:
Merci, monsieur le président.
Bonjour messieurs. Je vous remercie de m'avoir invité, en qualité de professionnel, à vous parler du rôle que l'industrie pourrait jouer dans le cadre de la future mission du Canada en Afghanistan.
Permettez-moi de commencer par vous dire quelques mots au sujet d'Allen Vanguard, l'entreprise que je dirige. C'est une entreprise canadienne, dont le siège se trouve à Ottawa. Nous avons des ateliers de fabrication à Ottawa et à Pembroke, en Ontario, ainsi qu'au Royaume-Uni et aux États-Unis, et nous avons aussi des équipes de services professionnels dans ces pays. Nous exportons nos produits et nos services dans plus de 100 pays. Notre coeur de métier est l'atténuation et la destruction de la menace que posent les engins explosifs improvisés et autres armes de terreur qui, au cours des 10 dernières années, ont contribué à déstabiliser un nombre croissant de régions du monde.
Dans le contexte de l'OTAN, l'engin explosif improvisé fait désormais partie du théâtre des opérations. La prévention contre les engins explosifs improvisés est un volet important des opérations de stabilisation et de contre-insurrection que l'alliance déploie actuellement. La lutte contre les engins explosifs improvisés s'articule généralement autour de trois grands axes d'intervention: premièrement, dès l'apparition de la menace, la destruction de l'engin explosif par sa localisation et sa neutralisation; deuxièmement, la protection et la formation des forces de sécurité pour lutter contre cette menace; et troisièmement, la mise au point de systèmes d'analyse judiciaire et de renseignements capables de repérer et de démanteler les réseaux qui approvisionnent, financent et fabriquent les armes meurtrières que sont les engins explosifs improvisés.
De plus en plus, les nations concernées planifient systématiquement l'intégration de toute une panoplie de mesures pour protéger leurs armées contre cette menace et pour détruire les engins explosifs improvisés ennemis qui menacent non seulement nos soldats mais aussi nos populations civiles.
Dans les théâtres d'opérations comme l'Afghanistan, l'OTAN fournit des moyens efficaces de lutte contre les engins explosifs improvisés aux forces de ses pays membres qui y sont déployées. De plus en plus préoccupée par cette menace qui a augmenté de façon exponentielle au cours des cinq dernières années, l'alliance s'emploie également à aider les forces de sécurité afghanes à se doter des mêmes capacités de lutte contre les engins explosifs improvisés. Étant donné la nature extrêmement évolutive, sur les plans technique et tactique, de la menace que constituent les engins explosifs improvisés, l'industrie participe activement à cet effort, non seulement en livrant aux forces armées des solutions technologiques adaptées mais aussi en offrant un soutien opérationnel direct aux soldats qui y sont déployés ou sur le point de l'être et aux forces afghanes.
Le partenariat opérationnel qui existe entre l'industrie de la lutte contre les engins explosifs improvisés, les forces armées et les forces policières est tout à fait unique, et je dirai même qu'il se renforce de jour en jour, et pas seulement en Afghanistan. Les spécialistes d'Allen Vanguard, dont un grand nombre sont d'anciens combattants en Irak et en Afghanistan, aident directement des dizaines de pays à développer leurs capacités de lutte contre les engins explosifs improvisés.
En fait, ce sont nos agents qui ont rédigé la doctrine de l'OTAN en matière de lutte contre les engins explosifs improvisés, dans le cadre de notre contrat pluriannuel avec le Commandement allié Transformation de l'OTAN. Nos agents ont aidé des forces policières et militaires nationales du monde entier à mettre au point des politiques, des stratégies et des capacités de lutte contre les engins explosifs improvisés, avec l'appui de nos moniteurs très spécialisés qui organisent des séances de formation. De plus, nos scientifiques, nos ingénieurs et nos spécialistes de la lutte contre les engins explosifs improvisés ont mis au point des tenues de protection antibalistiques, des brouilleurs de fréquences radio, des robots démineur, des équipements de protection, des dispositifs de renseignements, et des laboratoires d'analyse judiciaire de campagne, qui sont tous utilisés pour lutter contre les engins explosifs improvisés dans le monde entier.
En résumé, nos agents, qui sont en très grande majorité canadiens, ont de bonnes raisons d'être fiers de leur contribution quotidienne et cruciale à la protection des soldats au front et des populations vulnérables contre la menace insidieuse que représentent les engins explosifs improvisés. Il est évident pour nous que l'industrie canadienne a un rôle précis et déterminant à jouer pour faciliter le transfert aux autorités afghanes des responsabilités en matière de sécurité, d'ici 2014.
Les responsables afghans connaissent la réputation d'Allen Vanguard. Comme le font parfois remarquer d'autres Canadiens, nous sommes sans doute mieux connus à l'étranger que chez nous. En fait, nous avons été invités par l'ambassadeur de l'Afghanistan au Canada, Son Excellence Jawed Ludin, à rencontrer des ministres afghans et des hauts-fonctionnaires à Kaboul, à la mi-novembre.
Nous avons ainsi rencontré le premier vice-président, le ministre de la Défense, le ministre de l'Intérieur, le chef de la Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan et le vice-conseiller à la sécurité nationale, entre autres, et leur message était clair et logique.
Le ministre de la Défense, M. Wardak, s'est exprimé en termes non ambigus. Comme il l'avait déjà dit à une réunion des ministres de la Défense de l'OTAN, en juin dernier, le transfert aux autorités afghanes des responsabilités en matière de sécurité, a-t-il répété, doit être assujetti à plusieurs conditions, notamment que les autorités afghanes disposent des capacités sécuritaires que fournit actuellement la FIAS. Il a ajouté qu'il n'était pas du tout satisfait de l'état actuel de son armée en ce qui concerne ses moyens de lutte contre les engins explosifs improvisés, sa formation et ses capacités, et que c'était la priorité principale qu'il s'était donnée pour ce transfert.
Le ministre de l'Intérieur, M. Mohammadi, a lui aussi estimé que l'insuffisance des capacités de lutte contre les engins explosifs improvisés était le plus gros obstacle au transfert des responsabilités, étant donné que les engins explosifs improvisés sont la cause de plus de 80 p. 100 des décès parmi les forces de sécurité afghanes. On nous a dit que les engins explosifs improvisés causaient la mort de 15 à 20 civils et de 6 policiers par jour, en moyenne. Le ministre a déploré que les policiers, qui sont en première ligne, soient complètement tributaires, et ce sont ses propres termes, des capacités de réponse de la FIAS, si bien que, seuls, ils seraient pratiquement sans défense contre ce genre de menace.
Le chef de la Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan, M. Nabil, s'est fait l'écho de ses collègues, et le vice-conseiller à la sécurité nationale, M. Abdali, a insisté sur la nécessité d'adopter une approche stratégique nationale qui permettra de conjuguer les efforts déployés par les trois organes de sécurité concernés, afin que la création de ces capacités se fasse de façon intégrée et durable.
Lors de notre visite à Kaboul il y a deux semaines, nous avons également eu des contacts étroits avec des responsables de l'OTAN, notamment le personnel d'état-major de lutte contre les engins explosifs improvisés de la FIAS et des représentants de la mission de formation de l'OTAN. Nous avons appris que, étant donné qu'il faut former de plus en plus de soldats et de policiers afghans, l'OTAN a dû focaliser ses efforts sur la formation des soldats et des dirigeants à un niveau très élémentaire, si bien que les fonctions plus spécialisées, comme la lutte contre les engins explosifs improvisés, ont été reléguées au second plan.
Ils ont maintenant commencé à faire des plans pour combler cette lacune, mais les progrès restent limités, faute d'experts pour former, conseiller, encadrer et aider ceux qui ont la responsabilité d'élaborer des programmes de renforcement des capacités de lutte contre les engins explosifs improvisés. Les experts de l'OTAN sont tellement occupés à assurer la protection de leurs propres soldats, et cela se comprend, qu'ils n'ont guère le temps de participer au renforcement des capacités sécuritaires afghanes. C'est un problème majeur, qui nuit surtout au renforcement des capacités de lutte contre les engins explosifs improvisés, et moins aux autres fonctions sécuritaires plus générales.
C'est la raison pour laquelle l'aide de l'industrie peut être déterminante.
Pour vous donner une idée de l'ampleur des besoins, je vous dirai que, d'après l'OTAN et les Afghans, ils auront besoin de près de 300 équipes d'intervention afghanes qualifiées pour lutter contre les engins explosifs improvisés, dont près de 90 pour la police nationale afghane, qui est en première ligne pour la protection des populations vulnérables. À la fin du mois d'août dernier, ils n'avaient réussi à déployer qu'une seule équipe policière opérationnelle de lutte contre les engins explosifs improvisés.
Je m'empresse d'ajouter, toutefois, que l'OTAN s'est exclusivement employée, jusqu'à maintenant, à former des équipes individuelles. Aujourd'hui, l'état-major de l'OTAN à Kaboul est en mesure de s'intéresser à la formation des responsables institutionnels qui seront chargés de mettre en place un système national, c'est-à-dire un système qui conjuguera les efforts de l'armée, de la police et des services de renseignements, et dont l'objectif sera, au-delà de la destruction de l'engin explosif improvisé, le démantèlement des réseaux de fabrication d'engins explosifs improvisés et l'arrestation des terroristes suspects.
Ce sont là les domaines dans lesquels Allen Vanguard a été invité par un grand nombre de pays à démontrer ses compétences particulières. Je suis convaincu que, d'ici peu, nous jouerons, auprès de l'OTAN, un rôle utile et stratégique dans le renforcement des capacités en Afghanistan, dès que les besoins auront été bien définis.
En conclusion, les engins explosifs improvisés sont un obstacle important qui empêche les hommes, les femmes et les enfants d'Afghanistan de vivre une vie normale, et qui freine les efforts de ceux qui veulent les aider à reconstruire leur pays.
Nous sommes convaincus, comme la plupart des gens je crois, que l'aide que nous pourrons apporter aux Afghans pour contrer la menace dangereuse et déstabilisante que représentent les engins explosifs improvisés sera une composante importante du processus de transfert, de l'OTAN aux autorités afghanes, des responsabilités en matière de sécurité. Étant donné que l'OTAN n'a guère de capacités excédentaires à consacrer, à court terme, à cet effort particulier, nous pensons que l'industrie canadienne peut apporter une contribution précieuse, dans un domaine qui aura un impact à la fois dans l'immédiat et à long terme.
J'espère que le comité apportera à la question toute l'attention voulue.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invité à vous faire part de mes réflexions. Maintenant, je suis prêt à répondre à vos questions.
Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président et messieurs les membres du comité. C'est un honneur pour moi de comparaître devant vous aujourd'hui.
J'aimerais vous dire quelques mots sur notre groupe, sur ce que nous avons fait en Afghanistan, pourquoi la formation de gestionnaires est indispensable à l'autonomie de l'Afghanistan, et comment nous nous y prenons pour renforcer les capacités administratives de ce pays. J'aborderai également rapidement la question des coûts.
Je m'appelle John Inns, et je suis directeur du IPA Group. Je suis un ancien fonctionnaire, mais, depuis 20 ans, je fais de la consultation en gestion dans le secteur privé. Je me suis spécialisé dans le développement des organisations, la gestion du rendement, et la formation.
[Français]
Je suis anglophone. Je suis né à Montréal, mais je n'ai appris qu'un tout petit peu de français en jouant au hockey dans les rues de Montréal. Ma maîtrise du français n'est donc pas suffisante. Je parlerai donc uniquement en anglais.
[Traduction]
Mon collègue Geoff Poapst a les mêmes antécédents que moi, sauf qu'il est en plus ce que j'estime être un vidéaste réputé.
C'est en 2007 que nous avons combiné toutes ces compétences, lorsque le Service canadien du renseignement de sécurité nous a demandé de concevoir et de mettre en oeuvre un système de formation en gestion à l'occidentale pour la Direction nationale de la sécurité de l'Afghanistan. C'est le directeur général de l'époque, Amrullah Saleh, qui avait demandé une formation en gestion à l'occidentale. Il se rendait compte qu'on pouvait certes apprendre à des agents du renseignement à élucider des crimes et à poursuivre des terroristes, mais que la tâche était beaucoup plus difficile lorsque le gestionnaire ne possédait pas les concepts fondamentaux de la gestion comme la planification stratégique, l'établissement des objectifs et la responsabilisation des fonctionnaires.
La Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan voulait avoir une organisation plus efficace, plus transparente, plus collégiale, avec une culture de gestion moins autocratique. Voilà donc les consignes que nous avons reçues. En 2007 et en 2008, 400 membres de la Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan ont suivi notre programme de formation pour cadres intermédiaires, et 100 autres ont suivi le cours de formation pour cadres supérieurs. Tout indique que ces programmes ont été couronnés de succès.
Plusieurs mois après le cours, nous avons évalué la capacité des participants de la Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan à mettre en pratique ce qu'ils avaient appris. Nous nous sommes rendus dans neuf bureaux de la Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan, notamment à Panjshir, à Nangarhar et à Parwan. Ceux qui avaient suivi le cours pour cadres intermédiaires nous ont dit que, depuis, ils travaillaient de façon beaucoup plus efficace. Nous avons mesuré l'amélioration de la productivité à l'aide des instruments appris pendant la formation, et nous avons constaté qu'elle était supérieure à 50 p. 100. C'était très gratifiant, d'autant plus que cela confirmait ce que nous avions constaté en salle de classe — à savoir que la plupart des cadres intermédiaires et supérieurs de la Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan étaient ouverts aux nouvelles idées et qu'ils étaient vraiment avides d'apprendre. Comme je l'ai dit, je suis formateur de profession. J'ai formé des milliers de gens en Amérique du Nord, et je dois dire que les étudiants de la Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan comptent parmi les meilleurs que j'ai eus pendant toute ma carrière.
Compte tenu de ces résultats, la Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan a estimé qu'il fallait former environ 3 000 cadres intermédiaires et 500 cadres supérieurs, car il était nécessaire d'avoir une masse critique de personnes sachant utiliser les outils de gestion occidentaux pour mettre en place une organisation plus efficace et plus responsable. Nous avons reçu le même genre d'appui de la part du directeur du SCRS, Jim Judd, et de l'ambassadeur Ron Hoffmann. À l'époque, ils voulaient que nous finissions de former une masse critique à la Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan avant de passer à l'ANP, la police nationale de l'Afghanistan. Nous pensions donc que nous retournerions là-bas, mais le travail a été suspendu parce que la Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan ne pouvait plus libérer d'agents étant donné que les élections de 2009 venaient d'être déclenchées en Afghanistan. Il n'y avait donc plus personne de disponible pour des cours de formation, et depuis, nous sommes dans l'attente que le gouvernement canadien ait fini de repenser toute sa stratégie en Afghanistan.
Étant donné l'engagement qui a été pris que l'Afghanistan puisse fonctionner en autonomie d'ici à 2014, nous voulions rester en selle, en quelque sorte, pour relancer un programme qui avait déjà fait ses preuves. La formation en gestion n'est pas quelque chose d'aussi séduisant que la construction d'écoles ou de barrages, et ce n'est pas aussi concret qu'apprendre à des policiers comment utiliser des armes, mater des révoltes ou mener des enquêtes. Mais à notre avis, ce n'est pas la formation technique qui amènera l'Afghanistan à l'autonomie. Je dirai même que les propositions faites par le Canada de renforcer la capacité technique ne serviront à rien si les organisations n'ont pas les capacités administratives nécessaires pour bien exploiter les compétences techniques.
Nous avons eu des contacts avec nos homologues américains, notamment en juin dernier, à Washington, au moment de la sortie du rapport de l'inspecteur général spécial pour la reconstruction en Afghanistan. Le rapport faisait l'évaluation d'une unité de l'ANP qui avait suivi la formation avec succès, et dont les véhicules et les équipements répondaient parfaitement à tous les critères. Tout était prêt à fonctionner, sauf que personne n'était en mesure de conduire les véhicules. Comme nous l'avons dit à nos hôtes américains, réparer des voitures et des camions est une compétence technique, que je ne voudrais surtout pas sous-estimer. Mais s'assurer qu'on a le personnel compétent pour réparer et conduire les véhicules est une compétence de gestion, qui est tout aussi importante pour attraper des criminels.
Ce cas particulier a fait bouger les choses, si bien que nous faisons maintenant partie d'un consortium qui a présenté une soumission au gouvernement américain pour un contrat de 3 milliards de dollars, pour la restructuration et la formation de l'ensemble de la police nationale de l'Afghanistan, soit 142 000 personnes. Nous nous sommes également alliés à Deloitte Consulting pour explorer les possibilités de renforcement des capacités de la police en Afghanistan, au Soudan et en Somalie.
Notre expérience à Washington a aussi été positive en ce sens qu'elle nous a amenés à constater que nos programmes de formation étaient uniques et très canadiens. Contrairement à nos homologues américains, britanniques ou russes, nous ne parcourons pas le monde pour aller dire aux autres pays ce qu'ils doivent faire, et ça se voit dans notre méthodologie. Je vais vous donner des détails, ou plutôt je le ferai à la fin de ma déclaration, si vous le désirez.
Premièrement, nous sommes beaucoup moins directifs que la plupart des formateurs américains ou européens. Nous n'essayons pas d'imposer des idées occidentales. Nous ne faisons pas la leçon aux participants. Nous essayons plutôt de leur montrer comment un occidental réglerait un problème de gestion qui se pose couramment aux Afghans. Nous travaillons avec eux selon une approche afghane et avec les outils de gestion afghans les mieux adaptés à leur environnement. Au bout du compte, ce n'est plus une idée occidentale, ça devient leur idée à eux. Et comme ils se sont appropriés l'idée, la solution, ils sont plus enclins à l'appliquer pour résoudre le problème.
Deuxièmement, nous utilisons beaucoup de didacticiels vidéo afghans faits sur mesure. Cela montre aux participants que nous avons préparé quelque chose de spécial pour eux, que nous avons fait un effort particulier. Quand je branche le projecteur, ils savent qu'ils vont voir quelque chose de complètement différent, mais ça va aussi plus loin. En Afghanistan, comme vous le savez sans doute, la traduction est un véritable cauchemar. Il est très difficile de se faire comprendre. Eh bien nous avons même constaté que nous avions enrichi le vocabulaire dari parce qu'il y a des mots qui n'existaient pas en dari.
Nous avons produit des vidéos de 140 minutes en dari et en pachtoune pour illustrer des scénarios de gestion importants, et nous faisions chaque jour des résumés de ce qui avait été enseigné, pour les participants. Nous leur donnions également des devoirs qu'ils devaient faire chez eux, en utilisant les outils de gestion que nous leur avions enseignés. Nous avons tourné ces vidéos à Toronto, avec des acteurs canadiens d'origine afghane.
Nous avons également utilisé des vidéos pour faire entendre la voix du patron dans la salle de classe, ce qui était crucial. Comme vous le savez, la fonction publique afghane est très autocratique. Lorsqu'un ministre ou un sous-ministre entre dans la salle pour dire aux participants que le programme qu'ils suivent est absolument indispensable à leur carrière et à l'ensemble de l'organisation, et que s'ils n'utilisent pas les outils qu'on leur enseigne, ils ne pourront pas avancer dans leur carrière, croyez-moi, ça fouette la motivation des participants. Nous avons donc enregistré ça sur vidéo, que nous montrons à chaque nouveau groupe d'étudiants.
Enfin et surtout, nous adaptons nos programmes de formation à une stratégie de développement globale pour l'organisation. Nous travaillons avec les dirigeants pour savoir quelle est leur vision des choses, leur objectif, leur avis sur de grands dossiers politiques: les droits de la personne, la lutte contre la corruption, etc. Nous orientons donc le programme de formation en fonction de ces données-là, puisque nous avons auparavant identifié avec le sous-ministre ou avec le ministre que c'était ces choses-là qu'il voulait changer. Ça permet d'inclure toutes ces questions dans le programme de formation.
Cela montre également aux participants quels sont les objectifs de l'organisation, si bien qu'ils se sentent responsables de produire les résultats attendus et de contribuer ainsi aux objectifs de l'organisation. Ils se sentent donc personnellement responsables, et ils travaillent tous vers un objectif commun.
Voilà comment nous avons organisé notre programme de gestion en Afghanistan.
Permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet des coûts. Si vous ou l'un de vos collaborateurs suivait le même cours — je suis moniteur au Centre de management canadien —, pour le même cours, en français ou en anglais, vous devriez payer 2 500 dollars par personne. Nous avons réussi à offrir ce programme à 500 personnes en Afghanistan au même tarif que ce que nous demandons à chaque participant à Toronto. Je pense que c'est très important. Bien sûr, cela ne tient pas compte des coûts de transport et autres, mais sinon, c'est dans ces eaux-là.
Bien sûr, ce coût serait inférieur si les coûts fixes étaient amortis sur un plus grand nombre de participants, surtout si on formait des formateurs militaires pour qu'ils puissent dispenser eux-mêmes le programme. Le seul coût serait alors celui de la formation de formateurs afghans. C'est une question qu'on n'a pas encore suffisamment examinée jusqu'à présent. Pourtant, si on le voulait, c'est quelque chose d'important que le Canada pourrait laisser en héritage à l'Afghanistan.
Je vais maintenant conclure en disant que le renforcement des capacités sécuritaires en Afghanistan ne se limite pas à la formation technique. Il faut également les aider à se doter d'une administration efficace et développer cette administration. Avec une expérience de 1 600 heures d'enseignement en Afghanistan, je crois que nous avons tout ce qu'il faut pour organiser beaucoup d'autres programmes de formation.
Enfin, j'aimerais vous rappeler que le renforcement des capacités administratives prend du temps, et que ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire à moitié. Il faut une masse critique à tous les niveaux de l'organisation, du simple technicien au cadre supérieur, en passant par le cadre intermédiaire. Quand on veut qu'une organisation change et devienne plus efficace, plus respectueuse des droits de la personne et plus vigilante dans la lutte contre la corruption, il faut former une masse critique. À la Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan, on estimait que ce nombre était de 3 000. À l'ANP, on estime qu'elle sera de l'ordre de 30 000 personnes et que, par conséquent, il va falloir concevoir des programmes appropriés et adaptés aux besoins, et qu'il va falloir former des formateurs.
Nos programmes de formation en gestion ont fait leurs preuves, et il nous suffira de les modifier un peu en fonction de ce que nous avons appris à la Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan, mais de façon générale, nous sommes prêts à recommencer, d'autant plus que les Afghans nous ont demandé notre aide.
Omar Samad, l'ancien ambassadeur afghan, a dit qu'à son avis, il faudrait organiser au moins 1 000 fois ce genre de programme de formation en Afghanistan. L'actuel ambassadeur afghan vous a invités — et vous l'avez accueilli il y a quelques semaines — à poursuivre les programmes de formation et de développement que vous avez entrepris à la Direction de la sécurité nationale de l'Afghanistan, car c'est la principale organisation responsable de l'exécution de la loi en Afghanistan.
Nous avons hâte de travailler avec l'armée et la GRC pour dispenser à nouveau ces programmes, afin de renforcer les capacités, de développer les organisations et d'amener l'Afghanistan à l'autonomie.
Je vous remercie de m'avoir écouté. Je suis prêt à répondre à vos questions ou à vous montrer des exemples des vidéos que nous utilisons pour nos programmes.