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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 22 février 2000

• 1537

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Chers collègues, nous allons entamer la séance, qui est un suivi de notre étude sur la situation au Kosovo.

Cet après-midi, nous accueillons les porte-parole de trois ONG, soit de CARE Canada, du Centre canadien d'étude et de coopération internationale et de Médecins sans frontières. Nous allons les entendre dans l'ordre dans lequel ils figurent à l'ordre du jour.

Madame Gordon, je vais vous demander de prendre la parole en premier et de bien vouloir limiter votre exposé à dix minutes environ, de manière à ce que nous ayons le temps de poser des questions.

Je m'excuse d'avance si nous devons interrompre nos travaux pour aller voter, mais l'opposition s'amuse ces temps-ci à perturber...

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Tout dépend de ce que le gouvernement...

Le président: ...les travaux de la Chambre.

Nancy, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il n'y a pas d'Australien dans votre groupe.

Mme Nancy Gordon (directrice exécutive adjointe, CARE Canada): Nous y reviendrons plus tard.

Le président: Le comité est heureux de vous accueillir.

Mme Nancy Gordon: Je vous remercie beaucoup. Je me réjouis aussi grandement d'être ici et de représenter CARE Canada.

Je félicite le comité d'avoir pris l'initiative d'étudier la question du Kosovo. Comme Mme Augustine et moi-même venons tout juste de dire, c'est une question difficile et complexe qui exige que nous réfléchissions tous à la politique du Canada en matière de défense et d'affaires étrangères et à ce qu'elle devrait être.

La dernière fois que nous sommes venus témoigner devant le comité remonte à 1994, dans le cadre d'une étude de la politique générale du Canada en matière de défense et d'affaires étrangères. Ce que j'ai à vous dire aujourd'hui reflétera les efforts soutenus déployés par CARE Canada, au cours des six dernières années, pour faire face aux très difficiles décisions stratégiques qui ont dû être prises face à des catastrophes pour l'humanité comme celles dont nous avons été témoins en Somalie, au Rwanda, en Sierra Leone et, bien sûr, au Kosovo.

Les événements géopolitiques et militaires entourant l'urgence au Kosovo vous sont sans doute familiers, mais je crois qu'il serait utile d'essayer de comprendre l'envergure du désastre qui a frappé cette région du monde, il y a un an. La crise des réfugiés du Kosovo est la pire catastrophe humanitaire survenue en Europe depuis 1945.

• 1540

Je crois que vous connaissez déjà les diverses données statistiques. Vous connaissez le genre de défi qu'il a fallu relever—un million de personnes chassées de leurs foyers en quelques semaines, 120 000 maisons endommagées et détruites, la moitié presque au point de ne pas pouvoir être réparées, l'absence de services de santé et, enfin, les 1 100 écoles endommagées, dont 10 p. 100 ont été détruites. Aux dernières nouvelles, c'est-à-dire en décembre, seulement 250 d'entre elles environ avaient été réparées.

De plus, il faut composer avec les menaces actuelles de l'après-guerre. Ainsi, des mines terrestres ont été enfouies—seul l'Angola en compte plus que le Kosovo—et un nombre inconnu de bombes à fragmentation sont prêtes à exploser. Le réseau électrique fonctionne à l'occasion, mais la plupart du temps, il est en panne. Comme nous l'avons vu dans les bulletins d'actualité des derniers jours, les Serbes et les Albanais de souche se rendent coupables d'attaques, d'agressions, d'incendies criminels et de meurtres, souvent pour se venger.

La communauté humanitaire a réagi et continue à réagir à cette crise en collaboration avec la mission administrative intérimaire des Nations Unies, dont le quartier général se trouve à Pristina, et avec l'appui de milliers de personnes qui ont fait des dons d'argent tout au long de la période la plus sombre de la crise du Kosovo.

J'aimerais m'interrompre ici pour rendre officiellement hommage aux Canadiens, à ces nombreux Canadiens qui, en leur capacité individuelle, ont donné généreusement pour financer le travail des organismes non gouvernementaux. De plus, nous avons eu droit au généreux financement de l'ACDI, ce qui a permis à CARE Canada et à d'autres ONG canadiennes de jouer un rôle important dans l'allégement des souffrances des réfugiés chassés de leurs maisons et d'aider à la reconstruction et à la réinstallation des Kosovars.

Puisque l'objectif du comité est de faire la lumière sur les événements de 1999 pour arriver à mieux comprendre leurs répercussions sur la politique canadienne de défense, de même que les politiques canadiennes en matière d'affaires étrangères et d'aide internationale, je ne vous décrirai pas en détail aujourd'hui notre travail au Kosovo. J'ai joint au mémoire que vous avez tous en main un aperçu du programme de CARE Canada. Si vous avez des questions à ce sujet, j'y répondrai avec plaisir.

J'aimerais plutôt me consacrer aux questions de principe au sujet desquelles CARE est le plus en mesure de parler, soit l'action humanitaire durant un conflit, la reconstruction et l'édification de la paix, le rôle que jouent les organisations non gouvernementales auprès de la population à risque durant un conflit et les enseignements que peut nous fournir le Kosovo pour nous aider à aborder ces questions lorsqu'elles se présenteront à nouveau—ce dont je ne doute malheureusement pas.

Il y a un an, CARE Canada a publié, en partenariat avec l'Université de Toronto, les résultats d'une étude interdisciplinaire de plusieurs années sur l'action humanitaire dans les crises politiques complexes. Le rapport, intitulé Mean Times, s'inspirait des expériences que nous avons vécues—la famine et la guerre en Somalie, le génocide au Rwanda et la guerre en Sierra Leone, qui continue malencontreusement de faire rage.

Les principales conclusions de l'étude font ressortir les dilemmes de plus en plus insolubles auxquels nous sommes tous confrontés lorsque nous venons en aide aux victimes d'un conflit et d'une pauvreté généralisée. La crise au Kosovo a explosé à peine quelques semaines plus tard, et les mêmes se sont alors posés. J'aimerais attirer l'attention du comité sur certaines des questions les plus délicates.

J'ai ici des exemplaires de l'étude Mean Times, si elle intéresse quelqu'un. Vous en avez probablement reçu des exemplaires à vos bureaux il y a un an, mais au cas où vous l'auriez perdu, j'en ai apporté d'autres.

Le président: C'est simplement qu'ils sont classés dans des endroits inaccessibles.

Mme Nancy Gordon: Je sais. Oui. Je me suis mal exprimée. Pour plus de facilité, nous en avons apporté des exemplaires.

Le président: Je vous en remercie beaucoup.

Mme Nancy Gordon: Une des principales conclusions de l'étude Mean Times était que bon nombre des problèmes les plus insolubles auxquels la communauté humanitaire se heurte dans des situations d'urgence complexes sont attribuables à l'absence de sécurité pour les populations victimes et ceux qui sont là pour leur venir en aide. La crise du Kosovo en est un bon exemple, par ses aspects tant négatifs que positifs.

• 1545

Du côté positif, pour les Kosovars qui ont fui leurs foyers et ont réussi à se réfugier de l'autre côté de la frontière, en Macédoine ou en Albanie par exemple, la présence en masse de soldats de l'OTAN, d'agents de police italiens et même de certains vérificateurs de l'OSCE a contribué à faire en sorte que la vie dans un camp de réfugiés soit relativement sûre, même si elle n'a pas été exactement plaisante. Quelle différence par opposition à la Somalie, à la Sierra Leone et au Rwanda-Zaïre surtout où la sécurité est venue trop tard, si tant est qu'elle ait été assurée.

Cette heureuse exception a cependant aussi confirmé la règle. Les Kosovars qui sont demeurés à l'intérieur des frontières du Kosovo étaient à la merci d'une armée prédatrice et meurtrière et hors de la portée des organisations humanitaires qui sont venues en aide à leurs cousins quelques kilomètres plus loin.

Cette intervention sans précédent de l'OTAN a soulevé des problèmes nouveaux et complexes pour les ONG humanitaires. Certaines forces militaires avaient un mandat purement humanitaire tandis que d'autres (parfois du même pays) ont été vues comme d'éventuels belligérants. Toutes ont été jetées dans la mêlée avec les organisations humanitaires de nombreuses nations, y compris les pays de l'OTAN qui ont aussi envoyé des troupes et des avions.

Le Canada, comme vous le savez, avait des soldats en Macédoine, des avions en Italie, des observateurs de l'OSCE en Albanie et, par l'intermédiaire de l'ACDI et d'ONG comme CARE, Vision mondiale et MSF, d'importants programmes d'aide aux réfugiés en Albanie, en Macédoine et en Bosnie-Herzégovine. Les organisations humanitaires de toutes les couleurs ont dû se faire à l'omniprésence des militaires.

D'une part, les secouristes étaient heureux de pouvoir enfin (surtout après l'échec cuisant de la Somalie et du Zaïre) apporter leur aide et leur réconfort à ceux qui en avaient besoin. D'autre part, ils craignaient que la proximité des militaires et l'esprit de collaboration qui régnait ne mettent en doute leur neutralité à l'avenir.

Peu importe que les actions de l'OTAN et de l'Europe durant la crise du Kosovo s'avèrent être une exception ou un précédent, les ONG humanitaires doivent chercher à évaluer les événements de l'année dernière et à composer avec les dilemmes politiques qu'ils posent. Comme en concluaient les auteurs du rapport Mean Times, les jours heureux de la neutralité simpliste sont probablement derrière nous à tout jamais. Qu'on le veuille ou non, l'action humanitaire efficace est aujourd'hui beaucoup plus compliquée.

Deuxièmement, alors que chaque désastre humanitaire nous réserve de nouvelles surprises et des défis imprévisibles, certains vieux problèmes continuent à surgir, peu importe combien de fois on les signale. Dans son rapport de 1994 au Parlement, CARE s'est attaché à décrire le système international désuet, peu économique et inefficace qui régit le financement des actions humanitaires et la répartition des ressources et des tâches entre les divers organismes.

Tout au long de la crise, et depuis la mise en oeuvre de nos programmes dans la région en 1993, l'Agence canadienne de développement international s'est révélée un excellent partenaire. Les représentants de l'ACDI nous ont donné d'excellents conseils et ont su répondre en temps opportun à nos demandes de fonds. Cependant, au niveau international, le système fonctionne mal à bien des égards.

Pendant la crise des réfugiés du Kosovo, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui sert habituellement de coordonnateur dans pareilles situations, s'est montré faible et a donné l'impression d'avoir été pris au dépourvu. C'est ce que confirmait d'ailleurs récemment une évaluation indépendante commandée par le HCR et rendue publique la semaine dernière.

Des donneurs nationaux et régionaux comme USAID et ECHO ont comblé le vide sur le plan de la coordination par leur présence. Cette structure a comporté certains avantages, en ce sens que la présence de représentants des donneurs sur le terrain a accéléré la rapidité d'intervention et la prise de décision relative au financement et aux programmes, mais il a été par contre plus difficile de répartir plus efficacement les ressources parce que de puissants donneurs avaient des vues et des priorités divergentes et qu'on ne pouvait compter sur l'appui d'un organisme unique.

L'accès à la région étant facile par rapport à d'autres endroits comme l'est du Zaïre ou la Corne de l'Afrique, un nombre beaucoup plus grand d'organisations y ont manifesté leur présence. Seulement 20 p. 100 des quelque 250 ONG actives en Albanie et en Macédoine (dont CARE Canada) étaient des partenaires habituels du HCR dans la mise en oeuvre de projets d'aide aux réfugiés.

La présence massive de l'OTAN a aggravé de bien des manières les difficultés habituelles de répartition des tâches et d'affectation des ressources. Les dirigeants militaires ayant déployé en force leurs troupes et ayant lancé des opérations humanitaires comme la gestion de camps et la logistique—un mode de fonctionnement très inefficace et inutilement coûteux—la gestion militaire de telles activités s'est poursuivie longtemps après qu'elle aurait dû cesser.

Une autre pratique douteuse pour les professionnels des secours humanitaires aura été l'évacuation par avion de milliers de réfugiés de l'Albanie et de la Macédoine vers l'Europe de l'Ouest et l'Amérique du Nord, notamment vers le Canada. Si cette initiative était rentable sur le plan politique, elle n'a pas facilité la vie des réfugiés. Il aurait été possible de faire autant à un coût moindre sur place en Albanie et en Macédoine.

• 1550

Enfin, le système de financement international semble incapable de reconnaître l'investissement de ressources financières et humaines que nécessitent de la part des ONG les soins et l'aide alimentaire apportés à des milliers de personnes déplacées à bref délai ou sans préavis.

Au plus fort de la crise des réfugiés, CARE Canada gérait des camps et des camps de transit pour un quart de tous les réfugiés du pays et investissait dans des installations devant lui permettre de venir en aide à de plus nombreuses victimes encore. Quelques semaines après la guerre, la plupart des Kosovars avaient réussi à rentrer chez eux—un événement heureux, à ne pas s'y méprendre. Cependant, la communauté internationale ayant porté son attention sur le Kosovo, le gouvernement albanais et les organisations humanitaires qui l'ont aidé à faire face à l'arrivée massive de réfugiés se retrouvent avec une facture en grande partie impayée.

Nous croyons qu'il est essentiel au maintien de l'efficacité et du professionnalisme des opérations humanitaires que le système international reconnaisse les véritables coûts en cause et trouve les moyens de les financer adéquatement et en temps opportun.

Troisièmement, j'en viens enfin à l'évolution rapide des opérations de secours humanitaires en général. Les secours humanitaires se sont transformés en 10 ans à peine en une gamme complexe d'opérations diverses comportant des défis sociaux, économiques, éthiques et politiques auparavant insoupçonnés. Il ne suffit plus de vouloir «faire le bien».

Les ONG et les organisations onusiennes animées des mêmes sentiments sont de plus en plus appelées à évoluer dans un environnement des plus hostiles. Il n'y a pas une semaine qui passe sans qu'un travailleur humanitaire ne soit tué ou blessé dans le feu de l'action. De plus en plus, et à juste titre, les organisations humanitaires sont tenues responsables lorsque les choses tournent mal, lorsque le résultat est une souffrance inattendue.

Les complexités et les dilemmes inhérents à un tel environnement sont très nombreux et ils sont au centre du débat et de la discussion aux niveaux les plus élevés de l'élaboration de politiques internationales. Dans le peu de temps qu'il s'est donné, le comité a courageusement entrepris d'en étudier la plupart. Je vous laisserai en examiner un qui va au coeur de toute oeuvre humanitaire, soit le besoin de faire preuve de neutralité par opposition à la nécessité de témoigner et de sonner l'alarme rapidement.

Les organisations humanitaires ont toujours célébré et cherché à institutionnaliser la «neutralité» (sur laquelle ils en sont d'ailleurs venus à compter pour la sécurité de leurs employés) de manière à avoir accès aux populations dans le besoin et à recueillir des fonds auprès du plus de donneurs possibles—l'impartialité et la neutralité étant des principes à la base même de presque toutes les organisations humanitaires internationales.

Or, des facteurs nouveaux et tout aussi contraignants vont maintenant à l'encontre de la neutralité—la nécessité de surveiller la situation de près et de donner rapidement l'alerte. Les tribunaux des crimes de guerre au Rwanda et en Yougoslavie qui existent actuellement à La Haye et le futur tribunal permanent des crimes de guerre compteront sans doute, du moins en partie, sur des témoins pour que les poursuites soient couronnées de succès. Et qui souvent sont les meilleurs et les premiers témoins? Les responsables du développement et des secours d'urgence des ONG.

De plus, on attend de plus en plus des ONG et de leurs personnels, dans le cadre des programmes d'alerte rapide et d'édification de la paix de nombreux donneurs nationaux, qu'ils soient sur leur garde contre tous signes précurseurs de conflits sociaux ou ethniques qui pourraient laisser entrevoir un désastre. Cela n'a rien d'étonnant parce que l'un des pires échecs de la communauté internationale, y compris des ONG, a été enregistré récemment au Rwanda où personne n'a donné rapidement l'alerte au sujet de ce qui se tramait. Quelques-uns en ont peut-être parlé, mais nul ne les a entendus.

Il est cependant facile de voir les multiples façons dont l'obligation morale, voire légale, de se porter témoin et de donner l'alerte pourraient entrer directement en conflit avec l'obligation tout aussi importante d'être neutre. Jusqu'à maintenant, ce dilemme s'est avéré sans issue.

Dans ses efforts en vue de s'attaquer aux problèmes de ce genre, CARE Canada—grâce au financement d'une fondation de bienfaisance canadienne privée—est en train de conclure un partenariat international pluridisciplinaire avec des chercheurs, des professionnels de l'humanitaire, des universitaires, des bibliothécaires et des fonctionnaires internationaux pour étudier certaines des questions qui sont au coeur de vos délibérations. Au cours des mois et des années à venir, j'espère que CARE Canada et la communauté des ONG en général réussiront dans le cadre de ces travaux et d'autres encore à vous être utiles dans vos recherches et à aider le Canada à avoir de l'influence au sein des tribunes internationales dont la préoccupation première est l'action humanitaire.

• 1555

Voilà qui met fin à mon exposé. Je demeure toutefois à votre disposition pour répondre aux questions et faire des observations.

Nous n'avons pas de réponses à vous offrir au dilemme de la neutralité par rapport à la nécessité de servir de témoin. Je vous le signale simplement parce qu'il s'agit d'un problème qui nous met à dure épreuve actuellement.

Je vous remercie.

Le président: J'aimerais que nous puissions résoudre votre problème de financement.

Mme Nancy Gordon: Moi aussi.

Le président: C'est un dilemme pour nous tous.

Mme Francine Lalonde: Nous serons fixés lundi prochain.

Mme Nancy Gordon: Si nous traînons ici lundi prochain, nous en trouverons, des fonds.

[Français]

Le président: Avec grande hâte.

Monsieur Conoir.

M. Yvan Conoir (porte-parole, Centre canadien d'étude et de coopération internationale): Merci, monsieur le président.

Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie de nous avoir donné la possibilité de participer à cette séance du Comité permanent des affaires étrangères pour vous parler principalement de l'expérience du Centre canadien d'étude et de coopération internationale en Albanie, en Macédoine et au Kosovo.

Le CECI est une organisation canadienne de taille moyenne qui n'appartient pas à la famille des familles, c'est-à-dire qui n'est pas membre d'une fédération internationale comme MSF, CARE, World Vision, LWF ou OXFAM. Il reste donc une organisation canadienne uniquement centrée et basée à Montréal, bien qu'il ait un rayonnement, en termes de ressources humaines et en termes d'impact externe, beaucoup plus international puisqu'il travaille dans une trentaine de pays et engage chaque année plus de 1 200 personnes partout dans le monde, dont 200 à 250 Canadiens.

Notre action dans les Balkans n'a pas une longue histoire. C'est une histoire très récente qui s'est mobilisée d'elle-même au printemps 1999 face à l'appel qu'ont créé l'ensemble des réfugiés qui ont commencé à franchir la frontière, ainsi qu'à la possibilité pour le CECI—organisation moyenne, je le répète—de compter sur des partenariats et des synergies locales et régionales pour intervenir.

À la différence d'une grande ONG canadienne qui a la possibilité de compter sur un réseau, le CECI ne peut compter que sur ses fonds propres. Notre organisation a donc privilégié des partenariats européens avec des ONG françaises et des partenariats nationaux avec des ONG albanaises qui lui ont permis d'aller immédiatement sur place et de capitaliser sur l'expérience, les connaissances et les acquis du terrain de ces ONG pour commencer à travailler. Elle l'a fait dans la perspective de porter une assistance sérieuse et pertinente avec les fonds de l'ACDI qui lui ont été consentis et aussi, je veux le souligner, avec l'appui de tous les dons privés qui lui ont été faits au niveau institutionnel comme au niveau public.

Il est très, très important que le public canadien comprenne l'appel qu'a créé la crise kosovare et albanaise, quand on pense au niveau de mobilisation financière que chacune de nos organisations a pu réunir autour d'elle. Le CECI a réussi, au bénéfice d'un pays où nous n'étions pas présents, à faire une levée de fonds de près de 400 000 $, ce qui est une somme énorme pour une seule opération à caractère humanitaire sur un théâtre éloigné où nous n'avions pas de présence opérationnelle.

Le premier point que je présente dans le petit document que je vous ai remis, c'est la forme de ces partenariats locaux et internationaux, qui peuvent être, pour des ONG canadiennes, une façon d'entrer concrètement dans un pays où nous désirons intervenir.

Deuxièmement, il faut reconnaître aussi la rapidité avec laquelle l'ACDI a su nous appuyer et apprécier la vision intégrante et synergique avec laquelle elle nous a donné son concours. Si je parle d'une vision intégrante, c'est essentiellement parce que le Centre de l'aide alimentaire et Assistance humanitaire internationale ont décidé dès le départ, comme branches distinctes mais partenaires de l'ACDI, de nous donner leur confiance et de nous permettre de travailler à un programme d'assistance alimentaire sous forme de colis au sein de la ville de Tirana.

Au sujet de cette forme d'intervention, qui est très, très proche de ce que faisait CARE au tout début en Europe, il faut souligner le fait qu'elle a été un soutien direct à l'exceptionnelle générosité des familles albanaises vis-à-vis des familles kosovares. Il faut avoir vécu cette situation pour comprendre que chaque famille, dans ses appartements privés, dans ses garages et dans ses remises, a logé le maximum de personnes qu'elle pouvait accueillir, de trois jusqu'à 30 ou 60 par famille, en fonction des disponibilités. Cette générosité a été très bien appuyée par l'ACDI et les organismes qui l'ont représentée.

• 1600

Un autre point important qu'il faut signaler au sujet d'une crise aussi importante que celle-ci, c'est qu'à la différence de ce qui s'est passé au Rwanda 1994, paradoxalement, il est resté là très peu d'acteurs humanitaires canadiens. La présence canadienne a toujours été très limitée dans cette région. En Albanie, il n'y a pas eu de présence institutionnelle canadienne pendant des semaines, si ce n'est celle des premiers militaires qui sont venus. Nous n'avons pas pu compter sur un soutien des Affaires étrangères ou de l'ACDI dans les premiers jours ou les premières semaines. Cela ne nous a pas empêchés de travailler, mais ça explique cette faible représentation des acteurs canadiens sur place. Je crois qu'on peut compter les acteurs canadiens qui sont intervenus après les premières semaines de la crise sur les doigts d'une seule main, soit ceux qui sont autour de cette table, en plus d'un ou deux autres acteurs un peu plus indépendants.

Par contre, l'ACDI s'est très bien rattrapée en matière d'épaulement et de direction quand le vent a commencé à tourner, en juillet, et que les réfugiés sont rentrés au Kosovo. L'ACDI a mis sur place une petite unité de travail, composée d'abord d'une personne, puis de deux personnes qui ont cherché à créer des synergies de travail entre les acteurs canadiens. J'exclus MSF, qui a gardé sa neutralité à cette époque. Je pense au partenariat qui s'est construit entre CECI et CARE Canada pour la construction d'un programme commun en vue d'appuyer le programme et la préparation à l'intention des réfugiés kosovars qui devaient se préparer à passer l'automne et l'hiver.

Cette approche synergique et intégrante de la présence canadienne a une forte visibilité sur le terrain. Quand elle est géographiquement bien située, en l'occurrence à côté du contingent canadien de la KFOR, elle a sans aucun doute une efficacité, une crédibilité et une visibilité qui placent le Canada à l'avant. Je crois que c'est une leçon qu'on doit retenir pour l'avenir en ce qui concerne le travail que peuvent accomplir ensemble les ONG canadiennes quand elles le peuvent.

Enfin, il y a deux autres points très importants qui nous ont paru très positifs dans la gestion de cette crise depuis le mois d'avril dernier, soit la clarté et la force de l'engagement politique canadien, tel qu'il a été manifesté par la ministre Minna à plusieurs reprises, qui nous a permis d'agir selon une vision d'intervention régionale, et non pas simplement par des actions humanitaires à court terme qui se seraient terminées rapidement, au bout de six ou 10 mois. Donc, la clarté de l'engagement politique nous a permis de de réfléchir sur ce qu'on pouvait faire après l'action humanitaire de base, c'est-à-dire capitaliser sur la reconstruction et sur des approches de réorganisation des pouvoirs locaux. C'est ce que nous allons faire prochainement avec l'ACDI au Kosovo, où nous passons rapidement d'une phase humanitaire et de reconstruction des abris, des toits et des maisons, à une phase de renforcement et d'appui technique aux municipalités du Kosovo. Il est temps de se tourner vers la réalité de demain, qui est celle de la réorganisation politique d'une province et peut-être d'un futur État, et d'appuyer, avec l'expertise dont le Canada est capable, les municipalités qui, demain, pourront avoir des conseils élus et des départements techniques et administratifs fonctionnels qu'il est important de soutenir.

Cette synergie et cette vision régionale ne doivent pas nous faire oublier l'aspect économique, qui est le renforcement des capacités d'intervention économique qui doivent constituer la phase III pour le Kosovo, et possiblement et idéalement la phase II en Albanie, s'il y avait eu une phase II substantielle, et aussi en Macédoine, pays ami de la région.

Le CECI a décidé de s'engager, en compagnie de l'ACDI qui l'a appuyé, dans l'investissement économique, le soutien à la formation au service financier, le microcrédit, la recherche de filières dans le secteur agricole, sur lequel les acteurs économiques macédoniens peuvent capitaliser dès demain matin, et surtout l'élévation du niveau économique de la population.

Un des aspects très intéressants de cette crise, c'est cette possibilité de programmer rapidement, en continuité des activités humanitaires et de reconstruction, vers le développement et vers le développement durable. Il y a une grande différence entre cette situation et la gestion de la crise du Guatemala et du Honduras, dont vous souvenez sans doute. Dans ce dernier cas, après des annonces très importantes de la part de l'ACDI et de la ministre de l'époque, il n'a pas été possible pour les agences qui ont travaillé dans le domaine humanitaire au Guatemala et au Honduras de capitaliser rapidement sur la reconstruction économique, parce que les fonds ne sont pas arrivés. Les propositions que nous avions mises sur la table n'ont pas reçu une réponse favorable et n'en recevront certainement pas. Cet écart a fait en sorte qu'après avoir construit des maisons, nous avons été incapables de redonner de la dignité aux personnes que nous avons aidées par un soutien économique. Le Kosovo est une correction de cette tendance et je pense que c'est très positif.

• 1605

Il y a un autre point important. De notre point de vue, notre intervention se situe dans une vision à long terme qui puisse être transférable à d'autres interventions de ce type dans la même région. Quand nous participons au renforcement des compétences et capacités municipales au moyen de l'expertise canadienne dans les municipalités du Kosovo, il est très possible d'envisager de transférer le lendemain ce même type de programme d'assistance technique à d'autres États en Europe centrale et en Europe de l'Est qui peuvent en avoir besoin.

De la même façon, quand le Canada décide d'appuyer une initiative à caractère économique en Macédoine pour le renforcement des acteurs économiques locaux en microcrédit, en services financiers, etc., il est très possible que ce type d'intervention soit transférable à d'autres pays que le Canada désirerait aider en Europe de l'Est ou en Europe centrale.

Je vous invite donc à regarder avec beaucoup d'attention le suivi de ces initiatives qui vont se développer dans les semaines et les mois à venir et à réfléchir sur des modèles d'intervention qui pourraient demain matin être capitalisés dans d'autres actions du Canada en Europe de l'Est.

Voilà ce que je voulais vous dire rapidement sur notre intervention. Je pense que l'essentiel est de parler de la synergie et de la complémentarité des actions au niveau du terrain qui se sont réalisées au Kosovo entre contingents canadiens, ONG canadiennes et représentants des Affaires étrangères, par opposition à l'énorme confusion qui a a guidé le développement des opérations en Albanie, où le manque de coordination, la multiplicité des acteurs, ainsi que les mandats multiples, confus et divers des uns et des autres nous ont empêchés d'avoir une action et une vision claires au début de l'intervention.

Je suis à votre disposition si vous désirez me poser des questions et je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Conoir. Ce fut très intéressant. Nous reviendrons pour les questions,

[Traduction]

mais nous allons d'abord entendre Médecins sans frontières.

M. Richard Denham (porte-parole, Médecins sans frontières): Merci, monsieur le président.

Je représente Médecins sans frontières qui, comme son appellation le laisse entendre, est un organisme de secours humanitaire axé principalement sur l'aide médicale.

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le président, navré de vous interrompre, mais M. Denham pourrait-il préciser s'il est lui-même médecin?

M. Richard Denham: J'y arrivais justement.

M. Svend Robinson: D'accord.

Le président: Je ne le lui dirais pas. Il pourrait vous demander une consultation gratuite.

M. Richard Denham: Je ne suis pas médecin. Je suis ingénieur spécialisé dans l'alimentation en eau et les mesures sanitaires. J'ai travaillé pour Médecins sans frontières sur trois théâtres d'urgence extraordinaires dont nous avons été témoins durant la présente décennie, le premier quand les Kurdes ont fui en Turquie en 1991, le deuxième, quand les Rwandais ont fuit au Zaïre en 1994 et, le dernier, quand les Kosovars se sont réfugiés en Macédoine. J'ai travaillé avec cet organisme en tant que spécialiste de l'alimentation en eau et des mesures sanitaires en raison des circonstances extraordinaires qui sévissaient là-bas, lorsque l'eau et les mesures sanitaires faisaient partie intégrante des soins de santé.

Aujourd'hui, j'aimerais exposer au comité deux questions concernant le Kosovo: le rôle joué par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et ce qu'on appelle le changement d'orientation de mission.

Commençons par le rôle du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés au Kosovo. Le HCR a pour mandat de protéger et d'aider les réfugiés de façon à faire respecter les normes internationales reconnues à l'égard des réfugiés—l'enregistrement et la réunification—à répondre aux besoins des réfugiés, surtout les groupes les plus vulnérables, et à veiller à ce que les réfugiés ne soient pas forcément rapatriés ou déplacés et qu'ils soient traités humainement.

L'intervention du Haut-Commissariat pour les réfugiés varie d'une crise à l'autre, du moins pour ce qui est de celles que j'ai connues personnellement. Au Zaïre et au Rwanda, l'intervention du Haut-Commissariat a été excellente. La situation a été cependant un peu différente au Kosovo, et on pourrait qualifier son intervention de «médiocre».

• 1610

Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a été durement critiqué pour ce qu'il a fait ou n'a pas fait au Kosovo, parce qu'il a été lent à réagir, était mal préparé, a manifesté une arrogance excessive une fois sur le terrain et parce qu'il a justifié la situation en prétextant que le Kosovo représentait pour lui une situation unique en son genre, compliquée par la présence de l'OTAN et par des conflits de priorités comme il n'en avait jamais connu auparavant. Le Haut-Commissariat a été dépassé par les événements, car il n'a pas été en mesure d'envoyer sur place du personnel qualifié et compétent.

Toutefois, le Haut-Commissariat a fait faire une évaluation. Il a engagé une équipe indépendante qui a publié un rapport de 150 pages, La crise des réfugiés au Kosovo: une évaluation indépendante de la protection civile et de l'intervention d'urgence du HCR. Dans le document que j'ai préparé, et que vous avez peut-être entre les mains, j'ai indiqué l'adresse Internet à laquelle vous pouvez trouver ce rapport si vous êtes intéressés.

Le rapport de 150 pages énonce un certain nombre d'excuses pour le rendement fourni, dont une ou deux me paraissent très intéressantes. On peut y lire que le HCR est un organisme humanitaire non politique. Il me paraît difficile de croire que le HCR pourrait prétendre qu'il n'est pas un organisme politique. Voici une autre citation:

    La responsabilité de la mauvaise coordination de l'intervention au Kosovo est partagée également par le HCR, les autres intervenants et les donateurs.

Il y a un certain nombre de recommandations formulées à la suite de cette évaluation. D'après mon analyse, je dirais que les recommandations sont valables et détaillées et, si elles sont prises au sérieux et mises en oeuvre, elles peuvent avoir une incidence sur la qualité des services fournis à l'avenir par le HCR.

Qu'est-ce que cela veut dire pour votre comité? Le Canada est membre du Conseil de sécurité. Le Canada a beaucoup de pouvoir au sein des Nations Unies. Il est en mesure de veiller, je l'espère, à ce que les recommandations du rapport soient mises en oeuvre de façon à ce qu'elles se répercutent dans les activités permanentes du HCR.

Comme membre d'une organisation humanitaire, j'ai été témoin de ce qui s'est passé en Macédoine cet été, et nous ne pouvons pas permettre que ce genre de choses se reproduise. Nous ne pouvons pas permettre qu'un million de gens soient laissés en danger. Ce n'est tout simplement pas acceptable.

Je recommande donc à votre comité, monsieur le président, que les activités permanentes du HCR soient surveillées et évaluées de façon régulière pour assurer la qualité et la souplesse de son intervention, et que le Canada participe au processus d'évaluation pour veiller à ce que des mesures soient prises. La pire chose qui pourrait arriver, c'est que ce rapport soit tabletté, monsieur le président.

J'aimerais ensuite vous parler du changement d'orientation de mission—et ce n'est pas un terme politique. Les actions humanitaires ont pour but de préserver la vie et la dignité des gens et d'assurer le bien-être des populations qui sont en danger. Actuellement, le mandat des organismes humanitaires est élargi de temps en temps pour inclure d'autres fonctions que celles dont ces organismes sont censés s'occuper d'abord et avant tout, comme la résolution de conflits, la surveillance de la paix, la négociation et la consolidation de la paix.

• 1615

Nous estimons, à Médecins sans frontières, qu'il est important que les rôles et les responsabilités soient clairs. Par exemple, quel est le rôle des militaires? Le rôle des militaires consiste sûrement à enlever les mines, à déminer. Les mines sont un des principaux problèmes de santé publique dans la région. Les militaires doivent assurer la sécurité pour que les organismes humanitaires puissent faire leur travail. Dans certains cas, les militaires peuvent faire beaucoup sur le plan de la logistique et du transport. Au Rwanda, par exemple, les militaires étaient chargés d'installer l'équipement sanitaire et de traitement des eaux pour aider à régler la crise.

Mais quand les militaires s'occupent de fournir une aide directe, ils n'assurent pas la sécurité, qui est déterminante. Les militaires ne sont pas membres d'une organisation humanitaire et ne devraient pas essayer de fournir des services humanitaires.

Le HCR a pour rôle de protéger et d'aider les réfugiés, comme je viens de le dire; de faire respecter les normes internationales; de fournir les fonds et la logistique nécessaires aux secours; de coordonner les secours; de coordonner les activités des ONG et des militaires et d'assurer la liaison et la négociation avec les gouvernements hôtes.

Quand le HCR, comme c'est arrivé au Kosovo cet été, ne remplit pas ses obligations, les organisations humanitaires sont forcées de le faire à sa place. C'est alors qu'il est question d'un «changement d'orientation de mission». Ceux qui s'occupent surtout d'aide médicale se font maintenant demander—et je sais que nous n'avons pas été les seuls à qui c'est arrivé—s'ils ne pourraient pas faire telle ou telle autre chose. On commence à élargir les limites de notre mandat. Ce n'est pas une situation acceptable.

MSF doit conserver son indépendance, sa neutralité, son mandat humanitaire et sa capacité de parler. L'humanitarisme devient nécessaire quand un système politique a échoué ou est en crise, et il n'a pas pour fonction d'assumer des responsabilités politiques mais de soulager la souffrance humaine.

À ce sujet, j'aimerais recommander au comité de reconnaître la différence qui existe entre l'aide humanitaire, qui vise à préserver la vie et la dignité, et l'engagement politique. Les organismes humanitaires s'occupent d'activités humanitaires. Les organismes politiques, qu'il s'agisse des militaires, du HCR, ou d'autres intervenants, s'occupent de la consolidation de la paix et de la sécurité qui sont aussi des aspects importants.

J'aimerais terminer en reprenant ce que notre président, James Orbinski, a dit en guise de remerciement quand on lui a décerné le Prix Nobel de la paix en octobre 1999:

    Nous ne travaillons pas en vase clos et nous ne parlons pas dans le désert, mais dans l'intention claire d'aider, de provoquer le changement ou de dénoncer l'injustice. Notre action et notre voix servent à exprimer notre indignation, à refuser d'accepter une agression active ou passive entre les gens.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup monsieur.

[Français]

Madame Picard.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Je suis très heureuse que vous ayez accepté de venir comparaître devant ce comité. Je vous remercie de vos interventions, qui ont été très intéressantes.

J'ai relevé une question qui me préoccupe. Dans leurs exposés, Mme Gordon et M. Conoir nous ont livré le même discours et fait le même bilan. J'aimerais reprendre les paroles que vous avez dites, madame Gordon. Vous disiez:

    La nombreuse présence de l'OTAN a aggravé de bien des manières les difficultés habituelles de répartition des tâches et d'affectation des ressources.

Vous disiez également que les forces militaires avaient toutes été jetées dans la mêlée avec les organisations humanitaires de nombreuses nations.

• 1620

Devrait-on comprendre que le bilan que dressent CARE Canada et CECI indique que l'aide que vous avez apportée au Kosovo a été inefficace?

[Traduction]

Mme Nancy Gordon: Non, je ne pense pas. J'ai parlé d'une étroite proximité entre les forces de l'OTAN et les organismes humanitaires dans une région géographique assez limitée.

Vous vous rappellerez qu'en juin—non, avant cela—d'importants contingents de l'OTAN ont été déployés, disons, en Albanie, que je connais mieux, parce que nous y avons des camps. Il y avait aussi beaucoup d'ONG; 250 d'entre eux sont intervenus dans la crise du Kosovo, parce que l'accès était facile à partir de l'Europe de l'Ouest. C'est pourquoi, dans une certaine mesure, nous nous marchions dessus.

Comme mon collègue de MSF l'a dit, je ne pense pas que ce soit efficace que les militaires fournissent le genre d'aide humanitaire que des organismes comme les trois organismes que nous représentons peuvent apporter avec savoir-faire et à moindre coût.

Je ne pense pas que nous sommes inefficaces. Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. J'ai simplement indiqué que nous devons apprendre à travailler ensemble. Nous étions très heureux que les forces de l'OTAN et les militaires assurent notre sécurité dans les camps en Albanie et en Macédoine, parce que nous avions eu d'énormes problèmes au Rwanda, où nous avons dirigé des camps pour un gouvernement en exil formé de Hutus, qui essayaient de diriger les camps pour nous et qui affirmaient leur propre autorité. Ils avaient des armes. Nous n'en avions aucune. Nous avions envoyé des civils non armés comme représentants de la communauté internationale.

Donc, la situation était meilleure, bien meilleure. Mais nous devons apprendre à travailler ensemble. Les forces militaires sont formées pour s'occuper des problèmes de sécurité. Et des organisations comme les nôtres sont formées pour s'occuper de questions humanitaires. Nous devrions donc nous occuper de ce que nous connaissons.

Voulez-vous ajouter quelque chose?

[Français]

Mme Pauline Picard: C'est ce que je voulais savoir. Veuillez me pardonner mon ignorance, mais je suis nouvelle dans ce dossier. J'ai eu l'impression, d'après ce que vous nous avez démontré, que lorsqu'éclate un conflit comme celui qui s'est produit au Kosovo, on se retrouve en état d'urgence, que tous les pays des Nations Unies arrivent en même temps avec des forces militaires et des organisations humanitaires, et que tout le monde reste dans son petit coin et fait ce qu'il a à faire. Je suis certaine que vous avez pu soutenir les gens qui étaient là et que chacun de vous a sauvé des vies, apporté de la nourriture et assuré le soutien de base à ces personnes.

J'ai cru comprendre que tout le monde arrivait dans la mêlée et allait dans son petit coin, mais que personne ne se parlait et qu'aucune autorité ne chapeautait toutes les activités. Vous disiez que le système international qui régit le financement des actions humanitaires et la répartition des ressources et des tâches entre les diverses organisations était un système désuet, peu économique et inefficace.

Je voudrais savoir si j'ai raison de penser ainsi.

[Traduction]

Mme Nancy Gordon: Puis-je ajouter quelque chose?

Normalement, et c'est ce qui s'est passé dans le cas des trois dernières situations d'urgence—Yvan et moi avons travaillé ensemble au Rwanda—le HCR est l'organisme de coordination pour les Nations Unies. Le HCR intervient et s'occupe de tous les réfugiés en déplacement.

• 1625

Le HCR demande à MSF de s'occuper de l'aspect médical. Il demande à CARE de s'occuper de la gestion des camps et de la distribution des aliments, parce que nous connaissons bien cet aspect. Il demande à OXFAM de s'occuper de l'hygiène, des toilettes et des choses du genre. Il attribue les différentes tâches. C'est ce qui se passe normalement.

Donc, même s'il y a beaucoup de confusion la première semaine, les tâches sont ainsi réparties, parce que le HCR a des partenaires qu'il connaît et à qui il peut confier le travail à contrat, étant donné qu'il n'a pas la capacité de le faire lui-même.

Au Kosovo, la situation était bien différente, parce que le HCR, et nous avons tous les deux fait allusion au rapport dont mon collègue a signalé...

M. Richard Denham: Je n'y ai pas seulement fait allusion.

Mme Nancy Gordon: Je m'excuse; vous en avez parlé assez en détail.

Le HCR ne s'est pas occupé de la coordination comme il le fait habituellement. Il a envoyé là-bas des gens mal préparés. La situation d'urgence était plus importante que ce qu'il avait pensé. De plus, il y avait des forces de l'OTAN tout autour. Voilà pourquoi la situation au Kosovo a causé plus de confusion que d'habitude.

Je vais laisser mes collègues intervenir.

[Français]

M. Yvan Conoir: Je pense que Mme Gordon en a dit beaucoup.

Pour ma part, j'aimerais vous donner quelques indices clés pour expliquer pourquoi il y a eu cette immense confusion. Il est vrai que l'Albanie, dans les premières semaines du mois d'avril, ressemblait à un grand zoo humanitaire. Il n'y a pas d'autres mots.

Je vais vous raconter une anecdote. Je suis un jour dans le bureau d'un gouverneur de province. J'arrive par hasard en même temps que des gens de la sécurité civile française, donc des militaires en action de sécurité civile. Ils offrent généreusement au gouverneur de la place, au préfet de la place, la possibilité d'un camp pour réfugiés pouvant accueillir 5 000 personnes, tout monté, muni de purificateurs d'eau, de systèmes de distribution, d'entreposage, etc. Le préfet est un peu gêné parce que les Grecs sont passés le matin et lui ont proposé de l'espace pour 10 000 personnes, et que les Américains lui ont proposé de l'espace pour 20 000 personnes. Il se demande à quel endroit situer un camp de plus.

C'est une réalité. Il y avait en Albanie une multiplication caricaturale d'acteurs dans le secteur humanitaire. Toutes les composantes militaires ont fait de l'humanitaire et ont construit des camps de réfugiés.

Deuxièmement, il y a eu l'apparition d'acteurs humanitaires qu'on n'a pas l'habitude de voir dans ce genre de conflit. Essentiellement, par un effet de proximité avec l'Europe qui est juste à côté, et avec l'Italie, qui est juste en face, on a vu des acteurs de la sécurité civile, des acteurs des villes, des municipalités, des Églises entrer à titre privé comme agents humanitaires avec chacun leur bonne volonté, leur camion de couvertures, de colis familiaux, etc. C'est un deuxième élément.

Le troisième est l'extrême volatilité de la situation. Au Rwanda, en 1994, on avait des zones fixes où les gens arrivaient et d'où ils ne bougeaient plus. En Albanie, cela a bougé pendant six à huit semaines. Le flux a été continu pendant toute la durée du conflit, et les déplacements de population ont aussi été continus, ce qui fait qu'au lieu de pouvoir garder les gens dans une zone ou dans des zones précises, il a fallu les suivre et deviner où ils étaient.

Il y avait également absence totale de communication et relative absence de coordination, en grande partie parce que le HCR n'a pas joué son rôle, mais aussi parce que la plus grande partie de ces acteurs n'ont pas l'habitude d'être coordonnés au sein d'une chapelle humanitaire. Ils n'ont pas l'habitude d'être coordonnés et de recevoir des ordres. Ils travaillent aussi beaucoup pour eux-mêmes. Quand il y a 250 personnes qui ne communiquent pas, sans structure de coordination, dans un environnement extrêmement volatile, cela crée effectivement une grande confusion.

J'aimerais maintenant revenir à votre question. Après cette confusion, la phase II a été la phase de la rationalisation. Nous n'avons pas exécuté ce que nous pensions faire. Pourquoi? Ayant fait une première analyse des besoins et en ayant fait une deuxième quelques jours ou semaines plus tard, nous avons rationalisé l'aide qui nous avait été donnée par l'ACDI. Nous avons construit un partenariat avec, cette fois-ci, des structures réunies: le Programme alimentaire mondial, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et le CICR qui, sur le plan de la gestion de l'alimentation, ont partagé les responsabilités.

Nous avons négocié avec une de ces parties, la fédération, pour nous occuper d'un secteur particulier pour les colis alimentaires aux Kosovars en familles d'accueil. Les familles d'accueil représentaient quand même les trois quarts de l'aide alimentaire en Albanie. Mais on a négocié et on a donc rationalisé notre intervention. Je pense qu'en ce sens-là, notre aide a été très utile.

Mme Pauline Picard: Merci.

• 1630

[Traduction]

Le président: Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci.

J'aimerais aussi remercier les témoins d'être venus nous rencontrer et nous présenter un point de vue différent de ce que nous avons entendu jusqu'ici. Vous m'amenez à me poser beaucoup de questions sur le travail des organisations humanitaires internationales.

J'aimerais revenir sur toute la question de la neutralité. Vous avez signalé que la neutralité est un aspect pratiquement nouveau au Kosovo. Je pensais plutôt que la neutralité était toujours à la base de tout le travail des organisations humanitaires. Je me demande si vous pouvez expliquer davantage ce que vous voulez dire au juste par cela et la nécessité de surveiller la situation de près et de donner rapidement l'alerte, et si cela a fonctionné au Kosovo.

Mme Nancy Gordon: La neutralité n'est pas un aspect nouveau pour les organisations humanitaires. Elle fait partie de notre code d'éthique. Ce qui est nouveau, c'est la nécessité de surveiller la situation de près et de donner rapidement l'alerte, ou le fait qu'on s'attende de plus en plus à ce qu'on le fasse.

Je n'ai pas de réponse à fournir, parce que, pour surveiller la situation de près et donner l'alerte, on peut mettre notre personnel en danger, les gens qui travaillent sur place. Doit-on se retirer avant de constater la situation?

Nous avons un problème avec les tribunaux de justice pénale. Les sociétés cherchent à régler elles-mêmes les conflits de différentes façons. J'ai entendu la semaine dernière, à Toronto, Mgr Tutu opposer les commissions de la vérité et de la réconciliation aux accusations criminelles. Mais, s'il y a des accusations criminelles, nous devrons surveiller la situation. Qu'en est-il de la sécurité du personnel qui a travaillé sur place, qui a été témoin d'atrocités et qui devra témoigner à ce sujet?

Je soulève la question parce que c'est le dilemme auquel nous sommes confrontés. Je ne pense pas que nous ayons de réponse.

Vous vous rappelez, Yvan, au Rwanda, en 1994, tous les ONG ont présenté une déclaration conjointe au sujet de la situation atroce et absolument épouvantable dans laquelle nous nous trouvions. Tous les membres du personnel sur place étaient fort mécontents de notre geste, parce qu'ils craignaient pour leur vie. Il y avait des gens armés dans ces camps, qui n'avaient pas peur d'utiliser leurs armes et qui l'avaient d'ailleurs déjà fait par le passé.

C'est ce genre de problèmes que je soulève.

Mme Jean Augustine: Puis-je poser une question sur l'évaluation qui a été faite, l'évaluation du travail du HCR? Y a- t-il des délais? Y a-t-il une étape de mise en oeuvre du rapport, ou est-ce tout simplement un rapport qui évalue la situation?

M. Richard Denham: Je ne me rappelle pas qu'il y ait de délais précis, mais il y a, disons, environ six chapitres qui traitent précisément de chacun des éléments et, à la fin de chaque chapitre, il y a une série de recommandations indiquant ce que le HCR devrait faire pour corriger la situation.

Je trouve que ces recommandations sont dans une large mesure très valables. Elles ont été bien pensées et bien énoncées, et on devrait y donner suite. Le rapport ne prévoit pas de délais de mise en oeuvre mais, à mon avis, c'est ce qu'il faudrait faire.

• 1635

C'est la raison pour laquelle j'en ai parlé au comité, pour que le gouvernement fasse pression sur les Nations Unies afin que le rapport soit mis en oeuvre dans la mesure du possible. Il y a beaucoup d'éléments positifs dans ce rapport.

Encore une fois, il y a une différence entre les interventions faites au Rwanda et celles faites au Kosovo; en fait, c'est le jour et la nuit entre les deux. Il est certain qu'il s'agissait de deux situations épouvantables, mais les interventions du HCR au Rwanda ont été beaucoup plus constructives. À partir d'une situation tout aussi dramatique, il a agi rapidement, et a coordonné les activités de l'armée des États-Unis, de l'armée canadienne, de tous les ONG et de tous ceux qui étaient sur place.

Il n'y avait peut-être pas autant d'intervenants, mais c'était très comparable. Mais c'est le jour et la nuit entre la façon dont le HCR a assumé ses responsabilités au Rwanda et la façon dont il a agi au Kosovo.

Voilà pourquoi j'estime qu'il est très important qu'on insiste le plus possible pour que ce rapport soit mis en oeuvre.

Mme Jean Augustine: Merci monsieur.

Le président: Monsieur Speller.

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Merci monsieur le président.

Je veux remercier les témoins d'être venus nous rencontrer.

Je voudrais revenir sur toute la question de la neutralité et de la sécurité. Est-ce à dire, comme vous semblez le laisser entendre, que les conflits deviennent de plus en plus difficiles pour votre personnel et qu'il est de plus en plus nécessaire de coordonner les activités de vos organisations et celles des forces armées? Si c'est ce qui se passe, et que vous vous retrouvez associés à ces groupes...

Aussi, si je me rappelle bien, on a parlé dans les journaux de CARE au Kosovo et de la neutralité. On a dit que vous étiez financés par l'ACDI et que vous n'étiez que le prolongement du gouvernement canadien. Pouvez-vous me dire ce qu'il en est à ce sujet? Je ne me rappelle pas exactement de quoi il s'agissait.

Que faites-vous dans ces situations? Travaillez-vous avec ces groupes?

Je sais, monsieur Denham, que vous avez dit que vous n'aimiez pas que les militaires apportent de l'aide humanitaire, mais n'en sommes-nous pas au point où ils sont peut-être les seuls à pouvoir le faire?

Mme Nancy Gordon: Je peux vous parler de la neutralité et de toutes les récentes allégations faites au sujet de CARE.

Je pense que nous sommes tous, sans exception, financés en grande partie par l'ACDI ou le HCR. Il s'agit d'opérations très coûteuses. On ne pourrait pas réunir tous les millions de dollars qui sont dépensés dans ces opérations, du moins dans notre pays, ou autant que je sache, sans l'aide des gouvernements et l'aide multilatérale. Donc l'ACDI, le HCR, le PAM et d'autres nous confient ce travail en sous-traitance. Nous ne pourrions pas travailler plus d'une semaine si nous n'avions pas de contrats de ce genre.

Le contrat dont vous parlez est différent, et il a fait l'objet de discussions au sein de Care, parmi les ONG et dans la communauté en général. Nous avons fait nos preuves pour ce qui est de recruter des gens et de les envoyer dans des missions difficiles. Nous avons beaucoup d'expérience dans ce domaine. Donc, nous remplissons depuis des années avec l'ACDI un contrat appelé «les experts de Bosnie», en vertu duquel nous engageons des Canadiens qui sont affectés au bureau d'un haut-commissaire ou à l'OSCE ou auprès d'autres organisations en Bosnie pour assurer la reconstruction de la société. Ces employés relèvent des organisations auxquels ils sont affectés et qui les engagent, mais nous nous occupons de la logistique et du travail d'administration.

Au cours de l'automne 1998, lorsque l'OSCE a décidé de contribuer au maintien de la paix au Kosovo en menant une opération de surveillance, le Canada a voulu y participer et nous a contacté par l'entremise de l'ACDI pour nous savoir si nous étions prêts à faire ce genre de travail, à embaucher des gens qui seraient détachés auprès de l'OSCE.

• 1640

C'est ce que nous avons fait. Bien que l'OSCE ait choisi les gens, nous avons présenté des CV de personnes qui possédaient les diverses compétences recherchées et nous avons organisé des séances d'information sur les genres de situations dans lesquelles elles allaient se retrouver. Nous avons organisé les voyages, les assurances, etc.

CARE Australia était l'organisation responsable en Yougoslavie et a accepté que nous fassions ce travail. C'est ainsi que nous fonctionnons. Toutefois, M. Fraser, président de CARE Australia et ancien premier ministre, n'avait apparemment pas été informé et ne pensait pas qu'il s'agissait d'un travail légitime pour des organisations humanitaires. La situation a été exacerbée en Australie car au tout début des bombardements, trois employés de CARE Australia ont été arrêtés et accusés d'espionnage.

Je tiens à dire que CARE Canada n'a pas été mêlée à cette affaire. Les documents judiciaires n'en font pas mention, aucun document n'en fait mention. Cela a fait cependant surface, tout récemment, à cause d'une émission de télévision que nous considérons sans scrupules. C'est malheureusement ce qui nous arrive à l'occasion. Dans tous les cas, c'est la raison pour laquelle la question se pose aujourd'hui.

Le débat est légitime, à mon avis. Ce genre de travail a des répercussions politiques. Nous croyons que la surveillance du processus de paix et la consolidation de la paix sont des activités légitimes pour les organisations humanitaires.

Mon collègue ici présent n'est pas d'accord. Je crois qu'il est tout à fait compréhensible qu'il y ait divergence de vues à ce sujet.

Notre expérience en Bosnie—et au Rwanda, Dieu seul le sait—et au Zaïre, m'incite à croire que si l'on entreprend des programmes dans le but d'aplanir certaines des différences ethniques qui ont exacerbé le problème et causé le conflit, il est plus probable de pouvoir remplir notre mandat humanitaire.

C'est une réponse assez longue, mais vous avez soulevé plusieurs points connexes.

M. Bob Speller: Ce n'est pas un problème.

À propos, qu'est-il arrivé aux Australiens?

Mme Nancy Gordon: Ils ont été libérés. Je crois qu'ils ont bénéficié de la clémence du président Milosevic.

Le président: Monsieur Denham.

M. Richard Denham: Je ne voudrais pas ne pas reconnaître l'apport des militaires dans ce genre de situation. Les militaires sont là pour assurer la sécurité; nous le reconnaissons. Par contre, à partir du moment où ils commencent, par exemple, à s'occuper des soins de santé, ils sortent un peu de leur sphère de compétence.

Bien sûr, il y a des hôpitaux militaires, mais la création d'un réseau de cliniques de soins de santé pour desservir les camps de réfugiés au Kosovo nécessite beaucoup de coordination, beaucoup de communication et beaucoup de compréhension de la situation. Communication, coordination, et compréhension ne sont pas des mots que l'on utilise généralement pour décrire les militaires. Par conséquent, ils devraient s'occuper de leurs propres affaires. Ils savent très bien assurer la sécurité, ils savent bien effectuer le déminage et ils sont bons dans le domaine des transports et de la logistique; ce sont les rôles qu'ils doivent jouer.

[Français]

Le président: Madame Picard.

Mme Pauline Picard: Madame et monsieur, à la lumière des récentes montées de violence au Kosovo, qu'est-ce que vous pensez de la décision du Canada de retirer ses troupes?

[Traduction]

M. Richard Denham: C'est une question difficile. Je pense que nous devons tous, de temps à autre, prendre une décision au sujet du retrait de nos services; tout dépend de la situation. Je ne peux pas parler au nom de mes collègues ici présents, mais je me souviens d'au moins deux occasions où Médecins sans frontières s'est retiré des camps du Zaïre, justement à cause de la situation. Notre organisation a réévalué la situation des semaines ou des mois plus tard et elle est revenue offrir ses services. Il arrive parfois toutefois qu'il faille évaluer la situation et décider de ne pas aller plus loin, car c'est trop risqué, nous ne fournissons pas un service, etc.

Par conséquent, je suis prêt à présumer que cette décision de retrait des troupes était une bonne décision.

• 1645

[Français]

Mme Pauline Picard: Monsieur Conoir, vous avez parlé tout à l'heure de compétences utilisables par un futur État au Kosovo. Doit-on comprendre que vous entrevoyez l'indépendance du Kosovo comme une solution durable aux tensions entre les Serbes et les Kosovars?

M. Yvan Conoir: Je crois que j'ai employé le terme «compétences utilisables ou transférables» dans un autre contexte. C'était le contexte où on travaille dans un secteur d'expertise particulier. Par exemple, CARE l'a fait avec Experts CARE en Bosnie, qui, par la suite, est venu au Kosovo, en Albanie, etc.

Dans notre cas à nous, je parlais de compétences transférables dans un environnement similaire, pensant à l'expertise qui peut être amenée aux municipalités du Kosovo, expertise qui peut éventuellement être transférable ailleurs et, au même titre, à l'expertise en matière de gestion, de microcrédit, de microfinance, de services financiers en Macédoine, expertise qui peut aussi être exportée au niveau régional dans un autre contexte.

Pour en revenir à votre question spécifique, à savoir si le Kosovo devrait ou ne devrait pas être une province ou un État, en toute honnêteté, je ne suis pas M. Koushner pour en décider. Il y a une certaine réalité au Kosovo et il existe un processus que nous allons appuyer. J'aimerais dire un mot à ce sujet.

Je pense que la façon dont M. Koushner a décidé d'organiser le processus électoral et politique au Kosovo est la bonne. Il a commencé par faire des élections là où elles sont le plus nécessaires, soit à la base, au niveau des municipalités, pour mettre en place une gestion territoriale qui soit proche de la réalité sur le terrain et des gens qui en ont besoin.

Deuxièmement, la création du conseil intérimaire du Kosovo et de la structure administrative qui s'ensuit et leur réplication au niveau municipal sont aussi une bonne idée. En effet, paradoxalement, c'est un moment historique, du moins au niveau des municipalités, car toutes les parties kosovares ont la possibilité de tenter de prendre des décisions consensuelles, sans s'opposer les unes aux autres, comme dans un jeu démocratique normal.

Il n'y a pas aujourd'hui au Kosovo d'opposition et de majorité; il y a des Kosovars qui ont un rôle consultatif, qui peuvent prendre des décisions consensuelles à côté d'un administrateur de la MINUK, qui, lui, de toute façon, en tant que représentant de droit, appliquera et rendra effectives ces décisions.

Est-ce que la suite et la somme de ces élections, qui vont commencer au niveau municipal et peut-être suivre au niveau régional et au niveau national, peuvent mener à la création d'un État? Il est assez évident que cela peut se passer comme ça. Mais je pense que beaucoup d'autres facteurs peuvent jouer, et je ne suis pas compétent pour en juger, entre le Conseil de sécurité, la politique de la Yougoslavie, les politiques de l'OTAN, etc.

Mme Pauline Picard: Merci.

M. Yvan Conoir: Cela m'a fait plaisir.

[Traduction]

Le président: Peut-être pourrais-je poser quelques questions. Il me semble que vous pourriez nous éclairer à propos de certains points.

Monsieur Denham, vous avez attiré notre attention sur les insuffisances du HCNUR. Nous allons examiner le rapport pour voir la façon dont sont abordés ces problèmes. De toute évidence, le comité tient à s'assurer que les organisations NU sont compétentes et capables de gérer ces situations. Je ne dirais pas que la bureaucratie des NU soit l'une des organisations préférées du monde; elle fait l'objet de beaucoup de critiques, comme vous le savez, si bien que ce rapport m'intéresse beaucoup; nous serons alors en mesure de voir comment la coordination des ONG pourrait mieux se faire.

D'après vos observations, toutefois, et d'après celles de tout le monde, la seule façon de gérer ces situations humanitaires de grande envergure consiste à nommer les NU comme organisation de coordination et ensuite, à miser sur l'expertise des ONG de la planète en essayant peut-être d'éviter ce qui est arrivé au Kosovo où 250 ONG se marchent sur les pieds. Il faut un organisme qui puisse dire: non; vous allez ici; vous allez là; vous partez.

Ma question est la suivante: est-ce que les NU peuvent tenir un tel langage? Vous avez indiqué que les représentants NU sont arrivés et ont déclaré qu'ils étaient prêts à construire trois camps en un endroit donné et à un moment donné. Qui décide qui a les meilleures qualités pour le faire ou pour fournir des services médicaux? Nous avons visité les camps et avons vu Médecins sans frontières ainsi que d'autres services médicaux.

Qui fait l'arbitre entre ces diverses ONG et ce genre d'arbitrage est-il efficace? J'imagine que c'est la question que je me pose.

• 1650

M. Richard Denham: Je reviens sur l'exemple des activités au Zaïre au moment de la crise du Rwanda qui était tout aussi complexe. Il n'y avait peut-être pas autant d'ONG sur le terrain, mais il y en avait certainement un nombre important. Il ne s'agissait pas de dire non, vous ne pouvez pas faire ça. C'était plutôt une question de capacité au niveau du personnel HCNUR; ce personnel était-il en mesure d'évaluer les besoins sur le terrain, d'évaluer les capacités des ONG et de déléguer les tâches, les responsabilités aux ONG pertinentes?

Il n'y a jamais assez d'aide. Il ne s'agit pas de dire non, vous ne pouvez pas faire ceci, partez. Il y a toujours quelque chose à faire pour tout un chacun et on ne manque certainement pas de travail. C'est aux administrateurs du HCNUR de dire d'accord, certains camps doivent être établis ici—CARE, vous gérez ce camp; MSF, vous vous occupez de ceci; l'armée américaine peut peut-être faire cela.

Je reviens de nouveau à la situation du Rwanda où les NU se sont chargées de l'organisation de l'alimentation en eau dans ces camps avec le concours de toutes les ONG. Il y avait un million et demi de réfugiés le long de la frontière, qui n'avaient pas d'eau. Tout le monde a participé à la mesure de ses moyens et au bout de trois jours, tous les réfugiés de ces camps avaient de l'eau.

C'était un effort de coordination; il s'agissait de réunir les capacités et de les coordonner pour atteindre un but précis. C'est tout ce dont il s'agit. Cela nécessite des compétences, un sens de la diplomatie. Faire coopérer l'Armée américaine à ce genre d'effort nécessite plus que de la diplomatie, mais cela s'est fait; c'est donc possible.

Le président: Oui.

Sans lancer un débat, car nous pourrions passer beaucoup de temps là dessus, en Macédoine par exemple, le gouvernement s'est beaucoup plaint du rôle du HCNUR et de ses façons dictatoriales et arbitraires de faire, pour commander des aliments, etc., importer des produits coûteux d'autres pays d'Europe. Cela convenait aux donateurs et aux ONG, mais pas aux Macédoniens qui disaient: «Nous faisons notre propre pain, pourquoi en importez-vous d'Italie?» Cela convenait aux ONG italiennes, car c'était une bonne façon d'envoyer le pain italien. Tout le monde était donc content de pouvoir envoyer du pain. En attendant, le blé en Macédoine n'était pas récolté, personne ne faisait de pain, etc. C'est ce genre de discussions que nous avons eues.

Ce n'est pas à moi de dire qui a tort ou raison. Tout ce que je demande, c'est qui, au bout du compte, doit servir d'arbitre et comment, en tant que Canadiens, pouvons-nous nous assurer que le système fonctionne le mieux possible? Vous avez de l'expérience dans ce domaine.

M. Richard Denham: Je crois que cela devrait être du ressort du HCNUR. Je pense que c'est son mandat et je crois que nous devons simplement continuer de l'appuyer et de nous assurer qu'il a effectivement ce mandat.

Mme Nancy Gordon: Il ne faut pas oublier, je crois, que le HCNUR a la capacité de prendre des décisions en accordant des contrats. Le HCR accorde des contrats aux agences pour remplir telle ou telle mission. Si vous n'avez pas de contrat, vous ne pouvez pas vous permettre de séjourner trop longtemps. Ce dont nous avons besoin—et ce qui ne s'est pas produit au Kosovo—ce sont des compétences et des gestionnaires au niveau du HCR, lequel peut toutefois être très bon et très capable dans ce domaine.

Le président: D'après les informations reçues de la part de M. Kouchner, qui est chef des opérations civiles et responsable de l'administration du Kosovo actuel, c'est qu'il y a un manque complet de ressources, que les États membres qui s'étaient engagés à accroître les ressources ne remplissent pas leurs promesses. De nombreux témoins nous ont dit que jusqu'à présent, si l'on utilisait l'argent des bombes et des réparations, le relèvement pourrait effectivement avoir lieu. Il semble toutefois que l'on manque de ressources.

Est-ce votre expérience dans la région? Si oui, est-ce la responsabilité des NU, des États membres ou...

Mme Nancy Gordon: Du point de vue de CARE, c'est certainement l'expérience que nous avons vécue. Vous vous rappelez peut-être que nous sommes toujours très actifs en Albanie, qui est un État très pauvre.

Je ne sais pas si le comité s'est rendu en Albanie. Lorsque tous ces réfugiés sont arrivés en Albanie et y ont été accueillis à bras ouverts, contrairement à ceux qui étaient retenus à la frontière de la Macédoine, beaucoup de promesses ont été faites.

Le président: Tout à fait.

• 1655

Mme Nancy Gordon: Beaucoup de promesses ont été faites: oh, oui, nous n'allons pas oublier l'Albanie. Eh bien, les gens ont oublié l'Albanie et il y a des factures à payer.

S'il y a une chose que je puisse dire à votre comité, c'est qu'il faudrait rappeler aux gens que les organismes NU ainsi que le gouvernement du Canada doivent continuer à financer tout ceci une fois la guerre terminée. C'est à ce moment-là que les dépenses militaires sont moins élevées, mais c'est à ce moment-là qu'il est beaucoup plus important d'éviter de futures dépenses militaires. C'est là dessus qu'il faut s'attarder. M. Kouchner a parfaitement raison:la situation est désastreuse.

M. Richard Denham: Une année après la crise.

Mme Nancy Gordon: Oui.

[Français]

Le président: Monsieur Conoir.

M. Yvan Conoir: Je pense qu'il y a aussi un autre point. Il était tout à fait légitime, au coeur de l'été, de dire—et cela nous est arrivé—qu'il fallait transférer au Kosovo des sommes financées par l'ACDI, sommes qui devaient demeurer en Albanie, afin de démarrer des opérations d'urgence. C'était tout à fait légitime.

Maintenant, il ne faut pas oublier qu'alors que j'étais en Albanie il y a 15 jours encore, le HCR se préparait «discrètement»—c'était un secret de Polichinelle—à un éventuel afflux de réfugiés du Monténégro. Donc, dans les zones nord, on commençait à faire ce qu'on appelle du pre-positioning pour un afflux, selon le scénario A, de 20 000 réfugiés, le scénario B, de 50 000, et le scénario C, de 80 000. Cela illustre simplement que le potentiel de nouveaux mouvements de population au sein de la région existe toujours.

Cela nous ramène à la case départ. Ce qui est aussi une des raisons majeures de l'échec du HCR en avril dernier, c'est le fait que le niveau de préparation, non seulement la qualité du staff, mais aussi le niveau de préparation et de prépositionnement n'était pas du tout à la hauteur parce que, comme chacun le sait, personne n'avait pensé ou imaginé un afflux de cette sorte.

Donc, en pensant au Monténégro, en pensant à un éventuel coup de Milosevic demain matin sur Podgorica, en pensant à un éventuel afflux de population du Monténégro vers l'Albanie, il faut bien comprendre que l'histoire n'est pas finie; elle est encore en train de se faire et il vaut mieux être préparés et vigilants plutôt que de se laisser avoir une fois de plus.

Le président: Très encourageant.

M. Yvan Conoir: Très pessimiste.

[Traduction]

Le président: Cela m'amène à une autre question, de nature plus politique.

Ce qui est décourageant également, c'est que la population serbe du Kosovo ne jouit pas du niveau de sécurité auquel on pourrait s'attendre, compte tenu de la présence militaire considérable dans ce secteur. C'est certainement un des problèmes à régler.

Est-ce à ce niveau, madame Gordon et monsieur Denham, que vous n'êtes pas du même avis pour ce qui est du rôle des ONG par rapport aux militaires? De toute évidence, les militaires jouent un rôle policier pour l'instant. Nous essayons d'introduire une police civile également, mais pour l'instant, ce sont les militaires qui doivent jouer ce rôle. En plus, on nous dit qu'on a besoin de tribunaux, de juges, etc. Tous ces rôles sont censés être des rôles des ONG ou, à tout le moins, des rôles joués par des intervenants autres que les militaires.

À votre avis, est-il possible d'envisager dans le proche avenir un retour à l'ordre civil au Kosovo, permettant à tous les citoyens de vivre dans la paix et la sécurité? Ou sommes-nous destinés à rester dans ce vide pour encore longtemps?

Mme Nancy Gordon: À mon avis, les habitants du Kosovo peuvent mener une vie raisonnable dans l'avenir, s'ils bénéficient d'une aide, d'une expertise et de moyens financiers suffisants.

Il suffit d'examiner la Bosnie pour s'apercevoir qu'il y a cinq ans, au moment de la signature des accords de Dayton, c'était un endroit fort malheureux. Je ne cherche pas à idéaliser la Bosnie, car la situation n'est pas idéale, mais les gens apprennent à vivre ensemble. Lentement et sûrement, ils apprennent à vivre de nouveau ensemble. Grâce à un financement bilatéral, un financement NU et un financement important de la part de la Banque mondiale, je crois que beaucoup d'efforts ont été faits pour assurer le relèvement de la Bosnie.

• 1700

Le Kosovo est toujours à vif, si vous voulez, et a toujours besoin de beaucoup de forces militaires et de forces policières. Les militaires jouent essentiellement le rôle de forces policières.

Nous avons tous entendu M. Kouchner déclarer avoir besoin de beaucoup plus de personnes et selon lequel la communauté internationale—qui forme cette communauté internationale si ce n'est nous-mêmes—doit prêter attention à la situation et augmenter le nombre de personnes et de ressources financières. Sinon, c'est le premier scénario que vous avez décrit qui va se reproduire.

Vous avez vu les horreurs qui se sont produites au Kosovo. Il faudra beaucoup de temps pour les oublier, si tant est que cela soit possible. On peut toutefois apprendre à mettre en place divers mécanismes de consolidation de la paix, si vous voulez, susceptibles d'aider ce processus.

[Français]

Le président: Monsieur Conoir, voici une dernière question. Est-ce que les sanctions sur l'ex-Yougoslavie jouent un rôle positif ou exacerbent la situation actuelle? Avez-vous examiné la question des sanctions?

M. Yvan Conoir: J'ai compris votre question, mais je ne sais pas si je suis assez compétent pour y répondre.

Je pense qu'une conséquence évidente des sanctions prises contre la Serbie il y a quelques années est évidemment la croissance phénoménale du trafic contrebandier entre les différents États de la région. Pour savoir pourquoi huit voitures sur dix sont des Mercedes-Benz à Tirana, n'allez pas chercher plus loin que dans les explications liées au trafic de drogue, à la contrebande avec la Serbie et à d'autres trafics un peu plus illicites.

Et puisque nous sommes sur le terrain de l'économie, monsieur le président, j'aimerais dire un dernier mot sur ce que pourrait peut-être penser faire le Canada dans un futur à moyen terme. On est tous concentrés sur la réalité politique, la réalité militaire et la réalité policière. Or, je pense qu'il est temps de se concentrer sur la réalité économique.

Le Kosovo est aujourd'hui une province qui vit sous infusion et qui vit comme une société de consommation à l'état pur. Elle est une société de consommation parce qu'elle bénéficie des retombées locales des 35 000 militaires, policiers et officiers civils qui sont sur place. Elle est une société de consommation parce que les seules activités couramment vues dans les rues sont des activités de commerce qui viennent et proviennent de l'argent qui a été réinvesti par la diaspora ou par ceux qui sont rentrés et qui en avaient gardé un peu pour des activités à caractère commercial. Enfin, c'est une économie de consommation parce qu'elle consomme de l'aide internationale, mais sans quasiment rien produire.

Les seuls signes positifs que j'ai pu voir dernièrement ont été des champs qui avaient été labourés. Cela démontre qu'un effort a été fait pour donner des semences aux paysans et leur donner la possibilité de redémarrer. Mais, à côté de cela, il n'y a rien qui est produit aujourd'hui au Kosovo. Cela ne doit pas durer. Cela doit changer. Cela doit être transformé. Des programmes doivent être mis en place, au-delà des structures macroéconomiques que sont les banques qui n'existent pas, les assurances qui n'existent plus, etc., pour donner des outils économiques au Kosovo et réintégrer cette province ou ce futur État dans le giron de l'Europe du Sud.

Le président: Je vous remercie tous et toutes d'être venus.

[Traduction]

Merci beaucoup, madame Gordon. Nous avons vu CARE Canada à l'oeuvre lorsque nous étions en Bosnie il y a quelques années et avons rencontré certains de vos collègues dans vos camps. Nous avons également rencontré des représentants de Médecins sans frontières dans divers camps que nous avons visités. Nous vous remercions d'avoir partagé votre expérience avec nous aujourd'hui. Vos observations sont très utiles.

M. Richard Denham: Merci, monsieur le président.

Mme Nancy Gordon: Merci de nous avoir invités.

Le président: Notre prochaine réunion aura lieu jeudi, à 9 heures.