SDEV Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 9 décembre 2004
¿ | 0915 |
Le président (L'hon. David Kilgour (Edmonton—Mill Woods—Beaumont, Lib.)) |
M. Alex Neve (secrétaire général, Section anglaise, Amnistie internationale (Canada)) |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD) |
¿ | 0920 |
Le président |
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ) |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
Le président |
Mme Mélanie Bizet (coordonnatrice des campagnes, Section canadienne francophone, Amnistie internationale (Canada)) |
Le président |
Mme Lucie Lortie (agent des relations avec les collectivités, CUSO Québec) |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
Le président |
Mme Marie-Hélène Côté (membre du Comité, Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Juarez, À titre individuel) |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
Le président |
Mme Marie-Hélène Côté |
Mme Gisèle Bourret (conseillère, Fédération des femmes du Québec) |
Le président |
L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.) |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
¿ | 0935 |
L'hon. Paddy Torsney |
Le président |
Mme Marie-Hélène Côté |
¿ | 0940 |
Le président |
Mme Marie-Hélène Côté |
Le président |
Mme Marie France Labrecque (membre du Comité, Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Juarez, À titre individuel) |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
¿ | 0955 |
Le président |
Mme Mélanie Bizet |
À | 1000 |
Le président |
Mme Cheryl Hotchkiss (militante des droits de la personne, Amnistie internationale (Canada)) |
Le président |
Mme Cheryl Hotchkiss |
À | 1005 |
Le président |
Mme Cheryl Hotchkiss |
Le président |
Mme Gisèle Bourret |
À | 1010 |
Le président |
À | 1015 |
Mme Gisèle Bourret |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
Le président |
Mme Rita Acosta (Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel) |
À | 1020 |
Le président |
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC) |
Le président |
Mme Rita Acosta |
M. Peter Goldring |
Le président |
M. Peter Goldring |
À | 1025 |
Le président |
M. Peter Goldring |
Le président |
M. Alex Neve |
M. Peter Goldring |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
M. Peter Goldring |
Le président |
M. Alex Neve |
M. Peter Goldring |
Le président |
M. Alex Neve |
M. Peter Goldring |
M. Alex Neve |
M. Peter Goldring |
Le président |
Mme Rita Acosta |
À | 1030 |
Le président |
Mme Marie-Hélène Côté |
M. Peter Goldring |
Le président |
Mme Lucie Lortie |
Le président |
M. Marcus Pistor (attaché de recherche auprès du comité) |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
À | 1035 |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
Mme Diane Bourgeois |
À | 1040 |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
Le président |
M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.) |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
Le président |
L'hon. Paddy Torsney |
Le président |
L'hon. Paddy Torsney |
Le président |
M. Navdeep Bains |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
À | 1045 |
Le président |
Mme Gisèle Bourret |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
Mme Gisèle Bourret |
L'hon. Ed Broadbent |
Mme Gisèle Bourret |
L'hon. Ed Broadbent |
À | 1050 |
Le président |
Mme Gisèle Bourret |
Le président |
L'hon. Paddy Torsney |
Le président |
L'hon. Paddy Torsney |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
M. Navdeep Bains |
Mme Marie France Labrecque |
À | 1055 |
M. Navdeep Bains |
Le président |
M. Alex Neve |
Le président |
M. Navdeep Bains |
Le président |
Mme Gisèle Bourret |
M. Navdeep Bains |
Le président |
M. Alex Neve |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
Á | 1100 |
Le président |
L'hon. Paddy Torsney |
Le président |
L'hon. Paddy Torsney |
Le président |
M. Navdeep Bains |
Mme Diane Bourgeois |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
L'hon. Paddy Torsney |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
Le président |
CANADA
Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 9 décembre 2004
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0915)
[Français]
Le président (L'hon. David Kilgour (Edmonton—Mill Woods—Beaumont, Lib.)): Chers collègues... Vous voulez présenter M. Broadbent à vos témoins, madame Bourgeois?
[Traduction]
Avant de commencer, j'aimerais signaler aux fins du compte rendu que c'est aujourd'hui la Journée internationale des Nations Unies de lutte contre la corruption, et que Transparency International Canada et le Conseil canadien pour le commerce international ont souligné le premier anniversaire de la Convention internationale sur la lutte contre la corruption, des Nations Unies. À ce jour, 106 pays ont signé la Convention; 16 pays, dont le Canada, doivent encore le ratifier avant qu'elle puisse entrer en vigueur.
[Français]
La convention est la culmination de trois ans de négociations et de travail et
[Traduction]
de normes internationales élevées relativement à l'intégrité, à la transparence et à l'imputabilité du secteur public et des entreprises.
Chers collègues, je pense que vous savez tous que le Canada a participé très activement à d'autres initiatives de lutte contre la corruption, comme la Convention de l'OCDE de lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales et la Convention inter-américaine contre la corruption.
Je n'en dirai pas plus, mais c'est un anniversaire, et j'espère que vous n'êtes pas fâchés que j'aie pris quelques instants pour en parler.
Nous sommes très honorés aujourd'hui d'accueillir un groupe de témoins distingués. Puis-je demander, mesdames, et monsieur Neve, que vous leviez la main quand je dirai votre nom, pour que nous sachions un peu mieux qui est qui?
[Français]
Nous recevons, d'Amnistie internationale, Mélanie Bizet, coordonnatrice des campagnes, Section canadienne francophone.
[Traduction]
Alex Neve, secrétaire général, section anglaise, n'est pas à la table. Y a-t-il pas de place pour vous?
M. Alex Neve (secrétaire général, Section anglaise, Amnistie internationale (Canada)): Il n'y a pas de place pour un homme à cette table.
[Français]
Le président: Cheryl Hotchkiss, militante des droits de la personne, est aussi d'Amnistie internationale.
Nous entendrons également Lucie Lortie, agent des relations avec les collectivités à CUSO Québec; Gisèle Bourret, de la Fédération des femmes du Québec; Rita Acosta, du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Marie-France Labrecque, membre du Comité québécois de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez et de la Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez, témoignera à titre personnel. Quant à Marie-Hélène Côté, elle est aussi membre du Comité québécois de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez et de la Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez.
J'espère que je n'ai oublié personne.
Il est inscrit que Mélanie Bizet va commencer. Est-ce que cela vous va? Est-ce que Mélanie est prête à commencer? Vous aurez cinq minutes chacun et les questions suivront.
Allez-y.
L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD): Monsieur le président, si vous le permettez, j'aimerais vous faire part d'une observation. C'est vous qui avez fait remarquer que tous les témoins d'aujourd'hui sont des femmes. D'après mon expérience récente, la majorité des militants et militantes dans le domaine des droits de la personne sont des femmes. C'est une évolution intéressante.
Au Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, où j'étais au cours des dernières années, j'ai remarqué une grande augmentation du pourcentage de femmes. Je crois qu'elles sont en majorité.
¿ (0920)
Le président: Je me dois de donner la parole à Mme Bourgeois parce que c'est elle qui a insisté pour que vous soyez ici aujourd'hui.
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur Broadbent, votre remarque est très judicieuse. Ce sont en effet surtout les femmes qui se battent pour faire reconnaître les droits, et même les droits fondamentaux, des êtres humains. Toutefois, nos jeunes hommes sont en train de faire beaucoup de progrès dans ce sens.
Monsieur le président, je voudrais vous remercier très sincèrement de nous permettre de prendre connaissance de ce dossier qui est extrêmement important pour le sous-comité parce que, grâce à l'ALENA, nous avons des liens très étroits avec le Mexique, ainsi qu'avec la Commission interaméricaine. Enfin, nous vivrons l'an prochain le troisième volet de la Marche mondiale des femmes. Ces dernières se battent pour enrayer la violence et pour améliorer la qualité de vie de leur famille. On sait que les hommes en profitent aussi beaucoup.
À mon avis, ce sous-comité devra adopter ce matin des positions très claires afin de demander au gouvernement canadien de se prononcer sur les valeurs que véhiculera la Marche mondiale des femmes, et de mettre en application les principes que le Canada défend dans le monde. Dieu sait qu'il en défend! Ma collègue libérale et moi arrivons du Kenya, où le Canada a montré qu'il voulait la paix et qu'il voulait défendre les droits humains.
Merci, monsieur le président, de nous donner cette occasion.
Le président: Merci beaucoup. D'abord, je pense qu'Amnistie internationale a préparé une motion. Nous pourrions peut-être en discuter.
Mme Diane Bourgeois: Amnistie internationale a préparé une motion, monsieur le président, et je crois que cela a été fait en collaboration avec les femmes qui viennent nous présenter leur dossier sur Ciudad Juárez. J'aimerais que nous en discutions.
Le président: D'accord. On passe directement à Mélanie Bizet.
Mme Mélanie Bizet (coordonnatrice des campagnes, Section canadienne francophone, Amnistie internationale (Canada)): Lucie Lortie va commencer.
Le président: Comme vous voulez. C'est vous qui choisissez.
Mme Lucie Lortie (agent des relations avec les collectivités, CUSO Québec): Bonjour. Je voudrais d'abord remercier le sous-comité d'accepter de nous recevoir ici ce matin. Nous sommes vraiment très honorées. Merci de nous permettre de venir parler de la situation que vivent les femmes à Juárez particulièrement et depuis peu à Chihuahua, deux villes de l'État du Chihuahua, au Mexique.
Je m'appelle Lucie Lortie. Je travaille pour CUSO, un organisme de coopération internationale. Je suis également membre du Comité québécois de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez.
La question des droits des femmes du Sud est au coeur de la programmation de CUSO, le plus important organisme canadien d'envoi de coopérants et de coopérantes. Les nombreux projets qu'a menés CUSO au cours des années, en collaboration avec des organismes de femmes du Mexique, et sa participation active dans l'organisation de la Marche mondiale des femmes dans les pays d'Amérique latine ont favorisé le renforcement des alliances entre les groupes de femmes du Mexique et du Québec.
La venue au Québec de la coopérante Sud-Nord de CUSO Québec Miriam Martinez Mendez, à l'automne 2002, en tant que déléguée au comité de femmes de l'Alliance sociale continentale et son travail au secrétariat de la Marche mondiale des femmes ont contribué à la recherche d'alternatives économiques pour les femmes face à la mondialisation, en plus de contribuer à la sensibilisation du public québécois aux conséquences de la mondialisation pour les femmes mexicaines.
Pendant trois mois, Mme Mendez a donné une série de conférences au Québec sur la violence qui est faite en toute impunité aux femmes de Ciudad Juárez. Sur le plan international, elle a également fait la promotion de la campagne Ni una muerta mas, ce qui signifie « Pas une morte de plus », qui a été lancée par des organismes mexicains de défense des droits de la personne, des groupes de femmes et des associations de mères de victimes de Ciudad Juárez. Au Québec, plusieurs groupes de femmes ainsi que des syndicats ont soutenu cette campagne.
Je vais aborder la question du féminicide à Juárez. Laissez-moi d'abord vous situer afin de mettre en évidence certains facteurs qui alimentent la violence et l'impunité dans cette ville mexicaine. Je précise que plusieurs informations ont été tirées du rapport déposé par la Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez en avril 2004.
Depuis 1993, les villes de Chihuahua et surtout de Juárez, toutes deux situées dans l'État du Chihuahua, au Mexique, vivent une telle situation de violence aiguë et inusitée envers les femmes que l'on parle maintenant de féminicide. Dans son rapport datant du mois d'août 2003, Amnistie internationale, à la suite d'une enquête effectuée sur le terrain, faisait état d'environ 370 femmes assassinées. Au moins 137 d'entre elles auraient subi des sévices sexuels avant d'être tuées, et 70 n'auraient pu être identifiées. À ces 370 femmes s'ajoutent plus de 400 jeunes femmes qui manqueraient toujours à l'appel. Depuis le mois d'août 2003, d'autres corps ont été retrouvés. La majorité des victimes étaient jolies et âgées de 15 à 25 ans. Elles étaient minces et avaient les cheveux longs. Toutes étaient issues de familles pauvres, et plusieurs d'entre elles n'étaient pas originaires de la ville de Juárez. La plupart des corps retrouvés portaient la trace des violences extrêmes qui leur avaient été infligées: viols, morsures aux seins, marques d'étranglement, coups de poignard, crânes fracassés. Souvent, les visages étaient démolis et parfois les corps calcinés. Souvent, c'étaient les habitants de la ville qui découvraient les corps abandonnés dans des fossés ou sur des terrains vagues, au milieu du désert.
Nous nous référons principalement au rapport d'Amnistie internationale parce que nous considérons que les enquêtes menées par cet organisme sont toujours faites avec rigueur. Parmi les hypothèses retenues, il y a l'implication de trafiquants de drogue, du crime organisé, de gens qui habitent aux États-Unis. Il y a aussi des rumeurs selon lesquelles les responsables seraient protégés. Certains parlent de satanisme, de commerce illicite de films pornographiques, et des accusations de trafic d'organes humains circulent également. Cependant, les enquêtes n'ont pas encore permis de confirmer l'une ou l'autre de ces hypothèses.
À Ciudad Juárez, plusieurs facteurs semblent contribuer à alimenter la violence envers les femmes et l'impunité dont jouissent les coupables. Juárez est une ville frontalière de 1,3 million d'habitants située dans une région désertique de l'État du Chihuahua, à la frontière des États-Unis.
¿ (0925)
Depuis la signature de l'ALENA, cette ville est devenue la plus importante zone franche industrielle de tout le Mexique.
En 2003, il y avait 269 maquiladoras--ce sont des usines d'assemblage--employant 197 000 travailleurs et travailleuses. Selon les statistiques officielles, les femmes occupent près de 50 p. 100 des emplois disponibles et ont en moyenne de 20 à 22 ans. Plusieurs de ces femmes en quête de travail arrivent des États intérieurs du pays. Elles viennent avec leur famille grossir les bidonvilles construits en périphérie de la ville, là où une extrême pauvreté touche le quart de la population et où les services de base sont absents.
À Juárez, bien que le coût de la vie soit élevé, les salaires dans les maquiladoras ne dépassent pas quatre dollars américains par jour pour 10 heures de travail dans des conditions misérables qui ne respectent pas les lois nationales et internationales du travail. L'agrandissement anarchique de la ville s'est fait sans véritable développement des infrastructures et des services.
Les maquiladoras puisent à même ce bassin de population appauvrie la main-d'oeuvre dont elles ont besoin, mais ne participent en rien au développement de la ville, malgré tous les avantages dont elles bénéficient. Un travail considérable serait à faire, notamment au niveau de l'amélioration des infrastructures, le pavage et l'éclairage des rues.
Même le système de transport qui est destiné aux ouvrières et ouvriers de maquiladoras n'est pas aussi sécuritaire que le prétendent les propriétaires. Parmi les nombreuses victimes retrouvées, plusieurs étaient ouvrières dans ces usines d'assemblage. Il n'est pas rare que des jeunes femmes disparaissent au sortir de leur quart de travail--au petit matin, la nuit et même en plein jour--, sans que personne ne s'en rende compte.
Il faut mentionner également la présence dans cette ville, depuis 1993, d'un cartel de drogue, le plus puissant du Mexique, ainsi que la présence de centaines de bandes de rues dont les membres oeuvrent souvent à la solde des narcotrafiquants. À Juárez, les règlements de comptes sont nombreux et la corruption, bien implantée.
Enfin, il y a le fait que la domination masculine traverse l'ensemble des organisations de la société. La violence à l'égard des femmes s'exprime tant dans le milieu domestique qu'en milieu de travail. Chaque année, les plaintes déposées pour viol sont nombreuses. De plus, le harcèlement sexuel sur les lignes de montage tout comme les menaces de congédiement proférées par les superviseurs et les patrons de maquiladoras à celles qui refusent leurs avances sont un phénomène courant.
La pauvreté augmente la vulnérabilité des jeunes femmes. Les statistiques nationales de 1998 classaient cette ville comme la ville la plus violente de tout le Mexique.
En terminant, je dirai que les nombreuses enquêtes qu'ont menées à Juárez les instances internationales et les ONG de défense des droits humains évoquent des irrégularités dans la procédure des enquêtes, qui sont souvent bâclées et mal menées par la police mexicaine. Elles évoquent aussi l'emprisonnement de présumés coupables sans preuves suffisantes et l'utilisation de la torture pour obtenir des aveux. Ce contexte favorise le maintien de l'impunité et celui de la violence faite aux femmes sans défense. Merci.
¿ (0930)
Le président: Merci beaucoup, madame. Qui veut parler à présent?
Madame Côté.
Mme Marie-Hélène Côté (membre du Comité, Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Juarez, À titre individuel): Bonjour. Je représente le Comité québécois de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez. Je vais donc vous parler un peu du comité et des actions qu'il a entreprises par rapport à cette situation.
Ce sont les mères des victimes, leur famille et des personnes de la société civile qui ont réagi en premier à la situation que vient de nous décrire Lucie Lortie. Elles ont commencé...
Le président: On cherche le texte.
Mme Diane Bourgeois: Mon collègue, semble-t-il, n'a pas le texte.
Le président: Ne vous inquiétez pas, cela arrive souvent.
Tout le monde en a une copie? D'accord.
Mme Marie-Hélène Côté: Ça, c'est le rapport, je crois.
Mme Gisèle Bourret (conseillère, Fédération des femmes du Québec): Je crois que vous avez un extrait du rapport.
Le président: Avez-vous d'autres copies de votre présentation? Il semble que c'est à la page 13. Tout le monde en a une copie maintenant?
[Traduction]
L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Est-ce que c'est dans leur rapport principal?
Le président: Oui.
L'hon. Ed Broadbent: Le sous-titre, c'est « ville frontière, zone franche industrielle ».
[Français]
Le président: Notre greffier dit que c'est à la page 13 en français et à la page 10 en anglais. Tout le monde est satisfait?
Allez-y, madame Côté.
¿ (0935)
[Traduction]
L'hon. Paddy Torsney: Ça commence avec la violence à l'égard des femmes.
Le président: Oui.
[Français]
Mme Marie-Hélène Côté: Merci.
Je disais donc que ce sont les mères des victimes, leurs familles et des personnes de la société civile qui ont d'abord réagi à la situation que vient de nous décrire Lucie Lortie. Elles ont commencé à recenser les victimes. Elles ont mené des recherches et elles ont dénoncé avec acharnement le féminicide, la négligence des autorités, leur mépris à leur égard et l'impunité. Il a fallu que le féminicide de Ciudad Juárez soit aussi dénoncé à l'extérieur du Mexique pour que les autorités mexicaines cessent de l'ignorer et soient forcées de prendre leurs responsabilités plus au sérieux.
En 1998, cinq ans après le début des assassinats, la Commission nationale des droits humains du Mexique a mené une première enquête sur la mort de 81 femmes à Ciudad Juárez. Elle a conclu, entre autres, qu'il y avait eu de la négligence de la part de plusieurs paliers gouvernementaux. Les recommandations qu'elle a émises commencent tout juste à être observées par le gouvernement.
Depuis 1998, trois rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, la rapporteuse spéciale pour les droits des femmes de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, la directrice exécutive de l'UNIFEM et la secrétaire générale d'Amnistie internationale ont fait enquête, ont émis des recommandations et ont rédigé des rapports, sans parler des délégations de solidarité en provenance de différents pays qui se sont rendues à Juárez pour observer la situation et démontrer leur solidarité.
Les associations de familles de victimes et les groupes de la société civile sont unanimes à affirmer que l'internationalisation du drame de Juárez a contribué à assurer leur sécurité et à pousser les autorités mexicaines à agir.
La solidarité internationale joue un rôle important dans ce cas, et les yeux de la communauté internationale ne doivent pas se détourner de Juárez tant que se poursuivront le féminicide et l'impunité.
Le Comité québécois de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez a été fondé il y a deux ans par des femmes impliquées dans la solidarité internationale, le mouvement des femmes et les milieux syndical et universitaire.
Après avoir pris connaissance du féminicide qui se déroule dans l'État de Chihuahua et de l'impunité dont jouissent ses auteurs, nous étions indignées. Nous ne pouvions rester les bras croisés et nous souhaitions entreprendre des actions. En nous basant sur les suggestions des groupes mexicains et des mères des victimes, nous nous sommes donné pour objectif de sensibiliser le public québécois à cette situation, d'organiser une Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez, d'exercer des pressions sur les gouvernements canadien et mexicain et d'exprimer une solidarité concrète aux mères, aux proches des victimes et aux groupes de la société civile mexicaine.
Dès sa première année d'existence, le Comité québécois de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez s'est fait connaître en organisant diverses activités de sensibilisation, comme des conférences, des kiosques d'information, une vigile devant le consulat mexicain à Montréal et des projections du film Juárez: ville d'impunité. Les membres du comité ont aussi accordé des entrevues aux médias et rédigé des articles. Puis, au cours des démarches d'organisation de la Commission québécoise de solidarité, le comité a reçu des appuis de plusieurs individus et organisations communautaires, syndicales et religieuses, du mouvement des femmes et de la solidarité internationale. Il a également commencé à tisser des liens avec des groupes mexicains.
La Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez a effectué un séjour dans les villes de Juárez et Mexico entre les 5 et 15 février 2004. Elle était composée de Rita Acosta, du Mouvement contre le viol et l'inceste et du Regroupement québécois des CALACS; de Diane Bourgeois, qui était alors porte-parole du Bloc québécois en matière de condition féminine; de Gisèle Bourret, de la Fédération des femmes du Québec; de Claudette Carbonneau, la présidente de la Confédération des syndicats nationaux; de moi-même, Marie-Hélène Côté, alors du Comité chrétien pour les droits humains en Amérique latine; de Martine Forand, productrice et réalisatrice du film Juárez: ville d'impunité; de Marie France Labrecque, professeur d'anthropologie et chercheuse à l'Université Laval.
Tout au long de leur séjour au Mexique, les membres de la commission ont rencontré des représentantes et des représentants d'organismes qui luttent contre l'impunité et la violence envers les femmes et qui travaillent à défendre les droits humains et les droits des travailleuses.
¿ (0940)
Les membres ont aussi recueilli des témoignages de mères de victimes, de leurs proches ainsi que de personnes dénonçant l'insécurité et le modèle de développement de la ville de Juárez. Elles ont été reçues par des représentantes et des représentants de certaines autorités municipales et fédérales. Elles ont fait deux conférences de presse, l'une à Juárez et l'autre à Mexico, et ont accordé des entrevues à plusieurs médias mexicains. Certaines d'entre elles ont participé à la grande marche et aux activités du V-Day, le 14 février, à Ciudad Juárez.
À son retour du Mexique, la commission a rédigé un rapport, que vous avez en main, dans lequel sont résumées ses rencontres et ses observations et où elle présente des pistes d'action. Le rapport a été traduit vers l'anglais et l'espagnol, et il a été diffusé au Québec ainsi qu'au Mexique.
Presque un an après le séjour de la commission au Mexique, les pistes d'action proposées ont été suivies et les membres de la commission et du comité continuent leur travail de sensibilisation et de pressions politiques. La rencontre d'aujourd'hui figurait parmi les actions de pressions politiques proposées. J'en profite pour vous remercier de nous accorder cet espace. De plus, nous sommes allées rencontrer les consul et vice-consul mexicains à Montréal, à deux reprises, afin de leur faire part de nos préoccupations et de leur demander ce que fait le gouvernement mexicain pour que cessent le féminicide et l'impunité.
Nous avons fait circuler des pétitions et des lettres destinées au président Vicente Fox et à d'autres autorités mexicaines, et nous avons envoyé une lettre, accompagnée du rapport de la commission, à la Commission interaméricaine des droits de l'homme. De même, nous avons organisé une importante activité de sensibilisation au début septembre de cette année. Nous avons invité Patricia Cervantes, une mère de victime de la ville de Chihuahua, militante de l'organisation Justicia Para Nuestras Hijas, à faire une tournée au Québec, dans les villes de Montréal et Québec. La tournée a commencé par un spectacle de solidarité auquel ont participé plusieurs artistes locaux, et Patricia Cervantes y a livré un témoignage émouvant. Le spectacle a attiré 400 personnes, qui en sont ressorties informées et très émues. Ensuite, lors de la tournée, Patricia Cervantes a rencontré plusieurs centaines de personnes de différents milieux, qui ont toutes montré leur indignation face à la situation et leur empathie pour les mères des victimes.
Enfin, encore cette semaine, à l'occasion du 6 décembre, nous avons tenu des kiosques d'information et nous avons recueilli des signatures pour une lettre au président Fox. Nous sommes déterminées à demeurer vigilantes et actives en solidarité avec les femmes mexicaines jusqu'à ce que cesse le féminicide et que ses coupables soient identifiés, jugés et punis.
Par conséquent, nous demandons que le premier ministre, Paul Martin, le ministre des Affaires étrangères, Pierre Pettigrew, la ministre de la Coopération internationale, Aileen Carroll, le ministre du Commerce international, Jim Peterson, ainsi que tous les autres représentants et représentantes du gouvernement du Canada abordent les questions du féminicide dans l'État de Chihuahua, des violations des droits humains et de l'impunité dans leurs échanges et leurs rencontres avec des représentants et représentantes du gouvernement mexicain, notamment qu'ils s'informent de l'état de la situation au niveau des assassinats et des disparitions, ainsi que du processus d'enquête en cours, et voient quel type de collaboration pourrait être développé en cette matière. Merci.
Le président: Merci beaucoup. Merci aussi d'avoir lu votre recommandation. Voulez-vous lire l'autre recommandation, madame Côté? Vous en avez deux.
Mme Marie-Hélène Côté: Non, merci. Une autre personne la lira.
Le président: Je donne maintenant la parole à Mme Labrecque. Cette fois-ci, on a trouvé tous les documents. Tout est réglé. Vous pouvez commencer, madame.
Mme Marie France Labrecque (membre du Comité, Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Juarez, À titre individuel): Très bien. Je vais commencer au deuxième paragraphe, pour ceux qui ont le texte. On m'a déjà présentée. Je parle en mon nom personnel, mais aussi en tant que membre de la Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Juárez.
¿ (0945)
Mon intervention porte sur les mesures que le gouvernement mexicain a prises pour mettre fin à l'impunité qui règne dans les villes de Juárez et de Chihuahua depuis que le problème a été porté à l'attention des organisations internationales des droits humains. En me basant sur mon expérience de même que sur les analyses des ONG et d'autres observateurs, je vais tenter de faire ressortir le caractère inadéquat ou insuffisant de ces mesures.
En gros, ce que les organisations nationales et internationales ont exigé du gouvernementmexicain peut se résumer en quatre points: premièrement, faire des recherches sur les crimes contre les femmes de même que sur les disparitions ettrouver les coupables; deuxièmement, prendre des sanctions contre les responsables de tels crimes avec toutes les garantiesconcernant leurs droits; troisièmement, apporter réparation et appui aux victimes et à leurs familles; quatrièmement, prévenir la violence contre les femmes.
Rappelons que lors de la visite effectuée à Juárez et Mexico par notre commission en février2004, aucun représentant gouvernemental n'a nié l'existence des meurtres et des disparitions àJuárez. Cependant, tous ont tenté de minimiser leur ampleur de façon à atténuer le fait que nousassistons, au Mexique, à l'effondrement de l'État de droit, du moins dans le domaine de la justice,problème qui permet l'existence et la pérennité de l'impunité. Tous les représentantsgouvernementaux affirmaient que les meurtres et disparitions avaient cessé, alors que lesreprésentants de la Commission nationale des droits humains du Mexique, les membres des ONGet les informations des médias disaient exactement le contraire.
Les discours des représentantsgouvernementaux, et particulièrement de ceux de l'appareil judiciaire, laissaient entendre que lasécurité était grandement améliorée et que les meurtres et disparitions étaient en voie de solution.Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que jusqu'à maintenant, une seule personne a été condamnée en relationavec une dizaine de meurtres parmi les quelque 400 qui nous concernent ici. Pourtant, onconsidère que la plupart des meurtres sont solutionnés. Il faut savoir que dans le contexte quinous intéresse, un meurtre solutionné veut dire qu'il a passé l'étape de l'enquête préliminaire sansqu'il y ait encore eu procès ou condamnation. De plus, il y a des soupçons fondés et dénoncésnotamment par la Commission nationale des droits humains du Mexique selon lesquels despersonnes seraient passées aux aveux en rapport avec les meurtres sous le coup de la torture.
Dans nos rencontres, les représentants gouvernementaux ont beaucoup insisté sur le fait qu'unecommissaire spéciale pour la prévention et l'éradication de la violence contre les femmes,Guadalupe Morfín Otero, avait été nommée en octobre 2003 et était chargée de superviser etcoordonner toutes les actions engagées dans le but d'élucider les disparitions et assassinats defemmes à Ciudad Juárez. On insistait aussi sur la nomination en janvier 2004, par le procureurgénéral de la république, de María Luisa Urbina, procureure spéciale qui enquêterait sur lescrimes en question. Auparavant, soit en juillet 2003, le gouvernement fédéral avait émis unprogramme d'action de collaboration pour prévenir et éradiquerla violence contre les femmes à Ciudad Juárez, connu sous le nom du Programme des 40points. Ce programme compte trois types d’action: premièrement, des actions en rapport avecl'administration de la justice; deuxièmement, des actions en matière de promotion sociale; troisièmement, des actions enfaveur des droits humains des femmes à Ciudad Juárez.
On ne peut donc pas dire que le gouvernement mexicain ne fait rien par rapport à la situation.Cependant, notons tout de suite que la ville de Chihuahuaest exclue du Programme des 40 points, alors que nous savons que des meurtres de même nature que ceux deJuárez y sont perpétrés. Aussi, de l'aveu même de la commissaire Morfín, lorsque nous l'avonsrencontrée, les ressources financières et humaines à sa disposition sont largement insuffisantesen regard de la tâche à accomplir. Elle l'a d’ailleurs répété dans son premier rapport administratif,publié en juin 2004. Tout ce qu'elle peut faire, c'est écouter les doléances des familles et desONG et en prendre note. Son autorité n'est que morale.
Pour sa part, la procureure spéciale María Luisa Urbina n'a comme mandat que d'enquêter surles cas relevant du fédéral. Au Mexique, chaque État jouit de la souveraineté en vertu de laConstitution.
¿ (0950)
Il y a trois paliers administratifs, et il est clair que cela vient compliquer l'administration de la justice. Bien entendu, la souveraineté nationale empêche une pleine participation du FBI. En plus, les divisions entre les deux partis traditionnels, le Parti révolutionnaire institutionnel--le PRI--et le Parti de l'action nationale--le PAN--, de même que leur alternance au pouvoir de l'État et de la municipalité font qu'ils se blâment mutuellement pour les crimes plutôt que de travailler de concert à leur élucidation.
Malgré tout, la procureure spéciale a été en mesure d'établir qu'il y avait eu négligence de la part d'une centaine de fonctionnaires à tous les niveaux de l'administration de la justice, particulièrement au niveau de l'État de Chihuahua. La commissaire spéciale a même affirmé dans son rapport que l'impunité n'avait pu perdurer qu'avec la complicité de fonctionnaires, de civils et de militaires.
Certains observateurs, en faisant allusion au crime organisé, évoquent la présence d'un État dans l'État, qui veut démontrer par la perpétration de ces crimes qu'il peut contrôler l'État de droit. Par contre, à ce jour, aucun fonctionnaire dénoncé n'a été inculpé et il semble que les mesures punitives annoncées ne seront prises que contre les fonctionnaires les plus bas dans la hiérarchie.
Le gouvernement fédéral s'est aussi engagé à mettre fin à la torture pour obtenir des aveux à propos des crimes. Cependant, il semble que ces pratiques n'aient pas cessé, pas plus que celles qui visent à discréditer les familles des victimes qui réclament que justice et réparation soient faites.
Enfin, le gouvernement s'était aussi engagé à ce qu'une banque d'ADN soit créée, de même qu'une liste nationale de femmes disparues. Il semble que la banque d'ADN soit en voie de constitution, mais qu'elle ait peu servi jusqu'à maintenant ou encore qu'elle n'ait servi qu'à rendre la situation encore plus confuse.
Notre commission a le témoignage direct de Mme Patricia Cervantes de la ville de Chihuahua, qui est venue en tournée au Québec en octobre 2004 et dont la fille, Neyra Azucena, a été assassinée en 2003. La police a remis son corps à sa famille après qu'il eut été identifié par une analyse d'ADN. Dans le doute, la famille a demandé une autre analyse d'ADN, aux États-Unis cette fois, et il s'est avéré que l'ADN de la tête ne correspondait pas à celui du reste du corps. Comme les ONG locales, nous pouvons nous demander à quoi sert une banque d'ADN si les personnes qui la gèrent poursuivent d'autres buts que la justice.
Quant à la liste nationale des femmes disparues, les critères de définition des disparitions sont laissés entre les mains des autorités locales, et celles-ci ne prennent pas toujours au sérieux les cris d'alarme des familles et attendent jusqu'à 72 heures avant d'en tenir compte. Souvent, on va blâmer les victimes plutôt que de chercher les coupables.
Tous ces facteurs, qui découlent d'un manque de volonté politique, font que les crimes contre les femmes continuent à Ciudad Juárez, à Chihuahua et ailleurs. Le 25 novembre dernier, Journée internationale contre la violence faite aux femmes, on a encore retrouvé à Ciudad Juárez les restes d'une femme. En somme, il n'y a pas de progrès substantiel. C'est d'ailleurs une affirmation que faisait l'enquêteur anticorruption d'Espagne et membre d'une mission des Nations Unies à Ciudad Juárez en novembre 2003, Carlos Castresana, qui a été le premier à déposer une plainte contre Pinochet pour violation des droits humains. Un an après sa visite à Ciudad Juárez, soit en novembre 2004, il déclarait à titre personnel qu'il avait peu d'espoir que les crimes soient résolus prochainement, puisqu'il existe au Mexique une négation systématique de la justice pour les victimes, les familles et la société dans son ensemble. Castresana a même évoqué la possibilité que la Cour pénale internationale se penche sur le féminicide de Juárez. On parle ici de crimes de lèse-humanité.
Plusieurs observateurs en appellent à une réforme du système judiciaire mexicain de façon à ce que le ministère public et le Bureau du procureur général de la nation aient davantage de pouvoirs et puissent traiter des cas où la victime est assassinée en raison de son genre, de la misogynie de la société ou de discrimination individuelle ou collective.
En conclusion, dans un contexte comme celui que je viens d'évoquer, il est important de maintenir la solidarité internationale afin d'attirer l'attention sur cette tragédie, qu'elle ne soit pas minimisée et que les femmes n'en deviennent pas plus à risque ou plus vulnérables.
En tant que partenaire économique du Mexique, le Canada doit continuer de promouvoir l'importance du droit international dans le domaine des droits humains. Il doit aussi s'assurer que l'État mexicain soit véritablement un État de droit et qu'il respecte ses engagements en regard des conventions internationales qu'il a signées et qu'il a ratifiées.
¿ (0955)
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, madame Labrecque. Ce que vous nous avez dit est très important.
Je vais maintenant donner la parole à Mme Mélanie Bizet, qui va nous faire la présentation de son document.
Mme Mélanie Bizet: Je m'appelle Mélanie Bizet et je représente la section canadienne francophone d'Amnistie internationale. Je suis la coordonnatrice des campagnes.
Voilà maintenant près de 11 ans que Ciudad Juárez connaît un cycle infernal d'enlèvements et d'assassinats de jeunes femmes. Amnistie internationale a participé activement à la mobilisation internationale pour dénoncer ces crimes et lutter contre l'impunité. En 2003, Amnistie publiait son rapport intitulé Mexique. Des assassinats intolérables: depuis 10 ans des femmes sont enlevées et tuées à Ciudad Juárez et à Chihuahua. De nombreuses actions ont été menées à travers le monde et au Canada pour faire pression sur le gouvernement mexicain, notamment dans le cadre de la campagne mondiale Halte à la violence contre les femmes, qui se déroule actuellement.
Au Canada francophone, nous avons fait un important travail de sensibilisation, notamment avec le Comité québécois de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez, mais nous avons aussi participé activement aux actions auprès du gouvernement mexicain. Nous avons fait l'envoi de lettres et répondu à des actions urgentes. Nous avons fait signer des pétitions dans tout notre réseau, par l'entremise de nos membres et de nos sites Internet.
À la suite de pressions nationales et internationales, le gouvernement fédéral a enfin entrepris de mettre en oeuvre un ensemble de mesures visant à prévenir et à poursuivre judiciairement les actes de violence à l'encontre des femmes de Ciudad Juárez--comme nous venons de le voir--, mais Amnistie internationale reste toujours préoccupée par certains points essentiels.
Tout d'abord, Amnistie déplore le fait que les affaires concernant la ville de Chihuahua n'aient pas été complètement intégrées dans le train des mesures. De plus, Amnistie déplore l'absence de tout réexamen judiciaire des cas d'abus, comme lorsqu'il y a torture, d'où s'ensuivent des erreurs judiciaires manifestes et l'impunité. Aucune enquête n'a été menée sur les allégations de torture multiples et répétées émanant de suspects détenus et interrogés par la police judiciaire d'État. En conséquence, les enquêtes perdent de leur crédibilité, le système judiciaire est discrédité et les droits fondamentaux des suspects et des familles des victimes sont violés.
Amnistie internationale recommande donc le réexamen judiciaire indépendant dès lors qu'il est prouvé qu'une atteinte au droit fondamental à un procès équitable a été commise. Tout fonctionnaire tenu responsable d'une atteinte aux droits humains, telle la torture, devrait être traduit en justice.
Amnistie déplore aussi l'insuffisance de l'action visant à tenir compte de la spécificité sexuelle pour chacune des mesures de prévention et d'investigation visant à combattre la violence à l'égard des femmes. Des inquiétudes persistent, en effet, quant à l'incapacité des autorités judiciaires et des autorités chargées des enquêtes, notamment au niveau de l'État, à prendre en compte l'assassinat de femmes et de jeunes filles non plus comme des actes criminels individuels, mais plutôt comme un phénomène s'inscrivant dans un processus à caractère systématique de violence contre les femmes. Les autorités persistant à ignorer les questions relatives aux inégalités entre les sexes et à ne tenir compte ni du milieu social ni de la nature précise de la violence subie par les victimes, les mesures prises en conséquence par l'État n'en ont été que plus restreintes.
Amnistie recommande notamment qu'une réforme de la législation fédérale et d'État soit mise en oeuvre afin d'intégrer dans le cadre juridique les principes de la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme, la Convention de « Belém do Pará ».
Enfin, Amnistie déplore l'incapacité de mettre fin aux campagnes de diffamation ainsi qu'au harcèlement des familles des victimes et des organisations agissant en leur nom. À de multiples reprises, des fonctionnaires de l'État ont cherché à discréditer les organisations de défense des victimes en les décrivant comme immorales, profitant du désarroi des mères et des familles des victimes, et en les accusant d'escroquerie. En cherchant à désolidariser les femmes et à monter les groupes les uns contre les autres, les autorités d'État semblent poursuivre une stratégie qui, à de nombreuses occasions au cours des 10 dernières années, est parvenue à détourner l'attention de l'opinion publique de l'incapacité des autorités à résoudre les affaires et à garantir la sécurité des femmes de Ciudad Juárez et de Chihuahua.
Des décrets officiels devraient, selon Amnistie internationale, être publiés et appliqués au niveau fédéral et de l'État afin d'empêcher les fonctionnaires de faire des déclarations sans fondement. Enfin, bon nombre de familles de victimes et de représentants d'organisations de défense des femmes travaillant avec des proches ont été l'objet de tentatives d'intimidation, de harcèlement et de menaces. Celles-ci devraient faire l'objet d'enquêtes et leurs responsables devraient être traduits en justice.
En conclusion, malgré l'intervention fédérale dans les affaires de Ciudad Juárez, Amnistie estime que les recommandations des organisations nationales et internationales n'ont pas encore été efficacement mises en application. Des enquêtes satisfaisantes doivent être menées sur tous les cas.
À (1000)
Un certain nombre de mesures doivent être prises de façon urgente afin de garantir le droit fondamental des femmes de vivre leur vie sans avoir à craindre la violence et la discrimination.
Le président: La brièveté est également très importante.
Madame Hotchkiss, s'il vous plaît. Je pense que nous avons tous les documents.
[Traduction]
Vous allez vous exprimer en anglais?
Mme Cheryl Hotchkiss (militante des droits de la personne, Amnistie internationale (Canada)): Oui.
Le président: Le document s'intitule « Mexique ». Il ne fait qu'une page.
Mme Cheryl Hotchkiss: J'aimerais seulement attirer votre attention sur un aspect que d'autres ont déjà fait ressortir.
Depuis le milieu des années 1970, le Mexique favorise l'installation de maquiladoras—des usines de montage pour produits d'exportation—, à la frontière des États-Unis, notamment dans la ville de Ciudad Juárez, dans l'État de Chihuahua. Un grand nombre de sociétés transnationales se sont installées au Mexique dans le but de profiter de conditions avantageuses, telles qu'une main-d'oeuvre locale bon marché, des tarifs douaniers faibles, voire inexistants, une classe politique adepte du clientélisme et une réglementation minimale. Les maquiladoras ont connu une forte croissance depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain entre le Mexique et ses voisins du nord en 1995.
Au cours des dix dernières années, plus de 370 femmes ont été tuées dans les villes de Ciudad Juárez et de Chihuahua; au moins 137 d'entre elles ont subi des sévices sexuels avant de mourir. Les autorités reconnaissent aujourd'hui que le sort d'environ 70 femmes reste un mystère. Selon de nombreuses organisations non gouvernementales du Mexique, plus de 400 femmes sont portées disparues. D'autre part, 75 cadavres n'ont toujours pas été identifiés. Certains de ces corps seraient ceux de femmes portées disparues, mais des enquêtes médico-légales manifestement insuffisantes n'ont pas permis de le confirmer.
Les autorités se sont montrées incapables d'exercer la diligence requise pour prévenir les crimes en question, les élucider, en punir les auteurs et mettre en oeuvre des politiques efficaces, dans les domaines de la justice, de la sécurité publique, de la santé et de l'éducation, afin de mettre un terme à ces discriminations et violences systématiques.
Le rapport d'Amnistie internationale rappelle que bon nombre des ces femmes étaient des migrantes économiques originaires d'autres États du Mexique, vivant au sein de communautés marginalisées et travaillant dans les maquiladoras. Des salaires plus élevés que dans les autres industries mexicaines ont attiré vers les maquiladoras de nombreux travailleurs originaires d'autres régions du Mexique, victimes de la pauvreté engendrée par les crises économiques et les restructurations industrielles. Ils se rendent dans cette région dans l'espoir d'y trouver un emploi ou de passer par la suite la frontière américaine.
Selon les chiffres officiels pour l'année 2000, 43 p. 100 des habitants de Ciudad Juárez étaient, à l'origine, des migrants en quête d'un meilleur emploi. Ils ont créé leur propre espèce dans la ville, dans des quartiers caractérisés par la pauvreté, les logements délabrés, des services urbains insuffisants, la criminalité et la pollution. Quand on sait que les femmes victimes de violence appartiennent principalement aux groupes les plus vulnérables, la marginalisation de cette population de migrants est un obstacle majeur au respect des droits des femmes dans la ville de Ciudad Juárez.
Bien que le gouvernement du Mexique ait accueilli l'installation de maquiladoras, il doit maintenant prendre la responsabilité de s'assurer que le citoyen mexicain peut vivre en sécurité dans ces zones de traitement des produits d'exportation. Il doit mettre en oeuvre des normes de protection des droits de la personne pour mettre fin à la tendance aux disparitions, aux meurtres, à la violence contre les femmes à Ciudad Juárez et à Chihuahua.
Je voudrais aussi signaler à votre attention que nous avons apporté un document, en anglais et en français, un mémoire au gouvernement du Mexique, sur les réformes de la constitution et du système de justice criminelle, qui décrit plus en détail certains des problèmes systémiques qui sont à la source des difficultés que vivent Chihuahua et Ciudad Juárez.
À (1005)
Le président: Pouvez-vous nous en laisser un exemplaire?
Mme Cheryl Hotchkiss: J'en ai remis plusieurs au greffier.
Le président: Merci beaucoup, et merci d'avoir été aussi brève.
[Français]
Nous entendrons maintenant Mme Bourret, de la Fédération des femmes du Québec.
Mme Gisèle Bourret: Bonjour. Je vais présenter rapidement la Fédération des femmes du Québec. Ensuite, je vais parler de son implication dans la lutte contre le féminicide, mais aussi, plus globalement, de son implication dans le dossier de la mondialisation. Enfin, je vais terminer en vous soumettant des propositions.
La Fédération des femmes du Québec est née en 1966. Elle aura donc bientôt 40 ans.Dès ses débuts et à l’instar d’autres associations féminines québécoises etcanadiennes, elle a réclamé une enquête nationale sur la situation des femmes auCanada, comme certains d'entre vous s'en souviennent peut-être. Le gouvernement Pearson a donné suite à cette demande et a créé, en février1967, une commission royale d’enquête, la Commission Bird.
Aujourd’hui, la fédération compte environ 650 membres individuels et 150 groupesnationaux, régionaux et locaux. Ainsi, si on tient compte des femmes que rejoignentses groupes membres, on peut dire que la FFQ atteint potentiellement plus de 300 000femmes au Québec.
En 1995, la FFQ a fait une marche contre la pauvreté, la marche « Du Pain et des Roses ». Plus de 800 femmes ont alors marché pendant 10 jours vers Québec, portant 10 revendications visant l’élimination de la pauvreté. La FFQ a aussi été l’instigatrice de laMarche mondiale des femmes en l’an 2000 contre la pauvreté et la violence faite aux femmes. Plus de 5 000 groupes de 163 pays et territoires se sont mobilisés dedifférentes façons pour réclamer l’élimination de la pauvreté et le partage équitablede la richesse, l’élimination de la violence contre les femmes et le respect de leurintégrité physique et psychologique. C’était la première action d’une telle envergureinternationale.
Son implication dans la Marche mondiale des femmes a permis à la FFQ detisser des liens plus étroits avec des groupes de femmes au Canada et dans les Amériques. Ainsi, c’est dans le cadre des suites de la Marche mondiale desfemmes que la FFQ a été sensibilisée aux assassinats et disparitions de femmes àCiudad Juárez, au Mexique.
Quelle a été l’implication de la FFQ dans la lutte contre le féminicide? Entre parenthèses, comme on entend souvent ce terme, je tiens à souligner que, quand on parle de féminicide, on parle de meurtres systématiques de femmes.
D’abord, la FFQ, avec plusieurs de ses groupes membres, a fait circuler la pétitioninternationale « Pas une de plus » pour que cessent le féminicide et la violence contreles femmes à Ciudad Juárez. Cette pétition a recueilli un très grand nombre designatures au Québec.
La FFQ a également nommé une représentante au sein du comité de travail qui s’estformé il y a deux ans et a délégué une représentante à la Commission québécoise de solidarité, dont Marie-Hélène Côté vous a parlé précédemment.
Un suivi régulier a été fait au conseil d'administration de la FFQ et à l'assemblée générale de la FFQ sur cette question de la lutte contre le féminicide et l'impunité. D'ailleurs, à sa dernière assemblée générale, la FFQ inscrivait dans son plan d'action qu'il fallait poursuivre la sensibilisation au féminicide et poursuivre les pressions politiques exercées pour que cesse cette situation de violence.
Depuis plus de trois ans, il existe, au sein de la FFQ, un comité Femmes etmondialisation, dont le mandat est de documenter les effets de la libéralisationéconomique et des accords de libre-échange sur les conditions de vie et de travail desfemmes. Des recherches ont été menées sur cette question, et différents liens se sontdéveloppés avec d’autres groupes de femmes des Amériques, notamment du Mexique.
Unsous-comité de formation ou d’éducation populaire a également été formé et,depuis 2001, des dizaines d’activités de formation ont été réalisées dans tout leQuébec sur l’impact de la mondialisation économique sur les femmes. Chaque fois,le féminicide de Ciudad Juárez et le contexte socioéconomique dans lequel il se situeont été largement abordés. La situation d’exploitation que vivent les ouvrières qui travaillent dansles zones franches au Mexique, particulièrement dans les usines d’assemblage deCiudad Juárez, est intolérable.
À (1010)
De grandes entreprises violent en toute impunité les normes internationales du travail dans cesmaquiladoras, dont la production est strictement destinée à l’exportation. Cesentreprises profitent des infrastructures de la ville où elles sont implantées sans, enretour, participer activement au développement socioéconomique général de cetteville ou de cette région. Pour nous, les zones franches sont l’expression par excellencede la liberté de commerce, qui s’accommode mal de toute contrainte ou entrave enmatière de respect des droits des travailleuses et travailleurs.
La FFQ, avec l’Association québécoise des organismes de coopération internationaleet en partenariat avec le Service aux collectivités de l’Université du Québecà Montréal, est aussi à l’origine d’une formation sur le système interaméricain desdroits de l’homme. Cette formation a eu lieu en mars 2002 et a été dispensée par MeLucie Lamarche, professeure en sciences juridiques à l’UQAM et spécialiste des droitsde la personne.En mai 2002, la Fédération des femmes du Québec a été invitée, comme témoin, àprésenter son point de vue au Comité sénatorial permanent des droits de la personne,lors de l’examen qu’il faisait de la pertinence, pour le Canada, de ratifier la Conventionaméricaine relative aux droits de l’homme.
Enfin, une membre du comité Femmes et mondialisation représente la FFQ auRéseau québécois sur l’intégration continentale. Ainsi, nous avons participéactivement, en septembre dernier, au colloque trinational dont le thème était « Les dix ans del’ALENA: Bilan social et perspectives ». Un comité formé de représentantes dedifférents pays en fera le suivi sur la question spécifique des conditions de vie et detravail des femmes, ainsi que des droits des femmes.
Les recherches et interventions que nous avons menées sur la libéralisation del’économie et les accords de libre-échange et leurs effets sur les femmes ainsi que,plus largement, sur les droits des femmes nous autorisent à soumettre au Sous-comitédes droits de la personne les recommandations suivantes, qui sont d'ailleurs précédées du mot « considérant » pour expliquer et légitimer la proposition.
Voici la première proposition.
Considérant qu’« au niveau international, le gouvernement du Canada travaille,par l'entremise des mécanismes bilatéraux et avec des tribunes multilatérales, àdévelopper des critères et des activités qui avancent de façon efficace les droits et lebien-être des femmes, y compris l'élimination de toutes les formes de violence »-- il s'agit d'un extrait d'un texte figurant sur le site du ministère des Affaires étrangères--, nousrecommandons que le gouvernement du Canada propose au gouvernement mexicain de former uncomité de vigilance sur le féminicide à Ciudad Juárez et dans la ville de Chihuahua.Ce comité devrait être composé de parlementaires de différents partis provenant desdeux pays ainsi que de représentantes de groupes de la société civile canadienne etmexicaine, soit des représentantes de groupes qui luttent pour le respect des droits desfemmes et des droits de la personne, contre la violence à l’endroit des femmes etcontre l’impunité.
Le président: Madame, vous parlez maintenant depuis 10 minutes, et nous avons le texte de votre déclaration. Vous serait-il possible de lire seulement la recommandation?
À (1015)
Mme Gisèle Bourret: D'accord. Deuxièmement, nous recommandons que le gouvernement canadien donne suite aux délibérations du Comité sénatorialpermanent des droits de la personne portant sur la ratification, par le Canada, de laConvention américaine relative aux droits de l’homme et procède à une consultation desgroupes de femmes à l’échelle pancanadienne dans le but d’en arriver, dans lesmeilleurs délais, à l’élaboration d’une clause interprétative ou d’une réserve, s’il y alieu, qui sauvegarde les droits des Canadiennes et des Québécoises au regard du paragraphe 4.1 de la convention.
Troisièmement, nous recommandons que le gouvernement du Canada prenne l’initiative de mettre en place un comité detravail spécialement chargé d’améliorer l’application des mécanismes de l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail, c'est-à-dire l'ANACT, qui est un accord parallèle à l’ALENA, dans le but dele rendre véritablement efficace eu égard à la défense des droits des travailleuses etdes travailleurs.
La FFQ reprend aussi la dernière proposition qu'il y a sur la liste des recommandations: que le Canada ratifie la Convention interaméricaine sur laprévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme, soit la Convention de« Belém do Pará », entrée en vigueur en 1994.
Je vous encourage à lire les considérants, qui sont importants pour bien comprendre l'esprit de la proposition.
Le président: Absolument. Je vous remercie, madame.
Je donne maintenant la parole à Mme Acosta. Malheureusement, madame, comme nous n'avons reçu votre déclaration qu'hier, nous n'avons que la version française. Toutefois, les interprètes nous aideront à la comprendre.
Mme Diane Bourgeois: Je m'excuse, monsieur le président. Pourrais-je obtenir l'accord de mes collègues pour qu'on dépose le document uniquement en français? Les interprètes pourront le traduire en anglais.
Des voix: D'accord.
Mme Diane Bourgeois: Merci beaucoup.
Le président: Madame Acosta.
Mme Rita Acosta (Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel): Merci beaucoup. Je représente le Regroupement québécois des CALACS. Je m'appelle Rita Acosta.
Le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel travaille depuis 25 ans à la dénonciation de la violence sexuelle. Les 26centres membres du regroupementpoursuivent sans relâche leur travail pour assurer un soutien adéquat aux victimes, femmes et filles. L'expertise des CALACS a été mise à contribution lorsque le regroupement a siégé à la commissionqui s'est rendue a Juárez en février dernier. Depuis le retour de cette commission, nous nous sommes donnécomme objectif de sensibiliser la société québécoise à la situation de Ciudad Juárez par les médias, différents groupes communautaires ainsi que différentes instancespubliques gouvernementales.
Le grand nombre de victimes, la persistance des assassinats depuis une décennie, la gravitédes crimes et la complexité des investigations ont mis à l'épreuve le système de justicemexicain, déjà déficient et corrompu.
Les femmes ont le droit à la non-discrimination, le droit de vivre sans violence, le droit à la vie, le droit àl'égalité, le droit à la protection contre toute forme d'exploitation et de violence. Dans les casde Ciudad Juárez, ces droits, reconnus par divers traités internationaux, ont été violés. Cesdroits se retrouvent dans plusieurs conventions internationales comme la Déclaration universelle des droits de l'homme,la Convention américaine relative aux droits humains,le Pacte international des droits civils et politiques, la Convention des droits desenfants, la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes,et la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme, aussi appelée « Convention de Bélem do Pará ».
Nous tenons à mentionner également que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes des Nations Unies a considéré la violence axée sur le genre comme une formede discrimination qui nuit gravement à la capacité des femmes de jouir des droits et libertéssur la base de l'égalité avec les hommes.
Ajoutons à cela la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants en vertu de laquelle tout État quien fait partie veille à ce que tous les actes de torture soient reconnus comme des infractions par le droit pénal.
Les pays membres de ces conventions internationales doivent adopter lesmesures nécessaires afin d'éliminer la discrimination contre les femmes, qu'elle soitpratiquée par des personnes, des organisations ou des entreprises. Voici, dans le cas qui nousconcerne, deux exemples de violation de ces conventions internationales au Mexique.
En tant que regroupement, nous tenons à mentionner que le gouvernement mexicain, par l'entremise du ministère de la Justice fédéral et étatique et leprocureur ont discriminé les victimes et leur famille en négligeant de chercher les jeunesfemmes disparues sous prétexte qu'elles étaient parties avec leurs amoureux.
De plus, l'Institut chihuahuense de la femme, créé par le gouvernement mexicain, a été discriminatoire enclassant les délits commis comme des crimes passionnels.En définissant ces délits comme des crimes passionnels, on banalise la violence sexuelle queles victimes subissent et on empêche que la gravité de la violence exercéecontre les femmes soit reconnue.Le droit des femmes à la vie est bafoué par chaque assassinat nonrésolu, par la disparition de centaines de femmes, par le fait qu'en plus de Juárez et Chihuahua,d'autres villes de l'État du Mexique présentent des cas de féminicide.
La situation que vivent les femmes à Ciudad Juárez et à Chihuahua nous inquiète et nousinterpelle avec une rare intensité.Les CALACS luttent pour éradiquer les agressions sexuelles et visent la diminution des crimes au Québec, au Canada et chez nos soeurs des premières nations,et nous nous sommes donné comme mandat de dénoncer, de sensibiliser et de faire pressionauprès de nos gouvernements afin de demander que justice soit faite.Aussi, nous demandons que les assassinats cessent, que les vrais criminels soient amenés devant la justice,que la banalisation des crimes arrête et que l'impunité cesse.
À la lumière de ces faits, voici nos recommandations.
À cause du concept de diligence raisonnable inclus dans plusieurs conventionsadoptées par la communauté internationale au cours des 10 dernières années afin de combattrela violence contre les femmes, nous recommandons que le gouvernement canadien, reconnu sur le plan internationalcomme un État pacifiste ayant le droit et l'obligation de diligence, brise le silence etsurveille ce qui se passe au Mexique.
À (1020)
Amnistie internationale mentionne dans ses rapports des cas de torture.Également, la Commission nationale des droits humains au Mexique confirme dans sondernier rapport de 2004 les cas de torture infligée aux supposés responsables des assassinats commis à CiudadJuárez. Malgré ces informations, aucune investigation n'a été faite par le gouvernementmexicain.
Nous demandons au gouvernement canadien d'exercer son droit de diligence raisonnableafin de donner suite aux plaintes faites par les différents groupes de la société civilemexicaine concernant les cas de torture et de mauvais traitements à l'endroit des supposéscoupables et de leurs familles.
Nous demandons également que des agents du gouvernement canadien amorcent desnégociations avec les agents mexicains dans le but de procéder à une investigation binationaleafin de faire justice aux femmes assassinées et à leurs familles.
Nous demandons que toutes les relations que le Canada entretient avec le Mexiquecomportent l'exigence du respect des droits humains, en particulier les droitsdes femmes.
Merci.
Le président: Merci, madame.
Je pense que cela complète les témoignages. Nous allons maintenant passer aux questions. Il ne nous reste malheureusement que 40 minutes. En outre, nous tenterons d'adopter des résolutions.
Nous commençons avec notre collègue Peter Goldring, qui parlera au nom de l'opposition officielle.
[Traduction]
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC): Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier, mesdames et messieurs, d'être ici aujourd'hui. Je dois dire que je trouve répugnants ces actes de violence contre les femmes dans la région dont vous parlez.
J'ai moi-même été une quinzaine de fois dans diverses régions du Mexique, et j'ai aussi constaté que ce n'est pas nécessairement une société très sûre. Des voyagistes m'ont déjà avisé de ne pas aller dans certains secteurs parce que je pourrais y être en danger. Alors en comparaison, ce n'est certainement pas le même genre de société que celle du Canada.
En ce qui concerne la région dont vous parlez, vous avez les chiffres du nombre de femmes assassinées depuis une dizaine d'années, mais quel est le nombre comparable d'hommes qui ont pu y être assassinés? Ça nous donnerait un peu une idée du degré de sécurité et de danger que présente cette société. Combien de meurtres d'hommes ont-ils été commis depuis dix ans?
[Français]
Le président: Qui va répondre à cette question, dans la mesure où il est possible de le faire?
Madame Acosta.
Mme Rita Acosta: Je vais essayer d'y répondre. En fait, nous n'avons pas de chiffres exacts en ce qui concerne les hommes. Il est certain que le nombre d'hommes assassinés est relativement élevé: on parle peut-être même du double.
En ce qui nous concerne, nous nous concentrons sur les problèmes spécifiques aux femmes, les viols par exemple. Quand on parle de meurtres d'hommes, on parle d'un tout: le narcotrafic--donc, les règlements de comptes--et les assassinats par des gangs de rues, par exemple. Mais pour les femmes, il s'agit de violences sexuelles...
[Traduction]
M. Peter Goldring: Pardonnez-moi de vous interrompre ici, le temps nous étant compté. J'aimerais approfondir un peu cet aspect, c'est-à-dire que s'il n'y a pas de statistiques sur les assassinats d'hommes dans la région, je pense qu'il pourrait être pertinent pour cette discussion d'avoir un tableau général de la violence qu'a affiché cette société pendant cette période.
Mais j'ai remarqué ici, dans l'un des autres documents...
Le président: Cela ne compte pas sur votre temps, monsieur Goldring.
Nous avons une donnée, ici, selon laquelle le taux d'homicide des femmes comparativement à celui des hommes à Ciudad Juarez est nettement plus élevé que dans d'autres villes au contexte similaire, situées dans la moyenne nationale.
M. Peter Goldring: Qu'est-ce que cela veut dire?
À (1025)
Le président: Eh bien, je pense que c'est ce que nous entendons depuis une heure.
M. Peter Goldring: Eh bien, je sais que c'est nettement plus haut, mais nous aurions une meilleure idée de la situation avec une ventilation des assassinats par sexe.
Je vois ici des chiffres qui manifestement proviennent de recherches visant les femmes, parce que si on peut déterminer si les femmes ont été victimes d'agression sexuelle ou non, ces chiffres doivent provenir de rapports de la police. C'est donc qu'il existe une documentation sur les statistiques, qui nous donnerait une meilleure idée globale.
Le président: Monsieur Neve.
M. Alex Neve: Je viens de voir une mention à ce sujet dans le rapport d'Amnistie internationale, selon laquelle depuis 1993, le nombre de meurtres en général a augmenté considérablement à Cuidad Juarez, parmi les hommes et les femmes, ce qui en fait l'une des villes affichant les taux les plus élevés de violence du Mexique, et que depuis 1993, le nombre de femmes assassinées a augmenté de 400 p. 100, tandis que le nombre de meurtres d'hommes a augmenté de 300 p. 100. À l'échelle nationale, pour dix hommes assassinés, une femme était assassinée il y a dix ans, mais dix ans plus tard, c'est passé d'une femme pour six hommes assassinés.
Il est donc évident que la mesure dans laquelle les femmes risquent d'être victimes de violence et de meurtre augmente beaucoup plus rapidement que pour les hommes.
M. Peter Goldring: Je vous remercie. Ces données supplémentaires me sont utiles.
Il y a aussi un commentaire ici...
L'hon. Ed Broadbent: Si mon collègue le permet, j'aimerais poser une question connexe; cela ne devrait pas compter sur votre temps.
Avez-vous des statistiques qui illustrent les taux de meurtres de femmes dans les districts dont nous avons entendu parler, comparativement à d'autres régions du pays?
Le président: Et aussi l'aspect sexuel, si vous l'avez. Probablement ne l'avez-vous pas.
M. Peter Goldring: Pourrais-je préciser la question, alors? J'y arrivais justement.
Il serait intéressant de voir les taux comparatifs de meurtres pour une autre ville frontalière, comme Tijuana. De toujours, elle a peut-être été un peu plus développée au plan de la fabrication pour le commerce international, mais il s'y trouve le même type de nouvelles manufactures, et si vous aviez des taux comparables sur Tijuana pour les femmes et les hommes, ce serait intéressant.
Je vois ici, dans l'un des documents, qu'il est question...
Le président: Un moment. Avez-vous une réponse—probablement pas—à cela, monsieur Neve?
M. Alex Neve: Je n'ai pas les statistiques au bout des doigts.
M. Peter Goldring: On lit aussi, ici, est qu'elles étaient âgées de 15 à 25 ans, qu'elles étaient minces et avaient les cheveux longs. Cela pourrait porter à croire que ces femmes étaient engagées dans le commerce du sexe. Peut-être pourriez-vous dire oui ou non, ou avez-vous déterminé quel commerce elles faisaient, ou dans quel domaine elles étaient? Pourquoi dirait-on qu'elles étaient minces, avaient des cheveux longs et étaient âgées de 15 à 25 ans si ce n'était pas pour dire qu'elles participaient au commerce du sexe?
Le président: Qui voudrait répondre à cette question?
M. Alex Neve: Avec tout le respect que je vous dois, votre question est presque scandaleuse, puisqu'elle sous-entend que simplement parce qu'une femme a entre 15 et 25 ans, qu'elle est mince et a de longs cheveux, elle est liée au commerce du sexe.
M. Peter Goldring: Mais c'est une observation des plus incongrues.
M. Alex Neve: La raison pour laquelle c'est indiqué, c'est qu'on craint nettement qu'il puisse y avoir un facteur sexuel dans la violence que subissent les femmes. Ce n'est pas qu'elles participent au commerce du sexe, mais qu'elles sont ciblées pour des motifs d'ordre sexuel.
M. Peter Goldring: Je voudrais poursuivre en disant qu'à Edmonton—et j'en suis tout aussi scandalisé—il y a une grande propension de certaines femmes à participer au commerce du sexe, et les nombres sont hors proportion par rapport à d'autres régions. C'est un problème très grave à Edmonton.
Rita Acosta a signalé que votre organisation aussi s'intéresse au nombre élevé de femmes qui sont violentées ou tuées, qui participent à ce commerce dans certaines des grandes villes du Canada. Autrement dit, d'après les observations que l'on voit ici...et je suppose que la réponse peut être oui ou non, ou si vous savez si elles sont liées au crime ou aux drogues. Le fait qu'elles aillent vivre dans la région ne signifie pas nécessairement...
Le président: Mme Acosta a la parole.
Mme Rita Acosta: Ce que je peux répondre, parce que cela me touche très personnellement, c'est que j'ai des filles, et si elles étaient agressées dans la rue, cela ne voudrait pas dire qu'elles sont prostituées. Le fait est qu'ici, au Canada ou au Québec, la plupart des femmes que nous recevons dans nos centres sont des femmes comme moi et comme n'importe quelle autre femme ici, dans cette pièce. Ce ne sont pas des prostituées.
À Juarez...mon amie Marie-Hélène Côté pourra vous dire toutes les hypothèses qu'ils ont.
Il y a un commerce du sexe, c'est vrai, mais la majorité des femmes, à Juarez, ne sont pas des prostituées.
[Français]
Il est préférable que tu répondes à cette question.
À (1030)
[Traduction]
Le président: Madame Côté.
[Français]
Mme Marie-Hélène Côté: Merci.
Nous parlons de certaines caractéristiques physiques de ces femmes parce qu'il s'agit d'un fait: les corps qui ont été retrouvés appartenaient à des femmes qui étaient considérées belles. Plusieurs hypothèses circulent en ce qui concerne le lieu où elles étaient allées et les raisons pour lesquelles elles ont été tuées, mais laissez-moi vous dire que s'il s'agissait d'un viol, on peut penser que les violeurs préféraient violer des femmes considérées jolies. Cela s'appliquerait également s'il s'agissait de films de pornographie. Cela ne confirme pas qu'elles provenaient du milieu de la prostitution ou du crime organisé.
Il y a plusieurs hypothèses qui circulent, entre autres celles du trafic d'organes et, comme on l'a dit plus tôt, du satanisme. Il est aussi question d'orgies collectives impliquant des narcotrafiquants, des policiers ou d'autres autorités administratives de Juárez. Aucune des organisations qui ont fait enquête n'est en mesure d'affirmer quelle hypothèse correspond aux faits réels parce que l'impunité règne et qu'on ne sait pas encore ce qui s'est passé.
Il reste que le fait de dire que ces femmes étaient impliquées dans le commerce du sexe est vraiment réducteur. C'est d'ailleurs ce que le gouvernement mexicain a tenté de faire croire aux gens, de façon à ce que ces derniers adoptent une attitude discriminatoire face aux victimes et se disent qu'il ne s'agissait après tout que de prostituées qui, en fin de compte, n'avaient eu que ce qu'elles méritaient. Il ne faut pas reprendre ce genre de discours.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Non. J'essaie seulement de creuser le sujet et de comprendre, tout d'abord, quelle est la norme, en fait de taux de crime et de meurtre, chez les hommes et les femmes, pour comprendre les données sur la violence dans la région. Selon des précisions données ici, c'étaient de jeunes et belles femmes, et un autre commentaire qui qualifie ces actes d'assassinats m'amène à vouloir creuser la question et déterminer si ce sont des assassinats, si ce sont des crimes sexuels, de la violence et des meurtres, ou si ce sont des crimes liés au commerce du sexe. Nous savons que le commerce du sexe est florissant dans des régions comme celle-là. Nous ne savons pas pourquoi elles ont été tuées.
Le président: Votre temps est écoulé, monsieur Goldring.
Nous écouterons la réponse à votre question, si quelqu'un veut y répondre.
[Français]
Mme Lucie Lortie: Ici, on ne peut évidemment pas parler de femmes disparues puisqu'il ne s'agit toujours que de cadavres retrouvés. Je voudrais préciser à ce sujet que ces cadavres ont été identifiés et qu'on sait désormais qu'ils appartenaient à des femmes qui étaient entre autres ouvrières de maquiladoras, réceptionnistes ou étudiantes. Dans un cas, il s'agissait même d'une touriste hollandaise.
Ces femmes exerçaient des activités tout à fait normales dans la vie de tous les jours. Habituellement, un enlèvement se produit sans qu'on sache comment. Tout à coup, ces femmes disparaissent de la circulation. Dans certains cas, comme on l'a déjà mentionné, c'était au sortir de leur quart de travail dans une des maquiladoras. Dans d'autres cas, les circonstances étaient différentes. Quoi qu'il en soit, nous savons que ces femmes n'exerçaient pas le métier de prostituée. Les enquêtes sont formelles à ce sujet.
[Traduction]
Le président: M. Pistor a trouvé certains renseignements qui pourraient être utiles au comité. Avant de laisser la parole à Mme Bourgeois, pouvez-vous nous en faire part?
M. Marcus Pistor (attaché de recherche auprès du comité): Cela vient de la Commission inter-américaine des droits de l'homme—je pourrai vous en donner la référence du chapitre plus tard—et on y trouve exactement les données que demandait M. Goldring. Une analyse conclut que les taux de meurtre, à Ciudad Juarez sont de 47,1 homme par 100 000 personnes, comparativement à 7,9 femmes. Tijuana, par exemple, est aussi situé à la frontière nord, et se caractérise par une forte présence des maquiladoras et avait à peu près la même population, pour la même période; les taux sont de 34,9 pour les hommes et 2,4 pour les femmes. Pour l'ensemble du Mexique, pendant cette période, c'est 28,2 pour les hommes et 3,1 pour les femmes.
Le président: Merci beaucoup.
Mme Bourgeois.
[Français]
Mme Diane Bourgeois: Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je voudrais remercier mes collègues avec qui je suis allée à Ciudad Juárez d'être ici ce matin. Je pense que le féminicide dont elles nous ont fait part aujourd'hui est un problème extrêmement important.
Compte tenu de l'impunité dans laquelle cela s'exerce, compte tenu de l'acceptation tacite des autorités mexicaines et de la communauté internationale, compte tenu, également, du fait qu'en Amérique latine la femme est peu de chose, je ne suis pas surprise de voir les chiffres que notre recherchiste vient de nous donner, à savoir qu'environ 35 hommes sur 100 000 sont tués à Tijuana par opposition à 2,4 femmes sur 100 000.
Je suis allée dans ces villes et je peux dire que les femmes y sont moins qu'une vache, moins qu'une bête. On ne tient pas de statistiques sur la mortalité des femmes dans ces pays. On a d'ailleurs une personne, Mme Acosta, qui vient d'Amérique latine et qui est très au fait de ce qui se passe là-bas.
Je vous rappellerai aussi, chers collègues, qu'on a reçu un très beau document, assez volumineux d'ailleurs, qui est le rapport de la Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez. On y retrouve des faits dans la section « Autour du féminicide à Ciudad Juárez ». On nous explique pourquoi la plupart des victimes sont âgées entre 15 et 25 ans. C'est très relié au trafic de la drogue, aux snuff movies, à la pornographie qui se fait là-bas.
Je pense que nous avons une responsabilité comme Canadiens et Canadiennes, comme Québécois et Québécoises. Comme responsables parlementaires, on fait des affaires, on fait du commerce avec le Mexique par l'intermédiaire de l'ALENA. On a donc une responsabilité envers les personnes, les êtres humains qui travaillent dans des entreprises canadiennes ayant élu domicile là-bas. J'en ai vu. Johnson & Johnson est là, ainsi que d'autres entreprises canadiennes dont le nom m'échappe mais que j'ai vues, que j'ai photographiées. Donc, on ne peut pas laisser continuer ce qui se passe là-bas.
Je sais que nos dames de la Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez ont fait un excellent travail. Je sais pertinemment qu'elles travaillent avec Amnistie internationale, qui décrie depuis nombre d'années ce qui se passe à Ciudad Juárez. Ce qui s'y passe est connu maintenant.
Ce matin, si on nous présente le cas, c'est qu'il est grand temps d'agir. Je sais aussi que les femmes mexicaines attendent beaucoup de la réaction du Canada. Je sais également qu'il y a eu une marche l'année dernière, la marche du V-Day, dont on a parlé. Il y a beaucoup de Québécoises et de Canadiennes, notamment de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, qui s'y sont rendues et qui ont laissé entendre que le Canada ne laisserait pas cette situation perdurer.
Je vais laisser parler mon collègue du NPD et mes collègues du Parti libéral, mais je vous demanderais, chers collègues, ainsi qu'au président, de prendre en compte et d'adopter les recommandations qui nous ont été faites par les personnes qui nous rendent visite. Je trouve ces recommandations tout à fait acceptables. Elles mettent un peu de pression sur le gouvernement du Canada, certes, mais elles dénoncent d'une façon très claire la situation qui sévit là-bas.
Merci, monsieur le président.
À (1035)
Le président: Merci, madame. Malheureusement, il ne nous reste que 20 minutes.
L'hon. Ed Broadbent: J'ai quelques recommandations des différents groupes.
Mme Diane Bourgeois: Les avez-vous en anglais? Moi, je les ai en français.
On les a en anglais aussi.
À (1040)
Le président: Madame Bourgeois, voulez-vous lire les recommandations?
Mme Diane Bourgeois: Je lirai les recommandations, mais ne lirai pas les parties qui commencent par l'expression « considérant »:
Nous demandons que le premier ministre Paul Martin, le ministre des affairesétrangères Pierre Pettigrew, la ministre de la coopération internationale AileenCarroll, le ministre du commerce international James Scott Peterson ainsi que tousles autres représentants et représentantes du gouvernement du Canada abordent lesquestions du féminicide dans l’État de Chihuahua, des violations des droits humainset de l’impunité dans leurs échanges et leurs rencontres avec des représentants etreprésentantes du gouvernement mexicain.Notamment, qu’ils s’informent de l’état de la situation (assassinats et disparitions)ainsi que du processus d’enquête en cours et voient quel type de collaborationpourrait être développé en cette matière. |
Le président: Peut-on considérer cette motion maintenant? Je sais qu'on lèse le droit des autres députés de poser des questions, mais je suis à votre service.
Mme Diane Bourgeois: Monsieur le président, je ne veux pas enlever le droit de parole de quiconque. Toutefois, si tout le monde est d'accord, cela peut aller assez rapidement.
[Traduction]
Le président: Monsieur Bains, puis M. Broadbent et ensuite Mme Torsney.
M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.): Je serai assez bref...
Monsieur le président, s'agit-il de questions ou de cette recommandation?
Le président: Vous avez droit aux questions, bien sûr, et il ne nous reste que 18 minutes, alors tant que...
L'hon. Ed Broadbent: Excusez-moi, mais je n'ai pas la recommandation précise. Il y a sept documents ici, et je ne sais pas duquel il s'agit. J'en ai un avec une série de recommandations qui ne correspondrait pas à ce qui viendrait d'être dit.
Une voix : Il ne fait qu'une page.
Le président: M. Goldring parlait de l'obligation de préavis. Jusqu'à maintenant, à chacune de nos réunions, nous avons réussi à nous entendre par consentement unanime. Nous n'avons pas eu à appliquer la règle du préavis de 24 heures. Mais la règle incontournable est que tout le monde doit être d'accord.
Est-ce que tout le monde est d'accord avec la recommandation que vient de faire Mme Bourgeois?
L'hon. Ed Broadbent: Nous venons à peine de la recevoir, monsieur le président. Je l'ai reçue il y a à peine deux secondes. Même pour un député, il faut plus de temps que cela.
Le président: Peut-être voulez-vous prendre le temps d'y réfléchir, alors, pendant que M. Bains pose ses questions.
Mme Bourgeois.
[Français]
Mme Diane Bourgeois: Monsieur le président, puis-je vous faire remarquer que lors de nos deux rencontres précédentes, des députés ont déposé des propositions séance tenante et nous avons toujours accepté d'en tenir compte de bonne grâce?
Ce matin, nous déposons des recommandations séance tenante. J'apprécierais que mes collègues tiennent compte du fait qu'il ne faudrait pas que ces dames se soient déplacées pour rien. J'aimerais qu'on en tienne compte, s'il vous plaît.
[Traduction]
Le président: Mme Torsney.
L'hon. Paddy Torsney: Tout d'abord, pour que ce soit clair, est-ce que nous traitons de la première recommandation ou s'agit-il des autres? La première seulement? D'accord.
Je voudrais dire que je suis d'accord, mais je... et je reconnais bien que ce comité, en mon absence, a adopté une certaine pratique qui me gêne beaucoup. Je ne crois pas qu'il soit juste, qu'on applique ou non la règle du préavis de 24 heures, qu'on reçoive une motion pendant la réunion. Je comprends que tout le monde ait été d'accord pour cela—je n'étais pas là et les absents ont toujours tort—mais je tiens à mettre les membres du comité en garde contre cette pratique.
Je ne pense pas que ce soit le bon moment pour en discuter, mais il nous faut mettre de l'ordre dans ce système, pour que ce soit plus juste pour tout le monde.
Le président: Mme Torsney, le 16 décembre, nous allons discuter des plans de travail futurs.
L'hon. Paddy Torsney: C'est parfait.
Le président: Nous sommes pressés maintenant par le temps, et devons décider si nous pouvons nous entendre à l'unanimité sur l'unique recommandation qu'a fait Mme Bourgeois au nom des témoins.
M. Navdeep Bains: Puis-je faire un petit commentaire? Je suis d'accord avec ma collègue, mais ce que je lis de la motion, semble plutôt inoffensif. Elle ne me semble pas renfermer de questions litigieuses. C'est très clair.
Je suis donc en faveur de la motion, la première motion.
[Français]
Le président: Peut-on adopter cette motion? Voulez-vous l'adopter à l'unanimité?
[Traduction]
Il convient de préciser pour le témoin que tout ce que vous avez dit sera envoyé—s'il le faut, c'est moi qui l'enverrai—aux membres de notre gouvernement et à ceux du gouvernement du Mexique, peut—être par le biais de l'ambassadeur du Mexique. Rien de ce que vous avez dit ici ce matin ne sera perdu. Ce rapport est intégré à notre compte rendu.
Est-ce bien cela, monsieur le président? Ce sera intégré au procès-verbal? Très bien.
Monsieur Broadbent.
L'hon. Ed Broadbent: Monsieur le président, j'ai une demande spéciale à faire à mes collègues.
Mes collègues le savent, le Nouveau Parti Démocratique n'a pas beaucoup de représentants pouvant siéger à de nombreux de comités. J'ai une réunion de comité à 11 h, aussi loin d'ici qu'elle pourrait l'être. Je vais maintenant faire une demande spéciale, peut-être à mes collègues libéraux, pour qu'ils me permettent de m'exprimer maintenant, bien que normalement, bien entendu, la parole est d'abord au Parti libéral.
Des voix : D'accord.
L'hon. Ed Broadbent : Je vous en remercie.
Je voudrais commencer, moi aussi, par faire l'éloge des femmes, maintenant accompagnées d'un homme, Alex, pour leurs présentations exceptionnelles. Chacune, à sa façon, a présenté de façon brève et exhaustive, des renseignements pertinents.
Je voudrais employer mon temps de la manière aussi judicieuse qu'il se peut. Je suis heureux que nous ayons adopté cette mesure, et j'aimerais rapidement obtenir votre réponse à la question suivante.
Étant donné les rapports particuliers que nous entretenons avec le Mexique, étant donné l'ampleur de la violence dont sont victimes les femmes les régions où il y a des maquiladoras, et étant donné que ce sont dans les mêmes régions qu'il y a eu des violations systématiques des droits des travailleurs en général, que ce soit des femmes ou des hommes, pensez-vous qu'il serait utile que nous formions, au niveau parlementaire, un groupe de travail composé de députés du Mexique et du Canada pour étudier les droits de la personne, particulièrement les droits des femmes et des travailleurs, à la lumière de la situation très bien documentée, et les grandes inquiétudes que suscitent particulièrement les régions de maquiladoras?
Pensez-vous qu'il serait utile que nous essayions de créer un tel comité pour travailler sur ces questions de façon continue?
À (1045)
[Français]
Le président: Madame Bourret, c'est à vous.
Mme Gisèle Bourret: La Fédération des femmes du Québec a déjà présenté une proposition semblable. Elle est sur la table. Elle prévoit la mise sur pied d'un comité de vigilance formé de parlementaires du Mexique et du Canada, de représentants et de représentantes de la société civile, etc. Son objectif est d'assurer un suivi sur la question du féminicide. Elle ne porte pas nécessairement sur les droits des travailleuses et des travailleurs. À ce sujet, il y a également une proposition sur l’accord decoopération parallèle à l’ALENA dans le domaine du travail , l'ANACT. On pourrait améliorer cette proposition. Elle est intéressante parce que l’ANACT comprend des mécanismes d'étude de plaintes sur la situation ou les conditions de travail dans un pays partenaire du Canada. On pourrait peut-être acheminer quelque chose à partir de ces deux propositions. Je partage votre préoccupation.
[Traduction]
L'hon. Ed Broadbent: Merci. Peut-être puis-je en rester là et passer à mes deux autres questions.
Personne n'a parlé de la création d'un poste, aux Nations Unies, de rapporteur spécial de la violence contre les femmes. Les Nations Unies ont-elle fait un effort particulier pour charger un rapporteur spécial d'étudier la question de la violence contre les femmes, de faire enquête sur les situations dont nous avons entendu parler ce matin?
[Français]
Le président: Madame Bourret, vous avez la parole.
Mme Gisèle Bourret: La rapporteure a produit un rapport. Elle y est allée.
[Traduction]
L'hon. Ed Broadbent: Oh, il y a donc eu un rapporteur, une rapporteure des Nations Unies?
[Français]
Mme Gisèle Bourret: Oui, mais il n'y en n'a plus maintenant. Il y en avait une jusqu'à l'an passé, je crois.
À ce propos, je pense qu'on devrait se pencher sur le travail de la Commission interaméricaine des droits de l'homme. On m'a dit que dans son dernier rapport, qui date de 2003, celle-ci n'avait pas assuré le suivi du rapport précédent, qui portait justement sur les disparitions et les assassinats de femmes à Ciudad Juárez. Il serait important et intéressant de questionner la commission à ce sujet. Nous avons envoyé une lettre et le rapport à la Commission interaméricaine des droits de l'homme et lui avons indiqué que nous aimerions bien être au courant du suivi assuré à ces rapports. Pour le moment, cela semble un peu nébuleux.
[Traduction]
L'hon. Ed Broadbent: D'accord. Nous pourrions approfondir cela. J'aimerais avoir le rapport le plus récent—tout ce qui peut concerner ce sujet.
Pour ma dernière question, vous recommandez que le Canada ratifie la convention de la Commission inter-américaine des droits de l'homme, en insistant sur l'existence d'une disposition. Est-ce que vous pourriez expliquer les préoccupations que vous cause cette disposition particulière? Je pense que je sais de quoi il retourne, mais il pourrait être utile aux autres membres de le savoir.
À (1050)
[Français]
Le président: Madame Bourret, allez-y.
Mme Gisèle Bourret: Nous ne recommandons pas que le Canada signe la convention; nous recommandons qu'il fasse un suivi des travaux du Comité permanent des droits de la personne du Sénat au sujet de la ratification. Nous savons les problèmes qui se posaient au regard du paragraphe 4.1, qui mentionne que la vie en général commence « à partir de la conception. » Pour les groupes de femmes du Canada et du Québec, c'était remettre en question des jugements de la Cour suprême. Il y a toujours eu une volonté non pas d'empêcher la ratification, mais que celle-ci se fasse avec une réserve ou une clause interprétative pour cet article. On dirait comment cela se situe pour le Canada, afin que cela n'atténue pas les droits des Canadiennes et des Québécoises à la suite des jugements de la Cour suprême.
[Traduction]
Le président: Monsieur Broadbent, je sais que vous devez partir, mais le 16 décembre—et je sais que vous ne pourrez pas y être—nous allons passer la première heure de la réunion à parler du Zimbabwe. Je pense que tout le monde en est averti. C'est en partie à la demande d'Amnistie Internationale et d'un groupe de nos collègues de la Chambre et du Sénat. La deuxième heure sera consacrée à notre plan de travail pour l'année qui vient.
Mme Torsney.
L'hon. Paddy Torsney: Je voudrais signaler qu'il court une certaine rumeur que la Chambre pourrait bien ne pas siéger le 16, et je ne suis pas sûre que cela ait une incidence sur nos travaux.
Le président: Je vous remercie d'en parler.
Monsieur Neve, n'oubliez pas cela. Nous vous tiendrons au courant.
Deuxièmement—monsieur Broadbent, je sais que vous devez partir—vous avez tous une feuille de document, intitulée « motions ».
L'hon. Paddy Torsney: Au sujet du budget?
Le président: Non, c'est sur les motions que nous avons adoptées. C'est envoyé au comité plénier.
Si quelqu'un veut bien proposer les motions 1, 2 et 3, nous pouvons...
L'hon. Ed Broadbent: Je le propose.
(La motion est adoptée [voir le Procès-verbal].)
Le président: Merci beaucoup.
Vous devez donc partir? Merci d'être venu.
L'hon. Ed Broadbent: Je voudrais m'assurer de bien vous comprendre. Vous n'avez pas d'objection à ce que le Canada ratifie la Convention, dans la mesure où il y aurait une possibilité technique que nous puissions porter l'attention... exemption—J'oublie l'expression juridique—de cette disposition particulière. Alors, nous pourrions ratifier le reste.
Vous n'y avez pas d'objection. D'accord.
Le président: M. Bains a été patient.
M. Navdeep Bains: Merci, chers collègues.
Je serai bref, puisque nous avons peu de temps. Je n'ai qu'une ou deux questions.
Je voudrais commencer par remercier tous les témoins d'être venus aujourd'hui nous faire part de leurs observations. J'ai été très impressionné par l'ampleur de leurs connaissances et, mieux encore, par certaines des statistiques alarmantes qu'ils nous ont apportées.
La question que je vais poser—je voudrais la poser aussi au président. Je suis un peu étonné que nous n'ayons pas eu quelqu'un du gouvernement pour décrire la position de l'État sur ce sujet-là, pour équilibrer un peu la présentation. Je ne cherche pas, absolument pas, à marginaliser le travail que vous avez fait, mais ce serait simplement pour équilibrer un peu les données. Ce n'est qu'une suggestion que je fais.
Y a-t-il eu du positif? Est-ce que quelque chose s'est amélioré, depuis 11 ans, en conséquence des pressions internationales ou diplomatiques? Y a-t-il quelque chose qui fonctionne bien pour atténuer certaines des préoccupations qui ont été soulevées aujourd'hui?
[Français]
Mme Marie France Labrecque: J'ai essayé de montrer dans ma communication que, sous la pression des organisations nationales et internationales de droits humains, le gouvernement mexicain avait bougé et avait pris des mesures comme la nomination d'une commissaire et d'une procureure spéciale. On ne peut pas dire qu'il n'ait rien fait. Il a fait quelque chose, et c'est grâce au militantisme des organisations civiles, de leurs familles et des ONG.
Cependant, j'ai essayé de montrer que, malgré les efforts et une certaine bonne volonté du gouvernement fédéral en particulier, il reste beaucoup de choses à faire. Les obstacles sont dus à la superposition des pouvoirs ainsi qu'à la partisanerie qui vient jouer contre les mesures qui sont prises par le gouvernement fédéral. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais j'ai essayé de montrer qu'il se faisait effectivement des choses.
À (1055)
[Traduction]
M. Navdeep Bains: Oui.
Très rapidement, j'ai deux choses à dire. Nous avons bien mentionné cela pendant la visite de Vincente Fox ici, n'est-ce pas? Lui avons-nous fait part de nos préoccupations ou de notre position? Peut-être pouvez-vous nous répondre, peut-être pas, mais je voudrais que cette question soit inscrite au compte rendu. A-t-on traité de ce sujet lorsque la délégation du Mexique est venue ici?
[Français]
Le président: Madame Labrecque et monsieur Neve, vous pouvez répondre.
[Traduction]
M. Alex Neve: Je peux parler pour Amnistie Internationale, mais certainement pas pour le premier ministre. Avant la venue du président Fox au Canada, nous avons présenté une soumission au premier ministre sur plusieurs questions cruciales relatives aux droits de la personne au Mexique, et nous l'avons vivement incité à en faire l'élément central de son dialogue avec le président lorsqu'il serait ici. C'est l'aspect principal et prioritaire sur lequel nous avons insisté. Quoi qu'il en soit, au moment de sa visite, nous n'avons pas vu de signe public que la question avait pu être soulevée. Nous n'avons pas encore eu de nouvelles—je pense que nous en aurons—du cabinet du premier ministre en réponse à notre lettre, qui nous dirait si la question a été soulevée, à tout le moins discrètement.
Le président: Nous avons un représentant, ici, du Bureau des affaires parlementaires du ministère des Affaires étrangères.
Sylvie Blais, voulez-vous ajouter quelque chose?
Non.
M. Navdeep Bains: Je poserai très rapidement ma dernière question. Je m'excuse. Je ne voulais pas prendre trop de votre temps.
Au sujet des statistiques dont nous parlions auparavant, sur les décès, etc., est-ce qu'elles proviennent de représentants du gouvernement ou de ceux de la police du Mexique? Si c'est le cas, comme on sait qu'eux-mêmes commettent de ces crimes, je serais porté à penser que ces statistiques sont un peu faussées et que la situation pourrait être bien pire.
Avez-vous les mêmes préoccupations? J'ai l'impression que ces statistiques ne reflètent pas tout à fait la réalité, au Mexique.
[Français]
Le président: Madame Bourret, allez-y.
Mme Gisèle Bourret: Je vais simplement parler des statistiques concernant les disparitions. Quand nous sommes allés au Mexique, nous avons rencontré, comme nous vous l'avons dit, beaucoup de groupes. On nous disait que, quand une jeune fille disparaissait, on ne le déclarait plus à la police parce que cela ne donnait rien. Très souvent, les gens cherchaient eux-mêmes la jeune fille et s'organisaient pour essayer de la trouver. Donc, c'est sûr qu'on ne peut pas se fier aux chiffres officiels concernant les disparitions. Je présume que les assassinats peuvent eux aussi être sous-estimés de façon assez importante.
[Traduction]
M. Navdeep Bains: Je voudrais insister sur le fait que selon moi, les statistiques sont nettement sous-évaluées. C'est quelque chose qu'il faudrait noter.
Le président: Monsieur Neve.
M. Alex Neve: À ce propos des statistiques, nous avons souligné dans notre rapport que depuis 1997, l'institut national des statistiques du Mexique—l'équivalent de Statistique Canada—n'indique même plus le sexe des victimes d'assassinat dans les statistiques qu'il diffuse. Votre question, sur la fiabilité véritable de ces renseignements, est tout à fait juste, mais il y autre chose qui nous préoccupe, à ce propos, et c'est que l'information n'est pas toujours rendue publique. Cela fait qu'il est très difficile de faire le genre de comparaison qui a été demandé aujourd'hui, à cette audience. Cela complique grandement ce genre de chose.
Le président: Malheureusement, nos autres collègues nous poussent dans le dos. Ils veulent nous mettre à la porte pour tenir leur réunion de comité.
Encore une fois, au nom de tous, je tiens à vous remercier.
[Français]
dix mille fois d'être venus aujourd'hui.
Madame Bourgeois, vous avez le dernier mot.
Mme Diane Bourgeois: D'abord, merci beaucoup, monsieur le président, d'avoir autorisé cette rencontre avec les gens.
Toutefois, j'ai mal compris une chose tout à l'heure. A-t-on dit qu'il y avait des documents dont les propositions n'avaient pas été reçues 24 heures à l'avance? Je pense que M. Etoka, notre greffier, a fait un excellent travail à cet égard. Je crois que toutes les propositions ont été reçues et je trouve un peu dommage qu'on n'ait pas pu prendre position sur les recommandations de la commission.
S'il est vrai que tout le monde avait reçu les documents avant, pourrait-on, lors d'une prochaine rencontre, revenir sur les recommandations de la commission, étant donné que c'est extrêmement important? Vous qui avez l'expérience, monsieur le président, dites-nous s'il est possible de revenir sur les recommandations et de mettre notre pied à terre à ce sujet.
Á (1100)
Le président: Le problème est bien simple. Il faut normalement donner 24 heures d'avis lorsqu'on veut déposer une motion. Nous avons reçu les recommandations, mais nous n'avons pas... Si tout le monde ici est d'accord, nous pouvons accepter que vous les déposiez maintenant. Est-ce que tous les députés sont prêts à accepter cela?
L'hon. Paddy Torsney: Il y a une différence entre envoyer une motion et déposer une motion. En fait, nous devons déterminer comment nous travaillerons dans le futur, parce que nous recevrons souvent ici des témoins qui nous feront part de situations urgentes.
Le président: Chers collègues, êtes-vous prêts à accepter les recommandations ce matin?
L'hon. Paddy Torsney: Je crois que nous devons en discuter davantage.
Le président: D'accord, madame Torsney.
[Traduction]
M. Navdeep Bains: Puis-je faire une petite requête? Nous avons accepté la première recommandation et nous nous y tiendrons. À la prochaine réunion, j'examinerai avec grand plaisir l'autre motion aussi avec mes collègues, pour en discuter. Ainsi, nous pourrons faire un suivi.
[Français]
Mme Diane Bourgeois: Après les Fêtes? Oui?
Le président: Oui, peut-être le 16 ou au mois de février.
Mme Diane Bourgeois: Après les Fêtes? J'y reviendrai.
Le président: D'accord. On compte sur vous.
Mme Diane Bourgeois: Oui, monsieur le président, ne vous inquiétez pas.
L'hon. Paddy Torsney: Alors, peut-on déposer les motions?
Le président: On peut les déposer. D'accord.
Mme Diane Bourgeois: Excellent. Merci beaucoup à tous.
Le président: La séance est levée.