SDEV Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 24 novembre 2005
¿ | 0920 |
Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)) |
M. Jamal Khokhar (directeur général, Direction générale des Antilles et de l'Amérique latine, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (Affaires étrangères)) |
¿ | 0925 |
Le président |
¿ | 0930 |
Mme Suzanne Laporte (vice-présidente, Direction générale des Amériques, Agence canadienne de développement international) |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Le président |
Mme Suzanne Laporte |
Le président |
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC) |
M. Jamal Khokhar |
Mme Helena Guergis |
M. Jamal Khokhar |
Mme Helena Guergis |
Le président |
M. Jamal Khokhar |
Mme Helena Guergis |
M. Jamal Khokhar |
Mme Helena Guergis |
¿ | 0945 |
M. Jamal Khokhar |
Mme Helena Guergis |
Mme Suzanne Laporte |
Mme Helena Guergis |
Mme Suzanne Laporte |
Mme Helena Guergis |
Le président |
Mme Helena Guergis |
Le président |
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ) |
¿ | 0950 |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
M. Jamal Khokhar |
¿ | 0955 |
Mme Diane Bourgeois |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD) |
M. Jamal Khokhar |
M. Joe Comartin |
M. Jamal Khokhar |
M. Joe Comartin |
M. Jamal Khokhar |
M. Joe Comartin |
M. Jamal Khokhar |
M. Christian Lapointe (directeur, Direction de l'Amérique centrale, des Antilles et des pays Andins, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (Affaires étrangères)) |
À | 1000 |
M. Joe Comartin |
M. Christian Lapointe |
M. Joe Comartin |
M. Jamal Khokhar |
M. Joe Comartin |
M. Jamal Khokhar |
Le président |
L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.) |
À | 1005 |
Mme Suzanne Laporte |
M. Joe Comartin |
Le président |
Mme Suzanne Laporte |
L'hon. Paddy Torsney |
Mme Suzanne Laporte |
À | 1010 |
L'hon. Paddy Torsney |
Le président |
M. Christian Lapointe |
Le président |
M. Jamal Khokhar |
Le président |
M. Jamal Khokhar |
Le président |
CANADA
Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 24 novembre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0920)
[Traduction]
Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): Nous allons commencer. Dites à M. Comartin que nous avons maintenant le quorum.
Des voix: Oh, oh!
[Français]
Le président: Je déclare ouverte la 26e séance du Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je souhaite la bienvenue à tous. Nous avons été un peu retardés par la température. Nous recevons des fonctionnaires de deux ministères. Nous allons commencer par les représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Nous recevons M. Khokhar, M. Lapointe et Mme Branch. Monsieur Khokhar, vous avez la parole.
M. Jamal Khokhar (directeur général, Direction générale des Antilles et de l'Amérique latine, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (Affaires étrangères)): Je vous remercie. Tout d'abord, j'aimerais remercier le sous-comité de nous offrir l'occasion de faire cette brève présentation sur nos activités à Cuba.
[Traduction]
Avant de commencer à décrire ce que le Canada a fait pour promouvoir les droits de la personne à Cuba depuis notre dernière réunion en avril, je voudrais revenir rapidement en arrière pour donner le contexte général de notre politique, parce que, à mon avis, cet aspect est souvent oublié dans nos discussions.
Au risque de trop simplifier la situation, je dirais que depuis 60 ans, le Canada réussit à maintenir un dialogue franc et ouvert avec les dirigeants cubains par les voies diplomatiques. Nous estimons que le Canada parviendra mieux à promouvoir ses valeurs, notamment le respect des droits de la personne, en pratiquant une politique d'engagement à l'égard de Cuba, plutôt qu'en l'isolant. Nous cherchons à éveiller le gouvernement cubain et les Cubains à nos valeurs par l'exemple, en les instruisant et en les informant de nos réalisations, qu'il s'agisse de nos modèles économiques, de l'intérêt pour l'éducation et la santé publique que nous avons en commun avec Cuba même si nos approches sont différentes, ou bien du multiculturalisme et de la diversité que nous favorisons. Nos divers programmes — commercial, politique, académique, culturel et de coopération — nous permettent de parler des valeurs canadiennes, et plus généralement des valeurs démocratiques, avec le gouvernement cubain et les Cubains, et d'amorcer un dialogue sur des questions économiques et sociales avec les dirigeants d'entreprises et les dirigeants politiques cubains d'aujourd'hui et de demain.
Voilà, en quelques mots, le cadre de nos relations avec Cuba depuis 60 ans.
Pour revenir au sujet d'aujourd'hui, qu'avons-nous fait au cours des huit derniers mois? Les relations entre le Canada et Cuba pendant cette période ont été marquées par la visite au Canada du ministre cubain des Affaires étrangères, M. Felipe Pérez Roque. Non seulement sa visite a été l'occasion de discuter de questions d'intérêt commun — et il y en a beaucoup —, mais aussi elle a donné au ministre Pettigrew la possibilité d'évoquer directement auprès de son homologue les inquiétudes du Canada au sujet de la situation des droits de la personne à Cuba — ce qu'il a fait dans des termes non équivoques.
M. Pettigrew a fait remarquer que Cuba a une feuille de route impressionnante dans le domaine des droits sociaux et culturels, notamment un accès universel aux services de santé et d'éducation, mais qu'elle vient loin derrière sur le plan des normes universelles de respect et de tolérance des droits civils et des droits politiques, ce qui continue de préoccuper le Canada. M. Pettigrew a demandé la libération immédiate de tous les prisonniers politiques, ce qu'il avait déjà fait en avril à l'occasion de la visite à Ottawa du sous-ministre cubain des Affaires étrangères.
Après sa rencontre avec le ministre cubain, M. Pettigrew a déclaré aux médias avoir eu une rencontre franche et productive avec son homologue. Tous deux s'étaient dit enchantés du dialogue constructif établi entre le Canada et Cuba, et ils avaient discuté de la façon d'approfondir les relations. M. Pettigrew a ajouté qu'il avait exprimé à M. Pérez Roque ses vives préoccupations et celles des Canadiens au sujet des droits de la personne à Cuba, et il lui a dit croire sincèrement que Cuba devait s'attaquer très honnêtement à la question.
Autre fait nouveau digne de mention: le gouvernement cubain a permis en mai dernier que se tienne une assemblée pour promouvoir la société civile à Cuba. Cette assemblée a été une des rares occasions données aux détracteurs du régime, de Cuba aussi bien que de l'extérieur, d'exprimer publiquement leur opinion. Nous nous sommes beaucoup réjouis de cette décision, car nous avions activement encouragé les autorités cubaines à manifester leur tolérance envers l'expression pacifique des opinions dissidentes en autorisant ces dialogues politiques et l'utilisation d'espaces d'expression de ce type. L'ambassade du Canada à Cuba a délégué un observateur pour démontrer l'appui du Canada. Le Canada a préservé sa neutralité politique en s'abstenant de prendre part directement aux discussions, car, à notre avis, c'est aux Cubains qu'il revient de le faire.
Malheureusement, après ce geste petit mais important, le gouvernement cubain est revenu en arrière et a durci les mesures pour limiter ce que nous jugeons être l'expression publique et pacifique de la dissidence. On compte maintenant plus de prisonniers politiques.
Nous sommes également préoccupés par les manifestations organisées contre les détracteurs du régime, les actos de repudio — les actes de répudiation — comme on les appelle. Le Canada reconnaît le droit de tous les Cubains d'exprimer leur opinion et leur dissidence, mais il s'inquiète des rapports selon lesquels il y aurait de plus en plus d'incitation à la violence contre les détracteurs du régime et même contre leurs familles.
Dernier point à mentionner, le Canada a appuyé la résolution sur la situation des droits de la personne à Cuba qui a été votée par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, à Genève, le printemps dernier.
¿ (0925)
Il est difficile pour quelqu'un de l'extérieur de juger de l'importance que le vote sur cette résolution a pour le gouvernement cubain. Chaque année, il déploie des trésors d'énergie et de diplomatie pour essayer de défaire la résolution en soutenant qu'elle a des motivations politiques américaines. Le lendemain de ma première comparution devant votre sous-comité, en avril dernier, j'ai personnellement lancé un message clair au sous-ministre des Affaires étrangères qui demandait au Canada de reconsidérer son vote sur la résolution. Je lui ai dit que le Canada appuyait la résolution non pas parce qu'il y était poussé par un pays ou un autre, mais parce qu'elle rendait exactement compte de ses préoccupations face à la situation des droits politiques et civils à Cuba.
Notre approche a-t-elle des résultats directs et immédiats? Cela n'est pas toujours facile à évaluer. On peut toutefois en dire autant des mesures plus sévères adoptées par d'autres pays. Nous avons, je crois, le respect du gouvernement cubain et des Cubains pour notre approche respectueuse, mais franche, des droits de la personne. Nous n'avons pas peur d'exprimer nos préoccupations et de nous faire les porte-parole de ceux qui ne peuvent se faire entendre.
Nous ne cherchons pas à imposer nos modèles et nos valeurs. Nous montrons plutôt que nous en somme fiers et que nous croyons en eux, et nous saisissons toutes les occasions de faire valoir notre approche à l'égard des droits de la personne et de la diversité, et de l'exposer à ceux qui veulent bien écouter.
Voilà qui conclut mon intervention. Je répondrai à vos questions avec plaisir, après les autres exposés.
Le président: Merci, monsieur Khokhar.
[Français]
Nous accueillons maintenant Mme Gisèle Aubut, agent principal de développement à la Direction générale des Amériques de l'ACDI, et Mme Suzanne Laporte, vice-présidente à la Direction générale des Amériques de l'ACDI.
Madame Laporte, vous avez la parole.
¿ (0930)
Mme Suzanne Laporte (vice-présidente, Direction générale des Amériques, Agence canadienne de développement international): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais faire ma présentation dans les deux langues officielles. Je vais donc passer d'une langue à l'autre.
[Traduction]
Tout d'abord, je vous remercie d'avoir invité l'ACDI à participer à cette très importante réunion. C'est un plaisir pour moi de vous présenter les dernières avancées de notre programme de coopération depuis la réunion du comité en avril dernier, à laquelle a participé mon prédécesseur, M. Rishchynski. Depuis ce temps, l'ACDI a concerté ses efforts pour appuyer l'énoncé de politique internationale du Canada, adopté au printemps dernier, et a aussi réalisé une initiative importante dans le secteur judiciaire.
Lors de la réunion du comité du 5 avril, M. Peter Goldring avait demandé si l'ACDI travaillait dans le secteur juridique ou judiciaire, un secteur que nous trouvons éminemment important et que nous n'étions pas parvenus à aborder dans notre programme de coopération avec le gouvernement cubain. Je suis ravie de pouvoir annoncer aujourd'hui que nous avons fait une petite percée dans ce sens, dont je vais vous parler un peu plus tard.
Notre programmation à Cuba vise à améliorer les conditions de vie des Cubains et s'appuie sur les principes d'équité, de justice et de paix. Comme l'a indiqué mon collègue, M. Khokhar, nous célébrons 60 ans de relations diplomatiques ininterrompues et des relations commerciales qui durent depuis plus de 100 ans.
Nous ne pouvons pas dire la même chose du programme de coopération, qui a été interrompu à quelques reprises. La coopération canadienne à Cuba a repris en 1984 et nous avons élaboré un programme bilatéral en 1996. Depuis que Cuba est redevenue admissible, l'aide officielle octroyée se chiffre à environ 80 millions de dollars, et l'expertise canadienne est mise à contribution pour renforcer les capacités.
Fait important à noter, durant ces années de coopération, Cuba est devenue de plus en plus importante pour les organisations canadiennes, que ce soit de la société civile, du secteur universitaire ou du secteur privé.
Vous devez savoir, en ce qui a trait au programme du partenariat canadien, celui qui est chargé de répondre aux demandes et aux propositions de nos divers partenaires, que le programme de Cuba est le cinquième en importance. Le programme du partenariat canadien travaille avec plus de 150 pays et sélectionne les meilleures propositions présentées par les organisations et institutions de la société civile canadienne. Ce serait prétentieux d'affirmer que l'intérêt envers Cuba est suffisant pour conclure d'un appui à la politique canadienne, mais je crois qu'il s'agit d'un indicateur de la volonté des Canadiens de poursuivre l'approche canadienne d'un engagement constructif.
[Français]
Nous, qui travaillons à l'ACDI, sommes convaincus que les programmes de coopération contribuent tout au moins indirectement à la promotion des droits de la personne. La coopération joue en effet un rôle clé dans la diffusion des valeurs et des modèles canadiens par l'établissement d'une vaste gamme de partenariats entre les ONG, les collèges et les universités, les groupes confessionnels, les entreprises et les gouvernements à l'échelle nationale ou régionale dans les deux pays.
Je voudrais attirer votre attention sur deux mots clés: collaboration et dialogue entre partenaires. Le programme de l'ACDI à Cuba se concentre en effet sur deux priorités. La première est la modernisation de l'appareil de l'État par la diffusion du savoir-faire canadien auprès des ministères cubains importants dans des domaines comme la gestion de l'économie ou le renforcement des capacités industrielles. La deuxième est le développement local, ce qui inclut notamment l'appui à la société civile et le développement participatif dans les cinq provinces orientales, qui sont les plus pauvres du pays.
En nous concentrant sur ces deux grandes priorités, à savoir la modernisation de l'État et la réponse aux besoins locaux, nous essayons constamment d'élargir des partenariats qui ouvrent des portes de dialogue et d'évolution de la pensée. Pour concrétiser cette approche, nous avons récemment créé deux grands fonds de développement, l'un pour la modernisation de l'État d'une valeur d'environ 5 millions de dollars, et l'autre pour le développement communautaire d'une valeur de 4 millions de dollars. Ces deux fonds favoriseront les échanges de connaissances, de valeurs, d'expériences, d'outils et de technologies entre partenaires canadiens et cubains pour un développement qui soit respectueux des droits de la personne.
¿ (0935)
[Traduction]
Le plus grand résultat de la coopération canadienne est sans aucun doute la relation de confiance qui s'est développée. Cette confiance résulte d'un respect mutuel et d'une aide bien ciblée.
Nous croyons que c'est grâce à cette relation de confiance mutuelle que le gouvernement cubain a répondu positivement, en septembre 2005, à notre invitation à une première activité dans le secteur juridique. Voilà une nouvelle percée. Le projet a permis à deux juges de la cour suprême de Cuba de se familiariser avec le système de justice du Canada. Les juges cubains ont ainsi participé au séminaire international sur la médiation judiciaire organisé par la Cour d'appel du Québec et l'Institut national de la magistrature, qui a eu lieu à Montréal, en octobre.
À la fin de septembre, à Toronto, ils ont aussi assisté au congrès annuel de l'Institut canadien d'administration de la justice qui portait sur les technologies, la vie privée et la justice. Ces juges ont eu l'occasion de rencontrer des juges et des avocats canadiens et de s'entretenir avec eux. Nous croyons que ce premier contact avec le système juridique et judiciaire canadien contribue directement à mieux faire connaître l'approche canadienne en matière de droit et d'administration de la justice ainsi que d'importants mécanismes de gouvernance.
Nous souhaiterions appuyer d'autres initiatives semblables tout en étant bien conscients qu'elles dépendront de la volonté des autorités cubaines et de notre capacité de maintenir la relation de confiance et le dialogue. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer ce pas très important que nous avons franchi.
Permettez-moi maintenant de vous donner d'autres exemples de notre programmation en développement local, dont le but est de renforcer les capacités locales dans les domaines de la planification, de l'établissement des priorités et de la mise en oeuvre des projets sociaux et de développement économique. Nous appuyons un mode de coopération décentralisé qui soutient des partenariats dans des domaines comme le développement communautaire, la sécurité alimentaire, la santé, l'approvisionnement en eau et l'assainissement ainsi que l'électrification et l'utilisation des énergies renouvelables.
Ces partenariats, auxquels participent tout un éventail d'organisations canadiennes, contribuent à l'expansion des capacités de gestion au niveau local et encouragent les collectivités et les organisations locales à prendre en charge leur propre développement, tout en répondant aux besoins fondamentaux de ces collectivités.
Permettez-moi de nommer quelques-uns de nos partenaires: des ONG telles que Alternatives, qui est établie à Montréal, CARE, Oxfam, l'Institut urbain du Canada. Nous travaillons également avec de petites entreprises environnementales, comme CubEco et Suncurrent, ainsi qu'avec des universités comme celles de Toronto, de Guelph et de la Colombie-Britannique.
Ces projets de développement local appuient également le Programme des Nations Unies pour le développement au niveau local, qui nous permet d'atteindre les mêmes objectifs de développement des capacités et de gouvernance au niveau local, tout en coordonnant l'aide que nous offrons. Nous travaillons sur le terrain en partenariat.
Toujours au niveau local, le Programme des Nations Unies pour le développement est aussi un lieu de dialogue avec les pays européens qui y participent et qui n'ont pas réussi à maintenir avec Cuba une relation de coopération et un dialogue aussi productifs que le Canada. Sur le terrain, la plupart des pays européens envient la position et l'approche du Canada, qui permettent une coopération franche et constructive. Nous sommes écoutés. Nous avons une voix importante au chapitre du développement du pays.
Permettez-moi de vous parler de deux autres grandes caractéristiques de notre programme de coopération économique.
¿ (0940)
Le président: Madame Laporte, je vais vous demander d'être aussi concise que possible, pour que les membres du comité aient le temps de poser des questions.
Mme Suzanne Laporte: Certainement.
[Français]
J'aimerais signaler le fait que le Canada, en travaillant au niveau local, s'assure également de répondre aux besoins pressants lors de situations d'urgence et de catastrophes naturelles, comme les ouragans et les sécheresses graves. Récemment, les ouragans Dennis et Wilma ont sévi, et l'ACDI a apporté une contribution substantielle en termes de ressources afin de répondre aux besoins communautaires.
Depuis une dizaine d'années, l'ACDI a également acheminé des médicaments pour une valeur de 40 millions de dollars, toujours en partenariat avec une ONG canadienne, Health Partners International Canada.
Dans le domaine de la modernisation de l'État, nous travaillons au renforcement des capacités. Je vais vous citer deux exemples. Pour aider le gouvernement à répondre aux impératifs d'une gestion moderne, nous travaillons dans le domaine de la fiscalité avec Revenu Canada, et dans le domaine de la formation et de l'habilitation dans le domaine des énergies renouvelables et pétrolières.
[Traduction]
Pour résumer, la programmation de l'ACDI cible les collectivités locales, mais aussi les futurs décideurs. Nous ouvrons la voie pour l'avenir. Là où nous mettons l'accent sur la décentralisation, l'engagement, la modernisation de l'État, nous contribuons à bâtir l'avenir en fournissant et en partageant les modèles canadiens et les valeurs canadiennes, en travaillant auprès des collectivités et des institutions cubaines qui veulent s'adapter à un monde en rapide mutation. Ce faisant, nous contribuons à l'avancement des droit socioéconomiques et des droits politiques. C'est un bon investissement maintenant, et c'est aussi un bon investissement pour l'avenir.
[Français]
Je m'arrête ici, monsieur le président, pour qu'on puisse me poser des questions.
Le président: Merci beaucoup, madame Laporte.
[Traduction]
Nous allons maintenant passer aux questions.
Madame Guergis, avez-vous des questions?
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Veuillez excuser mon retard. Merci, monsieur le président. Excusez-moi si je pose des questions auxquelles vous avez peut-être déjà répondu dans votre exposé.
Le dossier déplorable de Cuba en matière de droits de la personne est très bien documenté. Je me demande si le gouvernement du Canada a pris des mesures contre Cuba au sein de l'ONU, peut-être sous forme de motions.
M. Jamal Khokhar: Chaque année, nous avons deux occasions de traiter avec Cuba dans le cadre d'un forum multilatéral. L'une de ces tribunes nous permet d'exprimer nos préoccupations concernant l'embargo que les États-Unis ont imposé contre Cuba. En contrepartie, nous faisons valoir très clairement notre position sur Cuba au sein de la Commission des Nations Unies pour les droits de la personne, à Genève.
Dans ce forum particulier, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, j'ai fait valoir ces arguments lors d'un entretien direct avec le sous-ministre des Affaires étrangères de Cuba avant la tenue de ce vote à l'ONU.
Nous profitons donc des forums multilatéraux pour exprimer nos opinions et nous nous adressons aussi directement au gouvernement cubain.
Mme Helena Guergis: Le gouvernement a-t-il publié des rapports à ce sujet?
M. Jamal Khokhar: Sur notre vote ou sur la situation des droits de la personne? De nombreux documents sont disponibles. Nous avons des déclarations de principe, que je serais ravi de vous envoyer si vous le voulez.
Mme Helena Guergis: Oui, je l'apprécierais — probablement par l'intermédiaire du président.
Le président: Vous pourriez peut-être l'adresser au greffier?
M. Jamal Khokhar: Bien sûr.
Mme Helena Guergis: Selon vous, comment le Canada peut-il faire connaître davantage ses préoccupations concernant les droits de la personne à Cuba? Quel serait le meilleur moyen?
M. Jamal Khokhar: Aux Cubains directement, ou de façon générale?
Nous essayons de nous entretenir directement avec eux comme nous l'avons fait lors de la récente visite du ministre des Affaires étrangères au Canada. Pour ce faire, nous nous asseyons avec les dirigeants cubains, que ce soient des ministres ou des hauts fonctionnaires, ou encore avec des représentants de la société civile, du monde des affaires ou d'autres intervenants — avec les ONG également — pour renforcer ce dialogue et indiquer là où nous croyons que Cuba pourrait faire des progrès sur le plan des droits de la personne et de la réforme démocratique.
Nous le faisons à tous les niveaux au sein de la société, avec les ONG et directement auprès des ministres, lorsque nos propres porte-parole vont à Cuba ou que les représentants cubains viennent ici.
Mme Helena Guergis: Pouvez-vous toutefois nous donner plus de précisions? Vous venez de me dire cela. Pouvez-vous me dire plus précisément ce que vous faites?
¿ (0945)
M. Jamal Khokhar: Avec plaisir.
Il y a un mois environ, nous avons reçu la visite, à Ottawa, du ministre des Affaires étrangères de Cuba. Nous avons eu des entretiens très francs et directs avec lui. Le ministre Pettigrew lui-même l'a rencontré pour lui expliquer très clairement les préoccupations du Canada suscitées par la violation des droits de la personne à Cuba. Nous avons transmis ces préoccupations en termes très clairs, puis nous avons pu en parler très publiquement.
Il y a trois mois, j'ai rencontré le sous-ministre des Affaires étrangères de Cuba et lui ai transmis les mêmes messages très directs. Quand de hauts fonctionnaires canadiens se rendent à Cuba, quand nous rencontrons de hauts fonctionnaires cubains là-bas, nous faisons des déclarations très fermes. Nous les exhortons également à libérer tous les prisonniers politiques et faisons bien connaître nos vues à cet égard.
Mme Helena Guergis: J'ai pris quelques notes. À l'ACDI, deux millions de dollars sont prévus pour la modernisation du gouvernement et quatre millions, pour la société civile. Quand vous parlez de « moderniser le gouvernement », pouvez-vous me donner un peu plus de précisions sur la façon dont vous vous y prenez exactement? J'aimerais avoir plus de détails.
Pour ce qui est de la société civile, quelles sont les ONG avec lesquelles vous travailleriez à Cuba?
Mme Suzanne Laporte: Je vous remercie beaucoup d'avoir posé la question.
Quand il est question de moderniser le gouvernement, nous travaillons en réalité avec Revenu Canada, par exemple, à mettre en place un régime fiscal qui permettra d'attirer d'autres investissements au pays.
J'ignore si vous étiez présente à l'exposé durant lequel, tout récemment, j'ai parlé d'un tout nouveau programme. En septembre et en octobre, nous avons accueilli deux juges de Cuba qui sont venus se renseigner sur le fonctionnement de notre système judiciaire, y compris les programmes de médiation. Nous avons également accueilli récemment plusieurs stagiaires de Cuba venus se renseigner sur notre utilisation de la technologie de l'information et l'initiative de gouvernement en direct de manière à offrir les services aux citoyens. Voilà des exemples de la manière dont nous essayons d'améliorer l'efficacité du fonctionnement du gouvernement et de l'inciter à être plus attentif aux besoins de ses citoyens.
Quant aux ONG, elles sont nombreuses. Elles obtiennent du financement, par l'intermédiaire tant du programme bilatéral, c'est-à-dire le fonds que vous avez mentionnez, que du programme de partenariat de l'ACDI.
Je répète que le programme de partenariat est en fait un programme adapté aux propositions qui sont soumises par les ONG ou les universités. Cuba en est le cinquième bénéficiaire en importance, ce qui illustre fort bien l'intérêt des organismes canadiens. Nous travaillons avec des partenaires comme CARE, Oxfam et Alternative.
Mme Helena Guergis: Y a-t-il de plus petites ONG?
Mme Suzanne Laporte: Je suis sûre qu'il y en a plusieurs. Je n'ai pas la liste complète ici, mais si vous souhaitez avoir plus de précisions à ce sujet, nous vous les fournirons avec plaisir. Nous en prenons bonne note, et nous vous enverrons la réponse.
Mme Helena Guergis: Je vous remercie beaucoup.
Le président: Pouvez-vous encore une fois nous transmettre ces renseignements par l'intermédiaire du greffier? Je vous remercie.
Mme Helena Guergis: Je vais m'arrêter là.
Je m'excuse à nouveau si j'ai posé des questions auxquelles vous aviez déjà répondu.
Je vous remercie beaucoup d'avoir accepté notre invitation d'aujourd'hui.
Le président: Madame Guergis, je vous remercie.
Madame Bourgeois.
[Français]
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs, je vous remercie d'être présents, malgré la température qui ne vous a pas rendu la vie facile à vous non plus.
Je veux d'abord féliciter l'ACDI pour son travail à Cuba. Vous méritez une bonne note. Cuba attend d'ailleurs beaucoup du Canada et des programmes de l'ACDI. La situation de Cuba est pitoyable. Je me trompe peut-être, mais je crois que la situation des droits humains à Cuba n'est pas si déplorable que cela. Il faut considérer tout le contexte. Ce pays est victime d'un embargo depuis 60 ans. À l'époque, Fidel Castro a essayé de sortir son peuple de la misère et a affronté les États-Unis. Sans les États-Unis, il ne ferait peut-être pas face à un embargo aujourd'hui. On veut l'affamer et l'étouffer. Selon votre document, monsieur Khokhar, le Canada maintient une attitude de neutralité. Je pense que c'est excellent, parce que cela permet aux Canadiens et aux Québécois d'aller y travailler et de apporter leur appui aux Cubains.
J'ai eu la chance de parler avec la belle-soeur de M. Castro à l'occasion d'un voyage que j'ai fait avec Sheila Finestone et dont le sujet principal était la question des mines antipersonnel. On m'a expliqué tous les effets que ce blocus avait sur l'accès aux médicaments, sur la santé et sur des jeunes filles qui se prostituent. Je pense que le Canada apporte une contribution positive sur le plan des valeurs, des services et des produits. Le Canada a également beaucoup d'échanges commerciaux avec Cuba. J'aimerais vous entendre, monsieur Khokhar, sur le minerai qui est envoyé et traité en Alberta.
Monsieur Khokhar, j'aimerais vous poser une question plus précise. On parle de neutralité canadienne, mais ne vaudrait-il pas mieux que le Canada fasse pression sur les États-Unis? Le gouvernement cubain, qui a permis en mai dernier que se tienne une assemblée pour promouvoir la société civile à Cuba, n'a-t-il pas ainsi ouvert un peu son territoire? On dit qu'il y a eu une augmentation du nombre de gens incarcérés, de prisonniers politiques. Cuba a peut-être raison d'agir ainsi. N'aurait-il pas peur des motivations politiques américaines et de la CIA qui s'introduit sur son territoire? Voilà autant de questions que je me pose. Dans un premier temps, je voulais vous féliciter de cette neutralité qui permet d'échanger des valeurs et d'établir la coopération et le contact.
¿ (0950)
Le président: Merci, madame Bourgeois. Vous avez utilisé quatre minutes pour poser votre question. Par conséquent, il reste trois minutes pour la réponse.
Mme Diane Bourgeois: Je vous ferai remarquer, monsieur le président, que nous avons commencé en retard. Ne pas pouvoir poser des questions à nos invités me frustre énormément.
Le président: On fera notre possible au cours des trois minutes qui restent.
Mme Diane Bourgeois: C'est bien, je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
M. Jamal Khokhar: Merci, madame.
Je vous remercie de nous avoir fait connaître votre point de vue. Il est extrêmement important, selon moi, de connaître votre opinion en tant que comité à l'égard de l'ouverture du Canada, de sa politique d'ouverture qui met en équilibre les pressions exercées sur nos collègues cubains au sujet des droits de la personne et la réforme démocratique et les nouvelles possibilités de collaborer avec eux par l'entremise du secteur privé, ce qui devrait vraiment faire avancer les relations économiques que nous avons avec Cuba grâce à nos relations d'aide et aux ONG.
Il est extraordinairement important de connaître vos vues à cet égard. Cela nous permettra de montrer aux Cubains eux-mêmes l'intérêt qu'ont les Canadiens à maintenir ce dialogue équilibré qui nous permet de traiter directement avec eux — que ce soit en matière de commerce, d'aide ou de réforme sociale — tout en menant cette politique. Il est bon que nos collègues cubains l'entendent directement de la bouche de nos parlementaires. Cela nous aide beaucoup.
En ce qui concerne nos rapports avec les États-Unis, certes, quand vous demandez si nous ne devrions pas exercer des pressions sur les États-Unis, nous aussi subissons des pressions de leur part, et rien ne me fait plus plaisir que de discuter franchement et ouvertement avec eux des raisons pour lesquelles nous avons une politique étrangère indépendante à l'égard de Cuba. Nous n'avons certes pas constaté beaucoup de progrès sur le plan de l'embargo. Celui-ci a nui à bien des Cubains de toutes les couches de la société. Le Canada se trouve au-dessus de la mêlée à cet égard. Nous demeurons fermes à l'égard des États-Unis en ce qui concerne le maintien d'une stratégie d'ouverture équilibrée et nous les encouragerions à examiner la leur sous un angle un peu plus progressiste également.
En ce qui concerne les prisonniers politiques, nous avons à nouveau exprimé beaucoup de préoccupations. Nous continuerons de profiter de toutes les occasions qui se présentent pour exhorter le gouvernement de Cuba à libérer tous les prisonniers politiques de tous les niveaux. Je ne suis pas tout à fait sûr d'avoir bien saisi votre question. Est-ce le résultat d'une intervention directe des États-Unis ou pas? Nous n'examinons pas vraiment la situation à travers la même lunette; nous avons nos propres vues à l'égard de Cuba.
Sur le plan commercial, avec votre permission, je préférerais ne pas répondre tout de suite à la question et vous soumettre plutôt — par l'intermédiaire du greffier peut-être — une description plus complète de ce que nous faisons dans tous les secteurs, y compris en agriculture, en exploitation minière, en tourisme et en investissement. Cette réponse pourrait fournir à tous les membres du comité une description plutôt complète de toute la gamme des possibilités qui s'offrent à Cuba et comment nous tentons d'obtenir l'implication directe du secteur privé.
¿ (0955)
[Français]
Mme Diane Bourgeois: Merci.
[Traduction]
Le président: Madame Bourgeois, je vous remercie.
La parole va maintenant à M. Comartin.
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Merci, monsieur le président.
Je remercie également les témoins d'avoir accepté notre invitation.
Lorsqu'il est question de la feuille de route déplorable de Cuba en matière de droits de la personne, est-ce que nous faisons un classement particulier des pays d'Amérique centrale, d'Amérique du Sud et des Antilles? Si c'est le cas, où se situerait Cuba?
M. Jamal Khokhar: Monsieur, j'ai travaillé à Washington, D.C., pendant cinq ans. Le gouvernement des États-Unis tient un fiche sur l'activité des gouvernements de tous genres dans le monde entier. Je crois que nous jugeons chaque situation en fonction de ce qui se passe dans le pays à ce moment-là. Je ne suis pas sûr que serait forcément productif du point de vue de la politique étrangère de classer un pays par rapport à d'autres. Naturellement, les circonstances de chacun sont différentes.
Que nous classions Cuba ou pas — ou n'importe quel autre pays — en ce qui concerne le respect des droits, la situation cubaine nous préoccupe énormément. Par rapport à ce que nous observons dans d'autres pays d'Amérique centrale, dans d'autres pays antillais et en Amérique du Sud, il se classe très haut dans notre liste des gouvernements et des composantes des sociétés civiles avec lesquels il faut travailler de très près en s'efforçant d'encourager un dialogue au sein de la société civile et d'impliquer notre secteur privé —, mais le Canada y accorde une importance primordiale, que Cuba soit examiné comme un cas isolé ou par rapport à d'autres pays de la région.
M. Joe Comartin: Notre position à cet égard est-elle différente de celle de la plupart des pays d'Europe occidentale?
M. Jamal Khokhar: Je crois que les Européens continuent de considérer Cuba comme une haute priorité en termes de droits de la personne également. Je dirais que nous sommes probablement plusieurs à penser ainsi.
M. Joe Comartin: Par rapport à des pays comme la Colombie et le Honduras — je vous demande seulement de me dire si vous êtes d'accord ou pas avec moi —, j'estime que Cuba mérite une meilleure note.
M. Jamal Khokhar: À mon avis, la situation colombienne est quelque peu différente, en raison du rôle joué par les guérilleros en Colombie, du FARC, de l'incidence du narcotrafic et du besoin de démobiliser l'infrastructure militaire et l'infrastructure de la guérilla au sein même de la Colombie. Le gouvernement colombien réagit à cette situation de façon très différente, naturellement. C'est pourquoi j'estime que, dans ces deux domaines, dans lesquels le Canada s'efforce vraiment par l'intermédiaire de l'ACDI, par exemple, d'agir en Colombie, nous déployons vraiment des efforts intensifs sur le plan de la démobilisation et de la réintégration des guérilleros dans la société colombienne.
Par conséquent, l'enjeu est, si vous préférez, quelque peu différent à Cuba parce qu'on n'y observe pas tout à fait le même genre d'engagement armé qu'en Colombie. L'enjeu n'est pas dicté tout à fait par les mêmes facteurs de motivation, que ce soit des drogues ou autres choses.
M. Joe Comartin: Pour ce qui est de la stratégie du Canada, c'est-à-dire d'essayer d'obtenir une plus grande ouverture de la part de Cuba, quelle est notre position à l'égard de sa réadmission dans l'OEA?
M. Jamal Khokhar: Après avoir tout juste passé une semaine et demie à Mar del Plata avec le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères, au Sommet des Amériques, je crois que Cuba est le seul pays de l'hémisphère à ne pas avoir de gouvernement élu. L'OEA et le Canada accueilleraient certes Cuba à bras ouverts si son gouvernement était démocratiquement élu. Toutefois, c'est aux Cubains d'en décider.
M. Christian Lapointe (directeur, Direction de l'Amérique centrale, des Antilles et des pays Andins, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (Affaires étrangères)): Monsieur Comartin, je pourrais peut-être renchérir. En 40 ans d'exclusion de Cuba de l'OEA, la seule fois où la question a été discutée à une table ronde de l'OEA, c'était il y a un an et demi, quand le Canada en a parlé dans le cadre d'un de ses comités ordinaires. Naturellement, certains membres assis à la table n'étaient pas très heureux, mais nous estimons que Cuba devrait naturellement redevenir membre du club.
À (1000)
[Français]
M. Joe Comartin: Monsieur Lapointe, serait-il possible qu'un vote ait lieu pour réintégrer Cuba au sein de l'OEA?
M. Christian Lapointe: Pour l'instant, je ne le pense pas. J'ai l'impression que la question de l'appartenance à l'OEA et de ses membres actifs est encore très délicate, étant donné les différentes alliances politiques sur ce sujet. Il ne faut pas être naïf. Nous avons abordé cette question à l'OEA pour montrer que nous ne l'étions pas et qu'il fallait quand même se rappeler qu'un siège était libre autour de la table.
[Traduction]
M. Joe Comartin: Peut-on s'attendre raisonnablement à ce que le respect des droits politiques augmente à Cuba, si je puis l'exprimer ainsi, avant que l'embargo soit levé? Ce pays estime faire constamment l'objet d'attaques de la plus grande puissance du monde actuellement, de sorte que j'aimerais savoir s'il est réaliste de s'attendre que nous allons obtenir...?
M. Jamal Khokhar: Je comprends.
M. Joe Comartin: Chaque fois que j'en parle aux représentants, j'entends parler des Cuban Five. Nous avons des dissidents; nous croyons qu'ils ont enfreint nos lois. Les Américains détiennent cinq de nos ressortissants sans justification valable sous leur régime de droit. Est-il réaliste de croire que nous allons observer un plus grand du respect des droits de la personne si les Américains ne nous appuient pas?
M. Jamal Khokhar: Il s'agit d'un projet à long terme. À nouveau, je m'empresse de dire que j'aimerais bien avoir une boule de cristal, parce que si j'en avais une, je ne travaillerais certes pas pour le gouvernement, mais plutôt à une question comme celle-ci, à une question d'ouverture à long terme. Nous devons persister à croire qu'en pratiquant une politique d'ouverture, en travaillant de près avec le gouvernement de Cuba, en lui montrant qu'il est possible d'avoir des libertés démocratiques et civiles et une certaine ouverture à l'égard de la population, que la dissidence est possible, que le gouvernement peut être durable en dépit d'une opposition bruyante, qu'il n'y a rien à craindre, qu'il vaut mieux l'accueillir — c'est de cet espoir que nous vivons.
Y a-t-il une chance raisonnable — ou est-il raisonnable de poser cette question —, de croire que la situation va changer au cours des cinq, sept, dix prochaines années? Nous y travaillons depuis longtemps et nous continuerons de le faire pour longtemps encore, tant qu'il y aura de l'espoir.
Le président: Monsieur Comartin, je vous remercie.
Madame Torsney.
L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci, et je m'excuse. On pourrait croire qu'à Ottawa, les entreprises de transport par taxi sauraient quoi faire, un jour de neige.
J'ai eu l'occasion de rencontrer le vice-ministre de l'équivalent de l'ACDI à Cuba, il y a quelques semaines. Je lui ai expressément parlé de ma préoccupation et de la préoccupation de notre comité concernant les représentants de la société civile qui ont été emprisonnés pour ce que nous considérons être des préoccupations sur le plan des droits de la personne. J'étais curieuse de voir comment nous pouvons faire progresser soit le système judiciaire, la façon dont nous travaillons en vue de... Je sais que nous faisons des travaux sur le plan de la fiscalité, avec les coopératives, que nous faisons plusieurs choses qui vont rendre les diverses couches de la société civile beaucoup plus fortes à long terme.
Toutefois, je me demande si vous pouvez nous parler plus abondamment de ce que nous faisons plus particulièrement dans ces cas-là. Et vous m'excuserez si cette question a déjà été posée.
Voici ma deuxième question. Quand j'étais à Cuba, à une réunion de l'UIP il y a quelques années — Mme Bourgeois y était également —, nous attendions un autre député — en réalité, un membre de votre parti, monsieur Comartin — et nous observions ce qui se passait à un bar local. Comme j'ai déjà travaillé au dossier de l'exploitation sexuelle des enfants, j'étais très préoccupée d'observer qu'on exploitait de plus en plus les enfants là-bas et, en fait, je l'ai mentionné à d'importantes députées. Elles souhaitaient savoir de quel bar précis je parlais. Je leur ai répondu que la question n'était pas vraiment là. Si j'ai pu l'observer moi-même très clairement, il y a fort à parier que ce n'était une situation unique.
Je me demandais donc si nous travaillons expressément à cette question quelque part et si vous pouviez nous en dire plus à ce sujet, au sujet du problème croissant.
À (1005)
Mme Suzanne Laporte: Je vous remercie beaucoup.
Je disais justement tout à l'heure à quel point nous nous réjouissons que, pour la première fois, dans le cadre du programme de coopération de l'ACDI, nous pouvons pratiquer l'ouverture sur le plan de la justice. Grâce à notre programme de coopération, nous avons invité des membres de la magistrature cubaine au Canada pour prendre part à deux séminaires. En effet, nous avons invité deux juges cubains, et ils ont accepté l'invitation. C'est une première. C'est donc une marque de progrès dans, comme nous le savons, un pilier essentiel de la structure de gouvernement, de son fonctionnement.
J' ai été très heureuse... Bien que je ne les ai pas rencontrés personnellement, je crois savoir qu'ils étaient très ouverts à l'idée. Ils ont pu s'entretenir avec des juges canadiens et rencontrer des avocats canadiens. Ils ont participé à deux ateliers, un atelier organisé à Montréal au sujet de la médiation judiciaire et un autre organisé à Toronto de concert avec l'Institut canadien d'administration de la justice concernant des dossiers comme la protection de la vie privée, la technologie et la justice pénale.
Je crois que nous avons ouvert des brèches. D'après ce que j'en sais, les juges étaient ravis de leur visite, et nous espérons en encourager d'autres.
M. Joe Comartin: Monsieur le président, c'est la quatrième fois que l'on entend sonner un téléphone. Les gens ne sont-ils pas tenus d'éteindre leurs téléphones cellulaires? J'ai de la difficulté à entendre ce que dit le témoin.
Le président: Oui, la règle veut qu'on éteigne les téléphones cellulaires pendant les réunions des comités. Merci de l'avoir signalé, monsieur Comartin.
Mme Suzanne Laporte: Donc, des progrès ont été réalisés sur le plan de la justice; nous aimerions aller plus loin. Il est évident que, pour y arriver, nous devons pouvoir compter sur la collaboration et la bonne volonté du gouvernement cubain. Or, nous avons rencontré, il y a à peine une semaine, le vice-ministre responsable des investissements étrangers et de la coopération économique, qui a pris part à notre séance de travail semestrielle, dont l'objectif était d'établir les priorités du programme de coopération. Nous lui avons exposé notre position. Je lui ai également indiqué que nous souhaitions poursuivre nos efforts dans ce domaine. Il s'est montré tout à fait ouvert à l'idée.
J'en ai également profité pour aborder la question de l'accès à l'information, aux services Internet. Il s'agit là d'un dossier très sensible, très délicat. Toutefois, je lui ai fait comprendre que, dans une société très moderne, vu que Cuba souhaite améliorer la participation de ses citoyens à la vie économique du pays, il est essentiel de créer un milieu qui suscite la confiance et attire les investisseurs, puisque ces derniers ont besoin de données fiables.
Grâce à notre programme de coopération, où nous offrons une formation en matière de responsabilité financière et où nous aidons les économistes à améliorer leurs compétences pour qu'ils soient en mesure d'établir des prévisions de l'activité économique — une des exigences du pays —, nous pouvons fournir des données à Exportation et développement Canada qui, lui, aura ainsi une meilleure idée de la situation économique de Cuba et prendre des mesures pour y attirer plus d'investissements, le Canada étant la deuxième source d'investissements bilatéraux en importance à Cuba.
Votre deuxième question portait sur l'exploitation des enfants, un sujet extrêmement délicat.
L'hon. Paddy Torsney: Au Canada aussi.
Mme Suzanne Laporte: Au Canada aussi, vous avez tout à fait raison.
Ce dossier est lié à l'économie, à l'emploi. Nous faisons tout ce que nous pouvons — par le biais du programme de coopération — pour favoriser la croissance économique du pays et, partant, la création d'emplois. Cela dit, nous espérons que l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales ne deviendra pas un enjeu. C'est un point sur lequel nous insistons dans nos discussions.
À (1010)
L'hon. Paddy Torsney: Je me demande si nous prenons des mesures pour éviter que les Canadiens ne fassent partie du problème. Est-ce que le ministère des Affaires étrangères renseigne les voyageurs qui se rendent à Cuba? Je n'ai pas vérifié son site Web. Après tout, des poursuites peuvent être intentées en vertu de la loi canadienne. Je ne sais pas si Cuba intente des poursuites contre ceux qui exploitent les enfants. Cette situation, bien qu'elle puisse être exacerbée par les conditions économiques, est tout à fait inacceptable.
Le président: Ce sera la dernière question, car le sous-comité a convenu de se réunir à huis clos afin de poursuivre la discussion sur Cuba et examiner la motion de M. Comartin.
Vous pourriez peut-être répondre à la question.
[Français]
M. Christian Lapointe: Madame, vous avez tout à fait raison. Je crois qu'on ne pourra pas empêcher, ni chez nous ni chez eux, les gens qui prennent le risque de s'adonner à des activités que la loi considère criminelles.
À Cuba, en particulier, cela fait partie des valeurs cubaines, qui sont criées sur tous les tons à tous les jours. Affaires étrangères Canada l'a indiqué dans son avis aux voyageurs. Nous avons été confrontés nous-mêmes à des situations où des Canadiens ont été arrêtés pour ce genre d'activités. Les responsables cubains nous ont dit que les Canadiens ne seraient pas mieux traités que leurs propres citoyens lorsqu'ils seraient arrêtés pour de telles activités. Ce sont des types d'activités pour lesquelles le régime cubain ne fait pas beaucoup de compromis. Cela ne signifie pas que rien ne se passe, mais je peux vous dire, pour avoir servi comme diplomate pendant plusieurs années à Cuba, que les gens qui prennent ce genre de risque prennent de très grands risques à Cuba.
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
J'aimerais également remercier les témoins d'être venus nous rencontrer. Encore une fois, nous tenons à nous excuser pour les quelques difficultés que nous avons éprouvées.
Nous allons suspendre les travaux pendant quelques minutes et laisser partir les témoins. Nous nous réunirons ensuite à huis clos.
M. Jamal Khokhar: Monsieur le président, puis-je faire un dernier commentaire?
Le président: Allez-y.
M. Jamal Khokhar: Le travail qu'accomplit le comité — et je ne le dis pas uniquement parce nous avons des observateurs — et l'intérêt que portent les députés de tous les partis aux préoccupations profondes et sérieuses que soulève la situation des droits de la personne à Cuba contribuent grandement à démontrer que cet enjeu n'est pas uniquement une question de politique étrangère qui intéresse les hauts fonctionnaires, mais un sujet qui intéresse les Canadiens de toutes les régions du pays, peu importe leur appartenance politique. Cela nous permet de bien faire comprendre à nos collègues de Cuba que ce dossier n'est pas simplement une question de discussion, mais le reflet de notre politique étrangère dans la région en général.
Donc, merci pour le travail que vous accomplissez et pour l'intérêt que vous attachez à ce dossier.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons suspendre nos travaux. J'Invite toutes les personnes présentes, sauf un membre du personnel de chacun des membres du comité, à quitter la salle pour que nous puissions nous réunir à huis clos.
[La réunion se poursuit à huis clos.]