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SDEV Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 24 février 2005




Á 1105
V         Le président (l'hon. David Kilgour (Edmonton—Mill Woods—Beaumont, Lib.))
V         M. Rohinton Medhora (vice président, Programmes et des partenariats, Centre de recherches pour le développement international)
V         Mme Colleen Duggan (spécialiste de programmes principale, Centre de recherches pour le développement international)
V         Le président
V         Mme Colleen Duggan

Á 1110

Á 1115

Á 1120
V         Le président
V         M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC)
V         M. Rohinton Medhora
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring

Á 1125
V         M. Rohinton Medhora
V         M. Peter Goldring
V         M. Rohinton Medhora
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président
V         Mme Colleen Duggan

Á 1130
V         Le président
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président
V         Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ)
V         Mme Colleen Duggan
V         Mme Diane Bourgeois
V         M. Rohinton Medhora
V         Mme Diane Bourgeois
V         M. Rohinton Medhora
V         Mme Diane Bourgeois
V         M. Rohinton Medhora
V         Mme Diane Bourgeois
V         Mme Colleen Duggan
V         Mme Diane Bourgeois
V         Mme Colleen Duggan
V         Mme Diane Bourgeois

Á 1135
V         Mme Colleen Duggan
V         Mme Diane Bourgeois
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président
V         Mme Diane Bourgeois
V         Le président
V         L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.)
V         Mme Colleen Duggan

Á 1140
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président
V         M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.)
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Navdeep Bains
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Navdeep Bains
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Navdeep Bains
V         Mme Colleen Duggan

Á 1145
V         M. Navdeep Bains
V         Le président
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan

Á 1150
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring
V         M. Rohinton Medhora
V         M. Peter Goldring
V         M. Rohinton Medhora
V         M. Peter Goldring
V         Le président
V         Mme Diane Bourgeois

Á 1155
V         Mme Colleen Duggan
V         Mme Diane Bourgeois
V         M. Rohinton Medhora
V         Mme Diane Bourgeois
V         M. Rohinton Medhora
V         Mme Diane Bourgeois
V         M. Rohinton Medhora
V         Mme Diane Bourgeois
V         Le président
V         Mme Colleen Duggan

 1200
V         Le président
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président

 1205
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président
V         Mme Colleen Duggan

 1210
V         Le président
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD)

 1215
V         Mme Colleen Duggan
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Mme Colleen Duggan
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Mme Colleen Duggan
V         L'hon. Ed Broadbent

 1220
V         Mme Colleen Duggan
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         M. Peter Goldring
V         Le président
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring
V         Mme Colleen Duggan
V         M. Peter Goldring

 1225
V         Mme Colleen Duggan
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         M. Navdeep Bains
V         L'hon. Ed Broadbent
V         M. Navdeep Bains
V         Mme Diane Bourgeois
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         Le président










CANADA

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 011 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 24 février 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1105)  

[Français]

+

    Le président (l'hon. David Kilgour (Edmonton—Mill Woods—Beaumont, Lib.)): Bonjour à tous. Je pense que nous avons maintenant le quorum.

    Je souhaite la bienvenue à nos témoins, Rohinton Medhora, vice-président de la Direction générale des programmes et des partenariats, et

[Traduction]

Colleen, Duggan, spécialiste de programmes principale, du Centre de recherches pour le développement international, de renommée mondiale, à moins que j'exagère un peu.

    Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Vous avez la parole.

+-

    M. Rohinton Medhora (vice président, Programmes et des partenariats, Centre de recherches pour le développement international): Merci, monsieur le président.

    Non, nous sommes bien d'accord avec vous là-dessus.

    Je pensais prendre deux ou trois minutes pour vous situer le travail du Centre de recherches pour le développement international avant de laisser la parole à ma collègue, Colleen Duggan, qui vous parlera plus précisément du sujet à l'ordre du jour.

    Le CRDI est une société d'État créée en 1971 dont le mandat consiste à appuyer la recherche sur les questions contemporaines de développement, principalement dans les pays en développement eux-mêmes.

    Pour vous donner un aperçu de l'échelle de notre travail, au cours de l'exercice actuel nous avons consacré à nos activités de recherche environ 85 millions de dollars canadiens répartis environ en 50 p. 100 pour l'Afrique subsaharienne, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, 25 p. 100 pour l'Asie et 25 p. 100 pour l'Amérique latine. Nos programmes s'articulent en gros autour de trois grandes thématiques : l'environnement et la gestion des ressources naturelles, les politiques sociales et économiques et les technologies de l'information et de la communication pour le développement.

    Je souligne que nous privilégions les liens inter-institutions dans les rapports avec nos voisins du Sud, et que ce n'est pas seulement l'argent qui fait la différence, c'est aussi notre personnel spécialisé, des gens comme Colleen, ainsi les liens que nous tissons entre nos partenaires au Sud et d'autres réseaux dans d'autres pays développés et en développement. C'est tout cet ensemble que nous appelons le renforcement des capacités.

    Notre travail en Amérique latine est organisé principalement à partir de notre bureau régional situé à Montevideo en Uruguay, avec l'appui d'une composante importante ici au bureau central à Ottawa. En Colombie plus particulièrement, nous avons dépensé en moyenne entre 500 000 $ et 750 000 $ par an au cours des cinq dernières années. Ce n'est pas énorme, mais encore une fois ce n'est pas uniquement l'argent qui fait la différence. C'est ce que je veux souligner.

    Sur ces brèves remarques d'introduction, je vais maintenant laisser la parole à ma collègue Colleen Duggan, la spécialiste de la paix et des conflits dans ce pays.

    Colleen.

+-

    Mme Colleen Duggan (spécialiste de programmes principale, Centre de recherches pour le développement international): Merci.

    Monsieur le président, avant de commencer, je me demandais si les membres du sous-comité seraient d'accord pour attendre la fin de cet exposé pour poser leurs questions, et ensuite nous pourrions avoir un débat complet.

+-

    Le président: C'est ce que nous faisons normalement.

+-

    Mme Colleen Duggan: Bon. Parfait.

    Créée sous le nom de Consolidation de la paix et reconstruction en 1996, l'initiative de programme a été rebaptisée Paix, conflits et développement pour un nouveau descriptif de cinq ans—une appellation qui dénote mieux, à notre sens, les défis que pose à long terme l'action poursuivie dans le domaine de la consolidation de la paix et le fait que les transitions d'une situation de conflit à un état de paix sont rarement linéaires.

    La programmation PCD s'efforce de responsabiliser les parties en cause dans des contextes de rétablissement de la paix et d'appuyer l'essor de la recherche sur la consolidation de la paix dans le Sud. Le PCD encourage cette action de responsabilisation en faveur de la paix à plusieurs niveaux. S'il appartient en effet aux citoyens de nouer entre eux des relations constructives et empreintes d'honnêteté, il convient de tenir les États, et la communauté internationale en générale, responsables des accords et des concessions qu'ils négocient au nom des citoyens durant les processus de paix.

Á  +-(1110)  

[Français]

    Pour cette raison, le CRDI se propose d'aider les chercheurs à produire des donnéesprobantes qui pourront être utilisées par ces multiples acteurs engagés dans la négociationet la mise en oeuvre des paramètres des politiques et des programmes de consolidation dela paix dans les pays touchés par des conflits violents.

    Les projets de recherche appuyés par PCD visent à susciter un sentiment d'appartenanceet à rendre les processus de paix plus transparents. Le fait que nous appuyions un largeéventail d'intervenants engagés dans cette action révèle que la recherche peut jouer unrôle décisif en vue d'éclairer les débats, de façonner les politiques et, surtout, d'ouvrir desespaces de discussion et de dialogue. Cet aspect revêt une importance cruciale dans dessociétés déchirées par la guerre qui subissent les effets à long terme de la polarisation, destraumatismes, de la dislocation politique et d'un développement économique interrompu. Ce sont là autant de défis que doit relever la recherche sur les conflits et la paix quesubventionne le CRDI, et ils ont été regroupés en quatre catégories: processus démocratiques en matière de gouvernance et de consolidationde la paix; économie politique de la paix et des conflits; sécurité et insécurité; violence, traumatismes, justice et réconciliation.

[Traduction]

    Le CRDI a commencé à appuyer la recherche dans le domaine de la consolidation de la paix à la fin de l'année 2000, à un moment où nous considérions qu'une percée dans le processus de paix engagé antérieurement avec les guérilleros des Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia, les FARC et de l'Ejercito de Liberación Nacional, l'ELN était susceptible d'ouvrir la voie à des réformes après-conflit apparentées à celles que le CRDI avait soutenues dans d'autres pays.

    Nous jugions également que la maturité du milieu colombien de la recherche pourrait apporter une contribution notable sur le plan mondial à la recherche en faveur de la paix et de la résolution des conflits. Malheureusement, le processus de paix avec les FARC, sous l'administration de l'ancien président Pastrana, n'a pas abouti à un règlement politique négocié.

    Toutefois, nous avons tiré deux leçons importantes de nos activités exploratoires initiales en Colombie. En premier lieu, la transition de la violence à la paix n'est pas linéaire et n'obéit à aucun stéréotype. Nous nous sommes rendu compte qu'une compréhension approfondie de la complexité du conflit n'était pas suffisante et que la programmation du CRDI orientée vers la recherche de la paix en Colombie nécessiterait de la persévérance, beaucoup de patience et un accompagnement à long terme.

    Deuxièmement, une foule de questions liées à la poursuite de la paix à plus longue échéance, dont les modalités de la réconciliation, l'impunité et les expériences de réintégration des anciens combattants et des populations déplacées, exigent des recherches pluridisciplinaires et appliquées, et ces dernières ne sont pas nécessairement subordonnées à une paix politique à court ou moyen terme. Un grand nombre de ces questions constituent les assises de démarches officieuses de recherche de la paix. En d'autres mots, les acteurs de la société civile peuvent contribuer grandement à la recherche de la paix pendant que des solutions sont envisagées par la voie de la diplomatie.

    La recherche dans le domaine de la consolidation de la paix, même au milieu d'un conflit, a la faculté de créer une masse critique de chercheurs qui, épaulés comme il convient, peuvent contribuer à susciter des positions favorables à la paix dans les cercles politiques officiels. Sans jamais perdre de vue ces enseignements, depuis plus de quatre ans, la programmation du CRDI ayant trait à la paix et au conflit en Colombie s'est concentrée sur deux objectifs : premièrement, contribuer, au moyen de la recherche, aux efforts constants déployés aux niveaux national et international pour faire face aux conséquences humanitaires du conflit; et deuxièmement, aider les Colombiens à se représenter des scénarios de réconciliation et de réforme et à créer des modèles pour leur exécution dans la période suivant le conflit.

    Nous nous concentrons sur les priorités suivantes : nous assurer que la programmation est guidée par le respect des droits de la personne et qu'elle est cohérente avec les cadres et accords internationaux d'aide à la Colombie; apporter une diversité de points de vue et de perspectives au débat souvent âpre et acrimonieux sur les modalités de la paix; répartir notre soutien entre les chercheurs des établissements de recherche universitaires et les chercheurs qui oeuvrent hors du cadre traditionnel, au sein d'organisations non gouvernementales et de la société civile; et enfin, appuyer le processus de consolidation de la paix de l'extérieur et mieux informer les Canadiens sur le conflit qui se déroule en Colombie en créant des possibilités de collaboration entre chercheurs colombiens et canadiens.

    Depuis nos premières activités exploratoires en 2000, c'est un peu plus de 1 million de dollars qui a été consacré à la programmation du CRDI axée sur la consolidation de la paix en Colombie. Il s'agit certes, comme l'a dit Rohinton, d'une somme modeste, mais qui a permis de réaliser beaucoup grâce à un choix avisé de partenaires et à des créneaux de recherche porteurs, conjugués aux partenariats stratégiques que nous avons pu constituer avec d'autres bailleurs de fonds, aussi bien en Colombie qu'ailleurs.

    Le CRDI a financé 10 projets de recherche en Colombie au cours des deux dernières années, et la plus grande partie de la programmation a convergé vers deux grands axes de recherche auxquels nous accordons une importance primordiale dans l'immédiat en vue de la médiation d'une paix équitable et durable en Colombie. En gros, ce sont les options en faveur de la justice transitoire et réparatrice, et les expériences des femmes dans des situations de conflit et de paix.

    Permettez-moi maintenant de vous présenter brièvement quelques exemples des travaux de recherche financés par Paix, conflit et développement en Colombie. En novembre dernier, le CRDI a prêté assistance à l'Universidad de los Andes en vue de l'organisation d'une conférence internationale et de la publication d'un ouvrage consacré aux options envisageables en ce qui concerne la vérité, la justice et les réparations en Colombie. La conférence a réuni des experts de Colombie et d'autres pays en matière de vérité, de justice et de droit pénal et elle a permis d'examiner comment des pays comme la Sierra Leone, le Guatemala, le Pérou et l'Afrique du Sud ont abordé les violations des droits de la personne et les questions relatives à l'impunité par le passé.

    Il est crucial de procurer à la société civile un tel espace d'éducation et de discussion, en particulier depuis que le Congrès de la Colombie a inscrit à ses débats pas moins de cinq avant-projets de loi traitant de la justice, de sentences clémentes et des réparations accordées aux victimes, dans le contexte des négociations en cours entre le gouvernement et les forces paramilitaires Autodefensas Unidas de Colombia, les AUC.

    Depuis deux ans, le CRDI appuie l'ONG Corporación Región, établie à Medellin, dans sa recherche de solutions pour la justice communautaire et la résolution de la violence au niveau local.

Á  +-(1115)  

    La justice communautaire est particulièrement importante en Colombie, car on ne sait guère que 65 p. 100 des cas de mort violente et de blessure corporelle sont attribuables à des causes tout à fait extérieures au conflit armé. Les collectivités qui ne sont pas outillées pour pratiquer la médiation et négocier le règlement de litiges privés sont particulièrement vulnérables et risquent d'être enrôlées dans le conflit par l'une ou l'autre des factions armées. Le projet de justice réparatrice mené en collaboration avec Corporación Región aide la société civile à mieux comprendre ces enjeux et à avoir davantage recours aux mécanismes de justice communautaire existants pour la résolution des conflits.

    Le CRDI appuie également un nombre croissant de projets de recherche sur des questions qui traitent des expériences vécues par les femmes en situation de guerre. Comme l'ont documenté maintes organisations vouées aux droits de la personne et, tout récemment, Amnistie Internationale dans son rapport d'octobre 2004 intitulé Corps mutilés, crimes cachés, des femmes colombiennes victimes de la guerre portent les stigmates de la violence, et notamment de la violence sexuelle. Ces crimes continuent d'être impunis par le système judiciaire de Colombie, et les femmes victimes ne reçoivent aucune compensation pour les souffrances subies.

    Préoccupé par la situation, le CRDI a lancé, en 2004, un appel à propositions de grande envergure en vue de recherches portant sur la justice rendue dans les cas de violence dirigée contre les femmes en Colombie. Deux projets ont été retenus et recevront également des fonds d'établissements de recherches établis en Colombie. Le premier projet, exécuté de concert avec une coalition de trois ONG de défense des droits des femmes, vise à dresser un état des lieux de la justice pénale en Colombie et à déterminer dans quelle mesure les institutions judiciaires de l'État enquêtent sur les crimes commis contre les femmes et en poursuivent les auteurs.

    Le second projet, mené avec l'Universidad de San Buenaventura, permettra d'examiner les expériences des femmes déplacées à l'intérieur du pays et de formuler une série de propositions en vue d'un dédommagement matériel ou moral pour les pertes subies par effet d'un déplacement forcé.

    Les recherches financées par le CRDI ont également porté sur la participation des femmes au combat en Colombie. Le nombre de femmes et de jeunes filles enrôlées dans les groupes armés illégaux est important, mais on connaît très mal les conditions dans lesquelles ces femmes se trouvent, au combat et au moment de la démobilisation. On estime que 40 p. 100 des membres des FARC sont des femmes, dont beaucoup sont âgées de 14 à 19 ans et donc très jeunes, alors qu'elles forment 12 p. 100 des forces paramilitaires.

    Avec le soutien financier du CRDI, l'Universidad de Antioquia a entrepris un examen approfondi de sept programmes de démobilisation et de réintégration que l'État colombien a financés entre 1990 et 2003. Les conclusions émanant de cet examen indiquent que les anciennes combattantes connaissent de graves problèmes en rentrant dans leur famille et en revenant à la vie civile. Le rapport final de ce projet contiendra un ensemble de recommandations à l'intention des organismes d'État et des groupes de la société civile qui oeuvrent auprès des femmes et des jeunes filles démobilisées.

[Français]

    Enfin, permettez-moi de préciser que les axes de recherche précités donnent lieu à des analyses critiques abondantes et apportent de nouvelles connaissances à deux des six groupes thématiques constitués par la société civile colombienne, au gouvernement de la Colombie et à la communauté internationale dans leurs efforts visant à forger une stratégie de coopération internationale pour la paix et le développement dans ce pays d'Amérique latine.

    Je fais allusion aux discussions qui se déroulent présentement en Colombie sur la réintégration à la vie civile des membres des groupes armés illégaux et aux discussions sur le renforcement de la primauté du droit et du respect des droits de la personne. Comme le savez, ces questions continuent d'être au coeur des débats des intervenants colombiens et internationaux qui se sont réunis à deux reprises, d'abord à Londres en juillet 2003 et, plus récemment, à Cartagena les 3 et 4 février derniers.

    Le CRDI consulte amplement d'autres partenaires canadiens du milieu universitaire et des secteurs gouvernemental et non gouvernemental pour que ses efforts soient synchronisés avec le dialogue international sur la coopération politique en faveur de la paix en Colombie. Par exemple, en 2001 et 2002, en collaboration avec la Fondation canadienne pour les Amériques (FOCAL) et la Norman Paterson School of International Affairs, nous avons été les hôtes, ici même à Ottawa, de deux rencontres internationales consacrées à la Colombie. Enfin, notre programmation en Colombie continue d'être éclairée et enrichie par notre participation au groupe de travail interministériel sur la Colombie, qui rassemble tous les trois mois des représentants de l'ACDI, de l'AEC et du CRDI.

Á  +-(1120)  

[Traduction]

    Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du sous-comité, je vous remercie de l'occasion qui m'a été offerte. Préparer l'avènement de la paix en Colombie continuera de représenter pour nous tous un défi. Mais nous croyons que la recherche peut jouer un rôle important, non seulement par les nouvelles connaissances qu'elle apporte mais également par les nouvelles perspectives qu'elle ouvre sur la paix et sur les enjeux conflictuels qui font depuis longtemps obstacle à une paix viable et durable.

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Duggan.

    C'est M. Goldring qui va entamer les questions.

+-

    M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Merci pour votre exposé.

    Dans vos observations, vous dites que vous consacrez environ 750 000 $ par an à ce projet. C'est bien cela?

+-

    M. Rohinton Medhora: C'est pour l'ensemble de nos programmes en Colombie, qui incluent aussi des programmes de gestion environnementale et sur la politique sociale et économique.

+-

    M. Peter Goldring: Vous mentionnez 10 projets de recherche que vous classez en deux catégories. Comment se répartissent ces 10 projets dans le cadre de ces deux catégories?

+-

    Mme Colleen Duggan: Les deux catégories, ce sont les deux grands axes plus ou moins?

+-

    M. Peter Goldring: Oui. Ce sont les options en faveur de la justice transitoire et réparatrice et les expériences des femmes dans des situations de conflit.

+-

    Mme Colleen Duggan: Disons que les expériences des femmes dans les situations de conflit sont un domaine relativement nouveau que nous abordons, et représentent environ 30 p. 100, alors que les questions de justice représenteraient 40 à 50 p. 100.

+-

    M. Peter Goldring: Y a-t-il des options de justice transitoire ou s'agit-il uniquement de justice réparatrice?

+-

    Mme Colleen Duggan: Il s'agit dans une certaine mesure d'options de justice transitoire. Par exemple, les participants à la conférence dont j'ai parlé, qui s'est tenue à la Universidad de los Andes en novembre dernier, ont envisagé diverses options pour la Colombie, par exemple des commissions de la vérité ou des tribunaux des agissements criminels, et examiné la façon dont d'autres pays ont abordé les questions de paix et de justice.

+-

    M. Peter Goldring: Il manque environ 20 p. 100 des projets à l'appel. Dans quel domaine se situeraient-ils…

+-

    Mme Colleen Duggan: Nous avons aussi financé des projets dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, ainsi qu'un projet exploratoire consacré à l'examen des politiques et pratiques passées en matière de réforme agraire en Colombie.

+-

    M. Peter Goldring: Et quelle serait la répartition entre ceux deux domaines?

+-

    Mme Colleen Duggan: Le projet des technologies de l'information et de la communication représentait environ 150 000 $ et celui sur les politiques de réforme agraire pour la paix, un peu plus de 100 000 $. Ils étaient en fait cofinancés par un organisme qui est grosso modo l'équivalent du CRDI en Colombie.

+-

    M. Peter Goldring: C'est environ 250 000 $, ou est-ce que c'est sur la période de deux ans?

+-

    Mme Colleen Duggan: C'est en fait depuis 2000, depuis que nous travaillons en Colombie.

+-

    M. Peter Goldring: Qu'est-ce que c'est exactement que ces technologies de la communication—de quels domaines s'agit-il? C'est très vaste, la communication.

+-

    Mme Colleen Duggan: Oui. En fait, il s'agissait d'examiner l'utilisation de l'Internet et de voir plus précisément comment les trois bras armés de la Colombie, c'est-à-dire l'armée colombienne, les paramilitaires de l'AUC et les guérilleros des FARC, se servent de l'Internet pour promouvoir des politiques de guerre ou de paix.

+-

    M. Peter Goldring: Je vois. Dans votre exposé, vous faites aussi allusion à des liens avec Industrie Canada. S'agit-il d'une coordination, d'une coopération? Essayez-vous d'exploiter ensemble des ouvertures économiques ou commerciales? En quoi consistent exactement ces liens avec Industrie Canada dans les communications?

Á  +-(1125)  

+-

    M. Rohinton Medhora: Industrie Canada a créé avec nous l'Institut pour la connectivité dans les Amériques. C'est un programme installé au CRDI qui appuie une grande partie de nos travaux de TIC sur place. Il n'y a pas vraiment de lien direct avec des retombées économiques pour les entreprises canadiennes, mais il se pourrait que certains de ces projets aient des retombées commerciales.

+-

    M. Peter Goldring: Donc, c'est un programme totalement indépendant qui ne tient strictement aucun compte des considérations commerciales ou industrielles et des percées économiques et commerciales que pourraient faire les Canadiens dans ce pays?

+-

    M. Rohinton Medhora: Industrie Canada siège au conseil d'administration de l'Institut pour la connectivité dans les Amériques, mais nous ne sommes pas directement liés au complexe industriel canadien.

+-

    M. Peter Goldring: On dit aussi ici—il y avait une autre note, mais malheureusement je ne la retrouve pas—que l'armée colombienne… On parle d'enfants à partir de 15 ans, ce qui laisse entendre qu'on suit les recommandations de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, qui autorise la présence d'enfants de 15 ans dans l'armée.

    Est-ce qu'il a été question d'essayer de rectifier ce qui me semble être un problème, c'est-à-dire le fait que la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant dit qu'un enfant est un être humain de moins de 18 ans, mais qu'elle trouve normal qu'un enfant de 15 ans fasse partie de l'armée. Et encore, c'est s'il est enrôlé. Cela laisse entendre que des enfants encore plus jeunes peuvent aussi en faire partie s'ils se portent volontaires. Avez-vous essayé de rectifier cela dans le cadre de ce programme ou au moins de suivre la situation et d'intervenir autrement?

+-

    Mme Colleen Duggan: L'armée militaire de Colombie a en fait relevé la barre et n'a plus de combattants de moins de 18 ans. Elle respecte donc la Convention relative aux droits de l'enfant. Toutefois, malheureusement, ni les guérilleros des FARC, ni les AUC, ni les guérilleros de l'ELN ne respectent cette convention. Je sais que le représentant spécial de l'ONU pour les enfants fait des efforts intenses pour convaincre ces groupes armés illégaux de la respecter.

+-

    M. Peter Goldring: En plus, ceci montre—et c'est probablement représentatif du pourcentage de financement consacré à ce pays—que les expériences des femmes dans des situations de conflit et de paix… Avez-vous des statistiques du pays lui-même sur le nombre d'hommes qui ont péri dans ce conflit par opposition au nombre de femmes? Je sais bien qu'il y a des problèmes connexes, évidemment, mais avez-vous les taux de mortalité exacts par an ou pour l'année dernière, pour les hommes, les femmes et les enfants dans le cadre de ce conflit?

+-

    Mme Colleen Duggan: Je n'ai pas de statistiques précises ici, mais je pense qu'on peut dire que comme la grande majorité des combattants en Colombie sont des hommes, il y a certainement un taux de mortalité et d'homicide plus élevé chez les hommes dans le contexte du conflit armé en Colombie. Toutefois, les femmes et les enfants souffrent de façon disproportionnée d'autres formes de violence telles que le déplacement interne et la violence sexuelle.

+-

    M. Peter Goldring: Eh bien, on dit ici que ce sont les femmes colombiennes qui sont majoritairement victimes de la violence, ce qui sous-entend qu'elles sont excessivement victimes de la violence par rapport aux hommes. Sachant qu'il s'agit d'une faction guerrière répandue dans tout le pays, j'aurais tendance à dire que c'est une situation lamentablement partagée par tous.

+-

    Mme Colleen Duggan: Enfin, si vous voulez vraiment faire la distinction entre les victimes et les combattants, encore une fois je dirais qu'il y a un plus grand nombre d'hommes qui se font tuer parce que ce sont en général eux qui constituent les forces armées et les groupes armés illégaux en Colombie. En revanche, je dois bien insister sur le fait que les statistiques montrent qu'il y a plus de femmes et d'enfants parmi les victimes de la guerre parce qu'on les déplace par la force, qu'on brûle leurs maisons et qu'on leur fait subir des violences sexuelles et d'autres formes de violence physique.

+-

    Le président: Malheureusement, c'est tout pour vous, monsieur Goldring.

    Vous dites que les deux tiers des victimes sont tuées en dehors du conflit?

+-

    Mme Colleen Duggan: Non, j'ai dit que 65 p. 100 des homicides et des cas de violence physique, d'après les statistiques du Bureau du procureur général, ne se produisent pas dans le contexte du conflit armé, c'est-à-dire par suite d'une confrontation armée directe.

Á  +-(1130)  

+-

    Le président: Il y a environ 50 000 homicides par an, n'est-ce pas? Du moins, c'était le chiffre la dernière fois que je suis allé en Colombie.

+-

    Mme Colleen Duggan: Oui, c'est considérable.

+-

    Le président: Excusez-moi, madame Bourgeois.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Merci, monsieur le président.

    Madame, monsieur, bonjour. Vous êtes un centre de recherches. À la page 4 de votre document français, vous dites: « Les acteurs de la société civile peuvent contribuer grandement à la recherche de la paix pendant que des solutions sont envisagées par la voie de la diplomatie. »

    Vous êtes donc autant au service des diplomates que de la société civile, si je comprends bien.

[Traduction]

+-

    Mme Colleen Duggan: Non.

    Ce que j'essayais de dire, c'est que parallèlement à la recherche de solutions diplomatiques, la société civile et le monde de la recherche peuvent beaucoup contribuer aussi à essayer de mettre sur pied des politiques pour l'après-conflit, dans des domaines précis.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: À la page 5, vous dites que vous voulez mieux informer les Canadiens. Vous faites des recherches. Par qui êtes-vous financés? Est-il indiscret de vous le demander?

+-

    M. Rohinton Medhora: Par le Parlement.

+-

    Mme Diane Bourgeois: Par le Parlement? Est-ce par le Parlement ou par le gouvernement fédéral? Je m'excuse, mais je n'avais pas vos documents. Je viens juste de les recevoir. Je ne sais pas si mes collègues avaient eu les documents, mais moi, je viens tout juste de les recevoir.

[Traduction]

+-

    M. Rohinton Medhora: Nous sommes une société d'État financée par le gouvernement fédéral. En fait, nous faisons partie de l'enveloppe de l'aide internationale dans le budget.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: D'accord.

    Vous êtes comme une agence, une société du gouvernement. Peut-on connaître votre budget? De quel ordre est-il? Est-il indiscret de le demander?

[Traduction]

+-

    M. Rohinton Medhora: Pour l'exercice actuel, notre budget est de 115 millions de dollars canadiens.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: Je voulais simplement essayer de faire le lien entre les recherches que vous faites sur le conflit en Colombie et les résultats qu'elles peuvent apporter. Je pose des questions pour savoir si vous faites suffisamment de recherches pour que le gouvernement du Canada puisse vous consulter. Par exemple, il y a eu la rencontre à Cartagena récemment. Vous a-t-on consultés pour connaître la situation de la Colombie?

[Traduction]

+-

    Mme Colleen Duggan: Effectivement, les membres du gouvernement nous consultent souvent sur la situation en Colombie. Je pense qu'il est bon de préciser que nous ne faisons pas nous-mêmes les recherches, nous les finançons. Nous finançons essentiellement les recherches effectuées par des institutions du sud. Nous ne sommes donc pas nous-mêmes un groupe de réflexion sur la Colombie.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: Donc, vous financez la recherche. Lorsque des recherches paraissent, s'en sert-on au Canada pour adopter des positions par rapport à la Colombie? C'est ce que je veux savoir. Le gouvernement canadien se sert-il de vous, de votre expertise et des recherches faites auprès des organismes qui sont en contact avec la société civile? Se sert-on de ces recherches pour les traduire dans différents traités? J'ai parlé de Cartagena. Je veux savoir si on s'est servi de ces recherches.

    Ma question est-elle claire?

+-

    Mme Colleen Duggan: Oui, je crois que j'ai bien compris la question.

[Traduction]

    Effectivement, on nous consulte. Toutefois, nous sommes différents des autres organismes gouvernementaux. Par exemple, nous n'avons aucune influence sur la politique du Canada. Nous ne sommes pas intervenus directement dans les négociations qui ont mené à la Déclaration de Carthagène. Diverses organisations et institutions que nous finançons en Colombie sont intervenues dans ces discussions de Carthagène, notamment la veille, quand il y a eu une réunion parallèle à laquelle ont participé les organisations de la société civile de la Colombie. Certains de ces participants étaient des gens à qui nous apportons notre appui.

    Mais c'est ce qui nous différencie un peu du ministère des Affaires étrangères ou de l'ACDI, le fait que nous ne contribuons pas à façonner la politique du Canada.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: Je veux poser deux dernières petites questions.

    Vous dites à la page 7 que ce sont les femmes qui sont victimes et qu'elles ne reçoivent aucune compensation pour les souffrances subies. On pourrait apparenter les incidences du conflit en Colombie sur les femmes aux incidences de la mondialisation au Mexique, par exemple. C'est exactement la même chose. Il y a des femmes qui sont tuées au Mexique, à Ciudad Juárez. C'est exactement le même phénomène.

    Vous dites aussi, un peu plus loin, que ce sont les femmes qui font partie des FARC. Comment pouvez-vous expliquer que ce soit en majorité des femmes qui soient dans ce mouvement?

Á  +-(1135)  

[Traduction]

+-

    Mme Colleen Duggan: Les FARC sont un mouvement armé extrêmement fermé sur lequel il est très difficile d'avoir des informations. Toutefois, d'après les recherches effectuées, on estime que 40 p. 100 des effectifs des FARC sont des femmes. Elles y sont pour toutes sortes de raisons. Certaines s'y joignent volontairement. Les FARC sont bien connus aussi pour leurs pratiques de recrutement par la force, et les jeunes en Colombie sont les premières victimes de ces méthodes.

    Les femmes dont le village a été attaqué ou est passé sous le contrôle des FARC se joignent souvent à ces forces ou à un autre mouvement armé pour y trouver une protection si des membres de leur famille ont été tués, par exemple, et si elles n'ont plus aucune forme de protection. C'est une des raisons pour lesquelles elles se joignent à ce mouvement. D'autres fois, malheureusement, elles n'ont pas de choix, elles sont recrutées de force.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: La pauvreté, la misère, pourrait-elle être une des raisons pour lesquelles ces femmes sont combattantes?

[Traduction]

+-

    Mme Colleen Duggan: Tout à fait. Les recherches montrent aussi, hélas, que les femmes et les hommes se joignent à des mouvements armés en Colombie parce qu'ils y trouvent une source d'emploi.

[Français]

+-

    Le président: Avez-vous fini, madame Bourgeois?

+-

    Mme Diane Bourgeois: Voici une dernière question. Peut-on se procurer ces rapports sur les raisons pour lesquelles il y a autant de femmes parmi les FARC? Je crois qu'ils seraient extrêmement intéressants. D'autres types de rapports pourraient également être utiles au sous-comité pour l'aider à prendre des décisions éclairées.

    Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Torsney.

+-

    L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.

    Pour poursuivre sur les questions que posait Mme Bourgeois, les stratégies à utiliser pour démobiliser ces gens-là sont évidemment différentes, surtout s'il ne s'agit pas de groupes paramilitaires. Je sais qu'il y a eu des difficultés lorsqu'on a voulu démobiliser certaines régions d'Afrique de l'Ouest parce que le seul moyen d'avoir accès aux services, c'était d'avoir une arme en main, et si les femmes n'ont pas d'armes, elles n'ont rien à donner.

    Y a-t-il des programmes particuliers? Vous faites des recherches plutôt que de la mise en oeuvre, je crois, mais je me demandais si vous pourriez nous expliquer un peu plus la situation.

+-

    Mme Colleen Duggan: Tout d'abord, il faut faire la distinction entre ce qu'on appelle les programmes de démobilisation collective et les programmes de démobilisation individuelle. Ceux dont vous parlez en Afrique, par exemple, sont des programmes de démobilisation collective encadrés par l'État.

    Depuis une dizaine d'années, la Colombie a effectivement connu le même genre de problèmes. Les femmes ont été victimes de discrimination et elles ont été les laissées-pour-compte des programmes officiels de démobilisation parce qu'elles n'avaient pas d'armes, parce qu'elles étaient simplement cuisinières ou porteuses pour ces forces armées. Donc, c'est effectivement un problème.

    Ce qui se passe actuellement en Colombie, c'est que depuis l'arrivée de l'administration Uribe, le gouvernement démantèle progressivement les programmes collectifs de démobilisation qui avaient été mis sur pied pour démobiliser d'autres combattants dans le cadre de processus de paix antérieurs—le groupe M-19, par exemple.

    C'est difficile parce que les gens qu'on voit, les femmes et les hommes, les jeunes gens qui sont sortis des forces combattantes illégales sont généralement dans cette situation soit parce qu'ils ont été capturés, soit parce qu'ils ont déserté. Ils se retrouvent dans une situation extrêmement vulnérable parce qu'il n'y a pas de structure d'État officielle pour leur donner accès aux voies de droit officielles et répondre à leurs besoins. Il est donc très inquiétant que ces combattants qui se font capturer ou qui désertent soient gardés au secret au début, parce qu'évidemment on veut les interroger pour obtenir le plus d'information possible.

    Les programmes de démobilisation individuelle sont très problématiques car on ne sait pas trop comment ces gens-là, qui sont souvent des enfants, sont traités. Il n'existe pas de dispositif officiel permettant de les suivre et de voir si on leur donne une formation pour se recycler ou des outils pour se réinsérer dans la société civile. Il y a donc tout un débat actuellement en Colombie sur le pour et le contre de la démobilisation individuelle par opposition à collective.

Á  +-(1140)  

+-

    L'hon. Paddy Torsney: J'imagine que dans certains cas, ce sont des mères qui s'occupent de leurs enfants.

+-

    Mme Colleen Duggan: Oui. Dans l'étude dont je vous parlais, avec l'équipe de recherche et l'Universidad de Antioquia, les chercheurs ne se sont pas contentés d'examiner le progrès de la démobilisation et les politiques en vigueur, ils ont aussi interrogé certaines de ces jeunes filles qui vivent dans des foyers créés pour la circonstance. Beaucoup sont de jeunes mères très stigmatisées parce qu'elles ont donné naissance à des bébés considérés comme des ennemis et des ennemis de l'État. C'est très difficile parce qu'il n'y a pas vraiment de filet de sécurité sociale officiel pour les aider à se réinsérer.

+-

    Le président: Monsieur Bains.

+-

    M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.): Je voudrais juste vous poser une petite question sur votre rôle en Colombie. Je crois que vous vous en occupez depuis 2000, n'est-ce pas?

+-

    Mme Colleen Duggan: Oui.

+-

    M. Navdeep Bains: Je crois que vous avez travaillé avec l'ACDI et d'autres ministères dans le cadre de vos recherches. À quels autres interlocuteurs avez-vous eu affaire dans le cadre de vos recherches, d'autres pays, des autorités locales? Pourriez-vous nous en dire un peu plus là-dessus?

+-

    Mme Colleen Duggan: Certainement.

    La grande majorité des organismes que nous nous finançons en Colombie sont des institutions de recherche ou des institutions de la société civile colombienne liées aux universités ou aux ONG. Mais nous nous sommes aussi associés, par exemple, au projet de réforme agraire dont je vous ai parlé. Nous nous sommes associés à l'équivalent colombien du CRDI, et c'était un projet qui était en partie cofinancé par la Colombie. Nous espérons que cette institution colombienne, un organisme de financement intitulé Colciencias, va pouvoir poursuivre ces recherches car les recherches sur les politiques agraires vont aussi jouer un rôle très important dans la période de l'après-conflit en Colombie.

    Jusqu'ici, nous ne nous sommes pas associés à d'autres pays en tant que tels pour financer nos recherches en Colombie. Toutefois, nous sommes en contact étroit avec ce que j'appellerais des bailleurs de fonds de même longueur d'onde. Plus précisément, par exemple, le gouvernement suédois finance aussi beaucoup de travaux sur l'expérience des femmes dans la guerre par le biais de son agence officielle de développement. Nous avons donc des contacts étroits avec eux. Sans avoir de véritable partenariat officiel pour des projets, nous nous organisons pour coordonner nos activités de façon à profiter de ce qu'ils font de leur côté en même temps avec des partenaires semblables.

+-

    M. Navdeep Bains: Pourquoi ne créez-vous pas de partenariats? J'ai l'impression que nous risquons de vouloir réinventer la roue, ou qu'en tout cas il y aurait peut-être de meilleures synergies si vous collaboriez avec d'autres pays sur la même longueur d'onde pour vos initiatives. Il me semble que ce serait une excellent raison d'établir des partenariats et je me demande pourquoi vous ne l'avez pas fait.

+-

    Mme Colleen Duggan: Disons qu'il y a quand même certains partenariats. Nous en avons moins en Colombie au niveau du cofinancement des projets, mais nous avons tout de même un certain degré d'harmonisation des activités que nous menons.

    Idéalement, c'est effectivement notre objectif. Nous préférons travailler avec d'autres donateurs aux vues semblables non seulement pour pouvoir disposer de plus de fonds pour les mêmes recherches, mais aussi parce que certaines de ces recherches que nous finançons sont complexes. Ce sont aussi des recherches qui peuvent être dangereuses pour les chercheurs au plan local, et nous avons donc tout intérêt à avoir une plus forte présence internationale derrière ces organisations. Nous y travaillons, et nous faisons d'ailleurs de gros efforts en ce sens avec notre bureau régional de Montevideo.

    Nous avons certaines restrictions parce que nous n'avons pas de présence sur le terrain en Colombie. Personnellement, j'y vais au maximum quatre ou cinq fois par ans, donc il est difficile d'établir ce genre de relations et ce genre de confiance, surtout quand il y a un roulement des représentants de ces donateurs dans le pays.

+-

    M. Navdeep Bains: L'ACDI est-elle la seule organisation avec laquelle vous traitez ici localement, au Canada? Avez-vous des contacts avec d'autres organismes?

+-

    Mme Colleen Duggan: Il y a l'ACDI, et nous traitons aussi avec le ministère des Affaires étrangères, mais nous avons aussi organisé un certain nombre de manifestations ici. Par exemple, indépendamment du travail que nous faisons en Colombie, nous finançons aussi des travaux et nous travaillons beaucoup à l'échelle planétaire sur des questions de paix et de conflit, et sur toute la notion de justice transitoire et réparatrice. Quand nous avons organisé des débats sur la justice transitoire, par exemple, nous avons invité les représentants d'autres ministères, notamment Citoyenneté et Immigration Canada et Justice Canada, à y participer.

Á  +-(1145)  

+-

    M. Navdeep Bains: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Goldring.

+-

    M. Peter Goldring: J'aimerais parler un peu de cet aperçu qu'on nous a remis, monsieur le président. Il est difficile de parler de façon vraiment intelligente de la question quand on n'a pas les informations à l'avance. Il y a là énormément d'informations que j'aurais bien aimé avoir suffisamment à l'avance pour pouvoir les digérer. Je trouve ici une réponse partielle à la question que j'ai posée tout à l'heure à propos de ce que nous faisions dans le cadre de nos projets, et je voulais simplement signaler que ce serait quand même beaucoup plus facile si nous avions les informations à l'avance.

    Dans ce document, « Le CRDI en Colombie », dans les projets récents, on parle de justice communautaire et de gestion des conflits. Vous donnez le coût et vous dites que le partenaire pour la recherche—excusez mon espagnol qui n'est pas très bon—est la Corporación Región para el Desarrollo y la Democracia. J'imagine que c'est une société démocratique, mais pourriez-vous me dire ce que cela signifie exactement en anglais?

+-

    Mme Colleen Duggan: C'est une ONG, la Société régionale pour le développement et la démocratie.

+-

    M. Peter Goldring: C'est bien ce que je pensais, alors voici ma question. Dans tout ce projet, on parle de justice réparatrice ou communautaire et de gestion des conflits, mais il n'est nulle part question d'une forme quelconque de démocratie, de R et D ou d'amélioration des institutions démocratiques du pays. Je pense pourtant que l'un des volets du développement les plus essentiels pour de nombreux pays en conflit—et on le constate en Iraq et dans d'autres pays—c'est le processus démocratique. Alors pourquoi ne prévoit-on rien pour la recherche sur la démocratie, notamment quand on parle d'une organisation dont le titre même comporte le mot « démocratie »?

+-

    Mme Colleen Duggan: En fait, le projet sur la justice communautaire porte dans une certaine mesure sur ce que j'appellerais les institutions quasi judiciaires ou parajudiciaires de la Colombie. En Colombie, les mécanismes de justice communautaire font intervenir des personnalités diverses : des médiateurs, des juges de paix. Beaucoup d'entre eux—on les appelle les agents de justice—sont en fait formés et affiliés auprès du bureau de l'ombudsman de la Colombie et d'autres secteurs de la justice du pays. Certains ont une formation d'État et un rôle quasi étatique, d'autres au contraire fonctionnent de façon privée.

    Le problème en Colombie vient en partie de la congestion incroyable de l'administration de la justice. Comme les gens qui essaient d'obtenir justice auprès des tribunaux sont souvent exaspérés, ils ont évidemment tendance à décider de se faire justice eux-mêmes. Il y a toutefois divers mécanismes parallèles comme les juges de paix, qui peuvent s'occuper des conflits familiaux, des différends privés qui n'ont pas besoin nécessairement d'être portés devant la justice, parce qu'ils peuvent se régler en marge des tribunaux.

+-

    M. Peter Goldring: Mais quand on voit les besoins de ce pays, quand on voit cette situation dont nous nous occupons depuis 25 ans, et d'autres pays depuis 50 ans, j'imagine qu'une des solutions, ce serait d'aider le pays à établir un régime démocratique raisonnable sur tout le territoire. Et je trouve quand même un peu curieux que vous n'ayez pas le moindre programme, plan ou initiative dans ce domaine pour encourager le pays à se doter d'une institution démocratique plus solide et plus raisonnable.

+-

    Mme Colleen Duggan: Permettez-moi en toute déférence de ne pas être d'accord. Je crois qu'en fait la Colombie est une des démocraties les plus robustes au monde. Elle a une constitution très solide et très perfectionnée, avec plus de 200 articles.

    Disons que le défi en Colombie, c'est de convaincre les citoyens—et c'est un défi qu'on retrouve dans bien d'autres démocraties à travers le monde—de participer à la démocratie et de s'en occuper. Mais à mon avis, ce n'est absolument pas un problème de structure démocratique officielle.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Peter Goldring: Nous venons d'aller voir sur place en Ukraine, avec notre président, comment la situation sur le terrain avait changé et même progressé en peu de temps, en quelques mois. Les Ukrainiens ne se rendaient pas compte de la valeur des institutions démocratiques dont ils disposaient, et ils en ont pris conscience progressivement. Mais avant cela, il y a eu une intervention sur place de l'Université de l'Alberta qui est allée faire un travail important de sensibilisation de la population. Je crois que le problème, c'est d'avoir non seulement ces recherches, cette présence et cet engagement, mais aussi de sensibiliser les intervenants politiques à l'importance de la démocratie. Il me semble que ce serait le bon endroit pour intervenir.

+-

    Mme Colleen Duggan: Encore une fois, je vous répondrai que malheureusement, comme la Colombie est déchirée par des conflits depuis une quarantaine d'années, le simple fait d'y faire de la politique est quelque chose d'extrêmement risqué.

    Au début des années 90, par exemple…

+-

    M. Peter Goldring: En Ukraine aussi, en tout cas avant.

+-

    Mme Colleen Duggan: …quand il y a eu les élections présidentielles, cinq candidats à la présidence ont été abattus en un an. C'est donc une situation incroyablement complexe où le simple fait de faire de la politique est très délicat.

    Je sais qu'il a beaucoup été question durant vos audiences de la situation d'Ingrid Betancourt, qui était candidate à la présidence et qui est détenue depuis trois ans par les guérilleros des FARC.

+-

    M. Peter Goldring: On parle aussi dans ces feuillets d'expansion d'un réseau de recherche commerciale qui fonctionne depuis des années. Cela ne cadre guère avec ce que vous me disiez à propos des technologies de l'information et de la communication. D'après ce que vous dites dans cette feuille, il y aurait un dialogue commercial actif dans ce pays.

    J'ai tendance à penser que c'est quelque très important puisque les exportations du Canada vers la Colombie ont chuté de 50 p. 100 entre 1994 et 1999. Alors, y a-t-il une participation ou une présence active des entreprises canadiennes dans ce pays, comme le laisse entendre votre brochure ici?

+-

    M. Rohinton Medhora: Je dois préciser que le réseau de recherche commerciale dont vous parlez n'est pas un réseau de technologies de l'information et de la communication. Il s'agit plutôt d'un réseau de chercheurs et de praticiens de Colombie et d'Amérique latine qui s'efforce d'aider ces pays à mieux participer aux tribunes commerciales régionales et mondiales. Il s'agit donc de développer la capacité de négociation dans la région et dans le pays. Et dans ce cas particulier, les négociateurs colombiens sont en liaison avec des négociateurs d'autres pays d'Amérique latine.

+-

    M. Peter Goldring: Donc nous nous occupons de développer ce réseau de recherche commerciale sans nous préoccuper des intérêts des entreprises exportatrices canadiennes alors que nos échanges commerciaux ont chuté de 50 p. 100.

+-

    M. Rohinton Medhora: Il s'agit de développer des capacités au niveau de la politique et de la recherche commerciales. Effectivement, il n'y a pas de lien direct avec les exportations canadiennes.

+-

    M. Peter Goldring: Donc vous ne tenez strictement aucun compte des intérêts commerciaux du Canada.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Quelqu'un d'autre veut-il poser des questions?

    J'en ai moi-même quelques-unes.

    Madame Bourgeois.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: Madame Duggan, j'essaie de comprendre. Dans votre document, vous dites que l'ACDI est un de vos partenaires. Vous parlez de bonne gouvernance, d'équité et d'amélioration des conditions de vie. Cette mission est exactement la même que celle de l'ACDI. On retrouve aussi ces éléments dans les objectifs du Millénaire pour le développement. J'ai de la difficulté à comprendre. Votre agence est partenaire de l'ACDI. L'ACDI est une agence et vous êtes une agence. Y aurait-il deux agences?

Á  +-(1155)  

[Traduction]

+-

    Mme Colleen Duggan: Quand je dis que nous sommes partenaire de l'ACDI, je veux dire que nous avons un groupe de travail interministériel qui permet à l'ACDI, au ministère des Affaires étrangères et au CRDI de se réunir chaque trimestre pour parler de ce que nous finançons dans le pays et des gens que nous appuyons chacun de notre côté, de manière à essayer d'avoir une certaine cohésion de l'action du Canada en Colombie, et aussi pour échanger des informations sur l'évolution de la conjoncture et la façon dont nous gérons une réalité complexe sur le terrain. Mais nous ne sommes pas partenaire de l'ACDI, c'est-à-dire que nous ne finançons pas l'ACDI et l'ACDI ne nous finance pas. Il arrive parfois de cofinancer des projets, mais c'est quelque chose de complètement différent.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: Mais j'imagine que, comme l'ACDI, vous avez des décisions à prendre sur les gens avec lesquels le Canada va faire du commerce en Colombie. Donnez-vous votre opinion là-dessus?

[Traduction]

+-

    M. Rohinton Medhora: L'ACDI est l'agence d'aide officielle du Canada. Le CRDI a été créé un an après avec un mandat plus précis qui consiste à appuyer la recherche et à favoriser la recherche sur les problèmes de développement contemporains dans les pays en développement. Il nous arrive souvent de nous côtoyer et de travailler ensemble, mais l'ACDI a un champ d'intervention beaucoup plus vaste que celui du CRDI. Par conséquent, pour répondre directement à votre question, le CRDI s'inscrit dans la présence canadienne. Nous disons souvent que nous faisons partie de la grande famille de la politique étrangère du Canada, mais nous que avons un mandat bien précis d'appui à la recherche. Nous apportons donc notre propre perspective dans les considérations économiques et politiques du Canada à l'égard des pays en développement.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: Il y a un dernier point qui m'intéresse. Il y a environ 15 jours, on a voté en Chambre contre la scission du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Il y avait deux projets de loi, C-31 et C-32. On s'est prononcés contre cela parce qu'on avait l'impression que, quand on fait du commerce international, on doit aussi tenir compte des incidences de notre commerce sur les affaires étrangères, les conditions de vie, etc. Vous a-t-on demandé votre opinion comme chercheurs sur le divorce des deux éléments, ou souhaiteriez-vous en émettre une?

[Traduction]

+-

    M. Rohinton Medhora: C'est le ministre des Affaires étrangères qui est notre ministre. C'est de lui que nous relevons.

    Nous n'avons pas de position générale sur ce genre de questions. On peut dire que les intérêts en matière de commerce et de politique étrangère sont complètement imbriqués, mais on peut dire aussi qu'on peut les séparer. Techniquement, les deux sont possibles. Mais nous ne nous prononçons pas sur cette question particulière.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: Vous n'avez pas fait de recherche là-dessus?

[Traduction]

+-

    M. Rohinton Medhora: Non.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Je conviens avec vous, madame Duggan, que la démocratie en Colombie est quelque chose de très solide.

    En tant qu'experte sur la Colombie, comment voyez-vous l'évolution du conflit, avec les massacre et les tragédies qui s'y déroulent quotidiennement? Envisagez-vous un espoir de paix à moyen ou à long terme?

+-

    Mme Colleen Duggan: J'aimerais bien pouvoir être optimiste, mais malheureusement ce qui se passe quand on s'occupe de la Colombie, c'est que plus on creuse la question, plus on prend conscience de son extrême complexité.

    Il y a eu des discussions—et je n'en ai pas parlé dans mon exposé—sur toute la question du trafic de drogues. C'est un aspect du problème politique en Colombie. Le trafic de drogues a nourri et aggravé le conflit. Comme la guerre froide est terminée, les malfaiteurs se cherchent d'autres sources de financement de leurs activités. Évidemment, ils se tournent vers le trafic de drogues et l'extorsion.

    Personnellement, je crois que si on peut régler vraiment le problème de la drogue en Colombie, un problème incroyablement complexe parce que les politiques d'interdiction de la drogue etc. n'ont pas donné de résultats jusqu'ici en Amérique latine… Si l'on pouvait écarter le problème du trafic de drogues de l'équation, je crois qu'on pourrait atténuer considérablement l'intensité du conflit. Malheureusement, je crois qu'il y a d'autres problèmes. Il faut travailler plus sur les questions mondiales et régionales. Il y a le problème du trafic d'armes, parce qu'il y a bien quelqu'un qui fournit ces armes aux combattants. Hélas, on a trop souvent tendance à marginaliser ces problèmes au lieu de les attaquer de front.

    Je crois qu'il y a aussi plus de potentiel d'action au niveau de l'OEA. La situation dans les Andes est extrêmement inquiétante actuellement. Il y a énormément de tensions entre ces divers pays, pas seulement à cause du conflit colombien, bien qu'il y contribue. Je pense qu'on pourrait avoir un peu plus d'espoir à long terme si l'OEA et d'autres organisations multilatérales se regroupaient pour intensifier les efforts diplomatiques, en constituant par exemple un groupe plus solide d'amis pour résoudre le conflit colombien. Malheureusement, c'est un conflit qu'on a souvent tendance à ramener à un simple problème de trafic de drogues, alors que ceux qui s'en occupent de près savent très bien que ce n'est pas seulement là le problème. Je crois qu'il faut vraiment essayer de trouver des solutions diplomatiques.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Vous venez de parler de drogue. Je croyais que la drogue était transportée par avion. Mais apparemment, ils la transportent aussi par bateau sur les cours d'eau et par voie terrestre en suivant des sentiers. Est-ce que c'est ce que vous pensez aussi?

+-

    Mme Colleen Duggan: La drogue transite de toutes sortes de façons et sort d'une manière ou d'une autre du pays, malheureusement.

    Effectivement, il y a du trafic par les rivières. Les frontières de la Colombie sont très poreuses. L'Amazone couvre une grande partie du pays. La géographie est extrêmement hostile et complexe, avec des montagnes, etc. C'est un peu comme l'Afghanistan sur ce plan. Vu ces difficultés géographiques, essayer d'enrayer le trafic de drogues dans un tel pays, c'est un défi incroyable. Il y a aussi un trafic aérien. On voit de plus en plus ces trafiquants se faire intercepter aux États-Unis, depuis que les politiques ont été renforcées avec le nouveau régime de sécurité intérieure, etc. Mais la drogue ne transite évidemment pas que par avion.

+-

    Le président: Mais à propos des syndicalistes qui se font assassiner quasiment tous les jours, que pouvons-nous faire au Canada face à ce genre de violence?

+-

    Mme Colleen Duggan: Je crois qu'il faut que le Canada affirme très clairement que le syndicalisme, le droit des gens à s'organiser, est un aspect important de la démocratie, de toute démocratie. Il faut réaffirmer le devoir de protéger les syndicalistes. Il y a déjà des programmes de protection parrainés par le gouvernement colombien, mais ils ont de gros problèmes. Ils sont très sous-financés. Je crois qu'il serait aussi important de rappeler au gouvernement colombien la nécessité d'enquêter sur les agressions et les assassinats qui ciblent les syndicalistes.

+-

    Le président: Savez-vous si nous avons des dispositions qui nous permettent de procurer des visas très rapidement à des syndicalistes, par exemple, pour leur permettre de sortir du pays?

+-

    Mme Colleen Duggan: Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de syndicalistes qui soient venus au Canada dans le cadre du programme pour les réfugiés. Mais là encore, la Colombie a le même problème que la plupart des autres pays, c'est qu'il y a un système de quotas et que le nombre de personnes qui peuvent en sortir est limité.

    Ce qui serait intéressant, ce serait de trouver des dispositions plus souples. Ce qui est vraiment utile en Colombie, c'est d'aider les gens à quitter le pays pendant un certain temps. Les syndicalistes font l'objet de pressions incroyables. Ils sont constamment menacés. Parfois, cela fait du bien de pouvoir sortir du pays dans le cadre d'un échange, le temps de se recharger les batteries pendant six ou huit mois. Je crois que c'est le genre de dispositions qu'il faudrait vraiment envisager.

+-

    Le président: Les FARC, pensez-vous que leur situation s'améliore ou s'aggrave ou quoi en ce moment?

  +-(1205)  

+-

    Mme Colleen Duggan: D'après les informations que j'ai eues la semaine dernière, j'ai malheureusement l'impression que la puissance militaire des FARC se renforce malgré la politique de sécurité démocratique du président Uribe. Les confrontations s'intensifient, et le nombre de victimes de l'armée s'alourdit. Je crois que la semaine de la réunion de Carthagène a été celle où l'on a enregistré le plus grand nombre de soldats de l'armée colombienne tués dans des confrontations avec les FARC.

    Je crois que les FARC ne reviendront pas à la table tant qu'on ne les y obligera pas ou tant qu'ils ne feront pas jeu égal avec le gouvernement sur le plan militaire. Je crois que cela a été un des problèmes des précédentes négociations avec le gouvernement Pastrana, que malgré la meilleure volonté politique, les FARC ne faisaient que se renforcer de plus en plus.

+-

    Le président: Et l'ELN?

+-

    Mme Colleen Duggan: À mon avis, il y a deux possibilités : ou bien l'ELN va se faire absorber par les FARC… Traditionnellement, ils ont été tantôt amis, tantôt ennemis. Paradoxalement, il y a de nombreux déserteurs de l'ELN qui se retrouvent maintenant dans les rangs des paramilitaires, donc ce groupe pourrait bien disparaître un jour ou l'autre. L'autre possibilité, c'est qu'avec la montée en puissance des FARC, les guérilleros de l'ELN comprennent qu'ils risquent tôt ou tard d'être exterminés par les FARC et reviennent à la table; dans ce cas, on pourrait peut-être faire aboutir le processus de rapprochement politique avec l'ELN qui est actuellement en cours. Mais c'est un des problèmes en Colombie : chaque administration successive privilégie la négociation avec un interlocuteur armé par rapport à un autre et laisse ensuite retomber tout l'élan qui était acquis lors de négociations avec l'ELN ou un autre interlocuteur. Alors on perd cet élan, et on perd la possibilité de désarmer ces gens-là et de les écarter de l'équation.

    On dirait qu'ils ont pratiquement besoin d'une stratégie parallèle et d'efforts parallèles pour négocier simultanément avec toutes les organisations armées. Je ne les critique pas, c'est extrêmement difficile.

+-

    Le président: Et à propos des AUC, ces forces paramilitaires, que pouvez-vous nous dire de plus que ce que vous avez déjà dit?

+-

    Mme Colleen Duggan: C'est très délicat. Si l'on élimine les AUC de l'équation, c'est une raison de plus pour les FARC de ne pas revenir à la table de négociation. Et ce n'est pas nécessairement moi qui le dis, c'est une situation bien documentée. Certains liens entre certains niveaux de l'armée et de l'État colombien et les AUC posent un problème très épineux. Si les AUC disparaissent militairement, personnellement, cela m'étonnerait qu'ils disparaissent en tant qu'auteurs de violence.

    Des gens comme Carlos Castaño, qui a été tué l'an dernier, sont bien connus. Il était homme de main et chef de la sécurité d'Escobar à l'époque du cartel. Il y a des brutes comme cela qui louent leurs services. Je crois que la seule façon d'éviter de retomber dans ce genre de cauchemar, c'est de faire ce que fait actuellement la communauté internationale : exiger plus de transparence dans le processus et un cadre juridique pour permettre à la communauté internationale et aux Colombiens de suivre ces gens à la trace, de voir ce qu'ils font et de déterminer s'ils doivent être traînés en justice. Sinon, ils vont disparaître dans la nature, ce qui ne serait pas une bonne chose pour la Colombie.

+-

    Le président: Les représentants des ONG nous ont dit la semaine dernière que le gouvernement Uribe essayait de se débarrasser des responsables des droits humains de l'ONU en Colombie. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Si vous ne voulez pas, vous n'êtes pas obligée.

+-

    Mme Colleen Duggan: J'ai eu le privilège de travailler avec le bureau des droits de l'homme de l'ONU pendant deux ans. On l'a toujours senti. C'est un dossier un peu épineux pour un gouvernement qui ne souhaite pas nécessairement être traîné devant la Commission des droits de l'homme chaque année.

    Je crois que cela vient du fait que l'ONU a décidé—en fait, je crois que cela a été une décision prise d'un commun accord par l'ONU et le gouvernement de la Colombie—de mettre fin aux fonctions du représentant spécial du Secrétaire général, James LeMoyne. Mais c'est une décision qui est intervenue bien après la rupture des négociations avec les FARC. Franchement, je ne vois pas le gouvernement de la Colombie expulser le Haut Commissaire aux droits de l'homme. Ce ne serait pas très brillant. Il perdrait beaucoup de crédibilité. Je pense aussi qu'il trouve une certaine utilité à ce bureau.

    Ce qui pourrait se passer à mon avis, et je l'ai vu dans d'autres pays où je travaillais, ce serait un effort délibéré pour diluer le mandat de ce commissariat, pour le limiter à une aide technique en écartant le mandat de vérification internationale, c'est-à-dire en supprimant le rôle qui consiste à soumettre des rapports à la Commission des droits de l'homme. Je pense que ce serait une possibilité.

  +-(1210)  

+-

    Le président: On nous a dit que l'Accord de Carthagène avait été affaibli pour toutes sortes de raisons. Pensez-vous que c'est le cas, et si oui, pourquoi?

+-

    Mme Colleen Duggan: Je ne crois pas que la situation se soit affaiblie. La Déclaration de Carthagène n'a pas de caractère obligatoire, comme tout le reste. Ce qui est positif néanmoins dans cette déclaration, c'est qu'elle réaffirme que la communauté internationale est disposée à poursuivre son engagement auprès de la Colombie, ce qui est assez exceptionnel dans le contexte actuel de recrudescence d'urgences humanitaires qui réclament toutes notre attention. Je crois que le G-24 a même décidé de réaffirmer qu'il suivait la situation et qu'il allait maintenir son engagement. Je crois que c'est un progrès important.

    Tout le monde sait que l'administration Uribe refuse de dire certaines choses. Je crois que c'est regrettable, mais ce qui me semble important néanmoins, ce sont les efforts qu'accomplit la communauté internationale pour parler d'une seule voix sur le terrain en Colombie, grâce à des choses comme la Déclaration de Cathagène. C'est quand la communauté internationale ne se prononce pas de façon unanime sur des questions comme la vérité, la justice et la réconciliation que la situation s'embrouille et se complique.

+-

    Le président: Il y a juste une autre chose. Ensuite, M. Broadbent pourra poser quelques questions.

    Il y aurait 13 000 enfants qui travaillent pour les FARC et l'ELN et les paramilitaires. Est-ce que cela vous paraît exact?

+-

    Mme Colleen Duggan: C'est tout à fait possible.

+-

    Le président: Avez-vous une idée de ce que le Canada pourrait faire à cet égard?

+-

    Mme Colleen Duggan: C'est un problème incroyablement complexe. Je crois que le Canada peut, par le biais de l'ACDI par exemple, poursuivre ses programmes de soutien à la création d'emplois ou à l'éducation. Je crois que la prévention est un élément très important de la solution. Il faut trouver un moyen d'éviter que ces enfants rejoignent ces groupes ou y soient recrutés de force; par ailleurs, il faut aussi proposer des programmes d'aide et des filets de sécurité à ces enfants quand ils quittent ces groupes, car certains d'entre eux sont profondément traumatisés. Tout ce qu'ils connaissent, c'est la violence; ils savent se servir d'une arme à feu. Il faut leur proposer des solutions et des ouvertures pour se réintégrer dans la société civile.

    C'est le genre de choses que le Canada peut faire, mais le travail de prévention est très difficile car, comme je vous le disais, il n'y a pas de combattants mineurs dans l'armée colombienne. C'est au sein des groupes armés illégaux que le problème se pose.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Broadbent, vous avez des questions? Je sais que vous avez été dans l'impossibilité de vous joindre à nous plus tôt.

+-

    L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD): Je dois tout d'abord vous présenter mes excuses. J'étais pris à un autre comité et à la Chambre, et je n'ai pas pu venir ici; donc, par définition, je n'ai pas pu entendre vos remarques liminaires.

    Je vais limiter mes questions à un seul domaine, celui de la liberté d'association ou des droits syndicaux. Comme vous le savez, d'après le rapport annuel de la CISL, depuis un certain nombre d'années, c'est presque chaque année la Colombie qui a le pire bilan au monde en matière d'assassinat d'hommes et de femmes qui essaient d'exercer leurs droits syndicaux—ou en matière de torture. Les syndicalistes se font assassiner ou torturer. J'ai donc tendu l'oreille quand je vous ai entendu dire que le gouvernement avait, sur le papier tout au moins, un programme de protection des hommes et des femmes qui veulent s'organiser en syndicat.

    Pourriez-vous nous parler un peu de ce programme, nous dire depuis combien de temps il existe et en quoi il consiste exactement?

  +-(1215)  

+-

    Mme Colleen Duggan: C'est un programme de protection qui relève du ministère de l'Intérieur. Il sert à donner à ce qu'on appelle des activistes des droits de la personne—principalement des gens qui travaillent dans des ONG et des syndicalistes—une protection qualifiée de dure ou douce. La protection dure, ce sont des gardes du corps et des véhicules blindés. La protection douce, c'est un réseau de radios reliées au bureau du procureur public et du chef de la police. Ce sont des émetteurs radio qu'un syndicaliste peut utiliser immédiatement s'il est menacé ou suivi, ou si quelqu'un essaie de le tuer. L'émetteur déclenche immédiatement un dispositif policier, les agresseurs sont poursuivis, etc. C'est un système qui a eu plus ou moins de succès.

    Dans une existence antérieure, quand j'étais au Haut Commissariat des droits de l'homme en Colombie, j'ai en fait servi comme observatrice au comité du ministère de l'Intérieur qui regroupait les policiers, les institutions d'État chargées de ce programme de protection, les syndicalistes et les ONG. Il est arrivé que des gens lancent un appel à la radio et réussissent à contacter la police qui a heureusement pu intervenir pour éviter des incidents qui auraient vraiment pu être tragiques.

    C'est néanmoins un programme qui a connu beaucoup de problèmes. Son financement est très insuffisant. Il y a eu des problèmes de corruption et de gestion de l'argent, notamment pour la protection dure, quand j'étais là. Je sais qu'il y a eu des vérifications, mais je ne sais pas dans quelle mesure la situation s'est améliorée depuis. C'est tout de même un programme très important.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: C'est important au moins sur le plan des principes. Encore une fois, j'ai été étonné d'apprendre son existence. Mais s'il y a un sous-financement important… Nous savons tous que partout dans le monde il y a des gouvernements qui adoptent diverses résolutions ou se dotent de structures officieuses. Ils ont donc des institutions qui sont censées servir à protéger les droits de la personne, mais il arrive que la situation laisse profondément à désirer au niveau de la mise en oeuvre.

    Si nous avions ici des hommes et des femmes qui essaient de mettre sur pied un syndicat en Colombie, et si je leur demandais ce qu'ils pensent de cette institution, que me répondraient-ils à votre avis?

+-

    Mme Colleen Duggan: Je crois que les avis seraient partagés. Certains sont très cyniques. La plupart des syndicalistes vous répondront : « Si vous devez nous donner une protection, c'est que c'est déjà trop tard ». Je crois que ce qu'ils veulent surtout, c'est que le gouvernement ait des politiques positives à l'égard des syndicalistes et qu'il rappelle à toute la population que les travailleurs ont le droit de s'organiser.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Existe-t-il des programmes de ce genre en Colombie?

+-

    Mme Colleen Duggan: Pas à ma connaissance.

    Je pense néanmoins que la prévention joue un rôle important. On peut très bien développer le programme de protection et y investir plus d'argent, mais si la violence empire, on ne fera malheureusement qu'augmenter le nombre de personnes qui devront se prévaloir de ce programme. Il faudra en particulier enquêter très sérieusement sur les assassinats ou les tentatives d'assassinat de syndicalistes. Il y a beaucoup de syndicalistes à l'extérieur de la Colombie, et notamment beaucoup de réfugiés au Canada. Je crois qu'il faut aller au fond des choses, pour savoir qui sont les auteurs de ces actes, pourquoi ils font cela et comment l'État réagit.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Deux choses. Vous parlez de sous-financement : savez-vous approximativement quel est le budget consacré à ce programme?

    Deuxièmement, quand vous dites qu'il faudrait que le gouvernement aille au fond des choses pour trouver les auteurs de ces assassinats et qu'il enquête sérieusement sur ces crimes, pensez-vous vraiment que le gouvernement essaie de retrouver les auteurs de ces assassinats de syndicalistes?

  +-(1220)  

+-

    Mme Colleen Duggan: Je ne sais pas exactement quel est le budget de ce programme. Quand j'étais là en 2000, c'était… Non, je préfère ne pas le dire. Je pourrai vous communiquer cela si vous le voulez.

    Il y a eu quelques enquêtes sur des agressions contre des syndicalistes. Malheureusement, depuis quatre ans, la division des droits de l'homme du bureau du procureur public s'est affaiblie considérablement. On y trouvait de nombreux enquêteurs de très haut calibre, mais beaucoup d'entre eux ont dû partir parce qu'ils enquêtaient sur des dossiers très brûlants, notamment des dossiers concernant des syndicalistes.

    Disons que la grande majorité des tentatives d'assassinat contre des syndicalistes ou des assassinats réussis, malheureusement, sont attribuées aux paramilitaires. Quand on affaiblit des bureaux comme celui du procureur public, les choses deviennent de plus en plus difficiles. En outre, il y a le fait que ce bureau du procureur public a été compromis, en fait a été infiltré par des gens affiliés aux paramilitaires et aux FARC, ce qui a considérablement entaché sa crédibilité.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Goldring.

+-

    M. Peter Goldring: Merci.

    Je voudrais d'abord faire une remarque et je vais simplement vous lire cette phrase tirée d'un discours prononcé jadis par notre président.

+-

    Le président: Je décline toute responsabilité.

+-

Nous avons manifestement compris que notre avenir était lié à celui des Amériques, et nos partenariats commerciaux en sont la preuve. En Colombie, notre troisième marché d'exportation en Amérique du Sud, nous avons déjà une solide base. En 1998, les échanges bilatéraux ont dépassé les 700 millions de dollars. Les investissements, une autre excellente mesure de nos partenariats commerciaux, ont aussi connu une croissance phénoménale ces dernières années.

Et nous prenons des mesures pour consolider ces fondations.

    Manifestement, nous avons cessé de les consolider car nos échanges commerciaux sont en net déclin, non seulement de la Colombie vers le Canada, mais aussi du Canada vers la Colombie. Voilà pour mon commentaire.

    Ma question porte sur l'un des projets que le CRDI finance en Colombie, le projet « Justice communautaire et gestion des conflits ». D'après mes notes, l'ACDI finance aussi en Colombie un projet intitulé « Justice communautaire et résolution de conflits ». À part les mots « gestion » et « résolution », cela a l'air de se ressembler énormément. Est-ce que ce sont les mêmes programmes ou ont-ils des fonctions différentes? Pourquoi faut-il que nous ayons deux organisations pour financer en gros la même chose en Colombie? Ne serait-il pas logique de combiner les deux?

+-

    Mme Colleen Duggan: Eh bien, je suis heureuse que vous mentionniez cet exemple, car ce projet est un excellent exemple de notre collaboration avec l'ACDI. Je connais bien le projet d'École nationale de justice communautaire de l'ACDI, parce que ces deux programmes ont été conçus en même temps.

+-

    M. Peter Goldring: Mais est-ce que cela ne fausse pas la reddition de comptes, parce que quand on regarde la comptabilité, on voit que votre organisation consacre des sommes importantes à cette justice communautaire et cette gestion des conflits, alors qu'une autre organisation fait pratiquement la même chose? Vous donnez une image fausse au public canadien dans vos rapports, parce que même si nous étions d'accord pour consacrer ce budget à ce genre d'activités, nous avons du mal à voir le lien entre toutes ces organisations. Combien d'autres organisations au Canada financent aussi ce genre de choses?

+-

    Mme Colleen Duggan: Encore une fois, ces deux projets ont été élaborés en même temps par l'ACDI et le CRDI en parfaite connaissance de cause. Je crois que la différence essentielle, c'est que nous finançons un projet de recherche. Les recherches qui montrent comment ces mécanismes fonctionnent, ou pourquoi ils ne fonctionnent pas et dans quelle mesure ils donnent de bons résultats, fournissent à l'ACDI des informations vitales pour l'élaboration de son plan de programme scolaire pour l'École nationale de justice communautaire. Donc, nos deux projets se complètent, parce que nous fournissons à l'ACDI les informations dont elle a besoin pour structurer cette école nationale.

+-

    M. Peter Goldring: Pour que vos rapports soient plus clairs et pour que nous puissions faire le lien entre ces montants, ne pourriez-vous pas préciser qu'il s'agit dans votre cas du volet de recherche des travaux que l'ACDI finance sur le terrain? Il est très difficile de faire le lien entre toutes ces organisations.

  -(1225)  

+-

    Mme Colleen Duggan: C'est une bonne suggestion, et nous y penserons.

+-

    Le président: Je crois que nous avons enfin terminé.

[Français]

    Merci dix mille fois d'être venus. Vous avez fait un excellent témoignage. La réputation du CRDI est toujours bien protégée.

[Traduction]

    Merci beaucoup.

    Pouvons-nous maintenant passer à la motion de M. Broadbent?

    Si les témoins veulent rester, ils sont les bienvenus, mais ils peuvent partir s'ils le préfèrent.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Je voulais simplement rappeler à tous les membres du comité qu'ils ont le texte de cette résolution.

    Je m'en remets à vous, monsieur le président. Voulez-vous que je la lise en entier?

+-

    Le président: Non, non. Pouvez-vous simplement nous lire l'essentiel, monsieur Broadbent?

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Très bien.

    Il est résolu que le Sous-comité des droits de la personne et du développement international presse le ministre des Affaires étrangères de prier la délégation canadienne auprès de la Commission des droits de l'homme à Genève :

    1. De proposer une résolution sur la Colombie à la Commission des droits de l'homme, qui comporterait une déclaration d'appui vigoureuse au Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie et au rôle important qu'il joue dans le pays;

    2. D'inclure dans la déclaration canadienne à la Commission :

    —une référence claire à l'existence d'un conflit armé interne et d'une crise humanitaire en Colombie;

    —une condamnation claire du fort degré d'impunité qui sévit en Colombie;

    —un appel à un rapport provisoire du Haut Commissariat à l'Assemblée générale en septembre;

    —un énoncé encourageant le Haut Commissaire, Louise Arbour, à visiter la Colombie.

+-

    Le président: Je ne sais pas si Mme Duggan veut faire un commentaire. Probablement que non.

    Tout le monde a reçu le préavis.

    Monsieur Bains.

+-

    M. Navdeep Bains: J'aimerais simplement avoir un éclaircissement, si cela ne vous dérange pas. C'est à propos de cet « appel à un rapport provisoire du Haut Commissariat ». De quoi s'agirait-il?

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Je ne sais pas comment le dire autrement. Il y aurait un rapport final et celui-ci serait un rapport provisoire.

+-

    M. Navdeep Bains: Mais vous voudriez qu'il porte sur un domaine précis, ou s'agirait-il simplement d'un rapport provisoire général?

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: Ce serait sur la Colombie.

[Traduction]

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Oui, c'est cela.

[Français]

    Certainement, ce serait sur la Colombie, mais spécifiquement sur le sujet des droits humains.

+-

    Le président: Nous pouvons maintenant passer au vote sur cette motion.

    (La motion est adoptée.)

[Traduction]

    Le président: Nous allons adopter la motion en tant que quatrième rapport du comité.

    Vous me chargez aussi de présenter ce rapport au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international?

    Des voix: D'accord.

-

    Le président: Nous pourrions maintenant faire une pause de 90 secondes pour poursuivre à huis clos l'examen de nos travaux futurs.

    [La séance se poursuit à huis clos.]