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SDEV Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 9 février 2005




¹ 1530
V         Le président (l'hon. David Kilgour (Edmonton—Mill Woods—Beaumont, Lib.))
V         Mme Linda Freeman (professeur, science politique, Université Carleton, témoigne à titre personnel)

¹ 1535

¹ 1540
V         Le président
V         M. Alex Neve (secrétaire général, Section anglaise, Amnistie internationale (Canada))
V         Le président
V         M. Alex Neve

¹ 1545

¹ 1550

¹ 1555
V         Le président
V         M. Jim MacKinnon (agent de programme, Afrique du Sud, Oxfam Canada)

º 1600

º 1605
V         Le président
V         M. Steven Benedict (directeur, Section internationale, Congrès du travail du Canada)

º 1610
V         Le président
V         M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC)

º 1615
V         Le président
V         M. Peter Goldring
V         M. Alex Neve
V         Le président
V         Mme Linda Freeman

º 1620
V         Le président
V         M. Jim MacKinnon
V         Le président
V         M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ)
V         M. Steven Benedict
V         M. Roger Clavet
V         M. Steven Benedict

º 1625
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD)
V         Le président
V         M. Jim MacKinnon
V         Le président
V         Mme Linda Freeman
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Mme Linda Freeman
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Mme Linda Freeman
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Mme Linda Freeman
V         L'hon. Ed Broadbent

º 1630
V         M. Jim MacKinnon
V         L'hon. Ed Broadbent
V         M. Jim MacKinnon
V         Le président
V         M. Steven Benedict
V         Le président
V         Mme Linda Freeman
V         Le président
V         M. Alex Neve
V         Le président
V         M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.)
V         Le président
V         M. Alex Neve

º 1635
V         M. Navdeep Bains
V         M. Alex Neve
V         M. Navdeep Bains
V         Mme Linda Freeman
V         Le président
V         M. Jim MacKinnon
V         M. Navdeep Bains
V         M. Jim MacKinnon
V         Le président
V         L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.)

º 1640
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         M. Steven Benedict
V         Le président
V         M. Jim MacKinnon
V         Le président
V         M. Alex Neve
V         Le président

º 1645
V         M. Navdeep Bains
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         M. Georges Whalen (chargé de dossiers du Mozambique, du Zimbabwe et des questions paix et sécurité du plan d'action pour l'Afrique du G8, Direction de l'Afrique orientale et australe, ministère des Affaires étrangères)
V         Le président
V         M. Perry Calderwood (directeur, Direction de l'Afrique orientale et australe, ministère des Affaires étrangères)
V         Le président
V         M. Michel Lemelin (directeur général, Division de l'Afrique de l'Est et Australe, Direction générale de l'Australe de l'Afrique et du Moyen-Orient, Agence canadienne de développement international)
V         Le président
V         M. Perry Calderwood

º 1650
V         Le président
V         M. Perry Calderwood
V         Le président
V         M. Perry Calderwood
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Le président

º 1655
V         M. Perry Calderwood
V         M. Michel Lemelin

» 1700
V         Le président
V         M. Peter Goldring
V         M. Michel Lemelin

» 1705
V         M. Peter Goldring
V         M. Michel Lemelin
V         M. Peter Goldring
V         M. Michel Lemelin
V         M. Peter Goldring
V         M. Michel Lemelin
V         M. Peter Goldring
V         M. Michel Lemelin
V         M. Peter Goldring
V         M. Michel Lemelin
V         M. Sam Landon (chef de l'aide, Haut commisariat du Canada, Harare, Zimbabwe, Agence canadienne de développement international)
V         M. Peter Goldring
V         M. Sam Landon
V         M. Peter Goldring
V         M. Sam Landon
V         M. Peter Goldring

» 1710
V         M. Sam Landon
V         M. Peter Goldring
V         Le président
V         M. Roger Clavet
V         M. Michel Lemelin
V         M. Sam Landon

» 1715
V         M. Roger Clavet
V         M. Perry Calderwood
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         M. Perry Calderwood
V         L'hon. Ed Broadbent
V         M. Georges Whalen

» 1720
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         L'hon. Paddy Torsney
V         M. Michel Lemelin

» 1725
V         L'hon. Paddy Torsney
V         M. Sam Landon
V         Le président
V         M. Perry Calderwood
V         Le président
V         M. Michel Lemelin

» 1730
V         Le président
V         M. Michel Lemelin
V         Le président
V         M. Michel Lemelin
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, PCC)
V         Le président
V         M. Jason Kenney
V         Le président
V         M. Jason Kenney
V         Le président










CANADA

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 008 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 9 février 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1530)  

[Français]

+

    Le président (l'hon. David Kilgour (Edmonton—Mill Woods—Beaumont, Lib.)):

    Madame Freeman, vous avez la parole.

[Traduction]

+-

    Mme Linda Freeman (professeur, science politique, Université Carleton, témoigne à titre personnel): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais d'abord vous parler du contexte dans lequel doit s'inscrire la politique canadienne.

    En préparant mon exposé, un article récent de Michael Holman, un journaliste chevronné, a retenu mon attention : il portait sur la proposition de la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice d'inclure le Zimbabwe dans la liste des postes avancés de la tyrannie, proposition qui a vite été tournée en dérision et qui a découché sur un front commun de la part des pays africains.

    Concernant la politique canadienne au Zimbabwe, le défi, le dilemme, le problème qui se pose est le suivant : il faut élaborer une politique qui va permettre au Canada d'apporter une contribution positive au débat, mais qui ne produira pas le même résultat. Par conséquent, j'aimerais commencer mon exposé en utilisant, comme contexte, l'Afrique et les pays du Sud et en énonçant une réalité qui est incontournable : le gouvernement du président Robert Mugabe, au Zimbabwe, et son programme de réforme agraire, notamment, bénéficient d'un large appui en Afrique australe, sauf au Botswana. Bien que des voix discordantes se fassent entendre dans les autres pays d'Afrique, l'opinion majoritaire et les pays du Sud appuient Mugabe.

    Les dirigeants de pays africains soutiennent qu'ils exercent des pressions sur le Zimbabwe derrière des portes closes, lors de réunions de la SADC et de l'UA où il est question de gouvernance. Or, la preuve de leur efficacité reste mince. Vrai, ils éprouvent de sérieuses inquiétudes au sujet des conséquences plus vastes de la crise zimbabwéenne, surtout sur le plan économique, sauf que ces inquiétudes, jusqu'ici, ne se sont pas traduites par des mesures concrètes. En fait, un seul geste a été posé : l'adoption, cette semaine, d'un rapport vieux de trois ans sur le piète bilan du Zimbabwe en matière de droits de la personne par le conseil exécutif de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, rapport qui fait maintenant partie du compte rendu officiel de l'Union africaine.

    De manière générale, les faits montrent que le président Robert Mugabe a réussi, jusqu'ici, à remporter la lutte contre la propagande et à donner à la crise un autre sens. À son avis, l'élément clef, le seul qui permet de comprendre la situation du Zimbabwe, c'est le refus des forces à l'intérieur et à l'extérieur du Zimbabwe d'accepter la réforme radicale qui a permis de transférer les terres agricoles commerciales qui se trouvaient entre les mains d'agriculteurs blancs, à des agriculteurs africains. Ainsi, d'après le gouvernement zimbabwéen, la question des violations des droits humains, civils et politiques n'est qu'un écran de fumée destiné à camoufler les efforts visant à écarter les dirigeants actuels du Zimbabwe et à ramener les vieux ennemis au pouvoir.

    Le régime Mugabe, au dire de ses partisans, doit être loué pour avoir mené à terme une initiative importante qui fait partie intégrante de la lutte pour la libération. La crise actuelle est donc liée aux luttes anti-colonialistes et ant-impérialistes qui nous rappellent les luttes contre le pouvoir majoritaire des Blancs, pouvoir qui a pris fin avec l'indépendance en 1980, et la lutte plus généralisée du Sud contre la domination du monde industrialisé avancé. Dans cette perspective, le monde occidental tente d'opérer un changement de régime au Zimbabwe en appuyant le principal parti d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique, ou MDC.

    Porte-voix du Sud, Mugabe a vu sa popularité augmenter au fil de discours prononcés lors de conférences internationales: par exemple, au sommet mondial de Johannesbourg sur le développement durable, en août 2002, les participants ont applaudi—en fait, les personnes présentes dans la salle de presse se sont levées pour l'acclamer—quand Mugabe a dit au premier ministre britannique Tony Blair : « Gardez votre Angleterre, et laissez-moi garder mon Zimbabwe ». À New York, Mugabe a prononcé devant l'ONU, en septembre dernier, un discours assassin à l'égard des alliés de la guerre en Irak. Il a déclaré :

Nous sommes maintenant forcés d'accepter et de croire qu'une nouvelle doctrine politico-pseudo-religieuse est née, entendu qu'il n'y a qu'un seul Dieu politique, George W. Bush, Tony Blair étant son prophète...

    Ces commentaires ne font que mettre en évidence les difficultés que crée ce contexte pour les responsables de l'élaboration de la politique canadienne au Zimbabwe.

    Agir comme l'ont fait les secrétaires d'État américains Powell et Rice n'aura qu'un effet contre-productif. Les pressions indûment rigoureuses exercées par les pays occidentaux sur les chefs d'État d'Afrique australe avant les réunions de la SADC au cours des premières années de la crise, en 2000-2001, ont provoqué un ressac et consolidé l'appui dont bénéficie le gouvernement Mugabe. Apparemment, les diplomates et les politiciens occidentaux ont tenté de rejoindre par téléphone les chefs d'État de la SADC, à tour de rôle. C'était vraiment aller trop loin.

    Pour ce qui est des recommandations relatives à la politique à adopter, raison pour laquelle nous sommes ici, que doit-on faire et ne pas faire?

    Si l'on jette un coup d'oeil au rapport du comité et aux recommandations qu'il a formulées il y a deux ans, rapport que l'on m'a gentiment fait parvenir, on constate que la situation n'a pas tellement changé. Il y a toutefois des différences. À mon avis, au moins deux questions méritent notre attention.

    D'abord, l'aide alimentaire d'urgence. Le Canada doit être en mesure de fournir rapidement de l'aide alimentaire d'urgence. Il doit se tenir prêt à intervenir à ce chapitre. Les responsables du système d'alerte rapide aux risques de famine, le FEWS-NET, groupe de surveillance de la sécurité alimentaire financé par les États-Unis, ont déclaré la semaine dernière que 5,8 millions de personnes, sur un total de 12,5 millions, auront besoin d'aide alimentaire afin d'éviter la famine, et ce, avant la prochaine campagne agricole, en avril.

    Malgré les efforts déployés par le gouvernement pour censurer les données, et le licenciement du maire qui a rapporté ces faits, le conseil municipal de Bulawayo a fait état du décès de 14 enfants en janvier, décès qui s'ajoutent aux 162 recensés entre janvier et octobre de l'an dernier. Le besoin est donc manifeste. Les rapports sur la production alimentaire produits à l'échelle du pays sont, à mon avis, inégaux. La situation est pire à Masvingo, par exemple, et dans les régions du centre, du sud et de l'ouest du pays, mais meilleure à Mashonaland. Je considère que le rapport FEWS-NET fait autorité.

    Le gouvernement du Zimbabwe et le ministre de l'Agriculture, Joseph Made, ont refusé de reconnaître ces faits, rejeté l'aide alimentaire étrangère et laissé entendre que le nouvel ordre agricole découlant de la réforme agraire avait produit des récoltes exceptionnelles. Mugabe lui-même a déclaré l'an dernier, et je n'ai pas oublié ses propos, que l'aide alimentaire devait être distribuée ailleurs, que le Zimbabwe ne voulait pas être « étouffé » par toute cette aide. Officiellement, on prétend que le Zimbabwe a récolté suffisamment de grain, soit 2,4 millions de tonnes, pour nourrir sa population. C'est un chiffre que rejette la plupart des observateurs indépendants, de même qu'un comité parlementaire à Harare. Selon les dernières informations reçues ce matin en provenance du Zimbabwe, le gouvernement tente désespérément d'acheter 600 000 tonnes de maïs, mais a de la difficulté à obtenir des lignes de crédit ou des devises étrangères.

    Bien que le gouvernement nie qu'il utilise la nourriture et l'aide alimentaire à des fins politiques, des rapports indépendants indiquent toujours que les Zimbabwéens doivent être en règle avec le parti politique au pouvoir, le ZANU-PF, s'ils veulent avoir le droit d'acheter de la nourriture, et pas seulement obtenir de l'aide alimentaire, du Conseil du marché du grain, surtout dans les régions rurales. Ceux qui appuient le principal parti d'opposition, le MDC, sont automatiquement privés de leur droit d'acheter de la nourriture. Le choix, dans le cas du simple citoyen zimbabwéen, est clair : appuyer le ZANU-PF ou mourir de faim.

    S'ajoute à cette façon de faire l'insistance systématique du gouvernement à monopoliser la distribution de la nourriture. En effet, le gouvernement a adopté une nouvelle politique touchant les ONG au Zimbabwe, politique qui n'a pas encore été publiée dans la gazette—elle n'a pas été signée par le président Mugabe—mais qui risque d'empêcher les ONG de participer à la distribution de l'aide alimentaire.

    Il n'est donc pas clair, en ce qui concerne le Canada, quand et si l'aide alimentaire canadienne sera en mesure de répondre aux besoins de la population affamée du Zimbabwe. Toutefois, il ne fait aucun doute qu'une aide d'urgence sera nécessaire. Le Canada doit se tenir prêt à faire face à cette éventualité. Il devrait par ailleurs, de concert avec d'autres donateurs, essayer de trouver un moyen de venir à bout de la détermination du gouvernement zimbabwéen de contrôler l'aide alimentaire. Quelle sera leur réaction? Vont-ils accepter d'accorder une aide alimentaire si le gouvernement zimbabwéen insiste pour la distribuer? Quelle sera leur stratégie?

    Voilà la première des deux questions que je souhaite aborder. La deuxième concerne les efforts diplomatiques. J'aimerais, à cet égard, formuler six observations.

    Compte tenu du large appui dont bénéficie, ainsi que je viens de le mentionner, le régime Mugabe en Afrique et dans les pays du Sud, il est clair que certains efforts diplomatiques vont s'avérer contreproductifs. D'abord, il est illusoire de croire que de nouvelles pressions bilatérales vont changer quelque chose. Le gouvernement Mugabe n'a pas réagi aux pressions exercées par les alliés proches du régime, comme l'Afrique du Sud. En effet, il était plutôt étrange de voir Thabo Mbeki se rendre à Harare, et non Mugabe se rendre au Cap ou à Pretoria, rencontrer Mugabe, reprendre l'avion après avoir conclu une série d'ententes et, l'appareil ayant à peine quitté le tarmac, entendre Mugabe dénoncer bon nombre de celles-ci. Si Mugabe est capable de traiter un proche allié comme l'Afrique du Sud de cette façon, je ne pense pas qu'il va réagir aux pressions, ou que son régime va réagir aux pressions exercées par le Canada, un pays qu'il considère comme faisant partie d'une conspiration occidentale dont l'objectif est de renverser son gouvernement.

¹  +-(1535)  

    Les interactions constructives à ce niveau seront plutôt rares dans l'état actuel des choses. Bien que le gouvernement Mugabe doive être conscient du fait que le Canada s'oppose, à bien des égards, à la situation qui prévaut actuellement au Zimbabwe et qu'aucun changement de position ne devrait être envisagé, on ne sait pas ce qu'on peut faire de plus sur le front bilatéral.

    Le Canada a déjà coparrainé une résolution à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies condamnant les violations des droits de la personne au Zimbabwe. Il a également dénoncé officiellement les actes d'intimidation violents dont sont victimes les membres de l'opposition. Nos représentants à Harare devraient continuer d'assurer une forte présence sur le terrain. Toutefois, nous ne savons pas si ces mesures additionnelles vont avoir un impact.

    L'aspect le plus important de la politique canadienne relative à la crise zimbabwéenne demeure, à mon avis, le maintien des priorités. Il faut continuer, dans la mesure du possible, d'appuyer les groupes au sein de la société civile. Les pressions venant de la base, des églises, des syndicats et d'autres organisations de la société civile constituent un investissement sûr dans une culture démocratique pour l'avenir.

    Deuxièmement, on a proposé, il y a deux ans, que le Canada appuie la mise sur pied d'un tribunal international spécial qui serait chargé de poursuivre les auteurs des violations les plus graves des droits de la personne. Cette proposition, clairement prématurée et contre-productive, ne fait que renforcer la détermination de Mugabe et de son entourage de ne pas jamais abandonner le pouvoir.

    Troisièmement, rien n'indique que le gouvernement de l'Afrique du Sud accueillerait favorablement toute pression exercée par le Canada pour qu'elle intervienne davantage dans le dossier zimbabwéen. Depuis 2000, le gouvernement de Thabo Mbeki appuie le régime Mugabe, pratiquant une politique de diplomatie discrète—expression, et il y en a plusieurs, que nous avions l'habitude d'utiliser pour tenter de justifier le maintien de relations diplomatiques suivies avec le régime d'apartheid en Afrique du Sud. Aucune volonté réelle de changement n'a encore été manifestée par l'Afrique du Sud.

    Quatrièmement, il y a quelques pays, comme le Ghana et le Nigéria, qui, dans un contexte bilatéral, pourraient jouer un rôle utile sur le plan diplomatique vis-à-vis du Zimbabwe. Je songe surtout au Nigéria. Le Canada devrait appuyer leurs efforts. Les mesures prises par le Malawi et la Zambie en vue d'enrayer la corruption endémique qui sévit sur leur territoire devraient être soutenues, étant donné qu'elles créent un nouvel environnement pour l'ensemble de la région.

    Cinquièmement, bien que le gouvernement zimbabwéen ait signé, en 2004, le protocole de la Communauté de développement de l'Afrique australe, la SADC, protocole qui définit les principes et lignes directrices régissant les élections, tout porte à croire que le régime ne compte s'y conformer que de façon symbolique, et rien n'indique que la SADC entend exiger du Zimbabwe qu'il fasse plus à ce chapitre. Cela montre qu'on ne fait que tourner en rond. Un pays occidental comme le Canada doit, s'il veut éviter tout ressac, faire preuve d'habilité quand il exerce des pressions.

    Enfin, le gouvernement actuel du Zimbabwe ne devrait pas avoir le droit de déclarer que les prochaines élections parlementaires, à la fin de mars, seront libres et justes, les résultats du scrutin étant connus d'avance. Jim MacKinnon va vous en dire plus à ce sujet. Seuls les observateurs qui appuient le régime seront autorisés à se rendre au Zimbabwe dans le but de suivre le processus électoral. Ainsi, le Canada doit se tenir prêt à répliquer à l'inévitable propagande selon laquelle le processus électoral est acceptable et que tout est en règle, puisque dans les faits, rien n'aura changé.

    Merci.

¹  +-(1540)  

+-

    Le président: Merci, madame Freeman. J'ai entendu beaucoup de témoins, mais je n'ai jamais entendu un témoignage aussi lucide où tous les mots sont bien pesés.

    Qui sera le prochain intervenant?

    Alex.

+-

    M. Alex Neve (secrétaire général, Section anglaise, Amnistie internationale (Canada)): Il va être difficile de faire mieux. Je vais commencer à cafouiller.

    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité. Nous sommes tous heureux d'avoir l'occasion d'exposer nos vues sur la crise humanitaire et les violations continues des droits de la personne au Zimbabwe et de vous faire part de nos recommandations sur le sujet.

    J'ai comparu devant le comité il y a presque trois ans, soit peu de temps après les élections présidentielles de 2002. La période électorale, à l'époque, avait été marquée par des violations généralisées des droits de la personne. Nous nous rencontrons encore une fois aujourd'hui avec, comme toile de fond, la tenue de nouvelles élections parlementaires dans moins de deux mois.

    En 2002, le comité a pris note, sans équivoque aucune, des violations flagrantes des droits de la personne qui avaient été commises par le président Robert Mugabe. Plusieurs recommandations ont été formulées, recommandations qui devaient servir de fondement à la politique canadienne. Comme l'a indiqué Mme Freeman, la plupart de ces recommandations sont, aujourd'hui, encore très pertinentes.

+-

    Le président: Un instant, s'il vous plaît. Le haut-commissaire vient d'arriver.

    Monsieur le haut-commissaire, veuillez vous joindre à nous.

+-

    M. Alex Neve: Fait important, la résolution adoptée à l'époque par le comité demandait au gouvernement de travailler avec les alliés régionaux. D'ailleurs, je vais revenir plus tard dans mon exposé sur l'importance de travailler en étroite collaboration et de façon novatrice avec ces alliés régionaux.

    Les organisations de la société civile canadienne travaillent depuis longtemps au Zimbabwe et entretiennent des relations solides et de longue date avec les organisations de la société civile de ce pays. Toutes sortes de questions les intéressent et les préoccupent, comme l'aide et le développement, les droits de la personne, les églises, les journalistes, le milieu juridique et le mouvement syndical.

    Ce n'est pas la première fois que le respect des droits de la personne soulève des préoccupations au Zimbabwe, depuis le début de la crise qui sévit et qui a été particulièrement grave en 2000, mais la détérioration rapide et prononcée de la situation des droits de la personne depuis cinq ans a amené les organisations canadiennes à s'unir pour réagir. C'est ainsi qu'une coalition d'ONG, le groupe de référence du Zimbabwe a été créé. Il est composé d'organismes comme Amnistie internationale, l'Association du Barreau canadien, Oxfam, le Congrès du travail du Canada, le Conseil canadien des Églises, Journalistes canadiens pour la liberté d'expression et Défense des enfants-International. Beaucoup d'entre eux sont représentés ici aujourd'hui. Ce groupe permet à la société civile canadienne de conjuguer ses activités de recherche sur le Zimbabwe, de défendre les droits dans ce pays et de sensibiliser le public à la situation qui l'afflige.

    En juin 2004, la coalition a jugé important d'envoyer une mission de la société civile canadienne au Zimbabwe et ce, pour deux raisons : premièrement, pour entendre le point de vue des membres de la société civile de ce pays sur la crise, de façon à mieux comprendre comment la société civile canadienne pourrait leur venir en aide et, deuxièmement, pour formuler de nouvelles recommandations concrètes en vue d'une politique et d'une intervention de la part du gouvernement canadien. J'ai eu le plaisir de faire partie de cette mission.

    Le travail de notre mission pourrait probablement se résumer par deux brèves conclusions. Premièrement, évidemment, nous avons constaté que la situation des droits de la personne dans ce pays est désolante et pitoyable. Deuxièmement, nous avons été impressionnés par la détermination, la créativité et le moral inébranlables des organisations de la société civile du pays qui poursuivent leur travail malgré le harcèlement, la violence et l'emprisonnement.

    De retour au Canada, nous avons rédigé un rapport exposant la situation. Nous y formulons un certain nombre de recommandations à l'intention du gouvernement canadien. Le rapport a été rendu public en septembre dernier. Il est disponible seulement en anglais parce qu'il n'a, malheureusement, jamais été traduit en français. J'en ai apporté des exemplaires avec moi qui se trouvent en avant de la salle pour les personnes intéressées.

    J'aimerais souligner rapidement quelques-uns des principaux problèmes soulevés dans le rapport à propos des droits de la personne et attirer votre attention sur les principales recommandations que nous faisons concernant la politique du gouvernement canadien.

    Premièrement, nous avons été très préoccupés par l'enchevêtrement insidieux de lois injustes et répressives en vigueur au Zimbabwe qui empêchent de plus en plus la société civile d'exprimer sa dissidence ou son opposition de façon pacifique dans le pays. Parmi ces lois, deux mesures législatives draconiennes ont été adoptées en 2002. La première, la loi sur l'ordre public et la sécurité, oblige quiconque organise une assemblée publique à en avertir la police quatre jours à l'avance, ce qui a été interprété et appliqué de façon à laisser tout simplement la police interdire complètement ces assemblées. La deuxième, la loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, crée une commission des médias et de l'information autorisée à inscrire les bureaux de presse et à accréditer les journalistes. Elle est à l'origine d'une intense répression contre la liberté de presse au Zimbabwe, et surtout la fermeture du seul quotidien indépendant, The Daily News, en 2003.

    À ces deux lois s'ajoute maintenant la loi sur les organisations non gouvernementales, adoptée par le Parlement le 9 décembre dernier; paradoxalement, le 9 décembre est la veille de la Journée internationale des droits de la personne. Cette loi confère au gouvernement des pouvoirs extraordinaires pour se mêler des activités de toute ONG au Zimbabwe par l'entremise d'un conseil des ONG nommé par le gouvernement. Elle empêche aussi, ce qui est capital, les ONG du Zimbabwe de recevoir des fonds étrangers pour promouvoir les droits de la personne. La loi n'a pas encore été promulguée, mais elle a déjà un effet effroyable dans le pays. Ce sera une catastrophe pour les victimes de violations des droits de la personne et pour les défenseurs de ces droits dans ce pays. Ces trois lois ne peuvent rester en vigueur. Elles doivent être abolies toutes les trois.

    Deuxièmement, nous avons évidemment été horrifiés par le non-respect des droits de la personne et le fait qu'on cible des personnes et des groupes qui expriment une opposition ou qui sont perçus comme opposés au gouvernement au pouvoir.

¹  +-(1545)  

    Les exactions commises comprennent l'emprisonnement arbitraire, la torture, le viol, l'assassinat, la menace et l'interdiction de se réunir de façon pacifique. Les personnes qui en sont victimes sont des opposants politiques, notamment des membres et des partisans du MDC, des groupes féminins comme les partisans du courageux et dynamique groupe Women of Zimbabwe Arise, les avocats qui défendent des personnalités publiques faisant partie de l'opposition, comme l'inspirante Beatrice Mtetwa, et des dirigeants religieux, comme l'archevêque catholique Pius Ncube qui a son franc parler, et d'autres, des syndicalistes, des journalistes, ceux qui s'opposent à la réforme agraire du gouvernement, les vérificateurs de la sécurité alimentaire, les groupes de droits de la personne et les organismes qui militent pour la réforme constitutionnelle.

    Il n'y a aucun secteur de la société qui est épargné ou en sécurité dans ce pays. Il nous est apparu clairement qu'il fallait agir pour protéger les victimes de violations des droits de la personne en augmentant le financement et l'appui que les organisations reçoivent, en intensifiant la surveillance du respect des droits de la personne par les ambassades et en renforçant la capacité des avocats de défendre les victimes d'atteintes aux droits de la personne.

    Troisièmement, la famine qui persiste dans le pays est très inquiétante. Il est difficile d'obtenir des chiffres fiables sur les besoins alimentaires du Zimbabwe. Le gouvernement n'est pas clair sur ses réserves ou ses besoins. Cela ne fait que nourrir les inquiétudes généralisées à propos d'une manipulation politique des réserves alimentaires d'ici aux prochaines élections. La nourriture a clairement servi d'arme politique par le passé alors que les réserves de maïs ont été distribuées de façon discriminatoire et ont été souvent refusées aux partisans de l'opposition politique.

    Une partie du problème vient du fait que la réforme agraire au Zimbabwe est marquée par la violence, la corruption et le mépris flagrant de la règle de droit. La réforme agraire peut et doit s'effectuer pour assurer un meilleur respect des droits de la personne, y compris le droit à l'alimentation. Ce n'est pas ce qui s'est passé jusqu'à maintenant. La réforme agraire a plutôt donné lieu à des violations aux droits de la personne et augmenté l'insécurité alimentaire.

    Quatrièmement, nous avons été alarmés par l'ampleur des déplacements causés par la situation tragique que connaît le Zimbabwe actuellement. Il est possible que trois millions de Zimbabwéens aient quitté le pays depuis cinq ans, et les deux tiers d'entre eux ont probablement fui en Afrique du Sud. Environ 400 000 Zimbabwéens vivent actuellement au Botswana, un chiffre énorme qui équivaut à plus du quart de la population du pays.

    La situation est décourageante. En Afrique du Sud, les autorités refusent de permettre aux Zimbabwéens d'avoir accès au processus de détermination du statut de réfugié. Les Zimbabwéens sont soumis à la violence, à l'extorsion, aux arrestations massives et à la déportation. Ils sont les cibles de racisme et de discrimination de la part de la police, des fonctionnaires et du grand public. Dans ce contexte, ils risquent de se faire agresser physiquement et ont beaucoup de mal à trouver du travail, à fréquenter l'école ou à obtenir des soins de santé. Dans le cas des soins de santé, c'est d'ailleurs très inquiétant parce que le taux d'infection au VIH-sida est très élevé chez les Zimbabwéens qui vivent en Afrique du Sud, tout comme chez ceux qui vivent dans leur pays. Un nombre inconnu de Zimbabwéens meurent chaque semaine du sida en Afrique du Sud.

    La réaction du gouvernement sud-africain et de la communauté internationale à cette situation dramatique des réfugiés est profondément décevante.

    Permettez-moi d'attirer rapidement votre attention sur nos principales recommandations concernant une politique et une intervention de la part du Canada.

    Le Canada, comme d'autres gouvernements occidentaux, a bien entendu fait preuve de prudence à propos du Zimbabwe, de peur d'ainsi permettre au président Mugabe de se faire du capital politique et de qualifier les critiques de néo-colonialistes. Nous avons souvent entendu dire là-bas que le Canada a une grande moralité et une grande crédibilité au Zimbabwe et en Afrique australe et qu'il pourrait jouer un rôle beaucoup plus actif que celui qu'il a joué jusqu'à maintenant pour régler la crise au Zimbabwe. Cela ne veut pas dire qu'il faut adopter une stratégie de confrontation, d'agressivité et qu'il faut critiquer ouvertement le gouvernement du Zimbabwe. Il nous est apparu clair qu'il serait crucial que le Canada travaille de concert avec d'autres gouvernements africains, particulièrement mais pas seulement ceux de l'Afrique australe, pour faciliter une solution africaine à la situation du Zimbabwe. Les gouvernements africains—évidemment celui de l'Afrique du Sud mais pas seulement lui—sont des gouvernements qui ont un rôle déterminant à jouer pour résoudre la crise.

    Nous avons donc demandé au Canada d'élaborer une nouvelle stratégie globale pour le Zimbabwe, spécifique à toute l'Afrique, en se servant de son influence au sein d'organismes internationaux clés, comme la SADC, le secrétariat du NEPAD, l'Union africaine et le Commonwealth.

¹  +-(1550)  

    Nous avons également demandé au premier ministre de nommer une personne très influente sur le plan politique pour défendre cette stratégie. Au départ, on a demandé de désigner un envoyé spécial qui aurait le profil, l'expérience et la réputation nécessaires pour résister aux critiques de partialité auxquelles il pourrait s'exposer. L'envoyé effectuerait vraisemblablement la plus grande partie de son travail à l'extérieur du Zimbabwe, et il serait appelé à exercer des fonctions diplomatiques dans les capitales de l'Afrique ainsi qu'à participer à des tribunes multilatérales.

    Au départ, les fonctionnaires canadiens ont exprimé des réserves quant à la nomination d'un envoyé spécial, mais ils se sont montrés dans une certaine mesure disposés à réfléchir à la possibilité de nommer un représentant spécial. Toutefois, cinq mois se sont écoulés depuis la formulation de cette recommandation et aucune mesure en ce sens n'a encore été prise.

    Nous avons également exhorté le Canada à mettre en place un programme pour venir en aide aux réfugiés zimbabwéens en Afrique australe, y compris des mesures pour amorcer la réinstallation des réfugiés directement à partir du Zimbabwe, ce qui pourrait être fait en désignant officiellement le Zimbabwe comme pays source aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés du Canada. Il faudrait également encourager la réinstallation de réfugiés vulnérables et à risque provenant d'autres pays comme l'Afrique du Sud et le Botswana.

    Nous avons été déçus de l'absence de réaction face à nos recommandations. Nous estimons qu'elles proposent un plan d'action solide pour le Canada, une stratégie qui reconnaît que le plus grand espoir de solution à la crise du Zimbabwe viendra de l'Afrique et qui met en évidence le rôle important que le Canada peut jouer à cet égard.

    Il va sans dire que le temps est capital. Si un envoyé spécial ou un représentant avait été nommé à l'automne, il aurait déjà pu se pencher sur les enjeux cruciaux des droits de la personne, de la légitimité démocratique, de la primauté du droit et des questions de gouvernance à l'approche des élections, mais même maintenant il n'est pas trop tard puisque le travail se poursuivra après le jour du scrutin.

    Nous espérons que le comité souscrira à la recommandation en faveur d'une nouvelle stratégie globale panafricaine pour le Zimbabwe parrainée par un représentant spécial et qu'il réclamera la mise en oeuvre d'un programme de protection des réfugiés pour veiller à ce que le Canada redouble d'efforts pour faire face à la crise du déplacement massif de Zimbabwéens, l'une des tristes et innombrables conséquences de la catastrophe humanitaire qui frappe le pays.

    Merci.

¹  +-(1555)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. Soit dit en passant, vous avez été excellent vous aussi.

    Notre prochain témoin est M. Jim MacKinnon.

+-

    M. Jim MacKinnon (agent de programme, Afrique du Sud, Oxfam Canada): C'est difficile de faire bonne figure après Linda et Alex. Je crois que je vais sortir mes balles de golf.

    Je veux revenir sur des événements récents qu'Alex et Linda ont déjà très bien expliqués. Je vais commencer par donner un aperçu de la situation actuelle au pays.

    Comme vous le savez, des élections auront lieu le 31 mars. C'est un moment important pour le Zimbabwe. Il faut toutefois préciser qu'il s'agit d'élections législatives et non présidentielles. Le président Mugabe est au pouvoir jusqu'en 2008.

    Le MDC a décidé de participer aux élections, malgré des protestations officielles. Des membres du COSATU, dont Steve parlera sans doute plus tard, sont arrivés au pays dernièrement, mais ils ont été expulsés sur-le-champ. Le COSATU désigne le Congress of South African Trade Unions.

    Comme Linda l'a indiqué, l'Union africaine a adopté un rapport sur le piètre bilan du Zimbabwe au chapitre des droits de la personne. Récemment, Desmond Tutu a vivement dénoncé la situation au Zimbabwe et le gouvernement du pays a rétorqué en le qualifiant de traître.

    Cette semaine, le gouvernement zimbabwéen a annoncé que les indemnités militaires seraient augmentées de 1 400 p. 100, et vous allez comprendre plus tard la raison de cette hausse.

    Il y a une foule de sujets dont je pourrais parler aujourd'hui, comme la crise alimentaire, mais puisque les élections auront lieu dans sept semaines, il m'apparaît urgent d'attirer l'attention sur cette question. Les élections doivent être envisagées dans le contexte des trois lois dont Alex a parlé, à savoir la loi sur l'ordre public et la sécurité, la loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels et la loi sur les organisations non gouvernementales.

    En août 2004, à l'île Maurice, plusieurs pays, y compris le Zimbabwe, ont signé le protocole de la Communauté de développement de l'Afrique australe, la SADC, qui définit les règles électorales. Voici certaines des lignes directrices qui ont été établies selon les principes régissant la tenue d'élections démocratiques.

    L’une des premières est la pleine participation des citoyens au processus électoral et la liberté d’association. Compte tenu que la loi sur l’ordre public et la sécurité, la loi sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels et la loi sur les organisations non gouvernementales sont bel et bien en vigueur, la pleine participation et la liberté d’association sont pratiquement impossibles. Donc, à cet égard, le gouvernement zimbabwéen ne respecte pas les lignes directrices.

    Deuxièmement, au chapitre de la tolérance politique, au cours des trois dernières semaines seulement, trois députés de l’opposition ont été arrêtés pour avoir tenu des réunions – là encore, en vertu de la loi sur l’ordre public et la sécurité. Donc, sur ce point, le gouvernement zimbabwéen ne se conforme pas aux lignes directrices.

    Sur la question de l’égalité d’accès aux médias de l'État pour tous les partis politiques, malgré les promesses récentes de Thabo Mbeki et d’autres dirigeants de la SADC, l’État a carrément refusé à l’opposition l’accès à la presse écrite et à la télévision. Donc, le gouvernement n'observe pas les lignes de conduite établies à cet égard.

    Pour ce qui est d'offrir des chances égales à tous d'exercer leur droit de vote et de se porter candidat, des millions d'électeurs de la diaspora—en Afrique du Sud et à Botswana en particulier, mais également en Angleterre et au Canada—se voient refuser le droit de vote. Jusqu'à trois millions de personnes n'ont pas le droit de voter. Il s'agit là d'un autre exemple de non-respect des lignes directrices de la SADC.

    Au chapitre de l'indépendance judiciaire et de l'impartialité des organes électoraux, depuis 2000 plus de 85 p. 100 des députés en fonction ont été victimes de violations des droits de la personne; or aucun de ces cas n'a été traduit en justice. Donc, à ce chapitre, le gouvernement ne respecte pas les lignes directrices.

    Quant à l'existence d'un registre des électeurs à jour et accessible, la situation n'est guère mieux. Le registre national du Zimbabwe est sens dessus dessous et peu de gens y ont accès. On dit que des 5 millions d'électeurs inscrits sur la liste, 800 000 sont des personnes décédées. De plus, 900 000 électeurs sont inscrits à la mauvaise adresse, et, de ce fait, se voient refuser le droit de voter. Par ailleurs, le nombre de personnes inscrites au registre et vivant en Afrique du Sud, au Botswana ou en Angleterre, n'est pas clair.

º  +-(1600)  

    Le gouvernement du Zimbabwe ne respecte donc pas les lignes directrices dont il a convenu.

    En dernier lieu, il y a un mécanisme pour aider à la planification et au déploiement des missions d'observation. L'Afrique du Sud a déclaré que seulement quelques membres de sa délégation se joindraient à l'équipe de la SADC. Ainsi, il pourrait alors y avoir deux, 20 ou 30 observateurs, qui sait, chargés d'observer et de surveiller les élections dans 120 circonscriptions. C'est donc dire que le gouvernement ne respecte pas les lignes directrices.

    Ce ne sont là que quelques points saillants, mais c'est suffisant pour vous donner une idée de la situation.

    En outre, en vertu de la nouvelle loi électorale, des militaires peuvent être désignés agents électoraux par le gouvernement. Cela est possible selon la nouvelle loi électorale; c'est une nouveauté par rapport aux dernières élections. En plus, 50 000 jeunes, que l'on appelle les Green Bombers (bombardiers verts) ont récemment été formés en vue d'être déployés lors des élections. Tout cela n'a rien de prometteur.

    Le Canada doit faire savoir clairement dès maintenant que les conditions actuelles ne sont pas propices à la tenue d'élections libres et justes. Il est un peu inutile d'attendre le jour du scrutin pour effectuer une telle déclaration puisque des élections, comme nous le savons, ne se limitent pas à cette seule journée.

    Alors, que faire? Je crois qu'il faut dire clairement que l'objectif visé par le ZANU est la destruction complète de l'opposition. Et ce n'est pas seulement la destruction du Mouvement pour le changement démocratique, mais aussi de la société civile et d'un grand nombre des partenaires avec lesquels travaille la société civile canadienne. Le ZANU veut ensuite consolider le pouvoir et obtenir la reconnaissance des pays africains en premier lieu, à commencer par l'Afrique australe, et ensuite le reste de l'Afrique et, en dernier lieu, de la communauté internationale. Je crois que, si le ZANU obtient la reconnaissance des pays africains, ce qui se produira sans doute selon moi, la communauté internationale pliera probablement bagage—peut-être lentement—après les élections et partira, car il ne lui restera plus beaucoup de façons d'exercer de l'influence dans le pays.

    Je crois que le temps est venu d'entreprendre une analyse complète de la situation, comme Alex l'a très clairement expliqué, et de présenter ensuite des options et des recommandations à la société civile, aux ONG internationales et aux ambassades.

    En terminant, il faut souligner que la société civile et le Mouvement pour le changement démocratique sont demeurés pacifiques malgré les attaques incessantes du gouvernement. Tous les renseignements recueillis par l'ensemble des groupes indépendants depuis l'année 2000 révèlent que plus de 95 p. 100 des violations des droits de la personne ont été commises par l'État.

    L'Afrique a besoin du bon exemple que donnent ces gens qui tentent d'apporter des changements de façon pacifique. Nous devons continuer d'appuyer ces braves gens qui s'emploient à faire instaurer des changements démocratiques. Par le passé, le Canada a fait preuve de leadership en Afrique australe—et parfois au Zimbabwe. Nous devons continuer d'exercer ce leadership désormais reconnu au sein de la communauté internationale.

    Enfin, j'aimerais souligner le rôle important que jouent les parlementaires canadiens qui prennent part actuellement au programme de jumelage de députés. Nous espérons que leur participation à ce programme favorisera une meilleure compréhension de la grave crise des droits de la personne qui sévit au Zimbabwe et fera peut-être naître un désir de pousser les dirigeants canadiens à faire autre chose que tolérer le statu quo.

    Je vous remercie beaucoup.

º  +-(1605)  

+-

    Le président: Merci.

    Je vais cesser mes commentaires à propos de la qualité des témoins.

    C'est maintenant à M. Benedict, qui représente le Congrès du travail du Canada, de prendre la parole.

[Français]

+-

    M. Steven Benedict (directeur, Section internationale, Congrès du travail du Canada): Bonjour. Je vais commencer en français, avec votre permission.

    Comme Alex l'a mentionné tout à l'heure, nous faisons partie de ce groupe de référence sur le Zimbabwe. Malheureusement, nous n'avons pas pu nous joindre à leur délégation. Nous avons donc eu une délégation en septembre, et ma collègue Marie-Hélène Bonin et moi-même sommes allés passer un certain temps avec nos collègues syndicaux au Zimbabwe.

    Nous avons parlé, bien sûr, de la situation économique et de l'impact des politiques de Mugabe sur le secteur formel de l'économie--un secteur qui rapetisse de jour en jour--, sur le secteur informel--un secteur qui grandit de jour en jour--et sur les travailleurs agricoles.

    Nous avons aussi rencontré un nombre d'activistes syndicaux. Le souvenir d'une collègue me revient à l'esprit: une jeune femme de 23 ou 25 ans avec le crâne rasé. Vu qu'elle rentrait et sortait de prison comme d'autres rentrent et sortent de chez eux, elle expliquait qu'il était beaucoup plus facile pour elle de garder son crâne rasé, compte tenu des problèmes que l'on trouve dans les prisons du Zimbabwe. Les femmes dans les cellules sont si étroitement serrées, disait-elle en riant, que lorsque l'une d'elles veut se retourner au milieu de la nuit, toutes doivent le faire, comme des dominos, car il n'y pas de place pour se retourner seule. Cela met en lumière une certaine réalité que les gens voient parfois comme des problèmes théoriques.

[Traduction]

    La documentation que vous détenez comporte une copie de notre rapport sur notre séjour au Zimbabwe. Elle contient aussi un rapport sur les violations des droits des syndicats, préparé par le Zimbabwe Congress of Trade Unions. Il porte sur la période allant jusqu'à septembre dernier. L'une des principales stratégies utilisées par le gouvernement est le report constant des audiences. Les dirigeants syndicaux doivent prendre une journée pour se préparer à l'audience et une autre journée pour s'y rendre; et le transport est difficile là-bas. Une fois rendus, on les avise que l'audience est reportée à une autre date. Cela signifie que les dirigeants syndicaux sont aux prises avec les accusations pendant des mois et même des années. C'est une façon de faire en sorte qu'ils ne soient pas en mesure d'exercer leurs fonctions.

    Ainsi, l'Organisation internationale du Travail est saisie du cas du Zimbabwe depuis de nombreuses années, et il semble que le gouvernement de ce pays adopte sur la scène internationale le même comportement que chez-lui, c'est-à-dire qu'il se comporte d'une manière absolument abominable. En juin dernier, le ministre du Travail a adressé en particulier des insultes à la délégation canadienne pour avoir critiqué le manque de respect du gouvernement du Zimbabwe à l'égard des syndicats du pays ainsi que sa capacité de mener ses affaires. Depuis, la situation a continué de se détériorer.

    Comme Jim l'a mentionné, le 26 octobre, une délégation syndicale de l'Afrique du Sud, membre du Congress of South African Trade Unions, a été chassée du Zimbabwe pour s'être ingérée dans les affaires du pays. Dans les faits, la délégation était venue rencontrer son homologue pour discuter de la situation, qui touche les travailleurs et les travailleuses du Zimbabwe. Le 1er février, une seconde délégation a été chassée, et ensuite, le secrétaire général et le président du Congress of South African Trade Unions ainsi que, maintenant, des éducateurs syndicaux du Conseil de coordination des syndicats d'Afrique australe ont aussi été évincés du Zimbabwe pour ne pas avoir fourni une autorisation de sécurité provenant du ministère du Travail. Ce ministère n'accorde aucune autorisation de sécurité, mais cela n'avait pas d'importance. Les éducateurs syndicaux de l'Afrique australe ont tout de même été chassés du pays.

    Malgré la répression et le recours à des mesures législatives comme la Public Order and Security Act et le projet de loi sur les ONG, qui, de toute façon, n'ont aucune incidence sur les syndicats, car les syndicats sont des organismes reconnus au Zimbabwe—les organisations du travail et les églises en particulier continuent de fonctionner—probablement parce qu'ils font partie de réseaux internationaux.

    Les documents produits par le gouvernement canadien ne font pas état de cette situation. Dans la documentation distribuée la semaine dernière, lors des consultations tenues par le ministère des Affaires étrangères sur les droits de la personne, la seule page consacrée au Zimbabwe n'en faisait aucunement mention.

    Les prochaines élections auront lieu bientôt. Lors des dernières élections, qui ont eu lieu en 2002, des représentants des syndicats de l'Afrique du Sud et de la Confédération internationale des syndicats libres—Organisation régionale africaine se sont rendus au Zimbabwe. Cette fois-ci, l'envoi de représentants s'avère quasi inutile. Comme tout le monde a été chassé du pays, il est très peu probable que des représentants syndicaux puissent être en mesure de se rendre au Zimbabwe pour surveiller les élections. Essentiellement, il s'agit d'une situation perdante pour les travailleurs du Zimbabwe.

    Il est clair que le Canada ne pourra pas adopter une position de leadership au Zimbabwe; ce rôle devra être assumé par nos collègues africains.

º  +-(1610)  

    La position du Canada est réservée. Le Canada craint que, au sein du Commonwealth, l'adoption d'une position ferme de sa part soit mal perçue. Ainsi, il n'exerce pas beaucoup de pression auprès de ses partenaires africains—l'Afrique du Sud, la SADC et l'Union africaine. Le Canada avait marqué des points grâce notamment à l'initiative amorcée à Kananaskis et au Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, mais il est en train de les perdre en n'adoptant pas une approche vigoureuse.

    Il me semble qu'en plus d'appliquer les recommandations formulées par Alex et Jim dans le cadre du travail que nous effectuons, le Canada devrait envisager de tenir une conférence, au Canada ou ailleurs, pour faire connaître sa position et examiner la façon d'élaborer une politique plus musclée à l'égard du Zimbabwe, qui devrait être mise en oeuvre après les prochaines élections, qui seront des élections volées.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup. Est-ce que votre collègue veut ajouter quelque chose? Non.

[Traduction]

    Qui souhaite poser des questions? Je présume que c'est tout le monde.

    Allez-vous essayer de laisser du temps à vos collègues, monsieur Goldring?

+-

    M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC): Oui, merci.

    Merci, madame Freeman et messieurs, pour vos exposés.

    J'aurais aimé obtenir l'information avant la séance, car j'aurais pu la parcourir un peu. Veuillez m'excuser de ne pas être au fait de toutes les situations. Je veux commenter deux sujets dont vous avez parlé, car je vois des avantages dans d'autres régions du monde.

    Prenons par exemple les Caraïbes. Dernièrement, un député a été nommé responsable d'Haïti et un autre responsable de la Grenade. Je crois qu'il s'agit d'une très bonne chose.

    Vous avez parlé de réforme électorale et de surveillance d'élections. Comme l'Ukraine vient tout juste de tenir des élections, bien que la situation ne soit pas tout à fait identique, je crois qu'il serait une très bonne idée d'attribuer à un député la responsabilité de surveiller le processus que va entreprendre l'Ukraine en vue de son adhésion à l'Union européenne.

    J'ai tendance à penser que, dans le cas de ce pays, cela s'avérait également bénéfique.

    Vous avez parlé du jumelage de députés. Voulez-vous dire qu'il y aurait un jumelage entre des députés d'ici et des députés du Zimbabwe? Est-ce bien cela?

    Vous avez déclaré aussi que le Canada entretenait de bons rapports avec la plupart des pays africains caractérisés par un grand respect. La question qu'il faut poser je suppose est la suivante : le Zimbabwe a-t-il autant de respect, et le Canada devrait-il participer davantage à la surveillance d'élections à l'échelle internationale? Je pense que notre pays pourrait probablement jouer un rôle central dans le monde. Mais comment cela serait-il accueilli par le Zimbabwe et ses dirigeants? Comment pourrions-nous assumer ce rôle de sorte qu'il soit accepté? Laissez-vous entendre que d'autres pays africains devraient appuyer ce rôle afin de donner davantage de poids à ce type de surveillance?

    Autrement dit, comment le Canada...? Il faut pouvoir joindre le geste à la parole. Je suis d'accord, il faudrait plus de 20 ou 25 observateurs dans un pays de cette taille. Mais supposons que le Canada possède des centaines d'observateurs prêts à se rendre là-bas, comment procéderaient-ils?

º  +-(1615)  

+-

    Le président: Qui souhaite répondre à la question?

+-

    M. Peter Goldring: Alex, je crois que c'est vous qui avez parlé de l'aspect électoral.

+-

    M. Alex Neve: Je crois que plusieurs d'entre nous en ont parlé. Je vais répondre, mais je suis sûr que certains de mes collègues voudront ajouter leurs commentaires.

    Premièrement, pour ce qui est du jumelage, il s'agit de jumeler des députés canadiens et des députés du Zimbabwe. Cela s'est fait à l'époque des élections présidentielles. Environ 15 parlementaires canadiens, à la fois des députés et des sénateurs, avaient été jumelés à des députés du Zimbabwe en difficulté.

    Ces relations fonctionnaient toutes un peu différemment. Certains communiquaient régulièrement par téléphone, d'autres par courrier électronique et certains ont même eu l'occasion de se rencontrer en personne, car quelques députés du Zimbabwe sont venus au Canada à diverses reprises. Cette initiative a été une très grande source de solidarité et de protection, je crois, pour les députés du Zimbabwe. Un grand nombre d'entre eux ont affirmé qu'ils souhaitaient que ce programme se poursuive.

    Étant donné que les prochaines élections auront lieu bientôt, il s'agit du moment idéal pour répéter l'expérience. Un certain nombre de députés—dont certains sont ici présents—participent au programme, et si d'autres députés souhaitent y prendre part, ils peuvent communiquer avec Jim ou avec moi-même afin que nous les aidions à organiser un jumelage.

    Je reviens sur votre premier commentaire, c'est-à-dire que le Canada a l'habitude de nommer des représentants et des envoyés spéciaux. Vous avez parlé d'Haïti et de la Grenade. Il y a aussi eu par le passé la Sierra Leone. À l'heure actuelle, il y a un envoyé spécial au Soudan dans le cadre du processus de paix. Il s'agit soit de députés, soit de sénateurs. De toute évidence, nous croyons que le Zimbabwe pourrait bénéficier de la présence de tels représentants.

    Quant à la surveillance d'élections, même si 20, 200 ou 500 observateurs canadiens étaient prêts à se rendre au Zimbabwe, ils ne pourraient pas y entrer. La principale solution qui s'offre au Canada, c'est d'examiner les lignes directrices et les processus établis par la SADC. Le Canada devrait travailler en collaboration avec cet organisme pour faire en sorte qu'il soit en mesure de mettre en oeuvre de façon efficace le protocole qu'il a élaboré. C'est probablement le meilleur rôle que le Canada peut jouer.

+-

    Le président: Madame Freeman, voulez-vous prendre la parole?

+-

    Mme Linda Freeman: Oui. Je crois qu'il est un peu illusoire de penser que nous pourrons exercer une influence au sein de l'équipe de surveillance de la SADC, car cet organisme a établi des principes, que le gouvernement du Zimbabwe ne respecte pas, et il n'en fera rien. Cette équipe a pratiquement déjà préparé son rapport, qui dira que les élections seront libres et justes.

    Ce n'est pas parce qu'il existe une bonne opinion à propos du Canada à certains égards qu'on nous écoutera. Dans le cas présent, les Africains ne sont pas d'accord avec nous. Il s'agit d'une situation beaucoup plus difficile et complexe qu'à l'habitude, et, lors des rares occasions où nous pourrons agir, nous devrons le faire avec prudence. Le problème des réfugiés, dont Alex a parlé, l'effondrement de l'économie du Zimbabwe et l'influence de ce pays sur le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique ont suscité une énorme réaction.

    Rien n'est perdu, mais, pour l'instant, nous sommes considérés comme l'ennemi, comme faisant partie du monde occidental qui tente d'éliminer un régime que les Africains appuient.

º  +-(1620)  

+-

    Le président: Jim, veuillez être très bref, et Steven également, s'il vous plaît, car le temps est écoulé depuis longtemps... Tout le monde souhaite prendre la parole.

+-

    M. Jim MacKinnon: Je vais essayer d'être bref.

    Quant au jumelage, c'est un programme qui existe en ce moment. Le président de votre comité, David Kilgour, y participe activement. L'un des principaux objectifs de ce programme est de faire en sorte que les députés du Zimbabwe aient le sentiment que quelqu'un de l'extérieur observe la situation; cela crée une sorte de fraternité, je crois.

    Pour ce qui est des observateurs, je pense qu'il existe des façons créatives d'appuyer les groupes d'observateurs africains. En 2002, un sous-groupe du forum parlementaire de la SADC s'était rendu au Zimbabwe et avait déclaré que les élections n'étaient ni libres ni justes. Et je crois que l'Agence américaine pour le développement international et l'Union européenne avaient dans certains cas fourni la majorité des fonds.

    Il existe des solutions créatives. Il est vrai que nous ne pourrons pas envoyer là-bas des Canadiens, comme nous l'avons fait dans le cas de l'Ukraine, mais il existe des options autres que la SADC; on peut penser notamment à l'Afrique australe. Des initiatives sont mises en place sur le terrain.

    Je vais m'arrêter là.

[Français]

+-

    Le président:

    Monsieur Clavet, vous avez la parole.

+-

    M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je ferai d'abord un commentaire général. Devant autant de violence politique et la multiplication des abus, personne ne se réjouit; bien au contraire, on trouve cela épouvantable. Je notais, dans un très beau rapport préparé par le Congrès du travail du Canada, certaines suggestions. En effet, on peut dénoncer les choses, mais il faut regarder vers des pistes d'avenir. On mentionnait la mise en place graduelle d'une législation du travail qui serait respectueuse du mieux-être des travailleurs.

    N'est-ce pas un peu de l'angélisme que de croire que l'on va réussir à mettre en place graduellement des relations de travail quand, à sa racine même, le climat est si pourri et que la situation est si chaotique? Va-t-on dans une bonne direction en réclamant cela? Je pense que l'idée est noble, mais est-il réaliste de demander une législation du travail? La réalité du mouvement ouvrier au Zimbabwe dépasse tout ce que l'on peut imaginer.

+-

    M. Steven Benedict: On dit « graduellement » parce que la communauté internationale, et en particulier l'Organisation internationale du Travail, essaie d'amener le gouvernement du Zimbabwe à non seulement revoir une législation qui est bien déficiente, mais surtout à mettre en place un système qui permettrait la mise en vigueur d'une nouvelle législation du travail, c'est-à-dire la mise en vigueur d'un respect des normes fondamentales.

    C'est une des mesures, une des façons d'aborder la question avec ce gouvernement si intransigeant, par le biais d'un nombre de stratégies différentes, dont l'Organisation internationale du Travail. Elle semble ne pas répondre, comme je le disais, mais cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas continuer à essayer.

+-

    M. Roger Clavet: Ma question supplémentaire s'adresse à tout le monde. J'aimerais savoir si la suggestion qui a été faite que le Canada organise une conférence sur le Zimbabwe pourrait constituer une avenue intéressante, réaliste.

[Traduction]

    La tenue d'une conférence par le Canada sur le Zimbabwe serait-elle un bon point de départ?

[Français]

+-

    M. Steven Benedict: Dans le cadre du NEPAD, par exemple, l'ACDI avait organisé une conférence ici, au Canada, en réunissant tout un tas d'acteurs de la société civile pour parler des avenues éventuelles à explorer. C'est une conférence qui a eu un certain succès.

    Il me semble que l'idée de faire un exercice semblable spécifiquement sur les politiques que le Canada devrait poursuivre est intéressante. Ce serait une façon d'amener, par exemple, des représentants de la SADEC, en Afrique du Sud, pour informer. Cela résoudrait un peu ce problème de perception d'ingérence canadienne dans les affaires africaines. L'idée serait de donner un peu d'information sur les positions canadiennes et de commencer à développer des stratégies un peu plus larges que celles que l'on a vues jusqu'à présent.

º  +-(1625)  

+-

    Le président: Merci à vous deux.

    Monsieur Broadbent.

[Traduction]

+-

    L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

    J'aimerais revenir sur le jumelage. Je me suis récemment inscrit à ce programme de jumelage, et il serait bien que d'autres députés en fassent autant.

    Je veux vous interroger à propos de trois éléments. L'un d'eux est l'attitude abominable, comme vous l'avez décrite, du gouvernement sud-africain. Est-ce que l'un d'entre vous qui possède davantage de connaissances que moi sur la politique dans cette région voudrait commenter honnêtement cette attitude?

+-

    Le président: J'espère que M. MacKinnon sait que les délibérations du comité figurent dans le site Web.

+-

    M. Jim MacKinnon: Oui.

    La population du Zimbabwe n'arrive pas à expliquer cette attitude.

    La réponse brève est que Thabo Mbeki s'est placé en quelque sorte dans une mauvaise situation. Un scandale d'espionnage a éclaté récemment. Un certain nombre de personnes clés au sein du ZANU (PF) se sont fait prendre. Elles ont d'abord déclaré qu'elles effectuaient de l'espionnage pour les Américains, mais c'était en fait pour l'Afrique du Sud. D'après tous les rapports, il semblerait qu'elles aient été passablement torturées. On les détient toujours. Parmi elles se trouve un homme haut placé qui se nomme Philip Chiyangwa, qui est un député très important au sein du ZANU (PF) et qui joue dans les ligues majeures.

    Les relations entre les deux dirigeants sont mauvaises, mais, malgré cela, l'Afrique du Sud ne veut rien dire contre le Zimbabwe. Mugabe a toujours snobé le dirigeant de l'Afrique du Sud. Il a conclu des ententes avec lui, comme Linda l'a mentionné, mais dès qu'il retourne chez lui, il déclare qu'il ne les respectera pas.

    J'aimerais avoir la réponse à cette grande question. Mais je ne l'ai pas.

+-

    Le président: Madame Freeman? 

+-

    Mme Linda Freeman: J'ai rédigé un document détaillé sur cette question. Si vous me donnez votre adresse électronique, je pourrai vous l'envoyer.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Si je peux me souvenir de mon adresse électronique, je vous la communiquerai. C'est encore tout nouveau pour moi.

+-

    Mme Linda Freeman: D'accord.

    Je crois qu'il existe un ensemble très complexe de raisons.

+-

    Le président: Pouvez-vous transmettre ce document à tous les membres lorsque vous le recevrez?

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Non, je vais les garder pour moi.

+-

    Mme Linda Freeman: Il y a donc un ensemble complexe de raisons. Je pense qu'il est question d'ambitions, particulièrement de la part de Mbeki, pour ce qui est de la position de l'Afrique du Sud dans le continent. J'estime également que des considérations d'ordre national et régional entrent en jeu. Il y a tout un éventail de...

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Je supposais que c'était quelque chose du genre, mais je voulais en savoir davantage.

+-

    Mme Linda Freeman: C'est une très longue histoire. Étant donné que Mugabe jouit d'un tel soutien en Afrique, parce qu'il a pris les moyens pour que cette crise soit bien ancrée—comme solution finale à une lutte anticolonialiste—Mbeki, s'il veut devenir le principal leader africain, doit agir en harmonie avec l'opinion africaine, tant à l'étranger qu'en Afrique même—en se montrant particulièrement fort dans la région, mais également dans son pays, au sein même de son peuple.

    Il faut également se souvenir que l'Afrique du Sud a un problème de territoire, qui est en fait pire que celui du Zimbabwe en matière d'iniquité. L'opinion populaire est largement favorable. Lorsque Mugabe s'est rendu assister à l'investiture de Mbeki l'été dernier, les chefs de file sud-africains se sont levés pour l'applaudir. Seul Mandela a été mieux accueilli en Afrique du Sud. Mais le problème est beaucoup plus profond.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Merci.

    J'aimerais bien obtenir une copie de ce document. Steve, si vous n'avez pas d'objection, étant donné le peu de temps dont nous disposons pour les questions, j'aimerais passer à un autre point qui est directement relié à celui-ci.

    Si je vous ai bien compris, vous convenez tous—deux d'entre vous l'ont dit et les autres semblaient d'accord—que le leadership dans ce dossier doit originer de l'Afrique. Je vois que vous acquiescez tous les quatre.

    Qu'advient-il si le leadership ne vient pas de l'Afrique? Devrons-nous reculer? Lorsqu'il y a un problème en Ukraine, nous, Canadiens, pouvons dire que nous allons rester bien tranquilles et laisser l'Union européenne s'en charger. Nous ne sommes pas une puissance coloniale. Je peux comprendre pourquoi certains pays blancs, traditionnellement en Europe, peuvent être accusés à raison d'être d'anciennes puissances coloniales, mais ce n'est pas notre cas.

    Je me souviens qu'il y a quelques années, alors que j'étais vice-président de l'Internationale socialiste, j'appuyais une mission dirigée par Olaf Palme—et je l'ai fait sans aucune hésitation—dans le cadre de laquelle des blancs intervenaient et discutaient des affaires africaines dans l'optique des droits de la personne. Pourquoi hésitons-nous? Si les pays africains ne se tiennent pas debout, pourquoi ne le faisons-nous pas—avec le concours des ONG? Pourquoi disons-nous que l'initiative doit absolument venir des Africains, alors qu'ils ne font rien?

º  +-(1630)  

+-

    M. Jim MacKinnon: Je ne suis pas contre ce point de vue. Je crois en fait que l'un des aspects... Si on nous a déjà dépeint comme une nation blanche, ce n'est plus du tout le cas. Nous ne le sommes pas...

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Ou une nation coloniale.

+-

    M. Jim MacKinnon: ...et nous devrions pouvoir nous servir de cette tribune pour dire que nous ne le sommes pas.

    Je suis d'accord. Peut-être que cela s'inscrit dans la stratégie panafricaine que nous préconisons—à un moment donné, si aucun résultat concret n'est obtenu, nous devons intervenir sans hésiter. Cela doit faire partir d'une stratégie plus globale. Nous examinons la situation; nous jugeons que cela a assez duré; et nous décidons de ce que nous allons faire, parce que cela ne suffit plus de rester là à observer sans rien dire.

+-

    Le président: Je crois que tout le monde à quelque chose à dire à ce sujet. La parole est à Steven Benedict

+-

    M. Steven Benedict: Le fait est que les nations africaines—et, assurément, si on pense au mouvement syndical international, les syndicats africains—ont adopté des positions de leadership très claires et très tranchées dans ce dossier. Cela ne se limite pas à la seule Afrique du Sud; le Nigéria, le Ghana et bon nombre d'autres pays ont aussi pris position de manière très ferme.

    Vous avez mentionné tout à l'heure la question du gouvernement sud-africain. Au sein de la coalition, deux des trois partenaires, le Parti communiste sud-africain et la COSATU ont pris très clairement position au sujet du Zimbabwe. Je peux vous dire très brièvement que la situation a évolué considérablement au sein de la coalition au cours des deux dernières années. Il y a beaucoup de mouvements à l'intérieur de cette coalition.

    Il est important de nous assurer que, plutôt que d'intervenir de manière isolée, nous alimentons le processus déjà en cours en Afrique. Je crois que c'est là une distinction importante.

+-

    Le président: Mme Freeman, puis Alex Neve.

+-

    Mme Linda Freeman: Pour poursuivre dans le sens des observations précédentes, il faut travailler là où l'action est entreprise. Cela pourrait être avec les syndicats, les églises, toutes ces instances non étatiques—ce qui est parfois un peu difficile pour l'État canadien. C'est là où se situe l'espoir, et c'est un espoir à long terme. Je ne pense pas que la situation va pouvoir changer du jour au lendemain.

+-

    Le président: Le dernier mot...

+-

    M. Alex Neve: Je veux qu'il soit bien clair que notre recommandation ne signifie pas que nous croyons que le Canada devrait cesser de se prononcer. Nous estimons bien au contraire que le Canada a encore un rôle important à jouer: il doit dire ce qui doit être dit et le faire de façon franche et claire. Mais pour ce qui est du développement de la stratégie ou de l'exploration de nouvelles approches, nous ne croyons pas pouvoir y contribuer grandement en alimentant davantage ces discussions ou en ajoutant aux déclarations publiques déjà faites; la contribution que le Canada pourrait maintenant faire, en misant sur notre identité culturelle, le genre de stature morale dont nous jouissons en Afrique australe et le capital politique dont nous disposons en Afrique d'une manière plus générale, consisterait plutôt à aider, favoriser et préconiser une réponse panafricaine tant au niveau des États qu'aux échelons inférieurs.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Bains.

+-

    M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.): Merci.

    Si je me fie aux commentaires entendus, particulièrement à la lumière de ce que M. Broadbent a été capable de faire ressortir... J'étais au départ sous l'impression, Alex, après avoir entendu vos observations, que nous avions besoin d'une réponse africaine à cette crise, mais après avoir écouté M. MacKinnon expliquer clairement que l'environnement n'était absolument pas propice pour ce faire—nous pouvons dépêcher tous les observateurs que nous voulons, mais lorsque nous considérons les chiffres en cause, des chiffres ahurissants quand on pense aux cinq millions d'électeurs et au nombre qui sont déclarés morts ou quoi que ce soit—j'en viens maintenant à me demander, malgré le fait que nous soyons considérés comme une menace ou comme l'ennemi, si l'on peut dire, comme Mme Freeman l'a souligné—je parle ici du Canada—ce que nous pouvons faire de plus que d'exprimer notre point de vue dans ce dossier? Je suis bien conscient que si nous alimentons davantage le débat, nous pourrions créer un état d'alerte et nous aurions à en subir les conséquences, mais avez-vous d'autres recommandations stratégiques concrètes qui n'auraient pas déjà été formulées?

    Cette question est lancée à la cantonade.

+-

    Le président: Alex.

+-

    M. Alex Neve: J'aimerais simplement en revenir à notre recommandation à l'effet que le Canada devrait concentrer ses efforts futurs de manière à intervenir de façon très coordonnée, globale et cohésive dans toute l'Afrique et que la contribution du Canada doit passer par cette stratégie panafricaine coordonnée.

º  +-(1635)  

+-

    M. Navdeep Bains: Pensez-vous que cette stratégie soit viable dans une situation où nous sommes perçus comme étant l'ennemi—c'est-à-dire le monde occidental—dans une perspective anticolonialiste? Il y a très peu de reddition de comptes au sein des autres pays africains et entre ces pays quant aux modes de fonctionnement qui sont adoptés.

+-

    M. Alex Neve: Je ne pense pas que nous disions que le Canada est considéré comme un ennemi dans toute l'Afrique. Je crois que nous devions surtout nous préoccuper de la façon dont le président Mugabe perçoit le Canada ou, plus important encore, de la manière dont il renvoie l'image de notre pays.

+-

    M. Navdeep Bains: Alors avec quels pays pourrions-nous collaborer? Quels pays recommanderiez-vous comme alliés de valeur dans cette cause?

+-

    Mme Linda Freeman: Je propose le Ghana et le Nigeria tout particulièrement. Je pense que c'est une situation où il n'y aura pas de réponse facile. Il va falloir travailler sur le terrain et voir comment les choses évoluent.

    Il y a eu certains mouvements démocratiques au Malawi, notamment, au cours des dernières semaines, ainsi qu'en Zambie dans le cadre de leurs efforts de lutte contre la corruption. On peut donc voir un peu là où les choses évoluent, mais nous nous retrouvons en face d'un continent qui a été, d'une certaine façon, bousculé et mené à la baguette et qui a une histoire coloniale très marquante qui est encore fraîche à la mémoire de bien des gens et, que cela nous plaise ou non, nous sommes dans le même bateau que tous les pays occidentaux dans certains dossiers. Il nous faut donc procéder de façon très prudente et minutieuse.

+-

    Le président: Monsieur MacKinnon.

+-

    M. Jim MacKinnon: C'est exact et je peux également vous dire que je me suis intéressé aux élections qui auront lieu en 2005, soit dans environ sept semaines. Mais comme je l'ai déjà mentionné, Mugabe est au pouvoir jusqu'en 2008, ce qui fait que nous avons des besoins à court terme mais également des objectifs à plus long terme pour lesquels il nous faut établir une stratégie.

    Je crois que nous devons également nous inspirer de quelques-uns des enseignements que nous avons tirés de la situation en Afrique du Sud et des choses qui se sont produites dans la lutte contre l'apartheid, un dossier où le Canada et beaucoup d'autres partenaires ont eu un rôle à jouer.

    Si on veut désigner des pays, on peut penser au Botswana au sein de l'Afrique australe. Il y a aussi un nouveau président au Mozambique. Je pense que nous pouvons probablement intervenir là-bas. Comme Linda l'a indiqué, il y a également la Zambie et le Malawi. En Afrique australe, tous les pays sont membres du Commonwealth. Il y a donc beaucoup de gens qui vont et viennent et la situation s'améliore. Mais le Botswana se retrouve vraiment en mauvaise posture car les réfugiés du Zimbabwe constituent maintenant 25 p. 100 de sa population. Il est donc possible de les aider, et ce, de façon très concrète.

+-

    M. Navdeep Bains: Croyez-vous que nous devrions préjuger du résultat des élections ou attendre qu'il soit communiqué?

    Si je me fie à vos commentaires, j'ai l'impression...

+-

    M. Jim MacKinnon: Je crois que le gouvernement du Canada doit envisager une stratégie à adopter et être prêt à l'appliquer. Cela ne concerne pas nécessairement le jour où l'élection a lieu. Il est fort probable que le 31 mars soit une journée très tranquille parce que tout aura été réglé à l'avance. Il faut donc se montrer excessivement prudent pour ne pas être pris par surprise. Il est très difficile de faire une annonce à l'avance, mais il faut être bien conscient qu'il ne s'agira pas d'une élection libre et équitable. Quelle sera la réaction des gens? Longtemps avant l'élection, on a annoncé qu'on allait gagner.

+-

    Le président: Madame Torsney.

+-

    L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Si on analyse la réponse africaine, c'est un peu comme si on nous disait : « Je peux dire que mon frère est un imbécile, mais si vous dites la même chose, je vais être très fâché contre vous; nous sommes capables de régler nos problèmes en famille ». Je crois que nous en avons eu un bon exemple lors d'une des récentes réunions de l'Union interparlementaire alors que nous travaillions sur un dossier touchant le Soudan. Les Africains nous ont dit : « Désolés, nous allons nous en charger; ne vous en mêlez surtout pas ». Le Canada jouit d'une marge de manoeuvre un peu plus grande en sa qualité de puissance non coloniale. Mais on était vraiment sous l'impression qu'ils allaient prendre le problème en charge.

    J'estime que c'est une excellente occasion de venir en aide aux pays voisins. Le Canada a certes travaillé très efficacement auprès du Ghana et du Nigeria.

    Madame Freeman, vous avez mentionné que l'Afrique du Sud avait un problème de territoire. Mais la Namibie et certains autres pays ont aussi des problèmes à régler, ce qui fait que la situation est difficile. Peut-être qu'en appuyant la société civile et quelques autres organisations, nous pouvons apporter notre aide et faire en sorte que les gens puissent se déplacer sans complications. Je pense qu'il existe des exemples très probants, que ce soit en Géorgie ou en Ukraine, de moyens pacifiques de veiller à ce que la société civile soit en mesure de faire les choses de façon pacifique. Il faut aussi penser que les conflits sont bien évidemment très coûteux.

    Un certain nombre d'associations parlementaires, sans compter l'entente de jumelage, se réuniront au cours des prochains mois; on pense notamment à l'Association parlementaire du Commonwealth et à l'Union interparlementaire. L'Union interparlementaire a effectué des enquêtes sur le processus politique et a écrit au gouvernement au sujet des députés qui n'étaient pas traités correctement. Ce sera pour eux l'occasion de placer ces questions au rang des priorités et de créer des réseaux au sein des organisations parlementaires. C'est une possibilité qui s'offre à la plupart d'entre nous. J'ose espérer que vous pourrez également nous aider à poursuivre nos efforts en ce sens.

    J'ai trouvé vos exposés très intéressants. Je me réjouis à la perspective de travailler avec vous et d'entendre le point de vue des fonctionnaires à ce sujet. Nous allons certes leur poser la question au sujet du représentant spécial.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: M. Broadbent voudrait intervenir à nouveau.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Comme Paddy l'a indiqué, nous allons entendre tout à l'heure le point de vue des fonctionnaires.

    J'ai une question pour Steve au sujet des récentes déclarations du gouvernement du Canada sur la situation dans ce pays où on ne faisait aucune allusion aux syndicats. Comme vous le savez, la liberté d'association pour les syndicats est un droit de la personne et pas seulement ce qu'on appelle un droit des travailleurs. Le Canada a-t-il soulevé la question du Zimbabwe à l'OIT? D'après votre expérience, lorsque le gouvernement du Canada fait des déclarations concernant les droits de la personne dans tout autre pays en développement, fait-il référence aux droits des travailleurs?

+-

    M. Steven Benedict: Puis-je seulement préciser que je ne l'ai pas payé pour qu'il me pose cette question? Si vous me laissez 15 minutes, je vais vraiment m'amuser.

    Il faut lutter sans cesse au sein de différents ministères du gouvernement du Canada pour amener les fonctionnaires à se rendre compte que les syndicats dans différentes régions du monde, que ce soit en Nouvelle-Zélande, de nombreuses parties de l'Afrique ou ailleurs, ne servent pas uniquement à faire la grève et à lancer des pierres dans les fenêtres. Ils font partie de la société civile. Ils s'inscrivent dans une structure de droits de la personne et des travailleurs que l'on retrouve dans la plupart des sociétés du monde. C'est un des aspects dont le gouvernement du Canada doit tenir compte lorsqu'il examine la situation. Je suis au Congrès du travail du Canada depuis seulement neuf ans, cela fait donc neuf ans que je demande qu'on tienne compte davantage de cet aspect. Que ce soit auprès des Affaires étrangères ou de l'ACDI, il faut toujours travailler pour amener les gens à reconnaître la contribution que les organisations de travailleurs peuvent apporter à la société et au bon fonctionnement du gouvernement.

+-

    Le président: Jim.

+-

    M. Jim MacKinnon: Ce n'est pas le cas de tous les pays africains. Les raisons pour lesquelles on n'accorde pas cette reconnaissance sont variées. Mais il y a une tendance vers la solidarité africaine. L'Union africaine a adopté ce rapport très important sur la situation des droits de la personne au Zimbabwe et je crois que c'est une décision fort louable.

    Il y a aussi le NEPAD. Ce plan d'action prévoit un mécanisme d'examen par les pairs qui les amène, d'une certaine manière, à se montrer plus responsables les uns envers les autres. Ce sont les pays africains qui l'ont élaboré. Cela ne leur a pas été imposé par les pays occidentaux.

    Je veux vous mentionner en terminant un rapport très intéressant intitulé « Playing with Fire », qui traite de ces 85 p. 100 de députés au Zimbabwe. Il a été rédigé par un groupe zimbabwéen et toutes les données ont été recueillies par des Zimbabwéens. Je pense que ce serait une très bonne idée de soumettre ce rapport à l'Union interparlementaire, à l'Association des parlementaires du Commonwealth et à tous les autres groupes intéressés.

+-

    Le président: Vous avez le tout dernier mot pour votre délégation.

+-

    M. Alex Neve: En guise de dernier mot, j'aimerais me faire l'écho de la voix des Canadiens.

    Je tiens à souligner que, dans le cadre de notre travail au Zimbabwe, nous nous sommes grandement efforcés de mobiliser les Canadiens de tout le pays relativement à ces questions. Tout récemment, les Canadiens ont signé une pétition électronique lancée par Amnistie internationale exhortant le gouvernement canadien à envisager sérieusement la possibilité de mettre en oeuvre une stratégie panafricaine sous la direction d'un représentant spécial. La pétition a été présentée au premier ministre. J'en ai apporté une copie pour que le comité puisse en prendre connaissance. Elle a été signée par 1 500 Canadiens dans un très court laps de temps.

    J'ai simplement mentionné cette pétition pour vous montrer à quel point la situation au Zimbabwe préoccupe et intéresse les Canadiens.

+-

    Le président: Pouvons-nous accepter cette pétition comme pièce au dossier?

    Des voix: Oui. D'accord.

    Le président: C'est unanime.

    Merci à vous tous. Vous avez tous été extraordinaires et nous vous sommes très reconnaissants.

[Français]

    Merci dix mille fois d'être venus aujourd'hui.

[Traduction]

    Vous pouvez rester avec nous pour entendre les autres points de vue qui nous seront soumis.

    Avant que nous passions aux prochains témoins, M. Bains a une motion. Peut-être pourrions-nous régler rapidement cette question. Si vous le souhaitez, vous pouvez discuter de cette motion. Tout le monde en a reçu préavis, je crois.

º  +-(1645)  

+-

    M. Navdeep Bains: Je présente la motion; je ne sais pas vraiment si beaucoup vont s'y opposer, mais j'aimerais cependant savoir ce que vous en pensez.

    Je propose que le Sous-comité des droits de la personne et du développement international tienne une audience en comité sur le refus du gouvernement de Cuba de reconnaître les droits de la personne. En particulier, qu'un représentant de la Christian Labour Association (CLAC) soit invité à comparaître devant lui.

    J'ai également des documents d'information à ce sujet.

+-

    Le président: Y a-t-il objection ou pouvons-nous considérer que la motion est approuvée?

[Français]

    Peut-on avoir le consentement unanime de nos collègues?

[Traduction]

    Cela fera partie de l'étude plus étendue que nous sommes en train de faire.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Au plan de la procédure, venez-vous juste de dire que nous l'acceptons?

+-

    Le président: Seulement si personne ne s'y oppose. Il a également donné un préavis, si bien que réellement...

+-

    L'hon. Ed Broadbent: J'ai un petit problème. Un représentant du CTC vient juste de me confirmer que le directeur de cette organisation est un ancien vice-président d'une banque et qu'en ce qui concerne la définition d'association syndicale, on peut vraiment se demander s'il faut considérer cet organisme comme un syndicat. C'est pour moi un problème pour l'instant. Je n'ai pas personnellement pris de décision finale, mais j'aimerais avoir un peu plus de temps avant de passer au vote.

+-

    Le président: Le préavis a été envoyé au bureau de tout le monde, je crois, et la motion...

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Eh bien, si elle est recevable, votons et adoptons-la.

    (La motion est adoptée.)

+-

    Le président: M. Calderwood est directeur de la Direction de l'Afrique orientale et australe, au ministère des Affaires étrangères. George Flanagan Whalen est chargé de dossiers du Mozambique, du Zimbabwe et des questions paix et sécurité du plan d'action pour l'Afrique du G-8.

    C'est tout un titre; rentre-t-il au complet sur votre carte?

+-

    M. Georges Whalen (chargé de dossiers du Mozambique, du Zimbabwe et des questions paix et sécurité du plan d'action pour l'Afrique du G8, Direction de l'Afrique orientale et australe, ministère des Affaires étrangères): Il comporte une ou deux lignes de plus que les titres habituels.

+-

    Le président: M. Landon et Michel Lemelin représentent l'ACDI.

    Dans quel ordre souhaitez-vous faire vos exposés?

+-

    M. Perry Calderwood (directeur, Direction de l'Afrique orientale et australe, ministère des Affaires étrangères): Je vais commencer.

+-

    Le président: Vous disposez d'une demi-heure exactement. Combien de temps pensez-vous tous parler?

+-

    M. Michel Lemelin (directeur général, Division de l'Afrique de l'Est et Australe, Direction générale de l'Australe de l'Afrique et du Moyen-Orient, Agence canadienne de développement international): Environ cinq minutes chacun.

+-

    Le président: Monsieur Calderwood.

[Français]

+-

    M. Perry Calderwood: Mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant ce cous-comité. Il est malheureux que, trois ans après sa première réunion sur le Zimbabwe, la situation dans ce pays continue de se détériorer et que les espoirs d'une amélioration réelle soient si minces.

    Avec des élections parlementaires prévues pour le 31 mars prochain, nous aurions espéré pouvoir informer le sous-comité que la situation là-bas s'est améliorée et que la perspective d'un scrutin libre y est bien réelle. Cependant, même si la violence politique s'est atténuée, les droits de la personne au Zimbabwe continuent d'être bafoués.

    L'État zimbabwéen continue d'appliquer sélectivement une loi répressive pour museler le débat public. Il cautionne aussi ou tolère la violence, le harcèlement et l'intimidation exercés contre les partis d'opposition et leurs adeptes, la société civile et les médias indépendants, et cela nous préoccupe au plus haut point. En outre, la loi récemment approuvée mais non encore promulguée qui limitera les activités des organisations non gouvernementales donne particulièrement à inquiéter.

º  +-(1650)  

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Calderwood, pouvez-vous en arriver à ce que vous voulez dire, s'il vous plaît?

+-

    M. Perry Calderwood: J'en ai encore pour trois ou quatre minutes.

[Français]

    Nous sommes aussi témoins de l'impact régional de cette crise, avec un vaste mouvement migratoire vers l'extérieur du pays, et des efforts faits par le gouvernement pour entraver l'implication de la société civile dans la région. Nous en avons eu un exemple frappant la semaine dernière quand le Zimbabwe a refusé l'entrée sur son territoire du représentant du syndicat le plus important d'Afrique du Sud.

[Traduction]

    Nous aurions souhaité que la visite prévue de Morgan Tsvangirai à Ottawa cette semaine nous donne une autre occasion d'échanger sur la situation politique au Zimbabwe. Cette visite a été reportée en raison du déclenchement des élections parlementaires, prévues pour le 31 mars. M. Tsvangirai a décidé de rester au Zimbabwe pour faire campagne.

    Le Canada salue tous les Zimbabwéens qui, dans l'opposition ou au gouvernement, dans la société civile ou dans les relations d'affaires ou privées, rejettent la violence et l'intimidation comme moyen de régir la vie publique dans ce pays. Nous sommes aussi de plus en plus préoccupés par la pénurie alimentaire au Zimbabwe, surtout en période préélectorale, et par la possibilité que la situation ne soit manipulée à des fins politiques. Mon collègue de l'ACDI vous en dira davantage sur ce point. Pour ma part, je crois que les politiques du gouvernement zimbabwéen à cet égard ont d'importantes répercussions sur le plan des droits de la personne.

    Dès 2000, le Canada a répondu avec fermeté et cohérence à la crise au Zimbabwe. Nous avons pris les mesures suivantes : la suspension en 2001 de l'admissibilité du Zimbabwe à toute transaction avec la Société pour l'expansion des exportations; une interdiction en 2001 de toute nouvelle initiative de l'ACDI avec le gouvernement zimbabwéen, la reconduction en 2001 de l'actuelle politique interdisant toute vente de nature militaire au Zimbabwe et la suspension de la participation de ce pays aux cours de formation au maintien de la paix donnés par le Canada.

    En mars 2002, l'ancien premier ministre Chrétien a annoncé une série de mesures reflétant la position du Canada sur le dérapage des élections de 2002. M. Chrétien avait alors aussi annoncé le retrait de tout financement au gouvernement du Zimbabwe, et fait savoir que ses membres n'étaient pas les bienvenus au Canada.

    Ces décisions découlaient de notre prise de position à l'égard du Zimbabwe, qui est fondée sur trois piliers : la dénonciation active des violations des droits de la personne; le travail avec les partenaires pour soutenir les efforts régionaux; le maintien de l'appui aux organisations de la société civile au Zimbabwe. Nous croyons que ces trois axes sont le meilleur moyen de faciliter le retour au respect des droits de la personne et de la bonne gouvernance au Zimbabwe.

    Le Canada a, à maintes reprises, dénoncé les violations des droits humains au Zimbabwe, notre plus récente intervention étant celle faite en décembre par notre ambassadeur ici, à Ottawa, et à Harare.

    Notre ambassadeur à Harare a également informé plusieurs ministres zimbabwéens des graves préoccupations du Canada concernant la Loi sur les ONG et ce, à de nombreuses reprises depuis juillet 2004, quant une ébauche du projet de loi a été divulguée dans les médias. Sur les tribunes multilatérales, nous cherchons à donner plus de visibilité aux grands problèmes qui nous préoccupent. Ces trois dernières années, nous avons coparrainé une résolution présentée par l'UE à la Commission des droits de l'homme de l'ONU à Genève, relativement à la situation au Zimbabwe. À chaque occasion, la résolution a malheureusement fait l'objet d'un vote de non-décision.

    En 2004, nous avons également coparrainé à la troisième Commission de l'Assemblée générale une résolution qui elle aussi, s'est heurtée à un vote de non-décision. Pour l'heure, nous consultons activement les États qui ont la même optique que nous, tant en Europe que dans le monde en développement, concernant une éventuelle résolution au Zimbabwe au moment de la prochaine session de la Commission des droits humains.

    Nous reconnaissons l'importance du dialogue et du compromis dans la recherche d'une solution à la crise zimbabwéenne. C'est pourquoi nous continuons, par le truchement de notre ambassade à Harare, à engager toute partie concernée à trouver des moyens susceptibles de créer un environnement propice au respect des droits de la personne et de la primauté du droit. Nos paroles s'accompagnent toutefois aussi d'actions concrètes, grâce à nos programmes d'aide sur le terrain, qui cherchent non seulement à améliorer la situation humanitaire, comme vous l'expliquera sous peu mon collègue, mais aussi à favoriser le dialogue politique, la promotion des droits humains ainsi que l'instauration d'un système juridique transparent, impartial et accessible.

+-

    Le président: Monsieur Calderwood, vos cinq minutes, je crois, sont quasiment écoulées. Pouvons-nous entendre votre collègue?

+-

    M. Perry Calderwood: J'avais deux autres observations à faire, mais je cède la parole à Michel. Merci.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Désolée, a-t-il cinq minutes?

+-

    Le président: Ses cinq minutes sont écoulées.

    Vous aviez deux autres observations? D'accord, allez-y.

º  +-(1655)  

+-

    M. Perry Calderwood: Je vais juste terminer par les deux derniers points.

    Dans le cadre du mandat d'Affaires étrangères Canada, nous soutenons la société civile et les médias; ainsi, nous recevrons dans deux semaines la visite d'un journaliste zimbabwéen qui viendra se familiariser avec le processus électoral au Canada et les particularités de la couverture médiatique qui pourraient s'appliquer dans un environnement plus difficile. Le Canada poursuivra sa politique en collaborant avec la société civile du Zimbabwe et en pressant le gouvernement zimbabwéen de respecter à la fois ses propres garanties constitutionnelles et les garanties internationales en matière de libertés civiles et politiques, et de primauté du droit.

    Merci.

+-

    M. Michel Lemelin: Je vous remercie de m'avoir invité à cette séance du comité pour vous informer de notre programmation de développement pour le Zimbabwe, élément important de notre relation avec ce pays.

    Je m'appelle Michel Lemelin et je suis directeur général de la Division de l'Afrique de l'est et australe, à l'ACDI.

[Français]

    Nous avons aussi la chance d'avoir avec nous aujourd'hui notre collègue représentant de l'ACDI sur le terrain, Sam Landon. Nous lui avons demandé s'il était possible qu'il se joigne à nous pour faciliter la période de questions, étant donnée sa connaissance du terrain.

    Comme vous le savez, le gouvernement du Canada a décidé en mai 2001, à cause des violations répétées de la primauté du droit, que l'ACDI n'entreprendrait pas de nouvelles initiatives auprès des ministères du Zimbabwe. En mars 2002, le premier ministre Jean Chrétien a émis une déclaration à la suite de l'élection présidentielle entachée d'irrégularités, pour annoncer que le Canada avait interrompu toute aide financière directe au gouvernement du Zimbabwe.

    Ces mesures ont entraîné la fin ou l'interruption d'un certain nombre de projets, mais nous avons pu continuer à mettre en oeuvre un programme bilatéral significatif permettant d'aider directement la population du Zimbabwe par l'entremise d'organisations de la société civile, sans pour autant acheminer l'aide canadienne par l'entremise du gouvernement de ce pays.

    Après l'annonce de la suspension du financement destiné au gouvernement du Zimbabwe, ila été décidé au niveau ministériel de maintenir les priorités de programmation pour cepays dans les secteurs suivants: la gouvernance, le VIH-sida, l'équité entre lessexes, l'environnement et la sécurité alimentaire. Il a aussi été décidé que l'aide financièreserait entièrement acheminée grâce au concours des organisations de la société civile. Deplus, le financement annuel du programme bilatéral serait limité à 5,5 millions de dollars.

    En mars 2003, nous avons expliqué devant ce comité pourquoi il était encore possible etnécessaire de maintenir la programmation en matière de développement destinée au Zimbabwe. Le gouvernement de ce pays a depuis adopté une attitude de confrontation avec la sociétécivile, l'opposition et la presse.

    Un grand nombre d'affaires importantes, dont le procès pour trahison du chef de l'opposition, ont mis à l'épreuve et affaibli l'indépendance des tribunaux. Plusieurslois adoptées restreignent les droits de la société civile, ainsi que la liberté de parole desmédias et celle de se rassembler.

    Le Parlement du Zimbabwe a récemment adopté un projet de loi qui empêcherait les ONG vouées à lacause de la gouvernance et des droits de la personne d'obtenir des fonds de l'étranger. Cetteloi devrait bientôt recevoir la sanction présidentielle.

    L'économie du Zimbabwe a connu l'hyperinflation, une dévaluation de sa devise, unchômage à la hausse et un déclin marqué dans les secteurs clés de l'agriculture et dutourisme.

    La crise s'intensifie également dans les domaines de la santé et de l'éducation. La pandémiede VIH-sida constitue aussi une grave menace. La prévalence du VIH dans le pays est parmiles plus élevées dans Ie monde. Elle s'établit à 25 p. 100; seuls le Botswana et le Swazilandaffichent un taux plus élevé.

[Traduction]

    La population du Zimbabwe a de plus en plus de mal à se procurer la denrée de base qu'est le maïs. La sécurité alimentaire, particulièrement dans les régions rurales, constitue maintenant un grave problème depuis que le gouvernement a décidé de ne pas conclure d'entente avec le programme alimentaire mondial en vue de mettre sur pied un programme destiné à nourrir la population.

    Les autorités du Zimbabwe ont annoncé le printemps dernier qu'elles n'avaient pas besoin cette année d'aide alimentaire internationale et que, par conséquent, elles n'en solliciteraient pas. Le gouvernement soutient que les récoltes permettent de nourrir la population, alors que des études indépendantes indiquent que le pays connaît un grave déficit dans ses stocks de céréales; les autorités du pays pourraient donc devoir importer des denrées alimentaires. Le PAM continue cependant de fournir des denrées alimentaires à des populations vulnérables comme les orphelins et les ménages touchés par le VIH/sida.

    C'est dans ce contexte que l'ACDI a fourni cette année 1 million de dollars au PAM pour ses activités régionales en Afrique australe et le Zimbabwe sera visé par cette opération.

    Il est à noter que depuis 2002, l'ACDI a fourni plus de 17 millions de dollars en aide alimentaire et autres assistances humanitaires afin d'aider la population. Cela revient à dire que notre contribution a beaucoup changé.

    L'indice de développement humain du Zimbabwe a chuté dramatiquement de 2000 à 2002, le pays dégringolant de 20 échelons. Il se classe maintenant dans la catégorie des pays à faible développement humain.

    La situation est certes difficile, mais de nombreuses ONG zimbabwéennes poursuivent leurs activités, notamment celles qui défendent la bonne gouvernance, dispensent des services aux personnes affectées par le VIH/sida et cherchent à améliorer la sécurité alimentaire.

    Le programme bilatéral de l'ACDI a permis de nouer des relations étroites avec la société civile du Zimbabwe, principalement grâce à l'aide financière et au soutien apportés sur le plan de la gestion à plus de 70 organisations non gouvernementales et organisations communautaires zimbabwéennes et internationales. Grâce à cette aide, elles ont pu mener à terme leurs initiatives dans les domaines de la gouvernance, du VIH/sida et de la sécurité alimentaire.

    En outre, la Direction générale du partenariat canadien appuie 20 partenariats entre des organisations canadiennes et des partenaires zimbabwéens. Quant à la Direction générale des programmes multilatéraux, elle soutient des initiatives pour favoriser la santé, la nutrition et la sécurité alimentaire.

    Le Zimbabwe profite aussi des projets régionaux prévus dans les programmes panafricains et de l'Afrique australe qui s'attaquent à des enjeux comme le VIH/sida et l'agroforesterie. Voici quelques exemples de programmes financés par l'ACDI : Soutien de onze hôpitaux ruraux pour les aider à mieux prévenir la transmission du VIH/sida de la mère à l'enfant, 13 000 cas par année; promouvoir les valeurs et les processus démocratiques en aidant des organisations à favoriser la recherche, la promotion et les échanges de vues entre les intervenants clés sur des questions juridiques importantes, comme les élections et l'inscription des ONG; favoriser les échanges politiques au niveau local afin de réduire la violence politique; élaborer des modèles opérationnels pour habiliter les femmes grâce à des activités novatrices leur permettant d'avoir un revenu.

    En 2003-2004, l'ACDI a octroyé 14,4 millions de dollars au Zimbabwe. Les responsables du programme de l'ACDI pour le Zimbabwe surveillent attentivement sa stratégie d'exécution dans des conditions difficiles. Tout indique que l'orientation de ce programme est toujours pertinente. La souplesse et la capacité d'adaptation sont les principales caractéristiques des initiatives de l'agence au Zimbabwe.

    Dans les circonstances actuelles, la façon la plus efficace de continuer d'aider le peuple zimbabwéen consiste à appuyer les partenaires de la société civile, qui sont à la fois transparents, impartiaux et responsables. Il faut aussi continuer de soutenir les ONG internationales et les organismes de l'ONU, de concert avec les donateurs.

»  +-(1700)  

    Plus que jamais, la population du Zimbabwe a besoin de notre soutien constant.

    Merci.

+-

    Le président: Quelqu'un d'autre veut-il intervenir?

    Monsieur Goldring.

+-

    M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président.

    Merci pour votre exposé. J'ai une question au sujet d'une des observations faites vers la fin; on parle en effet de 5 millions de dollars sur une page et à la page suivante, je crois que ce montant est corrigé puisqu'il est dit que le Zimbabwe reçoit annuellement 14,4 millions de dollars de l'ACDI.

    Quel était le montant octroyé auparavant? En d'autres termes, à combien s'élevait le financement consenti à ce pays avant que le Parlement du Canada interrompe toute aide financière directe au gouvernement du Zimbabwe?

+-

    M. Michel Lemelin: Le programme bilatéral représentait près de 10 millions de dollars par an et il a été ramené à 5 millions de dollars; il a donc été réduit de moitié.

»  +-(1705)  

+-

    M. Peter Goldring: Oh, ce n'était donc pas...

+-

    M. Michel Lemelin: D'autres formes d'aide qui fonctionnent bien, comme l'aide alimentaire, l'aide humanitaire et d'autres, sont maintenues.

+-

    M. Peter Goldring: Par conséquent, ce n'est pas toute l'aide financière accordée au gouvernement qui a été interrompue.

+-

    M. Michel Lemelin: Si, toute l'aide financière accordée au gouvernement a été interrompue.

+-

    M. Peter Goldring: Il s'agit donc seulement des fonds octroyés aux ONG ou à d'autres apportant de l'aide au pays lui-même.

+-

    M. Michel Lemelin: Exactement.

+-

    M. Peter Goldring: Lorsqu'on examine certains des domaines qui sont toujours financés—comme bien sûr les droits, la démocratie et la gouvernance—ainsi que la primauté du droit, n'est-il pas exaspérant de continuer à financer ce pays, vu qu'il ne veut pas véritablement...

+-

    M. Michel Lemelin: Exaspérant pour qui?

+-

    M. Peter Goldring: Pour le gouvernement du Canada, pour les associations de financement.

    Comment savez-vous, en fonction de vos normes, si vous faites véritablement des progrès dans cette région, compte tenu de la situation? En d'autres termes, ce financement vous permet-il d'accomplir quoi que ce soit, ou est-il futile d'octroyer des fonds dans le but de favoriser les droits, la démocratie et la gouvernance, compte tenu de la situation du pays?

+-

    M. Michel Lemelin: C'est tous les jours que Sam se penche sur cette question.

+-

    M. Sam Landon (chef de l'aide, Haut commisariat du Canada, Harare, Zimbabwe, Agence canadienne de développement international): Merci. C'est une question importante que nous devons constamment nous poser. Dans la situation actuelle, pouvoir continuer d'appuyer des groupes qui s'occupent de la gouvernance, des droits humains et qui s'efforcent de favoriser la primauté du droit est un véritable défi, alors que très peu de résultats sont enregistrés à l'échelle nationale, sans compter les discours fleuris que ne cesse de faire le gouvernement zimbabwéen. Toutefois, vous n'entendez pas souvent parler de l'appui que nous apportons aux organisations qui s'efforcent de faciliter le dialogue entre divers intervenants au sujet de ces problèmes.

    Par exemple, nous avons fait mention de la loi sur les ONG. L'ACDI a pu appuyer une association d'organisations non gouvernementales pour qu'elle puisse organiser une rencontre réunissant les députés des deux partis ainsi que les intervenants clés de la société civile, dans le but de débattre des points forts et des points faibles de la loi.

    Il y a donc débat et lorsque le projet de loi sera déposé au Parlement, même s'il se peut fort bien que tout ce que nous voulons voir adopter en matière de réformes démocratiques ne le soit pas, il reste que nous favorisons les valeurs démocratiques au sein du pays, particulièrement au niveau local.

+-

    M. Peter Goldring: Il semble que vous perdiez pied, vu ce que le gouvernement semble essayer de faire, soit adopter une loi qui empêcherait les ONG d'obtenir des fonds de l'étranger. Je dirais que l'on fait marche arrière, n'est-ce pas? Comment savez-vous si vous faites des progrès? En faites-vous vraiment?

    Le gouvernement lui-même semble restreindre de plus en plus les libertés et non le contraire. Par conséquent, les fonds octroyés à ce pays pour favoriser les droits, la démocratie et la gouvernance ont-ils un effet contraire? Le gouvernement réagit-il? S'oppose-t-il au fait que des pays étrangers injectent des fonds dans son pays pour censément susciter des réformes auxquelles lui-même peut résister? L'effet obtenu peut-il être négatif?

+-

    M. Sam Landon: C'est une question importante sur laquelle il faut se pencher. Sur le terrain, nous discutons avec nos partenaires, nos partenaires de financement ACDI et les organisations de la société civile, et leur posons la question suivante : est-il toujours bon qu'ils reçoivent des fonds de notre part? Nous demandons à tous nos partenaires : est-il risqué pour vous de recevoir du financement de notre part?

+-

    M. Peter Goldring: Eh bien, absolument. J'ai l'impression que les mesures prises contribuent à aggraver la situation au lieu de l'améliorer, voulons-nous persister dans ce rôle...? Je conviens absolument qu'il faut régler la situation, mais ne sommes-nous pas en train de les indisposer en...

+-

    M. Sam Landon: Non. Nous devons nous demander quelle est l'alternative. L'alternative consiste à ne pas financer ces organisations, puis à les voir fermer et ne plus pouvoir poursuivre leurs activités de quelque façon que ce soit.

+-

    M. Peter Goldring: Mais vous financez ces ONG là-bas aussi et vous protégez ces droits de gouvernance et les autres choses qui ont été décrites, pourtant vous dites que le Parlement essaie d'adopter des lois pour que ces ONG ne puissent pas recevoir de financement. Cela me laisse croire que le gouvernement réagit à l'intrusion des fonds canadiens dans la région. Est-ce l'impression que vous avez aussi?

»  +-(1710)  

+-

    M. Sam Landon: Oh! C'est exactement ce que la législation tend à restreindre, le financement étranger des ONG locales.

+-

    M. Peter Goldring: Alors je suppose qu'il faut trouver le juste milieu entre ce qu'on accomplit et ce qui se passe ici. J'ose espérer qu'on veille à ce que ce financement n'aggrave pas la situation.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Clavet, voulez-vous poser une question?

+-

    M. Roger Clavet: Oui, monsieur le président. J'ai une question par rapport à l'intervention de M. Lemelin concernant divers programmes financés par l'ACDI au Zimbabwe. J'aimerais savoir si on favorise les échanges politiques au niveau local pour réduire la violence politique. Quelle forme peuvent prendre de tels programmes sur le terrain, concrètement?

    Puisque nous avons la chance d'avoir parmi nous quelqu'un qui revient et qui est habituellement sur le terrain, est-il vrai, comme l'a affirmé tout à l'heure M. Calderwood, que l'on sent, même si la violence politique s'est atténuée, que les droits de la personne continuent d'être bafoués?

    J'aimerais avoir un point de vue de la situation réelle sur le terrain, autant politique qu'au niveau des droits de la personne, mais d'abord, monsieur Lemelin, j'aimerais savoir comment, dans l'exemple que vous avez donné, il possible de travailler localement sur le plan politique.

+-

    M. Michel Lemelin: Je pense que toute la question tourne autour de savoir comment il est possible de conserver vivante et vigoureuse la culture démocratique pour laquelle le Zimbabwe était déjà reconnu? Ce que nous faisons, finalement, c'est que nous finançons des initiatives de groupements zimbabwéens: nous n'allons pas faire les choses nous-mêmes, mais nous leur fournissons des ressources pour qu'ils puissent eux-mêmes les faire. Cela fait qu'il y a encore un espace de dialogue dans la société zimbabwéenne, de même qu'avec les partis politiques d'opposition. Même à l'intérieur de ZANU-PF, plusieurs membres ont participé à des activités que nous avons appuyées, non seulement par l'entremise de l'ACDI mais également avec l'aide d'autres bailleurs de fonds. Il s'agissait de discuter de points aussi cruciaux que la manière dont la constitution devrait être modifiée pour avoir une élection plus libre et plus franche. Les résultats, évidemment, sont minces si l'on considère les décisions gouvernementales au bout de la ligne. Par ailleurs, si nous n'occupons pas ce petit espace restant, il n'y aura vraiment plus rien. Telle est, d'une certaine manière, l'approche que nous voulons maintenir. C'est une approche de transition.

[Traduction]

+-

    M. Sam Landon: Je pense pouvoir vous donner un autre exemple. Je vous en ai déjà donné un.

    Nous finançons aussi un programme favorisant l'établissement de comités de paix en région rurale, à l'échelle des districts. Ce projet rassemble des membres locaux des deux partis, de même que les principaux intervenants de la communauté—les leaders religieux et traditionnels—, qui tâchent de discuter de la violence politique et de déterminer ce qui la perpétue, pour ensuite trouver des solutions appropriées.

    Ce programme a véritablement instauré une tolérance à l'échelle locale et une compréhension de la politique des partis ainsi que du processus démocratique, entre autres. Je l'ai vu de mes yeux. Il est difficile pour nous de vous dire aujourd'hui si cela produit des résultats au niveau supérieur. Je pense que nous devons poursuivre nos efforts et continuer d'appuyer ce type de travail à l'échelle locale, dans l'espoir qu'il ait un effet au niveau supérieur.

»  +-(1715)  

+-

    M. Roger Clavet: Serait-ce une bonne idée que de dépêcher un envoyé spécial là-bas, comme le recommandent diverses organisations?

+-

    M. Perry Calderwood: Il est vrai que diverses ONG nous en ont fait la recommandation et que le gouvernement étudie l'idée avec prudence, mais qu'il est ouvert. Après mûre réflexion, le gouvernement estime que les conditions ne sont pas favorables à la nomination d'un envoyé spécial chargé de jouer un rôle productif. Vous n'êtes peut-être pas sans savoir que nous avons des envoyés spéciaux qui font du bon travail au Soudan et dans la région des Grands Lacs, mais ce sont des endroits où les parties touchés sont prêtes à rencontrer un envoyé spécial, alors qu'au Zimbabwe, tout indique que ce ne soit pas le cas du tout, donc nous n'y voyons pas grand intérêt.

+-

    Le président: Monsieur Broadbent.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Pour commencer, j'aimerais exprimer le vif appui de mon parti aux activités de l'ACDI, qui continue d'aider les organisations de la société civile dans ces circonstances particulières. Je pense qu'il est très important que l'ACDI continue de le faire.

    J'aimerais toutefois revenir à la question d'un envoyé spécial, une possibilité dont deux ou trois ONG nous ont parlé ici.

    Ne vaudrait-il pas la peine que le Canada cible davantage sa politique sur ce pays? Même si, comme vous le dites, le gouvernement en question refusait à court terme de rencontrer un envoyé spécial chargé de coordonner les activités avec d'autres pays africains, de coordonner les activités entre les diverses ONG internationales à l'extérieur du pays et de s'attaquer aux problèmes de ce pays, ne serait-il pas utile d'en envoyer un? On peut espérer que le gouvernement du Zimbabwe lui-même accepterait un jour ou l'autre de rencontrer cette personne.

+-

    M. Perry Calderwood: Comme je l'ai dit, nous estimons qu'il ne vaudrait pas la peine d'en envoyer un. En fait, si l'on se fie à l'histoire du Zimbabwe depuis trois ou quatre ans, on voit que le président Mugabe est très habile pour utiliser des initiatives bien intentionnées et les déformer. C'est un autre élément qu'il ne faut pas oublier.

    Il ne nous semble pas évident qu'un envoyé spécial canadien en voyage en Afrique pour essayer de résoudre les problèmes du Zimbabwe contribuerait à faire avancer nos intérêts.

    J'ai entendu une partie de la discussion précédente avant de venir vous rejoindre. Nous constatons dans divers forums, comme à la commission de l'ONU sur les droits de l'homme, que les initiatives entreprises par les pays nordiques, bien qu'elles soient souvent motivées par de bonnes intentions, sont très frustrantes en raison du point de vue africain que l'Afrique doit assurer le leadership dans la résolution des problèmes du Zimbabwe et dans l'aide au Zimbabwe.

    Notre stratégie consiste plutôt à parler à des Africains influents qui pourraient être utiles à notre avis et à les exhorter à prendre la voie qui nous semble être la bonne. Mais nous devons faire preuve de prudence dans ces échanges.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Alors vous avez entendu la discussion précédente. Il me semble que la proposition qui a été faite pourrait tout de même avoir du mérite : de rencontrer les pays qui accepteraient de rencontrer le représentant du Canada, qui est tout sauf un pays colonialiste ou néo-colonialiste et raciste. Mais cela mis à part, il s'agit d'une différence de jugement. Je le respecte.

    L'autre enjeu dont il a été question, et peut-être étiez-vous ici aussi pour l'entendre...

    Je me renvoie à votre présentation d'aujourd'hui. Comme vous le savez, les droits des travailleurs sont parmi les catégories de droits reconnues à l'échelle internationale. En fait, le droit à la syndicalisation est le seul droit mentionné dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le droit à la syndicalisation est le seul. Nous avons entendu un rapport accablant sur les conditions des droits des travailleurs dans ce pays un peu plus tôt aujourd'hui. Vous n'en avez fait nullement mention dans votre déclaration.

    Lorsque je demande, de façon générale, si nous nous occupons jamais des droits des travailleurs, que ce soit au ministère des Affaires internationales, dans les discussions sur la situation des droits de la personne dans un pays ou dans n'importe quelle discussion sur les droits des travailleurs, la réponse qu'on me donne est non, si je comprend bien. Je me demande pourquoi.

+-

    M. Georges Whalen: Je pense avoir entendu une partie de cette discussion, et je dois admettre m'inscrire en faux contre cette position et être convaincu que ce n'est pas celle du gouvernement.

    Je pense que tous les agents du service extérieur qui sont sur le terrain signalent des problèmes liés aux droits de la personne. C'est au coeur même du mandat des sections des ambassades chargées des relations générales dans le monde. Lorsqu'ils examinent la question, en collaboration avec la section d'Ottawa qui est responsable des problèmes généraux en matière de droits de la personne, ils se penchent sur les divers aspects de leurs mandats.

    Vous savez sans doute que le gouvernement du Canada a participé avec les représentants syndicaux aux réunions de l'OIT, qui ont eu lieu en juin dernier et dont on a déjà parlé je crois. La situation du Zimbabwe a été analysée, et la délégation, qui comprenait des membres de gouvernements et d'autres organisations, a déploré vivement le manque de volonté dont fait preuve le Zimbabwe dans le respect des recommandations du... je ne pense pas qu'on appelle cette personne « rapporteur spécial » à l'OIT, mais c'est la personne qui est en charge de ce dossier.

    Il peut sans doute arriver que dans des exposés généraux, on parle plus d'une liberté d'association, qui est une liberté plus vaste, mais à mon avis elle comprend sans toutefois en couvrir tous les aspects la liberté de représentation en situation de travail. Je pense donc que cela peut répondre en partie à votre question.

»  +-(1720)  

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Je vous remercie de cette précision et je suis content d'entendre que l'an dernier, si ce n'était pas dans la déclaration de décembre, c'était à une réunion antérieure de l'OIT, le gouvernement du Canada a parlé des droits des travailleurs. Je pense que c'est important.

    Je crois personnellement que cette question devrait être pointée du doigt. Elle a une résonnance évidente dans l'histoire du développement des démocraties fortes. L'histoire montre que le développement de démocraties fortes et durables va grandement de pair avec le développement de mouvements syndicaux indépendants. Je pense qu'il est toujours bon de le rappeler.

    Je vais m'arrêter là, monsieur le président.

+-

    Le président: Très bien.

    Quelqu'un de ce côté?

+-

    L'hon. Paddy Torsney: J'ai quelques questions et observations.

    J'ai apporté de la documentation pour tous les membres et je l'ai remise au greffier. Il s'agit du rapport de l'UIP sur les 32 parlementaires dont les droits de la personne ont été bafoués. Le greffier va la faire distribuer.

    Ensuite, je me demande si je pourrais recevoir copie de la déclaration à laquelle M. Whelan a fait allusion ou si je pourrais avoir une référence. Je pense qu'il y a divergence d'opinions.

    De plus, M. Calderwood pourrait-il nous expliquer quelles sont les conditions préalables à la nomination d'un envoyé spécial. Vous n'avez pas besoin de le faire tout de suite, mais j'aimerais que vous nous donniez une description des bonnes conditions préalables; ce serait utile pour notre comité.

    Aux gens de l'ACDI, je tiens à dire qu'il y a des personnes qui estiment que la situation est si difficile que l'ACDI ne devrait peut-être pas intervenir là-bas et qu'elle ne devrait peut-être pas perturber les groupes de défense des droits de la personne. Il est intéressant de souligner que la plupart des gens du milieu des ONG, qui sont derrière M. Goldring, ont été très choqués par sa perception qu'on ne devrait pas les appuyer. Il ne peut pas les voir; ils sont derrière lui. J'aimerais que le témoin de l'ACDI nous explique pourquoi nous poursuivons nos activités au Zimbabwe. Nous avons tous des électeurs qui croient que le gouvernement devrait adopter la ligne dure envers le Zimbabwe et peut-être y en a-t-il qui pensent que nous devrions cesser complètement toutes nos activités là-bas.

+-

    M. Michel Lemelin: D'abord, comme je l'ai déjà mentionné, il y a encore place au dialogue. Je suppose que nous avons choisi qu'il était préférable d'occuper un siège plutôt que d'être complètement absents. Le programme ou la présence que nous voudrions perpétuer se résume essentiellement à ce que nous pouvons faire dans cette voie de transition qui soit utile pour le Zimbabwe et qui nous permette de rester dans le coup afin de préparer d'une certaine façon notre évaluation des conditions nécessaires pour un retour vers une façon de faire disons normale dans le développement avec le Zimbabwe.

    Nous espérons que les choses changent. C'est ce que j'ai dit ici il y a trois ans, ou deux ans, parce que les choses sont appelées à changer un jour. Nous préférons être prêts à ce moment-là, mais honnêtement, je ne sais pas combien de temps nous pouvons maintenir notre position actuelle. Il nous en coûte de l'argent et des efforts. Mais il faut aussi tenir compte du fait que le démantèlement d'un programme et un retrait complet seraient extrêmement coûteux si nous revenons deux ans plus tard, et j'en ai eu l'expérience dans quelques autres pays. On y perd une foule de connaissances, d'influence, de réseaux et ainsi de suite. Ce que nous faisons au Zimbabwe en ce moment vaut toujours la peine. C'est pourquoi nous restons là.

»  +-(1725)  

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Qu'arriverait-il si nous nous retirions? Quelles seraient les conséquences si nous cessions le programme sur la transmission du VIH de la mère à l'enfant?

+-

    M. Sam Landon: Je pense que c'est une question importante, parce que si nous voulons envisager un changement radical, nous devons être conscients des effets de ce changement.

    Mise à part la situation du VIH et du SIDA, peut-être les membres de ce comité ne savent-ils pas qu'il y a probablement 15 à 20 organisations de défense des droits de la personne, de promotion de la gouvernance démocratique et de la société civile qui sont actives au Zimbabwe en ce moment, mais je ne voudrais pas donner de chiffre exact. Je dirais que ce chiffre est sans doute plus élevé que dans la plupart des pays d'Afrique subsahariens. Ces organisations créent un espace, même s'il est minimal.

    Nous ne devons pas oublier que ce régime est l'apanage de quelques têtes dirigeantes. Les projets que nous appuyons (je pense entre autres à l'examen de la loi électorale et aux recherches effectuées par des groupes de la société civile sur la loi électorale dans la région) en sont arrivés à être vus comme des élément clés et des sources d'information importantes pour les ministres du gouvernement, qui ont dit aux responsables de ces projets : « Nous ne reconnaîtrons pas officiellement que vous êtes engagés dans ce processus, mais nous vous voyons comme des sources d'information potentielles. » Ils peuvent ainsi vérifier comment la population va réagir à ces types de lois.

    Je le répète, je ne peux pas affirmer que nous constatons des résultats au niveau supérieur, mais si on arrive à atteindre les dirigeants, même s'ils n'acceptent nos idées que lorsqu'ils y sont contraints, mais pas tout le temps, je pense que nous faisons des progrès. Si on se retire du pays, on perd toute cette possibilité. Toutes ces ONG fermeraient leurs portes ou devraient mener leurs activités de l'extérieur du pays, à la limite, et de façon illégale. Le gouvernement du Zimbabwe pourrait faire taire toute opposition, comme le portrait brossé par Jim MacKinnon le démontre.

    Pour ce qui est de la lutte contre le VIH et le sida, tout ce qu'on peut faire au Zimbabwe... Dans un pays où la prévalence du VIH et du sida est de 25 p. 100, nous devons être là pour offrir notre aide.

+-

    Le président: Nous avons quelques minutes, et j'aimerais poser quelques questions.

    Nous venons d'entendre votre exposé et celui du groupe précédent, et il semble presque que nous parlons de deux pays différents. Je sais que ce n'est pas le cas : nous parlons du même pays.

    Je dois dire, monsieur Calderwood, que je trouve un peu fort que vous nous ayez lu une annonce selon laquelle le parti MDC ne pourrait pas venir au Canada, comme s'il avait reçu une invitation de votre ministère, alors qu'en fait, ni votre ministre ni le premier ministre n'ont manifesté la volonté de rencontrer M. Shangari. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

+-

    M. Perry Calderwood: Je n'essayais pas d'insinuer qui avait invité M. Shangari. Bien honnêtement, je ne sais pas qui l'a fait, donc je n'ai rien à dire à ce propos.

+-

    Le président: Vos collègues, monsieur Calderwood, qui ont vraiment très bien travaillé pendant le régime de l'apartheid en Afrique du Sud à mon avis, comme M. Landon vient de le dire, aimeraient que nous créions tout l'espace possible au Zimbabwe et que nous aidions toutes les ONG. Comme nous l'avons entendu, je sais qu'elles évoluent dans des conditions extrêmement difficiles, mais nous avons fait un travail exceptionnel pour faire tomber ce régime. J'aimerais croire que l'ACDI va continuer à aider quiconque a une certaine marge de manoeuvre, aussi petite soit-elle—et je suis déjà allé au Zimbabwe.

    Voulez-vous réagir à cela, monsieur Lemelin?

+-

    M. Michel Lemelin: Je suppose que je suis d'accord. C'est exactement ce que nous essayons de faire. Ce n'est pas facile du tout . Il y a des risques. Il y a des risques que nous ayons l'air séditieux, d'une certaine façon. Il y a aussi des risques que nous exposions les personnes que nous aidons à des dangers. C'est un autre aspect. Nous essayons de tout faire dans la légalité et la transparence, sans ne jamais oublier que nous pouvons nous soustraire à n'importe quelle entente s'il n'est pas viable pour nous de rester.

»  -(1730)  

+-

    Le président: Pourquoi ne demandez-vous pas à augmenter ce que vous faites dans la société civile?

+-

    M. Michel Lemelin: Pardon?

[Français]

+-

    Le président: Pourquoi ne pas augmenter au maximum ce que vous faites avec la société civile?

[Traduction]

+-

    M. Michel Lemelin: Je pense que c'est une question de capacité d'absorption aussi. Je veux dire qu'il y a un peu d'espace, mais pas tant que ça. Le nouveau projet de loi sur les ONG pourrait nuire à la poursuite de certaines de nos activités. Tout compte fait, beaucoup dépend aussi de notre stratégie envers les divers pays d'Afrique et du monde. C'est l'équilibre que nous trouvons acceptable pour le moment.

[Français]

+-

    Le président: Merci.

    Est-ce qu'il y a d'autres questions?

    Merci beaucoup d'être venus.

[Traduction]

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Monsieur le président, avant que vous ne partiez, étant donné la collégialité qui règne ici, j'aimerais expliquer pourquoi je me suis abstenu de voter sur la motion de mon collègue.

    Je m'excuse de ne pas avoir eu le temps de la lire, même si elle nous a été envoyée à l'avance. J'avais des réserves sur la nature de cette organisation, mais pas sur la question qu'elle soulève, soit l'absence de liberté d'association à Cuba.

    Je voulais seulement le dire.

+-

    M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, PCC): C'est exactement la façon dont je l'ai interprétée. Je comprends tout à fait.

+-

    Le président: Monsieur Kenney, s'il vous plaît.

+-

    M. Jason Kenney: Je suis désolé d'avoir manqué cette partie. C'est pourquoi je suis venu à la réunion, mais j'ai dû m'absenter une minute. Je voulais dire que diverses autres ONG s'inquiètent du statut des droits de la personne à Cuba. Cette motion mentionne plutôt explicitement la CLAC, que je connais très bien. Je suis content. Je tiens à féliciter mon collègue de sa motion. J'espère que les autres ONG qui se préoccupent de cette question seront les bienvenues et qu'elles seront invitées.

+-

    Le président: Pouvez-vous nous envoyer une liste de noms?

+-

    M. Jason Kenney: Je vais le faire.

-

    Le président: Merci. La séance est levée.