Je m'appelle Richard Stursberg et je dirige les Services anglais de la SRC, y compris la télévision, la radio, les sites Web, etc.
Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner cette occasion de vous rencontrer aujourd'hui. Je crois comprendre que vous m'avez invité, en ma qualité de responsable des Services anglais de Radio-Canada, à venir discuter avec vous de la diffusion sur nos ondes, en mars dernier, du gala du Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens.
Pour pouvoir faire cela, je crois qu'il est important de vous expliquer un peu comment nous, aux Services anglais, nous contribuons à l'identité nationale commune du Canada.
Premièrement, comme vous le savez, Radio-Canada est une société d'État autonome. Son mandat, ainsi que l'indépendance dont elle jouit en matière de programmation, sont énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion.
[Français]
Je crois qu'à titre de radiodiffuseur public du Canada, nous sommes investis d'une mission particulière, celle de donner aux Canadiens d'expression française et d'expression anglaise une tribune pour faire connaître aux autres leur culture, leurs points de vue et leur vécu. Nul autre radiodiffuseur au pays ne jette, comme nous, des ponts entre les deux communautés. À CBC, c'est une préoccupation quotidienne.
[Traduction]
Il ne s'agit pas de gestes symboliques pour mettre une culture à l'avant-scène, mais plutôt d'initiatives tangibles pour mettre en commun les deux cultures. Par exemple, adapter l'esprit créatif d'une culture à l'autre, en maintenant l'intérêt de l'auditoire, dans le respect des deux cultures et du moyen de diffusion.
[Français]
Voici pourquoi CBC et Radio-Canada s'associent pour réaliser des projets qui éveillent de profondes résonances dans les deux communautés, tels les documentaires Hockey: la fierté d'un peuple, la minisérie sur Trudeau ou même la minisérie sur René Lévesque. Ces séries sont à des années-lumière des versions traduites bon marché et sont, de la première ligne à la dernière image, une oeuvre de création conjointe.
Lorsque nous avons produit la comédie de situation Ciao Bella!, un regard léger et chaleureux sur les expressions d'une Italo-Canadienne à Montréal, nous avons tourné chaque épisode deux fois: une fois en anglais et une fois en français. La série a été diffusée sur les ondes de CBC Television et à la télévision de Radio-Canada.
Chaque jour, nos correspondants à l'étranger présentent les événements internationaux d'un point de vue canadien dans leurs reportages en anglais et en français. Notre démarche est unique à cet égard. À l'occasion de la soirée des élections et d'événements rassembleurs importants au pays, les équipes de CBC et de Radio-Canada unissent leurs efforts pour donner aux Canadiens une information qui reflète le mieux les tendances nationales. Au cours des deux dernières années seulement, nous avons produit conjointement plus de 200 émissions spéciales.
[Traduction]
Au sein des Services anglais, nous sommes constamment à l'affût de nouvelles façons d'exposer les Anglo-Canadiens à la culture française en touchant notre auditoire. Nous avons lancé en 2004 l'émission hebdomadaire Au Courant, animée par Mitsou Gélinas. Pendant 30 minutes, l'animatrice présentait aux téléspectateurs anglophones les sujets de conversation favoris des Canadiens francophones cette semaine-là.
[Français]
En fait, j'ai eu le plaisir de présider à Téléfilm Canada, et quand nous avons financé le grand film de Denis Arcand Les invasions barbares, Mitsou faisait partie de la distribution de ce film. C'est ainsi que j'ai eu le plaisir de la connaître. C'était donc mon idée d'inviter Mitsou à agir comme animatrice de cet événement.
[Traduction]
Nous avons choisi Mitsou, parce qu'ayant été une chanteuse populaire à une certaine époque, elle est au moins un peu connue des Canadiens anglais.
[Français]
Si l'on considère les trois dernières années seulement, CBC Television a inscrit à sa grille-horaire des séries et des films qui ont remporté un vif succès au réseau français, comme Les Boys, Grande Ourse, et La grande séduction, ainsi que 36 autres émissions de langue française totalisant près de 70 heures à l'écran.
Depuis 2002, CBC Newsworld a, dans le cadre de l'émission The Lens, commandé et diffusé plus de 30 documentaires en association avec nos collègues de RDI ou d'autres réalisateurs de langue française. Nous avons coproduit l'émission primée Culture-choc/Culture Shock, dans laquelle des journalistes de la relève anglophone et francophone parcourent le pays et font part de leurs impressions sur la vie de compatriotes.
[Traduction]
Nous proposons sur notre site Internet de radio de langue anglaise et à la radio par satellite de Sirius un segment appelé The French Connection, dans lequel l'animateur Craig Norris tient, avec nos collègues de Bande à part, de Radio-Canada, un dialogue musical destiné à faire découvrir à l'autre, et à nos auditoires respectifs, une musique différente.
Radio 3 et Bande à part font équipe chaque année pour présenter plusieurs concerts en direct réunissant des musiciens qui s'exécutent en français et en anglais. Notre dernière collaboration remonte au mois dernier, pendant la Semaine canadienne de la musique.
[Français]
Sur CBC Radio, la populaire émission C'est la vie ouvre une fenêtre sur le vécu des Canadiens francophones de tous les coins du pays. On y aborde des sujets tels que la carrière de la diva Diane Dufresne, les expériences d'une nouvelle génération de cinéastes engagés québécois, l'origine de la poutine et les chansons d'amour en français. Dans l'une des parties de l'émission les plus écoutées, Word of the week, on initie les anglophones à des mots et à des expressions propres aux francophones du Canada. L'émission de CBC Radio À propos est consacrée exclusivement à la musique et aux artistes de la Francophonie canadienne et internationale.
L'automne dernier, CBC Regina et Radio-Canada ont coproduit Mon pays, My country, une soirée bilingue de musique country à laquelle ont participé Brad Johner, Donny Parenteau, Véronique L'Abbé et Louis Bérubé.
[Traduction]
Nous avons en outre diffusé la prestation de Marco Calliari au Festival du Bois, en Colombie-Britannique; la première au Canada de l'oeuvre Le souvenir de l'oubli du compositeur montréalais François Rose, exécutée par Brigitte Poulin et Silvia Mandolini, deux nouvelles venues fort acclamées sur la scène musicale montréalaise, et le spectacle donné en français et en anglais par la chanteuse Terez Montcalm, au Centre culturel franco-manitobain. Je pourrais vous donner bien d'autres exemples.
Canada Live met à l'honneur chaque région du pays en présentant des concerts en direct dont le tiers met en vedette des artistes francophones. C'est en fait dans le cadre de cette émission que CBC a diffusé au complet le gala du Panthéon des artistes et des compositeurs canadiens.
[Français]
Permettez-moi de faire quelques commentaires au sujet de ce gala. CBC en est le diffuseur depuis trois années. Au total, l'émission dure plus de trois heures. Depuis le début, nous avons chaque année présenté au complet l'émission de trois heures. C'est faisable à la radio, sur CBC Radio 2 ainsi que sur CBC Radio One. Nous avons aussi chaque année adapté l'émission pour CBC Television dans un format de 44 minutes, au lieu de trois heures et demie, pour y mettre en vedette les artistes appréciés de notre auditoire. C'est également ce que nous avons fait cette année.
Je crois savoir que le chanteur Claude Dubois, honoré pendant le gala, s'est offusqué d'avoir été exclu au montage de l'émission présentée sur le réseau anglais de CBC. Je suis désolé qu'il se sente offensé. Je suis aussi désolé que les médias québécois aient eu l'impression que les services anglais de CBC/Radio-Canada insultaient les artistes francophones. Telle n'était pas notre intention, je suis vraiment peiné de tout cela.
Mais franchement, on dépasse les bornes lorsqu'on nous qualifie de racistes et d'anti-francophones. Je suis étonné que les députés, qui ont manifesté très rapidement le désir de mener une enquête sur cette affaire, ne se soient pas élevés contre une attaque semblable. Cette attitude est indigne de nous, en tant que pays. Elle est insultante pour les gens du service anglais de CBC/Radio-Canada, qui multiplient les efforts, comme je viens de vous le montrer, pour faire connaître la culture du Québec à notre auditoire anglophone de manière à capter son intérêt. Ce n'est pas une tâche facile. Les qualifier de racistes est faux et injuste.
[Traduction]
N'oubliez pas que nous, qui travaillons aux Services anglais, produisons des émissions qui, par définition, sont destinées à un public de langue anglaise. Si nos auditeurs ou nos téléspectateurs ne comprennent pas nos émissions, ou ne s'y retrouvent pas, ils iront ailleurs. C'est aussi simple que cela.
C'est pour cela que nous tentons de transposer la culture française dans un environnement qui captivera notre auditoire. Songez par exemple aux émissions comme Rumours, notre version de Rumeurs, la comédie à succès de langue française, ou encore à l'émission fort populaire en ce moment, Sophie, dont l'action se déroule à Toronto plutôt qu'à Montréal comme dans Les hauts et les bas de Sophie Paquin.
Nous continuerons de chercher des histoires de ce genre, des façons de mettre en valeur les artistes francophones, des moyens d'informer les Anglo-Canadiens de ce qui se passe dans les communautés francophones, des collaborations entre CBC et Radio-Canada pour servir le mieux possible les Canadiens.
Nous le faisons, parce que nous y croyons. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Monsieur Stursberg, merci d'être ici aujourd'hui.
Je travaille depuis 25 ans pour l'unité du pays. Depuis 25 ans, modestement et humblement, j'essaie de bâtir des ponts entre les communautés. Votre rôle n'est pas de dire que c'est la faute des députés parce qu'ils ont demandé une enquête trop rapidement. Ce n'est certainement pas notre faute si, quand on tient un événement célébrant les auteurs-compositeurs-interprètes... Votre travail ne consiste pas simplement à faire plaisir à l'auditoire anglais. Il est de démontrer — et vous allez encore me parler de Mitsou et de la poutine — qu'à cet événement, on célébrait ce que représente le pays: deux langues, plusieurs cultures, notamment la culture francophone et la culture anglophone, les peuples fondateurs de ce pays.
Ma citoyenneté est inclusive en ce sens. Vous pouvez me parler de tous les événements que vous tenez, et on vous en félicite. Cependant, un événement précis est une tache. Quand on demande une enquête, c'est parce qu'on veut savoir ce qui se passe et voir l'autre côté de la médaille.
Je suis un adepte de Claude Dubois. J'ai été insulté, je dois vous l'avouer. Il y avait aussi Raymond Lévesque. Je ne suis pas un séparatiste, ma culture est non partisane. C'est comme si je prenais une photo avec vous et que je vous disais de vous placer dans le fond. Ainsi, je pourrais la couper et prendre ce qui fait mon affaire.
Je ne veux pas faire le procès de CBC aujourd'hui; je veux comprendre ce qui s'est passé. Mettez-vous à notre place. Si on disait aux auteurs-compositeurs anglophones que, comme on ne dispose que de 44 minutes, on va couper tout ce qui est anglophone, car nous, les francophones, n'écoutons que de la musique en français et n'avons pas besoin de ça, que penseriez-vous? C'est un peu insultant, monsieur Stursberg.
Vous pouvez faire une émission qui inclut tout le monde. On peut, en 40 minutes, représenter également le fait français parce que les auteurs ont fait un travail exceptionnel. Le but n'est pas de dire que vous n'avez pas fait votre travail dans d'autres dossiers. On ne parlera pas du syndrome Don Cherry aujourd'hui. On va parler de cet événement, car on veut comprendre ce qui s'est passé.
Cela a pris deux jours de levée de boucliers pour que vous puissiez dire que vous regrettez. Je n'étais pas membre du comité, mais je comprends que c'est à cause de cela qu'on a demandé une enquête. Je veux savoir simplement si l'an prochain vous ferez la même « job de bras ». S'il y a des auteurs-compositeurs-interprètes et qu'on célèbre le panthéon, vous serez en mesure de nous dire... Il ne s'agit pas de faire plaisir à l'auditoire. C'est le mandat de Radio-Canada/CBC de montrer ce qui se passe dans notre pays.
L'an prochain, s'il y a des francophones, serons-nous encore des citoyens de seconde classe, ou si vous allez vous assurer, conformément à votre mandat, qu'on mette sur un même pied les francophones et les anglophones?
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Stursberg, d'être là.
Je tiens aussi à remercier mon collègue Daniel Petit, qui a effectivement mis ce sujet à l'ordre du jour de nos travaux. C'est très justifié.
Monsieur Stursberg, je vais tenter d'analyser la chose avec le plus d'objectivité possible. Sur un plan identitaire et culturel, je trouve très néfaste ce que j'ai entendu de votre part. Je m'explique.
D'abord, vous dites que l'auditoire était composé d'anglophones et qu'il fallait respecter leur culture et ne pas trop les offenser sur ce plan. C'était l'enjeu. Lorsque je regarde cela par l'autre bout de la lorgnette, le Québec paye 25 p. 100 des impôts versés à la CBC, tout comme les francophones vivant à l'extérieur du Québec payent aussi leur part des fonds alloués à la CBC. Ce n'est pas une question d'auditoire, c'est une question de respect de la part d'un gala qui veut justement faire l'apologie de la musique, de la chanson, de la composition musicale et des interprètes qui sont les porte-étendards de cette musique.
Vous me dites que vous faites des documentaires, soit, mais cette émission n'était pas un documentaire. Elle présentait de la culture, les cultures québécoise, franco-canadienne, acadienne, canadienne-anglaise mêlées dans un tout pour démontrer à l'ensemble des contribuables canadiens, peu importe leur lieu de résidence, qu'il y a une variété d'artistes extraordinaires.
M. Dubois s'est levé et a mis son poing sur la table. Je pense qu'il ne le faisait pas seulement pour lui, mais qu'il le faisait aussi pour le principe. Vous êtes surpris que les médias aient rapporté cela. Écoutez, ce n'est pas une question de médias. Ça frappe! Lorsqu'on a su ça, on s'est sentis exclus.
Je vais vous donner une exemple qui fait que je vois la CBC comme je la vois. C'est dommage, et il faudrait que ça change. En vue de la Série du siècle de 1972, Foster Hewitt a passé un certain temps à l'ambassade de l'Union Soviétique pour apprendre à bien prononcer les noms des joueurs soviétiques. C'était un très bel exercice. Pourtant, de toute sa carrière, il n'a jamais appris à prononcer les noms de Jean-Guy Talbot, Yvan Cournoyer ou Jean Béliveau. La Soirée du hockey est arrivée en 1976 dans l'Ouest canadien. Avant cela, on écoutait donc la CBC. On ne se retrouvait pas dans les « Djang-Gaille Tâllboat » et les « Djînn Ballâvô ». C'est encore ça, la CBC. On ne retrouve pas, dans cette machine, notre culture et nos champs de référence. Lorsqu'il était question de la station de Radio-Canada à Saskatoon, on disait tout le temps « CBC French ». Je n'ai jamais vu nulle part au Québec « SRC anglaise » pour parler de la CBC.
Vous voulez répondre aux besoins de votre public. D'accord, mais reflétez la réalité des choses. Pourquoi le mot « raciste » a-t-il été utilisé? Parce que nous sommes exclus. Exclure des gens, c'est prendre un groupe et ne pas prendre l'autre. Dans ce cas-ci, ce sont les francophones qui se sentent exclus, et on vous le signale. Ne me dites que vous faites des émissions ailleurs; je le sais, et c'est très bien. Mais dans ce spectacle qui faisait l'apologie de la musique, vous deviez vous efforcer de faire en sorte qu'au moins le quart de la programmation de vos 45 minutes reflète le quart des contribuables du Canada, qui sont francophones et qui ont le droit de se retrouver dans des émissions de ce genre.
J'ai lu les articles de journaux. Ça remonte déjà au mois de mars, il n'y a pas si longtemps. Avez-vous commencé à penser sérieusement à mieux répartir la représentation des cultures du territoire pancanadien lors de l'émission du prochain gala?
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Stursberg, d'être venu aujourd'hui. Je tenais à ce que vous comparaissez aujourd'hui, à ce que Radio-Canada vienne témoigner aujourd'hui, mais pas pour ressasser les événements qui se sont produits au gala ou les remarques du chanteur Claude Dubois, mais plutôt pour vous permettre de nous décrire comment vous remplissez deux importants éléments du mandat que vous confère la Loi sur la radiodiffusion de 1991.
Mais tout d'abord, j'aimerais vous faire remarquer une chose, à savoir que vous ne pouvez avoir le beurre et l'argent du beurre. Vous ne pouvez, d'une part, établir votre programmation de façon indépendante et, d'autre part, exiger des députés qu'ils réagissent aux critiques formulées par certains à l'endroit de ces décisions sur la programmation.
Vous avez affirmé prendre vos décisions en matière de programmation de façon indépendante, mais vous vous êtes aussi dit étonné que nous ne nous soyons pas élevés contre les remarques de M. Claude Dubois. Si vous prenez vos décisions sur la programmation de façon indépendante, nous ne sommes pas responsables des réactions que ces décisions peuvent susciter, surtout de la part non pas de parlementaires mais de simples citoyens.
Cela dit, je voulais vous voir aujourd'hui pour aborder deux éléments particuliers de votre mandat prévu à la Loi sur la radiodiffusion de 1991. Il s'agit du sous-alinéa 3(1)m)(iv) qui dispose que votre programmation doit « refléter la situation et les besoins particuliers des deux collectivités de langue officielle, y compris ceux des minorités de l'une ou l'autre langue » et du sous-alinéa (vi) qui stipule que votre programmation doit « contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationales ».
Vous avez décrit quelques-unes des initiatives lancées par la Société pour remplir cette partie de son mandat — l'émission de télévision Sophie, d'autres initiatives entreprises ces dernières années — mais je crois qu'il y a quand même beaucoup de gens qui se demandent si vous ne pourriez faire plus.
Je pense plus précisément à la collecte de l'information. J'ignore combien de fois j'ai regardé le téléjournal au grand réseau de CBC et ensuite le bulletin de nouvelles de Radio-Canada pour constater que, même si on présente les mêmes informations, ces bulletins de nouvelles pourraient venir de deux pays différents; les sujets et l'angle sous lequel on les aborde sont tout à fait différents. Je sais que vous avez déployé des efforts pour que la collecte de l'information se fasse en commun, mais il semble que ce ne soit pas le cas souvent. À cet égard, j'estime que votre Société pourrait mieux remplir son mandat.
Par ailleurs, les services radio sont assez efficaces et assez économiques — ils ne sont pas terriblement coûteux — mais dans bien des régions de l'Ontario, par exemple, on ne capte pas la Première Chaîne de Radio-Canada en langue française, sauf, peut-être, sur la bande AM où la réception est horrible. Or, la radio est un autre exemple d'une façon efficace et peu coûteuse d'offrir des services en langue française qu'on néglige. Dans ma région du Sud-Ouest de l'Ontario, il est presque impossible d'avoir accès aux services de langue française de la radio de Radio-Canada.
Ce sont là deux aspects de votre mandat prévus aux sous-alinéas 3(1)m)(iv) et (vi) de la Loi sur la radiodiffusion de 1991 que vous pourriez mieux remplir.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
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Il est certain que nous aimerions que nos services radio en français et en anglais diffusent sur une plus grande échelle. On nous a d'ailleurs demandé de présenter une proposition en ce sens dans un rapport, si je ne m'abuse, du comité du patrimoine de la Chambre des communes. Et c'est ce que nous avons fait; il y a deux ans, nous avons déposé un rapport proposant des façons de faire précisément cela. Je suis donc tout à fait d'accord avec vous.
J'abonde aussi dans le même sens que vous — et que tous les membres du comité, ce qui m'a d'ailleurs frappé — et j'estime que CBC/Radio-Canada a le devoir fondamental de refléter et d'interpréter les deux grandes cultures l'une à l'autre. Je suis entièrement d'accord avec vous là-dessus. Je suis d'accord avec la prémisse qui sous-tend toutes vos questions. Voilà pourquoi, comme je l'ai indiqué, nous avons déployé tant d'efforts à déterminer comment réaliser cela, comment présenter deux cultures l'une à l'autre d'une façon qui réponde aux attentes différentes de nos cultures et de nos auditoires.
Pour ma part, je voulais une émission comme Au courant et je voulais que Mitsou l'anime, car je voulais une émission qui serait une fenêtre sur la culture française et qui serait diffusée chaque semaine. J'ai aussi eu l'idée de reprendre l'émission Rumeurs ainsi que Les hauts et les bas de Sophie Paquin.
Pour ce qui est du travail en commun des journalistes, vous avez raison. Bon nombre de nos journalistes à l'étranger présentent maintenant le reportage dans les deux langues. Toutefois, il n'est pas facile de trouver des journalistes qui puissent travailler en anglais et en français, car cela implique une aisance dans les deux langues qui est rare. Mais je crois que vous avez tout à fait raison. J'ai d'ailleurs souligné dans mon allocution d'ouverture que Radio-Canada et CBC ont réalisé ensemble plus de 200 reportages récemment.
Mon collègue Sylvain Lafrance et moi dirigeons ensemble, au sein de l'organisation, un fonds servant à cette fin précise, à faire en sorte que plus de projets soient réalisés en anglais et en français. Encore une fois, je suis tout à fait d'accord avec vous.
J'ajouterai cependant une chose qui, je crois, est importante: nous ne devons pas oublier de présenter des émissions qui plaisent à nos auditoires. Si nos auditoires n'aiment pas nos émissions ou ne les comprennent pas, nous ne progresserons pas. Ils se désintéresseront tout simplement de Radio-Canada et de CBC.
J'ignore dans quelle mesure ces projets communs améliorent la situation. Ce qui permet d'améliorer la situation, c'est la présentation d'une programmation que les gens trouvent intéressante, divertissante et stimulante, une programmation qu'ils souhaitent regarder...
Bonjour, monsieur Stursberg.
On vous a demandé de comparaître aujourd'hui pour tenter de déterminer ce qui s'était passé lors du gala du Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens. Naturellement, vous avez constaté qu'il y avait eu tout un tollé, que bien des gens s'étaient plaints par l'entremise des journaux du Québec et du pays. Bref, on s'est posé des questions sur cette émission.
Je pense que vous avez compris notre questionnement. C'est que le gala est en effet le panthéon, le summum de la culture canadienne, et que vous avez l'obligation, en tant qu'institution, de respecter la dualité linguistique, le multiculturalisme. Vous y êtes obligé; ça fait partie de votre mandat. Pour ma part, je pense que vous n'avez pas respecté ce mandat dans le cadre de cette émission. Quand vous avez invité tous les artistes à participer à ces 44 minutes, vous auriez pu avoir la décence de présenter les artistes francophones.
Vous dites que votre auditoire ne voulait pas voir d'artistes francophones à la télévision, mais je ne suis pas d'accord avec vous. Pour ma part, je suis capable d'écouter la télévision en anglais. Comment les Américains nous transmettent-ils leur culture? Par leur musique, donc par leur culture, qui est diffusée continuellement. Comment pouvons-nous influencer les anglophones? Par notre culture. Et ça va dans les deux sens. Vous dites qu'à Toronto, les gens voulaient voir uniquement des artistes anglophones, mais ce n'est pas vrai. Vous n'êtes pas dans la tête de tous les Canadiens. Certains Canadiens anglais veulent écouter nos artistes. Vous divisez les deux côtés. Ceux qui avaient la charge du gala ont décidé de ne pas nous accorder une seule des 44 minutes. C'est vraiment insultant. C'est pour cette raison uniquement que vous comparaissez aujourd'hui.
Vous dites aussi avoir diffusé les trois heures du gala sur Radio 2 et une heure ou deux de celui-ci sur Radio One. Si vous venez dans la région de Québec, vous allez constater que la radio de Radio-Canada, même en français, n'est pas écoutée. Alors ne venez pas me dire que c'était le bon médium. Celui que je veux, c'est la télévision. Il est le plus important parce qu'il est moderne. Je ne veux pas dire que la radio ne l'est pas, mais la télévision, c'est important. Je veux voir mes artistes danser, chanter, s'exprimer, et je veux que l'autre culture soit représentée elle aussi.
Ma question est simple. En réponse à une question d'un collègue, vous avez semblé dire plus tôt que vous alliez répéter la même formule lors du prochain gala du panthéon. Allez-vous encore couper la prestation de nos artistes ou allez-vous prévoir des rencontres en vue de changer cette attitude? Je vous fais un reproche, mais ce n'est pas vous que je vise en particulier, c'est votre société. Je veux savoir si, à l'intérieur des 44 minutes, vous allez nous consacrer au moins une minute. C'est un minimum auquel on a droit, compte tenu qu'on finance 33 p. 100 de votre budget.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Stursberg, voici mes observations. D'abord, vous travaillez pour une société publique. Il y a 25 p. 100 de francophones au Canada. Le Québec représente une masse critique, mais il y en a aussi ailleurs sur le territoire pancanadien. Ils doivent donc se retrouver dans un panthéon de la musique qui reflète l'ensemble du pays, le Canada, dont 25 p. 100 de la population possède une langue et une culture différentes de celles du Canada anglais. Ils doivent être inclus dans un gala qui se veut pancanadien.
Il ne peut en être autrement. C'est comme si l'on décidait de montrer certains buts au hockey parce qu'ils sont comptés par un tel, et de ne pas montrer les buts comptés par ceux possédant une autre langue, une autre culture. Quelque chose ne fonctionnerait pas dans cette joute.
Ici, il est question de chansons; il ne s'agit pas d'une émission anglaise où tous les textes sont en français. Il est question de chansons, et une chanson, ça peut être fait dans n'importe quelle langue. Lorsque le groupe Kashtin ou les Naskapis de la Côte-Nord chantaient, ils le faisaient dans leur langue, le Montagnais. Je les ai vus chanter sur les ondes de la CBC et de la SRC. On ne les a pas coupés au montage parce qu'ils ne parlaient pas la langue de la chaîne publique proprement dite.
Le message que vous nous transmettez — je suis souverainiste —, c'est le refus par les Canadiens anglais de la culture québécoise francophone, franco-canadienne, acadienne, etc., lors d'un gala, d'un panthéon de la musique. Ce message, il est faux. J'ai des amis de langue anglaise qui sont aussi intéressés par ce qui se passe dans le domaine de la musique d'expression française, qu'elle soit québécoise ou acadienne, que par ce qui se passe dans ce domaine ailleurs dans le monde ou au Canada.
Par conséquent, s'il vous plaît, cette barrière ne doit pas exister. Les contribuables québécois francophones autant que les anglophones doivent se reconnaître, à la télévision comme à la radio, dans une émission portant sur le gala du Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens, qui doit refléter les deux communautés de langue officielle au Canada: la nation québécoise et la nation canadienne.
Arrêtez de dire que les gens ne veulent pas voir cela. Ce n'est pas vrai. C'est une télévision publique. S'ils veulent écouter de la télévision privée canadienne, québécoise, américaine ou autre, ils en ont le droit. Mais s'ils arrêtent pour voir le panthéon de la musique, ils ont le droit d'entendre autant les Eva Avila de ce monde, qui parlent et chantent en espagnol, en français et en anglais, que les Claude Dubois, même s'ils sont moins connus, selon vous. Vous avez tout intérêt à faire connaître l'ensemble des artistes.
Ce n'est pas une question, c'est un commentaire. J'espère que vous allez en prendre bonne note pour le prochain gala. De toute façon, il y a un procès-verbal de cette rencontre.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Stursberg, votre Société assume deux grandes responsabilités dans le cadre de son mandat. Il est vrai que vous avez été sous-financés ces dernières années, mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit aujourd'hui. Aujourd'hui, nous traitons de votre mandat et de la façon dont vous le remplissez.
De façon générale, votre mandat est de refléter la diversité du pays, ainsi que le prévoit le sous-alinéa 3(1)m)(viii) de la Loi sur la radiodiffusion, « refléter le caractère multiculturel et multiracial du Canada » — mais vous avez aussi la responsabilité de refléter la dualité linguistique du pays et de façonner une identité et une conscience nationales communes.
Selon moi, vous vous acquittez bien de certains éléments de votre mandat, mais pas de tous. Moi, je suis un député de la région de Toronto. J'écoute Radio One constamment et je regarde le grand réseau de télévision de CBC régulièrement. Il y a quatre ou cinq ans, Radio One et le grand réseau de télévision de CBC ont commencé à mieux refléter la diversité du Grand Toronto. Vous avez fait de l'excellent travail à ce chapitre. Mais en ce qui concerne l'autre volet de votre mandat, celui de contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationales, ce qui est un élément central de la dualité linguistique du pays, plus particulièrement dans la région du Grand Toronto, vous avez failli à la tâche, à mon avis.
Sauf pour une émission de temps à autre, on ne croirait jamais que le Canada est un pays officiellement bilingue, et que ses institutions fédérales sont officiellement bilingues. On ne le croirait pas en écoutant Radio One ou en regardant le réseau de CBC dans la grande région de Toronto. Les bulletins de nouvelles diffusés chaque heure à Radio One n'ont aucun lien avec le bulletin de nouvelles de La Première Chaîne, et The National, diffusé sur le grand réseau de télévision chaque soir, n'a pas vraiment rapport avec le Le Téléjournal à Radio-Canada.
Comme je viens de le dire, j'estime que vous faites du bon travail à certains égards, mais pas dans la représentation de la dualité linguistique du pays.
À Radio-Canada, au Québec, c'est le contraire. Radio-Canada remplit bien son mandat de présenter une programmation de langue française, bien sûr. Votre société connaît plus de succès au Québec qu'au Canada anglais, peut-être parce que nous vivons sur un continent anglophone, mais pour ce qui est de refléter la diversité croissante de notre pays, j'ai l'impression que la programmation de langue anglaise est supérieure à la programmation de langue française.
Il y a donc place à l'amélioration, et c'est une des raisons qui expliquent votre présence devant nous aujourd'hui. Quand on se concentre sur certaines questions, on devient trop sensible à la critique. Or, j'estime important pour votre Société de se pencher sur ces enjeux à long terme, car c'est l'un des grands défis que devra relever notre pays et j'espère que CBC/Radio-Canada pourra apporter une importante contribution dans l'établissement de ponts entre les deux solitudes, toujours dans le cadre de l'exécution de son mandat.