu'on retrouve les usines de Volkswagen et de Nissan, qui sont installées là-bas depuis longtemps. Dans les premières années de la conquête de l'industrie automobile, le gouvernement mexicain avait en effet encouragé le secteur automobile à venir s'installer autour de la ville de Mexico, ce qui explique qu'on y trouve aujourd'hui un bassin de fournisseurs mexicains. Les compagnies nord- américaines—les trois grands puisqu'on inclut de nouveau Daimler-Chrysler—sont plutôt situées dans le Nord du Mexique, à proximité de certaines usines du Texas, du Missouri, du Kansas et de l'Oklahoma. On trouve dans ces États une ceinture industrielle sur laquelle ils peuvent se connecter.
• 1025
Il est vrai que Sainte-Thérèse n'est pas au bout du monde,
et ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, mais l'usine est dans une
situation délicate parce qu'elle est située à la périphérie du
centre. Je dirais que c'est un des facteurs qui joue contre elle
et l'ALÉNA n'y est pas forcément pour quelque chose; dans tous
les cas de figure, Sainte-Thérèse se serait retrouvée dans une
situation difficile. Voilà ce que je voulais dire.
M. Jerry Pickard: Pourrais-je vous poser une deuxième question, moi aussi? Elle concerne ce que nous avons entendu à propos de la main-d'oeuvre et de ses coûts. Bien des emplois chez les trois grands et dans d'autres usines de l'industrie automobile ont été très payants dans le passé, mais après une restructuration, les usines des fournisseurs ont proposé des emplois relativement moins payés. Il faut reconnaître que le milieu ouvrier a critiqué le fait que certains emplois payants soient détournés des grandes usines, parce qu'on confiait une partie du travail aux fournisseurs offrant des salaires moins élevés, tout cela au nom du profit. On peut dire que cela a marché à court terme.
Qu'en pensez-vous, monsieur Sands?
M. Christopher Sands: Dans une certaine mesure, chaque fournisseur cherche à obtenir des contrats sur la base du prix, ce qui se répercute dans le coût des véhicules vendus, raison pour laquelle les assembleurs cherchent à conclure des contrats au plus bas prix possible. Ainsi, les fournisseurs sont soumis à une pression pour livrer leurs éléments au plus bas coût possible. La main-d'oeuvre étant l'un des coûts d'intrant, ils cherchent à réduire les salaires. Ce faisant, le fournisseur qui offrirait un salaire supérieur à ses employés risquerait de perdre le contrat aux mains d'un de ses concurrents qui, lui, aurait négocié des salaires inférieurs. Ce milieu est naturellement très compétitif, sans égard aux dispositions découlant des politiques commerciales.
Pour en revenir à la question du député au sujet des profits, il faut savoir que la main-d'oeuvre américaine est beaucoup plus disposée à accepter une rémunération qui soit fonction des profits, à accepter que ses salaires soient liés... Tout cela est très controversé; il est vrai que, s'agissant de revenus, il faut tenir compte des salaires mais également des accords ayant permis à l'industrie de faire profiter ses travailleurs de sa rentabilité, d'une façon plus directe et plus souple que dans le cas du régime canadien, qui a résisté à cette nouvelle façon de faire.
M. Jerry Pickard: Mais à long terme, ces mouvements ne vont- ils pas empêcher les travailleurs d'obtenir de bons salaires et de profiter de la prospérité de leur industrie? C'est là le fond du raisonnement du monde ouvrier. J'estime qu'il faut en tenir compte dans nos négociations. Pourriez-vous brièvement réagir à ce sujet?
M. Christopher Sands: Nous ferions une erreur si nous ne nous soucions pas de l'effet des accords commerciaux sur les gens. De toute évidence, c'est important. Mais j'aimerais faire la part, dans une certaine mesure, entre les pressions qui s'exercent sur l'industrie à cause des accords et celles qui seraient de toute façon présentées en l'absence de tout accord, pour voir si les décisions que vous prenez relativement aux accords de libre-échange peuvent effectivement améliorer la situation.
Il faut reconnaître, dans une certaine mesure, que l'industrie progresse, massivement et rapidement, dans une certaine direction et qu'il sera très difficile pour le Canada, à lui seul, d'infléchir certaines des tendances générales. Ainsi, je ne ferai pas peser trop de responsabilités sur vos épaules—parce que vous ne pouvez pas changer le monde—mais d'un autre côté, je ne vous exempterai pas de celles que vous avez envers les travailleurs et qui consistent à faire tout ce que vous pouvez pour eux.
Il est donc question de parvenir à un équilibre et de déterminer où se situent exactement les responsabilités, pas tellement en ce qui concerne le gouvernement, mais bien en regard de tous les facteurs propres à l'industrie.
M. Gary Parent: Si vous me le permettez, monsieur Pickard, je trouve que M. Sands vient de formuler l'argument le plus fort qui soit, celui que nous avançons depuis très très longtemps sur la question du contenu. Il vient de nous dire que l'usine de Sainte-Thérèse est en situation de porte-à-faux notamment parce que toutes les pièces des fournisseurs sont fabriquées dans le Sud. Qu'y a-t-il de mal avec les pièces des fournisseurs du Québec ou de l'Ontario ou du Nouveau-Brunswick? Qu'y a-t-il de mal avec le fait que des fournisseurs soient situés dans ces coins-là? La raison est simple: la société General Motors s'intéresse surtout à la rentabilité de ses fournisseurs qui offrent des salaires nettement inférieurs. Tout est une question de chiffres en bas du bilan.
Voilà pourquoi nous nous sommes tant battus sur la question du contenu. Il faut négocier un contenu canadien.
Il faut également dire que l'usine de Volvo ne faisait fabriquer que très peu de pièces au Canada, aux États-Unis et au Mexique, parce que tout venait en prêt-à-monter de l'étranger. Les 200 travailleurs de l'usine de Volvo se contentaient d'assembler les morceaux. Ainsi, le véhicule fabriqué là-bas ne comportait aucune pièce canadienne. La seule raison pour laquelle ces 200 emplois se sont retrouvés au Mexique, c'est que Volvo peut y réaliser plus de profits en faisant assembler ses véhicules par des travailleurs mexicains.
Mme Maud Debien: Il y a une explication et je la donnerai plus tard, mais la raison de la fermeture n'est pas celle qui vient d'être mentionnée. Ce n'est pas une question de distance et de fournisseurs. C'est une tout autre raison et je pourrai la donner à M. Pickard plus tard.
Le président: Cela n'a rien à voir avec la politique du gouvernement du Québec?
Mme Maud Debien: Pas du tout.
Le président: D'accord. On exclut cela aussi.
[Traduction]
Madame Whelan.
Mme Susan Whelan (Essex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur Graham.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Je ne siège pas régulièrement à ce comité et je n'ai donc pas toute l'expérience de mes collègues. J'ai raté une partie des témoignages, mais j'ai tout de même deux ou trois questions à poser.
Ma première s'adresse à M. Sands. J'ai parcouru votre mémoire et je vous ai écouté. Vous avez parlé de la croissance des cinq dernières années, depuis l'entrée en vigueur de l'ALÉNA. Je me demande, quand vous avez fait cette étude et préparé votre document. Vous êtes-vous penché sur ce qui s'est produit au cours des 30 dernières années et si vous avez tenu compte des différents cycles?
M. Christopher Sands: Dans ce cas en particulier, nous avons examiné les effets de l'ALÉNA et avons donc remonté avant 1993; dans d'autres cas, selon les données disponibles, nous sommes remontés jusque dans les années 80. Nous n'avons pas fait un long retour en arrière, sauf dans quelques domaines où nous sommes allés jusqu'en 1965, mais nous n'avons pas jugé nécessaire de remonter jusqu'en 1900. C'est, dans une certaine mesure, l'absence de données qui nous a limités dans nos travaux, mais nous ne sommes pas remontés très loin en arrière parce que nous nous sommes surtout intéressés aux effets de l'ALÉNA. Nous nous sommes donc livrés à quelques séries chronologiques, mais pas beaucoup.
Mme Susan Whelan: Pour vraiment étudier les répercussions de l'ALÉNA, en adoptant un point de vue clair que je qualifierais de raisonnable, j'estime que vous auriez dû remonter plus loin dans le passé et étudier toutes les données disponibles, puisque l'industrie de l'automobile connaît des cycles. Nous sortons de la mini-récession des années 90 et nous entrons dans une vague de prospérité.
De ce que j'ai retenu de ma participation au comité de l'industrie et des échanges que j'ai eus avec les représentants des banques, je sais que celles-ci s'intéressent au comté de Windsor—Essex, pour voir comment se porte la région ou plutôt comment elle a réagi dans le passé. Cette région s'est légèrement diversifiée maintenant qu'il y a le casino, mais avant elle dépendait—elle dépend d'ailleurs encore beaucoup—de l'industrie automobile à laquelle elle contribue énormément.
Mais tout cela obéit à un cycle et quand il y a des ralentissements de l'économie, les banques examinent d'abord ce qui se passe à Windsor, parce que nous sommes les premiers à entrer en récession et normalement les premiers à en ressortir. Tout cela dépend de l'importance de l'industrie automobile pour le Canada et pour l'Ontario.
Ainsi, quand on prend les statistiques pour déterminer les effets de l'ALÉNA, je ne pense pas qu'on puisse tirer des conclusions probantes sur ce qui s'est passé jusqu'ici sans se livrer à une analyse globale de la situation de l'industrie, parce qu'elle subit des cycles. Elle quitte une période de repli pour entrer dans une période porteuse. On pourrait regarder en arrière ce qui s'est passé durant les périodes de récession antérieures, dans les années 70 et les années 80. Ainsi, pour se livrer à une véritable analyse...
Par ailleurs, on parle beaucoup de l'entente de libre- échange. En réalité, nous effectuons déjà 75 à 80 p. 100 de nos échanges avec les États-Unis sans entrave, avant même cet accord sur le libre-échange. Je ne sais même pas pourquoi on l'a appelé ainsi, parce que nous pratiquions déjà une forme de libre échange avec nos voisins dans un grand nombre de secteurs.
Je sais que certains secteurs ont plus retiré que d'autres des accords et qu'il y a eu des répercussions sur certains accords commerciaux, mais quand on a affaire à une industrie comme celle de l'automobile, qui est un des moteurs de l'économie ontarienne et même du Canada, je ne pense pas qu'on puisse véritablement examiner la situation et se livrer à une analyse en s'intéressant à un seul segment. Pour bien faire, il faut effectuer une analyse sérieuse et examiner comment les choses ont évolué dans le passé. Par ailleurs, elles évoluent en permanence.
Certes, bien des choses ont changé quand nous sommes passés au système de livraison juste à temps, mais la réalité profonde n'a pas changé. J'espère que, lorsque le prochain cycle de ralentissement économique surviendra, la situation ne sera pas aussi grave que la dernière fois. J'espère que nous avons appris du passé et que les gains d'efficacité que nous avons réalisés nous permettront de passer plus facilement au travers des prochains replis de l'économie.
Cela dit, il y a des choses qui changent, il y a des choses à apprendre et il y a des enseignements à tirer. Je sais que les représentants des TCA ont tiré des enseignements de leur côté et qu'ils ont évolué, et je sais tout ce qu'ils ont retenu des expériences passées. Ainsi, à propos de ce type d'analyse, j'espère que le comité se rendra compte que vous ne pouvez pas simplement isoler des tranches de temps pour conclure que les échanges commerciaux ont donné lieu à tel ou tel avantage.
• 1035
Vous avez dit par ailleurs qu'il fallait tenir compte de ce
qu'il peut advenir des gens dans le sillage de ce genre d'accord
commercial. Eh bien, j'estime que ce devrait être tout à fait
l'inverse, autrement dit que les accords commerciaux devraient
tenir compte des gens. C'est sur eux qu'on devrait se concentrer
et qu'on devrait axer tous les bénéfices recherchés. Quels
bénéfices les peuples des pays signataires de ces accords
retirent-ils?
L'accord de l'OMC a été ratifié par plus de 120 pays. Or, combien d'entre eux pratiquent véritablement des échanges multilatéraux? Combien d'entre eux ont des produits à écouler dans le reste du monde, hormis quelques menus articles? Pourtant, nous sommes en train de parler d'une entente qui aura des répercussions très profondes sur plusieurs industries. Or, seuls quelques acteurs autour de la table en retireront un maximum. Les autres vont acquiescer, même s'ils n'ont rien à vendre. Ces accords doivent porter sur les gens et sur les bénéfices les concernant.
Ainsi, j'espère que, dans l'avenir, vous effectuerez une véritable analyse de tous les secteurs. J'espère, pour l'OMC et pour les travaux de ce comité, qu'on se concentrera sur cela.
Tout à l'heure, M. Graham a dit qu'il fallait s'intéresser tout particulièrement, et je pense qu'il a raison, à l'environnement et au monde du travail. Eh bien, pour cela, nous devons savoir quel chemin nous avons parcouru et celui qui nous attend.
Pour reprendre ce qu'a dit M. Bondy, l'environnement est un élément déterminant à prendre en compte dans notre analyse des accords commerciaux et de l'orientation que nous devons prendre à partir de maintenant. Pouvons-nous aller plus loin avant d'avoir harmonisé nos lois en matière d'environnement? Vous savez, je préside le caucus libéral d'Ottawa et je dois vous dire que le Canada et les États-Unis n'ont pas harmonisé leurs lois en matière d'environnement. Nous n'avons pas les mêmes lois que les Américains pour les carburants. Nous voulons conserver, au Canada, une industrie automobile solide, même si nous n'avons pas réalisé l'équilibre. Ainsi, je me demande si nous devrions négocier d'autres règles commerciales avant d'avoir réglé ces questions fondamentales, dont l'une est l'environnement.
Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Christopher Sands: Très brièvement, parce que nous sommes pressés par le temps. Personne ne plaint jamais les économistes, mais sachez qu'il nous est difficile de délimiter une période pour nos analyses. Nous nous en remettons au peu de données disponibles et, pour aller dans votre sens, j'ajouterai que plus on découvre de données et plus on se rend compte que toutes sortes de facteurs entrent en jeu par ailleurs. Il devient de plus en plus difficile, dès lors, de tirer des conclusions sur des séries longues. Cela étant, nous nous sommes concentrés sur les périodes encadrant la signature de l'ALÉNA, parce que nous avons estimé que c'était les plus représentatives. J'admets cependant que des séries chronologiques plus longues permettent de tirer d'autres types de conclusion.
J'ai quelque chose d'autre dans mon mémoire, ici, que je ne vous ai pas mentionné tout à l'heure, mais que je me propose de vous dire maintenant. Les gouvernements, et en particulier le fédéral, pourraient nous aider sur le plan des données. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il est difficile d'obtenir de bonnes données sur cette industrie, des données qui puissent être comparées les unes aux autres entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
Le Canada fait d'ailleurs un excellent travail avec Statistique Canada. Aux États-Unis, la collecte des données est beaucoup plus fractionnée. Au Mexique, on a de la chance quand on en obtient. Peu importe l'objet que vous poursuivez, que vous soyez favorable ou défavorable au thème étudié, il est essentiel de s'appuyer sur de bonnes données pour se livrer à une bonne évaluation. Ce serait extraordinaire de pouvoir s'appuyer sur des données comparables et les Canadiens pourraient d'ailleurs montrer la voie. Vous savez, nous avons vraiment besoin de meilleures données.
Voilà, je viens d'exprimer la plainte d'un économiste, mais personne ne compatit avec nous.
Mme Susan Whelan: Ce que vous venez de me dire m'inquiète. Nous sommes en train de prendre des décisions et de nous engager sur la foi de données certes comparables, mais qui ne reposent pas sur les mêmes paramètres. En tant que personne pour qui ce genre d'accord devrait être conclu, je rejoins tout à fait l'avis de M. Parent.
Lui et moi ne sommes pas forcément d'accord sur tout, mais nous convenons au moins que les gens sont importants et que les accords commerciaux doivent les concerner au premier chef. Je crois que les échanges commerciaux sont nécessaires. S'il y a un secteur qui a bénéficié de tels échanges, c'est celui de l'automobile, et Gary pourra certainement me donner raison à ce sujet...
M. Gary Parent: Je suis tout à fait d'accord avec vous sur cela.
Mme Susan Whelan: ...et Daimler-Chrysler a été l'un des grands gagnants.
Nous avons certes eu des craintes à propos de l'ALÉNA, la principale venant d'un secteur que je connais bien, celui du vin au Canada, parce que c'est une industrie naissante. Ce secteur s'est défendu et s'est battu becs et ongles. Il a réussi à décrocher l'appellation VQA pour son marketing, mais la lutte a été rude.
D'autres n'ont peut-être pas eu les moyens de se battre aussi fort pour résister à certains changements. Notre nation doit avancer et nous devons admettre que le commerce mondial n'a rien de nouveau. Il a débuté le jour où l'on a découvert le Canada ou l'Amérique du Nord. Les découvertes d'alors étaient essentiellement affaire de commerce. Il ne faut certainement pas s'imaginer que nous avons inventé les échanges internationaux, parce qu'ils remontent à bien longtemps. Mais voilà, nous devons continuer à progresser et nous devons nous demander en fonction de quels paramètres nous allons le faire tout en protégeant l'environnement, les emplois et les consommateurs canadiens et en veillant à ne pas céder tout le contrôle à quelque société géante.
• 1040
Voilà quelles sont mes inquiétudes et j'aimerais savoir si
M. Parent et M. Bondy veulent ajouter quelque chose.
M. Gary Parent: Je suis d'accord. Je ne vois rien d'autre à dire.
M. Ken Bondy: Je suis également d'accord. Je tiens à dire que Susan a joué un rôle très important quand elle a été notre avocate-conseil. Elle a démarché le gouvernement fédéral et elle est parvenue à dépénaliser le chanvre industriel. Sur le plan commercial, ce déblocage sera très intéressant pour toute l'Amérique du Nord. On peut espérer, à partir de cette percée, pouvoir écouler ce produit aux États-Unis, par exemple. Malheureusement, comme les Américains ne savent pas ce à quoi peut servir le chanvre industriel, cette plante est absolument interdite là-bas.
Il serait donc intéressant d'envoyer aux autres pays un bon message environnemental en matière de commerce.
Le président: Très bonne remarque, monsieur Bondy. Mais veillez à ne pas avoir de boulette de chanvre industriel dans la poche quand vous traversez la frontière. Vous risquez de ne plus pouvoir la repasser après.
M. Ken Bondy: C'est vrai.
Le président: Vous avez tout à fait raison, les Américains sont nerveux à propos de produits que nous jugeons comme étant absolument normaux; en revanche, vous pouvez toujours vous promener là-bas avec un pistolet, une mitraillette ou n'importe quelle arme. Cela, ça ne les inquiète pas. Ne vous avisez pas d'avoir du chanvre, mais vous pouvez toujours vous présenter avec une mitraillette.
Il ne nous reste qu'une minute environ et je vais poser une question à M. Parent. Certains de vos propos sur le point de vue du monde du travail m'ont troublé. Vous avez déclaré que les accords n'étaient faits que pour profiter aux sociétés et aux pdg... que tout n'était que profit.
Deux choses ont retenu mon attention. D'abord, sachez que j'habite à Toronto et que les consommateurs de cette ville achètent les meilleures voitures qu'ils peuvent trouver au meilleur prix possible. Eh bien, si la société pour laquelle vous travaillez n'est pas compétitive, si son prix est supérieur à ceux des autres, comme c'est le cas de l'usine de Sainte-Thérèse, elle ne parviendra pas à vendre ses produits, elle fera faillite, les ouvriers seront entraînés dans sa chute et les emplois disparaîtront. Ainsi, ne vous parait-il pas logique qu'on règle d'abord ce genre de problème? Il faut se préoccuper de cette dimension également. Êtes-vous en train de nous dire qu'il suffit d'augmenter les tarifs douaniers, de ne pas laisser entrer de voitures japonaises ou d'autres voitures étrangères et d'en revenir à notre bonne vieille façon de fonctionner où nous imposions d'énormes droits de douane à tout le monde? Je ne pense pas que c'est ce qui va se passer. Je ne crois pas que les consommateurs vont l'accepter. Voilà pour ma première remarque.
Deuxièmement, vous avez dit que les accords étaient essentiellement axés sur le profit. Savez-vous qui est le plus gros investisseur en Ontario? Eh bien, c'est le Fonds de pension des enseignants de la province, qui pèse 60 milliards de dollars. Ce fonds veut que vos sociétés soient rentables parce que les enseignants dépendent des bénéfices qu'il réalise pour leurs retraites. Parmi les plus gros investisseurs au Québec, on retrouve les Caisses populaires. Elles non plus ne veulent pas que les sociétés sur lesquelles elles misent réalisent moins de profits. Ainsi, quand vous dites que tout tourne autour du profit, il faut préciser que tout cet argent n'aboutit pas forcément dans les poches des constructeurs d'automobiles. Tout le monde au pays dépend de cette réalité. Ainsi, je m'inquiète un peu du point de vue déséquilibré qui ressort de cette discussion.
M. Gary Parent: À l'évidence, je me suis mal fait comprendre à cause des termes employés, et ce n'est pas la première fois que cela m'arrive. Nous ne sommes certainement pas contre les profits, mais c'est l'ampleur de ces profits et ce qu'il en coûte pour les réaliser qui nous gênent. Voilà ce qui nous inquiète. Dans cette partie du monde et au Canada, nous n'avons jamais été aussi riches, mais il faut savoir que cette richesse est contrôlée par une infime minorité de gens.
Tout ce que nous disons, c'est qu'il faut savoir jusqu'où nous devons nous laisser mener par la quête du profit... Regardez ce qui s'est passé dans le cas de la fusion Daimler-Chrysler et regardez les sommes astronomiques que les cadres supérieurs de Chrysler ont retirées de cette vente, puisqu'ils ne sont plus là. Ils sont partis avec des centaines de millions de dollars en primes, en salaires, en primes de départ et que sais-je encore. L'ouvrier, lui, celui qui travaille à la chaîne de montage, n'a pas eu sa part des produits de la fusion.
Mon voisin vous a dit que nous devrions tous envisager de partager les profits. Vous pouvez donc imaginer la joie des travailleurs de Chrysler qui, il y a deux ou trois semaines, ont reçu un chèque de 7 000 $ à ce titre. En revanche, ne venez pas me dire que le partage des profits est plus valable qu'un véritable salaire, parce qu'il y a les gens de General Motors qui n'ont touché que 200 ou 300 $, ou encore ceux de Ford qui n'ont perçu que 4 000 $, même s'ils ont renoncé aux mêmes salaires et aux mêmes avantages que leurs camarades de Chrysler. D'après nos chiffres, vous pourrez constater que les salaires au Canada—d'ailleurs vous l'avez dit vous-même—sont de 19 p. 100 supérieurs à ceux des travailleurs de l'automobile aux États- Unis. Notre dollar et nos programmes de soins de santé occupent également une grande place. Je me dois d'ajouter que c'est aussi une des raisons pour lesquelles l'industrie canadienne se porte bien.
Le président: Et puis il y a la productivité...
M. Gary Parent: Il est vrai que la productivité n'a jamais été aussi élevée, y compris à l'usine de Sainte-Thérèse.
Le président: Je tiens à vous garantir que tout le monde, ici au comité, surtout ceux qui s'intéressent à l'environnement, est conscient que les ententes commerciales—comme l'a si bien dit Sue—doivent plus profiter à la population et être moins apparentées à un exercice purement capitaliste. Comme nous l'a déclaré M. White l'autre jour, nous devrons, soit oeuvrer à l'échelon international pour parvenir à instaurer de meilleures normes, soit veiller à ce que l'État-nation conserve sa souveraineté en la matière, sinon, ça n'ira pas.
J'en suis donc très conscient. Je puis vous garantir, comme l'a demandé Gary, que ce message sera retransmis à Ottawa.
M. Peter Pellerito: J'aurais une dernière remarque à faire. J'ai apporté d'autres documents qui montrent essentiellement la différence entre le Canada et le Mexique sur le plan des échanges commerciaux. Je serais très heureux de les remettre au comité.
Le président: Merci beaucoup. Nous l'apprécions.
Nous devons faire rapport au début du mois de juin et il ne nous reste sans doute que deux ou trois semaines avant de commencer la rédaction, mais si vous avez autre chose à nous faire parvenir, sachez que nous serions très heureux de recevoir d'autres renseignements.
Merci beaucoup de vous être déplacés.
M. Peter Pellerito: Merci beaucoup.
Le président: Nous allons maintenant inviter notre prochain témoin qui, je crois, est M. Paul Bondy, représentant la Windsor—Essex County Development Commission.
N'oubliez pas votre plaquette patronymique, monsieur Ken Bondy, sans quoi nous risquons de nous tromper sans arrêt de nom.
Parfait, monsieur Bondy, vous savez comment nous procédons et je n'ai pas à vous le réexpliquer. Nous sommes heureux de vous accueillir. Vous pourriez peut-être limiter vos remarques liminaires à 10 ou 12 minutes pour nous laisser plus de temps pour les questions.
M. Paul Bondy (commissaire au développement, Windsor—Essex County Development Commission): C'est parfait.
Le président: Bienvenue.
M. Paul Bondy: Merci, monsieur le président et merci mesdames et messieurs les députés.
[Français]
Soyez les bienvenus dans le sud-ouest.
Le président: Il est dommage que Mme Debien ne soit pas là; elle reviendra.
[Traduction]
M. Paul Bondy: On m'a demandé de vous entretenir des questions de commerce à l'échelon régional, ce qui tombe bien puisque notre corporation a pour mandat de s'occuper du comté de Windsor—Essex et de toute la région d'amélioration commerciale de Tilbury. J'ai cru comprendre que vous allez intégrer notre point de vue dans la mosaïque nationale, si je puis employer ce thème.
Je dois vous préciser que je n'ai pas eu l'occasion de m'entretenir de ma comparution avec les membres de notre conseil et que je vais donc parler en tant qu'administrateur de la corporation, espérant avoir l'occasion de faire rapport de toutes ces questions à nos gens plus tard.
Sans plus de circonvolutions, je vais vous expliquer ce que fait la commission. Nous nous occupons donc de la région que je vous ai mentionnée pour laquelle nous sommes essentiellement responsables d'attirer de nouveaux investissements, de travailler avec les investisseurs déjà présents et de faire en sorte que le climat soit favorable à la croissance commerciale.
• 1050
Pour bien comprendre les tendances actuelles sur le plan des
entreprises et sur celui des échanges commerciaux, j'ai pensé que
nous pourrions commencer par un petit retour en arrière.
Il y a 150 ans, après son arrivée à Windsor, Hiram Walker devenait l'un des premiers fabricants-transformateurs de la région et, il y a 95 ans, Henry Ford lançait sa production d'automobiles ici, pour compenser les tarifs douaniers élevés imposés à l'époque, commencer à exporter ses produits vers les pays du Commonwealth et répondre aux besoins du Canada. Il y a 50 ans, le secteur manufacturier de Windsor s'est retrouvé au coeur de l'effort de guerre des alliés. Dans la période de l'après-guerre, nous sommes revenus à une production civile axée sur la consommation. Le marché canadien était alors petit et fragmenté. Aucun type de production ni aucun secteur, ce qui va des aliments pour bébés aux automobiles, n'était efficace.
À la fin des années 50, notre commission a déposé une série de mémoires qui ont conduit à la création de la Commission royale sur l'industrie de l'automobile, laquelle allait nous amener à la signature du pacte Drury sur les dispenses tarifaires. Il s'agissait en fait d'un projet pilote entre cette ville et l'un des trois grands. Bien sûr, nous sommes ensuite passés au pacte de l'automobile, puis à la libéralisation des échanges sur l'équipement de transport en ce qui concerne les fabricants. Par la suite, l'industrie s'est intégrée. Fini dès lors le temps où l'on fabriquait six ou sept modèles de voiture sur une même chaîne d'assemblage ou 20 modèles de moteurs différents dans une seule usine, ce qui était particulièrement inefficace.
Nous sommes passés à un système de production hautement efficace et automatisé axé sur des produits à mandat—je suis sûr que vous connaissez tous ce mot dans le vent. Il s'agit, par exemple, de certains types de moteurs Ford fabriqués à Windsor, sur sept ou huit chaînes de montage et qui sont expédiés vers six ou sept centres d'assemblage, le tout selon un système très rationalisé. D'autres producteurs se spécialisent dans les produits flexibles, qui sont envoyés partout en Amérique du Nord, en Europe et au Japon. L'un des meilleurs exemples du genre est celui que nous a donné récemment un fabricant allemand qui est considéré comme étant le meilleur producteur de chauffe-siège du monde. Sur ce plan, on peut donc dire que Windsor est reliée au reste de la planète.
Pour parler plus précisément de l'importance des accords commerciaux—car je crois que c'est bien ce dont nous traitons ici—et de la nécessité de les contrôler et de les améliorer, je vais m'appuyer sur des données de 1996 extraites d'un dépliant de Statistique Canada. Cette année-là, les véhicules et les pièces automobiles ont représenté 58 milliards de dollars, soit 22,5 p. 100 de nos exportations. Le deuxième élément arrivant en tête de nos exportations, les huiles et les carburants minéraux, ne représentaient que 8,9 p. 100. La province de l'Ontario représente 52 milliards de dollars, soit 90 p. 100 de ces exportations. En fait, dans cette province, ces exportations correspondaient à 41 p. 100 du total. L'activité ou le secteur le plus venant tout de suite derrière était celui de la machinerie avec 13,4 p. 100.
Les accords commerciaux comme le Pacte de l'automobile ont été fructueux. Cela ne fait, quant à moi, aucun doute. Ces dernières années, les trois grands ont investi à raison de 6 milliards de dollars, dans la construction ou la remise à neuf d'usines, dans de nouvelles technologies ou dans de nouveaux produits. D'après nos propres sondages réalisés dans chaque usine, nous avons établi que 1 600 emplois de plus ont été créés dans le comté en 1998 par rapport à 1997 et, il y a dix jours, Ford annonçait son intention d'augmenter sa production et de créer 300 nouveaux emplois en janvier 2000.
En outre, c'est sans doute ici que nous avons l'activité de R-D la plus importante du pays dans le domaine de l'automobile, grâce à des contrats conclus entre Chrysler Canada et l'Université de Windsor, entre Ford Canada et l'Université de Windsor, et avec d'autres fabricants comme Siemens, Gates, EX-CELL-O et bien d'autres petits exploitants.
Pour ce qui est des échanges entre le Canada et les États- Unis, j'ai constaté sur un graphique récent que 16 p. 100 des échanges commerciaux Canada-États-Unis franchissent la frontière à Niagara, pour 42 p. 100 à Windsor et 42 p. 100 pour le reste du Canada. Ainsi, il semble qu'on expédie un peu plus par la voie maritime et par le chemin de fer. Toutes ces données sont extraites d'une étude récente de la Eastern Border Coalition. Quand on combine les transports avec les secteurs du tourisme, de l'agriculture, de l'outillage et des machines-outils, on constate que le produit intérieur brut de notre cette région frise les 30 milliards de dollars. À l'échelle nationale, ce PIB s'approche de celui du Manitoba et il est plus élevé que celui de la Saskatchewan ou que celui de n'importe laquelle des provinces de l'Atlantique.
• 1055
S'agissant de productivité—et j'estime que c'est là un
point sensible à l'heure où l'on accuse le Canada de traîner de
l'arrière sur ce plan—notre région est sans égale au Canada,
parce que notre productivité par habitant est au moins trois fois
plus élevée que la moyenne nationale ou la moyenne provinciale,
qui oscille dans les 26 000 à 28 000 $ par personne. Encore une
fois, il s'agit de chiffres de 1996.
Dans le domaine de l'agriculture—et à ce sujet je peux certainement, en tant qu'enfant élevé dans une exploitation, prétendre que m'y connaître un peu—nous participons également aux exportations et aux échanges commerciaux dans le monde, grâce à des entreprises comme Heinz, Archer Daniels, Hiram Walker, Seagram, Family Tradition Foods ou Italia Bakery, qui expédient d'abondantes quantités de produits de boulangerie à Detroit, la ville voisine.
Soixante-quinze pour cent de toute la production de serres de l'Ontario se situent dans un rayon de 60 kilomètres autour de cette pièce. Nous en exportons la plus grande partie vers les États-Unis, comme le cactus vers le Nouveau-Mexique, la tomate vers la Floride, les haricots coupés vers Israël et bien d'autres produits vers le Midwest américain, notamment, par exemple, le célèbre pain pita de Windsor que nous envoyons à Lavonia et à Dearborn, deux villes qui comptent la plus importante population musulmane en dehors du monde arabe. De plus, nous faisons pousser naturellement du soja à Staples, qui se trouve dans votre coin, n'est-ce pas Susan? Cette production, qui est très en demande parce qu'elle est organique, aboutit au Michigan où elle est transformée en lait de soja.
Vous voudrez peut-être me poser des questions plus pertinentes à votre propos que tout ce que je vous raconte depuis un moment, mais je ne peux résister, parce que Susan est ici, que je vis dans sa circonscription et que je connais la position de son père qui est sénateur. Laissez-moi vous donner un exemple de l'importance du commerce et des accords commerciaux ainsi que de nos systèmes de régulation de l'offre.
Au début de l'hiver, des gens se sont plaints, sur une chaîne de télévision de Detroit, que la livre de beurre approchait les 4 $ aux États-Unis alors que nous ne payons que 2,65 $ en dollars canadiens ici, à Windsor. Comme je vous le disais, je suis né dans une ferme et, en ce qui me concerne, je juge nécessaire de protéger nos accords commerciaux ainsi que le genre de système que nous avons mis en place chez nous il y a déjà longtemps.
Le président: Vous venez de dire que le beurre était plus cher aux États-Unis?
M. Paul Bondy: Oui.
Mme Susan Whelan: En dollars US?
M. Paul Bondy: En dollars US.
Le président: C'est-à-dire 4 $.
Mme Susan Whelan: Et 2,65 $ en dollars canadiens?
M. Paul Bondy: Oui. Vous devriez peut-être aller faire vos courses là-bas aussi.
Le président: Nous pouvons donc nous permettre le luxe de prélever une petite TPS là dessus.
M. Paul Bondy: Monsieur le président, excusez-moi j'ai oublié de vous présenter Elaine Prior, notre directrice administrative qui se fera un plaisir d'effectuer des recherches et de vous répondre elle-même au cas où le comité nous poserait des questions auxquelles nous ne pourrions pas tout de suite répondre.
Le président: Nous allons laisser Mme Whelan vous poser ses questions, parce qu'elle est présidente du Comité de l'industrie et qu'elle fait déjà allègrement la promotion de ce pays à Ottawa. Bien, alors peut-être pourrions-nous solliciter des questions d'autres députés. Il ne nous reste que 15 minutes.
M. Deepak Obhrai: Merci.
Vous venez de nous donner un point de vue régional. Rien ne vous empêche de venir à Calgary, si vous êtes inquiet, pour faire partie de mes électeurs.
C'est fantastique, ce que vous venez de dire et je suis heureux que l'économie se porte aussi bien. Votre exemple du beurre montre que tout va bien ici. J'aimerais que nous revenions sur votre dernière déclaration, à propos des audiences que vous tenez, quand vous nous avez cité l'exemple du beurre et quand vous nous avez dit que nous devions protéger certains de nos systèmes. Vous pourriez peut-être nous en dire plus long à ce sujet. À cause de leurs mesures protectionnistes, les Européens ont des montages de beurre qu'ils ne peuvent pas vendre et qui se gaspillent. Pouvez-vous revenir un peu sur la dernière partie de votre exposé?
M. Paul Bondy: Je suis loin d'être un expert du domaine, mais en tant que consommateur il m'arrive de temps en temps de tendre l'oreille à ce qui se passe chez nos partenaires, comme aux États-Unis, qui s'en prennent à notre système de régulation de l'offre du type offices de commercialisation. Quand on voit le prix du beurre aux États-Unis, qui est de 4 $ la livre... ce pays est censé avoir un système complètement libre, non contrôlé, mais je prétends que ce que nous avons ici, c'est-à-dire l'opposé—un système à régulation de l'offre—est bien meilleur pour le consommateur. La semaine prochaine, les Américains pourront peut- être acheter du beurre à 1,50 $ la livre, je ne le sais pas mais, dans l'ensemble, leur système complètement libre ne joue pas à la faveur du consommateur. En revanche, les Canadiens bénéficient d'un système de régulation de l'offre.
M. Deepak Obhrai: C'est intéressant ce que vous nous dites, parce que le système de régulation de l'offre fait l'objet d'un examen et est sujet à des attaques de la part de nombreux producteurs qui exigent qu'on le supprime, d'après ce que nous a dit l'association hôtelière. Vous dites que c'est grâce à ce système que les prix chez nous sont inférieurs à ceux des États- Unis.
• 1100
Ce que vous venez de déclarer et votre exemple du beurre... mais
je pense que le système de régulation de l'offre ne se
ramène pas qu'à cela. Je ne sais pas.
M. Paul Bondy: Encore une fois, je ne suis pas un spécialiste du domaine, je ne fais que vous donner un exemple de la réalité.
M. Deepak Obhrai: Nous ne disposons pas de suffisamment de données relativement à cet exemple pour affirmer que les prix sont protégés. Je suis certain que d'autres forces du marché entrent en jeu. Quelqu'un pourrait-il m'expliquer ce dont il s'agit... je ne sais pas.
Le système de régulation de l'offre, et je suis sûr que vous êtes au courant, devrait prochainement être retiré, du moins d'après ce qu'on nous dit. Enfin il y a des discussions en ce sens. Voilà, c'est tout ce que je voulais déclarer à ce sujet.
Le président: Vous savez, on a commencé à le retirer progressivement depuis longtemps. On pourrait attribuer sa lenteur à disparaître rapidement au fait qu'il n'est peut-être pas aussi mauvais que ce que les gens le disent. Vous nous avez donné une excellente comparaison. J'aurais dû moi-même l'utiliser. J'aurais aimé y songer il y a deux ou trois semaines.
Merci beaucoup.
Madame Debien.
[Français]
Mme Maud Debien: Il va falloir que je donne un cours à M. Obhrai sur la gestion de l'offre, les contingents tarifaires et l'élimination des subventions. Tout le milieu agricole est venu nous dire qu'il fallait absolument maintenir la gestion de l'offre parce que c'est un système de gestion interne qui ne cause pas de distorsion au niveau du commerce. Alors, on va se parler.
Monsieur Bondy, je vous remercie de votre présence. Vous nous dites que la région de Windsor—Essex se porte très bien. Vous nous avez démontré, preuves à l'appui, qu'il y avait ici un taux de productivité trois fois plus élevé qu'ailleurs au Canada. Vous nous avez parlé spécifiquement de votre région.
Nous sommes ici pour entendre des commentaires sur l'Organisation mondiale du commerce et sur les négociations qui s'amorcent. J'aimerais savoir si vous avez des idées à émettre ou des commentaires à faire sur les prochaines négociations concernant l'agriculture qui vont s'amorcer dès décembre. Auriez-vous des recommandations à faire au gouvernement canadien et à notre comité sur l'amorce de ces négociations? Puisqu'on parlera de l'agriculture dès décembre, quelle devrait être la position du gouvernement canadien dans le secteur agricole, en particulier? Si vous aviez des commentaires plus larges, nous les accepterions volontiers.
M. Paul Bondy: Merci. Évidemment, nous ne sommes pas des experts. Je donnais l'exemple d'une situation où le système de gestion de la production au Canada donne une certaine stabilité aux consommateurs. En tant que consommateur et non pas comme directeur de la commission—je n'ai pas le droit de parler ici pour la commission, mais je vous donne mon opinion personnelle—il est important de maintenir et protéger le système, malgré les opinions contraires; des exemples indiquent que ce système n'est pas néfaste.
Dans le secteur automobile ontarien, qui est un des secteurs les plus importants au Canada, il faudra continuer à protéger les systèmes déjà en place. Depuis environ cinq ans, Ford, Chrysler et General Motors ont fait des investissements de l'ordre de 5 milliards de dollars pour améliorer et augmenter la production des usines qui sont ici depuis environ 90 ans. Comme je le disais, on aura 300 nouveaux emplois au mois de janvier parce que la demande est plus forte. Ici, nous faisons des moteurs de camions.
• 1105
Dans le cas de la compagnie Ford, par exemple, à part les moteurs
diesel, tous les moteurs de certains produits Ford
viennent des usines de Windsor, comme
ceux des camionnettes, etc.
Ils ont ici six
usines; certaines font le montage des
moteurs et d'autres coulent l'aluminium.
C'est une technologie très avancée. L'une
des usines fonctionne selon un accord intervenu avec une
compagnie d'Angleterre.
Lorsque le gouvernement canadien a maintenu le niveau des tarifs sur les véhicules finis arrivant de l'extérieur, c'était bien, selon moi, de nous protéger ainsi parce que les investissements des compagnies nord-américaines sont très importants depuis plusieurs années. D'autres compagnies font aussi des investissements mais pas du même ordre que ceux des trois grandes compagnies. Protéger ce que nous avons est très important selon moi.
[Traduction]
Le président: Madame Augustine.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur Bondy et merci à vous madame Prior.
On nous a présenté un peu tous les points de vue à ce comité à propos de l'OMC, comme s'il s'agissait d'un couteau à double tranchant. Comme notre comité envisage de formuler certaines recommandations relativement à la prochaine série de négociations, j'aimerais vous demander, à vous en tant que particulier, ce que vous penseriez de la prise en compte de tout un ensemble de questions comme celles touchant aux droits de la personne, à l'environnement et au droit du travail, et j'aimerais que vous me disiez si nous devons envisager de les mettre dans la balance des négociations portant sur les marchés et sur la participation des pays.
M. Paul Bondy: Je suis loin d'être expert dans ces questions. Cependant, sur un plan local, il est certain que nous collaborons avec un grand nombre de fabricants qui respectent les lois environnementales et bien sûr les droits de la personne. Tout le monde est pour les droits de la personne, comme moi et ma voisine.
Les négociations sur le commerce international portent beaucoup plus sur les protections tarifaires et sur l'ouverture de nos marchés en échange de laquelle nous réclamons l'accès aux marchés des autres. J'aurais donc tendance à vous répondre par l'affirmative, parce qu'en général je suis d'accord avec tout cela, bien que je ne possède pas de connaissances précises de ces questions-là.
Le président: Notre problème, monsieur Bondy—et nous en avons beaucoup entendu parler—tient au fait que les organisations commerciales se concentrent uniquement sur l'accès aux marchés, si bien que tout le monde s'efforce de parvenir au plus petit commun dénominateur en matière de normes du travail, de droits de la personne et de normes environnementales, parce qu'on réduit ainsi les coûts au minimum. Ce faisant, on se retrouve face à une concurrence déloyale, parce que nous allons perdre nos bons emplois et que votre ville ne sera plus aussi riche que maintenant. Les richesses dont vous venez de nous parler dépendent énormément du commerce, et l'on nous dit que ces richesses vont disparaître avec tout le reste si nous ne sommes pas compétitifs. M. Parent, qui a comparu avant vous, nous a déclaré que tout s'en irait au Brésil ou ailleurs, et que les richesses dont vous venez de nous parler n'existeront plus ici, à moins qu'on exige des organismes internationaux qu'ils contraignent les pays signataires de leurs accords à mieux respecter certaines normes.
Nous avons beaucoup entendu parler de cela et je crois que c'était là où Mme Augustine voulait en venir avec sa question. À l'évidence, vous considérez cela d'un point de vue local, mais je me devais de vous dire ce qu'il y avait derrière sa question.
Madame Whelan veut poser une question.
Mme Susan Whelan: Je voulais demander à Paul Bondy de nous expliquer pourquoi cette région bénéficie autant du commerce international, parce qu'il semble par ailleurs que nous faisons l'objet de... je ne sais pas comment m'exprimer, car je ne veux pas aller jusqu'à dire que nous recevons des coups de savates dans le derrière—disons, que nous sommes sujets à des représailles plus rapidement que d'autres régions, parce que nous sommes une ville frontalière. Certaines des entraves qu'on nous oppose sont d'ailleurs assez subtiles. Malgré ces trois merveilleux accords, du côté des États-Unis, nous nous heurtons à la taxe d'affaires que le Michigan se propose d'adopter. Celle-ci aurait un effet négatif considérable sur nos échanges commerciaux avec cet État et perturberait les relations commerciales que nous entretenons avec lui depuis des années. Dites-nous rapidement ce que vous pensez de cela.
M. Paul Bondy: Nous avons collaboré avec d'autres organisations pour essayer de convaincre l'État du Michigan que cette taxe n'est pas une solution et nous avons cru comprendre que ces gens-là non plus ne sont pas emballés par cette idée. Pour quelle raison, je ne sais pas, mais toujours est-il qu'ils se sont retrouvés avec ce dossier sur les bras.
Il est fort probable que, d'ici très peu de temps, nous serons davantage préoccupés—et je ne dis pas d'ailleurs que nous voulons nous en mêler—par la façon dont le Michigan applique ses programmes d'abattement fiscal ainsi que ses programmes d'aide à l'industrie et autres. Je puis vous garantir que nous avons perdu quelques gros marchés... Nous ne les avons pas perdus en ce sens que nous ne les avons jamais eus, mais quand vous êtes la seule ville du Canada à soumissionner, par exemple, à un grand projet de développement sidérurgique et que vous ne recevez que peu ou aucune aide à l'exception de certains programmes fédéraux comme des subventions salariales ciblées et que vous êtes confrontés à des abattements fiscaux équivalant à 25 millions de dollars sur un projet de 150 millions de dollars... Il arrive que le Canada se fasse malmener ou critiquer par les États-Unis, mais il faut savoir que ce pays ne s'arrête pas à cela et qu'il se livre à des petits jeux de son cru.
Nous nous devons donc de nous battre constamment pour trouver des façons de contourner ce genre de difficultés. Je ne dis pas que la municipalité de Windsor veut se lancer dans ce genre d'abattement fiscal. En fait, elle n'en a même pas le droit. Mais il y a tout lieu de se demander si nous évoluons vraiment selon des règles du jeu équitables.
Mme Susan Whelan: Eh bien cela me ramène à ce que je disais plus tôt à l'un des témoins, à savoir que nous devons régler plusieurs problèmes pour nous mettre sur un pied d'égalité avec les pays avec qui nous avons conclu ces accords commerciaux et ainsi pouvoir les concurrencer de façon équitable.
J'abonde, par ailleurs, dans le sens de ce que mon collègue d'en face a dit à propos de la régulation de l'offre et de la nécessité de maintenir ce système en place. Je suis désolée que M. Obhrai ne soit pas là pour entendre ce que je viens de dire, mais je confirme qu'il est très important, pour nous, de continuer à réguler les approvisionnements de certains produits. Regardez ce qui vient de se passer récemment dans le cas du porc, qui n'est pas un produit soumis à la régulation de l'offre. Eh bien, le Canada pourrait sans doute tirer des enseignements de cela. On peut toujours parler des retombées positives de l'exportation, mais il ne faut pas oublier les pièges que comporte l'accroissement du niveau des exportations quand on ne bénéficie pas, dans son propre pays, de conditions favorisant les exportations.
J'ai bien aimé votre exemple du beurre. On effectue régulièrement des comparaisons dans ce domaine, on compare le prix des chariots d'épicerie ou de supermarché et l'on se rend compte que les nôtres reviennent toujours moins chers que les chariots américains, même après conversion du dollar. Je me dois donc de mettre en garde les membres du comité qui viennent de l'extérieur de cette région, parce que certains s'imaginent qu'il en coûte beaucoup moins cher aux États-Unis qu'au Canada, ce qui n'est pas forcément vrai.
M. Paul Bondy: D'ailleurs, si vous me le permettez, l'étude KPMG à laquelle nous avons participé en assurant une partie du financement, a fait ressortir qu'il en coûte en moyenne 8 p. 100 de moins pour faire affaire au Canada qu'aux États-Unis. Par exemple, si l'on a établi qu'il en coûte 100 p. 100 pour faire affaire aux États-Unis, il n'en coûte que 93,6 p. 100 ou quelque chose du genre à Windsor.
Je ne veux pas vous induire en erreur. On peut toujours faire concurrence aux États-Unis grâce à notre dollar qui est plus bas, à nos régimes d'assurance-hospitalisation, à une main- d'oeuvre plus instruite et, pour l'instant, à un taux de chômage légèrement supérieur. Ainsi, même s'il est parfois difficile de trouver la main-d'oeuvre, nous disposons d'une certaine réserve sur ce plan par rapport à l'État du Michigan, par exemple, où le taux de chômage est de 3,3 p. 100 et où il n'y a plus de main- d'oeuvre de disponible, pas plus généralisée que spécialisée. Dans quelques cas, nous avons bénéficié d'un agrandissement des usines, parce que nous avons les infrastructures voulues.
Mme Susan Whelan: Je terminerai en disant ceci. S'agissant de la prochaine série de négociations de l'OMC et de la situation qui règne ici relativement aux tarifs imposés sur les véhicules finis, j'espère que le comité se rendra compte que cette région doit régler, en même temps, tout un ensemble de problèmes comme la taxe d'affaire unique et l'article 110 de la loi sur l'immigration aux États-Unis, pour garantir la poursuite des échanges entre nos deux pays. Il est donc difficile d'envisager de mettre tous ses oeufs dans le même panier quand on sait qu'il faut régler simultanément autant de problèmes. De plus, on pourra toujours crier aussi fort qu'on le pourra, la situation ne s'améliorera pas comme ça. Je dirais qu'en ce qui concerne le comté de Windsor—Essex, nous avons affaire à une constante, à des problèmes à propos desquels nous devons monter au créneau.
Voilà ce que je voulais signaler à l'attention du comité.
Le président: Merci.
Monsieur Pickard.
M. Jerry Pickard: Eh bien, monsieur le président, pour terminer je tiens à remercier M. Bondy d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.
Nous avons bien sûr entendu des points de vue différents lors de ces audiences nationales. J'ai moi-même un point de vue qui est différent de ce celui de M. Obhrai à propos de la régulation de l'offre et du secteur agricole. J'ai trouvé que l'industrie de la restauration, le secteur de la régulation de l'offre et les organismes soumis à la gestion de l'offre ont tous exprimé un point de vue à peu près semblable—et c'est la première fois que je vois cela—si bien qu'on peut, je crois, affirmer que le milieu agricole fait bloc.
Cependant, tous ont dit qu'il faut veiller à garantir les échanges commerciaux. C'est là, je crois, une position que tous les secteurs du monde agricole ont clairement exposée. Presque toutes les grandes sociétés nous ont dit qu'il nous fallait tirer le meilleur parti possible des échanges commerciaux. Les groupes et les organismes de la société civile nous ont majoritairement déclaré ne pas avoir bénéficié autant qu'ils l'auraient dû des échanges commerciaux et que, cela étant, il nous faudrait mettre un frein à la négociation et examiner très attentivement la situation. De votre côté, vous nous avez clairement fait ressortir les avantages que votre région et l'Ontario ont retirés de ces accords commerciaux.
• 1115
J'en viens à ma question. Bien de ces gens-là font passer
les voyants au rouge dès que quelqu'un suggère de suspendre les
échanges commerciaux ou du moins de ralentir le processus, mais
il faut reconnaître par ailleurs qu'on nous a servi de solides
arguments en matière d'environnement et de répercussions directes
sur les particuliers. Estimez-vous que nous devrions faire preuve
de prudence, sur certains plans, dans nos négociations
commerciales ou diriez-vous qu'il faut s'en remettre à la
compétence d'autres? Je connais votre position; je sais que vous
administrez une grande partie de l'interaction entre l'industrie
et votre collectivité et avec le reste de l'Ontario. Cela étant,
j'aimerais vraiment savoir, selon vous, à propos de quels aspects
nous devrions nous montrer prudents.
Deuxièmement, vous nous avez montré ce que donnent les échanges commerciaux, mais on peut se demander ce que donnerait un ralentissement de notre engagement sur ce plan? Pensez-vous que nous ferions l'objet de réactions négatives si nous décidions d'avancer moins vite?
M. Paul Bondy: Cela ne fait, quant à moi, aucun doute.
Je ne vois pas bien comment vous présentez la chose. Cinquante-deux mille personnes travaillent dans le secteur manufacturier dans le comté de Windsor—Essex. C'est sans doute le niveau d'emploi le plus élevé en 25 ans. Il l'a peut-être été davantage dans les années 40, quand le travail était plus manuel, mais nous avons depuis subi d'énormes changements de nature technologique. Ainsi, aujourd'hui, des employés qui auraient pu faire des travaux très physiques sont simplement appelés à contrôler des ordinateurs qui commandent toute la machinerie effectuant le travail que faisaient des employés auparavant.
Nous connaissons bien le Pacte de l'automobile, qui est en vigueur depuis 35 ans. Je ne vois pas ce que nous serions devenus sans lui. Nous n'aurions pas été aussi concurrentiels si nous avions continué à fabriquer des Dodge et des DeSoto, et si nous avions continué d'assembler six, sept ou huit articles différents ou encore plusieurs types de moteurs sur une même chaîne. Peut- on, aujourd'hui, douter du succès que Chrysler a remporté avec sa mini-fourgonnette? Au début, nous étions le seul endroit où cette mini-fourgonnette était produite et il est possible qu'avec le temps, nous finissions par être encore une fois le seul lieu où elle le sera. Quoi qu'il en soit, la compagnie a restructuré son système pour parvenir à un maximum de souplesse. On peut construire une mini-fourgonnette courte, longue, de base ou comportant tous les gadgets. C'est ce genre de rationalisation dans l'industrie qui a rendu possible la fabrication d'un tel produit dans ces conditions. Ainsi, je suis tout à fait favorable au fait que le tarif imposé sur les véhicules finis venant d'ailleurs ait été maintenu à 6 p. 100.
Vous pourrez dire que cette position est tout à fait égoïste, mais il faut se rendre à l'évidence, notre région est le quatrième plus important centre manufacturier du Canada. Je ne souscris pas entièrement avec notre nouvelle économie. Le secteur de la fabrication est encore très important et chaque emploi manufacturier est à l'origine de quatre autres emplois dans la collectivité. Nous ne pouvons pas laisser partir ces emplois. Personnellement, je redouterais toute situation ayant une incidence négative sur la fabrication et le genre de production que nous faisons ici.
M. Jerry Pickard: Deuxièmement, il faut bien reconnaître que la restructuration de l'industrie a été la source d'un grand nombre de changements et qu'elle a contribué à la réussite de cette région. J'en suis fermement convaincu. Cependant, cette restructuration a aussi fait l'objet d'un grand nombre de critiques parce qu'on aurait mis tout cela sur le compte des échanges commerciaux alors qu'en fait cette restructuration était uniquement le fait des entreprises. Pensez-vous qu'il y ait vraiment matière à se demander si ces changements sont dus à des questions touchant aux échanges commerciaux ou à une restructuration des entreprises... à moins que tout cela ne soit dû à un mélange des deux? Au cours des 10 ou 15 dernières années, nous avons connu des restructurations massives et nous avons, dans le même temps, conclu d'importants accords commerciaux, ce qui m'amène à vous demander si vous ne pensez pas qu'il y a un recoupement entre les deux phénomènes.
M. Paul Bondy: Je doute avoir les qualifications voulues pour vous répondre. Il est certain que notre collectivité a travaillé très fort pour s'adapter au changement et pour soutenir ses producteurs, entre autres. Nous sommes très efficaces et nous soutenons cette industrie, comme on peut le voir dans cette ville où nous avons cherché à créer des parcs industriels et à faire notre possible pour que tout aille très vite, parce que nous vivons à une époque où les gens veulent que tout soit fait pour hier. J'ai effectivement lu sur la question de la restructuration des entreprises. Je n'en connais pas les détails exacts, mais je suis sûr que nos gens ont travaillé sur ce sujet et que nous avons certainement bénéficié du fait que nous avons été proactifs.
• 1120
Voilà la seule réponse que je pouvais vous donner.
M. Jerry Pickard: Si j'ai soulevé cette question, c'est que nous avons visité l'usine de Kellogg, hier, et que je m'attendais à y voir beaucoup plus d'employés. En fait, elle est presque entièrement automatisée. L'automatisation est donc à l'origine d'une réduction des effectifs, mais l'usine peut fonctionner 24 heures sur 24 et 12 jours de suite sans arrêt. Les cadres de Kellogg nous ont d'ailleurs affirmé qu'il y a beaucoup plus de travailleurs que nous n'en avons vu parce que, de nos jours, par rapport à ce qui se faisait hier, leur présence est moins visible car davantage échelonnée dans le temps. Dites-moi, quelle a été l'incidence de l'automatisation sur les industries de la région de Windsor?
M. Paul Bondy: Votre remarque est excellente. Il est vrai que dans certaines situations, les gens sont regroupés en un lieu ou dans une salle de commande plutôt que d'être répartis le long de la chaîne de production. Je sais que c'est un fait. Par exemple, nous avons une installation de recouvrement de l'acier où l'on ne voit presque jamais personne sur le plancher; tout est contrôlé depuis la salle de commande. Cependant, malgré ce haut degré d'automatisation, l'usine emploie tout de même 115 personnes et elle ne s'arrête jamais de tourner, sauf quatre heures par semaine. Ainsi, nous connaissons un peu cela également.
M. Jerry Pickard: Merci.
Le président: Vous avez dit que cette usine compte encore 600 travailleurs? Le nombre d'employés est demeuré constant durant toutes ces années, malgré ces énormes changements...
M. Jerry Pickard: C'est exact.
Le président: ...alors qu'on nous avait dit qu'à Toronto, les usines automobiles n'emploient plus autant de gens qu'avant.
Merci beaucoup, monsieur Bondy. Nous sommes heureux de vous avoir accueilli. Votre intervention a été très utile et très intéressante.
M. Paul Bondy: Merci beaucoup.
Le président: Ceux d'entre nous qui ne sont pas de cette région se rendent maintenant compte à quel point vous êtes un important moteur de l'économie canadienne. Mme Whelan ne nous laissera pas l'oublier, croyez-le bien, pas plus que Jerry d'ailleurs. Merci beaucoup.
M. Paul Bondy: J'espère effectivement vous avoir été utile et sachez que je suis heureux que vous ayez pris le temps de m'écouter.
Le président: Oui, votre intervention a été très utile. Je vous remercie.
J'invite maintenant les porte-parole de Citizens Environment Alliance, GreenPlanet Social Justice & Ecological Network et du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile à prendre place sans tarder.
Entre temps, nous allons nous arrêter une minute pour nous désankyloser.
Le président: Nous reprenons nos travaux. Nous accueillons M. Coronado et M. Spring. Monsieur Coronado, comme vous êtes le premier sur la liste, je vais vous demander de commencer. Nous avons quelques minutes de retard et je ne vais pas m'étendre sur les présentations. Vous savez pourquoi vous êtes là et vous savez ce que nous voulons faire dans le cas de l'OMC et de l'accord sur la ZLÉA. Merci beaucoup de votre témoignage.
M. Rick Coronado (coordonnateur, Recherche et communications, Citizens Environment Alliance, GreenPlanet Social Justice & Ecological Network): Merci beaucoup d'avoir transporté ces audiences à Windsor. Après avoir vu qui est présent, je dois vous dire que je suis un peu déçu. La presse n'est pas là et vous êtes tout juste cinq députés. J'aurais pensé qu'un sujet aussi important pour la population canadienne que les échanges commerciaux et leurs conséquences auraient été pris un peu plus au sérieux par le gouvernement fédéral. Quoi qu'il en soit...
Le président: Permettez-moi de vous arrêter tout de suite. Ce comité est itinérant. Nous avons dû nous scinder en deux parce que nous devons faire rapport au gouvernement fédéral d'ici la fin juin. Le Parti réformiste y est représenté, ainsi que le Bloc québécois, mais il n'y a pas de représentants du Parti conservateur ni du NPD. Le Parti libéral aussi est représenté. Pour ce qui est de la presse, nous n'exerçons pas de contrôle sur le choix des sujets qu'elle désire couvrir. Nous faisons de notre mieux...
M. Rick Coronado: Eh bien c'est justement ce qui nous inquiète. Ce qui nous inquiète c'est que les médias doivent faire passer le message à la population canadienne.
Le président: Nous avons envoyé des communiqués à tous les services de presse dans toutes les régions que nous traversons. C'est à eux de décider s'ils veulent ou non couvrir nos audiences. Mais croyez-moi, cela me déçoit tout autant que vous.
M. Rick Coronado: Je voulais simplement vous le mentionner, en passant.
Le président: Vous avez raison, nous n'avons pas toute l'attention que nous aimerions avoir et nous sommes d'accord avec vous: il s'agit de questions importantes.
M. Rick Coronado: Très bien.
Je vais bien sûr vous entretenir d'environnement et de commerce. Si je vous déclare quelque chose que les gens n'aiment pas, sachez que je représente le GreenPlanet Social Justice & Ecological Network et, si je vous déclare quelque chose que vous aimez, vous vous direz que je m'exprime au nom de la Citizens Environment Alliance of Southwestern Ontario. Comme vous le voyez, nous aussi nous nous sommes scindés en deux.
Je suis ici ce matin pour vous parler d'environnement et de commerce. Je voudrais surtout parler des solutions de rechange qui existent au commerce international non durable qui pose un défi à notre survie sur notre Mère la terre. J'emploie le terme «Mère la terre» parce que nous avons décidé d'adopter ce terme qui est Mohawk.
Mais laissez-moi tout d'abord placer mes remarques dans leur contexte. Pendant votre tournée, vous entendrez probablement bon nombre de commentaires sur les dangers et les répercussions du commerce international et de la libéralisation des échanges sur l'environnement et les questions sociales. La plupart des environnementalistes ici, au Canada, ont vitupéré l'Accord de libre-échange canado-américain en 1988 et l'ALÉNA en 1993.
Examinons d'abord certains faits: voici contre quoi nous nous insurgeons lorsque nous cherchons à éliminer le pouvoir des entreprises et de ceux dont les intérêts seront servis si la mondialisation arrive à ses fins.
Les deux tiers du commerce international sont faits par quelque 500 sociétés seulement et 40 p. 100 du commerce qu'elles contrôlent a lieu entre les parties des mêmes sociétés transnationales. Parmi les 100 plus grandes économies du monde, 50 sont des sociétés transnationales. Les dix plus grandes sociétés transnationales ont un revenu total qui est supérieur à celui des 100 pays les plus pauvres du monde. Bon nombre de sociétés transnationales ont un chiffre d'affaires plus élevé que certains pays développés.
Des environnementalistes comme Steve Shrybman de WCLA font valoir que l'Organisation mondiale du commerce représente les éléments les plus importants d'une stratégie internationale pour codifier les règles sur lesquelles le système d'investissement de production et de commerce mondiaux sont établis. Cet ordre du jour est le projet des plus grandes sociétés commerciales du monde, et il est aussi appuyé par des gouvernements comme le nôtre ici, au Canada. Il s'appuie sur la foi qu'un marché soutenu avec une courbe de croissance amènera la richesse et la stabilité économique à toutes les nations, en particulier à celle du tiers monde. L'auteur irlandais, Richard Douthwaite, fait valoir que la façon moderne est de prétendre que les inégalités sont transitoires et que la croissance économique créera des emplois et provoquera une hausse des revenus. Cette approche a commencé à faire son chemin au début des années 70. Depuis, l'écart entre les riches et les pauvres s'est accru de façon considérable, tant dans les pays qu'entre eux.
• 1150
De nos jours, l'OMC, tout comme le Canada, suggère que la
seule manière de combattre cette disparité croissante est
d'augmenter le commerce dans un contexte plus libéral. Je dois
convenir avec mes homologues que cela semble être une façon
commode de faire une volte-face sur le processus bloqué de l'AMI
et d'installer effectivement la même chose. Cela signifie encore
plus de domination par les plus grandes sociétés multinationales
et les plus dominantes ainsi que les pays les plus riches, comme
le Canada et les États-Unis. Mais malheureusement, sur leur route
vers la terre promise, ces entreprises et ces gouvernements ont
pu ramasser pratiquement toute la richesse accrue que la
croissance a provoquée, et ils ont pu diriger le système
économique sur une voie plus nuisible pour l'environnement et
insoutenable.
Ce programme d'économie mondiale, d'après Shrybman, est une amplification des politiques de déréglementation, de privatisation et de libre-échange. Ce qui manque ici, c'est la mention d'une limite écologique ou du besoin de régler les grandes revendications de ceux qui font la promotion du commerce libéralisé et des règles d'investissement.
Sergio Marchi a déclaré que le commerce international est maintenant devenu un problème local. Ce qui se produit à des tables de négociation lointaines a des conséquences qui dépassent la table de cuisine et d'autres domaines de la vie courante. C'est ici que ceux d'entre nous qui souhaitent préserver notre Mère la terre pour les sept prochaines générations et au-delà doivent adopter nos dernières positions de combat.
Dans bon nombre d'aspects, comme cela a été le cas dans la lutte contre l'ALÉNA, il s'agit d'une bataille pour les coeurs et les esprits des Canadiens ordinaires, et nous avons l'intention de gagner cette bataille. Nous sommes prêts à nous battre contre les sociétés transnationales et leurs gouvernements ministériels laquais qui les appuient dans les collectivités, les rues, les quartiers et aux tables de cuisine dont M. Marchi parle.
Les environnementalistes avec lesquels je travaille ont une vision différente de l'avenir et nous avons l'intention de gagner la guerre de l'opinion publique avec des solutions de rechange qui sont raisonnables, viables et concrètes par rapport au programme actuel désastreux de mondialisation qui fait la promotion d'une plus grande croissance économique, d'une perte des ressources, de la pollution de l'air et de l'eau, ce qui nous amènera à un scénario catastrophique de chaos social et de catastrophes écologiques, comme on en a rarement vu jusqu'à présent.
«Si nous mangeons tous nos oignons et ne laissons rien pour ensemencer, il n'y aura pas d'oignons à l'avenir». Cette citation est extraite du New Internationalist de 1997.
Les deux questions prédominantes de notre époque sont l'inégalité des hommes et la destruction de l'environnement. L'objectif pour les environnementalistes, la collectivité et les activistes de justice sociale et autres est un système durable pour les cinquante prochaines années.
Herman Daly, anciennement de la Banque mondiale, a fait remarquer que les tenants du libre-échange n'avaient pas de véritables réponses. Les libre-échangistes soutiennent que quels que soient les problèmes qu'il peut y avoir avec le libre- échange, la croissance économique qu'il induit les réglera et que le libre-échange est mutuellement bénéfique. Le dogme du libre- échange est fondé en grande partie sur le postulat que le monde entier et les générations futures peuvent consommer des ressources au niveau pratiqué aujourd'hui dans les pays où les salaires sont relativement élevés sans entraîner de catastrophe économique.
Le professeur Bill Rees, de l'Université de Colombie- Britannique, dans son exposé brillant sur les empreintes écologiques suggère que si le monde entier devait vivre de façon aussi peu écologique que nous le faisons aujourd'hui au Canada en termes d'extraction des ressources, de production des marchandises et de consommation d'énergie, il nous faudrait cinq planètes supplémentaires seulement pour faire face à la demande. Il déclare aussi que son analyse des empreintes écologiques et les analyses connexes mettent en doute la présomption fondamentale qui gouverne la mondialisation économique, le développement international et les politiques démographiques. Si l'humanité en est déjà à sa limite écologique, dit-il, nous devons alors reconnaître que la consommation excessive de matériaux et d'énergie par un seul groupe compromet la possibilité de consommation par les autres, actuellement ou à l'avenir, à cause de la diminution du capital naturel.
L'auteur irlandais, Richard Douthwaite, fait valoir que ni la génération actuelle ni la prochaine n'accepteront probablement aujourd'hui que les grandes différences entre les riches et les pauvres soient le fruit de la volonté de Dieu. Bon nombre de peuples, y compris les gouvernements en place peuvent penser qu'il est impossible de couper sur l'utilisation des ressources dans le Nord et d'arriver à une société plus égalitaire en même temps. Nous pensons, nous, qu'il existe un moyen, et je veux vous l'exposer brièvement.
• 1155
Nous, en Amérique du Nord, et tous les pays du monde
occidental vivons dans un système ouvert où les réserves de
ressources sont épuisées et notre dette écologique est appliquée
à l'ensemble du système, comme le déboisement, le changement de
climat, la diminution de l'ozone. Cependant, nous devrions nous
efforcer d'avoir un système fermé ou un «État fermé», dont Herman
Daly a parlé en 1973, où toutes les ressources sont maintenues à
un niveau suffisant pour avoir des flux soutenables sur une
période indéfinie.
Le WorldWatch Institute avance que nous avons besoin de bâtir une nouvelle économie en convertissant l'économie actuelle de gaspillage en une économie de réutilisation et de recyclage pour ainsi réduire le flux désastreux pour l'environnement des matières premières. Cela signifierait aussi que l'on se débarrasse des carburants fossiles qui ont maintenant été la source de bon nombre de nos problèmes d'environnement et de santé. Nous avons besoin de réduire le gaspillage et de revoir notre économie industrielle pour imiter la nature, de sorte que les déchets d'une industrie deviennent les matières premières d'un autre.
Les environnementalistes sont convaincus qu'en tant que peuple, nous pouvons arriver à bâtir une société plus égale tout en diminuant l'utilisation des ressources. Voici notre plan—il y en a beaucoup, mais c'est celui que j'ai décidé de vous présenter aujourd'hui. Il pourrait faire l'objet de changements.
Nous allons commencer par les marchés. Le caractère concurrentiel n'est pas mesuré selon les bénéfices mais selon l'utilisation efficace de l'énergie et des matières premières. Les subventions publiques pour l'énergie nucléaire de l'industrie agricole sont éliminées. Le coût social des accidents, de la pollution, de l'utilisation des terres et du trafic routier est entièrement imputé.
Imposition. Réforme de la taxe écologique, réduction fiscale pour les plus petites distances pour aller au travail. Les exemptions de taxes sur les carburants pour les voyages aériens et l'agriculture ainsi que les exemptions et les subventions pour les automobiles et l'utilisation des camions sur la route sont éliminées, ce qui signifie que les coûts réels sont appliqués directement.
Gaz à effet de serre. Assurance, supprime de risque pour tous les dommages atmosphériques causés par les émissions de gaz à effet de serre. Cela s'appliquerait aux secteurs de l'industrie et du transport qui émettent des gaz à effet de serre.
Électricité. La génération d'électricité décentralisée permettant aux collectivités d'avoir assez de souplesse pour créer leur propre électricité. Par exemple Windsor a cinq usines cogénératrices avec suffisamment d'électricité pour soutenir tout le réseau ontarien. Les subventions antigouvernementales transférées à la production de masse de piles solaires et de piles à hydrogène.
Voici ce que l'on retrouve à la rubrique du temps de déplacement:
- Conception—vitesse et limites à la consommation de carburant conçues pour les véhicules routiers;
- Routes—frais échelonnés selon la distance appliqués à tous les véhicules commerciaux; produits traités et étiquetés à l'échelon régional;
- Chemins de fer—réduction de la nécessité de déplacement motorisé en subventionnant une stratégie nationale de transports favorisant le transport ferroviaire, par exemple une voie ferrée rapide comme le train de banlieue dans le comté d'Essex et des camions à piles à hydrogène pour les livraisons urbaines.
Production. L'attention doit passer au recyclage de matériaux et à la durabilité des produits.
- Recyclage—tous les produits doivent être faits de sorte que les matériaux puissent être séparés après l'utilisation et pour réduire les exigences de consommation;
- Réutilisation—les appareils ménagers et de bureau doivent être faits de pièces réutilisés;
- Sociétés—celles qui survivent au mouvement—et l'on peut toujours se demander combien de ces entreprises survivront à un passage à une économie durable, mais quoi qu'il en soit, celles qui survivront au mouvement devront être responsables de la durée de vie complète de leurs produits.
Terres:
- Agriculture organique—conversion avec un soutien des services publics vers l'agriculture organique dans des zones qui fournissent de l'eau potable;
- Bois—encourager le recyclage à la maison de tous les produits de bois avant de les démolir puisque toutes les fibres de bois devraient servir à fabriquer du contre-plaqué ou du papier; la cellulose pourrait servir à nouveau dans l'industrie, et c'est d'ailleurs ce qu'on commence à constater un peu maintenant dans le cadre du programme Habitat pour l'humanité et d'autres mesures du genre.
Autre infrastructure. L'insistance sera portée sur le capital humain—éducation et santé—et les produits et services écoefficaces.
- Énergie—nouvelles mesures d'incitation pour les fournisseurs des producteurs indépendants d'électricité;
- Eau—cycles fermés pour encourager la réutilisation locale des ressources en eau, décourager la construction de barrages et le drainage de l'eau souterraine;
• 1200
- Mobilité—encourager davantage le déplacement à pied et à
bicyclette grâce à une planification efficace;
- Construction—utiliser davantage de redevances d'exploitation plus élevées pour empêcher l'utilisation de terrains destinés au logement, à l'industrie et au transport, question à laquelle nous allons très prochainement nous attaquer à Windsor.
Développement. L'insistance sera portée sur la réduction de la consommation dans le Nord afin d'atteindre des niveaux soutenables dans le Sud.
- Dette—l'effacer puisqu'elle est odieuse; les banques sont tenues de réclamer des prêts auprès des élites locales qui les ont engagés;
- Ajustement—le FMI et la Banque mondiale passent d'un rajustement structurel à un rajustement durable;
- Commerce—adoption des principes du commerce équitable par l'Organisation mondiale du commerce, p. ex. Oxfam et la Bourse du commerce équitable en Amérique centrale; notre organisme vend le café et le thé, entièrement organiques, qui sont produits par cette bourse;
- Imposition—taxe Tobin sur les opérations de change.
Permettez-moi de préciser au passage que tout cela est adapté d'un article de 1988 extrait de «Greening of the North: a Post-industrial Blueprint for Ecology and Equity» par Wolfgang Sachs, Reinhard Loske et Manfred Linz, Wuppertal Institute for Climate, Environment and Energy, Londres.
Il s'agissait là de quelques-unes des nombreuses règles que nous pourrions appliquer à un nouveau programme d'environnement durable. Nous en ajouterons et nous en retrancherons d'autres, et nous tiendrons des débats à ce sujet, mais nous avons simplement essayé, aujourd'hui, de faire valoir que nous avons d'autres solutions pour passer à un monde durable.
Bill Rees résume notre situation dans son livre Our Ecological Footprint. Notre message est fort simple: la durabilité exige que l'entreprise humaine demeure dans la capacité que peut soutenir la terre. Si la capacité de soutien de la terre est dépassée et que les pays avancés ont pris beaucoup plus que leur juste part des ressources de la terre, par conséquent, ces pays doivent trouver des manières de réduire la consommation matérielle tout en maintenant la possibilité de vivre.
Mais, même dans les pays riches comme le Canada, nous savons trop bien que la consommation est distribuée de façon inéquitable, de sorte que même si nous essayons de réduire nos ressources globales, il est nécessaire de bien veiller à améliorer le sort de ceux dont les besoins fondamentaux ne sont pas remplis. Il nous faut aussi reconnaître que les peuples toléreront des mesures pour réduire la consommation matérielle, seulement dans la mesure où ils estiment que ces moyens permettront d'avoir un meilleur avenir pour eux-mêmes et leurs enfants au lieu de la meilleure solution de rechange qui existe « croissance durable, vu que le sacrifice ne se vendra pas.
Pour conclure, la promesse des environnementalistes, des écologistes et des activistes de la justice sociale est la suivante: nous chercherons au cours du prochain siècle à créer ce qui est beau et utile, à détruire ce qui est laid et mesquin, à nous protéger les uns les autres et à protéger ce qui ne pourra jamais être remplacé. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Coronado.
Monsieur Spring.
M. Rob Spring (président, Comité sur l'environnement, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile (Section locale 444)): Distingués membres du comité et panelistes, bonjour. Je vous remercie de nous avoir rendu visite à Windsor pour recueillir nos positions sur l'environnement et sur les accords internationaux de libre-échange.
Je m'appelle Rob Spring et je m'exprimerai au nom des 14 000 et quelques membres de la Section locale 444 de TCA ainsi que des intérêts des différentes collectivités dans laquelle nous vivons et travaillons. Je représente ces membres en tant que président de votre comité local sur l'environnement et coprésident du Comité mixte sur l'environnement dans le milieu de travail à l'usine d'assemblage de camions du chemin Pillette de Daimler-Chrysler. Je suis aussi vice-président de l'Alliance des citoyens pour l'environnement du sud-ouest de l'Ontario.
Quand vous êtes entrés dans l'édifice aujourd'hui, je me demande si vous avez remarqué notre beau parc en bordure de lac qui s'étend le long de la rivière Detroit jusqu'au Nord et qui offre une vue pittoresque de Detroit, au Michigan? Mais ce que vous n'avez peut-être pas vu, c'est la quantité de pollution qui se trouve déjà dans nos eaux et dans notre air, et je n'ai pu m'empêcher de remarquer que le président est allé rechercher un peu de cette pollution dans son verre d'eau.
Le président: Et vous devrez me dire d'où elle vient.
M. Rob Spring: La Commission mixte internationale dit à l'heure actuelle de la rivière Detroit qu'elle est une des 43 zones de préoccupation dans le bassin des Grands Lacs. Des efforts d'épuration ont été entrepris pendant bon nombre d'années et, bien que certaines améliorations aient été faites, nous sommes loin d'avoir retiré la rivière de la liste et de l'avoir classée parmi les zones réhabilitées.
Windsor est actuellement la ville dont l'air est le plus vicié de l'Ontario. Le libre-échange et l'ALÉNA ont déjà apporté une augmentation stupéfiante du trafic de transport par camion dans notre région. Une bonne partie de l'augmentation s'est produite au point que des études sont actuellement faites pour examiner la faisabilité d'un deuxième pont vers les États-Unis. Les particules diffusées par l'air et les émissions de gaz à effet de serre, déjà supérieures à la moyenne dans cette région, ne feront que continuer de s'accroître si ce deuxième pont devient réalité!
Nous avons vu bon nombre d'autres événements récents menacer de dégrader encore plus notre air et notre eau à l'échelon local. Seule une mise en oeuvre de la Loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique a empêché Detroit Edison d'exploiter sa centrale thermique désaffectée alimentée au charbon à Connors Creek, sur le bord de la rivière Detroit, l'été dernier. Toutefois, Edison a contesté cette décision judiciaire et pour aggraver le problème, l'État du Michigan conteste les nouvelles normes de qualité d'air de la Environmental Protection Agency.
Au Canada, un permis a été accordé à une société ontarienne afin de détourner 600 millions de litres d'eau du lac Supérieur par an pour l'exporter à destination de l'Asie. Le permis a seulement été annulé sous l'effet de la pression du public, et la CMI étudie actuellement la faisabilité à long terme de détournements en masse d'eau ou de leur interdiction, le cas échéant. En mars de cette année, la ministre canadienne de l'Environnement, Christine Stewart, a fait une déclaration publique selon laquelle le respect volontaire des normes environnementales ne fonctionnait pas, et le gouvernement canadien avait besoin de retourner à la solution de la législation contraignante.
Et tout juste cette semaine, la Commissaire à l'environnement de l'Ontario, Mme Eva Ligeti, a publié un rapport selon lequel la santé publique est en risque parce que les programmes de protection de l'environnement de l'Ontario sont réduits à zéro. Elle citait la ministre de l'Environnement qui estime les niveaux actuels de pollution de l'air comme étant liés aux 1 800 morts prématurées et aux 1 400 admissions en hôpital pour des maladies cardiaques et respiratoires tous les ans.
Le démantèlement de nos mécanismes de protection de l'environnement semble coïncider avec l'expansion des traités du commerce mondial au Canada et la poussée générale exercée par les gouvernements pour que notre pays soit plus favorable au monde des affaires, sous le couvert de la compétitivité. Mais pourquoi est-ce important pour moi de mentionner ces idées? La réponse est claire lorsque nous examinons quelques récents événements sur le front du commerce mondial. Voyons aussi que les questions susmentionnées seront assez difficiles à résoudre. Si un organisme étranger qui représente des intérêts du commerce mondial venait à participer à ces litiges, la négociation d'un règlement mutuellement satisfaisant serait pratiquement impossible, et l'on pourrait se demander si nous parviendrions à conserver la capacité de représenter nos propres intérêts.
En avril 1997, la législature canadienne a interdit un produit additif à l'essence qui est dangereux appelé le MMT manganèse. La décision a été fondée sur le fait que des études avaient montré que le contenu en manganèse de ce produit additif endommageait le système nerveux central des êtres humains et qu'il y avait des plaintes par les fabricants d'automobiles vu que cet additif gênait le contrôle des émissions. Le manganèse est reconnu comme une toxine pour le système nerveux lorsqu'il est à des forts niveaux d'exposition. Il s'agit aussi d'une toxine pulmonaire qui peut aussi nuire à la reproduction et à la croissance.
• 1210
En dépit du fait que la plupart des pays industrialisés
n'utilisent pas le MMT comme additif à l'essence, Ethyl
Corporation, qui fabrique ce produit, a poursuivi le gouvernement
canadien pour 250 millions en dommages-intérêts. Ethyl soutient
que l'interdiction du MMT viole les règles de l'ALÉNA qui
interdisent l'expropriation ou la prise d'une propriété privée.
En juillet 1998, le gouvernement canadien a accepté de dédommager
Ethyl Corporation pour ses frais juridiques et son manque à
gagner. En échange, Ethyl se désistera de son action en vertu de
l'ALÉNA et de sa demande de 250 millions de dollars en dommages-
intérêts. En fin de compte, Ethyl s'est remplie les poches avec
l'argent des contribuables canadiens pour des millions de
dollars, et le Canada a fait à nouveau ajouter le MMT dans son
essence, tandis que la santé publique et environnementale est en
danger, et nous ne pouvons plus jouer le rôle de nation
souveraine dans le meilleur intérêt de nos citoyens.
En contraste marqué avec cette situation, en mai 1998, le Canada a déposé une plainte auprès de l'Organisation mondiale du commerce en ce qui concerne l'interdiction de l'amiante en France. Bien que l'amiante soit un produit carcinogène reconnu au Canada, le gouvernement fédéral cite de nombreux articles de nombreux traités et soutient que cette tentative de la France de protéger la santé publique est contradictoire. L'exposition à l'amiante peut causer l'amiantose, ce qui est une dégradation des poumons entraînant la perte de la fonction pulmonaire qui souvent conduit à l'invalidité et à la mort; le mésothéliome, cancer qui affecte les membranes des poumons et de l'abdomen; le cancer des poumons; et le cancer de l'oesophage, de l'estomac, du côlon et du rectum.
Les limites d'exposition dans le milieu de travail au Canada et aux États-Unis sont fixées à 0,2 fibre par centimètre cube d'air, en moyenne pour un tour de travail de huit heures. Il est clair que dans cette situation, les profits de l'exportation de cette fibre mortelle sont plus importants pour notre gouvernement que la protection de la santé publique et de l'environnement, que ce soit à l'échelon local et global.
Je pourrais poursuivre avec de très nombreux exemples supplémentaires, comme la décision rendue par l'OMC à l'encontre des efforts faits aux États-Unis pour protéger les tortues de mer ou la toute première décision de l'OMC qui était opposée à la reformulation du règlement sur l'essence dans la Clean Air Act des États-Unis, mais mon temps est limité.
Lorsque j'examine le texte des traités commerciaux actuels et des ébauches, je découvre des clauses très fermes qui protégeaient le libre mouvement des capitaux. Dans les exemples susmentionnés et bon nombre d'autres, nous pouvons voir que cette formulation a été appuyée par une mise en oeuvre très stricte. Mais les clauses portant sur l'environnement ont été reléguées à des conventions auxiliaires qui manquaient à la fois de force et de mécanismes d'exécution. L'environnement n'est pas un problème marginal, et il doit devenir un élément essentiel de toute entente à l'avenir sur le commerce.
Nous faisons les recommandations suivantes au gouvernement canadien afin d'élaborer des politiques commerciales responsables qui protègent l'environnement et la santé publique.
- Les accords commerciaux doivent protéger les lois canadiennes actuelles en matière d'environnement et leur permettre d'être renforcées comme il est jugé nécessaire par une nation souveraine.
- Les accords commerciaux doivent aussi exiger que toutes les nations participantes respectent des normes mutuellement convenues en matière d'environnement qui soient minimales et fondées sur une moyenne raisonnable des normes en vigueur actuellement dans le monde et non pas fixées comme la norme la plus basse qui soit.
- Les accords commerciaux doivent aussi exiger de toutes les nations participantes qu'elles demeurent au-dessus de leurs normes et continuent à les améliorer.
- Les accords commerciaux doivent inclure des engagements sérieux pour prévenir la pollution et remédier aux dommages causés à l'environnement par le commerce et le développement.
- Les accords commerciaux doivent cibler les substances toxiques carcinogènes et bioaccumulables pour une élimination rapide.
- Les accords commerciaux doivent inclure un système de cautionnement ou de garantie pour introduire des nouvelles substances chimiques non testées.
- Le Canada doit veiller à ce que ses partenaires internationaux respectent ces normes et exigences minimales.
- Le Canada doit s'assurer que les mécanismes de mise en oeuvre efficaces et responsables des politiques de l'environnement soient instaurés à l'échelon mondial.
- Le Canada doit veiller à la transparence du système de règlement des litiges, à son accessibilité au public et inclure des experts en environnement dans les groupes et organismes scientifiques et communautaires.
- Le Canada doit veiller à ce que toutes les ententes commerciales reconnaissent la nature fragile et la diversité des systèmes écologiques dans un contexte mondial.
• 1215
Pour terminer, l'environnement doit être considéré comme un
bien public par les gouvernements actuels et à venir du monde
entier, mais le fait que les mesures gouvernementales et
commerciales récentes aient donné peu de raisons de croire à la
notion de bien public pour aucun d'entre eux! Nous devons
reconnaître l'importance de la protection de notre planète et en
conséquence, de notre avenir en tant que race. La pollution de
notre air et de notre eau ne connaît aucune frontière et peut
même se retrouver dans les coins les plus perdus de notre
planète. Les ouvrages d'anticipation décrivent souvent l'homme
qui vit dans une autre planète à l'avenir, mais je vous assure
qu'il ne s'agit pas là d'une solution de rechange pratique. Si
nous continuons à ne pas nous occuper de notre planète, nous
participerons à sa destruction et quand cela aura lieu, les
discussions sur le libre mouvement des capitaux seront totalement
dénuées d'intérêt.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Spring.
Y a-t-il des questions?
M. Deepak Obhrai: Merci, monsieur le président.
Merci d'être venu ici pour nous faire part de votre point de vue. J'ai deux ou trois questions à vous poser. Je vais commencer par m'adresser à...
Le président: Monsieur Coronado.
M. Deepak Obhrai: Oui.
M. Rick Coronado: Je vous incite à faire vite, parce que je dois partir.
Le président: À quelle heure devez-vous partir, monsieur Coronado?
M. Rick Coronado: Dans quatre minutes.
Le président: Ah, eh bien si quelqu'un veut vous poser des questions, nous allons lui donner la parole.
M. Rick Coronado: Auriez-vous des questions indues à me poser à propos de l'opposition environnement-économie? M. Spring vient juste de souligner qu'il faut reléguer l'environnement à la périphérie et maintenir l'économie au centre. On trouve une grande partie des réponses à vos questions dans un document intitulé Our Ecological Footprint: Reducing Human Impact on the Earth, qu'a écrit le professeur Bill Rees de l'Université de Colombie-Britannique. D'ailleurs, je crois que David Suzuki s'est appuyé sur une partie de cet ouvrage pour réaliser sa série qui est actuellement diffusée à la radio anglaise de Radio-Canada.
M. Deepak Obhrai: Merci.
Ma question sera simple et courte. Vous avez dressé la liste des dégâts écologiques que vous attribuez au commerce international. Ne pensez-vous pas que ces dommages écologiques ont commencé bien avant l'entrée en vigueur des accords de libre échange? Avant la mise en oeuvre de l'ALÉNA et de l'ALE, nous avions des voitures énergivores et nous utilisions mal nos ressources. La dégradation à laquelle vous faites allusion a débuté bien avant le commerce international. Bob nous dit que dans les accords futurs sur les échanges commerciaux, nous devrons prendre tout cela en compte. Mais dans votre mémoire, vous mettez tout sur le compte de...
M. Rick Coronado: Et que pensez-vous qu'il est advenu de tout ce gaspillage, de toute cette pollution? Pensez-vous que cela se soit évaporé comme ça dans l'univers? Eh bien non, il y a accumulation. Tout s'accumule. Regardez le changement climatique. Regardez ce qui se passe du côté des gaz à effet de serre. Vous avez parlé du MMT employé comme additif dans l'essence. Eh bien, quelques-unes unes de ces technologies nouvelles sont beaucoup plus dangereuses que les anciennes. Au moins, avec les anciennes technologies, nous parvenions à mieux recycler et à mieux réutiliser qu'avec certaines matières plastiques ou matières synthétiques que nous utilisons aujourd'hui. Si vous pensez que l'industrie des produits chimiques applique le Programme de gestion responsable parce qu'elle est vraiment responsable, songez alors aux nouvelles molécules qui sont relâchées dans l'environnement. Comme M. Spring l'a dit, on ne contrôle pas beaucoup ce que fait cette industrie.
Le président: De toute évidence, monsieur Coronado, vous n'aurez pas la possibilité de répondre à ces questions, mais nous avons pris bonne note de vos réflexions sur le transport routier, sur l'utilisation des combustibles fossiles et sur la nécessité de tenir compte de tous les coûts. Y a-t-il quelque chose, dans la documentation dont vous avez parlé ou dans un des livres auxquels vous pouvez penser, qui pourrait nous aider à ce propos? D'autres ont d'ailleurs soulevé les mêmes préoccupations que vous. Par ailleurs, voudriez-vous dire quelque chose au sujet du transport ferroviaire?
M. Rick Coronado: Oui, l'Alternatives Journal a fait paraître un excellent article à ce sujet, en 1998, si je me rappelle bien. Je devrai vérifier la date pour vous. D'ailleurs, tout ce journal était consacré au transport. On y trouve une grande partie de ce dont je vous ai parlé aujourd'hui.
• 1220
En fait, dans un mois à peu près, j'espère que la ministre
de l'Environnement, Mme Christine Stewart, décrétera une journée
sans pollution pour le Canada et les entretiens que nous avons
eus avec elle ont d'ailleurs tourné autour de questions comme le
transport non polluant, l'augmentation du financement
gouvernemental accordé au transport public, l'amélioration du
service ferroviaire, l'incitation à passer du transport routier
au transport ferroviaire et l'adoption de normes plus strictes
relativement à l'émission des nouveaux véhicules... mais nous
avons déjà parlé de ce dernier aspect.
Pour l'instant, nous en sommes au problème des véhicules de sport utilitaire. Les trois grands—GM, Ford et Daimler- Chrysler—sont en lutte avec l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis, à propos des nouvelles normes d'échappement que l'EPA veut imposer. De plus, huit États des Grands lacs sont parties à cette affaire.
Donc, vous trouverez pas mal de renseignements intéressants sur toute la question du transport routier et du transport ferroviaire. Pour ce qui est des combustibles fossiles, il faut savoir que le premier problème écologique dans ce pays aujourd'hui est celui de la qualité de l'air. Comme nous vivons ici, nous sommes très au courant des problèmes transfrontières ainsi que de la pollution que nous produisons ici, à Windsor; nous savons aussi, d'après l'air que respirent les gens vivant à 40 kilomètres en aval, que nous sommes nos pires ennemis. Il faut nous débarrasser des combustibles fossiles qui sont notre pire problème écologique.
Le président: Eh bien, nous nous procurerons un exemplaire du Alternatives Journal. Merci beaucoup de votre aide.
M. Rick Coronado: Merci.
Le président: Nous allons revenir aux questions. Avez-vous des questions à poser à M. Spring?
M. Deepak Obhrai: Dans vos recommandations, vous dites qu'il faut poursuivre les négociations mais tenir compte de ce que vos mises en garde. Vous ai-je bien compris?
M. Rob Spring: Oui! Nous voudrions que certaines de nos recommandations soient mises en oeuvre. Nous estimons que si l'on poursuit sur la lancée du libre-échange mondial... Je ne suis pas venu ici, aujourd'hui, pour vanter les mérites du commerce international. Mon exposé aurait pris un tour tout à fait différent, parce que nous aurions parlé de ce que je pense personnellement des mérites du commerce international. Toutefois, j'estime que les gouvernements se doivent de poursuivre leur action dans le sens de l'ouverture commerciale, étant donné que nous sommes maintenant allés trop loin pour faire demi-tour et que nous devons essayer de tirer le meilleur parti de tout cela.
• 1225
Si vous me le permettez, j'aimerais réagir aux questions que
vous avez posées à M. Coronado en vous disant que nous admettons,
effectivement, que la pollution et la dégradation de
l'environnement sont antérieures à la signature des accords de
libre-échange, qu'elles ont précédé la libéralisation du
commerce. Toutefois, nous avions des mécanismes en place qui
étaient destinés à améliorer ce genre de situation, des
mécanismes qui étaient censés renforcer l'application des lois et
règlements écologiques et donc protéger l'environnement. Avec
l'avènement du libre-échange, ils ont été détruits et remplacés
par d'autres plus faibles. Voilà, je crois, ce que mon confrère
Coronado a en fait voulu vous dire, à savoir que la dégradation
s'est accélérée à cause du libre-échange.
M. Deepak Obhrai: Merci.
[Français]
Le président: Madame Debien, vous avez des questions?
Mme Maud Debien: Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Spring. M. Coronado et vous-même avez dressé un portrait très sombre des questions environnementales. Vous avez dit qu'il y avait un déficit et une dette écologiques déjà très importants. Plusieurs groupes sont aussi venus sonner l'alarme sur toutes ces questions environnementales.
Quelques personnes, peu nombreuses, faut-il dire, nous ont dit qu'on pourrait augmenter la production et renouveler les ressources par l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Si vous dites qu'une pénurie de ressources naturelles existe déjà, c'est un aveu en quelque sorte. Les organismes génétiquement modifiés sont le résultat de la recombinaison de l'ADN et leur utilisation permet d'accroître la production de certaines denrées alimentaires, par exemple.
Par contre, on nous a donné des avis contraires en disant que, dans certains cas, l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés avait détruit les récoltes dans certains pays en voie de développement. J'aimerais avoir votre avis là-dessus.
Le président: Arrêtez un instant parce qu'il a perdu le fil de vos propos.
Mme Maud Debien: Est-ce que ça va? Faut-il que je recommence?
Le président: Non, je crois qu'il a compris.
[Traduction]
Il a compris.
M. Rob Spring: C'était tout? J'ai manqué la dernière phrase de votre question.
[Français]
Mme Maud Debien: Je voulais connaître votre opinion sur les organismes génétiquement modifiés et sur ce qu'affirment certains, à savoir qu'en utilisant ces organismes on pourrait accroître les ressources alimentaires et même, dans certains cas, les renouveler. Par contre, certains sont venus nous dire que les organismes génétiquement modifiés pouvaient être des facteurs pathogènes et que les conséquences pouvaient être néfastes. On disait qu'on avait même détruit des récoltes entières dans certains pays en développement en utilisant des OGM.
[Traduction]
M. Rob Spring: Vous avez tout à fait raison, les organismes génétiquement modifiés ont effectivement détruit des récoltes. On a vu, à l'échelle mondiale, des agriculteurs brûler leurs récoltes sur pied pour protester contre les OGM. C'était au Brésil Si je me rappelle bien. En ce qui me concerne, et au nom de notre comité local, sachez que nous nous rangeons aux côtés de ceux qui s'opposent aux aliments et organismes génétiquement modifiés.
• 1230
Il ne faudrait surtout pas penser que l'être humain est un
Dieu pouvant s'amuser à modifier les codes génétiques dont la
nature nous a doté. Il ne faut pas croire non plus que toute
cette idée de créer de nouveaux types de semences ou de nouveaux
produits alimentaires, entre autres choses, est une bonne façon
d'envisager l'avenir. À l'heure où nous nous apprêtons à
introduire tous ces organismes hybrides dans notre écosystème,
absolument personne n'est en mesure de me garantir que nous avons
réalisé des études établissant qu'il n'y a aucun danger, que nous
n'allons pas soudain assister à des mutations effrénées—pas
seulement dans le règne végétal, mais aussi dans le règne animal,
comme chez les insectes, les oiseaux et la faune aquatique qui
vivent des produits dont on envisage de modifier le code
génétique. C'est là une voie excessivement dangereuse dans
laquelle la race humaine doit se garder de s'engager.
D'ailleurs, ce matin, j'ai reçu un courrier électronique sur un des nombreux forums Internet auxquels je participe. Celui-ci m'a appris qu'hier, les Anglais ont adopté une loi interdisant les aliments génétiquement modifiés. Ils se sont, en cela, rangés aux côtés des autres pays de la communauté européenne pour interdire les organismes et les aliments génétiquement modifiés. En revanche, les gouvernements d'Amérique du Nord ne sont pas pressés de rentrer dans le bal et ils ne semblent même pas conduire beaucoup d'études à cet égard pour l'instant.
Quoi qu'il en soit, nous sommes opposés à l'introduction de ce genre d'organismes et, pour tout vous dire, nous craignons qu'ils ne fassent que contribuer à dégrader notre planète qui est déjà en piteux état.
Le président: Merci.
Monsieur Pickard.
M. Jerry Pickard: Merci beaucoup, monsieur le président.
Rob, je tenais à vous féliciter pour votre position qui consiste à faire tout ce que vous pouvez pour améliorer le monde de demain. Il n'y a aucun doute à cet égard.
Il faut bien reconnaître que l'industrie et le monde en général ne se sont pas bien occupés de l'environnement dans le passé, mais nous avons assisté à d'énormes progrès et constaté des changements d'attitude dans le secteur industriel. Rappelez- vous les déversements dans nos systèmes hydrographiques et notre désintéressement complet envers la propreté de l'air. Eh bien, je vois ce qui se passe maintenant et je crois que des gens comme vous, l'industrie, en fait tout le monde joue un rôle pour améliorer la situation.
Il faut bien reconnaître aussi qu'à l'occasion des nombreuses discussions qui ont eu lieu, les gouvernements insistent, comme par le passé, pour qu'on agisse plus vite encore au nom de l'environnement. L'industrie suit un certain cap... bien des gens se disent que si nous allons trop vite, cela nous coûtera beaucoup en main-d'oeuvre, en emplois perdus et qu'il faut se demander si l'industrie pourra survivre à des changements brutaux. Quoi qu'il en soit, on discute beaucoup de cela dans le monde entier—donc pas simplement au Canada—et je crois que les gouvernements de la planète essaient de prendre les mesures voulues pour améliorer l'environnement, pour adopter des règles mieux adaptées, pour pousser l'industrie dans ce sens. Encore une fois, on se heurte à une résistances quand la technologie n'est pas assez rapidement mise en oeuvre.
• 1235
Pensez-vous qu'il y ait un équilibre à atteindre ou un
compromis à faire? Nous avons énormément progressé par rapport à
notre situation d'antan, mais vous avez tout à fait raison, nous
avons encore beaucoup de chemin à parcourir et c'est pour cela
que Christine Stewart essaie de nous fixer des objectifs. Mais
comment voyez-vous ce compromis? Je ne pense pas que cela tienne
au commerce international. Il est plutôt question de savoir
comment nous attaquer à tous les problèmes écologiques en
veillant à ce que nos industries survivent et demeurent
compétitives, en collaborant avec les gens eux-mêmes. Tout se
ramène aux gens. Alors, comment réaliser cet équilibre?
M. Rob Spring: Vous avez raison, tout se ramène aux gens et nos problèmes écologiques perdureront, que les entreprises auxquelles nous avons affaire évoluent dans le cadre d'un commerce mondial ou d'un commerce local.
Comme vous, je crois que l'environnement est de plus en plus à l'ordre du jour et que les entreprises commencent à faire de plus en plus attention à leurs fiches de route sur ce plan. Des entreprises publient des imprimés vantant leurs programmes de recyclage dans leurs usines ou faisant valoir qu'elles utilisent maintenant de la fibre de chanvre plutôt que des étoffes. Elles se vantent du peu d'efforts écologiques qu'elles ont déployés. Et pourtant, quand on demande à ces mêmes dirigeants qui veulent se faire congratuler pour leurs petites réalisations écologiques d'engager des capitaux et d'investir dans la production d'énergie solaire ou d'énergie éolienne...
Tout à l'heure, mon confrère Coronado vous a dit que nous comptons cinq systèmes de cogénération à Windsor et que si l'usine d'assemblage de camions de Daimler-Chrysler, sur le chemin Pillette, devait être agrandie de beaucoup, nous devrions peut-être alors lancer un autre programme de cogénération. Croyez-vous que cette société sera disposée, d'elle-même, à prendre les devants et à se lancer dans la production d'énergie éolienne ou solaire, dans une production qui soit à la pointe du progrès? Moi pas!
Nous avons déjà eu des entretiens à ce sujet, à l'étape préliminaire de ce projet, et nous avons constaté que dès qu'il est question d'investissement dans l'environnement, on nous sert l'excuse classique: «Écoutez les gars, nous risquerions de ne plus être concurrentiels sur les marchés internationaux. S'il y a des gens, là-bas, qui peuvent brûler du charbon alors que nous devons, ici, investir 250 millions de dollars dans une technologie écologique, eh bien, nous ne serons plus en mesure de concurrencer les autres».
Alors, où est l'équilibre, Jerry? Les gouvernements ont insisté pour obtenir plus. Je dois rappeler que les niveaux de pollution au Mexique—bien que nous ne disposions pas de données solides à cet égard—sont très nettement supérieurs à ceux du Canada et des États-Unis. Saviez-vous, malgré tout, que les lois mexicaines en matière de protection de l'environnement sont beaucoup plus exigeantes que celles de nos deux pays? Le bât blesse du côté de l'application. Ce sont les mécanismes d'application qui manquent. Or, nous avons vu les gouvernements provinciaux et fédéraux, au Canada, planter la hache dans les mécanismes d'application au point de les priver de toute efficacité.
M. Jerry Pickard: Rob, je suis d'accord avec l'objectif. Cependant, j'ai travaillé dans l'industrie il y a 35 ans et je vois ce qui se passe dans les usines automobiles aujourd'hui. Je me rappelle quand on brûlait les déchets... des panaches de fumée s'élevaient au-dessus de l'usine et je me rends bien compte qu'aujourd'hui, avec les épurateurs... Finalement, ce que vous nous dites, c'est que même si l'on a réalisé d'importants progrès, ce n'est pas encore assez.
M. Rob Spring: Mais ces épurateurs... Regardez la Detroit Edison, de l'autre côté de la rivière. Elle veut rouvrir sa centrale thermique à charbon. Pourtant, l'EPA lui a dit qu'elle devait d'abord améliorer la lutte contre les émissions de polluants avant de rouvrir son usine. Eh bien, ces gens-là ont répondu qu'ils ne pouvaient pas se permettre de dépenser autant, qu'ils leur fallait ouvrir cette usine, qu'il fallait leur donner la permission de le faire et qu'il ne fallait pas les contraindre à dépenser de l'argent. Voilà le problème. Les choses n'arriveront pas comme ça, il faut insister, il faut que la population participe à ce processus.
Vous avez tout à fait raison, tout se ramène à notre niveau. C'est une question de gens, c'est une question de survie de la planète et c'est pour ça que les gens doivent prendre part à ce programme. Nous faisons partie intégrante de tout programme de défense de l'écologie. Il est vrai que j'ai une famille à nourrir, il est vrai que je travaille ici, il est vrai que je gagne de l'argent ici. Il faut que je remplisse mon porte-feuille et la société pour laquelle je travaille doit faire de l'argent, parce qu'elle doit être en mesure d'agrandir mon usine pour engager encore plus d'employés. Nous devons tous faire de l'argent. Mais où est l'équilibre? Où est la modération? Il nous faut faire de l'argent aujourd'hui, mais qu'est-ce qui vient ensuite? Mes enfants, mes petits-enfants et mes arrières-petits- enfants eux aussi devront pouvoir gagner leur vie demain et nous devons leur garantir cette possibilité.
• 1240
Voilà en partie pourquoi les entreprises cherchent ailleurs.
Elles ont brûlé leurs ressources. Elles doivent maintenant
modifier génétiquement des organismes uniquement pour pouvoir
maintenir le volume de leurs récoltes. Pourquoi cela? Parce que
nous avons abusé. Nous n'avons pas veillé à assurer la durabilité
de l'environnement et c'est précisément cette façon de voir qui
doit changer chez les décideurs. Nous devons agir de façon
responsable et tendre vers la durabilité de l'environnement.
Le président: Voilà, je pense, un excellent plaidoyer et je vous remercie par ailleurs pour votre document très utile.
J'ai relevé le passage où vous dites que la pollution de notre air et de nos eaux ne connaît pas de frontières et qu'on peut la retrouver même dans les endroits les plus reculés de la planète. Eh bien, il y a quelques années, notre comité a effectué une étude sur l'Arctique. Nous avons alors appris qu'on y trouvait des traces de pollution provenant de toutes les parties du monde, et plusieurs membres du comité...
M. Rob Spring: Effectivement, ce sont des produits chimiques dont la source se situe très loin de l'endroit où on les trouve.
Le président: Eh bien, dans ce cas, il s'agissait de pesticides qui provenaient d'Amérique du Sud et qui se sont retrouvés dans l'Arctique.
Nous sommes d'accord avec vous. Je crois pouvoir vous dire que les membres du comité sont tout à fait d'accord avec le fait que nous semblons savoir vers où le train de l'OMC s'en va et qu'il nous faut maintenant décider si nous allons monter à bord ou si nous avons une chance d'en ralentir l'allure. Quoi qu'il en soit, il est évident que nous devons nous concentrer davantage non seulement sur les questions d'environnement mais également sur les questions de normes du travail, de droit de la personne et sur d'autres aspects. Si nous obtenons l'appui du public pour cela, nous pourrons alors créer une meilleure société, dans l'ensemble.
L'idée selon laquelle la vague qui monte soulève en même temps tous les bateaux n'est pas mauvaise en théorie, mais force est de reconnaître qu'en pratique elle ne fonctionne pas toujours. Cela étant, nous allons étudier votre mémoire très sérieusement.
Merci beaucoup de vous être déplacé, monsieur Spring. Sachez que nous l'avons apprécié.
Chers collègues, nous allons suspendre la séance jusqu'à 13 h 30.
Le président: Nous reprenons nos travaux.
Je remercie nos témoins de s'être déplacés. Sachez que nous apprécions que vous soyez venus nous faire part de vos idées sur cette question cet après-midi. Je ne me lancerai pas dans une longue introduction, parce que vous savez sans doute que nous nous préparons à rédiger un rapport destiné à transmettre au gouvernement les idées et les perceptions de la population relativement aux négociations de l'OMC qui devraient débuter à Seattle en novembre prochain, ainsi que des négociations de l'accord sur la zone de libre-échange des Amériques qui, pour l'instant, semblent alterner entre feu vert et feu rouge. Il semble y avoir beaucoup de problèmes au Congrès américain, si bien qu'on ne sait pas si ces négociations vont débuter ni sur combien de temps elles vont s'étaler. Quoi qu'il en soit, il est important que nous recueillions au moins le point de vue de la population pour que nous puissions en faire part au gouvernement à temps afin qu'il en dispose pour le mois de novembre, advenant que les négociations débutent à Seattle à cette époque. Je vous remercie donc beaucoup d'être venus nous faire part de votre point de vue.
Je vais vous donner la parole dans l'ordre où vous apparaissez sur notre ordre du jour. Comme vous êtes cinq, j'espère que vous pourrez vous limiter à une dizaine de minutes chacun afin qu'il nous reste du temps pour des questions par la suite. La période des questions est toujours le moment le plus intéressant pour échanger nos points de vue avec les témoins.
Nous allons donc commencer par M. Signorile de MAI-Day Coalition for Human Rights. Bonjour.
M. Vito Signorile (porte-parole, MAI-Day Coalition for Human Rights): Je suis accompagné de mon collège Renzo Zanchetta, du MAI-Day Coalition for Human Rights.
Nous sommes très heureux que le gouvernement tienne ces audiences. Nous estimons qu'il s'agit là d'un exercice très valable dans le domaine de la responsabilité civile. Nous espérons cependant que celui-ci ne sera pas futile. D'ailleurs, nous avons de très sérieuses réserves à exprimer à propos de la façon dont le monde évolue en matière de mondialisation de l'économie.
Nous allons tous deux vous lire notre exposé, à commencer par M. Zanchetta. Merci.
M. Renzo Zanchetta (porte-parole, MAI-Day Coalition for Human Rights): Comme vous aurez pu le constater d'après le nom de notre coalition, nous avons d'abord constitué cet organisme pour nous opposer au MAI. Nous avons été soulagés de constater que les États membres de l'OCDE ont renoncé à l'AMI, mais ce soulagement a été de courte durée puisque nous avons appris que cet accord serait sans doute redéposé sur la table de l'OMC où il avait fait sa première apparition.
Par ailleurs, nous ne sommes pas encouragés par les déclarations du ministre du Commerce international, l'honorable Sergio Marchi, qui estime que l'OMC est le lieu idéal pour concevoir un accord sur l'investissement multilatéral. D'aucuns semblent penser à tort que l'opposition à l'AMI repose sur la forme, c'est-à-dire sur la manière dont il a été négocié. Si cela est en partie vrai—par exemple le secret et l'opacité qui a entouré la préparation de l'AMI, problème que nous avons également avec l'OMC, nous ont beaucoup préoccupés—nous tenons à insister, de nouveau, sur le fait que c'est surtout le contenu de cet accord qui nous inquiétait. C'est pour cette raison que nous sommes très défavorables à toute tentative visant à reprendre le contenu de l'AMI en l'élargissant à l'OMC dans les domaines de l'investissement, de la concurrence, des marchés publics et des droits en matière de propriété intellectuelle.
En tant qu'organisme de surveillance, il est évident que l'OMC remplit un rôle utile. Personne, du moins pas au sein de notre groupe, ne soutien qu'il faudrait supprimer toutes les règles régissant les échanges financiers et commerciaux internationaux. Le problème, dans le cas de l'OMC, tient à la façon bornée dont elle formule ses règles suivant une définition très étroite de l'entreprise commerciale. Dans les décisions de l'OMC et d'organismes du genre, comme le FMI et la Banque mondiale, il est effectivement question des droits des investisseurs, des sociétés, des banquiers, des entrepreneurs et d'autres possédants du genre, alors qu'on mentionne à peine les droits économiques, sociaux, culturels et civils de la communauté humaine. C'est à cause de cela que les règles actuelles de la mondialisation de l'économie ont causé autant de victimes, qu'elles ont provoqué une telle misère humaine.
L'OMC doit être soumise aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU. Avant d'étendre tout accord commercial international, ce qui s'entend de l'accord sur la ZLÉA, il faut adopter une déclaration ferme et juridiquement exécutoire accordant la priorité aux droits fondamentaux de l'être humain, notamment au droit à un environnement sain et propre. Idéalement, ce genre de convention devrait faire partie des accords eux-mêmes et ces droits devraient donc avoir préséance sur tous ceux qui sont spécifiquement visés par les instruments internationaux.
Deux exemples interreliés illustrent cet aspect à merveille. Ils concernent les effets de la mondialisation à tous crins sur la démocratie et sur l'environnement.
M. Vito Signorile: Sur ces deux plans, on peut considérer qu'on a affaire à un problème d'envergure. Pour reprendre une phrase célèbre extraite d'un ouvrage d'E.F. Schumacher: «La beauté réside dans la petitesse». Or, notre gouvernement et l'OMC nous affirment le contraire, autrement dit que la volupté réside dans la grosseur.
• 1420
Au Canada, on nous dit que les échanges commerciaux et
financiers à l'échelle internationale sont un secteur en pleine
croissance représentant un segment de plus en plus important dans
notre économie. On nous dit que notre compétitivité est en jeu,
que le Canada doit prendre part à cette grande course à l'échelle
internationale, faute de quoi nous traînerons irrémédiablement de
l'arrière. «Dans tous les cas de figure, se permet-on de
rajouter, on n'y peut rien!» Et pourtant, Schumacher fait
remarquer qu'il existe une échelle appropriée pour toute
activité. Ce ne sont pas toutes les activités qui, par le simple
jeu de la croissance, bénéficient à l'être humain. Encore une
fois, pour reprendre ce que dit Schumacher:
-
[...] nous sommes presque tous atteints d'idolâtrie pour le
gigantisme. Il est donc nécessaire d'insister sur les vertus de
la petitesse [...]
Schumacher recommande qu'on applique, dans nos politiques sociales, le principe de la subsidiarité. Il s'agit d'un principe selon lequel il ne faut rien faire à l'échelon le plus élevé de l'organisation qui ne peut l'être à un échelon inférieur. L'auteur soutient que ce principe ne vaut pas uniquement pour l'aspect humain de l'organisation, mais aussi pour l'aspect efficacité.
En outre, la petitesse est peut-être la réponse à la durabilité de l'environnement. Si la croissance et l'expansion du commerce sont les mantras d'organismes comme l'OMC, il arrive trop souvent qu'on poursuive ce genre d'objectifs sans vraiment tenir compte de l'environnement. Pour reprendre ce que David Suzuki a déclaré dans une récente émission à la CBC, le Canada, en tant que membre d'un petit club de nations dominant l'économie mondiale, laisse une empreinte écologique démesurée. Si tous les autres pays du monde consommaient autant que nous le faisons, il nous faudrait cinq planètes comme la terre pour satisfaire à la demande.
Il faut conclure de tout cela que nous devons, de toute urgence, délaisser les questions de croissance pour nous intéresser à celle de la durabilité.
Malgré de récents symposiums mixtes sur le développement durable, l'OMC a pris une direction tout à fait opposée. Gerard Greenfield, de l'Union internationale des agriculteurs a dit du programme de l'OMC qu'il équivaut à la destruction systématique de toute capacité, à l'échelon local, de maintenir une autosuffisance alimentaire et de pratiquer une agriculture durable.
La question des droits de propriété intellectuelle est également importante sur ce plan. On retrouve, dans cette catégorie, les droits de propriété relatifs aux collections de semence et aux médicaments traditionnels, sous la forme des brevets. On songera à un cas récent, celui d'une entreprise américaine, Ricetec, qui a prétendu être la seule à détenir des droits de trafic internationaux du riz basmati, parce qu'elle avait déposé un brevet en ce nom. Ainsi, les droits d'accès et de contrôle passent de plus en plus de l'échelon local aux mains des sociétés transnationales.
Ceux qui font la promotion de la mondialisation économique invoquent souvent les économies d'échelle pour défendre l'expansion des marchés. Cependant, cela n'est pas vrai dans tous les cas ni tout le temps. Encore une fois, je reviendrai à l'exemple de l'agriculture où l'on a pu constater que des exploitations familiales de petite échelle sont beaucoup plus rentables et productives que des exploitations massives de l'industrie agroalimentaire.
David Morris, directeur de l'Institute for Local Self-Reliance—il s'agit ici d'un article extrait de la revue Ecologist—cite deux études du département américain de l'Agriculture établissant que
-
les exploitations agricoles de taille moyenne sont tout aussi
efficaces que les grandes [...] avec des chiffres d'affaires
bruts d'environ 40 000 à 50 000 $ [...] et que les grandes
exploitations ne réalisent pas d'importantes économies d'échelle.
Ce genre d'observation ne concerne pas que le domaine agricole. Morris cite par ailleurs une étude concluant que l'usine moyenne «pourrait considérablement réduire sa taille sans pour autant accuser une importante diminution de ses prix de vente».
On remarquera que ses constats ne prennent pas en compte les façons plus globales de comptabiliser l'efficacité. Par exemple, si les exploitations agricoles capitalistiques peuvent effectivement produire plus par travailleur, les petites exploitations, elles, produisent davantage par hectare.
John Maynard Keynes, qui est sans doute l'économiste le plus influant de notre siècle, s'est prononcé sur le sujet et il est cité par Morris:
-
Ma sympathie va à ceux qui cherchent à réduire plutôt qu'à
maximiser les enchevêtrements économiques entre les nations. Les
idées, la connaissance, la science, l'hospitalité, les voyages
sont autant de volets qui, par leur nature, devraient être
internationaux. Mais favorisons les biens produits sur place
quand cette production est raisonnable et pratique et, par-dessus
tout, faisons en sorte que les finances soient essentiellement
nationales.
M. Renzo Zanchetta: Ainsi, cette ambition bornée qui consiste a vouloir étendre l'OMC est une atteinte à la fois pernicieuse et dangereuse à la démocratie parce qu'au nom de la liberté et de la démocratie, elle corrompt en fait ces deux valeurs.
• 1425
Laissez-moi vous donner un exemple. De toutes les raisons
qu'on invoque pour justifier le fait que l'OMC doit aller au-delà
des dispositions d'origine du GATT, on dit qu'il faut combler les
échappatoires dans le secteur agricole car elles induiraient une
distorsion de l'économie. Eh bien, quelles sont ces échappatoires
qui faussent notre économie? L'OMC mentionne, par exemple, les
quotas d'importation et les subventions. Ainsi, les échappatoires
du genre quotas et subventions sont rejetées par cette
organisation au nom du libre-échange ou de la libéralisation du
commerce. Cela étant, nous devrions, idéalement, retirer tout ce
qui fait obstacle au libre-échange et à la libre entreprise. On
pourrait ainsi considérer que les programmes nationaux destinés à
aider les petits agriculteurs gênent le libre fonctionnement du
marché et correspondent à des politiques protectionnistes
désuètes. D'où l'appel solennel que l'OMC lance pour qu'on retire
toute forme de protectionnisme susceptible de gêner le
fonctionnement mondial des marchés concurrentiels. C'est un peu
comme si le fait de vouloir protéger les siens était un des sept
péchés mortels, alors que l'avarice et la cupidité ne demeurent
que des péchés véniels. Quoi qu'il en soit, ce sont des intérêts
commerciaux qui réclament l'adoption de mesures favorisant ce
genre de liberté, et ils le font pour se servir eux.
L'OMC ne reconnaît pas la liberté des gens à l'échelon local, régional ou même national. Toutes les mesures que les citoyens peuvent vouloir prendre pour protéger leurs intérêts et leurs valeurs sont perçues comme étant des obstacles et des distorsions. On en est arrivé au point où la mondialisation de l'économie repose sur un axiome: toute libéralisation des intérêts commerciaux internationaux s'accompagne automatiquement d'un repli correspondant de la liberté des citoyens de décider des politiques ayant une incidence sur leur bien-être collectif.
Plus nous facilitons notre dépendance des échanges commerciaux et financiers internationaux et plus nous priverons les citoyens de leur droit de regard dans les affaires les concernant. Par ailleurs, nous estimons que l'expansion de l'OMC dans les circonstances actuelles est dangereuse parce que les politiques en vigueur nous conduisent tout droit à la catastrophe sociale et à la destruction de l'environnement. Il suffit, pour s'en convaincre, de voir toute la désinformation à laquelle se livrent les grandes transnationales dans leur rejet de la théorie du réchauffement mondial.
Pour l'heure, l'OMC n'est pas outillée pour faire face à toutes ces questions. Nous recommandons donc d'imposer un moratoire sur l'élargissement du mandat de l'Organisation ainsi que sur le passage de l'ALÉNA à l'accord sur la ZLÉA, tant que nous n'aurons pas réglé ces questions dans le cadre d'une tribune internationale. On pourrait idéalement commencer par créer un organisme qui s'apparenterait au Conseil économique international, décrit par Roy Culpeper, président de l'Institut Nord-Sud—bien qu'il faille ajouter aux fonctions que Culpeper envisage pour cet organisme l'éventail des questions concernant la race humaine.
M. Vito Signorile: Je résumerai ainsi notre position: avant d'envisager quelque expansion que ce soit d'un accord sur le commerce international du type AMI, nous devons nous doter d'une déclaration exécutoire visant à reconnaître la priorité des droits de la personne sur toute autre catégorie de droits, nous devons adopter une politique claire limitant, de façon raisonnable, l'envergure de l'accord—notamment en ce qui concerne l'appui accordé à l'activité commerciale, régionale et locale—enfin, nous devons exiger que tout le monde reconnaisse qu'il ne saurait être question de conclure un accord brimant les droits des citoyens et empêchant ceux-ci d'exercer leurs devoirs envers leurs collectivités.
Merci.
Le président: Merci beaucoup. Nous comprenons cela.
Nous allons maintenant entendre Mme Beer qui représente la Windsor and Area Social Justice Coalition.
Mme Anne Beer (porte-parole, Windsor and Area Social Justice Coalition): Merci beaucoup.
J'ai quitté la Hongrie, il y a plus de 50 ans, et je suis une orpheline qui a survécu à l'holocauste et émigré au Canada. J'ai appris à aimer le Canada parce que c'est un pays qui recherchait la justice sociale. L'écart entre les riches et les pauvres diminuait, les allophones commençaient peu à peu à se frayer un chemin vers la réussite et ceux qui avaient du mal à réussir recevaient de l'aide. La croissance de la production, de l'emploi, des revenus et des recettes du gouvernement s'expliquait en partie par les investissements étrangers.
• 1430
Sous la direction de Lester Pearson, l'aide a été étendue
aux pays pauvres. Le Canada respectait vraiment les obligations
qui découlaient de sa ratification de la Déclaration universelle
des droits de l'homme. En 1970, le gouvernement s'inquiétait de
l'ampleur des investissements étrangers et il a demandé à
l'honorable Herb Gray, député au Parlement, d'examiner cette
question. Le rapport sur les investissements étrangers directs au
Canada, connu sous le nom de rapport Gray, concluait en 1972
qu'il fallait limiter les investissements étrangers pour que le
Canada puisse contrôler son économie et son environnement social.
Qu'est-il arrivé à notre pays qui était autrefois si généreux? Aujourd'hui, l'écart entre les riches et les pauvres, qu'il s'agisse de pays ou d'individus, ne fait qu'augmenter. Le revenu réel de la plupart des gens diminue et le commerce mondial est contrôlé par les grandes sociétés, alors que les gouvernements n'ont plus les moyens d'adopter des lois pour améliorer le sort de leurs citoyens. On dit que le jeu des forces du marché permettra de résoudre tous les problèmes économiques, parce que, grâce à cette concurrence naturelle, les meilleurs produits seront vendus au meilleur prix, pour l'avantage de tous.
Le marché ne se trompe jamais et va faciliter l'avènement d'une société parfaite. Mais si l'on regarde d'un peu plus près le fonctionnement des systèmes économiques et politiques, pour savoir quels sont les pays qui sont favorisés, quels sont ceux qui reçoivent des subventions, quels sont ceux qui paient des impôts, comment ces impôts sont dépensés, qui obtient des subventions, on constate que le marché concurrentiel tel que décrit n'existe pas. On retrouve à sa place un système complexe de lois fiscales, de manipulation des fonds publics et des idées par les gouvernements, des réglementations et diverses exemptions d'impôt pour que certaines entreprises puissent prospérer, qu'elles soient compétitives ou non et pour que certains pays puissent prospérer, que ces pays respectent ou non les principes démocratiques et les droits de la personne.
L'aide sociale accordée aux riches prend des formes d'une diversité infinie; il y a les réductions des gains de capital, l'augmentation des exemptions fiscales, le laxisme des règlements en matière de santé et de sécurité, la réduction des impôts personnels, la réduction du financement du secteur de la santé et de l'éducation, par exemple. Comment la négociation d'autres accords de libre-échange, que ce soit dans le cadre de l'OMC ou de la ZLÉA, qui portent uniquement sur les aspects économiques pourrait-elle améliorer la situation de la population des États membres? Oui, ces accords ont créé de la richesse mais celle-ci est demeurée entre les mains d'un petit nombre de personnes. Les accords ont également aggravé la pauvreté de la plupart des pays et créé des modes de production et de consommation qu'il sera impossible de poursuivre à long terme. Le principal effet de ces accords semble être d'avoir ouvert les marchés pour que les sociétés transnationales en profitent et tout cela aux dépens des économies nationales, des travailleurs, des agriculteurs et de l'environnement.
De plus, les règles de fonctionnement et de procédure de l'OMC sont antidémocratiques, secrètes et ont eu pour effet de marginaliser la majorité de la population mondiale. On nous dit que la mondialisation combinée à un capitalisme sans entraves est la seule solution. Si c'est bien le cas, je dirais que ce système rigide n'est pas meilleur que le communisme. Nous vivons dans un monde où les personnes n'ont de valeur qu'en tant que consommateurs et producteurs, et où la santé et l'éducation sont considérées comme de simples produits. Voulons-nous vraiment un monde où les gens ne sont considérés que comme des acteurs économiques? L'échec de l'accord multilatéral sur l'investissement que proposait l'Organisation de coopération et de développement économiques a montré qu'il existait, dans la population, une large opposition à la déréglementation de l'économie mondiale, au renforcement du pouvoir exercé par les sociétés transnationales, à l'augmentation de l'utilisation des matières premières et à la déréglementation de l'environnement.
• 1435
Nous félicitons le premier ministre Chrétien d'avoir fait la
déclaration suivante devant le Sénat mexicain, déclaration qui
était reprise dans un article du Globe and Mail du 10 avril:
-
Nous devons être vigilants et consacrer tous nos efforts à la
réalisation de la promesse essentielle que fait le système
démocratique [...] Pour moi, la prospérité n'a de sens que si
elle améliore la situation et la sécurité de la majorité de la
population et non de quelques-uns, que si elle donne à la
population un accès plus large aux soins de santé, à un
environnement plus propre, à de meilleures conditions de travail
et à des droits fondamentaux mieux respectés.
Étant donné qu'il est loin d'être sûr que l'on respecte les droits de la population, le Canada devrait demander un moratoire sur les négociations et les débats qui pourraient avoir pour effet d'élargir le pouvoir de l'OMC et la mise en oeuvre de la ZLÉA. Pendant ce moratoire, on devrait procéder à une révision complète et approfondie des accords en vigueur ainsi qu'à leur évaluation. La société civile devrait participer pleinement à ce processus et examiner les effets qu'ont eus les activités de l'OMC sur les collectivités, sur le développement, sur la démocratie, sur l'environnement, sur la santé, sur les droits de la personne et ceux des femmes et des enfants. Tous les accords devraient respecter la Déclaration universelle des droits de l'homme et les pactes connexes. En cas d'incompatibilité, les accords doivent être modifiés et les droits énoncés dans la Déclaration universelle inscrits dans tous les accords internationaux qui pourraient être signés par la suite.
Il est temps que le Canada joue son rôle de leader et essaie de développer un système économique plus généreux dans les pays industrialisés. Il ne faut pas s'en remettre uniquement aux lois du marché et aux flux économiques, car on risquerait ainsi de perdre de vue les êtres humains. Il nous faut établir des relations humaines qui soient moins injustes, moins violentes et moins oppressives qu'elles ne le sont aujourd'hui. Nous voulons un monde où tout le monde peut se trouver un emploi stimulant, où les besoins essentiels sont comblés, où l'environnement est durable et où l'on a préservé les arts et la culture non commercialisés. Il faut mettre en oeuvre et appliquer la Déclaration universelle des droits de l'homme. L'homme ne doit pas être au service de la production, c'est la production qui doit servir l'homme.
Merci.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci beaucoup. J'ai beaucoup aimé votre conclusion. Merci.
Mme Anne Beer: Je crois que je n'ai pas été trop longue.
Le président: Très bien. Je crois que l'on va retrouver certaines de vos formules dans notre rapport. Nous veillerons à bien en indiquer la source.
Nous allons maintenant donner la parole à soeur Anne Bezaire.
Soeur Anne Bezaire (porte-parole, Coalition oecuménique pour la justice économique de Wallaceburg): J'aimerais féliciter les deux groupes qui sont intervenus avant moi parce que vous allez entendre répéter certaines choses que les représentants de ces groupes vous ont déjà mentionné. Mes commentaires vont porter sur les questions reliées à l'aspect social des accords de libre- échange.
• 1440
Dans un communiqué du 8 février 1999, le ministre du
Commerce international, M. Marchi, a déclaré: «Nous signons des
accords commerciaux pour améliorer l'existence de nos
concitoyens». J'aimerais croire que M. Marchi était sincère
lorsqu'il a fait cette déclaration. Toutefois, il y a maintenant
dix ans que nous avons signé l'ALÉNA et il nous suffit d'ouvrir
les yeux pour constater les effets que cet accord a eu sur
l'existence de nos concitoyens. Au cours de la dernière décennie,
le Canada a connu une longue période de chômage et la situation
socio-économique est la pire qui ait existé depuis les années 30.
Le nombre des personnes pauvres a augmenté de plus de 40 p. 100,
le nombre des enfants vivant dans la pauvreté s'est accru de 58
p. 100 et ces familles qui ont besoin de l'assistance sociale a
connu une hausse de 68 p. 100, en dépit d'une économique
florissante qui a multiplié par trois le nombre de nos
millionnaires. Il y a là quelque chose qui ne va pas.
Les entreprises déménagent vers le sud, au Mexique et en Amérique latine, où elles peuvent fabriquer les mêmes produits en économisant 75 p. 100 des coûts sans être limités par des règlements sur la santé ou la sécurité. Ces sociétés imposent des cadences infernales et paient des salaires de misère, tout cela pour que l'entreprise et ses actionnaires fassent des bénéfices.
J'habite à Wallaceburg, où la compagnie Libbey, l'un des principaux employeurs de l'endroit depuis près d'un siècle, s'apprête à fermer son usine au mois de juin pour transférer ses opérations au Mexique. Selon l'ALÉNA, notre gouvernement ne peut rien faire pour l'en empêcher et nous allons avoir au moins 400 chômeurs de plus.
Un jour, en 1993, les 29 pays les plus riches au monde ont entamé une série de négociations dont l'objectif était d'établir un accord mondial de libre-échange, inspiré de l'ALÉNA. Ces négociations ont été menées à l'insu non seulement des citoyens ordinaires que nous sommes mais aussi de nos députés. La chose est devenue évidente et gênante lorsqu'un document a été rendu public par suite d'une fuite, et que nous avons commencé à poser des questions à nos députés qui ont déclaré ignorer complètement de quoi il s'agissait.
• 1445
Cet accord multilatéral sur l'investissement, connu par son
sigle AMI, est un plan destiné à renforcer la mainmise sur le
commerce non pas des gouvernements nationaux mais des sociétés
transnationales. Son objectif était de réduire la réglementation
des investissements étrangers par les gouvernements. Je me
demande vraiment pourquoi un pays comme le Canada accepterait de
renoncer à son pouvoir de gouverner pour le céder aux grandes
sociétés.
Permettez-moi d'énumérer quelques-uns des pouvoirs que l'AMI devait accorder aux sociétés transnationales. Premièrement, cet accord aurait autorisé les transnationales à jouir des mêmes droits politiques que les organismes nationaux et à intenter des poursuites judiciaires contre les pays qui cherchent à les réglementer. Penser au jugement qui a obligé le Canada à verser 20 millions de dollars à Ethyl Corporation à cause d'une loi sur la protection de l'environnement à laquelle cette société s'opposait. Deuxièmement, cet accord aurait annulé le pouvoir des gouvernements fédéral et provinciaux d'imposer des normes de rendement, par exemple, concernant la rémunération et les conditions de travail, dans leurs domaines de compétence. Cet accord aurait autorisé ces sociétés à acquérir n'importe quelle structure ou capacité de production d'un pays, sans être aucunement tenues d'en préserver la rentabilité, de préserver l'emploi ou même de demeurer dans le même pays. L'accord aurait autorisé les sociétés étrangères à mettre la main sur les réseaux locaux d'approvisionnement en eau et les réseaux d'égout, une fois privatisés.
Le président du U.S. Council for International Business a écrit dans une lettre datée du 21 mars 1997:
-
Nous nous opposerons à toute mesure qui pourrait imposer,
directement ou indirectement, des obligations juridiques aux
gouvernements ou aux entreprises dans le domaine de
l'environnement ou de la main-d'oeuvre.
• 1450
L'AMI n'a pas été signé comme prévu en mai 1998. Le
gouvernement canadien soutient que cet accord est mort et que,
par conséquent, rien ne sert d'en parler. La vérité, c'est que
l'AMI n'est pas mort. Il a simplement changé de nom. On l'appelle
maintenant l'accord sur le commerce mondial et il relève de
l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce. L'entente qui en
résultera sera encore plus néfaste pour le citoyen moyen de tous
les pays car cet organisme mondial exerce son contrôle sur le
commerce de tous les pays et non pas seulement sur celui des pays
les plus riches.
Après vous avoir parlé de ce que tout le monde sait, que le libre-échange n'a pas été une bonne chose pour les Canadiens mais seulement pour les entreprises qui ont pu accroître leurs bénéfices, pour elles-mêmes et pour leurs actionnaires, j'aimerais maintenant parler d'une solution de rechange. Cette solution s'appelle le commerce équitable.
Tout le monde reconnaît aujourd'hui, je pense, que nous vivons dans un village global et que nous sommes reliés à toutes les régions de la planète par un énorme réseau de communication et de relations commerciales. Aucune personne sensée ne pourrait soutenir que le commerce mondial est mauvais en soi. Il est inévitable, mais cela ne le rend pas mauvais pour autant. En fait, le commerce mondial pourrait nous donner l'occasion de sortir de la pauvreté et de l'oppression, de répartir la richesse plus équitablement et de permettre aux pouvoirs publics d'exercer leur rôle, qui est de favoriser le bien-être des populations.
En me documentant sur le libre-échange, il m'est apparu évident que, pour les tenants d'un commerce sans entrave, un seul aspect compte, l'argent. Ils ne parlent jamais de l'effet que peut avoir cette libéralisation sur les populations, sur les droits des citoyens à une vie décente, à la paix et à la sécurité, et à la possibilité de réaliser leur potentiel.
Je ne suis pas assez naïve pour penser que l'on peut en arriver à une égalité parfaite en ce bas monde, mais lorsque les revenus des 20 p. 100 les plus pauvres représentent un 150e des revenus des 20 p. 100 les plus riches, comment oserait-on parler d'égalité? Aujourd'hui, les personnes qui font partie des 20 p. 100 des personnes les plus riches au monde reçoivent aujourd'hui plus des trois quarts des revenus mondiaux alors que les personnes qui font partie du 20 p. 100 les plus pauvres en reçoivent moins de % p. 100. Un pour cent des ménages possède de nos jours 47 p. 100 des actions des entreprises alors que ceux qui font partie du 80 p. 100 des personnes les moins riches n'en possèdent que 2 p. 100.
Il n'y a qu'un seul mot pour décrire cette réalité, c'est le mot cupidité. La cupidité touche aussi bien les plus pauvres que les plus riches. Le problème vient du fait que les organisations mondiales sont conçues pour favoriser les grandes entreprises au détriment des gens ordinaires.
Les grandes sociétés n'ont pas de conscience puisqu'il n'y a personne qui assume la responsabilité de leurs actions, et lorsqu'aucun individu n'est responsable, personne ne l'est. C'est donc aux gouvernements de prévoir des mécanismes de contrôle et de protection pour leur population. Mais ces sociétés disent aux gouvernements: «Non, non, vous ne devriez pas faire cela. Vous devriez laisser aux entreprises la liberté d'investir et de faire des profits énormes. C'est ce qui est le plus avantageux pour votre pays.»
Ma question est la suivante: les droits des grandes sociétés sont-ils plus importants que les droits des individus? Qu'est devenu la Déclaration universelle des droits de l'homme qui a été signée en si grande pompe il y a quelques années seulement?
Je suggère au gouvernement canadien de lancer un mouvement de protestation contre les nouveaux accords commerciaux qui, sans nul doute, seront proposés lors des réunions du G-7 en juin. Je lui demanderai aussi de réviser les dispositions du projet d'accord sur la ZLÉA pour tenir compte des droits de la population et non pas seulement de ceux des entreprises. Il existe des solutions de rechange.
• 1455
Nous approchons du XXe siècle et nous faisons face aux choix
les plus difficiles qui se soient posés à l'humanité. Quel genre
de monde voulons-nous? Sommes-nous prêts à accepter un nouvel
ordre mondial où ce seraient les grandes banques et les grandes
sociétés qui exerceraient le pouvoir pour avantager les riches et
les puissants? Préférons-nous conserver notre identité nationale
et le pouvoir de nous occuper de nos propres affaires pour le
bénéfice de tous les citoyens, qu'ils soient riches ou pauvres?
Notre gouvernement doit conserver sa souveraineté. Il ne doit pas laisser un capitalisme débridé s'imposer chez nous par le biais d'accords commerciaux destinés à servir uniquement le 20 p. 100 des personnes les plus riches de la société. Il doit reprendre le contrôle, en partie ou en totalité, sur la création d'argent dans la société. Il doit renforcer le tissu social qui a été gravement affaibli par la réduction des dépenses qui a miné nos droits humains et démocratiques fondamentaux. Il doit s'efforcer de faire accepter la taxe Tobin dans le droit international et il doit faire en sorte que les normes sociales et écologiques soient inscrites expressément dans tous les accords commerciaux.
J'invite instamment le ministre du Commerce, Sergio Marchi, à piloter ce mouvement, de la même façon que Lloyd Axworthy l'a fait pour les mines terrestres, et de former une coalition avec les pays qui ne considèrent pas la libéralisation des échanges commerciaux comme la solution à tous les maux. J'aimerais également lui rappeler que la toute première version d'un traité visant à protéger principalement les intérêts commerciaux américains, qui avait été présentée lors de la réunion initiale de l'OMC, a été bloquée par les pays en développement qui y voyaient une forme de néocolonialisme. Cela peut être fait. Mais seulement si le gouvernement a la volonté politique de se battre pour la population.
Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure. Les grandes sociétés n'ont pas de conscience puisque personne n'assume la responsabilité de leurs actions, aucun individu ne s'en porte responsable et elles n'ont donc aucun compte à rendre. Je prie instamment notre gouvernement d'assumer ses responsabilités.
Merci.
Le président: Merci, ma soeur.
Notre dernier témoin va être M. Hayes, président du Windsor Council of Canadians.
M. Douglas Hayes (président, Windsor Council of Canadians): Bonjour.
Je tiens d'abord à vous remercier de me permettre de me présenter devant votre comité et aussi d'avoir consulté toutes ces personnes et ces ONG, même si j'ai été quelque peu déçu de constater que vos audiences n'ont pas été largement mentionnées dans les médias. En fait, je n'en ai pas entendu parler du tout.
Le commerce est une question complexe. Nous sommes obligés de faire du commerce pour que notre pays croisse et prospère mais il y a d'autres aspects à prendre en considération avant d'ouvrir nos frontières aux marchandises étrangères. Si nous voulons demeurer un pays libre et souverain, nous devons être capables d'adopter des lois qui profitent à tous les citoyens du Canada et non pas seulement aux grands intérêts commerciaux.
Tout d'abord, il faut protéger nos programmes sociaux car il y a des personnes qui pensent qu'il faut les supprimer ou qu'ils devraient être transférés au secteur privé pour nous permettre de devenir, comme ils disent, plus compétitifs et pour faire davantage de bénéfices pour les actionnaires.
Deuxièmement, nous devons être capables de protéger notre environnement et celui des pays étrangers contre les opérateurs peu scrupuleux. Les pollueurs doivent être tenus responsables des dommages causés dans quelque pays que ce soit.
Troisièmement, les droits des êtres humains en tant que personnes et citoyens doivent avoir préséance sur tous les accords conclus par les pays et les grandes sociétés.
Quatrièmement, la santé et la sécurité des travailleurs du monde entier doivent avoir priorité sur les profits des entreprises.
À un certain moment, le Canada possédait les meilleurs programmes sociaux universels au monde, le système de santé, le Régime de pensions du Canada, la sécurité de la vieillesse, l'assurance-chômage, les allocations familiales, les allocations pour les jeunes. Des groupes comme le Conseil canadien des chefs d'entreprises, l'Institut C.D. Howe et le Fraser Institute nous répètent sans cesse que pour être concurrentiels dans l'économie mondiale, il faut diminuer notre dette nationale et notre déficit en réduisant ces programmes. Ce sont pourtant les premiers à tendre la main pour obtenir des subventions gouvernementales et des déductions fiscales. Certains de ces programmes ont été carrément supprimés alors que d'autres ne sont offerts qu'en fonction des ressources des particuliers ou donnent lieu à la récupération des sommes versées.
• 1500
Nous sommes en train de passer d'une société humaine et
équitable à une société où tous les coups sont permis et où seuls
les plus forts survivent, mais nous ne nous sommes pas demandés
ce qui va arriver aux citoyens qui ne réussissent pas à survivre?
Le nombre des sans domicile fixes et des personnes qui dépendent
des banques alimentaires et de la charité pour vivre va-t-il
augmenter constamment? Ou allons-nous préserver notre filet de
sécurité social pour que ces personnes puissent avoir une vie
décente et heureuse, et avoir un toit sur la tête? Nous savons
que cela n'est nullement impossible dans un pays aussi riche que
le Canada, si l'on demandait aux sociétés de payer leur juste
part.
Les travailleurs du gouvernement vont encore se faire voler quelque chose, leur fonds de retraite. Cet argent appartient aux travailleurs et il ne devrait pas servir à rembourser la dette. On devrait plutôt suspendre pendant un certain temps les cotisations des travailleurs, comme l'a fait OMERS. Si on laisse le gouvernement faire cela, les entreprises privées vont vouloir le faire aussi. Les régimes de retraite ne vont pas couvrir les besoins futurs et les travailleurs vont dépendre davantage de programmes d'aide sociale.
L'assurance-emploi, comme on l'appelle, a été qualifiée de subvention inéquitable. Alors, on l'a réduite à plusieurs reprises et on l'a récupérée par le biais de l'impôt. Cela a créé une réserve considérable constituée avec l'argent des travailleurs et que Paul Martin voudrait également utiliser pour rembourser la dette. C'est ce qu'on appelle harmoniser les règles en se basant sur les règles les moins contraignantes. J'ai entendu dire que certains aimeraient nous amener au niveau des Chinois. Cela démontre que les mesures de protection des travailleurs sont réduites au nom du remboursement de la dette tandis que les profits des entreprises ne cessent d'augmenter. Et l'on cherche à nous faire croire qu'il faudrait éliminer ces subventions injustes.
Pour ce qui est de l'environnement, le Canada est devenu la décharge des États-Unis et il n'y a rien que nous puissions faire à ce sujet. L'ALÉNA nous empêche d'arrêter les importations de déchets dangereux en provenance des États-Unis, qui ont augmenté de plus de 300 p. 100 entre 1993 et 1997, d'après les chiffres de l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement. Cela a coïncidé avec l'adoption aux États-Unis de nouvelles règles très strictes avec lesquelles il est devenu coûteux et difficile de transporter ces déchets dans les lieux d'enfouissement américains. Et comme l'a montré l'affaire S.D. Meyers, au sujet de l'importation des biphényles polychlorés, nous serions poursuivis si nous essayions de mettre fin à ces importations.
Voulons-nous faire des Amériques et du Mexique un espace où les sociétés ont le statut de pays souverain et le droit de poursuivre un pays si celui-ci cherche à protéger son environnement?
En tant que signataire de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de ses pactes, nous devons veiller à ce que tout le monde soit traité de façon équitable et à ne pas laisser les accords commerciaux empiéter sur les droits des individus. On nous a répété à plusieurs reprises que les droits de la personne ne pouvaient pas figurer dans les accords commerciaux. Notre gouvernement ne mentionne les abus des droits de la personne que lorsque le public exerce des pressions suffisantes.
Je ne vois pas comment l'on pourrait faire respecter la Déclaration universelle des droits de l'homme dans les pays qui ont des gouvernements tyranniques sans nuire aux personnes mêmes que l'on voudrait aider. Cependant, en permettant aux sociétés qui exploitent ces populations de commercer avec le Canada, on ne fait que contribuer au problème. Des organismes mondiaux, comme l'OMC et les Nations Unies, devraient exercer des pressions sur les dirigeants de ces pays pour qu'ils respectent les droits de leurs citoyens.
Au Canada, les règlements en matière de santé et de sécurité sont relativement efficaces mais ils pourraient être encore améliorés. Ce ne sont pas les entreprises canadiennes qui ont eu la bonté de faire adopter ces règlements; c'est parce que nos syndicats ont livré de dures luttes que nous les avons obtenus. Dans les pays en voie de développement, il y a des lois qui empêchent la création de syndicats, ce qui permet à ces mêmes sociétés de contourner nos lois et d'exporter leurs produits au Canada sans tenir compte de la santé et de la sécurité des travailleurs dont ces entreprises profitent.
Comment résister à la concurrence dans un tel environnement économique? Allons-nous laisser un organisme international non élu nous obliger à y participer? Qu'est-il advenu de la démocratie?
Il faut se préoccuper de la santé et de la sécurité avant de penser faire du commerce. Prenez le cas de l'amiante. Ce produit a été banni au Canada parce qu'il a été démontré que c'est une substance cancérigène. Cela n'a pas empêché notre gouvernement d'essayer par le biais de l'Organisation mondiale du commerce d'obliger la France à l'accepter.
Il y a au Mexique, en Amérique centrale et du Sud, des agriculteurs qui utilisent des pesticides qui sont interdits ici mais nous autorisons leurs produits à entrer au Canada. Qui connaît l'effet que ces produits chimiques peuvent avoir sur nos enfants et sur ceux des agriculteurs?
• 1505
Quel sera notre prochain combat? Sera-ce l'importation de
viande de boeuf aux hormones et aux antibiotiques ou
l'utilisation de l'hormone de croissance bovine pour les vaches
laitières. En vertu de l'accord sur l'application des mesures
sanitaires et phytosanitaires, l'Europe s'est vu empêcher
d'interdire l'importation du boeuf produit avec des hormones de
croissance.
L'Organisation mondiale du commerce est devenue un outil puissant qui favorise la mondialisation des entreprises mais elle ne tient guère compte des effets que cette évolution peut avoir sur les pays, sur les populations et sur l'environnement. Nous constatons que ce sont les riches et les puissants qui profitent le plus de ces accords commerciaux qui nuisent à la qualité de vie et aux droits démocratiques de la plupart des Canadiens au nom du dollar tout puissant. L'Organisation mondiale du commerce est-elle là pour nous protéger ou faudrait-il plutôt nous protéger d'elle?
Pour terminer, je dirais que le gouvernement doit éviter de réduire davantage nos programmes sociaux. Nous ne voulons pas d'un système à deux vitesses ou d'un système privatisé comme celui qui existe aux États-Unis. N'oubliez pas la protection de l'environnement et cherchez à renforcer nos lois sur l'environnement dans tous les accords commerciaux que nous signons. Respectons l'engagement que nous avons pris de mettre en oeuvre la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par les Nations Unies en la rendant obligatoire et protégeons la santé et la sécurité de tous les travailleurs lorsque nous négocions des accords commerciaux.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hayes. Merci à tous.
Nous allons maintenant passer aux questions. Madame Debien.
[Français]
Mme Maud Debien: Bonjour, messieurs. Bon après-midi, mesdames. Je voudrais d'abord vous remercier d'être parmi nous cet après-midi.
Je suis membre de l'opposition, bien sûr. Vous connaissez tous un peu la philosophie de mon parti. Certaines de vos préoccupations rejoignent les nôtres. Nous avons d'ailleurs souvent questionné le gouvernement concernant l'augmentation dramatique de la pauvreté. Une de nos collègues a déposé, la semaine dernière ou cette semaine, un projet de loi concernant la pauvreté au Canada et au Québec. Au Québec aussi, il y a beaucoup de gens pauvres.
Vos préoccupations rejoignent aussi celles de nombreux organismes membres de la société civile, des syndicats et des ONG que nous avons rencontrés depuis le début de nos audiences. Je pense que mes collègues du comité partagent également toutes ces inquiétudes. Nous n'avons pas toutes les réponses. Vous nous suggérez des pistes de solutions. Vos solutions feront partie intégrante du rapport que nous soumettrons au ministre.
Je voudrais vous parler d'un événement que vous connaissez sans doute et qui concerne plus spécifiquement le Québec. Vous savez qu'un de nos jeunes collègues, Stéphan Tremblay, est sorti de la Chambre des communes avec son fauteuil sur la tête. Notre jeune collègue se préoccupait des effets négatifs de la mondialisation sur l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes.
Le geste de Stéphan a eu un impact très fort au Québec, ce qui fait que le gouvernement du Québec, le Parti québécois et le Bloc québécois ont entamé une réflexion au mois de janvier sur les impacts de la mondialisation sur la société québécoise. Actuellement, un peu comme notre comité, nous sommes à l'étape de la réflexion et de la réception des interventions et mémoires des organismes, en particulier du milieu québécois. Nous faisons un peu la même chose dans tout le Canada en ce moment. J'espère que le ministre sera attentif à nos recommandations.
• 1510
J'aimerais vous adresser une
question à tous.
Une de vos recommandations
principales est qu'il y ait un moratoire concernant
les négociations de l'OMC, qui doivent commencer
en novembre prochain, comme
M. le président le disait tout à l'heure.
S'il n'y a pas de moratoire, qu'est-ce que
vous suggérez au gouvernement de faire?
Je pense que le gouvernement canadien
ne pourra pas se retirer des
négociations.
Vous avez parlé
de clause sociale, d'environnement et de
respect des droits de la personne.
Si le Canada ne réussissait pas
à transmettre ce message aux autres pays négociant à l'OMC,
que devrait-il faire à ce moment-là?
Le président: Soeur Bezaire.
Soeur Anne Bezaire: Puis-je parler en anglais?
Le président: Oui, tout à fait. Vous pouvez parler en français ou en anglais.
Soeur Anne Bezaire: Je vais parler en anglais parce que je ne connais pas assez bien les termes français.
[Traduction]
Excusez-moi.
Je pense que le Canada est une puissance moyenne et que les grandes puissances acceptent qu'il joue le rôle qui lui revient. Il occupe une position très particulière puisqu'il est en mesure de rallier les pays qui en souffriront le plus, les pays en développement, en Afrique, en Amérique latine, le Mexique et même en Extrême-Orient. Tous ces pays sont en train de devenir des victimes de la mondialisation. Ce phénomène fragilise leurs devises, favorise l'exploitation des travailleurs et il y a tous ces autres aspects préjudiciables que cela entraîne.
J'aimerais qu'il se porte à la tête d'une coalition et qu'il examine une à une toutes les clauses des accords commerciaux. Comme à peu près tous les autres groupes l'ont mentionné, il faut que les accords commerciaux tiennent compte des aspects sociaux. Nous ne pouvons nous contenter de penser uniquement en termes de rentabilité. Il y a des millions et des millions de personnes dont les moyens de subsistance sont détruits par la mondialisation, un phénomène qui ne se préoccupe aucunement de la dimension humaine.
La réalité, c'est qu'on laisse les entreprises exploiter les travailleurs. Nous avons essayé de sensibiliser la population, en lui disant de ne pas acheter certains produits parce qu'ils sont fabriqués par des travailleurs exploités, mais cela ne donne rien. Je pense que le Canada pourrait jouer ce rôle-là.
Cela se tient-il?
Le président: Monsieur Signorile.
M. Vito Signorile: Merci.
Il s'agit en fait de savoir s'il existe au Canada la volonté politique d'agir en ce sens. Nous sommes en position de faire quelque chose. La situation demeure critique, comme vous l'avez dit, parce que l'OMC va bientôt tenir la ronde des négociations du millénaire. Le problème est que si les choses ne changent pas, notre situation va être encore pire que si nous avions carrément refusé de participer à ces négociations. Voilà quelle est mon impression. Le fait est que nous allons nous trouver dans une situation très difficile. Aujourd'hui, le monde se trouve dans une situation critique pour ce qui est du pouvoir que les instances internationales sont prêtes à accorder aux sociétés transnationales, et certains pourraient y voir un abandon des principes démocratiques.
C'est un problème auquel nous allons devoir nous attaquer. Si le Canada avait la volonté politique de le faire, cela pourrait donner quelque chose. Si les négociations du millénaire se poursuivent, le Canada devrait y participer en adoptant une position très ferme et en insistant pour que l'on reconnaisse la primauté des dispositions relatives aux droits de la personne.
Nous devons participer à ces négociations et adopter une position très ferme. Je ne pense pas que nous devrions nous contenter de dire que nous sommes obligés de nous engager dans ces négociations parce que nous craignons qu'elles se déroulent sans nous. Nous voulons y participer mais selon des modalités qui nous conviennent.
Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Pickard.
M. Jerry Pickard: Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je tiens tout d'abord à dire à chacun d'entre vous que vous avez parfaitement réussi à faire ressortir les préoccupations de la population. Les accords commerciaux et toutes ces mesures ont des répercussions, comme M. Marchi l'a déclaré, sur les familles et sur la population de tous les pays. La dimension humaine est très importante et vous l'avez fort bien exprimé.
M. Vito Signorile: Il suffit de mettre en pratique ces principes.
M. Jerry Pickard: Deuxièmement, l'environnement est un aspect très important. Nous avons eu peu à peu tendance à dissocier l'aspect humain de l'aspect économique et de l'aspect écologique. De nombreux Canadiens nous ont dit que le moment était venu de changer d'orientation. Il faut maintenant regrouper ces trois aspects dans un ensemble qui comprendra non seulement des règles qui vont améliorer l'environnement et la vie des gens mais aussi des règles qui vont aider tous les pays à évoluer dans une direction plus positive. C'est ce qu'il faut essayer de faire.
Nous parlons des motifs qui animent les entreprises mais je crois que certains de ces motifs sont tout à fait respectables. Si nous regardons les progrès qu'a réalisés le secteur de l'automobile en 50 ans, ainsi que les préoccupations exprimées et les efforts déployés par les entreprises de ce secteur, on peut conclure que ces entreprises ont rendu de grands services à notre collectivité. Elles ont changé la vie de beaucoup de monde même si ce n'est pas le cas dans tous les pays. Ce n'est pas ce qui s'est produit pour les travailleurs des autres pays. Comme soeur Bezaire l'a clairement fait remarquer, les grandes entreprises n'ont pas toujours recherché l'amélioration de la situation des personnes mais les entreprises ont plutôt fait preuve de cupidité. Nous le savons.
• 1520
Il est très clair qu'il faut absolument faire en sorte que
le Canada, comme vous l'avez tous dit je crois, s'unisse avec les
pays qui ont les mêmes idées que nous et que l'on cherche à
améliorer la vie des populations et à préserver l'environnement.
C'est le message très clair qui a été transmis au comité au cours
des séances que nous avons tenues cette semaine et le mois
dernier, par de nombreux groupes, des groupes nationaux aussi
bien que des groupes régionaux comme les vôtres.
Notre comité est chargé de préparer un rapport. Ce n'est pas nous qui décidons de l'orientation que choisira éventuellement le Canada. Notre rôle est de transmettre à Ottawa ce que vous nous avez dit, d'introduire vos points de vue dans notre rapport et de veiller à ce que ce rapport soit transmis à Ottawa au ministre et à son ministère. Je vous félicite donc d'être venus nous voir. Je crois que le message que vous envoyez est très clair.
Pour ce qui est de la communication, nous aimerions qu'il y ait davantage de journalistes à ces séances. Ces séances ont été annoncées. Soeur Bezaire et moi avons eu une entrevue avec un journaliste du Chatham Daily News. Cela s'est fait dans une collectivité au moins. Malheureusement, on nous a dit dans plusieurs régions que la communication n'était pas toujours très bonne. Nous le regrettons et nous voulons vraiment entendre tous les points de vue sur ce sujet et nous vous remercions beaucoup d'avoir exposé le vôtre.
Je n'ai pas vraiment beaucoup de questions à vous poser mais je dois vous dire que ce que vous faites est important.
Le président: Monsieur Signorile.
M. Vito Signorile: Une des raisons pour laquelle nous avons demandé que l'on décrète un moratoire sur les négociations de l'OMC c'est parce qu'il semblait se dégager une sorte de fatalisme des déclarations émanant de cet organisme. En particulier, je pense à ce que Renato Ruggiero a déclaré dans son discours d'ouverture et, je crois aussi, dans sa conclusion lors du symposium sur le développement durable et sur le rôle de l'OMC qui a été tenu récemment et auquel participaient diverses ONG. Malgré tous ces efforts, on continue à nous dire que la solution consiste à poursuivre dans la même voie: libéraliser et libéraliser encore les échanges. Cela est insuffisant. Je crois que ceux qui devraient écouter ce que nous disons ne le font pas. Voilà la raison. Si l'OMC écoutait ce que nous sommes en train de dire et commençait à examiner ces choses sérieusement, nous pourrions peut-être progresser. L'OMC pourrait peut-être aller de l'avant. Mais c'est là la principale raison pour laquelle je pense qu'il faudrait déclarer un moratoire, il faudrait assainir la situation et repenser nos priorités.
Le président: Madame Augustine.
Mme Jean Augustine: Je ne peux pas en dire beaucoup plus. M. Pickard a bien fait remarquer que nous avons très clairement entendu les points de vue qui ont été exprimés dans les différentes régions. Je vous remercie de nous fournir ces documents, que nous pourrons emporter avec nous, et dans lesquels vous exprimez vos préoccupations. Le seul fait que vous soyez là aujourd'hui démontre que vous voulez vraiment que nous nous fassions l'écho de vos préoccupations.
Il y a une question que je me pose lorsque l'on parle de décréter un moratoire, de prendre une pause pour réfléchir. On nous suggère en même temps de faire certaines choses, de continuer à travailler que ce soit sur la taxe Tobin, sur l'environnement ou sur les droits de la personne. J'essaie de voir comment l'on pourrait d'un côté faire une pause et de l'autre poursuivre les discussions. Vous pourriez peut-être me dire certaines choses à ce sujet. Faut-il nous joindre à ces négociations et essayer d'obtenir que l'on aborde ces sujets? Comment pourrions-nous empêcher cette ronde de négociations de se dérouler? Pour ce qui est des recommandations qui ont été présentées au Canada, des valeurs et des principes moraux que vous voudriez voir aborder, comment pourrions-nous obtenir qu'on en parle si nous décidons de nous retirer ou de faire une pause comme certains l'ont demandé?
Le président: Madame Beer.
Mme Anne Beer: On pourrait utiliser le moratoire pour effectuer des études et je me demande s'il ne faudrait pas effectuer des recherches plus systématiques. Nous parlons du GATT, de ceci et de cela, nous nous demandons si les règles seraient plus faciles à appliquer ou si les entreprises nous prendraient plus au sérieux si l'on disposait de données et de chiffres plus parlants. Ce serait peut-être une bonne façon d'utiliser un tel moratoire. Il existe déjà beaucoup de données sur ces questions mais on pourrait peut-être encore les rendre plus convaincantes. Ce serait donc une façon de procéder.
Il faut commencer par décider si nous voulons vraiment défendre la personne humaine, l'environnement... C'est là la première chose que le Canada doit décider. Ensuite, il faudra se demander si nous avons suffisamment de renseignements pour convaincre les autres ou alors décréter un moratoire et effectuer ces études, ou si nous en avons assez, pouvons-nous poursuivre immédiatement? Nous pourrions peut-être faire les deux à la fois. Voilà ce que je pense.
Le président: Monsieur Signorile et ensuite, soeur Bezaire.
M. Vito Signorile: Je crois que l'image de la pause n'est peut-être pas exacte. Le temps est un phénomène inévitable et il semble impossible de faire une pause sans que le temps lui-même ne s'arrête.
Il faudrait peut-être plutôt parler d'essayer d'arrêter le train. Un train va quelque part. Nous allons dans une direction où nous ne voulons pas aller et je crois que le moment est venu de voir ce qu'il y a autour et de déterminer s'il n'y aurait pas d'autres directions dans lesquelles nous voudrions nous engager.
La difficulté vient du fait qu'on semble croire que tout cela est inévitable. À l'heure actuelle, tout le monde se précipite dans la même direction et je ne pense pas que cela soit très bon pour nous. Nous devons être convaincus que nous avons le pouvoir de changer le cours des choses. Nous devons penser que notre pays a le pouvoir de faire ce qu'il considère être la bonne chose à faire.
Merci.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup.
Soeur Bezaire.
Soeur Anne Bezaire: Je voulais simplement ajouter qu'un moratoire ne veut pas dire que l'on arrête tout. Ma principale crainte est que l'on retrouve à l'OMC les mêmes choses qui se trouvaient dans l'AMI. Tout indique que l'on va retrouver tout ce que contenait l'AMI, notamment les restrictions imposées à tous les gouvernements. C'est ce à quoi il faut nous opposer. Il faut réécrire un document commercial, il ne s'agit pas d'arrêter les négociations mais d'en examiner le contenu et de signaler que l'AMI ne contient aucune clause—et cet accord traite de douzaines de sujets—qui vise à protéger l'aspect humain, l'aspect social et l'environnement, plutôt que de recommencer à zéro.
Je recommande à tous ceux qui s'intéressent à cette question de lire le livre de Linda McQuaig intitulé The Cult of Impotence et celui de Paul Hellyer The Evil Empire. Ils contiennent tous les deux beaucoup de choses qui se rapportent directement à ce dont nous parlons.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup.
Madame Whelan.
Mme Susan Whelan: J'aimerais adresser un bref commentaire à soeur Bezaire. Ce n'est pas que je ne sois pas d'accord avec vous au sujet de la nécessité de promouvoir un commerce équitable. Je souscris tout à fait à cette idée. Cependant, permettez-moi de vous dire que je pense que le libre-échange a beaucoup apporté aux Canadiens. Je vous dis ceci parce que vous faites un jugement global sur la libéralisation des échanges en général et je ne pense pas que l'on puisse le faire. Il faut reconnaître qu'avant l'accord de libre-échange, entre 75 et 80 p. 100 de nos échanges avec les États-Unis se faisaient librement. Cela a profité énormément, à cette région en particulier, à Windsor, à l'Essex et au comté de Kent, de sorte que l'économie de cette région, notre PIB, est l'équivalent de celui de toute la province du Manitoba. Ce partenariat commercial nous a beaucoup apporté.
Il est vrai par contre que le fait d'étendre cette situation avec ce que l'on a appelé l'accord de libre-échange, titre qui ne correspond d'ailleurs pas à son contenu parce qu'il s'agissait uniquement du 20 p. 100 restant, a causé des difficultés dans certaines régions. Je crois qu'il faut nuancer ce jugement et déterminer les secteurs où cette libéralisation a eu des effets positifs et ceux où cela n'a pas été le cas.
Je voulais signaler cela parce que je suis en fait d'accord avec vous au sujet du fait que nous voulons que les échanges soient équitables et cela me paraît possible. Je ne pense pas toutefois que le libre-échange n'a eu que des effets négatifs.
Soeur Anne Bezaire: Le Pacte de l'automobile a été...
Mme Susan Whelan: Le Pacte de l'automobile nous a beaucoup apporté.
Soeur Anne Bezaire: Oui.
Mme Susan Whelan: Je pense qu'il faut le reconnaître.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Madame Beer, vous vouliez faire un commentaire.
Mme Anne Beer: J'allais simplement dire que je suis d'accord avec cela mais qu'il s'agissait de deux pays industrialisés où les salaires étaient à peu près au même niveau.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup. Je pense que cela termine notre... Vous vouliez ajouter quelque chose?
Mme Susan Whelan: Oui. L'accord de libre-échange a été conclu par deux pays industrialisés.
Il nous faut tirer les leçons du passé pour pouvoir aborder l'avenir. Nous devons veiller à répondre aux besoins de la population et ne pas oublier que c'est le bien-être de la population qu'il faut viser.
M. Vito Signorile: Puis-je faire un commentaire?
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Vous voulez faire une remarque sur ce point? Nous sommes en train de prendre du retard.
M. Vito Signorile: Je veux seulement dire qu'il ne s'agit pas ici d'être pour ou contre le commerce. Qu'il faille parler de libre-échange, c'est une autre question.
• 1535
Le problème vient du fait que dans l'ensemble les
discussions sur le libre-échange et sa mise en oeuvre n'ont pas
tenu compte d'un grand nombre d'aspects importants et que la
plupart des décisions qui ont été prises n'ont pas tenu compte de
la nécessité de protéger notre environnement, notre santé
publique, etc. Voilà ce qui s'est produit. Et c'est à cela que
nous nous opposons.
Je suis un internationaliste et je suis un partisan de la liberté du commerce. D'un autre côté, j'estime également que nous devrions pouvoir exercer un certain contrôle sur nos propres affaires. Si nous n'arrivons pas à obtenir cela, nous risquons de perdre beaucoup. C'est là pour moi le problème essentiel. Il ne s'agit pas de savoir s'il faut être contre les échanges commerciaux ou la libéralisation des échanges. L'objectif est de préserver la démocratie à l'échelon local. Nous aimerions que les accords commerciaux intègrent ce principe. Ce n'est pas un sujet qui a été abordé au cours des négociations.
Le président: Monsieur, pourrais-je vous poser une question au sujet de votre mémoire? Vous dites que vous ne voulez pas que l'OMC examine la question de l'investissement, je comprends cela, et de la concurrence dans les achats des gouvernements. Mais les règles en matière de concurrence... Si j'ai bien compris, cela voudrait dire que l'OMC devrait essayer d'empêcher les grands groupes internationaux de fusionner et de devenir trop puissants. J'aurais pensé que vous étiez en faveur de cette évolution. La plupart estiment que c'est là une dimension qui manque, on permet à ces sociétés de croître sans entrave et personne ne les contrôle.
M. Vito Signorile: Vous avez tout à fait raison au sujet de la nécessité d'exercer un contrôle sur ces sociétés. Le problème vient de l'attitude des fonctionnaires de l'OMC et de la façon dont ils règlent les problèmes quotidiens. Les difficultés surviennent dès que l'on entre trop dans les détails. C'est ce que nous avons constaté pour la plupart de ces accords. À première vue, ces accords semblent protéger diverses choses. Lorsqu'on en arrive à l'arbitrage et aux négociations, on constate que cette protection a disparu. Cela s'est produit à plusieurs reprises. Il faut absolument faire quelque chose à ce sujet.
Le président: Vous ne vous opposez donc pas aux règles sur la concurrence pourvu qu'elle soient bien appliquées...
M. Vito Signorile: Non, non.
Le président: ...comme nos lois antitrust.
Merci beaucoup. Je crois que nous avons bien compris ce que vous nous avez dit: personne n'est vraiment contre le libre- échange pourvu qu'il profite à l'ensemble de la société. Le problème vient du fait que le système actuel ne protège pas l'environnement, les droits de la personne, la culture, un sujet qui n'a pas été soulevé mais qui touche de près d'autres régions, ni les conditions de travail; nous devons faire clairement savoir au gouvernement qu'il doit faire davantage d'efforts pour renforcer tous ces aspects, tant sur le plan international qu'au niveau local. Soyez sûrs que nous allons transmettre ce message et nous apprécions beaucoup le fait que vous ayez pris le temps de venir nous le communiquer. Merci beaucoup.
M. Vito Signorile: Merci.
Soeur Anne Bezaire: Merci.
Mme Anne Beer: Merci.
Le président: Merci d'être venus.
Puis-je demander aux témoins suivants de bien vouloir prendre place. Je crois qu'il y en a trois autres. Il y a le Syndicat national des cultivateurs et deux autres personnes qui vont témoigner à titre personnel. Installez-vous.
Nous allons prendre une pause d'une minute.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Je crois que nous pouvons recommencer. La liste mentionne deux personnes ainsi que M. Perry Pearce du Syndicat national des agriculteurs.
Vous aurez la parole pendant une dizaine de minutes et nous passerons ensuite aux questions.
Perry, voulez-vous commencer? Bienvenue.
M. Perry Pearce (porte-parole, Syndicat national des agriculteurs): Je crois que tout le monde a reçu mon petit mémoire et si je dis des bêtises, vous pourrez toujours me corriger.
Je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir placé mon nom sur votre liste. Certains d'entre vous me connaissent très bien, d'autres pas du tout. C'est très bien ainsi. Nous allons apprendre à nous connaître un peu au cours des minutes qui vont suivre.
Je suis un agriculteur du comté d'Essex, où j'exploite une ferme avec ma femme Julie et ma femme Becky, qui est dans l'assistance aujourd'hui. Cela fait 21 ans que je suis dans l'agriculture et que je fais de mon mieux pour contribuer à l'économie canadienne. Notre ferme est exploitée par deux familles, l'une d'entre elles étant celle de mes parents. Nous cultivons près de 500 acres de terre et nous élevons des porcs.
Julie et moi sommes des membres actifs du Syndicat national des agriculteurs, de la Pork Producers Association, d'organisations religieuses, de groupes de femmes, de groupes s'intéressant à l'écologie et à l'utilisation des sols. Cette liste est assez longue. Le principe que l'on retrouve dans tous ces organismes est l'égalité et l'action coopérative. Lorsque l'on travaille avec des groupes confessionnels, il est toujours bon de bien écouter les problèmes avant de proposer des solutions. Les gens qui ont des intérêts différents, des expériences différentes, qui sont plus ou moins proches du problème, ont tous leur propre point de vue.
J'aimerais aujourd'hui demander aux membres du comité de prendre quelques minutes pour écouter ce que j'ai à dire au sujet des questions commerciales qui se posent aujourd'hui. J'espère sincèrement vous aider à comprendre quelle est la nature des problèmes qui se posent dans le secteur de l'agriculture, du point de vue de l'exploitant d'une ferme familiale qui essaie de survivre dans des circonstances difficiles.
• 1545
J'ai commencé à travailler dans l'agriculture il y a 20 ans.
On nous disait que la production alimentaire mondiale était
insuffisante et j'ai construit une porcherie pour y mettre une
centaine de truies et j'ai commencé à faire de l'élevage.
L'élevage des porcins s'est intégré à l'économie ontarienne et
tout le monde en a été satisfait. Cela se passait en 1978. Il
faut savoir, et il y a ici deux membres du comité qui le savent
très bien, que l'on trouve dans le comté d'Essex d'excellentes
terres agricoles et un climat très favorable. Il ne s'agit donc
pas d'une région agricole marginale; nous parlons d'une région
qui est peut-être l'une des meilleures de tout le continent de
l'Amérique du Nord.
Au début des années 80, l'agriculture s'est pratiquement désintégrée, avec l'augmentation des taux d'intérêt et l'endettement des cultivateurs, la chute des prix et de nombreux agriculteurs ont fait faillite. Aujourd'hui, mes voisins, dont la plupart avaient à peu près mon âge, font autre chose. Aujourd'hui, ma femme a trois emplois à temps partiel, nous avons un camion qui a 12 ans et nous sommes inquiets pour l'avenir.
Les grandes sociétés agricoles sont apparues au cours des années 80,parce que l'on pensait, de façon un peu simpliste, qu'elles étaient plus rentables. Ce modèle a favorisé l'expansion des surfaces cultivées, de la production et des exportations. Je crois que nous sommes toujours influencés par cette idée que l'augmentation de la production est un facteur de prospérité. Les accords commerciaux, et en premier lieu l'accord intervenu entre le Canada et les États-Unis, ainsi que tous les autres, ont pour objectif d'augmenter les échanges commerciaux. On a élaboré des accords commerciaux qui obligeaient les nations souveraines à ouvrir leurs portes aux produits alimentaires, quelle qu'en soit l'origine. Ce droit d'accès au marché interne est un élément essentiel de l'agriculture fondée sur l'augmentation de la production et elle a eu un effet dévastateur sur les fermes familiales au Canada.
De nos jours, les exportations de produits agroalimentaires sont cinq fois et demie plus élevées qu'elles l'étaient en 1975, mais le revenu agricole net est inférieur de 25 p. 100 à ce qu'il était à la même époque. Malgré l'échec complet qu'a entraîné l'augmentation de la production et des exportations, le revenu net agricole n'a pas augmenté. Cela n'empêche pas le gouvernement de continuer à faire de la croissance des exportations l'élément central de sa politique agricole.
En 1993, les ministres du gouvernement provincial et du gouvernement fédéral ont fixé, pour l'an 2000, une cible de 20 milliards de dollars pour les exportations, ce qui représente le double du volume des exportations pour l'année 1989, qui était de 10 milliards de dollars. La cible de 20 milliards de dollars a été atteinte avant cette date et en 1998, le ministre a fixé une nouvelle cible de 40 milliards de dollars pour l'année 2005. L'exportation de la viande de porc devait être le principal moteur de ce doublement et redoublement des exportations. Malgré l'incertitude qui règne dans les marchés mondiaux, le gouvernement fédéral prévoit une forte croissance des exportations de viande de porc et pour l'an 2000, une croissance de 48 p. 100 par rapport à 1998.
Aujourd'hui, les éleveurs de porc se demandent toutefois ce qui est arrivé. En automne 1998, j'ai vendu 100 kilogrammes de porc pour la somme de 35 $. Je sais que les gens ont souvent du mal à se représenter ce que veut dire 100 kilogrammes de viande de porc. Je suis fier de dire que je pèse un peu plus de 100 kilos. Ou pour prendre un autre exemple: cette quantité de viande suffit à nourrir une famille canadienne normale de 2,5 personnes, je ne sais pas si c'est toujours ce chiffre, pendant au moins six mois, pour ce qui est des protéines animales, en tenant compte du fait que cette famille va sans doute se fatiguer de manger du porc tous les jours et vouloir manger autre chose que du porc. Ce montant de 35 $ représente donc beaucoup de viande. Ce n'est pas beaucoup d'argent. Ce montant représente une forte réduction du prix que je recevais l'année précédente, et moins de la moitié du prix que nous recevions en 1978, lorsque j'ai commencé à faire de l'élevage.
• 1550
Les membres du comité peuvent tenir compte du fait que le
salaire et l'allocation qui étaient versés aux députés en 1978
s'élevaient à 38 900 $. Pensez-vous que vous auriez du mal à
répondre aux besoins de votre famille si vous ne receviez que la
moitié de cette somme? Vous auriez beaucoup de mal à survivre.
Nous travaillons beaucoup pour gagner cet argent. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour notre famille. Nous ne devrions pas être obligé de faire chaque année plus avec moins.
Pour ma ferme, le prix de revient s'établit à environ 130 $ pour 100 kilogrammes de viande de porc. Nous expédions habituellement 30 porcs par semaine. En moyenne, nous faisons un bénéfice de 10 à 20 $ par porc, ce qui représente un revenu hebdomadaire de 300 à 600 $. Ce n'est pas mal, cela peut aller. Mais le mois dernier, nous avons perdu jusqu'à 3 000 $ par semaine. Comme vous pouvez le constater, il faut beaucoup de bonnes semaines pour pouvoir rattraper une seule mauvaise semaine.
À la fin de l'année 1998, et jusqu'à aujourd'hui en 1999, les bénéfices des exploitants d'abattoirs se sont demeurés élevés, les exportations se sont poursuivies au même niveau, les prix de détail du porc et les bénéfices des détaillants n'ont pas bougé. Ce sont les éleveurs qui ont dû assumer seuls les conséquences économiques de l'offre excédentaire, comme ils l'appellent. Je devrais ajouter ici «ainsi qu'en partie le gouvernement fédéral, par son programme d'aide». Comment peut-on parler d'offre excédentaire lorsque les prix de gros et de détail ne diminuent pas? La production de viande de porc est axée sur les exportations et sur la croissance et elle est très efficace. Il se trouve que les agriculteurs font faillite, même si les bénéfices enregistrés par les abattoirs, les exportateurs et les détaillants augmentent.
• 1555
Pour multiplier par deux et par quatre les exportations, il
faut avoir accès à des marchés. Pour pouvoir avoir accès aux
marchés étrangers, il faut commencer par laisser les autres pays
avoir accès au nôtre. Pendant que nous augmentons nos
exportations, nous constatons que les importations augmentent à
la même vitesse, voire plus rapidement. Cela nous amène bien
souvent à renoncer au marché canadien où les prix sont élevés et
stables et à s'introduire dans les marchés étrangers qui sont
volatiles et où les prix sont faibles. Les exploitants
d'abattoirs obtiennent à peu près la même somme par porc abattu,
quelle que soit sa destination, et cela ne les touche pas. Le
marché du détail est si peu concurrentiel que les prix augmentent
constamment même si les prix versés aux agriculteurs ne font que
baisser, cela ne les touche pas non plus. Mais les agriculteurs
doivent survivre avec ce qui reste, après que tous les autres
intermédiaires ont récupéré leurs frais et enregistré des
bénéfices, et cela les touche; résultat, les revenus agricoles
nets ont atteint leur plus bas niveau depuis 1930.
Je recommande dans mon mémoire que le gouvernement adopte une politique nationale garantissant aux agriculteurs un revenu net positif.
Face à cette situation, que peuvent faire les agriculteurs? Nous avons en fait deux choix: trouver du travail en ville ou développer nos activités, augmenter notre élevage de porc ou de bovin, accroître les surfaces cultivées, etc. Dans la plupart des exploitations familiales, il y a déjà un conjoint, et parfois les deux, qui est obligé de travailler à l'extérieur de la ferme; j'ai joint un diagramme qui montre la situation. Nous en sommes arrivés à un point où 28 p. 100 du revenu agricole ontarien moyen vient de la ferme. C'est une donnée bien attristante, si l'on tient compte du fait que ce sont d'excellentes terres agricoles et que le climat est un des meilleurs au Canada. En Ontario, les exploitations agricoles ont beaucoup d'actifs. Une ferme moyenne a près de 882 000 $ d'actifs, ce que je trouve difficile à croire, mais c'est ce que disent les statistiques. Le système ne fonctionne pas puisqu'avec ce genre d'actif, les exploitants obtiennent un rendement de 8 000 à 9 000 $ sur le capital, le travail, etc.
L'autre façon de s'adapter à des prix en baisse et à des coûts en hausse est de prendre de l'expansion. C'est ce que propose le modèle que constituent les grandes entreprises agricoles: augmenter la surface cultivée, construire des installations plus vastes, produire davantage de viande, embaucher davantage de personnes, investir davantage, etc. Dans le secteur du porc, le cas extrême d'un élevage de porcins est une entreprise qui produirait de 50 000 à 100 000 porcs par an. Ce sont des chiffres tout à fait incroyables. Je suis éleveur de porcs et je n'arrive pas vraiment à comprendre de tels chiffres.
• 1600
Il y a des entreprises qui vont encore plus loin et qui
construisent 10 ou 20 porcheries en différents endroits. Ces
entreprises commencent à s'intéresser à investir aux États-Unis.
Il existe dans ce pays des entreprises de production qui
produisent six millions de porcs par an. C'est plus que l'on
produit au Canada. On affirme que la survie des exploitations
familiales passe nécessairement par l'expansion. Il faut
toutefois noter que selon ce scénario, l'exploitation familiale
ne survit pas, elle est remplacée par une société agricole.
Aux États-Unis, la structure type de production de porc est la grande société agricole parfaitement intégrée aux entreprises d'abattage et aux chaînes d'épicerie, etc. Ces mégaproducteurs ne sont pas plus efficaces que ma propre ferme. L'avantage qu'ils ont est qu'ils entretiennent une relation étroite avec les abattoirs et les détaillants. L'année dernière, par exemple, les abattoirs américains ont fait des bénéfices d'environ un milliard de dollars du seul fait qu'ils parvenaient à se procurer des porcs à un prix très faible. Qu'est-ce qu'ils ont fait avec cet argent? Ils ont acheté des entreprises d'élevage de porcins. Ils ont acheté leur part de marché. Maintenant, ils n'ont plus à se préoccuper de leur approvisionnement puisqu'ils sont propriétaires des élevages. C'est une opération assez habile pour une société, mais les exploitations familiales ne peuvent pas agir de cette façon.
Lorsqu'une entreprise à intégration verticale a le choix entre acheter des porcs de son propre élevage avec ses bénéfices captifs ou à un éleveur local, l'entreprise va évidemment acheter ses propres porcs.
Comment un éleveur peut-il être compétitif dans une telle situation? Il n'y a pas beaucoup d'exploitations familiales qui peuvent réunir un capital suffisant pour financer une entreprise d'élevage capable d'élever 6 000 porcs par an, sans parler de six millions. Même si nous pouvions multiplier par dix notre production, cela voudrait simplement dire que je survivrais en poussant à la faillite neuf autres producteurs de porcs parce qu'en m'appropriant leur production, je les empêche de gagner leur vie.
Cela dit, je recommande que le gouvernement adopte des politiques qui soutiennent les exploitations familiales. L'expansion des exportations et les politiques axées sur l'expansion ne vont pas dans cette direction. En fait, elles favorisent la production industrielle et fragilisent les marchés dont dépendent les exploitations familiales.
En conclusion, je dois mentionner que les difficultés que j'ai connues sur ma ferme familiale se sont produites à une époque de croissance sans précédent, dans le secteur de l'agroalimentaire comme dans celui du porc. Cette croissance se poursuit. Ce n'est pas que le gouvernement ait échoué lorsqu'il a axé sa stratégie sur les exportations. C'est que cette stratégie a nui aux agriculteurs. Ne pensez pas que cela n'est que temporaire et qu'après une période initiale difficile, nous allons retrouver la prospérité. On aperçoit déjà aux États-Unis, et de plus en plus dans l'ouest du Canada, l'avenir qui attend les éleveurs de porc canadiens. C'est un avenir dans lequel les fermes familiales ne produiront plus de porc. Le libre-échange favorise de plus en plus la croissance des entreprises de conditionnement de la viande et de vente au détail. L'accroissement de la production et des exportations entraîne la croissance de ces entreprises. Le libre-échange a dans un premier temps porté un dur coup à ma ferme familiale et par la suite, il va la faire disparaître.
Je suis désolé de ne pas avoir de meilleures nouvelles à vous donner mais il me paraît important de vous dire ce genre de choses avec les négociations de l'OMC et de la ZLÉA qui vont bientôt démarrer... il ne faut pas que vous ayez des illusions sur ce qui se produit au niveau des exploitations. Augmenter les échanges si vous êtes obligés de le faire mais ne le faites pas en pensant que cela va aider les agriculteurs. Comme je vous l'ai expliqué aujourd'hui, cela ne sera pas le cas.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup, Perry. Je comprends cela.
Notre prochain témoin est Carol Monk.
Mme Carol Monk (témoignage à titre personnel): Merci. C'est la première fois que je témoigne et je suis un peu nerveuse.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Ne vous en faites pas.
Mme Carol Monk: Je tiens à remercier le comité de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole. Je témoigne ici en tant que citoyenne du Canada que ces questions préoccupent.
Je vais parler de l'Organisation mondiale du commerce mais je vais commencer par dire qu'il n'y a pas suffisamment de gens qui savent ce qui se passe à l'OMC. Les personnes à qui j'ai parlé ont entendu parler de l'OMC mais ils ne connaissent pas toute l'ampleur de ses activités, ni le pouvoir que détient l'OMC lorsqu'elle tranche un litige. C'est pourquoi je propose que le gouvernement canadien informe la population des questions concernant l'OMC.
Le fait que le public, ni les organisations non gouvernementales n'aient pas accès à l'OMC me préoccupe également. Seuls les représentants des gouvernements qui sont parties à un litige peuvent se faire entendre à l'OMC, par l'intermédiaire de ces tribunaux. L'OMC n'entend les ONG que lorsque les gouvernements adoptent leurs arguments, ce qui ne se produit pas très souvent. Il faudrait changer cet aspect parce que les questions qui sont soumises à l'OMC ont des répercussions sur les citoyens des pays qui sont représentés, que ces répercussions soient négatives ou positives.
Il serait bon que l'OMC entende les exposés des ONG ou de la population parce que cette organisation pourrait y puiser des informations utiles qui pourraient l'aider à rendre des décisions plus équilibrées.
L'OMC a déjà pris des décisions sans tenir compte de leurs effets sur la population. Aux États-Unis, le gouvernement a été obligé de retirer une loi sur la pollution atmosphérique parce que l'OMC avait décidé qu'elle était contraire aux règles commerciales. L'Union européenne a également été obligée de lever l'interdiction qu'elle avait imposée sur l'importation de boeuf contenant des hormones artificielles parce que cela constituait une violation des accords commerciaux.
On peut prendre un autre exemple au Canada où le gouvernement avait imposé une taxe sur les publications américaines qui ont une édition américaine et une édition canadienne. Cela permet aux propriétaires de ces revues d'offrir de l'espace publicitaire à un coût inférieur à celui des magazines canadiens. L'OMC a jugé que cette taxe était contraire aux règles et elle a été supprimée.
J'ai entendu dire que la question du Pacte automobile allait être soumise à l'OMC. Le Pacte de l'automobile a été négocié pour protéger les emplois au Canada. Les pays qui l'ont ratifié peuvent importer leurs produits sans payer de droits de douane. En échange, les emplois sont garantis. Aujourd'hui, des pays, comme le Japon, qui n'ont pas ratifié le Pacte de l'automobile soutiennent que ce pacte est discriminatoire. Cela m'incite à penser qu'il ne s'agit pas tant d'une question politique que de la cupidité des grandes entreprises. Si l'OMC se prononce contre le Canada, le filet de sécurité qu'offrait le pacte va disparaître, avec les emplois.
J'aimerais aussi parler de la décision qui a été prise de demander à l'OMC de démarrer des négociations sur l'AMI. L'AMI est l'accord multilatéral sur les investissements. Cet accord contient un ensemble de règles que les gouvernements doivent appliquer et qui ont pour but d'assurer la libre circulation des capitaux. Le gouvernement canadien commettrait une erreur s'il appuyait un tel accord. Les Canadiens ont déjà exprimé leur opinion sur ce sujet et ils s'opposent à cet accord, sous sa forme actuelle du moins.
Le gouvernement devrait examiner très soigneusement l'effet que cet accord pourrait avoir sur notre pays ainsi que sur les autres pays. Cet accord menace notre régime démocratique. Je me permets de dire ceci parce que peu importe le gouvernement et son désir de bien faire, il serait tenu de respecter les règles contenues dans l'AMI. Grâce à cet accord, les entreprises transnationales pourraient passer d'un pays à l'autre sans avoir à respecter les lois des autres pays. Si l'on constatait qu'une loi les empêchait de faire des bénéfices, ces entreprises pourraient alors poursuivre le gouvernement concerné pour se faire indemniser.
Les lois qui ont été adoptées pour améliorer la vie des citoyens dans des domaines comme la préservation de l'environnement, la réglementation des aliments, la santé publique, les droits de la personne, seraient supprimées si l'on décidait que ces lois portaient atteinte aux droits des entreprises.
Je crois qu'il serait bon de rappeler une affaire semblable qui s'est produite en 1997. Un comité a décidé que l'interdiction qu'un additif appelé le MMT qui s'ajoute à l'essence était contraire aux règles de l'ALÉNA. Le gouvernement essayait d'empêcher que l'on décharge dans l'environnement un produit toxique quand une société, Ethyl Corporation, l'a poursuivi. En fin de compte, le gouvernement a cédé, il a levé l'interdiction, il a payé les frais judiciaires de cette entreprise et il l'a indemnisée. En échange, l'entreprise a accepté de se désister de sa poursuite. Le MMT est de nouveau en vente et les contribuables canadiens ont non seulement perdu des millions de dollars mais cette toxine est en train de polluer leur environnement. L'AMI viendrait renforcer le pouvoir des grandes sociétés de poursuivre les gouvernements.
• 1610
J'entends souvent parler des droits des sociétés mais
pourquoi ne parle-t-on jamais des droits des travailleurs? Est-il
juste de faire passer une société, qui n'est pas un être vivant,
avant les gens qui ont travaillé dur, qui ont été blessés, et
même dans certains cas qui sont morts, pour que ces sociétés
puissent faire des bénéfices? Je dois dire que la réponse à cette
question est non. Il y a trop de gens qui sont exploités et ils
n'obtiennent pas les droits qu'ils méritent.
Je comprends que nous avons besoin d'un organisme qui réglemente le commerce et les investissements. Je comprends également qu'il faut tenter de concilier ces règles avec les droits des travailleurs. Le gouvernement du Canada devrait prendre l'initiative d'aborder ces questions en collaboration avec les autres pays. L'Organisation international du travail, un organisme des Nations Unies, a défini quels étaient les droits essentiels des travailleurs. Font partie de ces droits, le droit de constituer des syndicats libres sans l'intervention de l'État, le droit de négocier des conventions collectives, l'égalité en matière d'emploi, l'interdiction du travail obligatoire et du travail des enfants. L'OMC devrait intégrer ces droits pour que les règles en matière de commerce et d'investissement profitent aussi bien aux sociétés qu'aux travailleurs.
L'OMC devrait travailler en collaboration avec l'OIT, un organisme qui connaît très bien les droits des travailleurs, pour l'application de ces règles. Ce n'est peut-être pas ces suggestions qui permettront de résoudre les problèmes que pose la mondialisation mais c'est un début qui vise à améliorer la situation des travailleurs de tous les pays.
Je vous remercie encore une fois d'avoir écouté mon exposé. Je vous ai également fait un petit dessin pour montrer ce que je pensais de la mondialisation et des travailleurs, tout en bas. Merci.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup, Carol. Vous avez été très bien.
Mansfield Mathias.
M. Mansfield Mathias (témoignage à titre personnel): Merci.
Avant de vous présenter mon mémoire, j'aimerais réagir à certains commentaires qui ont été faits par les témoins qui nous ont précédé. Je crois que l'un d'entre eux a parlé des avantages que nous avions retirés du Pacte de l'automobile.
Le Canada est un des principaux constructeurs d'automobiles au monde, et cela depuis des années, et pourtant, il n'y a toujours pas d'industrie automobile au Canada. Nous ne sommes qu'une succursale pour ce qui est de l'industrie automobile, et les gens ont tendance à l'oublier. Il y a des pays qui sont beaucoup plus petits que nous, qui ont démarré leur industrie bien après nous et qui, pourtant, ont leur propre voiture. Nous n'en avons pas. Toutes nos voitures sont américaines. Je tenais à le signaler.
Au cours des années 60, lorsque l'on parlait de conclure cet accord, lorsque la commission Bladen a étudié l'industrie automobile, de nombreux travailleurs de l'automobile étaient contre la conclusion d'un tel accord. Nous avions d'excellentes raisons de nous y opposer. Nous voulions fabriquer ici une voiture canadienne et nous bénéficions de l'appui du gouvernement conservateur sur ce point.
Tout d'abord, au sujet de l'accord et des raisons pour lesquelles nous nous y opposions, Bladen a présenté une recommandation au gouvernement fédéral, qui était alors le gouvernement de Diefenbaker. Je crois que c'était en 1962. Le gouvernement Diefenbaker a adopté une politique qui accordait une remise de droits de douane à l'industrie automobile. Cette politique s'appliquait au départ aux pièces d'automobile. Cela a permis à notre industrie automobile de démarrer et pour la première fois, nous n'avons pas eu de déficit commercial dans ce secteur. C'était la première année que la balance commerciale a été positive pour le Canada.
La deuxième année, il a étendu cette politique aux véhicules lourds. Immédiatement, les Américains ont envoyé des fonds au Canada pour appuyer le gouvernement libéral, pour faire chuter le gouvernement Diefenbaker, parce que celui-ci s'opposait à l'hégémonie américaine, au droit des États-Unis d'imposer leur volonté à notre industrie.
Il ne faudrait pas l'oublier et cela remonte à plusieurs années. Votre père s'en souvient. Il a participé aux discussions que nous avons eues. C'est ce qui s'est produit. Diefenbaker a décidé d'aider l'industrie automobile en créant un programme de remise de droits de douane qui avait pour objet d'augmenter le contenu canadien, éventuellement en vue de construire une voiture canadienne. L'industrie américaine a saboté l'opération avec l'aide du gouvernement libéral.
• 1615
C'est Paul Martin père qui nous a donné cette information.
Il nous a parlé des fonds qui arrivaient. Il a même déclaré
devant nous, en nous mettant un peu au défi, que notre UAW aux
États-Unis avait envoyé 150 000 $ pour appuyer le Parti libéral
alors qu'officiellement, ce syndicat appuyait à l'époque le CCF.
C'était peut-être déjà le nouveau parti, le NPD, à ce moment-là,
je crois.
Voilà ce qui s'est passé. Diefenbaker a été défait parce qu'il avait adopté une politique nationaliste. Il avait lancé un programme qui visait à favoriser le développement de nos industries. C'est de l'histoire ancienne maintenant. Je ne sais pas si cela nous a aidé à long terme, cela paraissait une bonne chose. Cela nous a permis de conserver pas mal d'emplois. J'ai même obtenu une retraite à peu près décente. Très bien.
Nous n'avons toujours pas d'industrie automobile. Cet accord leur a permis d'avoir un pied dans la porte, et tout cela a démarré le processus de mondialisation. Les entreprises américaines ont rationalisé leurs activités en s'implantant dans différents pays, ce qui a développé l'économie mondiale. C'est ce qui se passe de nos jours et c'est pourquoi nous avons ce genre de discussions.
Il suffit de lire un article qui a paru ce matin dans le Windsor Star pour savoir qui commande ici. Vous pouvez lire dans le Windsor Star du vendredi 30 avril, à la page A-9, «Les États- Unis lèvent partiellement les sanctions contre le Soudan, l'Iran et la Libye.» Dites-moi qui est-ce qui commande? Nous pouvons tous maintenant faire affaire avec ces pays. Le nouveau César a dit qu'à partir d'aujourd'hui, nous pouvions commercer avec ces pays. Pourquoi perdons-nous tout ce temps?
Un instant. Cela m'amène à ce que je voulais dire.
J'aurais un dernier commentaire. Nous nous demandons si nous contrôlons vraiment nos propres affaires. Juste après la guerre, notre industrie s'est développée rapidement. Hydro Ontario avait du mal à satisfaire la demande d'électricité. Hydro Ontario exportait de l'électricité à Con Ed, un entrepreneur des États- Unis qui produisait de l'électricité dans ce pays. Ils avaient conclu un accord au sujet de l'électricité et ils pouvaient modifier l'accord ou l'annuler en donnant à l'autre partie un avis d'un an.
Ontario Hydro a donné cet avis à Con Ed et a dit à cette société qu'il ne lui fournirait plus de l'électricité dans un an. Le lendemain, l'ambassadeur américain à Ottawa a rencontré des représentants du gouvernement et leur a dit: «Si vous arrêtez les exportations d'électricité aux États-Unis, nous verrons là un acte inamical».
La Yougoslavie vient de découvrir tout récemment ce qui peut suivre un acte inamical.
Je vais maintenant passer à mon exposé.
Ce sont des choses qu'il ne faut pas oublier. Elles font partie de notre histoire et de la situation. Ne l'oublions pas.
Juste avant de prendre ma retraite, j'ai irrité mon employeur, Ford du Canada, qui m'a dit que je serais sanctionné. Le directeur des relations de travail a rencontré le président de mon syndicat et ils se sont mis d'accord pour m'imposer une suspension de six jours. Une fois la peine décidée, mon affaire est passée devant un tribunal. À la fin de l'audience, j'ai été informé que je serais suspendu pendant six jours.
C'est un vieux procédé, tirez d'abord, et posez des questions ensuite. C'est un exemple classique de l'application de la justice naturelle. Ce principe est en très mauvais état de nos jours, ce n'est qu'une simple façade.
Cette audience est tout aussi trompeuse. Ce n'est qu'une illusion. Les décisions que prendra l'Organisation mondiale du commerce ne tiendront aucun compte des propositions présentées ici.
Les gouvernements nationaux sont impuissants aujourd'hui face à un nouvel ordre mondial qui permet seulement à chaque État souverain de se conformer, c'est-à-dire de marcher droit. La Yougoslavie a refusé de le faire et on peut voir ce que cela a donné sur nos écrans de télévision. On a surtout parlé des cinq siècles de problèmes ethniques mais ce n'est qu'une façade. Le problème est économique. On leur a dit de privatiser certains secteurs de leur économie et ils ont refusé de le faire.
On a dit au Canada de privatiser ses industries et de les déréglementer, et il s'exécute. La Yougoslavie a refusé. C'est ce qui s'est passé là-bas, en grande partie. Il y a beaucoup de choses qui se passent que nous n'aimons pas. Je crois que tout le monde est contre cela.
Le Windsor Star du 9 avril rapportait que la Chine avait essayé pendant 13 ans de se faire une place sur le marché mondial, tout d'abord, par le biais de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), et maintenant par le biais de l'Organisation mondiale du commerce. Cela nous amène au titre de l'article «Qui est-ce qui commande?»
• 1620
L'article mentionnait ensuite que la Chine négociait avec
les États-Unis pour devenir membre de l'Organisation mondiale du
commerce. Là encore, qui est-ce qui commande? Il n'y a rien de
tel que de s'adresser au patron pour obtenir des choses. Comme
l'histoire à tendance à se répéter, nous sommes arrivés
aujourd'hui à l'ère de la haute technologie et de l'information,
du développement mondial assisté par l'informatique, époque qui
peut se comparer à ce qui s'est passé à la fin des années 20,
avec la grande promesse d'en arriver bientôt à la situation qui
régnait pendant les années 30, une situation où dans un pays
comme le Canada, un pays extrêmement riche, les travailleurs et
leur famille se trouvaient dans une situation désespérée. C'est
une situation qu'a très bien décrite A.A. Heaps, le 21 novembre
1932 devant la Chambre des communes et qui est rapportée au
hansard:
-
En tant que nation, je pense que nous sommes plus riches que nous
ne l'avons jamais été. Toutefois, il est paradoxal de constater
que plus nous avons de pain, plus la file est longue pour
l'acheter. Plus nous fabriquons de vêtements, plus il y a de gens
qui n'en ont pas. Plus nous fabriquons de maisons, plus il y a de
sans-abri. Plus nous produisons de richesses, plus il y a de
pauvreté.
Cela confirme ce que disait mon ami agriculteur dans son exposé. Il aurait très bien pu prononcer ces mots aujourd'hui. De nos jours, les salaires stagnent et le revenu des ménages diminue mais les bénéfices sont fabuleux et les salaires des cadres sont indécents. L'écart entre les riches et les pauvres s'aggrave rapidement, pendant que nous nous regardons le nombril. Y a-t-il quelqu'un qui ne voit pas le parallèle?
Il y a plus grave; en 1939, avant que nous nous mettions à dépenser des sommes considérables, et Dieu seul sait d'où elles venaient, en janvier 1939, Woodsworth a déclaré devant la Chambre des communes, d'après ce que rapporte le hansard, dans son Adresse en réponse au discours du Trône.
-
La démocratie vacille mais je pense que c'est un régime qui n'a
jamais vraiment été appliqué. Un système qui accorde richesse et
pouvoir à quelques-uns et qui réduit l'immense majorité des
citoyens à l'insécurité et à la pauvreté ne peut durer longtemps.
Il a ensuite proposé de modifier un amendement à une motion et a ajouté ce qui suit:
-
Nous estimons qu'il va falloir que les institutions financières
exercent un contrôle sévère sur les entreprises monopolistiques
qui exploitent les Canadiens si l'on veut améliorer la situation.
Il faudrait mettre à jour cette affirmation. Ces entreprises n'exploitent pas seulement les Canadiens, elles exploitent les gens du monde entier.
De nos jours, les prêteurs d'argent obligent les États nations à assumer des dettes qu'ils ne pourront jamais rembourser en leur faisant payer des intérêts sur des entrées comptables qui ne correspondent même pas à des fonds réels.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Excusez-moi, mais nous avons déjà consacré 11 minutes à votre intervention et nous avons...
M. Mansfield Mathias: J'ai encore une...
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): J'apprécierais beaucoup que vous facilitiez les choses en concluant.
M. Mansfield Mathias: Cela s'appelle créer de l'argent. Cela entraîne la paupérisation de la population mondiale et risque de déboucher sur une faillite universelle. Ces bandits de la haute finance ressemblent beaucoup aux requins de l'industrie qui sévissaient dans les années 20, et qui ont traîné le pays dans la misère des années 30; avec la direction qu'ils ont prise aujourd'hui, ils vont faire la même chose dans quelques années avec l'économie mondiale.
Ce n'est pas en présentant des exposés à ces exhibitions équines que l'on évitera ce désastre; on n'en retirera au contraire la fausse impression que l'on a participé à quelque chose, le sentiment que la justice naturelle a été respectée parce que les paysans auront été entendus. Si on laisse la mafia financière d'aujourd'hui diriger le marché mondial, le contrecoup sera tel que Harris ressemblera à mère Teresa.
C'est la ligne que nous ont tracée les architectes de l'Organisation mondiale du commerce, dont la seule loyauté va aux multinationales dont les impératifs économiques sont mis en oeuvre par la machine de guerre américaine. Il suffit de regarder la Yougoslavie. Écartez toute la propagande et vous trouverez un délinquant économique qui n'a pas respecté les règles.
• 1625
Qui parlera au nom du peuple? Certainement pas le
gouvernement auquel vous ferez rapport. Votre gouvernement est
conduit par un premier ministre qui préfère étrangler un
manifestant au lieu d'écouter ses doléances. Un premier ministre
qui envoie ses gros bras de Star Wars asperger les étudiants de
poivre au lieu de discuter avec eux. Un premier ministre qui
maintenant remplace Lewinsky au pied du grand patron et qui après
avoir goûté son entrée du jour suivra servilement les directives
du prince de la couronne de la nouvelle paix américaine, c'est-à-
dire la paix mondiale selon les diktats américains.
Cet administrateur colonial que nous appelons le premier ministre n'écoutera pas le peuple. Il ne parlera pas au nom du peuple. Il ne représentera pas le peuple. Le peuple doit parler et agir directement.
Les organisations non gouvernementales, les ONG, se sont opposées à la mondialisation du pouvoir et ont enrayé pour le moment la conclusion d'un accord multilatéral sur l'investissement. C'est le véritable pouvoir du peuple. Il faut le renforcer. Il est possible de vaincre le système en s'unissant, comme l'a prouvé la lutte contre l'AMI.
• 1630
Ce n'est pas en présentant des requêtes à Ottawa que l'on
obtiendra maintenant quelque chose. Le gouvernement prend ses
ordres de l'échelon supérieur et non pas de l'échelon inférieur,
celui des circonscriptions où habite la population.
Le 2 décembre 1994, on a organisé à Windsor une exposition canine et équine, qui ressemblait beaucoup à celle-ci; il s'agissait d'écouter des exposés sur l'amélioration de la sécurité sociale au Canada. Le but semblait être d'obtenir l'avis des Canadiens sur la meilleure façon de démanteler le système de sécurité sociale canadien, de façon à épargner de l'argent pour rembourser la dette nationale. Pour donner au groupe le crédit qui lui revient, on peut dire qu'il a pris certains exposés au sérieux et qu'il a présenté au gouvernement des recommandations qui auraient effectivement amélioré la sécurité sociale. Ce n'est pas ce que le gouvernement voulait, de sorte que le rapport a été mis de côté et accumule de la poussière sur les tablettes.
Si après avoir étudié tous les mémoires, vous préparez un rapport raisonnable qui reprend le point de vue de la population, il risque également d'accumuler de la poussière dans un coin.
Quelle est la solution? Je vais conclure ici. Il serait bon d'abolir notre structure bicamérale, mais une telle mesure, bien que nécessaire, ne réglera pas l'impératif immédiat, qui consiste à refuser que les grandes sociétés s'approprient les ressources mondiales et à s'y opposer de façon efficace. Il existe déjà certains instruments. On pourrait s'appuyer sur les ONG et construire peu à peu une démocratie mondiale dynamique qui regrouperait tous les dépossédés de la terre pour en faire une armée puissante qui s'opposerait aux dictateurs des sociétés multinationales qui gouvernent l'Organisation mondiale du commerce de nos jours.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Vous avez maintenant dépassé 15 minutes et demie.
M. Mansfield Mathias: Vous avez une copie de cela de toute façon.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup. Les questions peuvent...
M. Mansfield Mathias: J'aimerais lire le dernier paragraphe, en conclusion.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Très bien.
M. Mansfield Mathias: J'ai déclaré il y a un instant que ce comité n'aboutira à rien en écoutant ces exposés et que tous ses efforts seront vains. Je me trompe peut-être. Les membres du comité qui sont présents aujourd'hui vont peut-être se réunir pour formuler des recommandations à l'intention du gouvernement, qui vont mettre un frein au pouvoir des sociétés, qui auraient l'appui de la population et qui forceraient le gouvernement à agir en ce sens. Si cela se produit, vous n'aurez pas lutté en vain et je vous en félicite à l'avance. Vous allez devoir faire preuve de persévérance et de diligence, tout comme je l'ai fait lorsque j'ai contesté la décision de la société et du syndicat devant la Commission des relations de travail pour que l'on donne suite à mon grief concernant ma suspension et que l'on me rembourse le salaire qui avait été indûment retenu.
Je vous souhaite de réussir. Le tout, soumis respectueusement. Merci beaucoup.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Merci, monsieur Mathias.
Madame Debien.
[Français]
Mme Maud Debien: Bon après-midi, messieurs, et merci d'être venus rencontrer notre comité.
Monsieur Pearce, vous avez fait un constat. Vous nous avez dit, et des personnes d'autres secteurs nous l'ont également dit, qu'il y avait eu une augmentation importante de la production et des exportations dans le domaine agricole, mais que les revenus des producteurs n'avaient pas augmenté pour autant. Ce matin, les syndicats de l'automobile sont venus nous dire un peu la même chose. Je pense que c'est une situation qu'il va falloir étudier attentivement.
Vous avez dit à la fin de votre intervention qu'il fallait que le Canada ou les provinces aient des politiques qui appuient la ferme familiale. Quelle serait cette politique?
Je voudrais vous poser une autre question. Je ne connais pas beaucoup l'industrie porcine, mais vous avez dit qu'aux États-Unis, les entreprises agricoles porcines étaient fortement intégrées à celles des transformateurs et des détaillants. Qu'est-ce qui se passe ici? Dans le domaine du porc, y a-t-il un office de commercialisation comme ceux qu'on a au Québec pour les oeufs, la volaille et le poulet, afin de permettre une certaine stabilisation des revenus des agriculteurs? Je ne connais pas beaucoup votre situation particulière et j'aimerais que vous me donniez de l'information là-dessus.
Monsieur Mathias, je ne peux que vous remercier d'avoir brassé la cage, comme on dit chez nous, en souhaitant que nous pourrons répondre à vos inquiétudes.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Perry.
M. Perry Pearce: La première question portait, je crois, sur la politique relative aux exploitations agricoles familiales. Il faudrait des heures pour essayer d'élaborer une telle politique mais je crois pouvoir dire, et je pense que vous venez de la bonne région du Canada pour me comprendre, que la province du Québec et son secteur du porc font de l'excellent travail. Les producteurs de porc du Québec ont décidé de développer le secteur de la transformation; ce secteur a augmenté de 30 à 40 p. 100 par rapport à ce qu'il était il y a cinq ans. Ils ajoutent de la valeur à leur produit. Ils ont créé des emplois. Ils ont sans doute ajouté entre 5 et 6 000 emplois. Ils font du bon travail. Voilà ce qu'il faut faire.
Ils exportent des produits mais ce sont des produits de haute qualité et à valeur ajoutée; ils font de l'excellent travail et donnent l'exemple au reste du Canada.
Pour compléter, je crois savoir, après avoir parlé à des gens de Montréal et à des producteurs du Québec, qu'ils se sentent menacés par les accords commerciaux qui vont être négociés parce que l'on risque de critiquer les programmes traditionnels qui existent au Québec, dont certains ont été mis sur pied par le gouvernement provincial et d'autres, par le gouvernement fédéral. Les spécialistes du commerce disent qu'il faut abandonner ces programmes parce qu'ils ne favorisent pas les échanges. Ce sont des subventions, des mesures diverses. Ils se demandent si un pays souverain a le droit d'adopter certaines politiques ou non.
[Français]
Mme Maud Debien: Quand vous dites qu'il y a un danger, parlez-vous de la gestion de l'offre?
[Traduction]
M. Perry Pearce: Non.
[Français]
Mme Maud Debien: Vous ne parlez pas de la gestion de l'offre.
• 1640
Je sais que
les producteurs agricoles s'attendent à ce qu'il n'y
ait plus de subventions.
Je sais que les quotas
hors contingent et les contingents tarifaires
vont disparaître et que le milieu
agricole est prêt à affronter cette problématique.
Cependant, en ce qui concerne la gestion de l'offre chez nous,
que ce soit dans le domaine des oeufs, du
poulet, de la volaille ou des produits laitiers,
je sais que le gouvernement canadien est
d'accord et que pour la plupart des
provinces, il n'est pas question qu'on touche à la
gestion de l'offre. Mais ce n'est pas ce dont vous
parlez quand vous parlez des dangers dont
l'industrie porcine a peur.
[Traduction]
M. Perry Pearce: Oui. Je ne parle pas de la question des quotas ou de la gestion de l'offre. Je parle du fait qu'au Québec, les producteurs de porc se réunissent et agissent par consensus. Lorsqu'ils constatent qu'il y a un problème, que ce soit un problème de main-d'oeuvre, un problème de santé, un problème d'inspection, ils essaient de s'entendre pour le régler. Mais ils craignent à l'heure actuelle que l'on voit là des pratiques commerciales illégales.
C'est la même chose avec les Européens, qui se sont faits critiquer au sujet du boeuf aux hormones et des semences modifiées génétiquement. Les Européens disent aussi que ce sont des questions de santé pour l'Europe mais les spécialistes du commerce disent non, ce sont des questions commerciales. Vous en faites des obstacles. Voilà ce à quoi je faisais référence.
Dans le même sens encore, le gouvernement fédéral a pris de bonnes décisions cet hiver et il a accordé un appui financier aux agriculteurs canadiens. Je sais que pour les fonctionnaires, la question qu'il fallait trancher était celle de savoir si ces mesures pouvaient être considérées comme étant préférentielles? Quelle horrible façon d'administrer un pays lorsqu'on doit dire, eh bien, nous aimerions beaucoup vous aider mais il y a quelqu'un de l'autre côté du monde qui affirme que ces mesures sont préférentielles. Voilà à quoi je faisais référence.
Votre deuxième question, si vous permettez, concernait la Commission ontarienne de commercialisation du porc et la commission américaine. Je peux vous dire très franchement que le mécanisme canadien des commissions de commercialisation, de gestion de l'offre, pour le porc, il n'y a pas de gestion de l'offre, a permis de protéger très efficacement l'agriculteur moyen.
Aujourd'hui, aux États-Unis, il n'y a plus d'agriculteur moyen. Il y a soit les petits agriculteurs qui exploitent leur ferme en travaillant également à l'extérieur soit des entreprises monstres qui sont uniquement le volet production d'une société alimentaire internationale, ce ne sont même pas des sociétés américaines, et un empire du coton.
Est-ce que cela répondra à votre question?
Le président: Madame Whelan.
Mme Susan Whelan: Merci beaucoup, monsieur Pickard.
Perry, j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce que vous avez dit et pour revenir sur les commentaires qu'a faits mon collègue, il est évident que nous allons examiner très soigneusement l'effet qu'aura la prochaine ronde de négociations de l'OMC sur la communauté agricole. L'un des problèmes que vous avez décrits vient du fait que nous avons des systèmes différents pour chaque produit. Même pour ceux qui sont régis par des systèmes comparables, le gouvernement et les producteurs ne s'entendent pas sur les orientations à prendre. Ce n'est pas une situation facile.
Personnellement, je me base sur ce qui s'est produit récemment dans le secteur du porc. Si nous avions eu un système de gestion de l'offre, nous n'aurions peut-être pas connu une situation aussi catastrophique. Je suis également tout à fait d'accord avec vous, néanmoins... Je sais qu'aux États-Unis, on est en train d'effectuer une étude sur les entreprises d'abattage, au sujet des bénéfices qu'elles font et du prix du porc. Je crois que nous pourrions également examiner de plus près ce qui s'est passé ici au Canada, parce que je n'ai pas vu beaucoup de changements chez les détaillants.
• 1645
Cela dit, nous allons devoir prendre des mesures pour que
les agriculteurs puissent avoir un revenu net positif, comme vous
le recommandez, et nous allons devoir veiller à conserver notre
capacité dans le domaine des aliments. Nous ne voudrions pas
dépendre des autres pays dans ce domaine.
J'aimerais vous poser une question. Vous avez parlé de plusieurs systèmes. Je ne sais pas si vous avez les réponses mais serait-il souhaitable de revoir complètement le programme de soutien au revenu agricole, le filet de sécurité, et de recommencer à zéro? Nous avons essayé mais nous nous sommes retrouvés avec des situations très différentes selon la province concernée et nous constatons que certains programmes donnent de meilleurs résultats que d'autres selon la province. Je ne vois pas très bien quelle pourrait être la solution que nous devrions défendre au cours des prochaines négociations de l'OMC.
M. Perry Pearce: Pour ce qui est de votre dernière question, Susan, je pense, et c'est là une opinion personnelle non pas celle d'une organisation, que Charlie Mayer, le sous-ministre de l'Agriculture à l'époque, avait promis il y a dix ans d'examiner ce programme agricole mais personne ne l'a fait. À qui la faute? Je ne le sais pas. De toute façon, cela importe peu maintenant.
En fin de compte, je crois que le gouvernement fédéral a très bien vu que la crise était inévitable et qu'il fallait faire quelque chose très rapidement. Ce n'est pas parfait, c'est très incomplet et je crois qu'il faudrait repenser tout cela.
Je sais également fort bien qu'il y a des gouvernements provinciaux qui profitent de la situation pour se faire du capital politique. Il y a des provinces qui n'ont pas respecté les obligations qu'elles avaient envers les producteurs pour ce qui est de l'assurance-récolte et qui ont dit que c'était là un problème fédéral, alors que d'autres ont continué à appliquer ces programmes. Il serait vraiment très dommage que ces programmes disparaissent.
La question du revenu agricole revient à se poser la question suivante: Voulons-nous donner de l'aide sociale aux agriculteurs? Parce que c'est dans cette direction que nous nous engageons. Cela revient à fixer un minimum garanti en disant aux agriculteurs de produire ce qu'ils veulent. Et je suis d'accord avec vous au sujet de la façon dont votre père concevait la gestion de l'offre: quelle que soit la façon dont on explique ce mécanisme, c'est à cela que l'on aboutit. Il est vrai qu'il y a beaucoup d'agriculteurs qui ne voudraient pas l'admettre, mais c'est la réalité.
Pour ce qui est de la production alimentaire, il ne faudrait pas confier aux producteurs le soin de décider ce qu'il faut faire, pas plus qu'aux grandes sociétés agricoles internationales. C'est une question nationale. C'est une question d'importance nationale comme beaucoup d'autres services qui sont utiles à notre pays, et c'est comme cela que l'on devrait aborder cette question. Et si, pour en arriver à une politique nationale qui déboucherait sur un système équitable, il faut tordre quelques bras, faisons-le.
Les Européens l'ont fait et je crois qu'ils ont bien fait. Ils étaient plus motivés que nous mais ils ont pris des décisions audacieuses lorsqu'ils ont obligé les producteurs hollandais à réduire leurs activités, malgré leur opposition, et qu'ils leur ont dit, vous produisez trop, nous allons aider d'autres pays d'Europe à le faire; nous allons égaliser les choses pour que tout le monde en ait une quantité raisonnable. Je pense...
Mme Susan Whelan: Tout à fait. Je crois que le comité devrait examiner soigneusement le tableau qui figure à la dernière page de votre mémoire, celui qui montre la croissance des exportations et l'évolution du revenu agricole net. J'espère que le comité va examiner ce diagramme.
M. Perry Pearce: Oui.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Jean.
Mme Jean Augustine: Monsieur le président, je n'ai pas grand-chose à dire. Je n'ai pas de question à poser mais j'aimerais faire quelques commentaires.
Tout d'abord, je viens d'une circonscription urbaine qui est composée principalement de consommateurs mais je tiens à dire que j'ai aimé le point de vue que vous avez présenté au comité aujourd'hui et les deux recommandations que vous nous avez transmises. J'allais également parler du dernier diagramme, mais cela a déjà été signalé.
Monsieur Mathias, je peux comprendre pourquoi vous ne vous entendez pas toujours avec votre employeur. J'aime votre combativité et le fait que vous essayez de provoquer un peu vos auditeurs. Je crois que ce sont là le genre de commentaires que nous devons entendre, et nous devons écouter les personnes comme vous, qui ont le sens de l'histoire, de ce qui s'est dit, et des origines des problèmes qui se posent à nous aujourd'hui. J'ai apprécié tout cela.
• 1650
Je souhaite également dire à Mme Monk que je suis heureuse
de voir qu'une jeune adulte comme vous se préoccupe de cette
question et fasse entendre la voix de jeunes générations sur un
sujet aussi important que celui-là. Je vous remercie donc d'avoir
fait l'effort de préparer tout cela et d'être venue témoigner.
Monsieur le président, j'ai apprécié le fait que les trois témoins aient des points de vue aussi variés. Merci.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Monsieur Mathias.
M. Mansfield Mathias: Pour revenir sur le fait que j'essaie de me faire remarquer, j'ai constaté que, lorsqu'on présente un exposé, il faut commencer par susciter l'intérêt de l'auditoire. Si j'y suis parvenu, et bien, j'ai réussi. Merci beaucoup.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Mesdames et messieurs, merci.
Perry.
M. Perry Pearce: J'aimerais adresser un commentaire à Jean.
Pour ce qui est du diagramme qui montre le revenu agricole, et le reste, j'ai déjà parlé avec l'honorable Herb Gray de l'idée de demander à une commission royale, ou à un groupe du même genre, d'examiner toute la question du secteur alimentaire. Il m'a répondu poliment, et il a sans doute raison, qu'il faudrait que tous les ministres soient d'accord et qu'il n'est guère probable qu'ils s'entendent sur cette question. Il a toutefois mentionné que certains comités permanents devraient examiner la question dans le cadre d'un comité, que cela soit votre comité ou un autre, le comité de l'agriculture par exemple. Lorsque vous aurez examiné ce diagramme, vous pourriez peut-être en parler aux autres comités pour leur dire qu'il serait bon d'étudier cette question.
Mme Jean Augustine: Il y a aussi le caucus rural, monsieur le président; ce serait peut-être une façon de procéder.
M. Perry Pearce: Très bien.
Le président suppléant (M. Jerry Pickard): J'aimerais peut- être mentionner à nouveau la nature du rôle du comité et peut- être, répondre à quelques questions qui ont été posées.
Notre comité a pour rôle d'écouter tous les Canadiens, de prendre tous les différents points de vue qui ont été exprimés pour ensuite les présenter au ministre et au ministère. Voilà quel est son rôle. Nous sommes heureux d'avoir entendu tous les témoins qui ont bien voulu intervenir. Certains d'entre eux ont présenté des points de vue fort intéressants, des points de vue très personnels qui nous aideront à préparer notre rapport final. C'est un aspect essentiel.
J'aimerais aborder une question et c'est celle du MMT, qui a été mentionnée à plusieurs reprises aujourd'hui. Il est vrai que Ethyl Corporation a poursuivi le gouvernement canadien et que cette société a obtenu gain de cause. Cela s'explique parce qu'il y avait deux provinces qui refusaient d'accepter la structure qu'avait mise en place le gouvernement canadien. Nous avons donc été obligés d'essayer de résoudre une question de commerce international selon l'article 11, chose qui est très difficile à faire lorsqu'il existe un manque d'uniformité à l'intérieur d'un pays. Le fait que deux gouvernements provinciaux n'acceptaient pas la politique que nous avions adoptée nous a placés dans une situation très délicate. Nous allons faire tout ce qu'il faut pour ne pas nous retrouver dans une situation de ce genre. Je dois dire que tous ceux qui ont soulevé cette question ont tout à fait raison et que cela ne devrait pas se reproduire. C'est un cas malheureux mais nous avons beaucoup appris à ce sujet. Nous allons donc prendre les mesures nécessaires pour éviter de nous retrouver dans ce genre de situation.
Dans la région, l'industrie automobile a connu une grande expansion, comme M. Mathias l'a fait remarquer. Cela vient, d'après moi, du fait que le gouvernement, les travailleurs et les collectivités ont tous fait ce qu'ils pouvaient pour en favoriser le développement. Les interventions nous montrent que c'est un cas où nous avons réussi à régler un problème commercial. Nous devons veiller à ce que cela continue. Je crois que c'est ce que beaucoup de gens ont dit.
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Perry, la situation des agriculteurs est difficile. Nous le
reconnaissons et nous devons veiller à ce que tous les
producteurs, quels que soient leurs produits, soient traités de
façon équitable. Nous avons entendu de nombreuses interventions
dans les différentes régions. Hier, à London, il y avait des
groupes qui représentaient quatre produits différents. Il y avait
des groupes qui prônaient la gestion de l'offre à Toronto. Nous
avons écouté tous ces points de vue. Nous allons bien sûr
essayer... Il n'est pas facile de proposer des recommandations en
tenant compte de tous les points de vue mais nous allons faire
notre possible pour y parvenir.
Merci à tous d'avoir assisté à cette séance. Nous apprécions beaucoup. Passez un excellent week-end.
La séance est levée.