SDEV Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 14 février 2005
¹ | 1550 |
Le président (l'hon. David Kilgour (Edmonton—Mill Woods—Beaumont, Lib.)) |
M. Jean-Marc Duval (ambassadeur du Canada en Colombie, ministère des Affaires étrangères) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
Le président |
M. Guillermo Rishchynski (vice-président, Direction générale des Amériques, Agence canadienne de développement international) |
º | 1605 |
º | 1610 |
Le président |
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC) |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Peter Goldring |
Le président |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Peter Goldring |
º | 1615 |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Peter Goldring |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Peter Goldring |
Le président |
M. Jean-Marc Duval |
M. Peter Goldring |
M. Jean-Marc Duval |
M. Peter Goldring |
M. Jean-Marc Duval |
M. Peter Goldring |
Le président |
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ) |
M. Jean-Marc Duval |
Mme Diane Bourgeois |
M. Jean-Marc Duval |
º | 1620 |
Mme Diane Bourgeois |
M. Jean-Marc Duval |
Mme Diane Bourgeois |
M. Jean-Marc Duval |
Mme Diane Bourgeois |
M. Jean-Marc Duval |
Mme Diane Bourgeois |
M. Jean-Marc Duval |
Mme Diane Bourgeois |
M. Jean-Marc Duval |
º | 1625 |
Mme Diane Bourgeois |
M. Jean-Marc Duval |
Le président |
M. Guillermo Rishchynski |
º | 1630 |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD) |
º | 1635 |
M. Jean-Marc Duval |
L'hon. Ed Broadbent |
M. Guillermo Rishchynski |
º | 1640 |
Le président |
M. Jean-Marc Duval |
Le président |
M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.) |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Navdeep Bains |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Navdeep Bains |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Navdeep Bains |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Navdeep Bains |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Navdeep Bains |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Navdeep Bains |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Navdeep Bains |
M. Guillermo Rishchynski |
º | 1645 |
M. Navdeep Bains |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Navdeep Bains |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Navdeep Bains |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Navdeep Bains |
M. Guillermo Rishchynski |
Le président |
M. Peter Goldring |
º | 1650 |
M. Jean-Marc Duval |
M. Peter Goldring |
M. Guillermo Rishchynski |
º | 1655 |
Le président |
M. Peter Goldring |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Peter Goldring |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
» | 1700 |
Le président |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Jean-Marc Duval |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
» | 1705 |
M. Jean-Marc Duval |
L'hon. Ed Broadbent |
M. Jean-Marc Duval |
L'hon. Ed Broadbent |
M. Jean-Marc Duval |
L'hon. Ed Broadbent |
» | 1710 |
M. Guillermo Rishchynski |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
M. Jean-Marc Duval |
L'hon. Ed Broadbent |
L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.) |
M. Guillermo Rishchynski |
» | 1715 |
L'hon. Paddy Torsney |
M. Jean-Marc Duval |
L'hon. Paddy Torsney |
M. Jean-Marc Duval |
M. Guillermo Rishchynski |
L'hon. Paddy Torsney |
M. Guillermo Rishchynski |
L'hon. Paddy Torsney |
M. Jean-Marc Duval |
» | 1720 |
M. Guillermo Rishchynski |
L'hon. Paddy Torsney |
Le président |
L'hon. Paddy Torsney |
Le président |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Jean-Marc Duval |
» | 1725 |
Le président |
CANADA
Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 14 février 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1550)
[Français]
Le président (l'hon. David Kilgour (Edmonton—Mill Woods—Beaumont, Lib.)):
Nous accueillons aujourd'hui Jean-Marc Duval, ambassadeur du Canada en Colombie; José Herran-Lima, directeur de la Direction de l'Amérique du Sud au ministère des Affaires étrangères; et Guillermo Rishchynski, la vedette, à mon avis. Il semblerait qu'on aura deux présentations.
[Traduction]
M. Jean-Marc Duval (ambassadeur du Canada en Colombie, ministère des Affaires étrangères): Monsieur le président, honorables membres du sous-comité, c'est un honneur et un plaisir d'être ici aujourd'hui en ce magnifique hiver canadien, pour vous parler de la contribution du Canada à la consolidation de la paix, aux droits de la personne et au développement en Colombie. Je vous sais infiniment gré de m'avoir invité à participer à cette séance de votre sous-comité.
Permettez-moi de dire quelques mots au sujet de la Colombie. On trouve dans ce pays l'une des plus vieilles démocraties de l'Amérique latine, dont l'histoire a été caractérisée par la violence et l'instabilité politique chronique. Au cours des 40 à 50 dernières années, l'expansion des forces insurgées armées, leur dépendance croissante à l'égard d'une économie fondée sur le trafic illicite de la drogue qui leur fournit leur principale source de revenu, et l'incapacité de l'État à exercer une autorité effective sur l'ensemble du territoire ont créé une grave situation sur le plan de la sécurité et des droits de la personne. Quelques progrès ont été enregistrés, mais il reste beaucoup à faire.
La Colombie demeure un très important producteur de drogues : elle fournit près de 80 p. 100 de la cocaïne et de l'héroïne consommées au Canada et aux États-Unis. Les revenus de la drogue financent les FARC, l'ELN et les AUC. L'implication de ces groupes dans le trafic des stupéfiants est l'une des causes majeures de la violence dans ce pays.
Ce conflit a causé des milliers de morts et entraîné, selon les estimations, le déplacement de plus de trois millions de personnes à l'intérieur du pays, les femmes et les minorités étant touchées de façon disproportionnée.
[Français]
Depuis son entrée en fonction en août 2002, le président Uribe exerce des pressions sur les groupes armés pour les porter à se démobiliser, en recourant essentiellement aux moyens militaires: c'est là sa priorité numéro un. Pour le président, on ne peut instaurer les conditions de paix que si la situation de la sécurité s'améliore, et ce, grâce au renforcement de la présence, tant civile que militaire, du gouvernement sur toute l'étendue du territoire colombien, et à l'efficacité accrue des forces armées. Le président souligne que cela est en train de se faire, tout en reconnaissant pleinement la nécessité d'assurer simultanément la promotion et la protection des droits de la personne et des libertés civiles.
Le gouvernement est actuellement engagé dans la deuxième phase de l'opération Patriote, une offensive militaire de grande envergure lancée contre les FARC dans la partie méridionale du pays. Parallèlement, le Mexique a accepté de jouer un rôle de facilitateur dans les discussions avec l'ELN, et des négociations sont en cours en vue de la démobilisation des 18 000 membres des AUC avant la fin de l'année 2005.
[Traduction]
Le Canada a pris une part active aux efforts de paix déployés précédemment en Colombie et continue d'être partie prenante à ces efforts. Mon prédécesseur, M. Rishchynski, est présent parmi nous aujourd'hui. Je lui laisse le soin de souligner le rôle qu'il a joué durant les trois années qu'il a passées en Colombie, notamment en qualité de membre de la Commission de facilitation du Groupe des 10, qui était composée du Canada, de Cuba, de la France, de l'Italie, du Mexique, de la Norvège, de l'Espagne, de la Suède, de la Suisse et du Venezuela.
Quelques mois après mon arrivée à Bogota, le Canada a assumé la présidence du G-10. En avril 2003, nous avons invité le haut-commissaire pour la paix à prendre la parole devant le Groupe lors d'un déjeuner offert à la résidence officielle, afin d'examiner avec nous les derniers développements enregistrés dans les divers processus de paix et de discuter du rôle que le Groupe serait appelé à jouer à l'avenir dans le cadre d'un de ces processus. Il nous a indiqué que le gouvernement n'envisageait aucun rôle spécial pour le G-10. Ce fut la dernière réunion du Groupe.
[Français]
Nous avons continué, malgré tout, à rechercher les moyens de contribuer aux efforts de paix. En juillet 2003, le Royaume-Uni a organisé une réunion sur l'aide internationale à la Colombie, à laquelle le Canada était représenté par des hauts fonctionnaires: Marc Lortie, d'Affaires étrangères Canada, et Bob Anderson, de l'ACDI. Les pays et organisations internationales participants ont adopté la Déclaration de Londres, par laquelle la communauté internationale a: exprimé un soutien politique ferme, mais conditionnel à la politique de sécurité démocratique du gouvernement, y compris aux pourparlers de paix avec les groupes armés illégaux; exhorté le gouvernement à mettre en oeuvre, dans les meilleurs délais, les recommandations du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme; et convenu de réexaminer et de réorienter ses programmes de coopération au développement.
¹ (1555)
[Traduction]
Au cours de cette réunion, la délégation canadienne a souligné le ferme appui du Canada au travail des Nations Unies en Colombie; la nécessité pour le gouvernement colombien d'avoir un dialogue franc, ouvert et direct avec la société civile; l'importance de maintenir la confiance des investisseurs étrangers dans la Colombie; et la nécessité de mettre en oeuvre sans délai les recommandations du Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.
Par la suite, les ambassadeurs auprès de la Colombie des pays ayant participé à la Conférence de Londres—l'UE, la Commission de l'UE, la Norvège, la Suisse, les États-Unis, le Mexique, l'Argentine, le Brésil, le Chili, le Japon et le Canada—ont créé à Bogota le groupe des 24. Le Canada en assure la présidence jusqu'au 30 juin de cette année.
Ce groupe informel a convenu de servir de facilitateur dans un dialogue entre le gouvernement et la société civile; de mettre en place, de concert avec le gouvernement et la société civile, un cadre de coopération internationale au développement; et de participer à une commission de suivi de la Déclaration de Londres, de concert avec le gouvernement et la société civile. Le groupe a tenu depuis de nombreuses réunions avec tous les partenaires, notamment le gouvernement, la société civile et les organismes de l'ONU.
Le groupe a été étroitement associé à la rédaction de la Déclaration de Cartagena, qui a été approuvée par tous les participants à la réunion de coordination et de coopération internationale pour la Colombie qui s'est tenue le 3 février à Cartegena. Dans cette déclaration, nous avons réaffirmé les principes de la Déclaration de Londres. Nous avons reconnu le travail de la société civile. Nous avons soutenu la recherche d'une solution pacifique et négociée au conflit. Nous avons mis l'accent sur le travail des Nations Unies. Nous avons souligné les avantages d'un accord humanitaire et la nécessité d'une législation qui permette la concrétisation des principes de vérité, de justice et de réparation; encouragé le gouvernement à poursuivre ses efforts en vue d'atteindre des résultats pour la mise en oeuvre des recommandations relatives aux droits de la personne dans les meilleurs délais; souligné la nécessité pour le gouvernement de renforcer les moyens de protection existants afin de garantir le droit à la vie et la liberté d'expression des dirigeants syndicaux, des journalistes, des défenseurs des droits de la personne et des dirigeants de la société civile. Nous avons fait valoir la nécessité pour le gouvernement d'accorder plus d'attention à la situation humanitaire; reconnu les réalisations du gouvernement et les défis auxquels il est confronté; et lancé un appel pressant aux groupes illégaux.
[Français]
Nous avons reconnu l'importance du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion des groupes armés illégaux. Toutefois, la communauté internationale a aussi clairement fait valoir que nous avions besoin d'un cadre juridique satisfaisant, comme le prévoit la Déclaration de Cartagena, avant de pouvoir envisager une quelconque aide financière, que ce soit pour les opérations du bureau de l'OEA en Colombie ou pour toute autre proposition émanant du gouvernement colombien.
[Traduction]
Je laisse à M. Rishchynski, qui a présidé la délégation canadienne à la réunion de Cartagena, le soin de nous faire part de la déclaration du Canada à cette conférence.
Comme vous pouvez le constater à partir de certains points évoqués précédemment, nous avons joué un rôle actif pour essayer d'améliorer la situation des droits de la personne en Colombie. Nous reconnaissons tous, y compris le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, que des progrès ont été accomplis, mais qu'il reste encore malheureusement beaucoup à faire.
Au nombre des changements positifs enregistrés l'année dernière, je tiens à mentionner le dialogue ouvert et franc instauré entre le gouvernement et la société civile, dont certaines des ONG les plus importantes du pays. Cette coopération a été telle que le bureau du vice-président a organisé plusieurs réunions pour examiner la mise en oeuvre des recommandations du Haut-commissaire, ce qui représente au total une quarantaine d'heures de discussion.
De plus, nous avons collaboré très étroitement avec les partenaires de la société civile à la préparation d'une conférence qui a eu lieu à Cartagena le 2 février, au cours de laquelle une évaluation globale de la situation en Colombie a été présentée aux participants. Il convient de noter aussi que les ONG ont fait leur propre déclaration. L'esprit de cette réunion a été, de loin, plus constructif que celui d'une rencontre semblable qui s'était déroulée à Londres la veille de la conférence intergouvernementale.
Durant l'année écoulée, l'ambassade a joué également un rôle particulièrement proactif en visitant différentes régions de la Colombie. Nous avons effectué plus de 20 déplacements en dehors de Bogota afin de nous faire une meilleure idée de la situation et manifester notre soutien aux défenseurs des droits de la personne sur le terrain.
Pendant mon séjour au Canada, j'ai également rencontré de nombreuses ONG canadiennes afin de leur faire part de notre évaluation de la situation et d'envisager de quelle façon nous pouvons travailler ensemble à son amélioration. Parmi ces ONG figurent Inter Pares, Brigades de paix internationales, KAIROS, le Conseil canadien de coopération internationale,
[Français]
Développement et Paix et Droits et Démocratie.
Notre programme de l'ACDI fait la promotion des droits de la personne, et à ce chapitre aussi, je laisserai la parole à mon collègue. Affaires étrangères Canada, par le biais de son Programme pour la sécurité humaine, a travaillé de concert avec divers partenaires pour réduire l'incidence des déplacements internes chez les autochtones et accroître la connaissance des droits humains des femmes. En outre, l'ambassade a suivi le projet de loi initial sur les solutions de rechange aux peines traditionnelles déposé par le gouvernement l'an dernier et a présenté ses commentaires.
Enfin, j'aimerais souligner encore une fois les relations très étroites que nous entretenons avec les ONG canadiennes et colombiennes ainsi qu'avec le bureau de Michael Fruhling, directeur du bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie, qui a visité le Canada en novembre dernier.
Merci beaucoup.
º (1600)
Le président: Señor Rishchynski, vous avez la parole.
M. Guillermo Rishchynski (vice-président, Direction générale des Amériques, Agence canadienne de développement international): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais vous remercier de me donner l'occasion de témoigner encore une fois devant ce sous-comité. J'ai eu l'occasion de le faire en septembre 2001.
[Traduction]
En ma qualité de vice-président de la Direction générale des Amériques à l'ACDI, je vais vous parler cet après-midi des programmes de l'ACDI en Colombie. Je devrais peut-être commencer en disant que le Canada et la Colombie ont de bons rapports bilatéraux depuis 50 ans, et que l'ACDI a nourri activement cette relation au cours des 25 dernières années en implantant ses programmes dans des secteurs variés en Colombie.
L'ACDI partage l'opinion qui prévaut chez les analystes et les acteurs de la Colombie et du Canada selon laquelle, malgré les progrès relatifs qui ont été réalisés, la situation sur le plan de la sécurité est susceptible de demeurer précaire dans l'ensemble du pays. Compte tenu des difficultés au chapitre de la sécurité, des droits de la personne et de la consolidation de la paix qui se dessinent pour la Colombie, notre programme bilatéral continuera d'être guidé par cette hypothèse et, par conséquent, a officiellement adopté l'objectif et les priorités qui suivent.
[Français]
Notre objectif principal en Colombie, pour ce qui est de la programmation de l'ACDI, est de soutenir les efforts déployés en Colombie pour consolider la paix et accroître la sécurité humaine. Les principales priorités de notre programme sont: premièrement, d'accroître la capacité de la Colombie à répondre aux besoins humains fondamentaux et à protéger les droits des personnes touchées par les conflits armés; deuxièmement, de favoriser une participation équitable dans l'établissement des fondements de la paix; et troisièmement, d'améliorer la capacité de la Colombie à s'attaquer à certaines grandes causes de la violence.
[Traduction]
Avant de décrire plus en détail les activités de l'ACDI en Colombie, permettez-moi de revenir sur une chose qu'a dite l'ambassadeur Duval concernant la dernière rencontre à Cartagena du groupe des 24 pays, avec le gouvernement de la Colombie, où il a été question de l'effort international de coordination et de coopération dans le pays. Cette rencontre a eu lieu à Cartagena les 3 et 4 février.
Notre principal message à Cartagena était le suivant : bien que le Canada valorise les relations qu'il juge privilégiées avec la Colombie, nous continuerons de saisir toutes les occasions de rappeler à la Colombie ses obligations et ses engagements internationaux, notamment dans le domaine des droits de la personne. En effet, nous avons dit clairement à la rencontre de Cartagena que le Canada considère que les recommandations du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme constituent la norme absolue et que toutes les parties intéressées, y compris la société civile, ont un rôle clé à jouer dans l'évaluation des progrès à ce chapitre.
Nous avons fait ressortir à Cartagena le fait que le Canada se voit comme un partenaire sérieux qui est prêt non seulement à partager la responsabilité avec la Colombie et les autres acteurs internationaux, mais aussi, pour autant que la Colombie en prenne l'initiative, à rendre des comptes à l'égard des progrès mesurables dans l'amélioration du respect des droits de la personne, de la consolidation de la paix et de la démocratie en Colombie.
Nous avons rappelé au gouvernement colombien que notre programme d'aide a été élaboré en consultation avec lui et qu'il s'harmonise avec les priorités colombiennes. Toutefois, nous avons exprimé notre inquiétude au sujet du manque d'investissements et d'actions, par moments, de la part de la Colombie pour ce qui est de donner suite à des priorités clés, comme le soutien aux personnes déplacées, la sécurité et la protection des travailleurs de l'aide et des défenseurs des droits de la personne, ainsi que le soutien aux activités de la société civile.
Les programmes de l'ACDI en Colombie ont beaucoup évolué depuis les années 90. Selon les données préliminaires, l'aide publique octroyée par le Canada à la Colombie en 2003 a atteint 10,5 millions de dollars, une nette augmentation par rapport aux 7 millions de dollars versés en 1999-2000.
Nos programmes et nos priorités ont évolué en Colombie du fait de l'état où se trouve le pays. Pour ne citer que quelques faits et chiffres, on compte maintenant entre 2 et 3 millions de Colombiens déplacés à l'intérieur du pays, à cause du conflit. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés affirme qu'il y a 41 500 réfugiés colombiens au Venezuela, au Panama et en Équateur, et ils ont trouvé refuge dans ces pays à cause du conflit.
Reconnaissons la gravité de la réalité; d'après certaines estimations, près de 14 000 enfants sont actuellement impliqués dans le conflit en tant que combattants, espions, extorqueurs, informateurs, esclaves sexuels et cuisiniers en Colombie, et l'on rapporte que dans ce pays, un enfant est enlevé toutes les 37 heures, et ils sont souvent asservis par un groupe armé.
Malheureusement, les femmes représentent plus de la moitié des personnes déplacées et sont à la tête de plus de 30 p. 100 des ménages déplacés. Ces femmes déplacées souffrent beaucoup plus de la violence conjugale que les femmes qui n'ont pas été déplacées.
Le triste sort des peuples indigènes et des Afro-Colombiens, qui constituent des minorités importantes dans le pays, demeure l'une des plus grandes tragédies du conflit.
Le programme de l'ACDI en Colombie est mis en oeuvre par des Colombiens engagés en partenariat avec des Canadiens proactifs. Ce que nous essayons de faire, c'est de combler les besoins de ces populations très vulnérables. Nous avons modifié radicalement nos priorités depuis les années 90. Depuis 2002, faisant suite au rapport du sous-comité sur l'état des droits de la personne en Colombie, huit nouveaux projets bilatéraux pluriannuels ont été approuvés, et l'ACDI les met en oeuvre en ce moment.
Permettez-moi de mentionner, avec votre permission, certains de ces programmes importants. Il y a tout d'abord ce projet de 5 millions de dollars sur cinq ans, qui vise à trouver des solutions durables pour les personnes déplacées dans le nord-est de la Colombie, près de la frontière vénézuélienne, projet qui vise également à renforcer la capacité de la société civile colombienne à collaborer à des processus légitimes pour régler tant les causes que les effets du conflit armé et des déplacements forcés.
Nous prenons également part à la création d'une école nationale de justice communautaire, qui aidera à renforcer la capacité de la société civile à faire des analyses, à donner des conseils et à concevoir des programmes de médiation, de conciliation, de négociation, de recherche de consensus et de négociation de pactes, afin d'améliorer l'administration de la justice et de réduire les conflits à l'échelon des collectivités.
º (1605)
[Français]
Le Canada est toujours un bailleur de fonds très important pour le bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie. D'ici 2006, les contributions de l'ACDI à ce bureau seront d'à peu près 3,3 millions de dollars.
[Traduction]
La protection de l'enfance est devenue depuis 2002 l'un de nos principaux axes d'activité. Nous avons approuvé trois nouveaux projets d'une valeur totale de 4,1 millions de dollars, qui sont mis en oeuvre par les principales ONG partenaires, dont Plan de parrainage du Canada, Aide à l'enfance du Canada et un consortium de l'UNICEF et de l'Organisation internationale pour l'immigration. Ces trois projets soutiennent des mesures préventives qui permettront aux enfants et aux adolescents d'éviter d'être mêlés à la violence, qui amélioreront l'accès à l'éducation, l'acquisition de compétences en consolidation de la paix et en leadership par les enfants vivant dans certaines des régions les plus touchées du pays. Notre ministre a récemment approuvé la prolongation du projet du Plan de parrainage qui, l'année dernière, a été cité en exemple par l'UNESCO comme pratique exemplaire dans le domaine de la protection de l'enfance.
L'ambassadeur Duval a mentionné dans son allocution le fait que les drogues continuent d'alimenter le conflit en Colombie, et l'ACDI a reconnu la nécessité de prendre part aux stratégies alternatives de développement pour s'assurer que les producteurs ruraux et agricoles légitimes ne se voient pas contraints de s'engager dans des activités illégales. Nous avons inauguré l'an dernier un projet de réorientation agricole qui est échelonné sur cinq ans et doté d'un budget de 5 millions de dollars, et qui est mis en oeuvre par ECOFONDO, un organisme colombien respecté et partenaire de longue date du Canada. Ce projet aide les familles en milieu rural, dont les familles indigènes et afro-colombiennes, à avoir des activités économiques viables comme solution de rechange à la culture illégale des stupéfiants.
L'ACDI est également en train de mettre sur pied une unité d'appui au programme afin d'améliorer et d'accroître l'efficience et l'efficacité de l'aide publique au développement que le Canada accorde à la Colombie. Avec l'aide des directions générales des Partenariats canadiens et des Programmes multilatéraux de l'ACDI, nous continuons de contribuer à des organismes importants qui oeuvrent en Colombie, par exemple, Brigades de paix internationales, et aussi la Croix-Rouge de Colombie, qui reçoit le soutien de la Croix-Rouge du Canada de son quartier général ici à Ottawa.
Bien que le programme bilatéral demeure le principal outil d'intervention de l'ACDI en Colombie, les autres directions générales sont toujours consultées au sein de notre organisation, et nous essayons de mettre en oeuvre une approche pangouvernementale qui réunit les Affaires étrangères, le CRDI, l'ACDI, et d'autres éléments du gouvernement canadien, lesquels se réunissent de manière officieuse depuis deux ans et demi pour échanger de l'information, examiner les programmes et les projets et discuter de stratégies.
Monsieur le président, dans la foulée de l'étude sur la Colombie que le comité a faite en 2002, l'ACDI a pris au sérieux ses recommandations où l'on nous invitait à axer nos programmes sur les problèmes liés aux droits de la personne et les populations vulnérables. Nous sommes à mettre en oeuvre ce programme, programme dont les Canadiens peuvent être très fiers. Malheureusement, la situation en Colombie demeure difficile, ce qui veut dire que l'ACDI et le Canada devront demeurer présents. J'aimerais penser qu'à un niveau quelconque, nous avons une influence positive sur la vie des gens, un par un, jour après jour, et que le temps viendra en Colombie où la paix, la justice et l'équité seront des valeurs partagées par tous les Colombiens, et qu'on en finira avec cette violence qui a trop souvent fait partie de son histoire au cours du dernier demi-siècle.
Merci beaucoup.
º (1610)
Le président: Muchas gracias.
Monsieur Goldring.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC): Merci, monsieur le président.
Monsieur l'ambassadeur, messieurs, merci pour ces exposés.
Je suis certainement d'accord avec vous pour dire que les problèmes semblent immenses en Colombie. Une de mes questions porte là-dessus.
Après 40 ou 50 ans d'aide soutenue... J'ai la conviction que le Canada est présent depuis de nombreuses années—j'aimerais savoir combien d'années au juste—et que d'autres pays dans le monde accordent une aide aussi. Vous pourriez peut-être me dire à combien s'élève l'aide que reçoit le pays annuellement en ce moment, particulièrement dans les domaines où l'on essaie de promouvoir les droits de la personne et d'assurer la sécurité de la population.
À combien se chiffrerait l'aide internationale à la Colombie annuellement?
M. Guillermo Rishchynski: Le Canada a des programmes en Colombie depuis environ 25 ans, probablement depuis la fin des années 70. Aujourd'hui, nous versons dix millions de dollars en aide bilatérale dont les trois quarts au moins sont affectés à des programmes de droits de la personne. J'hésite à vous donner des données précises sur l'aide accordée par les autres donateurs, mais nous savons, par exemple, que l'Union européenne est très active dans les programmes sur les droits de la personne, tout comme les États-Unis qui offraient leur aide à la Colombie bien avant que le Canada ne le fasse.
Pour ce qui est de savoir ce que totalise l'aide versée à ce pays, j'ignore si nos informations sont à jour, mais à la conférence de Londres qui s'est tenue en 2003 et à laquelle l'ambassadeur Duval a fait allusion et à la réunion du groupe des 24 qui s'est tenue récemment à Cartagena, il a été répété que les programmes sur les droits de la personne continueraient d'être le fondement de toute aide bilatérale au développement et devraient continuer d'appuyer le bureau du Haut-commissaire aux droits de l'homme, dont la présence est pour bon nombre d'entre nous un préalable absolu au progrès des droits de la personne en Colombie.
M. Peter Goldring: On pourrait donc dire que l'ensemble de l'aide versée à la Colombie dans ces domaines représente plusieurs fois la contribution du Canada.
Le président: Voulez-vous répondre, monsieur Rishchynski?
M. Guillermo Rishchynski: Oui. Je dirais que le Canada se situe au milieu de la liste. L'Union européenne et les États-Unis ont beaucoup d'avance sur nous au chapitre de l'aide versée annuellement pour le développement, mais avec notre contribution de 10,5 millions de dollars, nous nous comparons aux Pays-Bas, à la Suède et à d'autres.
M. Peter Goldring: Quelle est l'aide totale? Notre contribution est moyenne, mais, chaque année, combien totalise toute l'aide qui est versée à la Colombie par tous les pays?
º (1615)
M. Guillermo Rishchynski: L'aide américaine à la Colombie, comprenant l'aide de nature militaire, dépasse probablement deux milliards de dollars par année, mais une bonne part n'est pas ce qu'on considère des programmes bilatéraux. Les pays donateurs tels que les pays nordiques, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Espagne versent une contribution du même ordre que la nôtre, soit de dix millions de dollars à vingt millions de dollars par année. La communauté internationale y fait beaucoup d'investissement, surtout par le biais du système multilatéral, par le biais des organismes de l'ONU.
M. Peter Goldring: À une réunion que nous avons tenue la semaine dernière, j'ai signalé avec inquiétude que le gouvernement du Zimbabwe, par exemple, tente d'adopter une loi empêchant les ONG de ce pays de recevoir de l'aide extérieure. Pourrait-on dire que ce n'est pas le cas de la Colombie, et que, plutôt, le gouvernement colombien reconnaît lui-même qu'il a besoin de cette aide et est heureux que des ONG d'ailleurs apportent leur contribution?
M. Guillermo Rishchynski: C'est exact, mais des déclarations ont été faites de temps à autre sur le travail des ONG dans ce pays. Le Canada a soulevé l'attention, car nous estimons qu'il incombe au gouvernement de protéger les travailleurs de l'aide et les militants des droits de la personne en raison de l'importance du travail qu'ils accomplissent pour aider les victimes du conflit.
M. Peter Goldring: Étant donné que le gouvernement colombien semble vouloir coopérer et semble être prêt à écouter les suggestions des organisations internationales sur l'amélioration de son bilan en matière de droits de la personne, la communauté internationale entretient-elle le même dialogue avec d'autres groupes du pays concernant les problèmes internes?
J'aimerais d'abord savoir ceci : je remarque qu'on indique ici que le gouvernement de la Colombie s'est engagé à supprimer les mines antipersonnel et probablement—je dis « probablement » car ce n'est pas certain—à participer à la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant en refusant de faire appel à des enfants soldats pour sa propre armée. J'espère que la pression qu'exerce la communauté internationale peut suffire à empêcher cela, mais y a-t-il d'autres forces qui s'exercent au sein du pays même? Y a-t-il d'autres groupes qui reconnaissent des niveaux que je qualifierais de très élémentaires des droits de la personne dans les différends internes?
[Français]
Le président: Monsieur Duval, vous avez la parole.
[Traduction]
M. Jean-Marc Duval: Merci.
Vous parlez des trois autres groupes, n'est-ce pas?
M. Peter Goldring: C'est exact.
M. Jean-Marc Duval: Nous n'avons pas de contacts avec eux. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas leur transmettre des messages, mais nous ne le faisons pas grâce à des contacts directs avec des membres de ces trois groupes. Nous transmettons des messages, premièrement, par l'entremise de l'Église qui entretient de bonnes relations avec ces trois groupes et, deuxièmement, grâce à la Croix-Rouge internationale et à l'ONU. Mais aucune mission bilatérale n'a de contact direct... en fait, je ne devrais pas me faire le porte-parole des autres, mais parler simplement pour le Canada. Le Canada n'a pas de contacts avec ces trois autres groupes.
M. Peter Goldring: Est-ce que cela signifie que ces groupes n'observeront pas les règles concernant les mines antipersonnel ou les enfants soldats?
M. Jean-Marc Duval: Nous tentons d'obtenir leur attention le plus possible. Ainsi, quand la Colombie a détruit ses derniers stocks de mines antipersonnel l'an dernier, des articles sont parus où la communauté internationale invitait les groupes illégaux à faire de même.
Vous avez parlé de la présence d'enfants dans ces trois groupes. Selon Human Rights Watch, environ 25 p. 100 des membres de ces trois groupes sont des enfants. Lorsque Human Rights Watch a publié son livre en septembre 2003, cette organisation a tenu une conférence de presse qui a joui d'une grande publicité. C'est ainsi que nous tentons de transmettre notre message, mais nous n'avons pas de contact direct avec les membres de ces organisations terroristes.
M. Peter Goldring: Merci.
Le président: Merci.
[Français]
Madame, vous avez la parole.
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur l'ambassadeur, messieurs, bonjour.
La première des questions que j'aimerais poser s'adresse à M. Duval.
Est-ce que le Canada reconnaît qu'il y a un véritable conflit armé en Colombie?
M. Jean-Marc Duval: La réponse est oui. D'ailleurs, vous trouverez le mot « conflit » dans la Déclaration de Cartagena.
Mme Diane Bourgeois: En tant que représentant du Canada, vous reconnaissez ce fait, mais est-ce que le gouvernement colombien le reconnaît?
M. Jean-Marc Duval: À l'occasion du discours qu'il a livré à Cartagena, le président Uribe s'est d'abord employé à nous expliquer qu'il n'y avait pas de conflit en Colombie.
º (1620)
Mme Diane Bourgeois: La vision du Canada et celle de la Colombie sont donc opposées. Selon lui, il n'y a pas de conflit.
M. Jean-Marc Duval: En effet.
Mme Diane Bourgeois: Étant donné que vous assumez la présidence du G-24, les organisations non gouvernementales vous avaient demandé, si mes souvenirs sont exacts--corrigez-moi si je fais erreur--, de faire tous les efforts possibles pour que le gouvernement colombien admette l'existence de ce conflit armé.
Peut-on savoir quels efforts vous avez faits en ce sens?
M. Jean-Marc Duval: Je ne sais pas si vous avez le texte de la Déclaration de Cartagena, mais au paragraphe 6, où il est question des membres du G-24, on dit ce qui suit:
Ils ont appuyé les efforts et ont reconnu les progrès réalisés dans la recherche d'une solutionpacifique et négociée de la violence interne résultant du conflit avec les groupes armés illégaux... |
Je ne dirais pas qu'on a réussi à faire insérer le mot « conflit » dans le texte au prix d'un conflit avec les négociateurs colombiens, mais il reste que cela a nécessité de longues discussions avec eux.
Mme Diane Bourgeois: Pourriez-vous, question de sémantique, préciser de qui vous parlez lorsque vous dites « ils »?
M. Jean-Marc Duval: Il s'agit des pays qui composent le G-24.
Mme Diane Bourgeois: Je vous demande quels sont les efforts que vous avez faits vous-même pour faire reconnaître à la Colombie qu'il y avait un conflit armé à l'intérieur du pays.
M. Jean-Marc Duval: Ce document a été préparé avec les autorités colombiennes. Au début, soit un lundi matin à huit heures, nous avons tenu une rencontre avec la ministre des Affaires étrangères et le haut-commissaire pour la paix. Au cours de cette réunion, le haut-commissaire nous a dit que pour le gouvernement colombien, le mot « conflit » n'était pas acceptable.
Nous sommes retournés le vendredi, et on nous a dit pouvoir accepter l'insertion du mot « conflit » au paragraphe 6. Ce sont là les efforts déployés par le Canada, en l'occurrence la troïka, puisqu'au sein du G-24, nous sommes trois ambassadeurs à travailler ensemble à convaincre les Colombiens d'accepter d'insérer le mot « conflit » dans la Déclaration de Cartagena, que nous avons négociée avec eux.
Mme Diane Bourgeois: Comment les autres pays ont-ils réagi?
Vous n'êtes pas sans savoir que les ONG canadiennes ont vraiment été déçues en apprenant que vous n'étiez pas parvenu à faire reconnaître par la Colombie qu'il y avait chez elle un conflit armé.
M. Jean-Marc Duval: Pour ma part, je ferais la distinction entre le gouvernement et la Colombie. Il est clair que pour le président, il n'y pas de conflit. Il nous l'a dit lors d'une réunion avec les ONG qui se tenait le 15 décembre à Cartagena.
Parmi les membres du G-24, c'est surtout nous, de la troïka, c'est-à-dire l'ambassadrice du Brésil, l'ambassadeur d'Espagne et moi-même, qui avons assumé les négociations entre le groupe des 24 et les autorités colombiennes. Quand, après la réunion du lundi, nous avons appris à nos collègues que pour le gouvernement, le mot « conflit » n'était pas acceptable dans le cadre de la déclaration, il y a eu un certain malaise, pour ne pas dire autre chose.
Nous avons repris les discussions et sommes finalement parvenus à insérer le mot « conflit » dans le document. Vous saviez peut-être que l'étude d'un projet de loi visant à donner un cadre juridique au processus avec l'AUC allait commencer demain au sein du Parlement. Pour vous décrire à quel point le gouvernement ne souhaite pas utiliser le mot en question, je vous dirai qu'en nous remettant un exemplaire du projet de loi à Cartagena, on nous a dit qu'il avait été encore un peu modifié et qu'on en avait retiré les quatre sénateurs, dont le sénateur Pardo. Partout où il était question du conflit, le mot avait été rayé de la version du texte du gouvernement, sauf à un endroit. Ainsi, dans un projet de loi qui comporte 55 articles, le mot « conflit » se trouve à un seul endroit. C'est la position de ce gouvernement. Nous essayons d'expliquer comme on le peut qu'il y aura des conséquences à cela, mais en ce qui concerne le président, nous n'avons pas réussi à le faire changer d'idée.
º (1625)
Mme Diane Bourgeois: Monsieur l'ambassadeur, j'aimerais vous poser une question, qui s'adresse aussi peut-être à M. Rishchynski. Je ne sais pas lequel de vous deux va me répondre.
En Colombie, le gouvernement encourage l'impunité. On ne fait pas vraiment d'efforts pour punir les coupables. La situation est dénoncée par les ONG qu'on connaît et par Amnistie Internationale. Le gouvernement est aussi coupable que les factions belligérantes. C'est une histoire de terres qu'on enlève aux femmes, et cela depuis fort longtemps.
Cela étant dit, l'ACDI, qui donne des millions, a quand même un plan. L'ACDI donne des sous à des pays qui font preuve de bonne gouvernance. Une Canadienne est incarcérée en ce moment. Il s'agit d'Ingrid Betancourt. Premièrement, je veux savoir ce que le Canada a fait pour aider Mme Betancourt et sa famille, qui sont des résidents de ma circonscription, soit dit en passant.
D'autre part, étant donné qu'on peut prouver que la Colombie ne fait pas preuve de bonne gouvernance, comment se fait-il que l'ACDI lui donne autant de millions de dollars?
M. Jean-Marc Duval: Je vais essayer de répondre à une partie de votre question et demander ensuite à mon collègue de poursuivre.
En ce qui a trait à l'impunité, lisons ce qui est écrit à la dernière phrase du paragraphe 9 de la Déclaration de Cartagena. Il est écrit ceci:
Ils ont pris note des récents changements apportés au système judiciaire en vue de renforcer la justiceet la lutte contre I'impunité. |
Depuis le premier janvier, le gouvernement colombien a modifié son système judiciaire, pas dans tout le pays, mais dans certains départements seulement. Il est trop tôt pour porter quelque jugement que ce soit sur l'efficacité de ces nouveaux changements. On ne peut qu'espérer qu'on réglera ce problème d'impunité, qui existe vraiment, il ne faut pas le nier. Il y a eu un changement légal et on essaie de travailler avec le gouvernement pour améliorer la situation.
Regardons aussi le paragraphe 15. Un des succès des réunions de Londres et de Cartagena de Indias a été d'identifier six blocsthématiques pour mieux coordonner la coopération internationale au niveau de la Colombie. Un de ces blocs thématiques est le renforcement de l'état de droit et des droits de l'homme. Nous espérons qu'en travaillant avec la Colombie dans ces six domaines clés identifiés par le gouvernement et la société civile, nous pourrons l'aider à améliorer cette culture de l'état de droit et du respect des droits de la personne.
J'aimerais parler d'un dernier point au paragraphe 10. Il y est écrit ceci:
...la nécessité d'intensifier les mesuresexistantes de protection pour garantir aux syndicalistes, aux journalistes, aux défenseurs des droitsde I'homme et aux dirigeants de la société civile le droit à la vie et à la liberté d'expression... |
Je peux vous dire que ceci a été ajouté un vendredi après notre rencontre avec une des ONG les plus importantes de la Colombie, Alianza, dont certains des membres avaient été menacés. Certains de leurs projets à l'extérieur de Bogota avaient aussi fait l'objet de menaces, et on nous avait demandé si on pouvait, en négociant, essayer d'insérer une référence à ce droit. On l'a mise au début du paragraphe 10, pour le gouvernement et, pour les groupes illégaux, à la fin du paragraphe 10.
Le président: Monsieur Rishchynski, voulez-vous ajouter quelques mots?
M. Guillermo Rishchynski: Oui, monsieur le président, j'aimerais ajouter quelques mots au sujet de l'impunité. Pourquoi l'impunité existe-t-elle en Colombie? Ce n'est pas tellement à cause du manque de compromis dans la loi écrite du pays. C'est plutôt une question d'intimidation qui existe dans un contexte où il y a de la violence presque partout, et ce, depuis plus de 50 ans.
Il n'y a aucune présence de l'État dans plusieurs endroits au pays. L'État est simplement absent. Les citoyens n'ont pas la possibilité d'obtenir la protection de l'État parce que l'État est totalement absent. Dans un tel contexte, l'impunité existe comme conséquence de la faiblesse institutionnelle. Il y a donc intimidation lorsque les gens cherchent la justice et que le système n'est pas capable de répondre ou de protéger ces personnes.
Pourquoi l'ACDI est-elle toujours présente dans ce contexte où la gouvernance est très faible? Je vous dirais que nous sommes là parce qu'il y a des victimes chez les autochtones, les femmes, les déplacés. Le problème atteint de tels niveaux que nous croyons avoir la responsabilité, comme pays bailleur de fonds, d'axer la programmation canadienne sur ces victimes, pour essayer de faire le mieux possible pour ces gens et leur donner un petit peu d'espoir.
C'est l'apport canadien au pays. On ne peut pas changer le contexte colombien. Seuls les Colombiens peuvent le faire. Cependant, peut-être le Canada peut-il être présent pour améliorer les conditions de vie d'un ou deux Colombiens. De cette façon, nous pourrions construire une masse critique au coeur de la société civile, au coeur des éléments du gouvernement qui veulent changer les choses au niveau de la loi et de l'impunité. Il faut travailler avec ce secteur pour essayer de faire quelque chose de bon. C'est pour cette raison que nous sommes là.
º (1630)
Le président: Madame, votre temps est bel et bien écoulé.
[Traduction]
Monsieur Broadbent, vous avez la parole.
L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'ai été heureux d'apprendre que le gouvernement du Canada, par l'entremise de l'ACDI et d'autres secteurs du service extérieur, appuie les organisations de la société civile, que ce soit les groupes de femmes, les indigènes ou les groupes défendant les droits des enfants. Je vous en félicite.
Toutefois, il reste une lacune importante mais avant d'y arriver et de vous interroger à ce sujet, j'aimerais utiliser une partie du temps qui m'est alloué—vous m'interromprez si le temps me manque et j'y reviendrai pendant la deuxième série de questions—pour faire des remarques sur ceci. Dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont la première version a été rédigée par un Canadien, l'un des droits primordiaux est le droit de former un syndicat indépendant. L'un des principaux droits figurant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui a été adopté un peu plus tard, est le droit de former un syndicat indépendant—ces deux textes parlent tous les deux des droits politiques et civils, économiques, sociaux et culturels, ainsi que du droit de se syndiquer. C'est le seul droit reconnu par le système d'après-guerre qu'on retrouve dans tous les grands documents de l'ONU. Je trouve donc préoccupant qu'on ne discute pas du droit de se syndiquer ou de l'existence de syndicats indépendants en Colombie et qu'on n'en fasse même pas mention dans les documents.
C'est en regardant des émissions commémoratives sur l'holocauste et ce qui s'est passé dans les camps de concentration que, comme bien des Canadiens, j'y ai pensé. On a mis l'accent sur les souffrances de la communauté juive, à juste titre. Toutefois, on a souvent omis de mentionner qu'outre les Juifs internés dans ces camps de concentration, on trouvait aussi des syndicalistes, des sociaux-démocrates et des socialistes.
À mon avis, ce n'est pas par hasard que ces trois instruments de l'ONU, organisation qui a vu le jour tout de suite après la guerre, considèrent comme crucial le droit de se syndiquer car les sociologues ont constaté que la présence de mouvements syndicalistes indépendants est un élément essentiel dans l'évolution et le progrès des sociétés démocratiques. D'ailleurs, un éminent expert des droits de la personne des États-Unis a récemment affirmé que ce droit est le précurseur de tous les autres, que sans le droit de s'associer, les autres droits ne peuvent exister.
Je trouve préoccupant que, par exemple, lors de la séance d'information des ONG qui s'est tenue en mars dernier avant la Conférence de Genève, on n'ait fait nulle mention de la situation des travailleurs en Colombie, ni dans les documents qui nous ont été remis aujourd'hui.
J'ai en main le plus récent rapport de la Confédération internationale des syndicats libres et que dit ce rapport? On y dit que la Colombie est l'endroit au monde où le plus de syndicalistes se sont faits assassiner. L'an dernier, 90 syndicalistes ont été assassinés en Colombie pour avoir fait ce qu'ils s'estiment moralement tenus de faire, à savoir organiser des syndicats indépendants. Deux cent quatre-vingt-quinze autres ont fait l'objet de menaces de mort. On me dit que 95 p. 100 de ces meurtres sont restés impunis. On croit généralement qu'ils sont l'oeuvre d'organisations paramilitaires qui commettent ces meurtres brutaux et vicieux avec l'appui tacite de l'État, du gouvernement de la Colombie.
Voici ma question : compte tenu de l'importance du droit de se syndiquer dans l'évolution d'une société démocratique, pourquoi, quand vous avez rédigé ces documents sur les droits de la personne en Colombie, n'avez-vous pas fait allusion au fait que, de tous les pays du monde, c'est en Colombie qu'on assassine le plus de syndicalistes?
Nous avons des représentants de l'OIT. Pour préparer cette documentation pour la séance d'information à l'intention des ONG, en mars, pourquoi n'avez-vous pas consulté l'OIT et ne leur avez-vous pas demandé le rapport sur la situation en Colombie?
Je serai heureux d'entendre votre réponse.
º (1635)
M. Jean-Marc Duval: Merci, monsieur Broadbent.
Cela va très mal pour les syndicats en Colombie. Je ne prétendrai pas le contraire. Mes chiffres ne sont pas les mêmes que les vôtres, mais peu importe : la situation est très grave.
La déclaration de Cartagena traite des syndicalistes. Je n'en ai pas fait mention dans mon énoncé général sur les droits de la personne, mais on traite des syndicats au paragraphe 10 auquel j'ai fait allusion un peu plus tôt.
En Colombie, environ 800 000 personnes font partie d'environ 2 300 syndicats. Certains chefs de ces syndicats bénéficient—si j'ose dire—de la protection du ministère de l'Intérieur. Il y a néanmoins un grand nombre de décès chaque année. Je peux vous donner les chiffres que j'ai.
Selon la Escuela Nacional Sindical, l'école nationale des syndicalistes, 60 syndicalistes ont été assassinés entre janvier et novembre; selon le gouvernement, ce chiffre est de 37. Encore une fois, peu importe qu'il y ait eu 37, 60 ou 90 meurtres; le rapport que vous avez, monsieur Broadbent, parle de 90 meurtres, 295 menaces de mort et d'un taux d'impunité de 95 p. 100—c'est très grave.
Je peux vous assurer que nous tentons de régler la question de l'impunité, que nous répétons chaque fois que nous le pouvons au gouvernement que cette impunité est inacceptable. L'an dernier, le vice-président a convoqué le ministre des Affaires étrangères à une réunion deux ou trois semaines avant l'assemblée générale de l'OIT à Genève. Vous vous souvenez peut-être que c'était à l'époque de la grève à Ecopetrol et le climat en Colombie, surtout dans la capitale, était très tendu.
Nous avons vite abordé la question de l'impunité. On reconnaît que c'est l'un des problèmes les plus graves que le pays doit régler en collaboration avec les syndicalistes, les enseignants, etc.
L'hon. Ed Broadbent: Puis-je vous interrompre pour vous poser une question à ce sujet?
Il faut régler la question de l'impunité, mais, comme vous l'avez dit, la situation est intenable. J'aurais bien aimé que vous le souligniez dans vos remarques liminaires.
Je reviens à ma préoccupation de nature générale sur la démocratie. Je suis préoccupé, bien sûr, par ceux qui ont été assassinés en Colombie, mais c'est aussi très important pour la création d'institutions démocratiques. La plupart d'entre nous ne savent pas que la ville de Berlin, par exemple, n'a jamais voté pour Hitler pendant son règne. Je le répète, dans les années 30, quand Hitler faisait des progrès dans toute l'Allemagne, il n'a jamais réussi à gagner Berlin à sa cause, notamment parce qu'on trouvait à Berlin un mouvement syndical démocratique très fort. Toutes les études qui ont été menées dans le monde, y compris dans les démocraties industrielles bien établies, montrent une forte corrélation entre la reconnaissance et l'appui des droits des travailleurs qui tentent d'instaurer la démocratie en milieu de travail...
Je terminerai en disant simplement que les programmes de l'ACDI devraient se concentrer davantage sur un droit de la personne très important, la création de syndicats indépendants au sein de la société civile. Puisque nous parlons de la situation de la Colombie et compte tenu du fait que c'est le pays où le plus de syndicalistes ont été assassinés, moi, en tout cas, j'aurais bien aimé en entendre parler davantage.
M. Guillermo Rishchynski: Monsieur Broadbent, si vous permettez, je dirai simplement que le gouvernement du Canada est très conscient de cet état de fait. D'ailleurs, le programme des réfugiés administré par Citoyenneté et Immigration Canada permet aux syndicalistes de présenter une demande d'asile. Bien des syndicalistes colombiens ont trouvé refuge au Canada et il nous faudra peut-être en accueillir davantage. Nous tentons donc de faire tout ce que nous pouvons.
Votre remarque sur les programmes de l'ACDI est pertinente. Nous tentons de prendre des mesures dans le cadre des initiatives de justice communautaire, par exemple, des projets comme celui de l'école nationale de justice communautaire qui nous permettent de travailler sur le terrain, d'amener les gens à comprendre que le droit de se joindre à un syndicat est un droit inaliénable de tout citoyen.
Nous pourrions faire davantage, et nous ferons des efforts en ce sens et ferons rapport à votre comité à une date ultérieure.
º (1640)
Le président: Si nous avons le temps, nous reviendrons à ce sujet.
Aimeriez-vous ajouter quelque chose, très brièvement, monsieur Duval?
M. Jean-Marc Duval: Oui, j'aimerais ajouter une chose très rapidement.
Vous savez sans doute, monsieur Broadbent, que pendant la grève à Ecopetrol l'an dernier, on a demandé à certains employés de ne pas se présenter au travail. La semaine dernière, le tribunal a rendu une décision ordonnant à Ecopetrol de réengager ces employés qui sont aussi membres du syndicat.
Le président: Monsieur Bains.
M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.): Merci.
Je vous remercie beaucoup d'être venus aujourd'hui.
J'aimerais en savoir plus sur les programmes que vous avez décrits dans votre exposé, monsieur Rishchynski, plus précisément au paragraphe 17a), un projet qui vise à trouver des solutions durables pour les personnes déplacées. Cette initiative a été lancée en 2002?
M. Guillermo Rishchynski: Elle a été lancée vers 2001 mais elle n'a commencé à donner des résultats qu'en 2002.
M. Navdeep Bains: C'est donc un programme quinquennal. Il est encore prévu qu'il se termine après cinq ans?
M. Guillermo Rishchynski: Oui, monsieur.
M. Navdeep Bains: Quelles solutions a-t-on proposées?
M. Guillermo Rishchynski: C'est dans le secteur nord-est du pays, près de la frontière vénézuélienne. Ce sont des gens qui ont été déplacés de leur foyer et de leur secteur traditionnel d'activité. Il est presque impossible pour ces populations de songer à retourner à cet état de choses parce qu'on ne peut tout simplement pas assurer la sécurité dans les régions d'où ils viennent. Comme ils sont déplacés et sans le moindre moyen de subsistance économique, ce programme s'emploie à trouver avec eux des moyens de gagner leur vie, et ils reçoivent le genre de formation axée sur les compétences qui est nécessaire. Nous voulons nous assurer que, dans les régions où ils sont maintenant rassemblés, normalement autour de la ville de Cúcuta ou à Pamplona, près de la frontière vénézuélienne, on leur donne des moyens de prendre part à des activités économiques légitimes de telle sorte qu'ils assurent eux-mêmes leur viabilité et ne soient pas forcés, comme c'est souvent le cas en Colombie, d'assurer leur survie économique en recourant à des moyens illégaux, par exemple, en devenant membres d'un groupe armé illégal ou en prenant part à la culture de la drogue. C'est ce que nous entendons par des solutions durables.
M. Navdeep Bains: Qui sont les autres intervenants? Est-ce que d'autres pays prennent part à ce programme?
M. Guillermo Rishchynski: Absolument. Le projet Counselling Service de Scandinavie est un partenaire important. Inter Pares est la principale ONG canadienne dans ce programme. En fait, ce que nous envisageons de créer, c'est un consortium international où la Scandinavie et le Canada travailleraient avec ces groupes dans le but d'établir des programmes qui assureraient leur viabilité économique et atténueraient la menace qui pèse sur ces gens et les personnes à leur charge.
M. Navdeep Bains: À peu près combien de Canadiens prennent part à ce programme? Avez-vous une idée?
M. Guillermo Rishchynski: Vous voulez dire le nombre de Colombiens ou de Canadiens?
M. Navdeep Bains: Les deux, mais ma question porte davantage sur les Canadiens.
M. Guillermo Rishchynski: La plupart de ceux qui s'occupent directement des familles déplacées sur le territoire sont en fait des Colombiens qui sont engagés par les animateurs du programme. Bon nombre d'entre eux connaissent le secteur. Évidemment, ils parlent la langue du pays, ce qui est essentiel pour traiter avec des familles qui proviennent essentiellement de régions rurales. Ce sont des gens qui ont été actifs dans le secteur agricole, et non des citadins, et ils ont été forcés de quitter leur campagne pour s'installer en ville.
Les ONG canadiennes et scandinaves sont toujours sur place pour surveiller les activités. En fait, une des bonnes choses que nous avons faites a été l'établissement d'un lien avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, qui est présent du côté vénézuélien de la frontière et aide les nombreuses familles qui ont fui vers cette région.
M. Navdeep Bains: Le programme va-t-il se poursuivre au-delà de ses cinq ans ou sera-t-il supprimé? Qu'est-ce qui va se passer?
M. Guillermo Rishchynski: Je pense que beaucoup dépendra des conditions de sécurité sur place. Si la situation dans cette région du pays est telle que les gens peuvent retourner dans leurs fermes et dans leurs maisons qu'ils ont dû fuir à cause d'actes de violence, nous allons alors modifier le programme en conséquence. Il est impossible de vous dire aujourd'hui ce qui va arriver en 2007, donc nous demeurons engagés. S'il devient nécessaire de poursuivre le programme ou peut-être de porter notre attention sur une autre région de la Colombie où le problème des personnes déplacées a fait son apparition, nous le ferons.
La bonne nouvelle, c'est que le nombre de personnes déplacées au pays a baissé au cours de l'année dernière.
M. Navdeep Bains: Je crois que vous avez dit qu'ils étaient trois millions.
M. Guillermo Rishchynski: Oui, entre deux et trois millions. Le nombre de nouveaux cas de déplacement a été plus faible cette année que dans les années précédentes, mais il s'agit encore de plus de 100 000 personnes par année.
º (1645)
M. Navdeep Bains: Est-ce la première année que l'on note une baisse?
M. Guillermo Rishchynski: Oui, pour la première fois depuis très longtemps. La tendance va-t-elle se maintenir? Que le nombre de personnes déplacées diminue ne suffit pas, il faut qu'elles aient suffisamment confiance pour rentrer chez elles. Elles ne l'auront que si on garantit leur sécurité et que, une fois rentrées, elles ne subiront pas les mêmes formes de violence et d'intimidation que par le passé. Il faut donc absolument une amélioration de la sécurité générale si l'on veut régler pour de bon la situation des personnes déplacées.
Deux ou trois millions de personnes déplacées, cela signifie qu'elles sont parties il y a 10 ans ou plus. Aujourd'hui, les gens continuent de partir chaque fois qu'il y a une éruption de violence dans telle ou telle partie du pays. Le problème existe donc toujours. Les services sociaux qui leur sont offerts comme la santé et l'éducation sont précaires parce que personne ne veut s'occuper d'eux.
M. Navdeep Bains: S'agit-il surtout de paysans? Est-ce surtout cette catégorie qui est touchée?
M. Guillermo Rishchynski: Les déplacés récents viennent surtout des régions rurales à cause de ceux qui essaient de s'approprier les terres pour produire de la drogue.
M. Navdeep Bains: À quelles activités s'occupent-ils? Comme agriculteurs, comment font-ils pour réintégrer la société?
M. Guillermo Rishchynski: Certains d'entre eux connaissent la mécanique et peuvent travailler sur des moteurs, par exemple. De nos jours, pour être agriculteur en Colombie, il faut des connaissances au moins rudimentaires de la machinerie agricole. S'ils pouvaient suivre des cours de perfectionnement, ils pourraient peut-être travailler dans l'industrie légère, mais cela dépend souvent de leur degré d'instruction. En Colombie, le taux d'alphabétisation, supérieur à 85 p. 100, est raisonnable; ils ont donc un minimum d'instruction.
Le gros problème du paysan pauvre colombien, c'est qu'il est placé devant l'alternative du départ ou du travail forcé pour les producteurs de drogue. Pour beaucoup, la seule solution est de s'enfuir. Rendus à la ville, ils s'aperçoivent rapidement qu'ils ne peuvent pas voir de médecin, envoyer leurs enfants à l'école; ils se trouvent donc forcés d'entrer à nouveau dans l'illégalité pour survivre. Cela devient un cercle vicieux. C'est ce cercle que nous essayons de briser dans une région bien précise de la Colombie, que nous avons pris soin de choisir en raison du fait que l'État offre peu de services. Malheureusement, comme je l'ai dit en réponse à une question tout à l'heure, l'État brille plutôt par son absence.
M. Navdeep Bains: Peut-on espérer que ce projet pilote fera des petits dans d'autres régions? En avez-vous repéré d'autres?
M. Guillermo Rishchynski: Cela pourrait se faire, mais beaucoup d'autres donateurs travaillent dans d'autres régions du pays. Par exemple, l'Union européenne a retenu le Magdalena Medio. La vallée du Magdalena est la région où elle concentre son activité auprès des populations déplacées. Les Britanniques oeuvrent ailleurs au pays. Nous travaillons très fort pour qu'ils se coordonnent et évitent le double emploi, qu'ils ne se marchent pas sur les pieds dans la même région du pays. Comme nous avons choisi de nous associer avec les Scandinaves, les autres donateurs ont pu se concentrer ailleurs, que ce soit la côte de l'Atlantique ou du Pacifique ou les vallées de l'intérieur où l'on cultive le café; c'est ainsi que l'on peut le mieux mobiliser les moyens de la communauté internationale en faveur du HCNUR, qui est actif en Colombie et apporte son aide aux familles.
Le drame pour un déplacé colombien, c'est que la Croix-Rouge et les secours locaux ne l'aideront lui et sa famille que pendant trois ou quatre mois, après quoi les vivres leur sont coupés. Qu'arrive-t-il à ces gens? Ils sont livrés à eux-mêmes. C'est à ce moment que nous essayons de prendre le relais auprès des familles déplacées de longue date pour les aider à survivre.
Le président: Monsieur Goldring, prochain tour.
M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président.
Monsieur l'ambassadeur, dans le feuillet d'information, je lis ceci :
Les droits des Autochtones se classent parmi les plus progressistes au monde. Le gouvernement colombien n'a toutefois pas respecté un grand nombre de ses obligations et, de ce fait, les Autochtones figurent parmi les principales victimes du conflit et les groupes les plus marginalisés de la société. |
C'est un thème qui revient partout : les droits existent. M. Broadbent a parlé des difficultés des syndicats sous forme d'assassinats et d'actes criminels. En principe, les syndicats et le reste de la société civile ont des droits mais le problème, c'est l'État. Si le pouvoir nie l'existence d'un conflit, il est peut-être à l'origine du problème. Peut-être vaudrait-il mieux que notre aide soit dirigée en faveur d'une réforme du régime électoral et de la gouvernance.
Quel est le pourcentage actuel de l'aide qui est affectée à ces secteurs? Après 25 ans d'aide dans le pays et 40 ou 50 ans après avoir reconnu l'existence des difficultés, faut-il croire que le gouvernement en est la cause? Peut-être vaudrait-il mieux s'employer à réformer le régime électoral et à instaurer une bonne gouvernance.
º (1650)
M. Jean-Marc Duval: Merci.
La situation des Autochtones est grave. En réponse à la première partie de votre question, ils représentent entre 2 et 3 p. 100 de la population. Si mon souvenir est bon, ils occupent à peu près 30 p. 100 du territoire. La Constitution leur accorde deux sièges de sénateur—je pense qu'ils en ont deux. La Constitution leur accorde certaines garanties. C'est la bonne nouvelle.
La mauvaise nouvelle, c'est qu'ils ont énormément souffert cette année à cause de divers éléments. Certains de leurs chefs ont été enlevés. Les populations autochtones ont organisé une protestation et défilé partout dans le pays; ils ont obtenu la libération de certains de leurs chefs. D'autres n'ont pas eu cette chance. Vous trouverez certains d'entre eux autour de la Sierra Nevada, près de la mer des Caraïbes. C'est une montagne d'environ 5 000 mètres. À cause des mouvements des paramilitaires dans la vallée, les Autochtones ont dû se réfugier de plus en plus haut, abandonnant derrière eux des centres religieux et culturels importants.
C'est un problème pour le gouvernement. Par sa politique de sécurité démocratique, le gouvernement essaie d'étendre son dispositif sécuritaire dans la plupart des régions du pays. C'est encore difficile. Nous avons entendu qu'il avait établi une présence sécuritaire dans 158 villes en 2004. C'est trop peu et le gouvernement le sait. Nous ne cessons de lui dire que c'est bien d'avoir un dispositif sécuritaire en place mais il faut aussi que l'État soit présent par ses services d'éducation, de santé et de formation pour s'assurer que la population puisse compter non seulement sur un agent ou un poste de police ou une caserne de militaires mais aussi sur les autres services que fournit l'État.
En décembre 2002, quand des étrangers ont été enlevés dans la Sierra Nevada puis relâchés avant Noël, diverses organisations, dont l'Église, ont publié un rapport. Une de ses recommandations les plus vigoureuses était que le dispositif de sécurité du gouvernement était une réussite mais qu'il devait fournir le reste des services à tous les Colombiens.
M. Peter Goldring: Que faisons-nous pour encourager cela dans le cadre d'une réforme électorale du pays? Le gouvernement est-il ouvert à l'idée de travailler avec eux?
Il y a eu des problèmes à Haïti, par exemple, où les difficultés sont énormes et où le gouvernement ici a nommé un député pour attirer l'attention sur la situation.
Ma question est double, j'imagine. En faisons-nous assez pour contribuer à l'avancement électoral du pays? Y aurait-il lieu de nommer un parlementaire pour attirer l'attention sur la question et se pencher sur le problème de façon plus régulière?
M. Guillermo Rishchynski: Monsieur Goldring, la législation colombienne est sans doute aussi volumineuse, approfondie et avancée que la nôtre mais le problème, c'est son application. C'est une société où la violence règne depuis 50 ans, au point où quand une difficulté surgit, c'est le premier plutôt que le dernier recours. Dans certaines parties du pays, le taux d'homicides est 100 fois celui du Canada, fléau exacerbé par le fait que les armes circulent librement. Le résultat, c'est que la société dans son ensemble recourt à la violence à un degré renversant pour un Canadien qui vit là-bas dans une ville de la taille de Toronto où le taux de meurtres dépasse largement ce qui est compréhensible pour nous.
Le problème, c'est qu'en l'absence de consensus national en Colombie sur la nécessité de changer la façon de faire... La réforme constitutionnelle de 1991 a abouti à un texte de plus de 250 articles. Ce texte est resté lettre morte et ne parvient pas à protéger les droits des vagues de violence qui déferlent sur le pays. Ajoutez à cela le fait que l'argent des narco-trafiquants fait en sorte que les malfaiteurs sont mieux armés que les autorités, si bien que la situation devient un cercle vicieux.
Cela étant, nous avons choisi de concentrer notre attention, et le petit montant de notre aide, sur les victimes en nous disant que c'est auprès des plus vulnérables, ceux que l'État néglige, que nos valeurs de Canadiens sont les mieux exprimées. Nous faisons donc ce que nous pouvons.
Le comité s'est rendu en Colombie en 2001. Il a tenu de nombreuses consultations, entendu des témoins dans le pays et à l'ambassade pour essayer de comprendre la culture de la violence qui domine cette société. L'an dernier, Dieu soit loué, le nombre d'actes de violence a baissé mais le taux d'homicides reste tout à fait inacceptable.
º (1655)
Le président: Monsieur Goldring, votre temps de parole a été amputé la dernière fois; allez-y, mais soyez bref.
M. Peter Goldring: La communauté internationale est-elle prête à travailler vigoureusement en faveur d'une bonne gouvernance si le Canada n'est pas du nombre? Quels moyens mettent-ils à disposition et font-ils des progrès?
M. Guillermo Rishchynski: Absolument. Nous et les autres pays donateurs travaillons en étroite collaboration, par exemple, avec le bureau de l'ombudsman pour les droits de la personne, qui est un organe de l'État. Nous travaillons de concert, par exemple, avec le bureau du procureur général de la Colombie sur des dossiers comme les programmes de protection des témoins, afin de garantir que ceux qui se présenteront comme témoins ne seront pas soumis aux actes de violence gratuite auxquels nous assistons. Nous travaillons avec le procureur général afin de veiller à lui assurer le genre d'appui technique et d'aide dont il a besoin pour mener à bien les poursuites afin d'obtenir un jugement où justice sera rendue.
Il faut changer les mentalités pour que la violence soit perçue, non plus comme le premier recours, mais bien comme le dernier recours.
M. Peter Goldring: Merci.
Le président: Madame Bourgeois.
[Français]
Mme Diane Bourgeois: Monsieur Rishchynski, il ne faut pas vous méprendre sur ce que j'ai dit tout à l'heure. Je suis allée dans plusieurs pays, j'ai constaté le travail des gens de l'ACDI, et je trouve qu'ils font un excellent travail. Je ne remets nullement en cause les programmes mis de l'avant, ils sont sûrement très adéquats.
Cependant, la situation de la Colombie est particulière. Ce n'est pas d'hier qu'on sait qu'il s'y passe des choses anormales. On a ouvert les yeux de l'opinion publique au moment où on a parlé de trafic de drogue, bien sûr, mais surtout de trafic d'organes. C'est à ce moment-là qu'ici, au Canada, on a commencé à regarder ce qui s'y passait. On a décrié cette situation.
Aujourd'hui, on décrie un conflit armé interne. On est conscients, autant vous que moi, que l'ambassadeur et que tout le monde ici à ce comité, qu'il y a de la torture, du harcèlement, des mauvais traitements cautionnés par le gouvernement de la Colombie. Tout le monde le sait. En Colombie, il n'y a pas de consensus à l'interne, vous venez de le dire. Il n'y a pas de volonté de changer la situation.
Le Canada donne des services pour aider les personnes déplacées. C'est fort louable, mais j'ai parfois l'impression qu'on tourne en rond. Sur le plan des relations diplomatiques, je ne doute pas que M. Duval, notre ambassadeur, fasse un excellent travail, mais comment, quand on est président du G-24, et qu'on n'a pas été capable en plusieurs années de faire changer la situation en Colombie, peut-on réagir en voyant que le Canada consacre des millions de dollars pour aider la population? On sait qu'il y a un conflit, mais on dirait qu'on n'ose pas trop y mettre les doigts, qu'on ne veut pas vraiment le régler. Ensuite, le Canada donne de l'aide à la Colombie. Ne trouvez-vous pas qu'on perd de l'argent en faisant cela?
» (1700)
Le président: Monsieur Rishchynski, c'est à vous.
M. Guillermo Rishchynski: Madame Bourgeois, j'aimerais simplement vous dire que plusieurs Colombiens veulent que la situation dans le pays change, mais ils ont peur. Ils sont exposés à un niveau de menaces et de violence que, comme Canadiens, nous ne pouvons pas comprendre. Les gens reçoivent des appels téléphoniques de menaces à la maison, les enfants sont menacés et kidnappés. Cette vie est difficile à comprendre pour nous, Canadiens.
En réalité, la majorité des Colombiens veulent changer la situation. Nous travaillons avec ces groupes de la société civile. Il existe des éléments au sein du gouvernement qui veulent changer la situation. C'est là qu'on dirige nos efforts. On ne peut pas dire que tout le monde en Colombie est narcotrafiquant et que tout le monde est mêlé à des choses négatives. La majorité est sortie dans les rues des grandes villes en Colombie pour dire No mas il y a quelques années. Malheureusement, compte tenu de la peur et de l'intimidation, il est difficile pour eux d'agir seuls. Ils recherchent l'appui et l'aide de la communauté internationale. C'est pourquoi nous sommes là.
M. Jean-Marc Duval: J'aimerais ajouter un mot à ce sujet. Le fait d'être président du G-24 ne me confère pas un droit de regard sur les relations extérieures des autres membres du groupe avec la Colombie. Il s'agit d'un rôle de coordination. Il y a un consensus, mais chaque pays maintient ses objectifs de politique étrangère.
Dans ce cadre, le travail que nous avons réussi à faire avec la société civile colombienne, le changement qui s'est opéré en 18 mois, entre les réunions de Londres et de Cartagena de Indias, est incroyable. Le 2 février à Cartagena, il y avait quatre ONG importantes, dont Alianza qui était l'organisateur de cette journée de rencontre de la société civile. Il y avait aussi, évidemment, l'Église, trois représentants du secteur privé, dont ANDAS, qui est la plus grande organisation patronale en Colombie.
Tous ces gens ont travaillé ensemble. Nous avons travaillé avec eux, leur avons demandé de nous présenter une vue d'ensemble de la situation en Colombie et d'émettre un communiqué commun, au lieu de deux ou trois. Ces gens de la société civile, ayant des intérêts si différents, l'ONG la plus importante, le groupe des patrons et l'Église, tout ce monde a réussi à participer à une conférence de quatre heures et à émettre un seul communiqué. Cela a démontré que la société civile peut et veut travailler ensemble.
J'ai rencontré ces participants mercredi dernier pour assurer le suivi, déterminer ce qu'on fera dans les mois à venir, comment on peut travailler, soit pour réaliser des projets liés à chacun des six thèmes, soit pour continuer de tâcher de voir comment on peut mettre en oeuvre les recommandations sur les droits de la personne, avec tout ce monde autour de la table. Je pense que cela n'est pas reflété dans la Déclaration de Cartagena et dans le rapport sur les droits de la personne.
Cependant, pensons au fait qu'aux mois de mai et juin l'an dernier, le président a fait des déclarations plutôt dures à l'endroit des ONG et qu'après, il faut le reconnaître, il a rencontré les ONG. Il existe un dialogue entre la société civile et le gouvernement. Ce n'est pas parfait. Il ne faut pas que ce soit seulement un dialogue, il faut que cela aille plus loin. Je pense que cela démontre qu'on peut avancer et que cela vaut la peine de rester là pour travailler avec les intervenants de la société civile.
[Traduction]
Le président: Ça va.
Monsieur Broadbent.
L'hon. Ed Broadbent: Merci, monsieur le président.
Je voudrais aborder de façon plus précise la question des droits des travailleurs syndiqués en Colombie. J'ai ici le rapport de la CISL, le plus récent qui existe pour la Colombie, qui a été publié vers le milieu de 2004. Je tiens à préciser à l'intention de mes collègues que la source n'est pas donnée. C'est bien sûr le siège social de la CISL à Bruxelles qui a produit le document.
On peut y lire ceci :
Sans la moindre concertation ou dialogue, une réforme de la législation du travail a été imposée, entraînant un temps de travail plus long, des restrictions à la négociation collective et la perte de certains droits acquis. |
Plus loin, on peut lire encore ceci :
Les atteintes à la vie, à la liberté et à l'intégrité des travailleurs syndiqués, qui s'ajoutent d'une part à la fermeture, la restructuration et la fusion d'entreprise ou bien à leur délocalisation vers les zones franches... et d'autre part à la mise en oeuvre de stratégies antisyndicales de la part des employeurs et d'acteurs armés. |
On peut y lire enfin, dans la même description de toutes les violations des droits des travailleurs syndiqués, que la très grande majorité—il s'agissait en fait le plus souvent de meurtres—ont été commises contre les travailleurs syndiqués.
Je voudrais donc revenir à cela et à la description générale que la CISL donne des conséquences des réformes ainsi que du manque de consultation du milieu syndical. Pensez-vous que la conclusion et les résultats auxquels arrive la CISL...? Bien entendu, comme on pouvait s'y attendre, la participation syndicale a chuté de façon assez considérable ces deux ou trois dernières années.
Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de cela?
» (1705)
M. Jean-Marc Duval: Je ne peux pas me prononcer sur vos chiffres, monsieur Broadbent, mais je dirai comme vous que la situation est extrêmement grave. Je suis le premier à le reconnaître, et je crois avoir tenté de le faire comprendre dans la réponse que j'ai faite à votre question initiale.
Certaines des choses dont vous avez fait mention se sont effectivement produites : TELECOM est un exemple, Ecopetrol en est un autre, et EMCALI aussi. Le gouvernement tente de restructurer ces entreprises pour en accroître la rentabilité. Les moyens qu'il prend pour y arriver... notre capacité à intervenir est quand même limitée. Nous pouvons intervenir directement au moyen d'instruments comme la Déclaration de Cartagena, dans laquelle nous demandons au gouvernement de respecter le droit à la vie et la liberté d'expression des gens, y compris des dirigeants syndicaux. Ils sont mentionnés. Si nous parlons des dirigeants syndicaux en particulier, c'est parce que nous sommes conscients de la situation. Nous pouvons travailler avec eux pour renforcer leur système judiciaire afin d'obtenir enfin que ceux qui menacent ces personnes, qui les tuent, ne puissent pas s'en tirer impunément mais qu'ils soient plutôt incarcérés, comme il se doit. Voilà ce que nous tentons de faire, de manière générale, pour améliorer la situation des dirigeants syndicaux.
L'hon. Ed Broadbent: À ce propos, dans le cadre de mon travail au Centre international des droits de la personne et du développement démocratique à Montréal, je me suis rendu dans un certain nombre de nos ambassades en Amérique latine, dont beaucoup faisaient un excellent travail pour ce qui est des dossiers touchant les droits de la personne. Lorsque survenait, par exemple, un cas de violation des droits des femmes ou des droits des peuples autochtones, bien souvent, l'ambassade du Canada protestait officiellement.
Je me demande si—et même si je ne suis pas au courant moi-même de la situation en tant que telle—je tiens ces informations d'une source que je considère comme crédible—, quand cette source conclut à l'annulation des droits déjà acquis par les travailleurs, l'ambassade du Canada interviendrait auprès du gouvernement pour dire : nous ne trouvons pas acceptable que les droits des femmes ni les droits des peuples autochtones soient violés, et nous considérons qu'il n'est pas acceptable non plus que les droits des travailleurs le soient.
M. Jean-Marc Duval: La réponse à cette question est oui. Je vous donne un exemple.
J'ai rencontré à deux reprises le chef du syndicat de TELECOM. Il est même venu ici au Canada il y a un an, je crois. Alors, à deux reprises, j'ai passé une heure avec lui à discuter de la situation du syndicat de TELECOM en Colombie. Voilà le genre d'intérêt moral, d'appui moral, que nous sommes prêts à accorder à quelqu'un comme lui et aux membres de son syndicat qui se trouvent dans une situation très difficile.
L'hon. Ed Broadbent: Mais iriez-vous faire part au gouvernement de vos inquiétudes relativement à ce que cette personne vous aurait dit?
M. Jean-Marc Duval: Je peux vous dire que, à cette réunion dont j'ai parlé, qui a eu lieu il y a de cela un certain temps, un an environ, avant l'assemblée générale de l'OIT à Genève, quand le vice-président a convoqué une réunion, nous étions six à y participer, six ambassadeurs, et nous avons passé une heure à discuter de la situation relative à Ecopetrol de même que des problèmes qu'a le gouvernement relativement à l'impunité. Nous avons fait cela, et nous continuons à le faire.
L'hon. Ed Broadbent: J'ai une dernière question.
Pouvez-vous nous dire, dans la perspective plus générale des programmes de l'ACDI en Amérique latine, combien de programmes et combien d'argent nous voulons consacrer à des mesures pour favoriser l'avancement, disons, des droits syndicaux?
» (1710)
M. Guillermo Rishchynski: Nous jouons dans une certaine mesure un rôle actif dans certains pays des Andes pour ce qui est d'appuyer les activités syndicales. Mais je dois vous dire, en toute franchise, monsieur Broadbent, que nous nous sommes surtout employés jusqu'à maintenant à appuyer les bureaux des ombudsmans, notamment des ombudsmans pour les droits de la personne, dans toute cette région. C'est ce que nous faisons en Bolivie de même qu'au Pérou et en Colombie. Nous avons aussi travaillé un peu avec une entité semblable au Brésil.
Nous préférons travailler avec les bureaux d'ombudsman, qui constituent un mécanisme par lequel il est possible d'exercer des recours dans des cas particuliers; si nous ne réussissons pas ainsi à obtenir gain de cause, nous pouvons intervenir auprès du ministère du Travail du pays en question, comme l'a déjà fait l'ambassadeur actuellement en poste en Colombie, tout comme son prédécesseur.
Mais pour revenir à ce que vous disiez tout à l'heure au sujet d'éléments en particulier de la programmation de l'ACDI qui pourraient être mieux orientés de manière à appuyer le travail des syndicats, il s'agit certainement là d'une question que nous allons examiner, et nous espérons pouvoir revenir devant le comité à un moment donné pour faire état des progrès accomplis.
L'hon. Ed Broadbent: Merci beaucoup.
Le président: Nous passons maintenant à Mme Torsney.
Monsieur Broadbent, c'est bien votre document sur la Colombie que j'ai ici?
L'hon. Ed Broadbent: Ce n'est pas le mien. On me l'a remis, et je l'ai fait circuler.
Le président: Pouvons-nous l'inclure dans notre compte rendu?
L'hon. Ed Broadbent: J'aimerais bien qu'on puisse l'inclure; je l'ai d'ailleurs cité.
Le président: Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de le parcourir, mais la situation ne serait guère différente en 2004 de ce qu'elle était, disons, en 2003, n'est-ce pas?
M. Jean-Marc Duval: Elle se serait peut-être améliorée, mais la prudence est de mise lorsqu'on examine les chiffres concernant la situation en Colombie. Comme je l'ai déjà indiqué, d'après une source, le nombre de dirigeants syndicaux qui ont été tués a augmenté; d'après une autre source, le nombre a baissé. L'important, à mon avis, ce ne sont pas les chiffres comme tels, mais bien de savoir si la situation s'améliore. Je crois qu'elle sera sans doute meilleure cette année. Il y a eu moins d'homicides et moins d'enlèvements. Par contre, il convient de préciser ce qu'on entend par moins. Je peux vous le dire. Il y a trois ans, il y avait eu environ 3 000 homicides. Cette année, il n'y en a eu que 1 000. Il s'agit donc d'une amélioration énorme. Tout le monde, y compris le président, saura reconnaître que des progrès ont été accomplis, mais il nous reste encore pas mal de chemin à faire.
L'hon. Ed Broadbent: Monsieur le président, je tiens à préciser à l'intention du greffier qu'il s'agit du rapport annuel. Voilà le titre du document. Il s'agit du rapport annuel sur les droits syndicaux dans le monde qui a été réalisé par la CISL et qui a été publié à Bruxelles en 2004.
L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, quand M. Broadbent a indiqué que la participation syndicale avait baissé, je me suis demandé... car j'imagine qu'il s'agit de quelque chose d'assez risqué. Je voudrais simplement qu'on me confirme que cela exige beaucoup de courage.
Cela intéresserait peut-être les députés ici présents de savoir qu'il y a aussi des députés du Parlement colombien qui ont été victimes d'enlèvements et de je ne sais quoi encore. Il y en a au moins un qui avait cherché refuge à Montréal pendant un certain temps et qui est retourné dans son pays pour poursuivre son travail, ce qui me paraît incroyablement courageux. À un moment donné, quelqu'un a dit que la situation ne semblait guère changer, mais il semble qu'il y a un certain nombre de personnes qui déploient des efforts incroyables pour tenter de faire la différence et de créer le type de société dans laquelle tous veulent vivre.
Quand vous nous avez dit, monsieur Rishchynski, qu'il y a un enfant qui est kidnappé toutes les 37 heures, j'ai regardé autour de la salle et je me suis demandé si nous pourrions nous imaginer vivre dans un pays comme celui-là. Il a été question ici aujourd'hui—il en a également été question quand nous avons parlé du Zimbabwe et il en a été question à la Chambre à quelques reprises—du fait que l'ACDI travaille dans des pays où les conditions de vie nous paraissent absolument répugnantes. Les gouvernements semblent incapables de corriger la situation.
Je voudrais simplement obtenir des éclaircissements. Nous parlons bien sûr au gouvernement de la Colombie de ses priorités. Nous parlons certainement avec les ONG. Nous ne finançons pas le gouvernement de la Colombie. Nous finançons la société civile de même que les ONG et les personnes qui font la différence, et ce, au moyen de l'aide humanitaire directe et d'une multitude d'initiatives, si bien que cela pourrait peut-être nous servir d'exemples.
M. Guillermo Rishchynski: Nous appuyons en fait certains organes de l'État. Ce sont ceux dont j'ai parlé tout à l'heure : l'ombudsman pour les droits de la personne, organe d'État qui relève directement du Congrès; le bureau du procureur général, pour ce qui est du système judiciaire et de la rigueur avec laquelle il faut préparer les éléments de preuve et le reste; et le bureau du procureur général, dans le cadre d'une initiative bien précise liée à la protection des témoins. Ce sont donc là des entités de l'État colombien qui reçoivent en fait de l'aide du Canada. Mais la très grande majorité de nos programmes sont assurés par l'entremise d'organisations canadiennes ou d'organisations de la société civile colombienne, ou les deux, l'objectif étant de veiller à ce que l'aide que nous accordons atteigne ceux dont les besoins sont les plus pressants.
» (1715)
L'hon. Paddy Torsney: Je sais qu'il y a eu un mouvement d'envergure pour éliminer les réserves de mines terrestres, ce qui devrait aider quelque peu, mais il semble qu'on se heurte à une prolifération des petites armes. Existe-t-il des initiatives en ce sens dans les Amériques? Il y en a certainement à l'échelle internationale, mais y a-t-il de véritables efforts qui sont déployés au sein de l'OÉA, et plus particulièrement en Amérique du Sud, pour lutter contre la prolifération incroyable des armes, qui contribue au chaos? Si les malfaiteurs sont mieux outillés que les policiers, on ne pourra jamais arriver à quoi que ce soit.
M. Jean-Marc Duval: Je n'ai pas les chiffres en main, mais la semaine dernière, le ministre de la Défense nationale a fait savoir combien d'argent les trois groupes gagnaient avec le trafic de la drogue. C'est plus d'un milliard de dollars par année. Est-ce qu'ils peuvent acheter tout ce qu'ils veulent? La réponse est oui. Peuvent-ils contrôler la frontière? Nous espérons que non, mais ces choses ne sont pas parachutées. C'est donc très... ils ont beaucoup d'argent.
L'État fait des efforts pour contrôler ses frontières, non seulement pour contrer la circulation des armes, des réfugiés et des drogues et de tout le reste—il est aussi en pourparlers avec certains de ses voisins. Il est en pourparlers avec le Pérou, pays avec lequel il a un accord. Il essaie d'en pressentir d'autres, comme le Brésil. Le Venezuela, ces jours-ci, c'est quelque peu différent. L'État essaie de contrôler ses frontières avec l'aide de ses voisins, mais avec les ressources que ces trois groupes armés ont à leur disposition, oui, on a parfois l'impression qu'ils sont mieux équipés que l'armée.
L'hon. Paddy Torsney: Qui leur fournit toutes ces armes? Les gouvernements autorisent-ils l'exportation de toutes ces armes?
M. Jean-Marc Duval: Non. Difficile de savoir quel est le pays d'origine. Certains disent qu'elles proviennent de l'Équateur, ou du Venezuela, qu'elles arrivent par voie maritime ou terrestre. Prenez le cas des précurseurs chimiques dont les trafiquants ont besoin pour produire la drogue; la Colombie n'en produit aucun. Ils sont tous importés. C'est illégal. Mais on continue de les importer.
M. Guillermo Rishchynski: J'ajouterai seulement que si la prolifération des armes se poursuit dans un milieu comme celui-là, c'est à cause du manque total de garanties de sécurité. Tant que les gens vont croire qu'ils s'exposent à être attaqués par mieux armés qu'eux si jamais ils déposent leurs armes ou les rendent, la situation va continuer de s'aggraver.
Il faut créer une culture différente dans un environnement où, malheureusement, la violence a toujours été la solution au problème; d'où cette décision tactique que nous avons prise à l'ACDI de faire porter notre action sur les enfants. Si la prochaine génération en Colombie conserve les attitudes qui ont cours en ce qui concerne la primauté du recours aux armes pour assurer sa viabilité économique et obtenir ce qu'on veut dans la vie, le pays va demeurer prisonnier de ce cycle pendant encore longtemps.
En oeuvrant au niveau communautaire, en oeuvrant auprès des enfants, nous espérons commencer à démontrer qu'il existe d'autres moyens et qu'on n'a pas besoin de prendre les armes pour assurer sa survie économique et personnelle, même si c'est peut-être le cas dans le pays en ce moment.
L'hon. Paddy Torsney: Monsieur Rishchynski, est-ce que l'école nationale de justice communautaire fait partie de cette initiative?
M. Guillermo Rishchynski: Absolument.
L'hon. Paddy Torsney: Enfin, nous semblons avoir l'habitude, lorsque nous concluons ce genre de séance, de demander s'il y a quelque chose qu'on peut demander aux Canadiens de faire ou à nos électeurs, à part le fait de prier beaucoup? Y a-t-il quelque chose qu'ils peuvent faire pour changer les choses? Y a-t-il des initiatives, comme l'achat de café équitable, que l'on peut signaler à ceux qui veulent aider ce pays?
M. Jean-Marc Duval: Les possibilités sont très nombreuses.
Tout d'abord, il faut commencer avec de petits projets. Il y a une école au sud de Montréal—à Greenfield Park—où, l'an dernier, parce que les concierges de l'école sont des Canadiens d'origine colombienne, les enfants se sont concertés et ont conçu de petits objets où il y avait une carte et des paysages du Canada; ils ont réuni 800 $ et ont contacté la femme du président pour lui dire : « Nous avons 800 $. À quelle école pouvons-nous donner cet argent? »
Ce petit projet avec des enfants... Il n'y a aucune limite à ce que l'on peut faire pour aider les gens à aller à l'école, ou, comme l'a dit M. Rishchynski, à les garder hors du cercle vicieux. Vingt cinq pour cent des membres des trois groupes armés sont des enfants, c'est-à-dire qu'ils ont moins de 16 ans. Certains d'entre eux sont probablement nés dans la jungle, et c'est tout ce qu'ils connaissent. Avec eux, c'est une autre histoire, mais pour ceux qui vivent encore dans des « conditions normales », le but consiste à les éloigner de ce genre d'attraction.
La plupart de ces enfants vivent au sein de familles pauvres qui n'ont pas de revenu. Les parents n'ont pas d'argent pour les envoyer à l'école. Quand quelqu'un va les voir et leur offre des centaines de dollars pour qu'ils se joignent à eux, ils se lèvent et ils partent. Lisez le rapport de Human Rights Watch à ce sujet, c'est tout simplement terrible.
Si on aide les enfants, c'est un bon début. Si vous parlez aux gens dans votre circonscription... Il ne s'agit pas d'un million de dollars ici. Bien sûr, on peut lancer un bon projet avec un million de dollars, mais avec les enfants, on peut commencer à faire quelque chose.
» (1720)
M. Guillermo Rishchynski: Pour clore ce chapitre, je rappellerai seulement un commentaire qui a été fait par l'ancien président de la Colombie lorsqu'il a visité le Canada à l'occasion du Sommet des Amériques d'avril 2001 à Québec.
Le président a été interviewé à toutes les émissions du matin au Canada, par exemple, Canada AM et CBC. Il a fait une remarque que je n'ai jamais oublié parce que je crois qu'elle est aussi vraie aujourd'hui qu'elle l'était en 2001. Lorsqu'un journaliste lui a demandé quel message il avait à adresser aux Canadiens à propos du Canada et de la situation dans son pays, la Colombie, il a dit : « Mon message aux Canadiens, et particulièrement aux jeunes Canadiens, c'est de leur dire que lorsqu'ils consomment de la drogue, il y a des gens dans mon pays qui meurent. »
Je pense que c'est un message très fort. Le trafic de la drogue a empoisonné une société qui a pourtant atteint un haut niveau de raffinement intellectuel, c'est une société aux talents énormes. Quand on visite les villes de Colombie, on voit des villes qui ne sont pas éloignées, pour ce qui est de certains éléments de la qualité de la vie, de ce que nous avons dans notre pays. Ce poison, qui a été inoculé dans le tissu même de cette société, doit être extirpé. C'est la consommation de la drogue. Tant qu'il y aura une demande, il y aura quelqu'un pour la satisfaire. Cette activité a maintenant pris racine, c'est la réalité, dans toutes les régions de la Colombie.
Quand les jeunes de notre pays sont attirés par des drogues parce que c'est cool, il y a des gens qui souffrent dans d'autres régions du monde à cause de ça. Je pense que c'est le message que nous devons commencer à propager beaucoup plus.
L'hon. Paddy Torsney: En ma qualité d'ancienne présidente du Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments, j'espère aussi que le gouvernement va continuer de mettre en oeuvre nos recommandations auxquelles souscrivaient tous les partis.
Merci.
Le président: Est-ce quelqu'un d'autre a des questions?
J'étais autrefois procureur chargé des poursuites contre les trafiquants de drogue, j'ai donc une opinion différente à ce sujet, j'imagine. En fait, je sais que nous avons des opinions divergentes à ce sujet, mais...
L'hon. Paddy Torsney: Ça va, vos méthodes ne marchent pas.
Le président: Vous avez dit, Guillermo, que 14 000 enfants sont présentement des combattants, des espions, des exacteurs, des informateurs, des esclaves sexuels, etc. Est-ce qu'il n'y a pas autre chose que le peuple de Colombie, le gouvernement, et les gouvernements des autres pays puissent faire pour abaisser de beaucoup un tel chiffre?
M. Guillermo Rishchynski: La seule chose à faire, c'est de soutenir les programmes de réinsertion. On espère que les enfants vont finir par entrevoir un avenir différent pour eux-mêmes au lieu de simplement prendre les armes. Heureusement, il semble que les taux de désertion sont à la hausse dans certaines régions du pays. Il faut investir les ressources nécessaires pour montrer aux jeunes qui renoncent à ce mode de vie qu'il y a des avantages à quitter cet enfer, pour ainsi dire, et qu'ils peuvent faire quelque chose de différent. Mais tout cela est ultimement lié à l'éducation, aux chances qu'on donne, à la viabilité économique. Avec tout l'argent qu'on gagne à faire ce trafic, comme le disait l'ambassadeur, une vie comme cireur de chaussures n'est pas une alternative très enviable quand on sait tout ce qu'on peut gagner ailleurs.
Nous continuons de travailler avec des organisations comme Aide à l'enfance, comme Plan de parrainage, comme l'UNICEF, parce qu'elles sont aux avant-postes du dialogue et de l'action auprès des enfants, soit pour les empêcher de partir ou pour offrir une activité viable à ceux qui ont quitté les groupes armés illégaux. Il faut simplement poursuivre notre action sur ce plan et espérer que les statistiques vont s'améliorer.
M. Jean-Marc Duval: Si l'on me permet d'ajouter un mot, le gouvernement a pour objectif de créer 1,5 million de nouvelles places dans les écoles. Mais jusqu'à présent, il en a créé 700 000, il est donc à moitié chemin de son objectif de quatre ans. Certaines personnes vont dire que ce n'est pas assez. D'autres vous diront qu'ils n'ont pas encore les enseignants voulus, mais la première chose à faire, c'était de créer ces places, et c'est ce que le gouvernement a fait.
» (1725)
Le président: En notre nom à tous, si vous me le permettez, je remercie. Je crois que vous avez livré un témoignage extraordinaire, et nous avons tous été profondément touchés par ce que vous avez dit.
[Français]
Je vous remercie beaucoup de votre présence.
[Traduction]
La séance est levée.