AFGH Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 17 novembre 2010
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Il s'agit de la 17e réunion du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan.
Nous poursuivons l'étude sur la mission canadienne en Afghanistan et nous avons comme témoins aujourd'hui M. Mike Hogeterp, vice-président de la Commission Justice et Paix, Conseil canadien des Églises, et M. John Siebert, directeur exécutif, Project Ploughshares.
Bonjour messieurs; j'espère avoir bien prononcé vos noms.
Avez-vous décidé qui prendra la parole en premier et comment vous allez vous partager le temps mis à votre disposition?
Très bien, vous commencerez.
Nous vous souhaitons la bienvenue à notre comité. Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à dire. D'habitude, les observations liminaires sont d'une durée d'environ 10 minutes et ensuite, c'est la période des questions et des observations.
Dès que vous êtes prêt, allez-y.
Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de votre invitation à comparaître ici aujourd'hui. Il s'agit certainement d'un privilège.
Le mémoire qui est devant vous aujourd'hui est intitulé Rôle du Canada en Afghanistan et constitue une position consensuelle du Conseil canadien des Églises, la plus vaste organisation oecuménique au Canada. Nous avons comme membres 22 églises des traditions anglicane, évangélique, orthodoxe, protestante et catholique. Pour cette raison, l'énoncé qui est devant vous est remarquable. Les recommandations qui vous sont présentées ont été élaborées à partir de la croyance partagée qu'il est urgent d'entreprendre un dialogue public vigoureux sur la responsabilité du Canada pour promouvoir la paix en Afghanistan.
Le rapport Manley notait qu'un dialogue public et parlementaire apporterait une contribution importante à une politique saine et durable sur le rôle du Canada en Afghanistan. Nous prions effectivement le présent comité d'entreprendre une consultation étendue de la société civile et des citoyens au Canada et en Afghanistan au moment où vous explorez les prochaines étapes de la mission.
Les événements et les annonces des derniers jours nous ont convaincus de l'importance d'un tel dialogue. Les églises auront très certainement besoin de plus de temps pour examiner la mission telle qu'elle évolue afin d'élaborer une contribution de fond et constructive à cet important dialogue. Néanmoins, nos observations d'aujourd'hui seront centrées sur le mémoire que vous avez sous les yeux.
Comme l'indique le révérend Bruce Adema, président du Conseil canadien des Églises, dans la lettre qu'il a adressée au premier ministre en décembre dernier, le Canada devrait se concentrer sur deux priorités. Premièrement, aider les Afghans à mettre en oeuvre des programmes participatifs de réconciliation et une gouvernance responsable, tant au niveau local qu'à celui des districts. Et deuxièmement, encourager la communauté internationale à accorder une nouvelle attention aux démarches diplomatiques en vue de mettre fin à la guerre.
Nous allons également commenter brièvement les annonces récentes concernant une mission d'entraînement en Afghanistan, à la lumière des recommandations du conseil.
Nous reconnaissons, évidemment, le sacrifice fait par de nombreux membres des Forces canadiennes en Afghanistan ainsi que la profonde souffrance vécue par le peuple afghan au cours de décennies de guerre. Les efforts futurs du Canada en Afghanistan devraient faire honneur à un tel sacrifice et à une telle souffrance par l'intégrité et l'engagement.
Grâce à un processus de recherche, d'analyse et de consultation avec un grand nombre d'entre vous, nous avons conclu que la paix en Afghanistan ne peut être réalisée uniquement par la force militaire et que la paix est un projet de génération nécessitant un engagement et des ressources internationaux s'étendant bien au-delà de juillet 2011. C'est un projet de génération. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les défis de la réconciliation et de l'établissement de la paix, aussi bien au niveau national qu'au niveau sous-étatique.
La question à laquelle nous devons répondre est la suivante: où et comment le Canada peut-il contribuer le plus à une paix durable en Afghanistan? Permettez-moi de commencer en disant que la réconciliation en Afghanistan est une entreprise complexe, de niveaux multiples, qui va progresser graduellement. Les efforts de réconciliation au niveau local et au niveau du district sont distincts, mais sont liés aux négociations nationales portant sur une réconciliation politique et sur la réintégration des insurgés.
Mon collègue, John Siebert, parlera des aspects nationaux et internationaux de cette question dans un instant, mais pour le moment, je vais faire quelques observations précises sur la gouvernance et la réconciliation au niveau sous-étatique.
Comme vous le savez, les raisons qui sont à l'origine du conflit en Afghanistan sont diverses. Les conflits découlent de disputes touchant la terre et l'eau, de griefs familiaux et tribaux, de la présence des talibans et d'autres insurgés, des seigneurs de la guerre et d'éléments criminels, des forces internationales, et de la corruption chez les forces de sécurité afghanes et chez les responsables gouvernementaux.
La priorité de la réconciliation, ou la priorité numéro 6 d'après les rapports trimestriels, a eu de la difficulté à susciter de l'intérêt. Les rapports laissent entendre que cela est attribuable à l'incapacité du gouvernement afghan de se concentrer sur une orientation et de cibler une agence responsable. Jusqu'ici, le Canada a fait preuve de respect à l'égard de la réconciliation dirigée par les Afghans, mais il est clair que dans les faits, « dirigée par les Afghans » est synonyme de « dirigée par le gouvernement national ». Il s'agit là d'une contrainte malheureuse.
Nous savons que l'Afghanistan est complexe du point de vue culturel et géographique. En effet, historiquement, les gouvernements centraux ont rarement réussi à avoir une portée nationale. L'autorité, la gouvernance et la prestation des services de base relèvent fréquemment du niveau local et du niveau du district.
Il y a des indications documentées que l'on continu d'appuyer — un appui très intense, en fait — les autorités locales, informelles et traditionnelles en Afghanistan. L'Afghanistan est donc essentiellement un système hybride de détenteurs de pouvoirs formels et informels interdépendants.
En tant que tel, le leadership afghan local pour la gouvernance et la réconciliation sous-étatiques est une ressource importante pour l'établissement de la paix, une ressource qui doit être explorée davantage et ensuite, soutenue pour son développement graduel. Notre mémoire précise les détails de certaines des complexités des activités de gouvernance et de réconciliation sous-étatiques et nous pourrons certainement explorer ces sujet au cours de la période des questions.
Disons simplement qu'au-delà de 2011, nous avons espoir que le Canada investira une nouvelle énergie et un nouvel engagement dans la priorité de la réconciliation sous-étatique, plus précisément en collaboration avec les organismes de la société civile qui sont réputés pour leur appui aux activités de gouvernance et d'établissement de la paix au niveau local en Afghanistan.
Je veux maintenant laisser la parole à mon collègue. John.
Les progrès en matière de réconciliation sous-étatique nécessiteront un contexte national stable pour que ces gains soient durables. Pour mettre fin à cette guerre civile en Afghanistan, le Canada devrait s'engager à entreprendre un effort diplomatique intensif qui comporte le même niveau d'énergie et de ressources financières que l'effort militaire intensif.
Ce qui est vrai pour la réconciliation au niveau local et régional l'est également pour ce qui est d'amener la fin des hostilités nationales dans un nouvel environnement politique et dans un nouveau cadre social en Afghanistan. Il s'agit d'une entreprise complexe, à niveaux multiples, et il faudra y consacrer beaucoup de temps. Comme d'autres l'ont dit, le processus de paix à Kaboul passe par Islamabad et New Delhi. D'autres voisins doivent également jouer un rôle pour amener la paix, de concert avec les États-Unis et les autres membres de la FIAS, dont le Canada.
À notre avis, le processus de paix national doit être dirigé, encore une fois, par les Afghans, mais pas nécessairement par le gouvernement afghan actuel. Il s'est laissé entraîner, avec les forces internationales qui l'appuient, dans une guerre civile bien établie. Le gouvernement de l'Afghanistan doit participer aux efforts de réconciliation, mais il ne doit pas nécessairement être le gestionnaire ou le gardien de ce processus. Une partie de la responsabilité de la communauté internationale, dont le Canada fait partie intégrante, est de travailler avec les Afghans, qu'ils fassent partie ou non du gouvernement, à l'établissement d'un processus fiable, qui permettra d'entreprendre les démarches de réconciliation et de négociation.
Les tentatives actuelles pour inciter les insurgés individuels à changer de camp se sont soldées en grande partie par un échec. Cela démontre qu'on connaissait mal la motivation principale pour lutter aux côtés des talibans ou d'autres groupes d'insurgés, ainsi que le manque d'intérêt de l'offre qui leur est faite. L'objectif des négociations nationales devrait être la création d'un ordre politique inclusif en Afghanistan. Il doit inclure les talibans et d'autres insurgés et trouver une solution aux craintes légitimes que le nouvel ordre politique vienne compromettre l'expansion chèrement acquise des droits civils et des autres droits de la personne en Afghanistan, et particulièrement les droits des femmes.
Nous reconnaissons que le Canada ne peut être le seul ni le principal acteur international dans cet effort diplomatique intensif, mais il pourrait jouer un rôle décisif en persuadant la communauté internationale, en particulier ses proches alliés, de travailler à un règlement politique. À cette fin, nous recommanderions que le Canada nomme un envoyé spécial en Afghanistan qui disposera du personnel et du soutien financier appropriés et qui jouira de la confiance du premier ministre, du ministre des Affaires étrangères et du ministre de la Défense nationale.
Enfin, nous avons une observation concernant l'annonce récente du premier ministre Harper, renforcée par d'autres ministres, selon laquelle le Canada continuera d'envoyer jusqu'à 1 000 membres des Forces canadiennes en Afghanistan après juillet 2011 pour participer à une mission d'entraînement qui doit durer jusqu'en 2014. Les églises membres n'ont pas eu le temps de faire des consultations internes, et Mike et moi ne voulons pas spéculer quant à ce que les églises pourraient vouloir dire, collectivement. Ce que nous aimerions faire, c'est prendre les principes particuliers énoncés dans le mémoire de décembre 2009 du Conseil canadien des Églises pour les appliquer à cette nouvelle situation.
Posons certaines questions. Est-ce que le fait de continuer d'entraîner et d'équiper l'armée et la police nationales afghanes nous rapprochera de l'objectif qui est une paix négociée, durable et inclusive en Afghanistan? La réponse n'est pas évidente. Du personnel militaire et policier afghan mieux entraîné pourrait étendre les services et la légitimité du gouvernement national dans les endroits où les combats avec les insurgés sont légers ou inexistants. Ailleurs, le simple fait de remplacer les soldats de la FIAS par des soldats afghans n'apportera rien à une résolution politique de cette guerre civile. Compte tenu de cet engagement militaire continu et coûteux en Afghanistan, le Canada augmentera-t-il son activité diplomatique à l'appui d'un effort de négociation intensif, et accroîtra-t-il son aide au développement et d'autres formes d'aide pour répondre aux besoins locaux de gouvernance et de développement? Si tel n'est pas le cas, alors, nous continuerons à jouer un rôle pour maintenir l'impasse militaire actuelle, tout en passant à côté de l'occasion d'appuyer la fin de la guerre.
Merci encore une fois au nom du conseil, au nom de Mike et en mon nom personnel de l'occasion qui nous est donnée de vous adresser la parole aujourd'hui. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Merci.
Dans le présent comité, la pratique, c'est de donner la parole d'abord à l'opposition officielle pendant sept minutes.
Monsieur Wilfert.
Merci, monsieur le président, et merci, messieurs, de votre présence.
J'ai une série de questions. Premièrement, avez-vous, ou aviez-vous, une présence quelconque sur le terrain en Afghanistan?
Historiquement, les églises canadiennes n'ont pas eu une présence répandue en Afghanistan. On peut probablement en dire autant de la plupart des Canadiens et de la plupart des organismes canadiens avant 2001.
Mais nous avons un dossier de participation dans le travail de développement, d'établissement de la paix et de désarmement dans le monde. Les églises figurent parmi les plus grands organismes de la société civile. Nous ne fonctionnons pas comme un organisme de commandement, en ce sens que nous pouvons dicter la position de chacun de nos membres dans n'importe quelle de nos églises sur une question particulière, surtout une question aussi complexe que celle-ci. Mais notre mémoire représente la sagesse collective de notre participation dans le monde, y compris dans les dialogues interconfessionnels.
Oui, certainement. Et j'ajouterai qu'il y a des organismes canadiens de développement liés à l'église qui exercent une présence en Afghanistan, et ils sont...
Certainement. Il y a les Mennonite Economic Development Associates. Il y en a d'autres. Je sais qu'il y a un organisme appuyé par les églises qui a travaillé avec des cliniques ophtalmologiques et ce genre de choses pendant des décennies. Des organismes comme CARE et d'autres qui ne sont pas fondés sur la religion ou sur la confession sont également nos partenaires.
Simplement pour ajouter rapidement quelque chose sur cette question, la Banque de céréales vivrières du Canada avait un programme actif au Panjshir en 2003.
Merci, monsieur.
Quelque chose dont vous avez parlé dans votre mémoire, et que nous appuyions certainement, c'est la nomination d'un envoyé spécial pour l'Afghanistan ayant pour mandat d'entreprendre de nouveaux efforts diplomatiques. Et nous sommes certainement d'accord avec cela et nous applaudissons cette recommandation.
Vous aviez envoyé un mémoire au premier ministre le 10 décembre 2009. Avez-vous reçu une réponse? Si oui, laquelle?
Nous avons reçu une réponse — une lettre reçue quelques mois plus tard — nous remerciant de notre intervention.
Merci beaucoup.
Vous avez parlé de sécurité humaine à plusieurs reprises dans votre mémoire et nous sommes certainement tous d'accord sur la question de la sécurité humaine. Vous avez précédé votre intervention plus tôt en disant que vous n'aviez pas eu le temps de consulter vos membres concernant la question de l'entraînement. Mais voyez-vous l'entraînement comme une partie intégrante, ou certainement une composante majeure, de ce facteur de sécurité humaine en Afghanistan pour faire le genre de travail d'aide et d'assistance que vous cherchez à faire?
Le cadre de sécurité humaine tient certainement compte des mécanismes de sécurité formels comme la police, l'armée, le contrôle des frontières et ce genre de choses, mais il cherche définitivement à élargir la définition de la sécurité de manière que les gens, dans leur collectivité et leurs familles, se sentent en sécurité et aient accès. L'affranchissement de la peur et l'affranchissement du besoin, voilà ce qui résume la sécurité humaine; alors, cela comprend tout.
La mission d'entraînement pourrait aider, si les circonstances sont appropriées. Mais, en fin de compte, si nous n'avons pas un contexte national stable, si nous n'avons pas un accord de paix et un processus d'établissement de la paix pour le mettre en oeuvre, l'entraînement des forces nationales afghanes n'aidera pas à cette fin.
J'ai remarqué que dans vos observations, monsieur, vous avez utilisé à quelques occasions l'expression « guerre civile ». Ne tenez-vous pas compte du fait qu'Al-Qaïda joue un rôle important dans les opérations et qu'en fait, il y a souvent des non-Afghans, alors, dans toute réconciliation, vous avez une composante inconnue?
Effectivement, c'est juste. En termes de programme de réconciliation plus étendu, nous disons que le facteur Al-Qaïda touchera en quelque sorte le contexte national plus vaste et plus régional. Les collectivités sont vulnérables à l'influence des insurgés. Et le fait d'enregistrer des succès en matière de gouvernance et de prestation des services au niveau local et ainsi de suite peut réduire cette vulnérabilité et, par conséquent, créer un élan pour le changement dans le domaine des droits de la personne et de la justice à ces niveaux, ce qui, nous l'espérons, réduira la vulnérabilité de ces communautés et, en remontant vers le haut, favorisera un processus de paix plus durable fondé sur la société civile.
Vous avez noté l'appui des projets d'aide et de recherche ainsi que des projets pilotes pour essayer d'amener une nouvelle réconciliation locale. Il y a deux volets à ma question. Le premier, que pensez-vous de façon générale des activités actuelles de l'ACDI et des projets de l'ACDI en Afghanistan. Le deuxième, en quoi vos observations diffèrent-elles, s'il y a lieu, de ce que l'ACDI fait actuellement, particulièrement au niveau local?
Nous avons suivi le programme de réconciliation locale par le biais de la priorité de la réconciliation, qui, à notre point de vue, a été dirigée par le groupe de travail afghan du ministère des Affaires étrangères. Pour être honnête, je n'ai pas beaucoup d'information et d'analyse concernant les programmes de l'ACDI.
Néanmoins, la gouvernance et la réconciliation locales sont certainement des choses qui peuvent être appuyées par l'ACDI et, effectivement, il y a eu une intervention, je crois, sur la Direction indépendante pour la gouvernance locale. L'agence elle-même a été reconnue comme posant en quelque sorte un problème, et vous pouvez également voir cela dans le mémoire. Une analyse plus poussée est nécessaire.
Notre intérêt pour la réconciliation au niveau local, c'est qu'elle reflète la réalité de l'Afghanistan, à savoir un endroit décentralisé, où il y a une grande diversité au niveau géographique et culturel et où l'autorité est, en fait, isolée dans ces poches. Par conséquent, l'appui à ces structures locales, qui sont souvent informelles, est déterminant pour le processus d'établissement de la paix, comme je l'ai dit.
En lien, je suppose, avec vos observations concernant un envoyé spécial et concernant le Canada qui entreprend une mission de paix, pouvez-vous décrire brièvement ce que cela comprendrait à vos yeux?
Un envoyé spécial offrirait l'occasion de concentrer une activité diplomatique renouvelée sur un processus de paix plus large et de cibler, au sein de l'appareil gouvernemental, une série d'activités et de l'aide à la société civile — qui, nous l'admettons, est faible dans de nombreux endroits en Afghanistan, mais qui existe tout de même. Nous avons travaillé avec nos collègues sous l'égide de Peacebuild Canada, les voies du programme de paix qui a reçu l'appui du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Nous sommes reconnaissants de cet appui, mais il est donné à contrecoeur et est de très petite envergure et n'a pas encore été renouvelé; alors, nous avons une expérience directe de la difficulté qu'il y a à obtenir un élan de dynamisme au sein des Forces canadiennes et de la mission pangouvernementale en général en Afghanistan pour s'occuper de cette priorité.
Monsieur, merci d'être ici.
J'apprécie la présentation que vous avez donnée, en particulier votre insistance sur la complexité de la situation. En effet, la question de l'Afghanistan est souvent présentée de façon extrêmement simplifiée.
Vous soulignez que la simple substitution des troupes internationales par des troupes gouvernementales locales ne peut pas être une solution, compte tenu des rapports de force qui existent en Afghanistan. Il me semble très pertinent de le dire, en effet. Or, comment pourrait-on obliger le gouvernement afghan à tenir compte, en quelque sorte, de la nature des motivations qui amènent les forces adverses à combattre? De quelle façon peut-on obtenir ça, afin d'aboutir à une véritable réconciliation?
[Traduction]
Il est certain que beaucoup de conversations ont lieu entre le gouvernement afghan et différents groupes d'insurgés, y compris les talibans, maintenant.
En ce qui concerne la formation des forces nationales afghanes et le remplacement de la FIAS ou l'OTAN par ces forces, il me semble important de soulever deux ou trois points. Tout d'abord, augmenter le nombre de membres des Forces de sécurité nationales afghanes à des centaines de milliers ne constituera jamais une proposition durable dans le cadre de l'économie afghane et de la capacité du gouvernement afghan de générer des fonds à cet égard. Cela nécessitera donc toujours un soutien étranger.
Deuxièmement, si l'on n'aboutit pas à un accord de paix globale et qu'on n'arrive pas à assurer la stabilisation nationale au moyen de discussions et de négociations — ce qui est très difficile à faire, je l'admets — alors même s'il y a 300 000, 400 000 ou 500 000 membres dans les forces nationales afghanes, on sera encore malgré tout coincés dans une situation de guerre civile qu'il faudra régler.
[Français]
Oui, effectivement, vous avez souligné qu'il n'y avait pas de possibilité de victoire militaire, pour aucun des camps; du moins, pas tant que les choses se poursuivront de cette façon.
Vous mentionnez que des rapports indiquent que des insurgés reconnaissent de plus en plus qu'ils ne pourront pas remporter de victoire militaire. À quels rapports exactement faites-vous allusion?
[Traduction]
Eh bien, nous pouvons citer les propos du premier ministre du Canada, pour qui il n'y a pas de solution militaire à ce conflit. C'est ce qu'ont répété l'administration américaine et les généraux américains.
La question est la suivante: quel rôle les militaires jouent-ils présentement dans la lutte anti-insurrectionnelle? D'après ce que je comprends, ils tentent de placer les talibans et d'autres insurgés en position de faiblesse et de les forcer à entamer des négociations pendant qu'ils sont affaiblis.
Le rapport du Secrétaire général de l'ONU et d'autres rapports indépendants laissent entendre que même avec l'augmentation des opérations militaires, surtout des forces américaines, qui s'est produite au cours des six derniers mois, les conditions de sécurité se sont détériorées, qu'en fait, les conditions de sécurité dans des villes comme Marjah et Kandahar se sont détériorées par rapport à ce qu'elles étaient avant l'augmentation. En d'autres termes, l'augmentation des opérations militaires n'a pas nécessairement donné les résultats que les militaires espéraient.
[Français]
D'accord.
Pour ce qui est du rôle des intervenants extérieurs dans ce conflit, vous avez mentionné que la solution incluait en partie Lahore et New Delhi. Que pourrait faire le Canada pour amener les deux pays de ces capitales à se rapprocher, de façon à favoriser le rétablissement de la paix en Afghanistan?
[Traduction]
Il appartiendrait au mouvement diplomatique de comprendre plus clairement la situation et d'encourager un changement. Certains ont décrit les activités que mènent le Pakistan et l'Inde en Afghanistan comme des batailles par procuration alors qu'il s'agit en fait de conflits bilatéraux entre eux. Ce type d'activités doit cesser. Je n'avancerais jamais l'idée que le Canada peut à lui seul enfourcher le cheval de la diplomatie et régler le problème. Mais, de concert avec d'autres pays, il peut s'engager dans cette voie et favoriser ce genre de choses.
En toute honnêteté, nous devons également susciter la participation de l'Iran. Nous devons susciter la participation de la Russie et de la Chine. Ces pays ont tous des intérêts en matière de sécurité, et à moins d'un effort diplomatique considérable, les perspectives d'une solution au conflit en Afghanistan sont probablement minces.
[Français]
[Traduction]
[Français]
Vous avez parlé de renforcer la diplomatie, ou d'y consacrer plus d'efforts. Vous avez également parlé d'un envoyé spécial. Aurait-il pour rôle de contribuer à l'effort diplomatique?
On sait que le gouvernement a pris position sur le changement et le prolongement de la mission en Afghanistan. On a appris que l'aide au développement serait réduite de beaucoup. Selon ce que nous avons entendu lors de votre témoignage, cette réduction de l'aide au développement vous inquiète, compte tenu des efforts qu'il reste à faire pour reconstruire et pour faire le suivi de la situation en Afghanistan.
[Traduction]
Il est certainement regrettable que l'on réduise l'aide au développement en Afghanistan pendant que les autres changements se produisent. L'Afghanistan est l'un des endroits les plus pauvres au monde. L'aide viendrait appuyer une série d'activités qui pourraient désamorcer les conflits qui se produisent en Afghanistan.
Il n'y a pas uniquement la question d'Al-Qaïda ou d'un réseau terroriste, ou des talibans et de l'insurrection, mais après plus de trois décennies de guerre, il y a aussi des problèmes au niveau local, y compris des conflits relatifs à l'eau et à des territoires entre différents groupes. Il est très difficile de résoudre ces conflits, bien que ce soit possible, et la société afghane a des façons de le faire. Le Canada, grâce à l'aide qu'il apporte et à d'autres mécanismes, peut aider, surtout en collaboration avec les groupes de la société civile qui se créent et qui veulent contribuer à la durabilité de la paix en Afghanistan. Un envoyé spécial pourrait apporter sa contribution à cet égard.
Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui.
Je tiens à préciser que personnellement, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que l'intensification des activités n'a pas donné les résultats voulus et que les conditions de sécurité se sont détériorées. Mais je voulais le préciser plutôt que de lancer un débat. Je considère cette observation tout à fait inexacte.
Cependant, je veux vous poser des questions au sujet du processus mené par les Afghans, qui a constitué le point essentiel de votre exposé, par opposition à un processus de paix mené par le gouvernement, un processus mené par les Afghans et un système politique inclusif. Pourriez-vous brièvement nous donner une idée de ce à quoi il ressemblerait?
Bien sûr. Il est juste de dire que le processus de Bonn qui a établi la structure gouvernementale actuelle que nous sommes en train d'examiner a été pour l'essentiel une réunion de vainqueurs qui n'incluait pas tous les représentants de cette société diversifiée dont nous avons déjà parlé. Ainsi, exclure de larges pans de la société afghane de ce processus entraîne des perturbations, des inégalités et un cadre politique instable. Il est donc important de tenir compte, bien entendu, des insurgés, mais aussi des réalités d'une structure d'autorité décentralisée.
Nous parlons d'aînés qui vivent dans des villages, de mollahs qui vivent dans des villages, d'autorités régionales qui sont similaires. Il s'agit de structures traditionnelles et informelles qu'il est très difficile de définir. Néanmoins, elles ont toujours constitué, comme je l'ai dit, un élément de l'organisation du pouvoir en Afghanistan, qui peut, au niveau local, contribuer à réduire le conflit.
Mais, supposons qu'il y ait une force malfaisante dans cette société, les talibans, qui tente de bouleverser cette structure. Comment pourraient-ils prendre le contrôle de façon indépendante, ou quelle force serait nécessaire pour le prendre, selon vous? En d'autres termes, n'y a-t-il pas une place pour l'armée afghane et la police afghane afin d'aider ce groupe local, de lui donner la force de résister aux talibans, aux forces malfaisantes?
John a déjà dit qu'il y a certainement une place pour des forces de sécurité. Notre idée principale concerne l'aspect plus terre à terre de la sécurité, où assurer une nouvelle stabilité à l'échelle locale par l'apaisement de ces conflits non idéologiques, les conflits relatifs au territoire et à l'eau, etc., confère une certaine stabilité et rend les gens moins vulnérables à l'influence des insurgés, comme je l'ai dit à M. Wilfert.
John, voulez-vous en parler davantage?
Je veux bien comprendre, mais les talibans ont leur cour. En fait, ils ont énormément d'influence dans les villages présentement. Verriez-vous cela disparaître, remplacé ou renforcé? Je tente de me représenter ce que vous imaginez, car j'ai de la difficulté à comprendre.
Cela signifie qu'ils vont jouer un rôle au gouvernement dans le cadre d'un processus négocié. En d'autres termes, si je peux revenir à la notion de guerre civile, je crois comprendre — et il se peut que nous soyons en désaccord à cet égard — que ce qui s'est passé en 2001, c'est que les forces internationales ont collaboré avec l'Alliance du Nord, qui représentait des parties de l'Afghanistan contre les talibans et d'autres insurgés, qui représentaient d'autres parties du pays. Ils ont encore de l'influence sur une grande partie du territoire ou ont recommencé à en avoir. Dans un processus de paix national, on devra tenir compte du fait que cette influence existe et qu'il faut établir un équilibre dans une nouvelle structure de gouvernance ouverte à tous en Afghanistan. En d'autres termes, il devra y avoir en quelque sorte une forme de réconciliation nationale qui inclut les insurgés talibans.
À quelles conditions? Notre discussion est très intéressante, et j'en retire des éléments positifs. Je ne remets pas vos propos en question; je tente seulement de comprendre. Vous avez dit que les collectivités sont vulnérables. Je ne sais pas ce que ces mots signifient pour vous. Je sais ce qu'ils signifient pour moi. Les collectivités sont vulnérables, et on donne des moyens d'agir à cette gouvernance naturelle locale décentralisée qui devrait exister en Afghanistan.
Une armée nationale ou un service de police ne seraient-ils pas nécessaires? C'est pratiquement une question de pure forme. Je crois que c'est nécessaire. Est-il préférable qu'il s'agisse de forces internationales ou encore d'Afghans à qui l'on donnerait une formation pour effectuer le travail, des Afghans qui pourraient être formés par des forces internationales?
Il est certain qu'il devrait y avoir une structure nationale de sécurité qui incluerait la police et les millitaires.
Ils pourraient l'être par les forces internationales actuelles. Ils sont très bons dans le travail qu'ils effectuent dans leur propre pays. Il se peut qu'ils n'aient pas besoin de formation, mais ce qui est important, c'est la façon dont on arrive à un contexte national stable où la force nationale de police ou la présence militaire peuvent être généralement acceptées. Il y aura toujours des trouble-fête. Il y en a dans tous les processus de résolution de conflit ou de consolidation de la paix. Mais il faut un contexte national stable et seul des négociations avec les talibans et les insurgés rendront cela possible.
Pourriez-vous expliquer la différence qui existe présentement entre l'envoyé spécial et l'ambassadeur? Qu'est-ce qui les différencie?
L'envoyé spécial aurait un mandat international plus large, un mandat régional. Il se trouve que je sais en quoi consiste le travail d'un ambassadeur, car je faisais partie du corps diplomatique lorsque j'étais très jeune et fou. Je sais comment cela fonctionne, et une myriade d'activités opérationnelles doivent être menées dans le pays.
Il ne fait aucun doute qu'un ambassadeur et que le personnel politique d'une ambassade à Kaboul joueraient un rôle et seraient liés à cet envoyé international, mais le mandat de l'envoyé international serait différent et plus large et il serait lié plus directement au Canada.
Merci, monsieur le président, et je remercie nos invités.
Je vais tout d'abord parler de certains chiffres, car il y a eu un peu de confusion à la Chambre des communes aujourd’hui sur ce que nous avons fait. Des préoccupations ont été exprimées depuis que le gouvernement a décidé de prolonger la mission militaire et de réduire la mission civile. En fait, le plan qui a été proposé au gouvernement il y a deux semaines à peine aurait mis l’accent davantage sur la mission civile que sur la mission militaire. On a travaillé à ce plan pendant deux ans, le gouvernement en a une copie, et tout le monde peut le lire.
Les chiffres sont intéressants: le gouvernement va réduire le budget de l’aide au développement qui avait été proposé par les fonctionnaires. Ils avaient proposé un investissement de 550 millions de dollars sur trois ans pour une mission exclusivement civile, et maintenant, ce montant sera réduit à 300 millions de dollars. Bien entendu, nous investirons 1,5 milliard dans la mission militaire.
Aujourd’hui, à la Chambre des communes, la ministre a tout d’abord dit que nous avions formé 3 000 enseignants. D’après le rapport du gouvernement, nous en avons en fait formé la moitié. Par la suite, elle a dit que nous en avions formé seulement 158. Nous ne savons pas combien de personnes ont été formées. Comme M. Obhrai est maintenant le nouveau secrétaire parlementaire pour l’ACDI, il peut rectifier le tout pour nous. Ce que nous savons, c’est que le gouvernement va réduire le budget de la mission civile de façon draconienne.
Ce qui est intéressant, c'est qu'on se concentre sur la formation des militaires. Jusqu'à cet automne, 134 000 militaires auront été formés — nous savons cela. Ce sont les chiffres qui ont été donnés. En 2006, l'objectif initial était d'en former 134 000. Les nouveaux chiffres qui circulent sont 171 000 militaires, et le Pentagone a dit — avant que le Canada intervienne — qu'on les formerait en moins d'un an. Il n'est pas nécessaire d'avoir reçu le prix Nobel de la paix en mathématique pour comprendre. Nous aurons déjà formé un nombre suffisant de militaires: 134 000, ce qui correspond aux chiffres de 2006. Même si l'on avait souscrit à l'idée qu'il fallait en former encore 40 000, ces militaires, selon les propos du Pentagone, auraient déjà été formés par les États-Unis.
Si nous avons besoin de plus de canons et de beurre, comme le disent les économistes, avons-nous besoin de former d'autres militaires? Si c'est le cas, d'où cette idée vient-elle? Ou bien, avons-nous besoin davantage de ressources civiles, d'activités diplomatiques, de justice transitionnelle et d'aide au développement?
Je pose une question quelque peu hypothétique. Mais, selon votre mémoire et votre interprétation du rapport du gouvernement, le gouvernement n'a pas fait avancer la réconciliation. Toutefois, vous dites qu'il y a une façon de le faire.
À votre avis, combien devrait-on investir dans la réconciliation? Si vous n'avez pas de chiffres précis, vous pourriez nous parler des initiatives sur le terrain qui pourraient être chiffrées à court terme. La plupart d'entre nous veulent débattre de cette question à la Chambre des communes, et nous aurions aimé tenir un vote. Hélas, il ne nous reste que ce forum en remplacement de l'autre. Savez-vous dans quelle mesure nous pouvons contribuer à la réconciliation, ou connaissez-vous des chiffres là-dessus?
Je serai franc. Nous n'avons certainement pas de chiffres à notre disposition, ce ne serait pas approprié pour l'Église de s'en occuper. Néanmoins, vous constaterez que le mémoire contient des recommandations très claires qui peuvent, selon nous, être chiffrées et permettre progressivement d'établir un processus de réconciliation fort aux niveaux local, régional et national.
Au niveau local, le processus commencerait par un partenariat sur le terrain avec des organismes de la société civile qui ont un bilan crédible. Qui sont ces organismes? Il y en a une foule. Le Centre international pour la justice transitionnelle, que le Canada a soutenu dans le passé, en est un. Des membres de son personnel se trouvent en Afghanistan et comptent parmi les meilleurs analystes et enquêteurs disponibles.
Le Chr. Michelsen Institute a également réfléchi abondamment sur le processus de réconciliation en Afghanistan — il a fait une excellente analyse, et j'encourage les membres du comité à l'examiner. Il y a également des ONG autochtones établies. Il est certain qu'elles sont en difficulté. Néanmoins, il existe un organisme, le Tribal Office, autrefois connu sous le nom de Tribal Liaison Office, qui a fait d'excellentes analyses et des recherches sur le terrain.
Ces gens, au moyen de la consultation et de la collaboration, seraient capables, à mon avis, de contribuer à l'élaboration d'une approche crédible sur le terrain, de concert avec la société civile qui participe au processus de négociation politique dont John a parlé.
Je vous remercie.
Je crois que les données que le gouvernement a fournies, avant qu'il rompe sa promesse de mettre fin à la mission militaire, étaient très concrètes. Ce que je veux dire, c'est qu'il y avait, dans le document soumis au Conseil du Trésor, 37,5 millions de dollars pour le MAECI, pour des programmes qui auraient peut-être fait participer le MAECI dans l'effort diplomatique. Le gouvernement a en fait établi ses priorités dans le document, dont nous n'avons pas entendu parler depuis qu'il a décidé de faire volte-face à ce sujet, selon lesquelles il parlerait de promouvoir la diplomatie régionale. De l'argent était lié à cela.
Je crois que vous faisiez référence au récent article de Ahmed Rashid lorsque vous avez dit que c'est Islamabad qui rendra la paix possible en Afghanistan. Mais c'est également l'Inde. Je crois que cette approche régionale est tombée dans l'oreille d'un sourd, certainement dans notre gouvernement.
Je suis curieux de savoir quel est l'avantage pour le Canada de mettre de l'avant une approche régionale, selon vous, et y aura-t-il un effort diplomatique? Pour être juste envers le gouvernement, d'après son propre rapport, il poursuit ses efforts de réconciliation et de diplomatie.
Encore une fois, je crois qu'il est important que les gens sachent que c'est une équation régionale. Pourriez-vous nous parler un peu plus du besoin d'adopter une approche régionale de la diplomatie?
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le président, le NPD m'a beaucoup interrogé pendant qu'il posait ses questions. Donc, dois-je répondre à Paul Dewar ou encore parler à ces messieurs qui se sont présentés ici?
Je crois que nous allons vous laisser me poser des questions à la Chambre des communes et que nous répondrons alors à toutes vos accusations. Comme je suis ici, permettez-moi de m'adresser à ces bons messieurs qui se sont présentés ici et de tenter de comprendre leur point de vue.
Permettez-moi tout d'abord de vous dire que le Conseil canadien des Églises, et vous, avez bien sûr une expérience extraordinaire, car vous avez travaillé au développement et à la gouvernance partout dans le monde. Puisque vous êtes une excellente référence à cet égard, personne ne remet en question vos compétences ou quoi que ce soit. Cependant, je veux poursuivre dans la même veine que mon collègue Jim.
Ce que je trouve très curieux, c'est la raison pour laquelle vous avez une bonne expérience dans tous ces domaines, et dans l'ensemble, vos expériences se situent en grande partie dans des pays qui permettent aux sociétés civiles de venir et de faire ces choses. Mais, l'Afghanistan constitue une difficulté extrêmement différente. Il s'agit d'un pays musulman qui a ses propres règles et sa propre vision des choses, etc. On fait face à des difficultés énormes en mettant le pied en Afghanistan et en allant sur le terrain sans sécurité, sans rien.
Je tiens à dire que j'ai visité toutes les régions là-bas, et il faut connaître les intérêts politiques locaux. À maintes reprises, vous avez dit clairement que ce serait la situation idéale. Il n'existe pas de situation idéale. Il y a des intérêts politiques locaux sur le terrain; il y a des problèmes locaux sur le terrain. Vous nous dites, parlons aux talibans, et le mollah Omar vient de dire qu'il ne parlera à personne.
Vous avez dit que l'Inde et le Pakistan devraient sortir de l'Afghanistan. Vous semblez oublier qu'ils faisaient partie de la région — tous ces pays à une certaine époque — et ils ont des intérêts directs. Lorsque vous dites qu'ils devraient plier bagage et s'en aller — cela ne se produira pas.
Donc, en tenant compte de tout cela, les difficultés que nous... Oubliez le développement.
Et je tente de vous comprendre, messieurs, d'accord? Je ne fais pas de critiques. Je dis seulement que la situation et les intérêts politiques en Afghanistan sont vraiment très différents de ceux des pays d'Afrique et d'Amérique latine et de tous les autres pays qui respectent la primauté du droit.
Donc, pour comprendre tous ces éléments, lorsque vous dites toutes ces choses, je vous souhaite la meilleure des chances, mais je peux vous dire qu'en ce qui concerne le gouvernement, nous tenons compte de la vulnérabilité locale, des intérêts politiques locaux en jeu... Paul vient de faire référence à l'approche régionale.
Le Canada a investi beaucoup. Si vous examinez le rapport Manley, des projets de premier plan auxquels nous travaillons depuis bon nombre d'années tirent maintenant à leur fin. Donc, il n'est pas correct de dire que l'aide au développement est réduite. L'approche du gouvernement du Canada se poursuit après 2011. Le NPD ne cesse de crier qu'il faut s'empresser de ficher le camp de ce pays. Je ne sais pas qui assurera la sécurité si nous fichons le camp. Le problème n'est pas réglé.
Avant que vous continuiez là-dessus, vous avez réclamé un envoyé spécial de l'ONU. Le Canada croit que nous avons...
J'ai donc expliqué ces choses. C'est un problème, mais vous savez quoi? Comme vous l'avez fait pour d'autres, vous pouvez toujours revenir à mes questions — aux points que j'ai soulevés — lorsque les libéraux vous poseront une question; vous n'avez pas à répondre expressément aux questions du NPD.
À condition que j'aie entendu une question?
J'adopte la prudence dont vous faites preuve envers la complexité et la difficulté du problème, puisqu'il s'agit d'un pays musulman et qu'il y a des choses que nous ignorons. Nous avons essayé de travailler en partenariat avec les Afghans dans leur pays et ceux qui vivent au Canada -- qu'ils soient citoyens canadiens ou qu'ils viennent juste d'arriver au pays -- pour qu'ils nous renseignent sur la meilleure façon d'aider la société civile.
Comment pouvons-nous résoudre les questions très difficiles des civils et de leurs droits de la personne pendant que nous essayons d'arriver à un accord avec les talibans et d'autres insurgés? Nous n'avons pas de réponse directe, et il revient aux Afghans, en fin de compte, de résoudre ces problèmes.
Je dirai seulement, pour répondre au commentaire sur l'aide au développement, que les organismes de développement canadiens ou les branches internationales... Par exemple, CARE Canada, qui apportait de l'aide au développement avant que les talibans arrivent, pendant qu'ils occupaient le pays et après, a mentionné que son travail était beaucoup plus difficile depuis 2001, parce qu'on ne faisait pas vraiment la différence entre les forces de sécurité et la livraison du matériel d'aide.
Je suis reconnaissant pour le résumé et je suis conscient de toutes les recherches que vous faites pour nous fournir ces renseignements.
Une difficulté qui surgit dans tous les rapprochements et dont on parle de plus en plus est que peu importe ce qu'on pense des interventions des Nations Unies et de l'OTAN, de la Conférence de Bonn, de celle de Londres et de celle de Paris, on s'est clairement engagé envers les droits des femmes, les droits de la personne et la primauté du droit, qui n'ont pas toujours été respectés depuis 2001. Nous savons bien qu'ils ne l'étaient pas non plus avant.
Comment rapprocher ces concepts? Tout le monde veut la paix. Je pense que tout le monde se rend aussi compte à quel point il est difficile d'imaginer qu'une intervention uniquement militaire pourrait être envisagée dans le contexte actuel. Le Pakistan jouit d'une paix interne. La paix et le rapprochement s'installent entre le Pakistan et l'Afghanistan. On peut aussi se demander quel rôle les autres puissances de la région vont jouer, et je ne parle pas seulement des puissances inoffensives comme l'Inde, mais d'autres puissances qui manifestent un intérêt évident pour la région, comme l'Iran.
Mais revenons à l'essentiel de la question. Un point sur lequel on me sollicite souvent vient des groupes de femmes, tant au Canada, qui sont des organismes de la diaspora afghane, que d'organismes que nous avons rencontrés en Afghanistan, qui disaient tous que peu importe ce que nous faisons, il ne fallait pas mettre leurs droits en péril dans l'espoir d'obtenir la paix avec les talibans. Les talibans ne sont pas reconnus pour leur respect des droits des femmes ou des droits de la personne. On est alors en droit de se demander comment procéder. Ce qui me préoccupe, c'est le sentiment que la faute n'incombe pas entièrement à l'Occident et à Karzai si la paix et le rapprochement ne s'effectuent toujours pas en Afghanistan.
Je sais que ce n'est pas où vous voulez en venir, mais je veux que vous compreniez les obstacles qui ont entravé nos efforts de négociation. Je pense que c'est l'une des raisons qui fait qu'on a tant de difficulté à imaginer ce dont un rapprochement réussi a l'air.
Vous avez entendu les témoignages de CARE Canada et de l'ambassadeur. Les deux exposés étaient assez clairs à ce sujet. Un passage du témoignage de CARE Canada que j'ai relu cette semaine m'a paru assez pertinent; il s'agit du fait que leurs préoccupations à propos de la précarité des doits des femmes et de ce qui s'ensuit sont traitées, ou à tout le moins atténuées de façon progressive, par des consultations prudentes avec les aînés de la région. Cette approche pragmatique axée sur un village à la fois fait partie de ce que nous espérons voir à l'oeuvre dans le cadre du projet des générations pour la paix dont nous parlons. Il faudra bien du temps avant de voir les droits de la personne et la paix se concrétiser là-bas; dans ce contexte, défendre les droits des femmes en passant par une consultation minutieuse des aînés de la région représente une façon d'amorcer les choses et de leur donner un élan.
J'aimerais ajouter que l'Islam n'est pas monolithique, et on peut constater que dans bon nombre de pays islamiques, on ne voit les droits des femmes et leur rôle de la même façon que les talibans très conservateurs des régions principalement rurales ou que les personnes âgées vivant dans les villages. Il s'ensuit donc qu'une partie de la solution ne dépend pas de nous, que ce soit avec l'ONG, l'Église et les organismes de la société civile, mais elle pourrait très bien dépendre d'un dialogue au sein du monde islamique, qui est d'ailleurs déjà engagé, que ce soit l'Arabie saoudite, la Turquie, l'Indonésie, où se vivent des expériences très différentes... Nous ne pouvons compter que sur notre propre expérience et notre propre paralysie. Honnêtement, c'est comme cela que je me sens par rapport à la question; je me sens paralysé.
Eh bien, oui, mais monsieur Siebert, la difficulté réside dans le fait que nous ne sommes pas en négociations avec l'islam. L'Afghanistan est un pays islamique. Je veux en venir au fait que dans le contexte de l'islam et d'un pays qui, d'un point de vue religieux, est encore très conservateur, on a réalisé des progrès remarquables du côté des droits de la personne ces dix dernières années.
Oui, des progrès ont été accomplis dans certaines régions importantes du pays et du point de vue de la constitution formelle, ils sont indéniables.
La difficulté qui se pose, et contre laquelle je pense il faut se battre avec un peu plus de vigueur, c'est que les gens avec qui on essaie de se rapprocher ont toujours entretenu, en tant que groupe, une image très négative du rôle de la femme et des droits de la personne dans leur société.
Il s'agit vraiment d'un problème dans nos efforts de rapprochement. Il n'est pas facile de se rapprocher de quelqu'un dont les opinions ne sont pas compatibles avec les concepts modernes reliés aux droits de la personne, à la participation des femmes et à l'égalité entre les personnes. Ce n'est pas facile à faire.
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui et de partager vos points de vue avec nous. Merci de vous préoccuper de la paix et de la démocratie, des droits de la personne et des droits des femmes en Afghanistan.
Avant de poser une question, je veux seulement apporter une correction au compte rendu. Je crois que M. Dewar a mentionné plus tôt un montant que le gouvernement a proposé au titre de l'aide canadienne pour des projets civils en Afghanistan. D'après ce que je comprends, cette somme représente environ 300 millions de dollars par année pour l'Afghanistan au complet.
Une voix: Il a dit 100 millions de dollars.
M. Bob Dechert: Seulement pour Kandahar.
D'après ce que je comprends, et M. Dewar peut vérifier, c'est que nous suggérons environ 300 millions de dollars pour l'Afghanistan au complet.
Monsieur Siebert, vous avez mentionné plusieurs choses dans votre intervention.
Si nous retirons les troupes canadiennes de la région de Kandahar, comme l'a suggéré le gouvernement, et que nous ne formons pas l'armée afghane pour les remplacer, qui assurera la protection de tous les travailleurs civils de l'aide canadiens que nous devrions, selon vous, avoir sur place, et que nous allons continuer d'avoir sur place?
Dans la plupart des régions du monde, l'apport d'aide humanitaire et d'aide au développement se fonde sur un principe de neutralité qui englobe tous ceux qui viennent la chercher, peu importe la catégorie, que ce soit la religion, la race, etc. Si elle est bien faite, la sécurité des ONG qui apportent l'aide provient de la confiance établie par les personnes qui font partie de la société qui la reçoit.
Permettez-moi de vous poser une question. Êtes-vous confiant qu'aujourd'hui, dans la région de Kandahar, les travailleurs de l'aide des ONG occidentales profiteraient de la même sécurité si on ne remplace par les Forces canadiennes et sans l'armée afghane formée pour faire le travail que les Forces canadiennes accomplissent là-bas actuellement? Pensez-vous qu'ils seraient en sécurité aujourd'hui?
Je pense que cela serait extrêmement difficile. Je vois où vous voulez en venir. Mais des agences canadiennes et d'autres agences d'aide faisaient leur travail sous le régime des talibans. En fait, elles ont négocié les questions de l'accès et de la sécurité avec les talibans.
C'est une opération dangereuse. Les travailleurs de l'aide canadiens et ceux d'autres agences ont, comme les Forces canadiennes et d'autres militaires, subi des pertes substantielles et horribles.
Comment pouvons-nous être certains que les gains réalisés du point de vue de la scolarisation des filles, des droits des femmes et de la participation des femmes au gouvernement, obtenus au prix d'énormes investissements en efforts et en argent de la part du Canada, vont durer si l'armée afghane ne peut maintenir la paix et la sécurité que la FIAS préserve aujourd'hui?
À ce point, il est crucial que la sécurité devienne aussi une affaire locale. La sécurité est un ensemble qui comprend bien sûr la participation des forces de sécurité, mais aussi une bonne gestion au niveau local. Dans certains cas, on répète la vieille question à savoir quoi, de l'oeuf ou la poule, est venu en premier. Néanmoins, du point de vue de la gestion et de l'efficacité, avoir les bases de la sécurité au niveau local reste un élément important.
Cela dit, la présence des forces internationales et des FSNA à Kandahar pourrait très bien rendre l'apport d'aide plus sécuritaire, pour rejoindre les inquiétudes que John entretenait à propos de la neutralité des travailleurs de l'aide.
Pensez-vous que les FSNA sont prêtes à assumer cette tâche, ou ont-elles encore besoin d'entraînement et d'aide supplémentaire?
D'accord.
D'après ce que je comprends, lorsque CARE Canada a comparu, l'organisme a défendu qu'il était nécessaire de continuer à entraîner les forces de l'ordre en Afghanistan pour protéger les femmes et pour garantir que les progrès relatifs au respect de leurs droits restent acquis. Que diriez-vous à CARE Canada à ce sujet?
Encore une fois, la question de la sécurité s'ajoute à ce dont nous parlons. Nous essayons, encore une fois, d'avoir une mission équilibrée. Les forces de sécurité en sont un élément. Mais s'occuper de la gestion au niveau local en remontant jusqu'à l'échelon le plus élevé, où la société est tout à fait engagée, est une façon d'y parvenir, et comprend les deux niveaux -- micro et macro -- de solutions que nous envisageons, y compris une meilleure défense des droits des femmes.
D'accord.
Je crois que M. Siebert avait dit que le Canada devrait s'engager à entreprendre un « effort diplomatique intensif », je crois que c'est l'expression qu'il a utilisée, qui fait appel au même niveau de ressources financières que l'effort militaire.
Selon vous, de quoi aura-t-on besoin et pendant combien de temps?
D'une contribution importante et de cohérence.
Vous savez, je suis certainement d'accord avec le fait que la nature de l'engagement militaire signifie aussi l'équipement et l'entraînement nécessaires et tout ce qui vient avec. Les solutions qui font appel au domaine militaire entraînent toujours de grandes dépenses. La bonne nouvelle, c'est qu'en comparaison, les solutions diplomatiques sont relativement peu coûteuses.
Et si je pouvais juste laisser le terme « financières » de côté, mais dire...
Je l'ai dit, mais si la même énergie dépensée en politique était consacrée à l'aspect diplomatique et à trouver une façon -- avec l'appui du premier ministre -- pour que le Canada participe à une résolution diplomatique, si cela arrivait, et que le monde idéal que j'envisionne deviendrait réalité, on parle tout de même d'un bon nombre d'années d'engagement.
D'accord.
Merci beaucoup, messieurs.
Monsieur Hogeterp, monsieur Siebert, nous vous sommes reconnaissants de votre exposé et de vos commentaires. Merci beaucoup.
Nous allons suspendre la séance quelques instants, le temps de...
Monsieur le président, j’invoque le Règlement, car je pense qu'on a contesté mes données, et avant qu'ils partent...
Les 100 millions de dollars par année viennent de la ministre Oda, et je voulais que les membres du gouvernement me disent où ils ont obtenu leurs données, parce que hier, la ministre a annoncé 100 millions de dollars par année, et pas à Kandahar, comme a dit M. Dechert.
Je voulais donc seulement clarifier ce point pour le compte rendu, monsieur le président, et je me demandais si c'était possible.
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