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Je vais faire mon exposé en anglais, car mon français est de niveau à peu près intermédiaire. Le français de M. D'Andrea est bien meilleur que le mien, mais je sais que vous avez des services de traduction et que mes documents ont été traduits. Je vais donc prendre 10 minutes pour mon exposé.
Durant 10 minutes, je vais vous parler de trois sujets. Je vais d'abord vous expliquer ce qu'est le Mouvement du Grand Québec. Tout le monde ne sait pas qui nous sommes. Nous sommes un groupe anglophone du Québec, et je vais vous expliquer ce qu'il en est. Deuxièmement, je vais parler du genre de poursuites auxquelles nous pourrions participer et le lien que cela aurait avec le Programme de contestation judiciaire si ce programme était rétabli. Et troisièmement, je vais expliquer ce que le programme signifie pour nous et quelles sont nos recommandations à son sujet.
Tout d'abord, le Mouvement du Grand Québec est un groupe de réflexion anglophone non partisan qui n'est pas financé par le gouvernement. C'est une société à but non lucratif fondée en 1995. Notre organisation s'est fait remarquer dans les médias internationaux et canadiens — surtout au Québec — pour sa position inhabituelle, puisque nous préconisons l'intégration des écoles publiques de langue française et anglaise, ou ce que nous appelons l'école québécoise, un type d'école qui n'existe pas à l'heure actuelle, à notre avis. J'ai envoyé à M. Truelove un article que M. D'Andrea et moi avons publié dans la Gazette à ce sujet. L'article est intitulé « Les anglophones ont besoin d'une éducation en français ». Je crois que cet article a été traduit en français, pour ceux qui préféreraient le lire dans cette langue.
L'une de nos principales préoccupations, c'est que nous nous inquiétons qu'en raison de la ségrégation linguistique au niveau scolaire, les enfants québécois se trouvent divisés en deux groupes et qu'en raison de cette ségrégation, ces enfants pourraient grandir avec le sentiment que les deux groupes linguistiques sont deux solitudes concurrentes. Une fois adultes, ils pourraient développer des sentiments de méfiance et de ressentiment à l'égard de l'autre communauté linguistique. À notre avis, on pourrait établir de nombreux parallèles entre le Québec et l'Irlande du Nord, puisque dans ce dernier pays, diverses institutions, et plus particulièrement les écoles, ont été utilisées comme agents de ségrégation en fonction de la religion, ce qui a eu des résultats désastreux pour la cohésion sociale.
Si nous préconisons l'école québécoise, ce n'est pas parce que nous visons l'élimination des dispositions de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège le droit de la communauté anglophone de contrôler son propre système scolaire. Ce que nous souhaitons, c'est soit la création d'écoles publiques autonomes de langues anglaise et française, soit la création d'écoles anglaises et françaises gérées conjointement par les conseils scolaires des deux langues, comme ces conseils existent déjà au Québec.
Depuis que nous avons entrepris la promotion de cette idée au Québec, nous avons reçu plusieurs opinions juridiques sur la constitutionnalité de notre proposition d'écoles québécoises. Ces opinions juridiques soulèvent certaines préoccupations. Un des constitutionnalistes consultés, dont je tairai le nom puisqu'il occupe un poste de haut rang au gouvernement, nous a dit que l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés pourrait être invoqué non seulement parce qu'il garantit le droit de recevoir l'enseignement en anglais au Québec, mais aussi parce qu'il garantit, pour les anglophones, une sorte de droit de fait à l'autoségrégation. Compte tenu de cette interprétation, qu'il partageait avec d'autres, nous nous inquiétons de ce que nos opposants — et malheureusement, plusieurs personnes de la communauté anglophone du Québec nous perçoivent comme des traîtres parce que nous préconisons des écoles intégrées — pourraient s'estimer habilités à contester la constitutionnalité de notre proposition, faisant valoir que la création d'écoles intégrées au Québec, des écoles dans lesquelles francophones et anglophones suivraient un programme de cours communs bilingues ou dans les deux langues, risquerait de léser leur droit à l'autoségrégation.
Pour l'instant, les deux partis d'opposition à l'Assemblée nationale du Québec ont exprimé leur volonté de présenter une constitution distincte pour la province de Québec. En raison de cela, il est plus que probable que tout débat public au sujet d'une constitution québécoise contiendra inévitablement une discussion de ce que cette constitution devrait inclure. À l'heure actuelle, le Parti québécois a proposé d'inclure des parties de la Charte de la langue française du Québec dans ce document. On pourrait aussi y inclure des éléments de la Charte québécoise des droits et libertés, entre autres.
Au cours des 20 dernières années, le Mouvement du Grand Québec a toujours appuyé l'élaboration d'un nouveau contrat social linguistique entre les francophones et les anglophones, au sein d'une constitution québécoise.
Nous avons publié de nombreux articles à ce sujet dans le journal Le Soleil de la ville de Québec, dans des journaux locaux de Montréal, dont The Suburban, et nous avons publié cet été un grand article dans Le Devoir, qui a été traduit par M. Turp, du Parti québécois. J'ai envoyé à M. Truelove des exemplaires de ces articles et vous pouvez donc les consulter.
Nous sommes très satisfaits du soutien que notre proposition d'écoles intégrées a obtenu auprès des jeunes anglophones et francophones de tout le spectre politique québécois. Nous espérons que nous pourrons obtenir suffisamment de soutien pour que, si une constitution québécoise était rédigée au cours des prochaines années, nous puissions y inclure l'infrastructure légale pour la création d'écoles québécoises communes intégrées.
Quel est le lien entre cette proposition et le Programme canadien de contestation judiciaire? Eh bien, nous croyons que si ce programme était rétabli, on pourrait y recevoir deux demandes de soutien diamétralement opposées. Il y aurait d'abord celle de notre groupe, qui ferait valoir que l'école québécoise est conforme à l'esprit de l'article 23, et il y aurait celle présentée par les gens qui estiment que cette proposition va à l'encontre du droit des anglophones du Québec à l'autoségrégation, à leur droit d'avoir leurs propres écoles et leur propre système scolaire.
À laquelle de ces demandes le programme ferait-il droit? Ce sont là certains des problèmes auxquels nous sommes confrontés, des problèmes qui soulèvent bon nombre de questions quant au soutien des organisations de défense des droits des anglophones, d'une part, et sur le Programme de contestation judiciaire, d'autre part.
Malgré ses bonnes intentions, le Programme de contestation judiciaire du Canada est devenu controversé, et à ce titre, il a suscité une opposition croissante dans tout le reste du pays. Bien que non partisan, le Mouvement du Grand Québec estime légitimes les allégations d'autres organisations non gouvernementales selon lesquelles le PCJ a souvent été détourné par les défenseurs de points de vue ou d'idéologies particuliers à l'exclusion de tous les autres points de vue exprimés par les mêmes groupes minoritaires ou désavantagés.
D'une façon générale, notre organisation, qui est composée de gens tant de la gauche que de la droite, s'est opposée au financement du militantisme des minorités par le gouvernement canadien et au militantisme juridique par le truchement du PCJ.
Nous avons même publié un éditorial en 1999 dans la Gazette de Montréal pour expliquer comment, malgré ses bonnes intentions, le soutien accordé aux groupes anglophones du Québec a nui à notre communauté plutôt que de l'aider, puisque le financement consenti constituait une source de dissension entre les diverses factions anglophones de la province. À tout prendre, ce financement récompensait l'exclusion et non l'inclusion. J'ai également fourni copie de ce texte à M. Truelove.
Cet article vous semblera peut-être prophétique. Si vous avez suivi l'évolution d'Alliance Québec — M. D'Andrea, d'autres et moi-même avons fait partie de cette organisation —, vous constaterez que ce financement nous a fait du tort. Il n'a pas aidé la communauté anglophone. Il n'a pas favorisé de progrès dans la politique publique au sein de cette communauté. Au contraire, il a suscité un élitisme, une volonté d'exclusion et de la stagnation dans cette organisation.
Cela dit, nous comprenons que certaines personnes de notre communauté et de tout le pays préconisent que l'on continue de financer les groupes de défense des droits et plus particulièrement le Programme de contestation judiciaire. Dans cet article, nous faisons valoir que le gouvernement canadien devrait mettre en place un programme de financement correspondant, de sorte que chaque groupe qui demande une aide financière pourrait recevoir un montant correspondant à la somme qu'il aurait recueillie de façon privée au sein de sa communauté. Ce serait une façon équitable de traiter toutes ces organisations sur un même pied, car nous nous inquiétons de ce que l'aide accordée par le gouvernement ou par le truchement de ces programmes a favorisé certains points de vue au sein de ces communautés.
En outre, nous ne voyons pas comment les organisations de groupes minoritaires seront en mesure de planifier des recours judiciaires efficaces si elles ne savent pas si elles recevront les fonds dont elles ont besoin, puisque le financement pourrait être éliminé, selon le gouvernement qui est au pouvoir. Ce financement pourrait être rétabli lorsqu'un autre gouvernement entrerait en fonction.
Nous proposons un compromis à deux volets. Il y a d'abord le programme de financement correspondant, dont je viens de parler, qui ferait en sorte que les groupes devraient obtenir eux-mêmes une part de financement et que le gouvernement fournirait un montant correspondant, même si ces groupes devraient respecter les lignes directrices de Patrimoine Canada, être constitués en organisme à but non lucratif et remplir tous les formulaires nécessaires. En outre, nous préconisons la création d'un poste d'ombudsman à Patrimoine Canada afin que ceux qui estiment avoir été lésés par le personnel administratif du PCJ puissent disposer d'un recours.
Pour conclure, nous comprenons les préoccupations de ceux qui estiment que le PCJ a été administré de façon partiale et qu'il a servi à favoriser les défenseurs de points de vue particuliers au sein de certains groupes désavantagés. Le Mouvement du Grand Québec ne peut pas être d'accord pour que le gouvernement continue de financer de tels programmes, à moins qu'on y ajoute les freins et contrepoids nécessaires; en fait, nous appuyons l'élimination de ce financement si le programme n'est pas réformé. Le programme pourrait être revu selon les recommandations que nous avons faites, et nous serions alors prêts à appuyer son rétablissement.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je suis vraiment un peu déçu de votre position. Je vais vous dire pour quelles raisons.
En ce qui concerne les écoles, Justin Trudeau s'est essayé il y a deux mois, à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, et il s'est quasiment fait taper les fesses. Ça ne fonctionne tout simplement pas. Au Nouveau-Brunswick, cela n'a pas fonctionné. Voilà pourquoi, notamment, nous avons tenté notre chance par l'entremise du Programme de contestation judiciaire et de telles choses. À l'Île-du-Prince-Édouard, on y eu recours aussi pour avoir des écoles françaises.
C'est juste normal, et je ne veux insulter personne : si dans une salle où il n'y a pas de service d'interprétation on trouve dix personnes dont un anglophone et neuf francophones, tous vont parler anglais.
Dans le passé, voici ce qui est arrivé : dans la classe, cela fonctionne; dans la cour de récréation, cela ne fonctionne plus, car l'anglais prend le dessus et c'est le francophone qui perd sur toute la ligne. C'est ce qui arrivera aussi dans l'avenir.
Voilà pourquoi, notamment, on s'est fortement battus chez nous. C'est impensable, au Nouveau-Brunswick, qu'il y ait des anglophones et des francophones dans la même classe. C'est pour ça qu'on a des écoles d'immersion. Les parents qui veulent que leurs enfants apprennent les deux langues envoient leurs enfants dans une école d'immersion. C'est là qu'ils apprennent la deuxième langue.
Cela ne fonctionnera tout simplement pas. Je pense que vous vous alignez sur quelque chose qui ne fonctionnera pas, qui ne sera pas accepté. Cela a déjà été prouvé. Ce n'est pas comme si ça ne l'avait pas été.
Si on faisait cela au Québec, cela voudrait dire qu'en Alberta, étant donné sa minorité francophone, on créerait dorénavant des écoles françaises et anglaises et on obligerait les anglophones à fréquenter les écoles françaises. Imaginez! C'est la même chose. Compte tenu du grand nombre de francophones de chez nous qui sont maintenant à « Fort Make Money », on pourrait dire qu'on veut dorénavant partager nos écoles françaises avec les anglophones. Je ne sais pas si les anglophones en seraient très heureux.
Parlons du Programme de contestation judiciaire. Voici ce que je comprends de la raison d'être d'un tel programme : lorsque des minorités sentent que leurs droits en vertu de la Charte sont bafoués, elles ont l'occasion de se présenter devant la Cour suprême grâce à ce programme. Ce ne sont pas seulement les communautés qui le font.
Dans ma circonscription, Mme Paulin s'est fait arrêter par la GRC dans les environs de Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, à Fredericton. Le policier de la GRC qui l'a arrêtée ne parlait pas français. Mme Paulin a porté sa cause devant la Cour suprême. Finalement, grâce à l'argent du Programme de contestation judiciaire, cela s'est réglé hors cour : maintenant, les services doivent être offerts dans les deux langues officielles au Nouveau-Brunswick.
À l'Île-du-Prince-Édouard, s'il y a des écoles françaises, c'est grâce au Programme de contestation judiciaire.
Parfois, cela commence par une personne, pas toujours par des organismes de 300 personnes. Des citoyens ordinaires, sentant que leurs droits ont été bafoués, ont la chance de se prévaloir de ce programme. Finalement, au bout du compte, tout le monde a une chance d'en profiter. Ce n'est pas le rôle du gouvernement de dire que c'est un tiers, un tiers, un tiers. Ce n'est pas ça, le Programme de contestation judiciaire; ça sert à rendre justice aux gens.
Je suis souvent allé à Montréal où j'ai parlé avec les gens et même avec des anglophones. Le Québec anglophone a ses écoles et peut-être même la meilleure université au Canada, l'Université McGill.
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Je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
En fait, monsieur le président, j'aimerais simplement faire une ou deux observations.
Le comité peut quand même comprendre que certains aspects du Programme de contestation judiciaire présentent divers problèmes. Par exemple, ce programme a un mandat assez vaste, il couvre des tas de choses. Nous savons toutefois que ces deux principaux axes d'action sont les droits à l'égalité et les droits linguistiques.
Il y a certaines causes importantes qui, par exemple, ont servi certaines communautés de langue officielle; M. Godin en a mentionné quelques-unes. Une des difficultés, toutefois, c'est que si nous disons quoi que ce soit contre le Programme de contestation judiciaire, l'opposition nous tombera dessus en déclarant que nous sommes contre les droits linguistiques dont parlait M. Godin. Or, ce n'est pas nécessairement le cas.
Parmi toutes les causes que le Programme de contestation judiciaire aura grandement aidées, il y a en a qui ont donné des résultats très positifs, voire excellents, mais il y a en d'autres qui étaient beaucoup plus douteuses. L'opposition dit fréquemment que le Programme de contestation judiciaire donne accès aux Canadiens, à tous les Canadiens au système judiciaire. Ce n'est pas entièrement vrai. C'est une tierce partie qui décide des causes qui seront financées, qui seront défendues et de celles qui ne le seront pas. C'est un processus sélectif qui comporte un certain degré de subjectivité.
Même dans les déclarations que nous avons entendues d'autres témoins, nous avons perçu une certaine controverse, car il y a des Canadiens qui s'inquiètent que seuls... Et je ne parle pas des droits linguistiques, je parle plutôt de...
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Monsieur le président, je n'interromps pas quand il a la parole pour lui dire de ne pas s'écarter du sujet. Je ne lui dis pas de poser ses questions au témoin sans préambule. Il a le droit d'exposer ses réflexions, et c'est ce que je fais maintenant. Ce sont mes sept minutes.
Mais je vous remercie de votre intervention.
M. Smith nous a fait part de ses préoccupations, mais d'autres témoins ont, comme lui, remis en question le fait que le Programme de contestation judiciaire semblait favoriser certaines causes.
Voici où je veux en venir. Je ne crois pas qu'il soit juste de dire que si le Programme de constatation judiciaire vous pose un problème, vous êtes nécessairement contre tous les aspects positifs, contre tous les gains qu'il a permis de faire — dont certains dans les communautés de langues officielles. Ce n'est pas ce qu'on a retenu. On a plutôt dit que l'administration du Programme de contestation judiciaire était particulièrement problématique. Je tenais à le préciser.
Nos témoins ont fait état de deux grands problèmes. Le premier est celui de la sélectivité. Autrement dit, une organisation tierce a le pouvoir de choisir certaines causes au détriment d'autres. L'autre problème est celui du manque de transparence. Cette tierce partie n'explique pas pourquoi elle a choisi certaines causes plutôt que d'autres, elle ne motive pas sa décision de rejeter certaines demandes. Tout cela est en grande partie secret. On ne peut pas dire que le Programme de contestation judiciaire ait été très transparent.
J'en parle parce que M. Smith nous a dit que cela faisait partie de ses préoccupations, mais, en fait, ses préoccupations sont aussi celles d'autres groupes qui sont venus témoigner devant notre comité. En outre, d'autres m'ont dit, dans le cadre de mon travail de député, qu'ils n'étaient pas satisfaits du Programme de contestation judiciaire.
Je remercie donc M. Smith de ses remarques. Je n'ai pas de question à lui poser.
Peut-être qu'un de mes collègues voudra utiliser le reste de mon temps de parole.
Moi, j'ai terminé. Merci.
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Merci, monsieur le président.
Vous avez soulevé des points intéressants, surtout au sujet d'un système scolaire intégré. C'est une bonne idée. De manière générale, cependant, je ferai simplement une observation. À mon avis, généralement, les communautés isolationnistes et repliées sur elles-mêmes manquent d'assurance et de vitalité. De plus en plus, nous vivons dans un monde où tout est interrelié, interdépendant, que ce soit en raison des échanges commerciaux, de l'immigration ou de l'évolution très rapide de la société.
Je crois que vous avez raison de dire que la meilleure approche, c'est de s'engager, de se tourner vers le monde extérieur et d'encourager les rencontres avec les autres. Vos observations sur l'isolationnisme pratiqué par certaines minorités linguistiques du Québec sont très justes.
Vous avez fait des suggestions, notamment dans des articles que vous avez rédigés dans la Gazette et le Devoir, mais je crois que vous devriez prendre garde de ne pas verser dans l'isolationnisme aussi. Il est facile, qu'il s'agisse d'une discussion sur une constitution provinciale pour le Québec ou sur l'identité particulière des Québécois, de tomber dans le piège de l'isolationnisme et du repli sur soi. Il serait préférable d'engager les autres groupes et communautés, je pense à la communauté francophone majoritaire.
Il est intéressant que vous souleviez ce sujet actuellement, parce qu'à notre dernière séance, nous avons accueilli le commissaire aux langues officielles. Le Commissariat aux langues officielles vient d'entreprendre une étude sur la diversité et le bilinguisme, car dans des villes comme Toronto et Montréal, la diversité est croissante, et il faut se demander comment l'accommoder, tout en tenant compte de la réalité du bilinguisme officiel et de la dualité linguistique au pays et en la protégeant.
Il serait peut-être bon que vous transmettiez vos remarques à ce sujet au commissaire aux langues officielles. Il aurait peut-être lui-même des observations pertinentes à faire.
En terminant, j'ajouterai simplement que je sais qu'il a étudié la question des minorités linguistiques à Edmonton et qu'il est très satisfait de la façon dont se fait l'éducation de la minorité francophone dans cette ville. Il est d'avis que ce conseil scolaire est l'un des pionniers du pays au chapitre de la protection des droits linguistiques de la minorité francophone vivant dans un milieu majoritairement anglophone.
Je vous encourage donc à lui en parler.
:
Merci, monsieur Scarpaleggia.
[Traduction]
Bonjour, monsieur Smith. Ravi de vous revoir. Ce que je m'apprête à dire va, je le crains, s'inscrire dans la droite ligne des conversations que nous avons eues par le passé.
Tout d'abord, je voudrais réagir à certains des commentaires que mes collègues d'en face ont fait ce matin.
Pour commencer, M. Lemieux vient de mentionner que les gens en général et le gouvernement en particulier trouvaient à redire au Programme de contestation judiciaire. Autant que je sache, et je pense que tout le monde autour de cette table sera d'accord avec moi, le gouvernement ne s'est pas contenté d'exprimer des inquiétudes au sujet du Programme de contestation judiciaire, il l'a proprement éliminé. Il n'y a pas d'autre terme.
On peut exprimer des inquiétudes à son sujet et s'efforcer d'améliorer la situation — il y a toujours moyen de le faire —, mais le gouvernement a éliminé le programme; il faut bien le reconnaître.
On a avancé que le programme n'était pas disponible pour tous les Canadiens, parce que les responsables triaient les dossiers avant de choisir ceux qu'ils accepteraient. Mais on pourrait en dire autant des Canadiens qui font appel: ils ne sont jamais sûrs que leur appel sera accueilli. Même chose pour la Cour suprême; il n'est pas dit que la Cour suprême accepte d'entendre votre cause. N'empêche que tous les Canadiens ont la possibilité d'interjeter appel ou d'aller jusqu'en Cour suprême. Ne perdons pas ce fait de vue.
M. Chong a dit qu'il était malsain pour une collectivité de se replier sur elle-même au travers de ses écoles. Peut-être. Mais, faute d'être protégée, une collectivité peut disparaître entièrement. J'en ai fait l'expérience, avec bien d'autres, notamment de ce côté-ci de la table. Que ce soit malsain, c'est une chose, mais être rayé de la carte, ce n'est pas mieux. Le choix est simple: être malsain à sa façon ou disparaître entièrement comme collectivité. Bien des gens ont fait leur choix.
C'est ce que je tenais à dire en réponse à ces deux arguments. Je voudrais maintenant revenir sur vos commentaires, monsieur Smith.
Je suis linguiste de formation et j'ai beaucoup travaillé au bilinguisme, à l'enseignement d'une deuxième langue à l'école, qu'il s'agisse du français ou de l'anglais comme langues secondes. J'ai même créé un programme d'enseignement de l'anglais langue seconde pour des élèves francophones de sixième année, appelé Six Plus. Qu'avons-nous constaté? Une répétition du scénario habituel où l'anglais, malgré tous les efforts déployés au Québec, demeure la langue dominante. La preuve? Quand les enfants sont entre eux, c'est toujours en anglais qu'ils communiquent, à cause de contraintes sociales et culturelles, de la musique rock ou autre. C'est vrai, et ce que les enfants soient francophones de naissance ou qu'ils aient appris le français parce qu'ils étaient allophones au départ, si je puis m'exprimer ainsi.
Il y a donc au Québec une forte détermination à lutter contre cette situation. Comment? En veillant à enraciner fortement le français chez l'élève dès le début. C'est pourquoi le gouvernement du Québec a décidé de ne pas permettre l'enseignement de la langue seconde avant la quatrième année, pour permettre aux petits francophones de bien maîtriser leur propre langue, le français, avant d'en apprendre une autre. C'est un choix que j'approuve.
Le schéma se répète si on scolarise ensemble, à tous les niveaux, enfants francophones et enfants anglophones, bien que je trouve bon de mélanger les enfants ou les adultes, d'ailleurs. Il se produit ce qui est arrivé par le passé, parce que le français n'est pas la langue dominante au Québec. M. Godin peut l'attester. Les enfants parlent français en classe parce qu'on les y oblige; dès qu'ils sont dans la cour de récréation, par contre, ils passent à l'anglais, comme ils l'ont toujours fait. C'est indiscutable. Quand on mélange les enfants, socialement, c'est ce qui se produit.
C'est le prix à payer en tant que société, pas seulement au Québec, mais partout au Canada. C'est le prix à payer pour protéger la collectivité de langue seconde, soit, la plupart du temps, la communauté française... Pardon, pas de langue seconde, mais francophone en milieu minoritaire.
La communauté anglaise a perdu bon nombre de ces membres à cause de problèmes de langue, effectivement. Mais il n'en reste pas moins que l'anglais demeure la langue dominante au Québec.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Par votre intermédiaire, monsieur le président, je voudrais m'adresser à M. Smith, qui propose un système de scolarisation intégré pour remédier à certains problèmes d'enseignement à Montréal et dans le reste du Québec. Peut-être y a-t-il maintenant une autre option, sur laquelle j'aimerais avoir son opinion.
L'autre approche serait peut-être de demander aux conseils scolaires d'un bout à l'autre du pays d'adopter une politique sur laquelle j'ai fait des recherches, celle du trilinguisme : deux des trois langues officielles doivent être le français et l'anglais; la troisième serait laissée au choix de l'élève. Je sais qu'à Montréal, de plus en plus d'enfants choisissent l'espagnol comme troisième langue.
Une des façons de remédier aux problèmes que vous avez soulignés serait donc d'imposer la connaissance de trois langues comme condition de l'obtention du diplôme de fin d'études secondaires ou de fin de Cégep; deux des langues devant être le français et l'anglais, la troisième étant laissée au choix des élèves. S'ils privilégient les études classiques, ils pourraient choisir le latin ou le grec. S'ils s'intéressent aux études bibliques, l'araméen ou l'hébreux. S'ils sont Autochtones, une langue autochtone. S'ils visent un diplôme de commerce international ou une carrière dans les échanges internationaux, l'espagnol, le chinois ou autre chose du genre.
Ce serait une autre façon de résoudre quelques-uns des problèmes que vous avez décrits, sans contrevenir à plusieurs droits garantis par la Charte, contrairement à certains systèmes de scolarisation obéissant à des impératifs linguistiques, qui sont problématiques, comme vous l'avez mentionné. Ce serait aussi une façon de remédier à l'absence d'interaction, pour ainsi dire, entre les deux solitudes.
J'aimerais avoir l'opinion de M. Smith à cet égard, monsieur le président.
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Manifestement, vous avez raison: rien ne nous oblige à nous limiter aux deux langues officielles.
Je suis de retour au Canada depuis peu, après sept ans passés au Japon. Le monde est petit. C'est plus vrai que jamais. Plus ça va et plus il est probable que nos enfants vivent et travaillent dans un autre pays alors, connaître une autre langue... Avoir un début de formation en japonais avant de m'installer là-bas aurait certainement été un atout pour moi.
Ce serait très bien, c'est sûr. Mais, lorsque nous exprimons des préoccupations au sujet de l'anglais et du français... Parce que c'est un peu gênant que nos jeunes, à ce stade-ci, bien qu'ils soient plus bilingues qu'auparavant, soient encore...
Mes parents parlaient à peine le français. Mon père travaillait comme agent immobilier pour Montreal Trust. L'année de sa mort, il était premier au Québec et second au Canada. Mais il était incapable de commander un repas en français dans un restaurant. Dans sa jeunesse, il avait eu des amis franco-canadiens — à l'époque on parlait de Franco-Canadiens —, mais il leur avait toujours parlé en anglais, qui était perçue comme la langue commune. Ce n'est plus ainsi; mais nous manquons toujours de ressources pour nous adapter à cette situation.
Je me suis heurté à toutes sortes de problèmes professionnels à Montréal, la dernière que j'y étais, à la fin des années 1990; pas question pour moi d'avancement. C'est pourquoi je suis passé à l'enseignement de l'anglais. C'est la ville où je suis né. Ma famille vit au Québec depuis les années 1830. Mais nous manquons de ressources, maintenant que le français est la langue des affaires. Que cette contrainte soit justifiée ou non, nous ne sommes pas prêts à y faire face. C'est pourquoi les gens sont encore nombreux à quitter la province.
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Merci, vous êtes bien aimable, monsieur le président.
Monsieur Smith, je me joins à mes collègues pour vous souhaiter la bienvenue.
En vous écoutant, je me disais que votre destin personnel aurait peut-être été différent si votre père avait acheté une résidence dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve et que vous aviez vraiment vécu une expérience d'immersion dans un quartier qui n'est pas exclusivement francophone, mais qui l'est beaucoup. Je n'abandonne pas pour l'avenir. Vous savez que le marché locatif est bon dans l'Est de Montréal, et vous êtes le bienvenu.
Deux aspects de votre témoignage me dérangent. Tout d'abord, je suis tout à fait d'accord avec M. Mauril Bélanger. Le Programme de contestation judiciaire jouit d'une grande autonomie, ne serait-ce parce qu'il a un conseil d'administration autonome. Bien sûr cela n'empêche pas un processus de reddition de comptes, car on est en présence de fonds publics, mais le programme jouit d'une grande autonomie. Ce programme voulait permettre la promotion et l'égalité des droits de citoyens qui sont en situation de minorité linguistique. De plus, rien n'interdit que des anglophones, qui sont minoritaires au Québec, puissent déposer des demandes et, ultérieurement, obtenir du financement.
Cela étant dit, je comprends qu'un principe de base vous anime. Vous dites qu'il ne devrait pas y avoir de fonds publics pour un dossier comme celui de la promotion des langues. C'est le droit de votre association de le penser. Je crois aussi que Mme Folco a eu raison de vous rappeler qu'il n'est pas possible de mettre sur le même pied le français et l'anglais en Amérique du Nord. S'il n'y avait pas eu ce programme, les communautés, particulièrement les communautés francophones hors Québec, n'auraient pas pu faire certaines avancées.
Un aspect de votre destin personnel est encore plus troublant, et c'est ce que je veux comprendre. Moi non plus, je ne suis pas convaincu que la solution passe par des structures linguistiques où l'on va placer les francophones et les anglophones ensemble. Je ne crois pas que ce soit souhaitable. Cela n'empêche pas qu'on trouve, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, l'école Notre-Dame-du-Foyer où, en sixième année, durant la deuxième partie de l'année scolaire, les jeunes qui souhaitent étudier par immersion en anglais de façon intensive le font. Tous leurs cours en français, en anglais, en mathématiques, en sciences morales, etc. se déroulent en anglais et c'est une très bonne expérience pour les jeunes. On souhaite que les individus connaissent le français et l'anglais. M. Chong parlait d'apprendre une troisième langue. C'est possible pour les plus talentueux d'entre eux, probablement, mais c'est déjà un beau défi d'en maîtriser deux.
Une chose me trouble dans votre parcours. Je voudrais la comprendre et je vous le dis en respectant votre qualité de citoyen, que je ne remets pas en cause. Il me semble qu'il y a plusieurs moments dans la vie des gens où l'on peut vivre en immersion à Montréal. Honnêtement, je ne comprends pas que vous ayez pu manquer d'occasions d'apprentissage du français. Il me semble que si on quitte le West Island ou le centre-ville et qu'on va se promener dans d'autres quartiers, il est facile de s'impliquer, par exemple sur le plan du bénévolat dans une communauté. Vous avez certainement beaucoup à offrir à des gens qui auraient pu bénéficier de vos services. Je trouve troublant que vous puissiez affirmer devant le comité que vous avez passé plusieurs années à Montréal sans avoir pu devenir plus aguerri au chapitre de la pratique du français. Je le regrette, bien qu'on peut faire le choix d'être unilingue; il n'y a pas d'obligation constitutionnelle d'être bilingue.
Dans la mesure où vous souhaitez maîtriser une deuxième langue, reconnaissez-vous que dans une grande ville comme Montréal, il y a quand même des possibilités qui vous ont été objectivement offertes de le faire, et que cela ne passe pas par une intégration des écoles?
De plus, seriez-vous prêt à considérer que le Programme de contestation judiciaire est un programme qui a son autonomie, qui a son mérite objectif et dont on peut lire les rapports? Seriez-vous prêt également à considérer qu'une association comme la vôtre pourrait éventuellement en bénéficier?
Je ne dis pas qu'il faille jeter le bébé avec l'eau du bain. Je vous fais simplement une proposition. L'expérience montre qu'effectivement, le programme a donné lieu à des jugements favorables qui ont profité à la collectivité anglaise. N'empêche qu'il y a des problèmes, selon moi.
La capacité à réunir une partie des fonds et à obtenir un financement correspondant, permet de montrer qu'on rend des comptes à la collectivité en question, qu'il existe un soutien dans cette collectivité. Cela met sur un pied d'égalité différents groupes qui sont en concurrence sur une question donnée au sein de cette communauté.
Brièvement, je voudrais préciser que je ne suis pas tant anglophone qu'Irlandais. Je suis originaire d'Irlande. Ma famille est venue ici dans les années 1830, s'installer à Huntingdon, au Québec.
Mes arrières-grands-mères ont fréquenté des écoles où elles côtoyaient des catholiques français, parce que nous étions catholiques et qu'à cette époque, cela voulait dire quelque chose. Mes arrières-grands-mères étaient tout à fait bilingues.
Mais mes grands-parents sont venus s'installer à Montréal et sont devenus la première génération unilingue anglophone. Par la suite, mes parents sont allés dans des écoles catholiques anglaises, parce que nous étions assez nombreux, en tant que catholiques anglais ou catholiques irlandais, pour avoir nos propres écoles en anglais. C'est ainsi que notre communauté irlandaise a commencé à s'angliciser.
Savez-vous que Pierre-Marc Johnson est un cousin éloigné? La seule raison pour laquelle...
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D'un côté, cela a constitué un pas en avant, parce que nous jouissions des mêmes droits que les minorités francophones d'ailleurs au pays. Mais d'un autre côté, c'était un pas en arrière, parce qu'il y avait autrefois plus d'interaction entre les catholiques. Maintenant, les anglophones et les francophones sont séparés.
Voyez ce qui se passe en Irlande du Nord où, c'est le comble, ils ont la même langue, qu'ils soient catholiques et nationalistes ou membres de la minorité protestante. Regardez le résultat. Il y a une vieille blague irlandaise avec deux hommes attablés dans un bar quand un autre homme entre. Les deux hommes lui demandent: « Êtes-vous catholique ou protestant? » Lui répond: « je suis athée ». Ce à quoi les deux hommes rétorquent: « ouais, on sait, mais athée catholique ou athée protestant? ».
C'est ça, le Québec. Qu'est-ce qu'un anglophone, qu'est-ce qu'un francophone?
Peu importe donc le critère utilisé pour séparer ces enfants, il pourrait y avoir des conséquences à l'avenir. Comme je l'ai dit, et je le répéterai, je ne prétends pas que tout soit parfait. À un moment ou à un autre, on constatera le résultat de la ségrégation des institutions, si vous parvenez à obtenir un « oui » à un référendum. Les institutions anglophones contribuent à créer un sentiment de séparation qui les amènera à pousser à la sécession du Québec. Je ne suis pas pour mais, moi qui vis avec ces gens-là, je peux vous dire que c'est le sentiment qui prévaut: ils appuieront la séparation.
Tôt ou tard, le Québec dans son ensemble devra payer le prix de la séparation des écoles.