:
C'est très volontiers que je tenterai de vous répondre.
Je pense que dans ce contexte, vous évoquez peut-être l'un des deux ou trois aspects des changements apportés aux dispositions concernant les retenues d'impôt.
J'aimerais, si vous le voulez bien, vous répondre sur les trois points. Je tiens d'abord à préciser, à l'intention des membres du comité, que les changements apportés en matière de retenues d'impôt ont pour effet d'éliminer les retenues sur les versements effectués entre parties non liées ou sans lien de dépendance. Il s'agit des intérêts versés par une entité canadienne à un prêteur américain. La règle fonctionne dans les deux sens, mais je vais prendre l'exemple des intérêts versés par une entité canadienne.
À l'heure actuelle, en ce qui concerne les intérêts versés dans de telles conditions, la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis prévoit une retenue maximale de 10 p. 100. Notre droit interne comporte déjà de nombreuses exceptions pour les versements intervenant entre parties non liées, mais la convention autorise une retenue maximale de 10 p. 100.
Aux termes de la convention fiscale, cette règle s'applique aux versements effectués par des payeurs ou emprunteurs canadiens à des prêteurs qui leur sont liés. Il peut s'agir, par exemple, de la filiale canadienne d'une entreprise américaine qui a emprunté de l'argent à celle-ci. En pareille hypothèse, les intérêts versés par la compagnie canadienne à sa société-mère pourraient faire l'objet, aux termes de la convention, d'une retenue d'impôt pouvant atteindre 10 p. 100 du versement.
Or, le protocole propose de supprimer, dans ces deux cas, la retenue d'impôt. S'agissant d'intérêts versés à une partie non liée, la retenue d'impôt devrait être supprimée dans l'année où le protocole entre en vigueur. Certains membres du comité savent peut-être que les dispositions budgétaires pour l'année 2007, récemment présentées, et examinées il y a peu de temps par le Comité des finances, prévoient une modification parallèle qui, dans le monde entier, dispenserait de cette retenue d'impôt les versements effectués par des Canadiens à des prêteurs qui ne leur sont pas liés, quel que soit le pays de versement, ce changement étant censé entrer en vigueur dès le 1er janvier.
Je parle de cela, parce qu'une des préoccupations évoquées, concerne, justement, l'incertitude quant à la date d'entrée en vigueur du changement en question. Le texte budgétaire s'attache à répondre à ce souci, non seulement en ce qui concerne les États-Unis, mais aussi tous les autres pays du monde, précisant que le changement interviendra dès le 1er janvier.
Et puis, vous vous souciez aussi des incidences de ce changement, vous demandant si l'élimination de la retenue d'impôt n'aura pas certaines incidences ou n'entraînera pas certaines difficultés. La réponse me paraît devoir être oui, mais nous estimons qu'il s'agira d'effets bénéfiques. Notre droit interne prévoit déjà, je le répète, plusieurs exceptions concernant les retenues d'impôt applicables aux intérêts versés à des non-résidents n'entretenant, avec le payeur, aucun lien de dépendance. La convention, et le changement introduit dans notre droit interne, rend cette exemption universelle. Cela a pour effet d'éliminer du circuit de nombreux conseillers fiscaux qui, jusqu'ici, s'attachaient de toute manière à contourner les règles. Le marché des prêts devient en outre plus transparent, plus simple, ce qui a pour effet de renforcer la concurrence entre prêteurs tant au Canada qu'aux États-Unis et dans les pays tiers, ce qui, pour le marché des prêts constitue un avantage. C'est dire qu'il y aura, effectivement, des conséquences, mais nous estimons qu'elles seront bénéfiques.
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Merci, monsieur le président.
Nous avions effectivement rédigé un exposé d'une dizaine de minutes. Je vais essayer de le ramener à cinq minutes.
On peut se dispenser de faire les présentations. Chacun pourra être présenté à l'occasion d'une question.
Je suis heureux d'avoir à nouveau l'occasion de comparaître devant le comité pour faire le point sur les négociations d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Corée du Sud. La dernière fois que j'ai eu l'occasion de prendre la parole devant vous était en juin de l'année dernière.
Mardi, le a évoqué devant vous l'importance de nos efforts en vue de conclure des accords bilatéraux de libre-échange. Il a notamment insisté sur la grande activité déployée en ce domaine par nos concurrents et sur le fait que le Canada doit donc tenter d'uniformiser les règles du jeu. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne la Corée du Sud, ce que le Comité permanent du commerce international a implicitement reconnu lorsqu'il a, en avril, recommandé que le gouvernement s'attache notamment à faire aboutir les négociations d'un accord de libre-échange avec ce pays.
Je rappelle que la Corée du Sud a déjà mis en oeuvre des traités de libre-échange avec le Chili, Singapour, l'EFTA et les pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud. En juin dernier, les États-Unis et la Corée ont conclu un accord bilatéral de libre-échange dénommé KORUS. Cet accord a suscité, dans les deux pays, des controverses politiques, mais la plupart des observateurs estiment que l'accord sera ratifié étant donné l'importance qu'il revêt pour les pays en cause.
Les négociations sont déjà avancées en vue de la conclusion d'un accord de libre-échange entre la Corée et l'Union européenne, celle-ci étant, après la Chine, le deuxième partenaire commercial de la Corée. L'accord pourrait, semble-t-il, aboutir dans la première partie de 2008.
La Corée est également en train de négocier des accords de libre-échange avec le Mexique et l'Inde. Elle pourrait à brève échéance relancer les pourparlers avec le Japon et la Chine, ainsi qu'avec le Conseil de coopération du Golfe et avec les autres pays qui se sont mis sur les rangs.
Manifestement, si le Canada ne s'attachait pas à négocier un accord de libre-échange ave la Corée, nous risquerions, à terme, de voir les entreprises canadiennes de plus en plus handicapées au niveau de la concurrence sur ce marché.
[Français]
Par conséquent, monsieur le président, nous cherchons à conclure avec la Corée un accord de libre-échange exhaustif de grande qualité et, idéalement, d'une portée similaire à celui conclu entre la Corée et les États-Unis, c'est-à-dire le Korus.
Cette initiative vise essentiellement à maintenir et à renforcer les occasions pour les entreprises canadiennes d'affronter la concurrence à armes égales sur l'un des marchés les plus dynamiques du monde. La Corée compte une population en pleine ascension sociale de près de 50 millions d'habitants et une économie de l'ordre du billion de dollars. Non seulement la Corée se classe-t-elle au deuxième rang des économies les plus prospères, mais elle est aussi stratégiquement située au sein des régions connaissant la plus grande croissance économique au monde.
La Corée est déjà le septième partenaire commercial en importance du Canada. Le Canada y a exporté des marchandises valant près de 3,3 milliards de dollars l'année dernière, soit plus que l'ensemble des exportations canadiennes vers le Brésil et l'Inde mis ensemble.
La Corée est aussi en voie de devenir un marché de taille pour le secteur des services du Canada. Ce secteur a exporté pour plus de 650 millions de dollars de services en 2005. De plus, les investissements bilatéraux entre les deux pays dépassent maintenant 1,1 milliard de dollars.
[Traduction]
Un accord de libre-échange avec la Corée pourrait entraîner une augmentation sensible du commerce bilatéral entre les deux pays en supprimant les obstacles tarifaires, réglementaires et autres entraves au commerce. Selon les versions préliminaires de modèles macroéconomiques, publiées sur notre site Internet, sans les tarifs actuellement en place, c'est-à-dire dans l'hypothèse d'un accord de libre-échange, en 2005, l'année de base retenue par cette étude, nos exportations vers la Corée auraient été de presque 60 p. 100 plus élevées et notre PIB aurait augmenté de 1,6 milliard de dollars. S'il en est ainsi, c'est parce que la Corée applique des tarifs relativement élevés — 13 p. 100 en moyenne, alors que les nôtres ne s'élèvent qu'à quatre pour cent environ. L'élimination des tarifs dans le cadre d'un accord de libre-échange présenterait au Canada des occasions avantageuses.
Le marché coréen revêt une importance particulière tant pour notre secteur agricole que pour le secteur de l'exploitation des ressources naturelles et la conclusion d'un accord de libre-échange devrait profiter à plusieurs secteurs de notre économie tels que l'agroalimentaire, les pêches, les métaux et produits métallurgiques, toute une gamme de produits ligneux et forestiers, le charbon et autres minéraux.
Nous prévoyons également une augmentation des ventes de plusieurs secteurs industriels et manufacturiers qui sont, au Canada, sources d'emplois à fort rapport économique, secteurs tels que celui des produits chimiques, de l'aérospatiale, du matériel de transport urbain, des engrais, des pièces automobiles, des produits pharmaceutiques, des cosmétiques, des bâtiments préfabriqués, des produits environnementaux, des machines et équipement, pour ne prendre que ces exemples-là.
Nous prévoyons également de nombreuses occasions favorables dans l'industrie des services, source actuellement de 80 p. 100 des emplois créés au Canada. Je cite, à titre d'exemples, le secteur des services financiers, des services de haute technologie et des services environnementaux. La conclusion d'un accord de libre-échange offrirait en outre aux investisseurs canadiens des conditions plus sûres et plus stables en Corée et attirerait davantage d'investissements coréens au Canada.
Et puis, il y a le secteur automobile, domaine de négociation qui, au Canada, a attiré le plus d'attention. Afin d'améliorer l'accès au marché coréen des produits automobiles canadiens, le Canada négocie actuellement l'élimination des droits de huit pour cent qui, en Corée, frappent l'importation d'automobiles, et de pièces automobiles et tente de négocier, en ce qui concerne les barrières non tarifaires qui, en Corée, protègent le secteur automobile, l'adoption du régime le plus complet, le plus sérieux et le plus moderne que le Canada n'ait jamais tenté d'obtenir dans le cadre d'un accord de libre-échange. En ce qui concerne le secteur automobile, le Canada a également proposé la mise en place d'un mécanisme novateur pour régler les différends.
Précisons que l'industrie automobile canadienne a fait part des inquiétudes que lui inspire la perspective de voir supprimer les tarifs canadiens dans le domaine de l'automobile. Les membres du comité se souviennent peut-être qu'en septembre 2006, le gouvernement a rendu public deux études concluant au caractère très limité des répercussions défavorables qu'un accord de libre-échange avec la Corée pourrait avoir sur notre secteur automobile.
Selon la première étude, menée par Industrie Canada, il y aurait une baisse moyenne de moins de 1 000 unités par an, ce qui correspond à 0,04 p. 100 des 2,6 millions de véhicules produits au Canada chaque année. Ces chiffres ont été confirmés par une deuxième étude commandée par notre ministère à M. Van Biesebroeck, de l'Université de Toronto, spécialiste réputé en matière d'analyse économique du secteur automobile.
Le professeur Van Biesebroeck a également conclu qu'un Accord de libre-échange Canada-Corée n'entraînerait qu'une augmentation modeste des importations coréennes — moins de 10 p. 100 de plus par rapport à leur niveau actuel — et que cette augmentation se ferait largement aux dépens des autres catégories d'importations. On prévoit que cela entraînerait une baisse tout à fait marginale de la production canadienne, en l'occurrence 2 000 véhicules, soit 0,08 p. 100 du total. Il en serait notamment ainsi en raison du nombre déjà élevé de véhicules importés au Canada, environ 75 p. 100 du total et, aussi, du très fort pourcentage, soit 85 p. 100 environ, de la production canadienne qui est exportée aux États-Unis et qui ne serait pas affectée par un accord de libre-échange Canada-Corée.
En outre, et toujours selon ces études, les exportations de pièces automobiles canadiennes vers la Corée devraient profiter de l'élimination des tarifs douaniers, et augmenter de huit à 12 p. 100. Ces deux études peuvent être consultées sur Internet.
[Français]
Où en sommes-nous actuellement?
Depuis le début des négociations, en juillet 2005, nous avons tenu 12 séances de négociation avec la Corée. Notre réunion la plus récente remonte à la semaine dernière à Séoul. En principe, la prochaine rencontre devrait avoir lieu au mois de mars au Canada.
Des élections présidentielles se tiendront en Corée plus tard ce mois-ci, et le nouveau président entrera en fonction vers la fin du mois de février. Nous avons réalisé d'importants progrès jusqu'à présent, mais comme la conclusion des négociations approche, il est certain que nous faisons maintenant face aux questions les plus difficiles. Entre autres, le Canada demande un accès accru aux secteurs fortement protégés en Corée que constituent l'agriculture, les pêches et la foresterie.
De son côté, la Corée cherche des réductions plus rapides des tarifs canadiens dans les secteurs manufacturiers sensibles, comme celui de l'automobile.
Ces questions sont très difficiles, et le ministre Emerson a clairement fait savoir que nous préférons un accord satisfaisant avec la Corée plutôt que la conclusion rapide des négociations.
[Traduction]
J'ajoute, pour terminer, que selon le gouvernement, de solides raisons commerciales nous portent à rechercher la conclusion d'un accord de libre-échange avec la Corée, pour protéger nos exportations, compte tenu des négociations en cours entre la Corée et d'autres pays, mais aussi pour renforcer nos positions dans cette région cruciale de l'économie mondiale.
Nous sommes conscients du fait que tout accord de libre-échange exigera certains ajustements économiques, mais il ressort des analyses économiques les plus poussées que, dans son ensemble, cet accord de libre-échange aurait au Canada des incidences favorables et que les répercussions problématiques seraient faibles dans les secteurs où nous sommes les plus sensibles.
Dans l'hypothèse où les négociateurs parviennent à un accord, il appartiendra, bien sûr, dans un premier temps, aux ministres de se prononcer avant la signature de l'accord. Il reviendra, après cela, aux parlementaires, de décider s'il y a lieu ou non d'adopter le texte de mise en oeuvre conditionnant la ratification et l'entrée en vigueur de l'accord.
:
Non. Je suis tout à fait en désaccord sur ces chiffres.
[Traduction]
M. Ian Burney: J'avais commencé à aborder le sujet dans le cadre de ma réponse à la question précédente. Cette étude parti des changements constatés au niveau de nos échanges avec les pays qui ont conclu avec nous un accord de libre-échange, et applique, en extrapolant, ces résultats à notre commerce avec la Corée. C'est en procédant ainsi qu'ils ont conclu au risque de voir apparaître un énorme déficit commercial, d'où l'hypothèse de très nombreuses pertes d'emplois au Canada.
Permettez-moi de m'expliquer sur les réserves que nous inspire ce raisonnement.
D'abord, parmi les changements constatés au niveau de notre commerce avec des pays tels que les États-Unis, beaucoup de facteurs, autres qu'un accord de libre-échange interviennent. Or, l'étude en question part de l'idée que tous les changements intervenus, au cours des dix dernières années au niveau de nos échanges avec les États-Unis, sont exclusivement dus à l'accord de libre-échange, raisonnement qui exclut notamment les incidences de la monnaie, de l'évolution des termes de l'échange, des différences au plan du développement économique, de l'essor de la Chine et de l'Inde. Selon certains, donc, l'accord de libre-échange serait à l'origine de tout ce qui se passe. L'étude que vous citez est fondée sur l'hypothèse que le Canada n'a pas d'autres partenaires commerciaux que celui-là, que toute augmentation des importations de Corée entraînerait nécessairement une baisse de la production nationale, alors qu'en fait, à prendre l'exemple du secteur de l'automobile, nous exportons 85 p. 100 de notre production. Il est donc évident que l'augmentation du nombre de véhicules importés de Corée ne va pas se faire au détriment de notre production nationale. Plus vraisemblablement, les nouvelles importations se substitueront aux importations en provenance d'autres pays.
Troisièmement, l'étude ne traduit pas la réalité de nos échanges avec la Corée. Elle prend pour acquis que 12 000 des emplois perdus le seraient dans le secteur de l'électronique et de l'informatique, alors que dans ce secteur, en ce qui concerne le commerce entre le Canada et la Corée, les tarifs ont déjà pour ainsi dire été supprimés. On ne peut donc pas logiquement supposer qu'il y aura, dans ce secteur, 12 000 pertes d'emploi.
L'étude fait en outre l'impasse sur l'agriculture alors qu'il s'agit d'un secteur qui s'annonce particulièrement prometteur pour le Canada.
Je pourrais multiplier ce genre d'exemples, mais disons simplement que, selon nous, on peut relever dans cette étude tellement d'erreurs de méthodologie que les résultats obtenus ne correspondent en rien à la réalité de nos échanges avec la Corée.