SINS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
SUB-COMMITTEE ON THE STUDY OF SPORT IN CANADA OF THE STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
SOUS-COMITÉ SUR L'ÉTUDE DU SPORT AU CANADA DU COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 29 octobre 1998
[Français]
Le président suppléant (M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.)): Je vous souhaite la bienvenue au Sous-comité sur l'étude du sport au Canada.
Nous accueillons aujourd'hui les représentants de Sports-Québec, la seule fédération provinciale à comparaître jusqu'ici devant ce comité. De nombreuses fédérations nationales sont déjà venues comparaître ici, mais cette fédération provinciale pourra nous parler plus précisément de ce qui se passe au Québec et des relations fédérales-provinciales, y compris les relations qu'elle entretient avec Sport Canada, d'autant plus que j'ai cru comprendre que M. Ouellet est aussi le président de la fédération des fédérations provinciales et qu'il porte donc deux chapeaux aujourd'hui. M. Ouellet est accompagné de M. Claude Pelletier, le directeur général de Sports-Québec. Je vous souhaite la bienvenue à notre comité et vous cède maintenant la parole.
M. Jean-Guy Ouellet (président, Sports-Québec): Monsieur le président, j'aimerais d'abord vous remercier de nous accueillir et de nous permettre de présenter les questions qui nous préoccupent le plus face à la politique relative au sport de notre gouvernement canadien.
Je vous présenterai brièvement Sports-Québec, un organisme privé sans but lucratif qui compte 60 fédérations sportives et des représentants des organismes régionaux de loisirs et des milieux municipal, socioéconomique et de l'éducation.
Quant à l'ordre de grandeur de notre représentativité, je soulignerai que 800 000 personnes pratiquent un sport fédéré et sont affiliées à une fédération au Québec; plus de 60 000 personnes agissent comme entraîneurs et instructeurs sportifs.
Notre démarche fait suite à la demande formulée par les membres de Sports-Québec lors de notre assemblée générale de mai afin que l'on intervienne auprès de votre sous-comité présidé par M. Mills.
Je brosserai brièvement un tableau de la situation du sport. La mise en oeuvre et l'existence même de certains de nos programmes sont compromises ou hypothéquées par de nouvelles approches d'intervention gouvernementale. Il y a une régression constante de l'injection des deniers publics depuis au moins une décennie; parallèlement à ce désengagement de l'État, les entreprises privées ont augmenté leurs exigences en matière de rentabilité de leur investissement dans le sport. Les organismes sportifs ont l'obligation de répondre à un nombre croissant de demandes et de besoins exprimés tant par le participant de la base que de l'athlète de haut niveau.
• 1555
Je parlerai brièvement de l'organisation du sport au
Canada, y compris de la reconnaissance gouvernementale et
politique. Le
phénomène du sport est mondialement reconnu. C'est sa
structure systémique, du niveau local jusqu'au
palier international, qui lui confère sont caractère
d'unicité. Cette spécificité a d'ailleurs conduit
plusieurs pays à se doter d'un ministère ou d'une entité
corporative spécifique au sport.
Au Canada, l'affectation du secteur sport à Patrimoine Canada représente une régression évidente par rapport au modèle précédent, où la condition physique et le sport amateur étaient confiés à un ministre titulaire. Au niveau décisionnel de l'appareil gouvernemental, il y avait donc là une voie réelle pour le sport.
Dans la structure actuelle, le sport est un secteur d'intervention de très faible importance dans un ministère où les parcs nationaux, les symboles canadiens et la télévision d'État sont largement prédominants.
Comme première recommandation, Sports-Québec propose au gouvernement canadien la création d'un secrétariat d'État en sport dûment chapeauté par un ministre et doté des outils administratifs et financiers requis par ses interventions. Nous discuterons de ce sujet de façon plus approfondie un peu plus tard, monsieur le président, si vous nous le permettez.
Je traiterai maintenant des liens structuraux dans l'organisation du sport. Il n'y a pas de tribune d'expression réelle qui permette aux intervenants d'interagir sur une politique canadienne du sport. L'organisation du sport, du palier local au national en passant par le provincial, doit compter sur la mobilisation des bénévoles au sein des structures démocratiques. Malheureusement, le gouvernement du Canada encourage actuellement très peu les mouvements associatifs, comme en témoignent la faiblesse du soutien financier accordé et la non-reconnaissance ou encore l'absence d'intégration dans ses structures consultatives et décisionnelles.
À titre d'exemple, le Canadian Council of Provincial and Territorial Sport Federations, que je préside, ne dispose d'aucun canal pour émettre son point de vue, malgré les efforts que nous avons déployés auprès de la ministre et du ministère pour y parvenir.
À titre de deuxième recommandation, nous souhaitons que le gouvernement du Canada instaure des mécanismes formels de consultation et de concertation des intervenants du système sportif, tant au niveau de sa politique du sport que de son opérationnalisation.
Au Canada, il n'y a pas de vision globale en matière de sport. Abstraction faite des autres intervenants, des structures et des ressources qui l'ont conduit à ce niveau, tout est centré autour de l'athlète performant et de son environnement immédiat. Peu d'efforts réels sont consentis pour les entraîneurs qui évoluent dans un contexte de précarité d'emploi et de salaires désuets. Les structures d'organisation sont laissées pour compte. De plus, l'Association canadienne des entraîneurs nous apparaît être un lieu hermétique où on ne trouve aucun processus démocratique permettant la représentation et l'expression des intervenants sportifs de diverses provenances.
L'approche de Sport Canada, uniquement axée sur le soutien de la meilleure performance sur le plan mondial, est trop pointue et démontre, à notre avis, un manque flagrant de vision et de leadership. Je crois qu'il faut aller au-delà de la politique de notre pays, qui se limite à intervenir auprès de 1 000 athlètes identifiés dans leur quête de médaille sur le plan international. Il est essentiel que le pratiquant d'aujourd'hui, l'athlète de demain, soit partie prenante de cette politique. Les entités provinciales doivent également avoir voix au chapitre.
C'est une responsabilité fédérale que de conduire les athlètes aux standards requis sur la scène internationale. Il y a actuellement une absence de lien totale entre ceux qui développent l'excellence et ceux qui la prennent en charge une fois identifiée, ainsi qu'une absence de soutien des réseaux de compétition, là même où l'athlète se développe. La conséquence directe, dans notre système sportif, est un vide incroyable où de nombreux athlètes sur le point d'atteindre les standards internationaux ne sont pas reconnus et sont, à toutes fins pratiques, laissés pour compte.
• 1600
Au niveau québécois, on a souffert de la
régression des subventions. Notre mémoire en fait état
et je ne répéterai pas les données qui y figurent.
Ailleurs au Canada, la régression est également
évidente et notre mémoire vous donne les
exemples de Terre-Neuve, de la Saskatchewan et de l'Ontario.
Au niveau fédéral, il y a eu une réduction. Nous faisons ici abstraction des 50 millions de dollars qui ont été ajoutés sur une période de cinq ans; nous vous avons donc présenté dans notre mémoire le portrait qui prévalait jusqu'à cette injection nouvelle de fonds. Depuis 1993-1994, nous avons connu des régressions de l'ordre de 36 p. 100 dans le secteur du financement. Puisque seulement 1,57 p. 100 de l'enveloppe budgétaire de Patrimoine canadien est consacrée au sport, vous pouvez imaginer l'importance relative qu'on accorde au sport. La part octroyée aux associations nationales est aussi à la baisse; elle est passée de 44 à 28 millions de dollars au cours de la même période. Le nombre d'organismes appuyés par Sport Canada est passé de 122 en 1992-1993 à 83 en 1996-1997.
Les conséquences de ce désengagement sont très importantes tant pour le système sportif québécois que pour le système canadien. La cotisation des organismes provinciaux à leur association nationale augmente; les fédérations provinciales et les clubs doivent suppléer au manque à gagner des athlètes québécois engagés sur les scènes nationale et internationale. Plusieurs associations nationales ont fermé leurs bureaux ou diminué leurs services, ce qui augmente la charge de travail des organismes provinciaux.
Ce désengagement se traduit aussi par une rareté des liens entre les différents niveaux, des échanges plus que restreints entre les ministres canadiens et provinciaux responsables du secteur sport et le recul en matière d'investissement, lesquels sont une source, pour ne pas dire des sources, d'inquiétude. Les échanges se font principalement au niveau des fonctionnaires. Le désengagement fédéral a une influence sur les provinces et on se retrouve un peu devant une absence de modèle reconnaissant l'importance du sport dans notre société. Il y a un effet domino très clair. Laisser aux seuls fonctionnaires la responsabilité d'établir la vision canadienne du sport dénote une inertie politique inacceptable et prive les acteurs principaux du développement sportif du droit d'expression qui devrait être le leur.
Le parc immobilier sportif au Canada s'est principalement développé par le biais de l'organisation des grands jeux, soit les Jeux olympiques, les Jeux du Commonwealth, les Jeux panaméricains, les Jeux du Canada et les Jeux interuniversitaires mondiaux, cela particulièrement dans les grands centres urbains. Nous traiterons brièvement de cette question, mais il nous fera plaisir d'y revenir si vous le souhaitez.
Mais à l'est du pays, pour les sports d'été, nous constatons des carences évidentes en matière d'installations sportives de qualité qui répondent aux exigences de la compétition internationale. Aucune injection majeure n'a été faite depuis les Jeux olympiques de 1976.
Plusieurs villes de l'Ouest, dont Calgary, Victoria, Winnipeg et Edmonton, ont bénéficié et bénéficieront de retombées majeures par le biais des Jeux olympiques, des Jeux du Commonwealth en 1994, des Jeux panaméricains qui auront lieu en 1999 et des Jeux interuniversitaires mondiaux.
Nous recommandons donc que le gouvernement du Canada assume sa part de responsabilité dans l'injection des fonds nécessaires à la réfection et au développement du parc immobilier sportif canadien.
Une autre partie de notre mémoire porte sur les retombées inhérentes aux multiples facettes du sport. Sur le plan de la santé, bien qu'il y ait des effets positifs, on retrouve un bilan négatif. Je vous ferai ici part de quelques-unes des données importantes que vous pourrez lire dans le mémoire que nous vous avons soumis.
Les Canadiens qui ont participé à des sports organisés quand ils fréquentaient l'école sont en général plus nombreux que les autres à demeurer actifs plus tard. De 1981 à 1995, une augmentation de 16 p. 100 des Canadiens et Canadiennes physiquement actifs s'est traduite par une économie de 9 milliards de dollars en réductions de frais de soins de la santé, de l'assurance-maladie, de congés de maladie, d'absentéisme au travail, de prestations d'invalidité, etc. Les jeunes Canadiens d'aujourd'hui sont jusqu'à 40 p. 100 moins actifs que leurs pairs qui vivaient il y a 30 ans. Au Canada, de 1981 à 1988, la proportion des jeunes obèses âgés de 6 à 11 ans a augmenté de 50 p. 100, tandis qu'elle progressait de 40 p. 100 chez les 12 à 17 ans.
• 1605
Quarante pour cent
des enfants de 7 ans obèses et 70 p. 100 des
adolescents obèses seront encore aux prises avec ce
problème à l'âge adulte et souffriront des maux qui en
découlent, dont l'hypertension et les problèmes
respiratoires et orthopédiques.
Ces données sont inquiétantes pour notre société. Il est impératif que nous favorisions une approche plus efficace auprès des jeunes en matière de valorisation de la pratique d'activités physiques et sportives.
Les gouvernements doivent faire preuve d'un meilleur équilibre dans l'octroi de ressources au domaine préventif comparativement au domaine curatif. Les incidences positives sont prévisibles et entraîneraient une diminution des coûts globaux tout en assurant une meilleure qualité de vie.
Les motifs qui justifient l'intervention de l'État dans le sport sont nombreux. Le sport est un instrument de cohésion sociale; il est porteur de retombées économiques; il a des incidences positives sur la santé et sur le comportement social; il est rassembleur et mobilisateur. On pourrait aussi parler d'unité nationale. Le sport représente un lieu idéal de rencontre pour les jeunes et les moins jeunes. Il leur donne l'occasion de mieux se connaître et de mieux se reconnaître dans notre grand pays qu'est le Canada. Le sport est aussi générateur de modèles de stimulation et d'émulation. Je disais plus tôt que le modèle qu'on projette actuellement est plutôt négatif et de moins en moins important. Je faisais cette affirmation parce qu'on accorde au sport une place de moindre importance en lui allouant des sommes qui régressent sans cesse.
Dans notre quatrième recommandation, nous proposons que le gouvernement du Canada investisse davantage en vue de la sensibilisation et de la promotion de la pratique sportive, cela tout particulièrement auprès des jeunes. L'Australie et l'Angleterre ont mis sur pied de tels programmes en vue de favoriser une plus grande pratique des sports et d'intégrer un système sportif dans leur pays.
Je traiterai maintenant de l'aspect économique. On constate les retombées socioéconomiques de la participation sportive à trois niveaux: les bienfaits sur la santé dont on a parlé brièvement tout à l'heure, l'achat d'équipements sportifs et le développement d'emplois liés à l'encadrement de la pratique sportive. La participation sportive génère donc de l'emploi et requiert l'engagement de ressources humaines pour encadrer les participants dans les écoles, dans les municipalités, dans les clubs sportifs, dans les associations de sports, etc.
Une mise en garde s'impose ici: la véritable culture sportive est inexistante au Canada et il faut faire preuve de prudence lorsqu'on la compare à la culture américaine. On ne retrouve pas la même culture; de façon générale, nous n'appuyons pas concrètement les équipes locales, une tradition bien ancrée dans les mentalités européenne et américaine.
Au chapitre des retombées économiques, cette distinction avec les modèles étrangers importe particulièrement dans le domaine du «sport-spectacle». Il est évident que le sport professionnel a un impact sur la pratique sportive. L'importance médiatique—on n'a qu'à lire les journaux ou à regarder la télévision—qu'on y accorde et les modèles qui y sont créés incitent sans doute un certain nombre de jeunes à pratiquer une discipline sportive.
Plusieurs bémols sont cependant nécessaires. La place dominante des salaires, le dopage sous toutes ses formes et la violence sont porteurs de messages ambivalents et douteux pour notre jeunesse. De plus, le sport-spectacle engendre un spectateur passif, rivé devant son écran ou assis dans un stade, consommant boissons et croustilles. En termes de valorisation de l'activité physique et de la pratique sportive, ce n'est pas tout à fait ce qu'on recherche.
Au Canada, les liens entre les industries du sport-spectacle et du sport amateur sont quasi inexistants. Bien que le hockey professionnel identifie une bonne partie de sa relève dans le réseau amateur, il est pourtant peu porteur de retombées financières dans ce même réseau. À notre avis, nous devrions examiner la possibilité d'un réalignement qui permettrait un meilleur arrimage entre le sport professionnel et le sport amateur.
Notre cinquième recommandation propose qu'une injection de fonds gouvernementaux soit axée sur le soutien des secteurs ayant des incidences bénéfiques sur les coûts sociaux. C'est précisément le cas du sport amateur, totalement orienté sur la pratique sportive à tous les niveaux et sans discrimination.
• 1610
Quant aux mesures fiscales, ce soutien
est justifié tant par l'ensemble des retombées inhérentes au sport
que par les besoins criants de ce secteur. Je ne vous
ferai part que de certains chiffres.
Sur le strict plan des salaires et en comparaison avec
les sommes astronomiques versées dans le domaine du sport
professionnel—le salaire moyen des joueurs de hockey et
de base-ball se situe entre 1,2 et 1,4 million de
dollars—, la situation des
athlètes canadiens est peu enviable. Selon les données
recueillies en 1995, le revenu
personnel moyen des athlètes de moins de 21 ans est de
9 361 $, celui des athlètes de 21 à 24 ans est de 14
316 $ et celui des athlètes de 25 à 29 ans
est de 21 094 $.
Notre sixième recommandation est la suivante: il est impératif que l'État agisse énergiquement en adoptant des mesures fiscales incitatives encourageant les individus et les compagnies à investir dans le sport et à aider les structures d'accueil, les associations et les athlètes.
Le fardeau est particulièrement lourd pour les parents d'athlètes qui compétitionnent sur les scènes nationale et internationale.
Sur le plan des mesures incitatives, on parle aussi de la commandite. Le contexte est rigoureux: une récession majeure, une concurrence féroce et l'éclosion de plusieurs entreprises privées spécialisées en sport, récupérant à leur profit les activités les plus lucratives et laissant aux fédérations le soin de soutenir les secteurs moins rentables. Il y a un point de saturation pour le réseau du sport fédéré dans sa recherche de financement alternatif. Le monde du sport compte en grande partie sur le travail des bénévoles; 95 p. 100 de ses ressources proviennent de leur travail. Il est inquiétant que ces derniers doivent consacrer une partie de plus en plus importante de leur temps à la recherche de fonds, au détriment de la coordination réelle de leur sport. Nous ressentons du découragement face à la situation actuelle. Nous considérons qu'un investissement dans le sport n'est pas une dépense, mais plutôt un investissement dans notre société et dans la société de demain.
Comme septième recommandation, nous proposons que Revenu Canada établisse des mesures fiscales incitatives stimulant l'injection de fonds privés dans le milieu du sport. Cette recommandation est davantage liée à la commandite que la recommandation précédente, qui visait davantage les individus qui versaient des contributions.
La recommandation 8 touche également Revenu Canada. Sports-Québec recommande que Revenu Canada apporte des modifications à la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu, reconnaissant aux organismes provinciaux de sport un statut et des privilèges similaires à ceux consentis aux associations nationales. Il y a actuellement des difficultés dans l'arrimage de ces choses-là.
À la recommandation 9, on propose que le gouvernement du Canada injecte dans le système sportif canadien une plus grande partie des revenus de taxation générés par la pratique du sport au Canada.
Enfin, je traiterai de la spécificité francophone. Je ne me limiterai pas à parler au nom des Québécois. Je parlerai au nom de la francophonie. Il est difficile d'oublier les incidents entourant le dévoilement unilingue anglais de la délégation canadienne aux Jeux olympiques de Nagano; cette situation trouve pourtant son prolongement à chaque édition de grands jeux. La même incongruité s'est reproduite lors des récents Jeux du Commonwealth.
Rares sont les associations nationales qui dispensent un service correct en français, que ce soit dans leur documentation ou dans la livraison des programmes. Par ailleurs, le développement de centres nationaux d'entraînement dans des villes offrant peu ou pas de services en français constitue également un facteur de démotivation pour plusieurs intervenants francophones, qui doivent soit affronter l'exil et les difficultés linguistiques ou développer à leurs frais des services similaires.
Notre recommandation 10 propose que le gouvernement du Canada assure, d'une part, le développement et l'offre de services et de programmes en français pour les intervenants sportifs francophones et, d'autre part, le respect par les organismes nationaux des politiques linguistiques gouvernementales.
Quant à la représentativité québécoise, le soutien de Sport Canada aux sports forts au Québec mais peu développés ailleurs au Canada peut être mis en questions. Nous ne citerons que les cas du hand-ball, de l'haltérophilie et du tir à l'arc, où plusieurs de nos athlètes québécois satisfont aux standards internationaux; mais ces sports étant concentrés dans un nombre très restreint de régions, ils ne satisfont pas aux critères de reconnaissance de Sport Canada. Pour que ces athlètes portent les couleurs canadiennes, les intervenants québécois sont contraints de suppléer à l'absence de discernement de Sport Canada en investissant pour leur offrir la possibilité de participer aux compétitions internationales.
• 1615
La recommandation 11 vise une révision des
critères de reconnaissance et de soutien en sport pour
tenir compte des réalités géographiques et du
développement particuliers à certains milieux.
L'autre élément, qui est important, est la diffusion du sport en français par la société d'État. Ici nous faisons allusion à Radio-Canada et à CBC, et non pas aux réseaux privés ou spécialisés de langue française. Nous voulons être très clairs là-dessus: il s'agit de la société d'État.
Il y a un recul important dans la télédiffusion du sport par la société d'État. Malgré son association presque exclusive avec le sport professionnel et son engagement envers les Jeux olympiques, elle brille par son absence dans les événements sportifs qui nous touchent de plus près: les Jeux du Québec, les Jeux du Canada, les championnats nationaux et internationaux qui se déroulent en sol canadien. L'attitude actuelle de la Société Radio-Canada, par rapport aux francophones, nous apparaît discriminatoire.
Il y a un écart considérable entre les productions sportives transmises par CBC et celles de la SRC, tant sur le plan budgétaire que sur celui des grilles horaires. Je vous en donne un exemple. Aux Jeux du Commonwealth, à Kuala Lumpur, il y avait sur place une équipe de 60 personnes de CBC qui télédiffusaient deux heures par jour, de 20 heures à 22 heurs, alors qu'il y en avait quatre de la SRC qui disposaient de huit minutes d'antenne quotidiennement après 23 heures. Je pense que cela démontre hors de tout doute l'existence inadmissible des deux solitudes. La production olympique est fondée sur une coalition de télédiffuseurs, mais ce genre de coproduction ne semble pas possible pour l'ensemble des événements sportifs couverts par la CBC et ignorés par son pendant français. Je pense qu'il y a là un problème sérieux.
L'aberration, je pense, est l'isolement des francophones sportifs, puisqu'on les prive d'une tribune de promotion et de visibilité essentielle au développement même du sport.
Notre douzième recommandation est qu'une intervention du gouvernement du Canada doit viser à corriger la situation de discrimination dont sont victimes les francophones dans la couverture télévisuelle sportive par leur société d'État, la Société Radio-Canada, comparativement à celle offerte par CBC à la communauté anglophone.
Un autre secteur nous apparaît aussi très important; c'est celui de la recherche, qui est très vulnérable. Les ressources actuellement accessibles aux intervenants sportifs en matière de recherche et de développement sont plus que limitées. Elles sont, à toutes fins utiles, inexistantes. Le plus bel exemple en est celui de Condition physique Canada, qui avait un programme pour appuyer la recherche liée à l'activité physique et sportive et qui vient d'annoncer, en septembre 1998, qu'elle n'avait plus de fonds et que son programme n'existait plus. Donc, le seul semblant d'instrument lié à l'activité physique et sportive dont disposait le milieu de la recherche est, à toutes fins utiles, aboli. On a fermé le robinet.
Il est difficile d'appuyer nos énoncés sur des recherches scientifiques documentées, parce que nous ne pouvons pas faire d'études sur certains phénomènes, comme la persévérance des jeunes. Ce sont des études à long terme qui exigent un investissement financier et humain. Or, la dimension financière n'y est plus.
La place du sport dans les milieux de recherche reconnus est réduite à sa plus simple expression. On est en concurrence avec tout le domaine de la santé, des soins, etc. Or, vous en connaissez l'importance. Nous en avons déjà parlé. Donc, à défaut d'une enveloppe particulière consacrée au sport ou à l'activité physique, il y a peu de recherches qui sont entreprises dans ce domaine. Cela devient, en somme, un cercle vicieux; on n'a jamais de données pour démontrer l'importance relative du sport, les retombées qu'il peut avoir sur notre jeunesse, tant sur le plan physique que social.
• 1620
Donc, notre treizième recommandation, c'est que le
gouvernement du Canada investisse dans le domaine de la
recherche spécifique au sport et à l'activité physique,
en tenant compte d'un certain nombre des préoccupations
dont fait état notre mémoire.
En conclusion, monsieur le président et membres de ce
comité, tout exercice conduisant à revoir
l'échiquier sportif canadien doit conduire à mettre en
lumière le rôle, la valeur du sport dans notre société.
Le gouvernement doit être prêt à désigner un véritable
maître d'oeuvre dans ce domaine et à lui donner les
moyens d'assumer adéquatement son mandat, ce qui
n'est pas actuellement le cas.
L'analyse de la situation actuelle est, étrangement, similaire à celle de notre huard. Elle démontre que le sport est en chute libre, autant dans son financement que dans les outils qui sont mis à sa disposition.
L'objectif principal des recommandations formulées par Sports-Québec est de permettre au système sportif d'optimiser son rendement auprès des sportifs de tous les milieux et de tout niveau d'aptitude, et pas seulement auprès de ceux qui occupent le haut de la pyramide. Avec de meilleures assises, le sport pourra maximiser les retombées sociales et économiques bénéfiques à l'ensemble de la société dont il est porteur. C'est là notre message. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Merci, monsieur Ouellet.
Je voudrais souligner quelques points à propos de ce que vous avez mentionné. Nous avons déjà reçu ici la Société Radio-Canada et CBC, concernant le secteur des sports. Je crois, et Mme Tremblay pourra me corriger si je me trompe, qu'on s'est élevés unanimement contre la carence qui existe actuellement.
De même, on a formulé le voeu unanime que Radio-Canada mette beaucoup plus l'accent sur le sport amateur et qu'il y ait équivalence entre le milieu anglophone et le milieu francophone, entre ce que diffusent CBC et Radio-Canada. Cela fera certainement partie de nos recommandations. Soyez convaincu que ce sera une des recommandations essentielles et vitales que fera ce comité dans son prochain rapport.
Nous allons maintenant passer à la période des questions. Commençons par les représentants de l'opposition. Nous allons entendre Mme Tremblay.
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Bonjour, messieurs. J'avais lu votre rapport avant votre comparution, mais j'ai été obligée de faire un discours en Chambre. Je me sens quand même prête à vous poser quelques questions.
Je voudrais ajouter un commentaire à propos de Radio-Canada. Je me rappelle très bien ce qui s'est passé quand nous avons reçu les représentants du secteur du sport. Si Radio-Canada a obtenu, pour les 10 prochaines années, la transmission des événements olympiques, ce n'était pas seulement pour qu'elle inonde les ondes de ces événements pendant deux semaines; elle doit nous faire connaître les personnes qui vont gagner les médailles aux Olympiques. Pour cela, elle doit ramener son émission de sport amateur qui existait jadis et que tout le monde regrette énormément. Donc, une partie étoffée de notre rapport portera certainement sur cette question. C'est une chose à laquelle nous accordons beaucoup d'importance.
J'ai une première question à vous poser. Dans votre deuxième recommandation, vous parlez de concertation parmi les intervenants du système sportif. J'ai consulté votre texte et j'ai essayé de comprendre ce que vous visez exactement. Pourriez-vous me préciser de quel système sportif vous parlez, s'il vous plaît?
M. Jean-Guy Ouellet: Prenons d'abord la composition de ce système sportif. Règle générale, il comprend des organismes multisports qui voient à des ensembles. Par exemple, l'Association olympique canadienne est un organisme multisport qui voit principalement à préparer la délégation canadienne qui va représenter notre pays aux Jeux olympiques. Il y a des organismes de ce genre. Il y en a dans le sport étudiant et il y a celui dont je parlais tout à l'heure, qui représente les organismes multisports de chaque province.
Actuellement, même s'il est certain qu'une permanence y est toujours assurée, ces organismes sont constitués par des personnes, élues dans des assemblées générales et par toutes sortes de mécanismes, qui doivent à un certain moment avoir voix au chapitre dans l'élaboration d'une politique canadienne ou dans l'interface avec les provinces. Dans chaque association nationale, qu'on désigne par le terme «unisport», que ce soit Hockey Canada par rapport à Hockey Québec, il y a des liens. Il y a un cheminement qui doit se faire.
• 1625
Ce que nous disons, c'est qu'actuellement il n'y a pas
de mécanisme par lequel... C'est sûr que l'Association
olympique peut s'exprimer, mais nous n'avons pas de
forum, de lieu où nous pouvons le faire.
Par exemple,
un tel mouvement associatif pourrait discuter avec des
instances gouvernementales d'une politique ou de son
application.
Je crois qu'il y a là un grand vide et que nous devrions avoir des mécanismes. Actuellement, c'est principalement axé sur une politique définie par des fonctionnaires et appliquée par des fonctionnaires, et l'interrelation provinciale-fédérale se fait par l'entremise des fonctionnaires. Les mécanismes pour instaurer un mouvement associatif n'existent pas.
Par exemple, il y avait un conseil canadien du sport qui était financé afin de permettre des rencontres, d'élaborer des positions, de tenir des discussions. Son financement a été aboli. Donc, à toutes fins utiles, ce forum qui existait est devenu inexistant.
Or, les gens n'ont pas les moyens, à même le budget de leur propre organisme, de défrayer les coûts de deux ou trois réunions, de payer quelqu'un qui va par la suite essayer de ramasser tout cela. Le Canada est grand. Quand on tient une réunion, il faut déjà débourser 1 000 $ pour y assister. Les organismes n'ont pas cet argent.
Donc, on avait certains outils comme ceux-là que nous n'avons plus. À mon avis, il faut trouver une façon de permettre à ces gens de venir s'exprimer auprès du gouvernement. Ce ne serait pas nécessairement auprès de l'instance gouvernementale qui est là pour mettre la politique en application. Ce pourrait être auprès d'une instance politique, ce qui permettrait d'exprimer des points de vue sur la politique elle-même. À ce que je sache, il n'y en a pas au Canada. Nous avons des plans d'affaires et toutes sortes d'autres choses, mais nous n'avons pas de politique gouvernementale.
Le Québec s'en est donné une à la suite d'une consultation menée dans toute la province, dans toutes les régions et auprès de tous ses organismes provinciaux. Il est arrivé à se donner un cadre gouvernemental d'intervention en matière de sports et de loisirs. Je pense qu'on n'a pas cela au niveau canadien. On a des procédures et un cadre, mais...
Il faut trouver une façon de permettre aux mouvements associatifs et aux bénévoles de s'exprimer à l'intérieur de la structure pour qu'ils puissent l'influencer et avoir quelque chose à dire là-dedans.
J'en ai donné un exemple et on pourrait en donner beaucoup d'autres. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais, à notre avis, il existe un vide. C'est sûr qu'on a toujours besoin d'une permanence pour assurer un suivi. Le bénévole ne peut pas le faire; il est là et il donne du temps. Actuellement, c'est celui qui assure le suivi qui occupe toute la place et il n'y a plus de place pour l'autre, qui est la voix démocratique élue à l'intérieur du système sportif.
Mme Suzanne Tremblay: Votre première recommandation propose que le Canada se dote d'un ministre responsable des sports, parce que cela n'existe nulle part au Canada.
M. Jean-Guy Ouellet: Oh oui, ça existe.
Mme Suzanne Tremblay: Au Canada, il n'y a pas de gouvernement qui se soit donné...
M. Jean-Guy Ouellet: Des gouvernements provinciaux? Non.
Mme Suzanne Tremblay: Oui.
M. Jean-Guy Ouellet: Non, mais je pense qu'il y a beaucoup d'autres pays qui ont un ministre des Sports.
Mme Suzanne Tremblay: Cela, oui.
M. Jean-Guy Ouellet: Et ils ont une politique de sports drôlement étoffée. Si vous voulez que je vous en parle, je vous citerai l'Angleterre et l'Australie, où elle est très cohérente.
C'est sûr que nous avons des particularités. La politique que l'Angleterre vient de se donner, et dont un ministre est responsable, s'applique jusque dans les écoles; il y a un contenu sportif à l'intérieur de la période d'éducation physique et du parascolaire.
Il existe aussi un lien avec tout le mouvement associatif des fédérations sportives, qui va jusqu'au niveau de la représentation. Et on est allé encore plus loin. On s'est donné des moyens pour gérer la politique. On a pris l'argent d'une loterie pour l'investir là-dedans. Donc, ce ne sont pas seulement des voeux pieux. Ils ont assuré le financement du bas jusqu'en haut.
Cela, c'est très différent. C'est sûr qu'on ne peut pas faire la même chose au Canada, car l'éducation est de compétence provinciale, etc. Nous en sommes conscients, mais je pense qu'il y a moyen d'avoir quelque chose.
Mme Suzanne Tremblay: Il y a moyen d'établir une concertation, par exemple.
M. Jean-Guy Ouellet: Il y a moyen d'avoir un modèle et de se donner des outils qui vont être valorisants et qui permettront une intégration à l'intérieur des compétences fédérales-provinciales.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Merci beaucoup. Nous donnons maintenant la parole au Dr Patry.
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci, messieurs Ouellet et Pelletier. Vous nous avez présenté un mémoire très bien étoffé.
La première remarque que j'ai à faire a trait au domaine de la santé. Je suis médecin, et cette profession nous colle toujours à la peau.
Vous nous parlez, à la page 13, des bienfaits de l'activité sportive; c'est très bien et c'est reconnu même par les chercheurs. Ma première remarque a trait au fait que les jeunes deviennent de plus en plus obèses. On le voit aux États-Unis, ici au Canada, et cela ne touche pas que l'Amérique du Nord; c'est pratiquement mondial. Les statistiques que vous nous citez sont effarantes.
Selon moi, le plus grand facteur qui explique cette situation, c'est que les jeunes ne font plus d'exercice physique, et cela est très certainement dû à l'apparition des ordinateurs. Les jeunes s'avachissent devant l'écran de l'ordinateur. Ce n'est plus celui de la télévision, mais celui de l'ordinateur. C'est un des problèmes auxquels on devra faire face.
Vous citez Kino-Québec, qui fait autorité au Québec, selon moi, en matière d'activité physique. Voici la première question que j'aimerais vous poser. Je ne sais pas de quel rapport sont tirées les pages intitulées «Les jeunes et l'activité physique, situation préoccupante ou alarmante?». Pour moi, ce n'est pas l'un ou l'autre; c'est à la fois préoccupant et alarmant.
Mais est-ce que Kino-Québec fait des recommandations ou si elle exprime simplement des voeux pieux? On peut dire que le gouvernement devrait investir un peu plus d'argent, que le gouvernement devrait faire ceci ou cela, mais il faut quand même essayer de découvrir des solutions pratico-pratiques.
Je vous pose la question parce que nous sommes face au même problème en ce qui concerne le tabac chez les jeunes. Les jeunes commencent à fumer à 14 ans pour se donner un mode de vie, pour avoir l'air d'une star, un beau look, tout ça. Il y a différents facteurs sociaux, physiologiques et psychologiques qui provoquent ces attitudes.
Ma question est la suivante: est-ce que Kino-Québec ou certaines associations nationales accepteraient qu'on fasse un parallèle entre ces phénomènes et que les campagnes antitabac puissent être associées aux campagnes d'activité physique, de façon à ce que le message ne soit pas seulement négatif mais comporte aussi un élément positif? C'est ma première question. Je vais vous laisser y répondre et j'en poserai une deuxième par la suite.
M. Jean-Guy Ouellet: Ces éléments sont tirés d'une publication récente, de 1998, qui est bien faite et qui fait bien le tour de la problématique.
Partout au Canada, actuellement, on se préoccupe du manque d'activité physique de nos jeunes. Cela commence par ce que j'appelle les cancers jaunes, les autobus scolaires. Les jeunes ne marchent plus. Comme on l'a dit, ils sont vraiment moins actifs qu'il y a 30 ans.
Je pense que cela commence avec l'influence des parents sur leurs jeunes, parce qu'on dit qu'à l'élémentaire, ils sont déjà obèses. Il y a donc là un problème de sensibilisation des parents. Il y a un problème d'intervention auprès de ces personnes. Ce n'est pas le jeune qui est le problème, parce que lui, il est prêt à courir et à faire des choses, mais il faut lui en fournir le contexte et l'occasion.
À l'élémentaire, il y a une réduction des heures d'éducation physique actuellement. C'est la seule place où on bouge un peu, mais on abrège cette période pour donner priorité... Je pense que vous avez eu d'autres mémoires ici.
Quand va-t-on arriver à être suffisamment alarmants pour qu'on prenne des mesures énergiques et qu'on soit prêt à faire bouger nos jeunes?
Au sujet de Kino-Québec—je ne sais pas si vous connaissez l'organisme—, il y a peut-être une trentaine de personnes qui sont un peu des diffuseurs, des personnes ressources qui tentent, en région, de sensibiliser la population à une pratique régulière de l'activité physique et aux effets positifs qui en découleraient.
Oui, il y a un certain nombre de pistes. Mais ce qu'on veut, c'est d'abord influencer la composition des programmes dès le bas âge et offrir à ces jeunes les conditions nécessaires pour qu'ils soient plus actifs. Sur ce point, il faut sensibiliser les ministères de l'Éducation et il faut avoir une infrastructure. Cette infrastructure est actuellement inexistante, et il faut continuer à y travailler.
Peut-être Claude aurait-il d'autres éléments à ajouter.
M. Claude Pelletier (directeur général, Sports-Québec): Au sujet des moyens, il y a actuellement toute une campagne qui se fait au Québec, dans chacune des régions, pour inciter chacune des écoles et des municipalités à essayer de trouver des moyens pour alimenter la pratique de l'activité sportive dans chacun des milieux. Au niveau provincial, on a des rencontres avec les fédérations sportives. On en aura une prochainement, à laquelle on va demander à chaque fédération de voir quels moyens elle pourrait trouver, dans sa discipline, pour combattre le fléau qui est identifié là.
M. Bernard Patry: Merci de vos réponses. J'ai déjà été président de la région du Lac Saint-Louis pour les Jeux du Québec. Quand vous êtes maire d'une ville, vous connaissez bien le sport amateur. Cela fonctionne très bien.
Quand vous avez parlé du sport-spectacle, vous avez mis certains bémols. J'ai trouvé cela très intéressant. Vous avez parlé du hockey professionnel. Vous avez aussi parlé des salaires mirobolants et de trucs de ce genre.
Il y a 20 ou 25 ans, il y avait le Canadien de Montréal et il y avait le petit Canadien. À ce moment-là, toutes les équipes professionnelles étaient propriétaires de clubs de hockey «amateurs». En fait, il s'agissait de juniors. Est-ce qu'elles sont encore propriétaires de tels clubs ou si elles ont complètement laissé tomber ce champ-là pour le laisser à la province ou aux bénévoles?
M. Jean-Guy Ouellet: Cela tombe bien, parce que je préside la Commission de développement d'excellence de Hockey Québec. Le hockey est un peu en perte de vitesse—vous avez regardé les cotes d'écoute à la télévision, etc.—, mais il est aussi en perte de vitesse par rapport à d'autres sports.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Après le match d'hier, il n'y en aura plus.
M. Bernard Patry: Ils ont compté des buts hier, mais pas du bon côté.
M. Jean-Guy Ouellet: À une certaine époque, qu'est-ce que les municipalités construisaient? Des arénas et des terrains de base-ball. Maintenant, on a des centres sportifs. Il y a d'autres pratiques. Il y a une évolution dans la culture sportive, et les jeunes ont plusieurs choix. Les parents ont une influence déterminante sur la pratique. À un moment donné, la plupart des pères avaient joué au hockey et leurs fils jouaient donc au hockey. Ce n'est pas le cas de certains aujourd'hui. Les pères amènent leurs fils faire du ski. Donc, il y a là une influence importante. Il y a des possibilités qui n'existaient pas.
Je parlais tout à l'heure de la culture américaine. Pour faire vivre des équipes de hockey junior majeur et des équipes à tous les niveaux, il n'y avait pas de difficulté. Il y avait des gens dans les estrades. That was the only game in town. Ce n'est plus le cas. Il y a la télévision. Pourquoi devrais-je me déplacer pour aller à l'aréna? À la télévision, j'ai trois canaux différents où je peux voir du hockey. Donc, on est dans une autre société qui fait que tous ces gens-là, que ce soit au hockey junior majeur ou au hockey midget, ont des problèmes énormes à s'autofinancer actuellement et à survivre sur un marché qui, pour eux aussi, est plus compétitif. Cela nous place dans une situation où les structures d'organisation... Là où je frappe pour aller faire de la pratique sportive, il y a de plus en plus une politique d'utilisateur-payeur.
Donc, quand on parle de l'augmentation de la pratique de l'activité physique, il faut bien regarder les choses: c'est la classe moyenne. Ceux qu'on cherche à aller chercher, ce sont les démunis, et on ne va pas les chercher parce qu'à cause des coûts, on n'a pas la possibilité de leur rendre cela accessible. Le meilleur exemple est celui du hockey. Le hockey coûte tellement cher en termes d'équipement, d'assurance, etc., qu'à un moment donné, les gens décident de faire autre chose. Il y a donc ce corridor qu'on n'a pas réussi à meubler: aller chercher les démunis pour les sortir du dépanneur du coin, du ghetto, du décrochage scolaire, etc.
Donc, quand on parle de recherche, il faudrait aller voir ce que nos jeunes veulent aujourd'hui, dans les années 2000. On n'a pas nécessairement ce qu'il faut. On n'est pas assez bien outillés pour répondre à leurs besoins parce qu'on n'a pas bien cerné ces besoins au départ.
Je ne sais pas si cela répond un peu à votre question, mais c'est un terrain qui est large.
M. Bernard Patry: Vous avez parfaitement raison, monsieur Ouellet. Dans une des villes dont je suis le député, une ville quand même assez importante, la municipalité avait une aréna double et on l'a détruite. Il s'est construit une plus belle aréna, avec une glace internationale et tout ce que vous voulez, mais les coûts sont proportionnels. La municipalité, au lieu d'assurer des coûts moindres à ses citoyens, subventionne en partie l'entreprise privée, et il n'y a plus de problèmes avec les cols bleus ou qui que ce soit d'autre. C'est sa façon de gérer.
• 1640
J'ai une dernière question; c'est au sujet de votre
recommandation 8. J'aimerais avoir des précisions
relativement au statut juridique des organismes
de sport dans l'optique de modifications à la Loi fédérale
de l'impôt sur le revenu. Vous nous dites que
les associations nationales sont actuellement
habilitées à recevoir des dons et à émettre des reçus
d'impôt.
Si vous êtes une succursale d'une association nationale—parce qu'il y a des associations nationales et des succursales au Québec, nécessairement—, est-ce que la succursale du Québec peut avoir une partie de cet argent ou si cet argent demeure au national et que chacun se bat, comme on le fait toujours, pour avoir sa part?
M. Jean-Guy Ouellet: Je vous donne l'exemple qu'on vit au Canadian Council actuellement, où on a un numéro de taxe dont la plupart des organismes se servent. La difficulté, c'est que dans le contexte actuel de la loi, on ne peut pas faire une contribution directe. On ne peut pas dire: «Je prends 100 $ et je le donne aux athlètes du Québec.» On peut donner à l'association, mais on ne peut pas dire que c'est pour l'association de balle molle, le club Y ou Jean-Yves Proteau, par exemple. Il y a toujours ce mécanisme de contrôle pour assurer que cela respecte la loi et le cadre dans lequel c'est fait, mais gérer cela dans un monde bénévole, cela n'a aucun sens. On n'est pas capables d'avoir des policiers pour diriger cette circulation d'argent. La personne qui donne dans votre municipalité est obligée de passer par l'association nationale et elle ne peut pas dire qu'il faut que cela revienne dans la municipalité. C'est un facteur qui fait dire aux gens: «Je pense que je ne suis pas tellement intéressé.»
M. Bernard Patry: L'argent que la personne donne à l'association nationale de base-ball amateur, une association de tout le Canada, peut-il revenir au Québec à 100 p. 100?
M. Jean-Guy Ouellet: Oui, à certaines conditions, mais qui est responsable? C'est encore l'organisme...
M. Bernard Patry: National.
M. Jean-Guy Ouellet: ...qui a le numéro de taxe qui fait le contrôle, et les gens ne sont pas en mesure d'assumer ce contrôle pour savoir si, effectivement, l'argent est bien allé à ce à quoi il avait été alloué.
Au Canadian Council, Revenu Canada nous a même menacés de nous retirer cela parce qu'il avait vu des situations un peu exceptionnelles d'organismes qui se servaient du numéro du Canadian Council. Par exemple, un club de natation de Saskatchewan a fait un petit dépliant et a dit: «Si vous nous donnez 50 $, cela va vous revenir directement.» C'est contraire à la loi. Cela ne peut pas être étiqueté comme cela. Cela crée des problèmes.
Cela fait 20 ans que j'entends dire qu'il faudrait modifier ceci et cela et qu'il faudrait assouplir cela, et on en parle encore. Je trouve cela un peu désolant parce que ces gens-là ont de la difficulté à aller chercher du financement, mais il est extrêmement difficile de leur donner la gestion de ce financement avec les mesures de la loi fiscale actuelle. On est toujours en marge par rapport à la légalité. On a rencontré les gens de Revenu Canada. Ce n'est pas qu'ils soient de mauvaise foi, c'est que la loi est actuellement très étroite. Selon nous, il faudrait l'examiner et permettre un élargissement.
M. Bernard Patry: Merci, monsieur Ouellet. Merci, monsieur Pelletier.
Le président: Monsieur Bertrand.
M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai deux petites questions pour vous, monsieur Ouellet. Dans votre mémoire, vous faites plusieurs recommandations sur le financement, soit par injection directe de fonds, soit par mesures fiscales incitatives. Avez-vous déjà associé un coût à toutes ces recommandations que vous faites? De quel montant parle-t-on?
M. Jean-Guy Ouellet: Je n'ai pas de coût, mais je vais vous donner un exemple. Quand nous organisons les Jeux du Québec ou le Gala Sports-Québec, nous devons nous autofinancer presque à 100 p. 100. Je vais vous donner un exemple plus simple, celui du gala d'excellence. M. Coderre était là l'an passé. C'est une façon de reconnaître nos athlètes, nos entraîneurs, ceux qui ont performé, de les faire connaître et de les valoriser dans notre société. On dit que cela devrait avoir plus d'importance. Donc, on est un élément et on essaie de valoriser notre monde. Pour faire cela, il faut aller chercher 200 000 $ ou 300 000 $ en commandites. La personne qui donne est aussi sollicitée par l'hôpital X, etc., et on est en concurrence lorsqu'il s'agit de trouver du financement pour nos activités. S'il y avait des mesures un peu plus intéressantes de ce côté-là, ça faciliterait peut-être notre travail. C'est ce qu'on dit.
• 1645
Qu'est-ce que ça veut dire? D'après moi, ce ne sont
pas des sommes extraordinaires, mais ces sommes
vont permettre à des événements importants, à des
organisations importantes de survivre. Autrement,
elles mourront.
On en est là. C'est ça, la réalité d'aujourd'hui.
On a notre gala et on est chaque année dans la même situation: est-ce qu'on le fait ou pas? Là, on nous demande si on est à la télévision. On n'est pas à la télévision. Quel est l'ordre de grandeur? Faites-vous ça d'une façon sérieuse ou pas? On est toujours sur le qui-vive d'une année à l'autre.
Si on avait des choses plus intéressantes à mettre sur la table, peut-être que l'entreprise serait plus généreuse et s'associerait davantage à nous. C'est ce qu'on demande, finalement.
M. Robert Bertrand: Revenons à ce que j'avais mentionné auparavant. Vous dites à la recommandation numéro 6: «Il serait impératif que l'État adopte des mesures fiscales incitatives...». Êtes-vous capable de me donner un exemple d'une mesure incitative?
M. Jean-Guy Ouellet: Supposons que mon fils était de calibre national ou était sur le point de l'être dans une équipe de natation... Je vais prendre un autre exemple.
Le jeune de chez nous devra payer de 2 500 $ à 5 000 $—tout dépend de l'équipe—pour jouer dans la ligne midget AAA, qui est la ligue d'excellence pour les 15 et 16 ans au Québec. Si le parent avait un soutien fiscal pour que son enfant puisse jouer dans la ligue midget AAA, ce serait une mesure incitative.
M. Robert Bertrand: Une déduction?
M. Jean-Guy Ouellet: Une déduction. Peut-être me suis-je mal exprimé, mais cela faciliterait l'investissement, qui devient de plus en plus onéreux à mesure qu'on monte dans l'échelle.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): À des fins de clarification, si on parle de mesures fiscales, ça ne touche pas les plus démunis.
M. Jean-Guy Ouellet: Non.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Vous le savez. D'accord. Donc, si je suis votre logique, on devrait avoir une politique fiscale du sport. Dans un premier temps, il y aurait des mesures incitatives pour l'entreprise privée afin de l'encourager à investir. Il y aurait une déduction supérieure pour les représentations, par exemple. C'est ça?
Deuxièmement, on parle de la classe moyenne. Si vous achetez de l'équipement à votre enfant, cet équipement-là pourrait être déductible d'impôt jusqu'à un certain plafond. C'est bien ce que vous voulez dire?
M. Jean-Guy Ouellet: On n'a pas de mesures à proposer, mais c'est...
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Je parle du principe.
M. Jean-Guy Ouellet: Oui, oui.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Et troisièmement, vous dites qu'on devrait mettre l'accent sur l'aide aux organismes, et là on pourrait peut-être avoir une mesure incitative pour les plus démunis, en donnant un numéro de charité aux organisations locales ou provinciales.
M. Jean-Guy Ouellet: Oui, et cela nous permettrait d'aller à la base, alors qu'actuellement, c'est extrêmement difficile.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Monsieur Ouellet, vous savez qu'il y a eu des histoires d'horreur avec ces numéros de charité.
M. Jean-Guy Ouellet: Oui.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Vous savez ça. Vous savez aussi que Revenu Canada tente de restreindre ces numéros de charité. Est-ce qu'à ce moment-là, il ne vaudrait pas mieux, au lieu de parler d'associations nationales—des gros mots encore—, parler de confédérations? Finalement, les associations régionales auraient plus d'autonomie et l'association de la région mènerait sa région. Vous auriez une nouvelle structure, avec un nouveau leadership au plan national, et une table de concertation, mais en fin de compte, la région serait beaucoup plus autonome. Étant donné qu'elle connaît mieux son secteur, elle pourrait assumer l'implantation et l'administration de la réglementation, mais on établirait des normes nationales équitables pour les régions, pour régler la question nationale de la participation des sportifs amateurs.
M. Jean-Guy Ouellet: Il s'agit de gérer la redistribution des fonds qui sont alloués, au niveau national, à un niveau provincial et local.
Quand on a rencontré les responsables du dossier lors de la vérification fiscale qu'on a eue, on a trouvé des façons intéressantes d'en arriver à un mécanisme de contrôle de ces choses-là, à savoir la présentation de projets, l'identification, l'usage de l'argent et les éléments qui permettaient un mécanisme de contrôle. Cela pourrait être fait relativement facilement.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Une dernière question avant de passer à Mme Tremblay, puis on va clore à 17 heures, si vous le permettez.
• 1650
Il y a évidemment un problème de leadership.
Vous croyez qu'il faut créer
une structure politique, qu'il faut ramener ça sur le
plan politique, notamment en créant un secrétariat
d'État qui puisse exercer beaucoup plus de
pression, pression qui partirait
du haut et irait vers le bas, afin qu'on ait une
meilleure coordination ou, à tout le moins, une meilleure
incitation à l'effort sportif.
Deuxièmement, il y a toute la question de Sport Canada. On a entendu des histoires d'horreur, et on en parle depuis longtemps. Cependant, j'aimerais que vous soyez beaucoup plus spécifique quant aux relations entre Sport Canada et Sports-Québec. Dans le fond, vous semblez avoir l'urticaire quand on prononce le mot «fonctionnaire». Croyez-vous que Sport Canada est en quelque sorte une tablette où s'amasse la poussière ou si pensez que, finalement, le vrai problème est que Patrimoine Canada est trop gros et que les sports ne représentent que 2 p. 100 de l'ensemble, que la priorité est ailleurs, que si on avait un ministre et qu'au lieu d'appeler ça un département, on appelait ça un ministère, ça réglerait tous les problèmes?
Mme Suzanne Tremblay: Il y aurait toujours des fonctionnaires.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Oui, il y aurait toujours des fonctionnaires.
M. Jean-Guy Ouellet: Il n'y a pas juste Sport Canada. Il y a une absence de politique gouvernementale. Si on s'en donne une, il va falloir se donner... Le sport n'est peut-être pas isolé. Il y a toute la question de la santé et du bien-être. Je parle dans un contexte préventif et non dans un contexte curatif. Donc, je pense qu'il y a lieu de se donner une vraie politique visant à rendre les Canadiens et Canadiennes plus actifs. Je pense que c'est essentiel.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Je vous arrête, monsieur Ouellet. Si je vous pose cette question-là, c'est qu'auparavant, on avait un ministre du Sport. On avait peut-être les mêmes fonctionnaires. Ils ont un peu vieilli, mais est-ce qu'il y avait quand même un problème d'inertie à ce moment-là? Je ne suis pas nécessairement en désaccord avec vous. Ce que je veux dire, c'est que le fait d'avoir un ministère et un ministre n'est pas nécessairement une panacée. On a maintenant un sous-comité des sports; la dernière fois qu'on en avait fait un, c'était en 1969. Le vrai problème est-il structurel ou s'il s'agit d'un problème de volonté politique?
M. Jean-Guy Ouellet: Je pense qu'il y a des deux. Il faut qu'il y ait une volonté politique de valoriser le sport et l'activité physique sur le plan canadien, et il faut qu'il y ait ensuite une volonté de se donner des outils et des mécanismes. Actuellement, vous avez d'un côté Condition physique, qui est à Santé Canada, et vous avez de l'autre Sport Canada. Je ne suis pas sûr que ces gens se parlent beaucoup et je pense qu'on n'a pas de politique intégrée. Si on a une direction qui est claire, la structure opérationnelle que vous mettrez de l'avant, qu'elle s'appelle Sport Canada ou autrement, bénéficiera du leadership nécessaire pour appliquer cette politique. Actuellement, ils sont laissés à eux-mêmes pour définir la politique et l'appliquer. C'est ça, la difficulté. On est sévères parce qu'on pense qu'il n'y a pas assez de moyens; ensuite, on est très restreints dans l'orientation; en plus, on n'a pas de forum pour parler de la façon dont ça devrait être modifié. Vous comprenez qu'on ne peut pas avoir une impression flatteuse d'eux. Il y a là une incohérence évidente et il faut que ça change, sinon on va continuer à avoir des irritants qui vont nous donner plus que de l'urticaire.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Vous être en train de justifier notre job. On va bientôt avoir un Comité permanent du sport avec ça.
Madame Tremblay.
Mme Suzanne Tremblay: Il est quand même intéressant de réfléchir à cette question, même si on semble y réfléchir un peu tout haut, mais il faut faire attention de ne pas tomber dans la «structurite». Je pense qu'à l'heure actuelle, le sport a plus de poids au Conseil des ministres avec la ministre du Patrimoine. Ça pourrait être le ministre du Patrimoine, car ce n'est pas lié à la personne, mais la ou le ministre du Patrimoine est membre du Conseil des ministres. Elle va à toutes les réunions, ce qui ne serait pas le cas si on avait un Secrétariat d'État dont le responsable assisterait à des réunions deux ou trois fois par année et serait obligé de s'en remettre à son ministre. Ce serait l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours qui ferait le débat, plutôt que l'homme qui a vu l'ours. Ce n'est pas évident. Si on mettait beaucoup d'argent dans cette structure, ce serait de l'argent de moins pour les sportifs, pour les jeunes ou pour des choses comme celles-là. Il faut faire attention de ne pas tomber là-dedans. Cela m'inquiète un peu. Ça ne me dérangerait pas si le Canada s'en donnait un, mais il faudrait voir si c'est vraiment la meilleure solution.
• 1655
Cependant, il pourrait être intéressant de
se donner une politique et de donner à quelqu'un le mandat
de la mettre en oeuvre sous l'autorité du ministre.
Pour ce qui est des recommandations que vous faites et la plupart des choses que vous mentionnez, le gouvernement du Québec vous donne son appui ou fait des choses...
M. Jean-Guy Ouellet: Nous ne sommes pas une instance gouvernementale. Sports-Québec n'est pas comme Sport Canada. Je suis un bénévole.
Mme Suzanne Tremblay: Ce que je veux dire...
M. Jean-Guy Ouellet: Ce que je veux vous expliquer, c'est que je suis un bénévole. Sports-Québec est une structure démocratique.
Mme Suzanne Tremblay: Oui, monsieur, je sais cela.
M. Jean-Guy Ouellet: Ce n'est pas une structure de fonctionnaires.
Mme Suzanne Tremblay: Je me suis mal exprimée. Je sais et je comprends cela. Cependant, vous dites, par exemple:
-
Sports-Québec considère
que le Gouvernement du Canada doit assumer sa part
de responsabilité dans l'injection des fonds nécessaires
à la réfection et au développement du parc immobilier
sportif canadien.
Le parc immobilier est de compétence municipale.
M. Jean-Guy Ouellet: Oui.
Mme Suzanne Tremblay: Donc, vous savez qu'il faudrait conclure des ententes avec les provinces pour pouvoir mettre de l'argent là-dedans. Je voulais vous faire part de l'hypothèse suivante. Supposons que Sport Canada ou le gouvernement canadien décide, avec ses surplus, de prendre 50 millions de dollars et d'investir cette somme dans le sport. Vos 13 recommandations—c'est un excellent chiffre—, dans quel ordre les mettriez-vous? Où devrait-on investir en premier, d'après vous? Où est-ce que ça presse le plus?
Je vous ai entendu parler des entraîneurs. L'association des entraîneurs est venue ici et nous a dit que tout allait bien, madame la marquise, en ce qui concerne les entraîneurs. Il n'y avait pas de problème coast to coast, c'était magnifique et même extraordinaire. On leur a rappelé qu'ils auraient peut-être mieux fait d'amener les entraîneurs ici, mais ils avaient oublié de le faire. Vous, vous semblez dire qu'il y a des problèmes d'entraîneurs.
M. Jean-Guy Ouellet: Il y en a!
Je veux juste réagir à deux choses, madame Tremblay. Nous ne revendiquons pas une structure. Nous voulons qu'on donne une valeur au sport et que cela se traduise par une politique, par un ministre ou autre chose. Nous proposons cela, mais nous disons surtout qu'il faut valoriser cela. Vous me dites qu'on a un ministre senior, mais cela ne paraît pas dans le milieu du sport, parce qu'on constate une régression continuelle des investissements et que c'est de moins en moins important dans l'appareil gouvernemental.
C'est moi qui ressens l'effet inverse. J'ai un ministre senior, mais le sport n'occupe pas une grande place dans son programme, parce que je subis des coupures, etc. Quand je lui demande quelque chose, j'ai une réponse...
Mme Suzanne Tremblay: Pas d'argent!
M. Jean-Guy Ouellet: Pas d'argent ou pas de réponse. Je vais être gentil. Donc, oui, on a un ministre senior, mais est-ce que le ministre senior se préoccupe du sport? Je ne le pense pas. Quand c'est le temps de le faire valoir, je ne suis pas sûr que c'est important parmi les autres priorités de ce grand ensemble dont il a la responsabilité.
Je ne voudrais pas vous donner l'impression qu'on veut une structure. Ce qu'on veut, c'est que le mécanisme qu'on va se donner, au sein du gouvernement, pour opérationnaliser la politique soit plus efficace. Il ne s'agit pas de verser dans la «structurite», mais il faut se donner un mécanisme plus efficace.
Vous me parliez du parc immobilier tout à l'heure. Ce n'est pas le gouvernement qui décide si les Jeux olympiques vont avoir lieu à tel endroit, mais le gouvernement investit des sommes importantes dans le parc immobilier à cause de ces jeux-là. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, il y a un déséquilibre. Je ne sais pas combien de millions ont été investis dans l'Ouest du pays depuis 1976, mais il n'y a pas grand-chose dans l'Est. Je sais que c'est une responsabilité, mais il y a quand même un déséquilibre quelque part à cause des événements. On finance quand il y a des jeux et on ne finance pas quand il n'y en a pas. Nos préoccupations vont au-delà de cela.
Mme Suzanne Tremblay: Quelle est votre priorité?
M. Jean-Guy Ouellet: Ma première priorité, c'est que le gouvernement se donne une vraie politique qui valorise le sport et l'activité physique chez les Canadiens et le Canadiennes et qu'on se donne des moyens plus importants que ceux qu'on a actuellement. On n'a pas le choix. Si on n'a pas de moyens, même si on a une politique, on n'ira nulle part. Il faut se donner les moyens de sa politique, mais au départ, il en faut une. C'est gouvernemental, et cela m'apparaît essentiel. De cela vont découler les moyens qu'on va se donner et la façon dont on va appliquer cette politique en collaboration avec le mouvement associatif et les provinces.
Mme Suzanne Tremblay: J'aimerais poser une toute petite dernière question au sujet des deux langues officielles. Tout le monde connaît les événements qui sont survenus, et on ne reviendra pas sur les deux incidents qu'on a déplorés. Est-ce que les athlètes francophones du Québec et des autres régions du Canada ont de la difficulté à être compétitifs parce qu'ils sont moins bons ou parce que leur langue représente une barrière pour eux? Est-ce qu'il y a vraiment un problème de langue? J'ai été très surprise d'apprendre—et j'ai hâte de voir cela—que M. Boudria va rendre les Jeux de la francophonie bilingues. C'est assez cocasse.
M. Jean-Guy Ouellet: Les Jeux de la francophonie, c'est autre chose. Mais en réponse à la question que vous me posez, je dirai que cela dépend des sports. Les sports sont régis par des politiques. À titre d'exemple, prenons un sport qu'on connaît bien, le volley-ball. Si on décide de construire un centre d'entraînement permanent pour l'équipe nationale de volley-ball à Winnipeg ou à Calgary, le petit francophone ou la petite francophone du Québec qui ira étudier là-bas et vivre dans un autre milieu, où on n'offre pas de services en français, fera face à des problèmes. C'est peut-être le prix qu'il faut payer, mais il y en a un.
On ne parle pas de discrimination face à des choix, mais plutôt des services dont nos athlètes francophones ont besoin. On les déracine de leur milieu et le problème va au-delà de la langue et de la culture. Ils se retrouvent dans un environnement qui n'est pas propice et on devrait leur donner certains services de base, ce qu'ils n'ont pas actuellement.
Par exemple, le Centre national du sport de Calgary reçoit des subventions importantes de la part de Sport Canada et de l'Association olympique. Un athlète de Montréal peut-il s'attendre à ce qu'on lui offre des services dans les deux langues? Vous êtes à Calgary, ah!...
Si un francophone pratique un sport dont le contexte d'entraînement et de développement est anglophone, il est évident qu'il éprouvera des difficultés. Nos revendications vont encore plus loin. Nous parlons de traduction, de documents offerts dans les deux langues, d'interface et de la formation. C'est de toutes ces questions qu'on parle. On ne nie pas que des efforts ont été faits, mais on n'atteint pas les objectifs visés. Les résultats obtenus nous indiquent que nos efforts sont insuffisants. Nos efforts devraient peut-être être faits de façon plus circonscrite, mais on est là.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Monsieur Ouellet, il n'y a pas si longtemps, j'étais le vice-président du Comité des langues officielles, ce qui m'a permis d'apprendre les rouages d'un processus. À la lumière de ce que vous nous dites aujourd'hui, et avec la permission du comité, je présenterai une plainte officielle au commissaire aux langues officielles. Je lui demanderai de faire enquête et de s'assurer qu'on règle tout problème d'accessibilité, que ce soit au niveau des documents, de la traduction ou des services. À mon avis, le moins que l'on puisse faire, c'est de s'assurer que nos francophones ne soient pas traités comme des citoyens de seconde classe.
Je vous ferai part de sa réponse dès que je l'aurai reçue. Je suis conscient que vous êtes le président du Centre national multisport de Montréal et qu'il est important que ce message vous soit transmis, que ce soit par l'entremise de ce comité ou de celui des langues officielles. Il s'agit d'un dossier non partisan qui mérite toute notre attention. Si j'ai convoqué Bill Warren à comparaître après les incidents de Nagano, je suis capable de convoquer n'importe quel autre témoin. Mme Tremblay et tous les membres du comité qui ont à coeur le bilinguisme au Canada pourraient en faire autant. Soyez assuré qu'une plainte officielle sera déposée et que nous demanderons au commissaire Goldbloom de se pencher sur ce dossier-là et de nous donner une réponse dans les plus brefs délais.
M. Jean-Guy Ouellet: Au sujet de la discrimination, j'aimerais souligner que nous avons entrepris des démarches auprès de la télévision d'État; nous avons ouvert un dossier en 1996 et j'ai personnellement envoyé plusieurs lettres, dont une il y a un mois à l'intention de la présidence. Je n'y faisais pas de remarques désobligeantes, mais je cherchais à savoir comment nous pourrions percer. Je comprends que la société d'État soit autonome par rapport au pouvoir politique. On respecte cela et c'est normal. Mais il faut voir de l'intérieur quelle est l'importance que la Société Radio-Canada accorde à sa programmation. Moi, je cherche encore et je suis très inquiet, car pour nos jeunes, il est important d'être visibles et d'avoir accès à d'autres choses qu'au sport professionnel et aux nouvelles. Or, c'est tout ce à quoi on a droit actuellement.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Ils vont probablement vous dire que c'est parce qu'ils ont subi des coupures budgétaires et qu'ils doivent respecter certaines priorités. On ne prend pas cela pour de l'argent comptant, comme dirait l'autre. Je vous le répète, nous leur avons demandé clairement, lors de leur comparution, de mettre l'accent là-dessus. Mme Tremblay y était également.
Il n'est pas normal qu'on n'ait plus Les Héros du samedi. Il n'est surtout pas normal, lorsque nous avons des athlètes canadiens qui vont à Kuala Lumpur, qu'on ne puisse suivre leur évolution qu'à CBC et non à Radio-Canada. Et il est encore moins normal que 60 personnes aillent travailler à Kuala Lumpur pour CBC, et seulement 4 pour Radio-Canada, et qu'en plus Radio-Canada ne consacre que huit minutes à la diffusion de l'événement.
Mme Suzanne Tremblay: Il y a une autre chose aussi. Ce n'est pas normal qu'on diffuse les Jeux de l'Acadie et qu'on refuse de diffuser les Jeux de l'Ontario ou les Jeux du Québec.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): C'est clair, également.
Mme Suzanne Tremblay: Cela n'a vraiment pas de bon sens. Si les Jeux de l'Acadie passent à la télévision, les Jeux du Québec, les Jeux de l'Ontario et les Jeux de l'Ouest doivent être diffusés également.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): On se pose des questions sur la façon dont sont définies leurs priorités. M. Bertrand aurait peut-être une dernière intervention.
M. Robert Bertrand: Oui, une dernière intervention, monsieur le président. Il avait été question de déposer une plainte auprès du commissaire aux langues officielles. Je me demande si, au lieu de cela, on ne ferait pas mieux de demander d'abord une enquête. Je suis un nouveau membre de ce comité.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Cela sera suivi d'une enquête de toute façon, mais il faut d'abord porter plainte.
Mme Suzanne Tremblay: Il faut porter plainte pour qu'il y ait enquête.
M. Robert Bertrand: Ah, bon!
Le président suppléant (M. Denis Coderre): C'est la procédure.
M. Robert Bertrand: D'accord.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Est-ce que ça va? Monsieur Ouellet, voulez-vous prononcer le mot de la fin?
M. Jean-Guy Ouellet: J'espère que l'éclairage que jette un point de vue un peu provincial sur la situation canadienne, dont vous ont parlé la plupart des organismes qui sont venus ici, vous permettra de voir la situation d'un oeil différent.
De notre côté, nous tenions à vous livrer nos préoccupations par rapport à la situation du sport au Canada. Nous avons essayé de le faire de la façon la plus professionnelle possible, la mieux étoffée possible, et nous espérons que l'ensemble des recommandations qui ont été faites aideront les membres du comité dans leurs travaux et dans les décisions qu'ils auront à prendre.
Le président suppléant (M. Denis Coderre): Messieurs Ouellet et Pelletier, je vous remercie beaucoup. Merci de votre rapidité. C'était très clair et très instructif.
La séance est levée.