SSPD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES
SOUS-COMITÉ SUR LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES DU COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 29 avril 1999
La présidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Comme le ministre doit partir vers 16 h 15, j'aimerais que le comité s'occupe un peu de questions administratives entre 16 h 15 et 16 h 30 au sujet de la table ronde de la semaine prochaine.
Nous sommes heureux de recevoir comme témoin aujourd'hui le ministre des Finances et son collaborateur du ministère, Louis Lévesque.
Monsieur le ministre, des handicapés nous ont dit que vous étiez très sensible à leurs problèmes. Nous sommes donc heureux de vous accueillir aujourd'hui.
L'honorable Paul Martin (ministre des Finances): Merci beaucoup, madame la présidente. Je m'inquiète en effet beaucoup de ce secteur. Je suis ravi de voir qu'Andy Scott, avec qui j'ai eu l'occasion de travailler plus tôt sur le sujet, est ici.
• 1525
J'aimerais faire une brève déclaration avant de répondre à vos
questions. Est-ce de cette façon que vous souhaitez procéder?
La présidente: Ce serait parfait.
M. Paul Martin: Je tiens tout d'abord à vous dire combien je vous suis reconnaissant de m'avoir invité à comparaître pour vous faire part de certains faits que vous connaissez tous, j'imagine. En effet, près de cinq millions de personnes au Canada, soit un Canadien sur dix, souffrent de handicap, sous une forme ou sous une autre. Il est donc évident que la question des personnes handicapées nous touche tous, que ce soit directement ou indirectement. La seule question à laquelle il nous faut vraiment trouver une réponse est de savoir comment nous pouvons aider de notre mieux les Canadiens et les Canadiennes handicapés à profiter pleinement des possibilités, de la sécurité et de la compassion qu'offre la société canadienne et qui en sont en fait ses traits déterminants?
[Français]
Le comité précédent, madame la présidente, a cherché des réponses et a demandé un examen des mesures touchant les personnes handicapées. On a alors assisté à la création du Groupe de travail Scott, qui a produit le rapport intitulé Donner un sens à notre citoyenneté canadienne: la volonté d'intégrer les personnes handicapées.
Ce processus nous a permis de constater l'étendue et la complexité des besoins sur lesquels il faut se pencher et, par conséquent, la difficulté de mettre au point une démarche unique pour satisfaire à l'ensemble de ces besoins.
[Traduction]
Je crois que le 4 mars dernier, le ministre Pierre Pettigrew a expliqué aux membres du sous-comité les mesures stratégiques qui ont été prises dans la foulée des rapports du Groupe de travail, notamment la publication récente d'un document fédéral-provincial-territorial intitulé À l'unisson: une approche canadienne concernant les personnes handicapées. Le document soulignait notamment que les deux paliers de gouvernement devaient absolument coordonner davantage leurs activités.
Il est donc évident que l'ampleur du défi qui nous est posé va bien au-delà de la compétence d'un seul ministère—et je crois que vous avez indiqué que onze ministres vont comparaître—ou, dans le dossier qui nous intéresse, d'un seul palier de gouvernement. Ainsi, la façon dont nous nous y prendrons pour relever ce défi témoignera non seulement de notre capacité à faire preuve d'ingéniosité et d'innovation, mais également de la capacité de notre système fédéral de s'occuper de priorités nationales. Mais d'abord et avant tout, notre réaction sera une véritable déclaration des valeurs auxquelles nous tenons en tant que Canadiens, des valeurs comme la compassion, la dignité et l'égalité des chances pour tous. Pour toutes ces raisons, ce défi multiple a une importance capitale pour moi, non seulement en qualité de ministre des Finances, mais également comme député et, comme vous l'avez indiqué au début, comme Canadien préoccupé de la question. Aujourd'hui, cependant, je m'attarderai sur le lien qui existe entre ce dossier et ma responsabilité de ministre des Finances, c'est-à-dire, le régime fiscal.
Au niveau fédéral, une part importante de l'aide que nous fournissons aux personnes handicapées est accordée dans le cadre du système de l'impôt sur le revenu des particuliers, spécialement le crédit d'impôt pour frais médicaux et le crédit d'impôt pour personnes handicapées.
Le crédit d'impôt pour frais médicaux vise les divers frais et débours réels au titre des produits et services médicaux qui sont liés à une incapacité. Le crédit en question permet de réduire ces dépenses d'environ 25 p. 100. Il est offert non seulement à un groupe précis de personnes admissibles, mais également à tous les contribuables dont les frais médicaux sont supérieurs à la moyenne, c'est-à-dire qui dépassent trois pour cent du revenu net, soit 1 614 $.
Le crédit d'impôt pour personnes handicapées est un crédit à taux fixe qui représente une économie d'impôt fédéral de 720 $ et une économie d'impôt provincial d'environ 360 $. Il existe parce qu'il n'est pas pratique de détailler les coûts liés à une incapacité aux termes du crédit d'impôt pour frais médicaux. Il s'adresse aux personnes souffrant d'une incapacité grave et prolongée.
[Français]
Le régime de l'impôt sur le revenu n'est pas le seul outil à la disposition du gouvernement fédéral. De fait, et je reviendrai sur ce point, le régime fiscal n'est pas toujours le moyen qui convient le mieux pour offrir un allégement à un groupe particulier de personnes dans la société.
En tant que gouvernement, nous voulons aider le plus possible les personnes handicapées dans les limites imposées par les diverses contraintes avec lesquelles nous devons composer, c'est-à-dire la fiscalité, l'administration et les sphères de compétence. C'est là tout un exercice d'équilibre.
Depuis notre entrée au pouvoir en 1993, le gouvernement a adopté un certain nombre de mesures fiscales pour venir en aide aux personnes handicapées et favoriser leur bien-être.
En gros, les mesures fiscales que nous avons présentées visent à aider les personnes handicapées à devenir plus autonomes et mobiles, à accéder plus facilement à des soins, à l'enseignement et au perfectionnement, et donc à jouir d'une plus grande qualité de vie.
Dans le cadre de nos efforts en vue d'améliorer l'aide fiscale à l'intention des personnes handicapées, les conseils promulgués par le Groupe de travail Scott et le dialogue poursuivi avec les groupes représentant les personnes handicapées nous ont été fort utiles. Grâce à ce dialogue, nous avons pu articuler des mesures fiscales pratiques qui répondent directement aux besoins définis. Prenons le crédit d'impôt pour frais médicaux. Nous avons élargi particulièrement la gamme de produits et de services pour lesquels une personne peut réclamer le crédit.
Si vous me le permettez, madame la présidente, j'aimerais vous donner quelques exemples de ce que nous avons fait. Premièrement, lorsqu'une personne doit acheter un climatiseur en raison d'un problème respiratoire, elle peut réclamer 50 p. 100 du coût de l'appareil, jusqu'à concurrence de 1 000 $. On peut réclamer 20 p. 100 du prix d'une fourgonnette adaptée à un fauteuil roulant, jusqu'à concurrence de 5 000 $. Les frais de modification de l'allée pour permettre l'accès à un autobus sont également admissibles. Une personne handicapée peut réclamer les dépenses de son déménagement dans un logement abordable. Un malentendant peut réclamer les honoraires d'un interprète gestuel aux termes du crédit d'impôt pour frais médicaux. Les réclamations admissibles au titre des coûts des soins auxiliaires à temps partiel pour handicapés sont passées de 5 000 $ à 10 000 $. En facilitant l'accès à un service de relève, on offre à tout le moins un certain soulagement aux Canadiennes et aux Canadiens qui se dépensent sans compter et qui assument en permanence l'énorme responsabilité de prendre soin de personnes handicapées qui leur sont chères.
Les frais de formation des aidants naturels ont aussi été ajoutés à la liste des dépenses admissibles. De même que les frais d'embauche de personnel pour prendre soin des personnes handicapées résidant dans un foyer collectif. Et les frais de thérapie spéciale pour les personnes souffrant d'un grave handicap, par exemple d'autisme, peuvent maintenant être réclamés aux termes du crédit d'impôt pour frais médicaux. Pour les personnes qui ont des troubles d'apprentissage, les dépenses au titre des manuels de tutorat et de livres parlés sont maintenant admissibles aux termes de ce crédit.
Outre ces modifications au crédit d'impôt pour frais médicaux, le gouvernement a instauré certains changements fiscaux visant à améliorer la qualité de vie des personnes handicapées. Par exemple, nous avons éliminé la limite de 5 000 $ au titre de la déduction pour soins auxiliaires, et les personnes handicapées ont ainsi plus facilement accès à l'aide dont elles ont besoin pour faire partie de la population active.
[Français]
Nous aidons les personnes à couvrir les coûts qu'elles doivent assumer pour déménager dans une maison facile d'accès en leur permettant de faire des retraits exempts d'impôt de leur REER.
Nous avons également instauré un crédit d'impôt remboursable pour les frais médicaux à l'intention des travailleurs à faible revenu. Par «remboursable», je veux dire que si l'impôt payable net d'une personne est inférieur au crédit auquel elle a droit, la différence lui est remboursée. Ce crédit vient s'ajouter à l'aide prévue au titre du crédit d'impôt pour les frais médicaux.
Nous avons enfin offert un crédit aux aidants naturels, qui s'adresse aux personnes qui prennent soin de leur mère, de leur père ou d'une personne à charge handicapée à domicile. L'aidant naturel a droit à un crédit allant jusqu'à concurrence de 400 $, ce qui représente une économie de 600 $ une fois le volet de l'impôt provincial pris en compte.
Pour le gouvernement fédéral, le coût de cette nouvelle mesure seulement totalise environ 120 millions de dollars par année.
[Traduction]
Madame la présidente, en regroupant toutes ces mesures et en examinant comment les coûts ont augmenté ces dernières années, nous pouvons conclure que de toute évidence, le gouvernement est déterminé à consacrer des ressources supplémentaires importantes pour aider les personnes handicapées. D'après de récentes estimations des dépenses fiscales, l'aide fiscale fédérale pour les personnes handicapées est passée de 540 millions de dollars en 1993 à environ 850 millions de dollars en 1999, soit une hausse de 55 p. 100 en cinq ans. Lorsqu'on tient compte des économies d'impôt provincial découlant de ces mesures, les économies fiscales totales que peuvent réaliser les bénéficiaires sont passées de 840 millions de dollars en 1993 à 1,3 milliard de dollars en 1999. En gros, cela représente une augmentation de 460 millions de dollars au titre de l'aide fiscale fédérale et provinciale pour personnes handicapées.
J'aurais aimé, madame la présidente, qu'il soit possible de faire davantage, et je sais que c'est également là votre voeu et celui des membres du comité. Mais pour évaluer toute l'ampleur de cette aide fiscale ciblée à l'intention des Canadiennes et des Canadiens, il importe de se rappeler les contraintes budgétaires avec lesquelles nous avons dû composer la majeure partie du temps depuis notre arrivée au pouvoir. Il n'y a que 14 mois que nous avons réussi à équilibrer le budget. Et même si nous avons gagné la bataille contre le déficit, le fardeau de notre dette par rapport à la taille de notre économie est l'un des plus élevés du G-7.
Cela dit, les besoins des groupes les plus vulnérables sont si importants que nous avons instauré dès le début de notre mandat des allégements fiscaux ciblés. En bref, les Canadiens handicapés se placent certainement aux premiers rangs de nos priorités.
Madame la présidente, il y a encore bien des choses que nous pouvons faire pour aider les personnes handicapées à devenir des citoyens à part entière, ce qui est le but envisagé dans le document À l'unisson. Il est impératif de continuer à offrir aux Canadiens handicapés l'occasion de s'intégrer à part entière à la vie économique et sociale de notre pays. Tous ceux qui sont ici présents peuvent collaborer à faire avancer les choses.
Ce que nous avons maintenant, c'est la vision générale qui est expliquée dans le document À l'unisson. Ce dont nous avons besoin, ce sont des propositions précises pour faire de cette vision une réalité. En outre, étant donné que nous ne pouvons tout faire en même temps, le gouvernement doit savoir exactement quelles sont les propositions qui viennent au premier rang des priorités.
[Traduction]
J'aimerais maintenant énoncer certaines questions clés sur lesquelles nous aimerions bien que le sous-comité se penche dans sa réflexion sur notre situation actuelle et sur nos besoins pour l'avenir.
Premièrement, quelles sont les mesures stratégiques les plus appropriées pour passer à l'action au niveau fédéral? À cette fin, il faut reconnaître les rôles établis par la Constitution ainsi que les divers avantages et inconvénients d'un plan d'action national et local. Par exemple, une grande partie de l'aide consentie aux personnes handicapées est accordée aux termes de programmes comme l'indemnisation des accidentés du travail et l'aide sociale, lesquels sont administrés à l'échelon provincial ou territorial. C'est en effet en raison de l'énorme variété des handicaps et de l'éventuelle gamme des conséquences pour les personnes touchées qu'il arrive souvent que l'attention voulue ne puisse être fournie que par les autorités locales. Ceci dit, madame la présidente, le gouvernement canadien doit jouer son rôle.
Deuxièmement, comment pouvons-nous garantir que les mesures fédérales viennent compléter les programmes provinciaux et territoriaux et non seulement les supplanter? Compte tenu de la diversité des programmes d'aide offerts aux échelles fédérale, provinciale et territoriale, il faudra, pour améliorer l'aide, coordonner plus étroitement les programmes afin de veiller à ce qu'ils répondent efficacement aux besoins des personnes handicapées. Sans ce genre de coordination, les programmes risquent de s'entrecouper et, qui plus est, de représenter un fardeau administratif inutile pour les personnes qu'ils visent à aider.
Troisièmement, quels genres d'aide peut-on offrir efficacement dans le cadre du régime fiscal et quels genres d'aide exigent un contact plus direct et plus fréquent que ne le prévoit le régime fiscal actuellement en vigueur?
[Français]
La quatrième question est de savoir comment nous pouvons mettre au point des mesures qui témoignent comme il se doit de la grande variété des handicaps et des coûts connexes.
On me dit qu'il est difficile, d'un point de vue administratif, de séparer les handicaps graves de ceux qui le sont moins. De plus, il n'y a pas nécessairement de lien rigoureux entre la gravité du handicap d'une personne et le fardeau financier qui en découle.
[Traduction]
Cela nous amène tout droit à la cinquième et dernière question: Comment offrir une aide financière supplémentaire? Devrions-nous viser le remboursement des frais réels reliés au handicap, comme avec le crédit d'impôt pour frais médicaux ou devrions-nous fournir aux personnes handicapées une aide directe au titre du complément du revenu, comme avec le crédit d'impôt pour personnes handicapées? Ce ne sont bien sûr pas des mesures qui s'excluent mutuellement, mais il faut certainement se demander sur laquelle il faudrait insister davantage.
En conclusion, madame la présidente, voilà quelques-unes des questions essentielles sur lesquelles le sous-comité pourrait décider de se pencher dans le cadre de ses travaux essentiels sur les questions concernant les personnes handicapées. Je puis vous assurer que le ministère des Finances continuera à chercher des moyens efficaces d'utiliser les programmes fédéraux et les mesures fiscales pour réduire les obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées.
Dans mon discours sur la Mise à jour économique et financière devant le comité des finances—et vous y étiez l'automne dernier—nous disions:
-
Une société sécuritaire permet de favoriser la pleine
participation, d'accroître les possibilités et de donner à chaque
personne l'occasion de miser sur son propre potentiel et de le
réaliser.
Grâce à ses travaux en vue de favoriser la pleine participation des personnes handicapées à la société canadienne, le sous-comité a un rôle essentiel à jouer en vue de favoriser cette pleine participation et de positionner notre pays comme modèle de compassion, de dignité et d'égalité des chances pour tous. Nous attendons avec impatience les résultats de vos travaux, madame la présidente, et nous vous félicitons ainsi que les autres membres du comité de l'initiative que vous avez prise.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
On dit, je le crains, qu'il puisse y avoir un vote dans une demi-heure, monsieur Martin, aussi vous demanderais-je de prendre des notes et demanderais-je aux membres du comité de prendre la parole à tour de rôle pour que, si nous n'avons qu'une demi-heure, tous aient la possibilité de poser leur question.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): N'avons-nous pas qu'une demi-heure de toute façon? N'alliez-vous pas partir à 16 h 15?
M. Paul Martin: À 16 h 20, oui.
Mme Deborah Grey: Je vous remercie, Paul, d'être venu.
Je voulais vous demander, Andy, surtout à cause du travail incroyable que vous avez fait, si votre comité a déjà posé certaines de ces questions.
M. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Certaines, oui. J'ai quelques questions à poser à M. Martin.
Mme Deborah Grey: J'ai constaté qu'il y avait des caméras de télévision plus tôt dans la salle. Cela vous aurait-il ennuyé qu'elles restent?
M. Paul Martin: Non.
Mme Deborah Grey: Permettez-moi de vous poser quelques questions.
M. Paul Martin: Connaissez-vous un politicien que cela ennuie?
Mme Deborah Grey: Je n'avais pas remarqué que vous étiez timide, du moins jusqu'ici.
Paul, je veux vous poser quelques questions. Je sais que nous sommes limités par le temps. Vous avez parlé de l'impôt et des crédits d'impôt et tout le reste. Mais pour tout cela, il faut bien sûr que vous ayez un emploi et que vous payiez des impôts. Je crois que tous les Canadiens sont d'accord pour payer des impôts en échange des services qu'ils obtiennent. Mais d'après l'enquête récente HALS, c'est-à-dire l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités, dont nous avons parlé à de très nombreuses reprises ici, 43 p. 100 des handicapés, soit 981 000 personnes, ont un revenu personnel de moins de 10 000 $ par an et 26 p. 100—cela représente près de 600 000 personnes—ont un revenu inférieur à 5 000 $ par an. C'est ce que vous et moi dépensons pour aller dîner au restaurant alors que ces gens doivent vivre avec moins que cela et on parle ensuite de crédit d'impôt extraordinairement généreux. Il y a là des écarts incroyables.
Combien prélève-t-on d'impôt fédéral sur le revenu annuel inférieur à 10 000 $ que gagne un Canadien handicapé pauvre? Une partie certainement.
M. Paul Martin: Si vous me le permettez, je dirais que ce que nous essayons précisément de mettre en lumière, c'est que la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas l'unique panacée, que nous avons là affaire à des personnes qui ont un revenu très faible et qui ont besoin d'un complément de revenu qui n'est sans doute pas prévu dans le cadre de la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est la première chose. Je suis d'accord avec vous là-dessus.
Pour votre deuxième point, plusieurs crédits que nous offrons sont en fait des crédits remboursables de sorte qu'on remet directement de l'argent à ces personnes. Mais il faut dire aussi que quiconque gagne 5 000 $ au Canada ne paie pas d'impôt. Il est possible qu'une personne handicapée qui en gagne 10 000 $ en paie, mais j'en doute.
M. Louis Lévesque (directeur général, Division de l'impôt des particuliers, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances): Une personne qui gagne 10 000 $ et qui demande le crédit d'impôt pour personnes handicapées n'est pas imposable. Il faut aussi dire que ces crédits sont transférables. Même si la personne ne peut pas les réclamer, si elle vit avec quelqu'un d'autre, cette autre personne peut réclamer ce qui reste après le paiement de l'impôt par la personne handicapée.
Mme Deborah Grey: Quel est le montant net d'argent que les Canadiens handicapés versent à Revenu Canada? Ce serait intéressant de le savoir.
M. Paul Martin: Je n'ai pas ce chiffre. S'il est disponible, nous vous l'obtiendrons.
La présidente: Voulez-vous parler de ceux qui réclament le crédit d'impôt pour personnes handicapées? Est-ce ainsi qu'on définit normalement ces personnes?
Mme Deborah Grey: Pas nécessairement. Je crois que ce qui se passe, c'est que nombreux sont ceux que la Loi de l'impôt sur le revenu laisse perplexes au point qu'ils ne sont même pas au courant des crédits d'impôt dont ils pourraient se prévaloir. Et vous avez peut-être mentionné cela dans vos remarques, à savoir qu'il y a un écart.
M. Paul Martin: En effet.
Mme Deborah Grey: Je n'arrive pas à comprendre la Loi de l'impôt sur le revenu et j'ai deux diplômes universitaires. Je remercie le Seigneur de ne pas être handicapée, mais si j'avais cela en plus, comment pourrais-je essayer d'y voir clair?
Je me demande vraiment combien de Canadiens handicapés versent de l'impôt à Revenu Canada. Peut-être ne savent-ils même pas qu'il y a...
M. Paul Martin: Nous vous donnerons cette réponse, mais je crains, Deb, et c'est un problème que vous avez aussi indiqué, que les chiffres soient limités à ceux qui réclament ces crédits.
Mme Deborah Grey: Exactement. Et je crois qu'il y a encore un énorme écart entre ceux qui les réclament et ceux qui ne savent peut-être même pas qu'ils peuvent s'en prévaloir.
Merci. Je m'arrêterai là car je sais que nous avons peu de temps.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Je voudrais relever une chose que vous avez dite dans votre exposé et qui m'a étonnée. Vous avez dit qu'il n'y avait pas de lien entre la gravité du handicap et le coût financier qui lui est lié. J'avoue que...
M. Paul Martin: Non, ce n'est pas le coût financier.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Alors, c'est quoi?
M. Paul Martin: Ce sont les revenus, et c'est exactement le problème soulevé par Mme Grey. Tout ce qu'on voulait dire, c'est que des personnes ayant des handicaps très graves n'utilisent pas les crédits.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: D'accord, parce que j'étais très étonnée. Je voudrais vous demander deux ou trois petites choses.
Pour ce qui est de la prestation fiscale pour enfants, les enfants handicapés sont traités comme les autres enfants. Pensez-vous qu'il serait important d'évaluer et de corriger cela le plus rapidement possible? Être parent d'un enfant handicapé a des conséquences énormes. La maman peut être obligée de quitter son emploi, etc. Si elle quitte son emploi, elle n'a plus de revenu et elle ne peut donc plus déduire quoi que ce soit de son revenu.
• 1545
Est-ce que les critères pour décider de l'admissibilité d'une
personne au crédit d'invalidité sont révisés périodiquement et le
sont-ils en tenant compte des demandes des personnes directement
concernées? Il y a plusieurs regroupements de personnes handicapées
qui possèdent les connaissances et les compétences appropriées et qui
peuvent vous être d'une grande aide. Les consultez-vous et, si oui,
les écoutez-vous? Dans une lettre récente reçue tout de suite après
le dépôt de votre budget, les personnes handicapées exprimaient le
sentiment de n'avoir rien vu de très flamboyant pour améliorer leur
condition dans le budget 1999.
M. Paul Martin: En ce qui concerne la prestation nationale pour enfants, il s'agit d'une question d'administration. On doit absolument prendre en considération les dépenses d'une famille ayant un enfant handicapé, mais la prestation nationale pour enfants est-elle la meilleure façon de le faire? C'est une question d'administration et je pense qu'on arrive à la même conclusion: la question du mécanisme doit être débattue.
En ce qui concerne votre deuxième question, les critères sont révisés. D'ailleurs, on l'a fait dans le dernier budget. Les personnes ayant des difficultés respiratoires nous ont rencontrés, et on a fait des changements à la suite d'une rencontre comme celle-ci. On a fait exactement la même chose dans les budgets antérieurs. Il faut souligner qu'à ce moment-là, on a agi même si on était alors dans une position déficitaire.
Cette fois-ci, c'était clairement le budget de la santé; on a mis tout notre argent dans la santé. Notre espoir est qu'une partie de cet argent donné aux provinces soit affectée à l'aide aux personnes ou aux enfants handicapées. Nous écoutons les groupes de personnes handicapées et nous avons toujours l'intention de le faire. D'ailleurs, nous aurons des rencontres, probablement l'automne prochain, comme l'année dernière et l'année précédente.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.
[Traduction]
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci beaucoup d'être venu; nous vous sommes reconnaissants de nous demander de proposer des mesures politiques que nous jugeons indiquées.
Il y a deux choses dont j'aimerais parler. D'une part, on nous dit constamment qu'il y a trop de définitions des handicaps. En fait il y en a deux qui sont importantes au niveau fédéral, à savoir celle des programmes de complément du revenu des personnes handicapées, c'est-à-dire le RPC, il y a ensuite celle du crédit d'impôt pour personnes handicapées. Lorsque les personnes essaient de tirer parti de chacun de ces régimes, ou de l'un ou de l'autre, c'est un véritable cauchemar.
Cela leur coûte énormément. Dans la plupart des provinces, la personne doit subir un examen médical, qu'elle doit payer, pour faire évaluer l'ampleur de son handicap, si elle demande à être évaluée en fonction de la définition qui correspond aux crédits d'impôt pour personnes handicapées et qui concerne votre de fonctionner dans la vie courante. La définition du RPC dépend de votre capacité de travailler; il vous faut donc consulter un médecin et voir à quels critères vous correspondez. Le tarif de ce genre d'examen peut aller jusqu'à 200 $. Une personne handicapée—et nous parlons ici de personnes qui gagnent, comme l'a dit Deb, 5 000 $ ou moins—peut devoir payer jusqu'à 200 $ pour pouvoir demander à profiter d'un programme dont elle a besoin parce qu'elle est handicapée et désargentée.
Quel est donc l'intérêt d'avoir deux définitions? Pourquoi ne pas avoir une définition universelle du handicap pour les programmes du gouvernement fédéral? C'est quelque chose dont on entend très souvent parler et je me demande si nous ne pourrions pas utiliser nos ressources pour proposer quelque chose qui soit utile à ces personnes?
M. Paul Martin: Oui. Louis voudra peut-être ajouter quelque chose, mais je vais commencer par dire que j'imagine qu'il y a de nombreuses questions qui se posent. Nous tous qui sommes ici y sommes suffisamment sensibles. Tout ce que je peux vous dire, c'est que je ne suis pas sûr... Ce que vous dites est vrai, mais je ne suis pas sûr qu'une définition universelle soit la réponse à tout.
• 1550
Voici ce que j'ai constaté. Il existe une définition. Il faut
que le ministère ait une définition quelconque. Voilà cinq ou six
ans que je suis ministre. Et tout d'un coup quelqu'un vient me
trouver pour me dire que la définition n'est pas bonne. C'est en
effet ce qui se passe. Je vais trouver mes collaborateurs du
ministère et je leur dis que cela me paraît logique. Ils me
répondent: Oh là là! vous ouvrez là une boîte de Pandore. Je leur
demande de faire telle chose et ils la font. C'est donc une
question que l'on a étudiée et la prochaine fois que quelqu'un
viendra... Il y a en effet un problème de définition. Vous avez
sans doute raison.
Mais je ne crois pas que l'on doive se leurrer en pensant qu'on va trouver une définition universelle qui soit parfaite. Mais nous devrions essayer de réduire les problèmes que cela pose. Si c'était possible, nous en serions ravis.
M. Louis Lévesque: En ce qui concerne votre principale question, il y a en effet deux définitions. Je ne suis pas expert sur le sujet du RPC, mais l'essentiel pour ce régime est d'évaluer votre capacité d'avoir un emploi rémunéré. C'est un programme de remplacement du revenu.
La définition qui existe dans le cadre de l'impôt, par ailleurs, vise uniquement à savoir si votre handicap est véritablement grave et c'est tout. Si on essaie de le savoir c'est simplement parce que si vous avez un handicap grave, vous avez sans doute des coûts que les autres n'ont pas; par exemple, quelqu'un doit venir faire votre ménage ou vous devez dépenser davantage d'argent en taxis ou pour d'autres choses. Nous ne voulons pas exiger le reçu pour chacune de ces dépenses avant de la rembourser. Nous disons simplement, si vous avez un handicap grave, nous allons réduire vos impôts d'un certain montant.
Ça revient donc à ce qu'a dit le ministre, à savoir que l'objet de ces deux définitions est légèrement différent. En théorie, il serait bon d'avoir deux définitions exactement semblables, mais la diversité des handicaps est si grande que ce pourrait ne pas être possible. Mais nous sommes toujours prêts, ainsi que nos collègues de Revenu Canada, à écouter les conseils...
La présidente: Mais là où le gouvernement fait piètre figure, c'est lorsqu'il utilise le même mot, ne croyez-vous pas? Quelqu'un qui a pour seul revenu sa pension d'invalidité du RPC, qui n'a pas droit au crédit d'impôt pour personnes handicapées, pense que c'est un peu curieux. Son seul revenu est la pension d'invalidité, mais elle n'a pas droit au crédit d'impôt, c'est donc...
La question de la définition est donc difficile à faire accepter. J'aimerais donc savoir si notre comité—car je crois que la communauté des handicapés estime qu'il y a une définition qui ferait l'affaire—pourrait proposer une définition qui soit utile. Ceux qui sont atteints de fibrose kystique notamment le demandent depuis longtemps... Ils consacrent beaucoup d'énergie chaque jour à essayer de respirer. Ils peuvent peut-être en fait travailler, mais lorsqu'il faut remplir cette feuille de demande de crédit d'impôt pour personnes handicapées, techniquement, à moins d'exagérer un peu, ils n'y ont pas droit. Et pourtant, ils consacrent une grande partie de chacune de leurs journées à faire des exercices de respiration et donc à ne pas pouvoir gagner ce qu'ils gagneraient normalement s'ils n'avaient pas ce handicap.
M. Paul Martin: Si nous pouvions la simplifier... Nous sommes certainement ceux qui souhaitent le plus la rendre simple et logique.
La présidente: Wendy.
Mme Wendy Lill: J'aimerais poser une autre question qui concerne le fait que nous en sommes au début de notre travail relatif à l'union sociale et, selon le vérificateur général, les deux premiers programmes qui entrent dans ce cadre sont la prestation nationale pour enfants par l'intermédiaire du crédit d'impôt pour enfants et le programme d'aide à l'employabilité des personnes handicapées. Nous avons donc ces deux programmes et je m'inquiète de notre capacité, en tant que parlementaires, de vérifier l'intérêt de ces programmes, d'évaluer jusqu'à quel point ils atteignent les objectifs visés.
Le vérificateur général a, à juste titre me semble-t-il, indiqué que le crédit national pour enfants n'a pas permis de faire de la réduction de la pauvreté de l'enfance un objectif mesurable pour ce programme et l'EEPH vérifie la réussite non pas en prenant en compte le nombre de Canadiens handicapés qui trouvent du travail, mais en comptant le nombre des personnes qui participent à divers programmes.
Êtes-vous pour que l'on mesure le succès de la prestation nationale pour enfants ou de l'EEPH en mesurant la réduction de la pauvreté de l'enfance et la réduction du taux de 75 p. 100 de chômage qui existe pour les Canadiens handicapés?
M. Paul Martin: Je crois que pour tout programme gouvernemental, il faut faire tout son possible pour essayer de mesurer ses résultats.
Je pense que pour ceux qui jugent important de mettre de l'argent dans les programmes sociaux, c'est notre meilleur argument en leur faveur que de pouvoir dire qu'ils donnent des résultats. J'en ai discuté avec mes homologues provinciaux, et je dois dire que le consensus est assez général sur le sujet. Il me semble que c'est quelque chose que nous devrions pouvoir mettre en oeuvre. Mais c'est l'application véritable qui nous permettra de le vérifier.
La présidente: Andy.
M. Andy Scott: Merci.
Je salue M. Lévesque qui a voyagé à nos côtés pendant les déplacements du groupe de travail. Chaque fois qu'on avait de véritables problèmes avec la collectivité, on pouvait toujours s'en prendre à lui.
M. Paul Martin: Pourquoi croyez-vous qu'il soit ici aujourd'hui?
M. Andy Scott: Je ne me sens donc pas aussi coupable maintenant de l'avoir fait. Merci.
Des voix: Ah, ah!
M. Andy Scott: Je vais essayer de m'en tenir aux questions, avec votre permission. Elles concernent le rôle et vous avez dit que cela représentait un défi au regard de la Constitution. La communauté a indiqué clairement qu'il s'agit d'intégration totale, de citoyenneté à part entière. Il nous faut donc élever le débat au-delà de la fourniture de services pour le situer au niveau des droits de la personne et de la citoyenneté. Ce sont des clichés, mais il s'agit ici de se réaliser au-delà des simples moyens de subsistance, de s'occuper de ces personnes ou plutôt de leur permettre de s'occuper d'elles-mêmes.
Le premier domaine pour lequel on a vu une responsabilité fédérale—et j'essaie d'être précis lorsqu'il s'agit d'indiquer ce que le gouvernement fédéral pourrait faire—concernait les coûts, c'est-à-dire les coûts réels et les coûts dus aux occasions perdues du fait du handicap. Les deux comptent. Je crois que si on essaie de choisir entre les deux, c'est, selon la communauté, une impossibilité car on crée un groupe de gagnants et un groupe de perdants et je ne crois pas que quiconque puisse souhaiter cela. Il faut donc reconnaître que si vous êtes un citoyen canadien handicapé, vous aurez des coûts réels et des coûts dus aux occasions perdues pour ce qui est de l'emploi et autre. Toutes les statistiques le prouvent.
Je crois que choisir entre le revenu et les coûts réels est difficile. C'est pourquoi nous avons proposé les deux mesures fiscales remboursables combinées. On élimine ainsi le problème qui consiste à aider ceux qui se situent à l'extrémité supérieure parce que davantage d'entre eux peuvent en fait se payer ce genre de choses. Je suis heureux que M. Lévesque ait mentionné l'impôt et le fait que l'on ne veuille pas assujettir ces dépenses à l'impôt.
Je dois parler des subventions pour initiatives spéciales qui sont mises à la disposition des étudiants. C'est un programme qui permet à DRHC de donner de l'argent aux étudiants lorsqu'ils ont prouvé qu'ils ont des coûts liés à un handicap et ces subventions sont ensuite considérées comme un revenu imposable. Cela n'est pas conforme aux autres mesures que nous prenons selon lesquelles, dans la mesure du possible, nous ne voulons pas que les Canadiens handicapés absorbent les coûts liés aux limites que leur impose leur situation.
Il ne me semble donc pas logique de prévoir un programme qui tienne compte de ces coûts et qui reprenne ensuite l'argent, lorsqu'il a été accordé, sous forme d'impôt. Voilà ce que je veux dire.
Je sais que c'est très difficile, monsieur le ministre, de s'occuper de l'union sociale et de la responsabilité qui en découle pour faire en sorte qu'on ne propose pas un programme qui permette aux provinces de se prévaloir de son existence pour supprimer d'autres programmes. Je crois que la communauté des handicapés serait d'accord pour dire que ce n'est pas là l'intention.
Ce qui me frappe, c'est que parce que nous avons insisté lourdement sur la mobilité dans les documents relatifs à l'union sociale, le gouvernement national doit s'occuper de cette question. Pour cette communauté, la mobilité est sans doute la principale question. En définitive, si vous dépendez d'un programme qui n'existe que dans une province, vous n'avez pas de mobilité. Il faut donc que le gouvernement national soit le défenseur de cette optique nationale. Je propose que nous prenions position sur cette question dans le cadre de l'union sociale.
Cela concerne en grande partie les questions de responsabilisation qui figuraient dans le rapport du groupe de travail. Pour ceux qui ont comparu devant le groupe de travail, peu importait le gouvernement; c'était surtout de la responsabilité du gouvernement qu'ils s'inquiétaient. C'est pourquoi la plupart de ces rapports n'ont pas l'effet que souhaiterait la communauté parce qu'il n'existe pas vraiment de mécanisme pour rendre responsables les divers paliers de gouvernement de ce qu'ils semblent sincèrement vouloir faire.
Donc en ce qui concerne l'union sociale, au nom de la mobilité, le gouvernement fédéral peut peut-être envisager de proposer une sorte de vérification sociale au chapitre des handicaps particulièrement.
M. Paul Martin: Si vous me permettez de prendre les choses à rebours, je dirais que le Groupe de travail Scott a été un exercice très important dans toute cette opération. J'ai travaillé avec Andy, bien sûr sans doute pas autant que lui, mais Andy, j'ai eu l'impression que les provinces étaient véritablement prêtes à collaborer et que cela n'allait pas poser de problème.
M. Andy Scott: Vous avez raison là-dessus. En fait, à la fin de ma diatribe j'allais vous en remercier. Mieux vaut sans doute que je le fasse tout de suite; on ne sait jamais.
Lorsque l'exercice a été terminé, nous savions qu'il faudrait un certain temps, nous savions qu'il y avait des questions de ressources et même des questions relatives aux mécanismes structurels des gouvernements qui allaient demander du temps. Je crois que le plus important pour la communauté et pour ceux qui ont beaucoup investi dans cette opération, c'est de savoir qu'il y a un mécanisme qui existe et qui fera que les choses prévues se produiront. C'est dans ce sens que je parle de responsabilité. Et étant donné que nous procédons aux négociations relatives à l'union sociale de toute façon, il me semble qu'il serait indiqué de dire que l'une des choses que le gouvernement fédéral peut faire, c'est de mettre en place un cadre, ou du moins de proposer un cadre pour les relations fédérales-provinciales qui nous permettrait de tenir tous les niveaux de gouvernement responsables, jusqu'à un certain point—j'essaie d'éviter certaines expressions que je sais dangereuses—jusqu'à un certain point donc de la mobilité. Il n'y a pas d'autre secteur dans notre pays où la mobilité soit aussi importante et étant donné que le gouvernement fédéral doit défendre la mobilité, je pense que c'est à nous d'insister là-dessus.
Je suis désolé, madame la présidente, de prendre tant de temps, mais j'ai encore une chose à dire.
Vous avez mentionné ce que le gouvernement pourrait faire en dehors de l'impôt. Le ministère pourrait contribuer au financement de l'enquête HALS. Lorsque DRHC a comparu, le ministre Pettigrew s'est engagé à donner 1 million de dollars pour commencer, et de la même façon que plusieurs ministères se sont regroupés pour défrayer le groupe de travail, si vous vous souvenez bien, il me semble que si DRHC est véritablement le principal ministère, tous les ministères ont accès à cette information. Ils en tirent profit et je pense que l'on pourrait leur demander de contribuer à la collecte des données. Elle entraîne des dépenses.
Ai-je parlé trop longtemps?
La présidente: Non, ça va.
M. Andy Scott: Eh bien, toutes les questions ont été posées. Il ne m'en reste plus qu'une maintenant.
La présidente: Très bien.
M. Andy Scott: Étant donné que vous faites partie du comité des ministres qui s'occupe de la question, il y a des domaines qui relèvent de l'ensemble du gouvernement horizontalement, notamment les ententes concernant le marché du travail pour faire en sorte que les Canadiens handicapés aient leur place dans ces ententes. La communauté craint comme moi que cela ne se fasse pas. J'imagine que vous connaissez les différents textes législatifs. J'en resterai donc là.
La présidente: Le ministre a pris un engagement à la Chambre, n'est-ce pas?
M. Andy Scott: C'est ce que j'ai cru. Il a acquiescé.
M. Paul Martin: Le ministre a écouté.
Je ne vois pas de raison de ne pas le faire. Je ne vois pas de très gros problème jusqu'ici, Andy. Je veux simplement essayer de voir à quoi j'ai acquiescé.
M. Andy Scott: Dans ce cas, les étudiants seront très contents.
M. Paul Martin: Eh bien, disons que j'aimerais en reparler.
Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Ce qui est extraordinaire lorsqu'on est assis à côté d'Andy, c'est qu'on ne peut que constater qu'il a fort bien formulé toutes les questions qu'on voulait poser. Avant qu'il ne commence, j'avais noté que je voulais parler des subventions pour initiatives spéciales et des raisons qui font qu'elles sont imposables. La mobilité est certainement quelque chose qui m'inquiète beaucoup, de même que les ententes relatives au marché du travail à tous égards.
M. Paul Martin: Quant aux subventions pour initiatives spéciales, je dois dire que la question se pose à plus d'un égard. Les bourses aux étudiants sont imposées. Et cela essentiellement parce que l'argent qui est accordé à quelqu'un qui a un faible revenu devrait en fait être traité différemment de l'argent que reçoit quelqu'un qui a un revenu élevé. La façon d'égaliser les choses, c'est par l'intermédiaire de la Loi de l'impôt sur le revenu. Pour ne pas prendre l'exemple du fonds pour initiatives spéciales, mais simplement pour la discussion, disons que si un étudiant qui vient d'une famille indigente et qui reçoit une très grosse bourse était traité de la même façon qu'un étudiant qui, c'est toujours pour la discussion que je le dis, faut-il qu'un étudiant d'une famille pauvre qui reçoit une bourse très importante soit traité de la même façon qu'un étudiant qui, toujours pour la discussion, reçoit une bourse et se trouve avoir un fonds en fiducie de 100 000 $ par an? En gros on doit imposer l'un à cause de l'autre et c'est là la raison de cette situation.
M. Andy Scott: Je crois que la subvention pour initiatives spéciales est liée au programme des prêts aux étudiants et ceux qui sont au sommet de l'échelle sont déjà couverts dans la mesure où le programme de prêts aux étudiants a une limite. On est ainsi sûr qu'un multimillionnaire ne va pas en bénéficier.
M. Paul Martin: Mais est-ce qu'il ne va tout de même pas y avoir différenciation du revenu à un certain point?
M. Andy Scott: Vous avez raison, dans la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants, il y a une différenciation pour le revenu. Mais le fait est que la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants est en réalité un programme axé sur les besoins. En conséquence, on est ainsi sûr que les gens très riches n'en profitent pas.
M. Paul Martin: Est-ce une sonnerie que je viens d'entendre?
La présidente: Oui.
M. Paul Martin: Je sais que ce n'est sans doute pas de cette façon que le comité va procéder, mais il y a plusieurs questions qui ont été choisies et j'aimerais en dire quelques mots. Je sais que vous demandez aux ministres de venir devant vous pour obtenir des réponses. Celui-ci en tout cas—et je suis sûr que c'est aussi le cas pour de nombreux autres—est très intéressé par les réponses que vous allez donner tout autant que par le son de sa propre voix.
Je vais vous dire un peu comment je vois les choses. Tout ministre des Finances qui comparaît devant le comité va dire qu'il n'a pas d'argent, qu'il a des ressources limitées. Ce sera toujours le cas. Et c'est en fait la réalité.
Plusieurs questions ont été soulevées. La mesure des résultats est de loin la meilleure réponse à cette question. S'il est possible de montrer qu'un dollar dépensé aujourd'hui va en fait vous rapporter sept dollars dans dix ans, c'est de l'argent bien dépensé. Je crois que c'est d'une très grande importance. S'il n'est pas possible de montrer qu'il y aura un rendement, il faudrait pouvoir montrer que cela va améliorer la qualité de la vie. La mesure des résultats me semble donc tout à fait essentielle.
C'est en fait la première question qui avait été posée concernant les emplois. J'ai vu les chiffres, et il ne fait aucun doute que lorsque les personnes handicapées peuvent obtenir un emploi, le rendement pour la société est énorme. En définitive—et je fais cela d'un point de vue très étroit, celui du ministère des Finances—il s'agit de se demander ce que l'on peut faire pour égaliser les chances de ceux qui veulent faire partie de la population active.
Il faut d'autre part admettre qu'il y a ceux qui ne pourront tout simplement pas et je pense qu'il ne faut pas les traiter de la même façon. Je suis sûr que tous ceux qui sont autour de la table connaissent quelqu'un dans cette situation. Je suis sûr qu'Andy connaît de nombreux cas. L'affaire Heather Robertson a eu une très grosse influence sur moi en ce qui concerne les personnes qui souhaitent faire partie de la population active. Il s'agissait en l'occurrence d'une avocate qui avait eu un accident. J'ai personnellement un neveu qui est handicapé total.
Tout ce que vous pouvez faire pour aider le gouvernement à résoudre ce problème, en vous appuyant sur la mesure des résultats, sera je crois très utile.
La présidente: Je crois qu'il faut aborder les choses avec une certaine souplesse et voir que ce n'est pas nécessairement noir et blanc. Je crois que la plupart des handicapés sont très motivés et préféreraient travailler. C'est ce que je me plais à répéter. En tant que médecin, j'aimerais avoir un tampon que je puisse appliquer sur toutes les feuilles que je dois remplir. Qu'il s'agisse de travailler à temps plein ou à temps partiel, nous devrions faire tout notre possible pour permettre à ces personnes de faire ce qu'elles peuvent faire car, comme vous l'avez dit, cela a des effets positifs énormes dans toutes sortes de domaines, notamment en ce qui concerne l'estime de soi. Je n'ai pas encore rencontré quelqu'un qui préfère rester à la maison à attendre un chèque. Je ne crois tout simplement pas que de telles personnes existent parce que toutes préfèrent vraiment être actives.
Je crois que le comité souhaite ardemment trouver des réponses aux questions que vous avez posées et offrir des stratégies vraiment utiles pour rendre possible, comme vous l'avez dit, le fait de se réaliser et, lorsqu'il s'agit de faire partie de la population active, nous devrions trouver des encouragements et des façons de le faire.
• 1610
J'ai eu le plaisir de participer, la semaine dernière, à une
conférence plurigouvernementale au nom du comité et notamment à une
petite séance concernant les personnes handicapées et l'union
sociale. Il est clair que ce groupe estime depuis longtemps que
lorsqu'il y a des problèmes de compétence, la tendance est
généralement de ne rien faire. Et dans les domaines où il y a
encore plus de problèmes de compétence, comme celui des Autochtones
handicapés, on ne fait vraiment rien parce que c'est très
difficile.
Voilà pourquoi nous avons de grands espoirs en ce qui concerne l'union sociale et notre table ronde de la semaine prochaine. Nous espérons pouvoir vous proposer des réponses aux questions que vous avez posées et ensuite agir car, comme vous le savez fort bien, nous estimons, comme la communauté, qu'on a beaucoup consulté mais qu'il faudrait en fait avoir quelques stratégies réelles pour agir. C'est ce qui est extraordinaire avec ce comité, chacun de ses membres est très motivé et veut vraiment obtenir des résultats. Je vous remercie donc d'être venu.
Avez-vous une autre question?
Mme Deborah Grey: Je terminerai en répétant qu'il y a vraiment urgence dans ce domaine. On a dit qu'on désespérait un peu du temps que toute cette opération va prendre; ce n'est pas seulement notre cas, c'est aussi celui de la communauté des handicapés. Je pense aussi aux victimes de l'hépatite C. Depuis qu'on est arrivé à une entente l'année dernière, des centaines de personnes sont décédées. Nous ne voulons pas que cela se produise lorsqu'on dit qu'il y a vraiment urgence et qu'on commence à peine le processus. Combien de personnes vont encore mourir d'ici que l'on propose des solutions brillantes? Je pense qu'il y a vraiment un sentiment de désespoir et d'urgence dans la communauté des handicapés et pas seulement autour de cette table.
La présidente: Merci beaucoup.
M. Paul Martin: Merci à tous.
La présidente: Je pense que nous allons suspendre nos travaux.
La présidente: Peut-être qu'en attendant la ministre, nous allons demander à Mary Frances de nous parler un peu de l'exposition-conférence de mercredi soir.
Mme Mary Frances Laughton (chef, Bureau de l'industrie des appareils et accessoires fonctionnels, Industrie Canada): Il y a 22 entreprises canadiennes, certaines viennent de Colombie-Britannique, d'autres de Terre-Neuve et de toutes les régions qui sont situées entre les deux. Elles vont nous faire la démonstration de 36 types différents de technologie fonctionnelle. Nous avons des technologies pour les aveugles, pour les malvoyants, pour les malentendants, pour les sourds, pour les handicapés physiques, pour l'agilité, pour les troubles d'apprentissage et aussi des technologies plus générales.
La plupart des technologies qui seront exposées ont été mises au point en partenariat avec Industrie Canada, mais pas toutes. Les chefs d'entreprises du secteur ont hâte de venir vous rencontrer pour vous montrer ce qu'ils ont à proposer.
Nous indiquons le prix dans tous les cas pour que les intéressés sachent combien il va leur en coûter de se doter de cette technologie et nous avons toutes sortes de jeux que le public pourra utiliser. À la façon dont nous organisons l'exposition, il sera possible d'essayer effectivement la technologie. J'ai vraiment hâte, tout comme le secteur de l'industrie concerné. Les chefs d'entreprises sont vraiment très heureux d'avoir l'occasion de vous rencontrer pour vous montrer toutes les belles choses qu'ils ont à proposer.
La présidente: Le ministre viendra-t-il?
Mme Mary Frances Laughton: Non, le ministre est en Suède. Cela l'a beaucoup contrarié et il m'a demandé pourquoi je n'avais pas organisé cela un jour où il n'était pas en Suède. Je lui ai suggéré de ne pas aller en Suède. Mais je n'ai pas obtenu de réponse positive.
La présidente: Ça paraît très intéressant. Merci infiniment. Cela représente une somme énorme de travail.
Mme Mary Frances Laughton: Je voulais vous dire aussi que la plupart de ces entreprises se trouvent dans les régions où vous avez vos bureaux. L'une des entreprises qui ne pourra pas venir est d'Edmonton et s'appelle Madenta. Elle aimerait beaucoup pouvoir faire ce que m'a suggéré le Dr Bennett, c'est-à-dire avoir des mini-foires commerciales à l'échelle locale. Dans mon bureau, nous serons heureux de travailler avec les responsables de vos bureaux pour ce genre de choses. Nous sommes en train d'organiser une telle activité à Toronto avec les responsables du bureau du Dr Bennett pour le mois de mai.
Il s'agira donc d'entreprises locales et de technologies locales, mais je pense que de telles manifestations seraient très utiles à vos électeurs et nous serions très heureux de vous aider à les organiser. Comme je l'ai déjà dit, nous sommes un tout petit bureau, mais nous essayons vraiment de faire passer le message. Aussi, si nous pouvons vous être utiles, n'hésitez pas à nous le faire savoir.
La présidente: C'est un petit exemple, mais nous avons décidé d'avoir une réunion locale à St. Paul's et Mary Frances organisera pour cela une petite exposition-conférence. Lorsque nous avons cherché un endroit pour cet événement, nous avons vu qu'il y avait une école communautaire pour les sourds dans ma circonscription et nous avons donc décidé de la faire là. Nous allions signer le contrat lorsque nous avons constaté qu'il n'y avait pas d'accès pour fauteuils roulants. Je n'en suis vraiment pas revenue. C'est un exemple de ce que... Voilà donc une école pour les sourds qui n'a pas de rampe pour les fauteuils roulants. J'ai trouvé ça difficile à accepter.
Une voix: Elle aura donc lieu ailleurs.
La présidente: Oui, nous changeons d'endroit.
Mme Mary Frances Laughton: Quoi qu'il en soit, je tiens à vous remercier de votre aide et j'espère avoir le plaisir de vous voir tous mercredi soir prochain.
Mme Deborah Grey: Je dois vous dire, Mary Frances, que je viens de recevoir un appel de la Colombie-Britannique; le chef de mon parti m'a chargée de certaines choses et je ne pourrai donc pas y venir. J'en suis très attristée.
Mme Mary Frances Laughton: Nous vous raconterons tout.
Mme Deborah Grey: Et j'ai quelqu'un de mon caucus qui va me remplacer et qui va vous aider pour la table ronde aussi.
Mme Mary Frances Laughton: Peut-être que nous en organiserons une autre juste pour vous.
Mme Deborah Grey: Ce ne sera peut-être pas aussi prestigieux que la Suède.
Mme Mary Frances Laughton: Je regrette que vous ne puissiez y être.
Mme Deborah Grey: Merci du travail que vous avez fait.
La présidente: Elle vous aidera à en organiser une dans votre circonscription.
Mme Deborah Grey: Oui et peut-être qu'alors on pourra faire venir Madenta.
La présidente: Bonjour, madame la ministre. Comme vous le savez, onze ministres vont comparaître devant le comité.
L'honorable Anne McLellan (ministre de la Justice et procureure générale du Canada): À quelle place est-ce que je me situe?
La présidente: Vous êtes numéro un.
Mme Anne McLellan: Dans vos coeurs du moins.
M. Andy Scott: Vous êtes le septième numéro un.
Mme Anne McLellan: J'imagine que c'est ce que vous avez dit à tous les ministres.
La présidente: Nous sommes très heureux de vous accueillir. Comme vous le savez, nous pensons que la question des personnes handicapées constitue un gros problème en matière de droits de la personne et nous sommes heureux que vous soyez venue.
Mme Anne McLellan: Merci beaucoup.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui. À titre de ministre de la Justice, je viens ici vous donner un compte rendu du travail accompli par mon ministère au bénéfice des personnes handicapées.
Mon collègue M. Pettigrew est le ministre responsable des questions concernant les personnes handicapées. Il a déjà comparu devant votre comité et vous a fourni beaucoup de renseignements utiles se rapportant au document À l'unisson et à sa vision d'une stratégie fédérale concernant les personnes handicapées.
Mon ministère s'est engagé à promouvoir l'équité et la pleine intégration des personnes handicapées dans tous les aspects de la société canadienne, y compris le système canadien de justice.
[Traduction]
La plupart des textes de loi qui relèvent de ma compétence ont déjà été étudiés. Il s'agit notamment du projet de loi C-78 qui portait modification du Code criminel en 1992, et plus récemment du projet de loi S-5, plus général, qui portait modification de la Loi sur la preuve au Canada, du Code criminel et de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Le projet de loi S-5 est entré en vigueur, vous vous en souvenez sans doute tous, le 30 juin 1998. Ce dispositif modifiait la Loi sur la preuve au Canada afin d'autoriser l'aide à la communication dans les cours criminelles pour les personnes qui ont des besoins particuliers pour communiquer et d'autres méthodes l'identification de l'accusé que le moyen traditionnel de l'identification visuelle, c'est-à-dire une identification auditive et tactile.
Le projet de loi S-5 a apporté trois modifications importantes au Code criminel. Une nouvelle disposition prescrit qu'une vidéocassette, réalisée peu après l'infraction présumée, d'une personne qui a des problèmes pour communiquer est acceptable au tribunal.
Plusieurs modifications permettent aux personnes handicapées de faire partie d'un jury sans qu'il y ait autant de problèmes, notamment une déclaration de principe générale selon laquelle un handicap physique ne peut pas être le motif d'une exclusion si la personne est capable de faire partie d'un jury avec de l'aide. Des modifications connexes prévoient la présence d'un interprète ou d'un assistant pour aider le juré handicapé. Par exemple l'interprète ou l'assistant est tenu par la loi de ne pas révéler les délibérations du jury.
• 1630
Une nouvelle infraction hybride a été créée pour
l'exploitation sexuelle de certaines personnes handicapées qui
peuvent être particulièrement vulnérables en raison du lien de
dépendance qui les lie au délinquant. Les personnes handicapées qui
font l'objet de mauvais traitements de la part de leurs soignants,
que ce soit dans des institutions ou à leur propre domicile,
pourraient invoquer cette disposition, en plus des dispositions qui
existent déjà dans le Code criminel pour les agressions sexuelles,
afin d'obtenir justice.
Le projet de loi S-5 contenait également des amendements à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Pour les personnes handicapées, l'aspect principal de ces réformes était que l'on mentionne le devoir d'intégration.
Enfin, comme vous le savez déjà, le 8 avril 1999, j'ai annoncé que l'étude de la garantie des droits de la personne au Canada allait commencer au cours du mois. Cette étude consistera à procéder à l'examen et à l'analyse de la Loi canadienne sur les droits de la personne et des politiques et pratiques de la Commission canadienne des droits de la personne. Cette étude permettra de donner suite aux recommandations du vérificateur général qui figurent dans son rapport de 1998 sur la Commission canadienne des droits de la personne, à savoir que le système des droits de la personne devienne plus efficace lorsqu'il s'agit de traiter les allégations de discrimination.
L'étude comportera un examen de l'objet et des motifs, y compris le handicap, afin de vérifier que la Loi canadienne sur les droits de la personne est conforme à la conception moderne de ces droits et aux principes d'égalité; une vérification pour voir si la portée et le domaine d'application de la loi sont suffisants, et on étudiera notamment les exceptions qui y figurent; un examen du modèle fondé sur les plaintes et les recommandations qui en découlent en vue de changer le modèle pour améliorer la protection contre les discriminations individuelles et systémiques et pour rendre le système plus efficace; et enfin un examen des pouvoirs et des procédures de la Commission canadienne des droits de la personne et du Tribunal des droits de la personne.
Les personnes handicapées tireront certainement profit, comme tous les autres Canadiens d'ailleurs, de la solidité et de l'efficacité accrues de la Commission canadienne des droits de la personne et du Tribunal des droits de la personne.
Je tiens à préciser que mon ministère n'a pas seulement examiné la législation qui relève de ma compétence dans le but de garantir la protection des personnes handicapées, mais il est encore allé plus loin en considérant sous l'angle des personnes handicapées certains amendements nouvellement proposés qui sont moins directement liés à ces personnes.
Par exemple, le 15 avril 1999, j'ai déposé le projet de loi C-79 concernant les victimes de crime. Ce projet de loi porte modification du Code criminel en permettant aux victimes et aux témoins qui ont des handicaps psychiques ou physiques d'avoir des personnes pour les aider à côté d'elles ou à proximité lorsqu'elles témoignent.
Le projet de loi C-79 permet également aux victimes de lire leur déclaration de victime ou de la présenter d'une autre façon, selon ce que le tribunal jugera indiqué. Cela permettrait aux victimes sourdes, par exemple, de présenter leur déclaration de victime en langage gestuel, si elles le souhaitent.
Enfin, j'accorderai mon soutien au cours des prochains mois à mon collègue, M. Pettigrew, dans le but d'énoncer et de mettre en oeuvre les principes qui figureront dans la nouvelle stratégie fédérale relative aux personnes handicapées.
En conclusion, je suis heureuse d'être venue aujourd'hui vous dire brièvement ce qui a été fait au ministère de la Justice pour répondre notamment aux recommandations du Groupe de travail Scott concernant les Canadiens handicapés. Je tiens à rendre hommage non seulement à l'engagement durable de M. Scott dans ce domaine, mais également à l'excellent rapport qu'il a écrit avec d'autres, après de nombreuses discussions et consultations avec les communautés de personnes handicapées du Canada.
Je dirai, au nom du ministère de la Justice, que nous avons essayé de mettre en oeuvre intégralement les recommandations du Groupe de travail Scott s'adressant au ministère de la Justice. Nous savons toutefois que nous faisons partie d'une équipe et chaque fois qu'il sera possible d'offrir notre aide, notamment au ministre Pettigrew, nous le ferons. Nous sommes toujours prêts à accepter des suggestions sur ce que notre ministère pourrait faire de plus pour être plus accessible et ouvert aux Canadiens handicapés, mais aussi pour que cela soit le cas pour les aspects du système de justice canadien qui relèvent de notre compétence.
Je vous remercie encore une fois de m'avoir demandé de comparaître aujourd'hui. Je serais très heureuse de recevoir vos observations, suggestions ou questions.
La présidente: Merci beaucoup, madame la ministre.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Madame la présidente, pourriez-vous m'accorder la parole en priorité? M'autorisez-vous à parler rapidement?
La présidente: Oui.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je considère que la question que je soulève est une question de privilège. Je remercie la ministre d'avoir pris la peine de nous lire quelques paragraphes en français, mais je trouve inacceptable qu'un document qui émane d'un cabinet fédéral soit presque uniquement en anglais. La Loi sur les langues officielles existe et je tiens à vous dire que je trouve cela absolument inacceptable. Je me sens handicapée. J'ai pu comprendre vos propos parce que je connais bien l'anglais, mais la loi n'existe pas à cette fin. Le document aurait dû nous être présenté dans les deux langues officielles. Je regrette qu'il n'en ait pas été ainsi. Voilà, c'est tout.
[Traduction]
Mme Anne McLellan: Ma foi, je suis désolée, c'était un document qui était destiné à mon usage personnel. Nous l'avons fourni aux interprètes et à d'autres personnes qui nous l'ont demandé aujourd'hui, mais ce n'est pas un document officiel à proprement parler. Il n'était destiné qu'à mon usage personnel, ce qui explique sa présentation. Mais je serais certainement heureuse de faire en sorte que des exemplaires de ce document, de mes remarques vous soient fournis car je suis d'accord avec ce que vous avez dit. Mais je suis venue en fait aujourd'hui avec ces... Ce sont mes notes personnelles et nous les avons distribuées à la demande de Mme Grey. Mais je serais certainement heureuse de vous les faire parvenir dans les deux langues officielles.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il existe une règle non écrite selon laquelle les documents ne sont généralement distribués que lorsqu'ils sont disponibles dans les deux langues officielles.
[Traduction]
Mme Anne McLellan: Vous avez raison.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: D'autant plus que je vous adore.
[Traduction]
Mme Anne McLellan: Je n'avais pas prévu de distribuer ce document. Je m'en excuse. Cela ne se reproduira pas.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.
[Traduction]
Mme Deborah Grey: Permettez-moi de dire un mot, Anne, puisque vous m'avez mentionnée. J'en ai demandé une copie par habitude, parce qu'on nous en donne en général. Mais quelqu'un avait déjà photocopié ce document bien avant que je ne le demande. Cela n'a pris que deux minutes lorsque j'ai demandé si des copies étaient disponibles et vous—ou quelqu'un de votre ministère—aviez déjà envoyé quelqu'un faire des photocopies. Ce n'est donc pas à ma demande que cela a été fait... Les photocopies avaient été faites bien avant que je n'en demande une.
La greffière du comité: J'en ai fait faire cinq copies pour les interprètes qui sont dans les cabines et c'est de là que sont venues les photocopies.
Mme Anne McLellan: Je suis désolée, je vous prie de m'excuser. Et soyez sûre que cela ne se reproduira pas.
La présidente: En tant que présidente, j'estime qu'on aurait peut-être dû poser la question au comité pour savoir quelles étaient ses intentions et s'il fallait distribuer les remarques de la ministre étant donné qu'elles n'étaient pas dans les deux langues officielles. Elles ont été distribuées sans qu'il y ait décision du comité.
Mme Deborah Grey: Ne va-t-il pas de soi que, lorsque les ministres font des exposés, les notes soient distribuées? C'est la première fois que je vois un ministre... Libre à vous bien sûr d'utiliser vos propres notes pour l'allocution, parce que je peux prendre des notes, et je l'ai fait de toute façon.
Mme Anne McLellan: Comme je l'ai dit, je vous fournirai une copie en français.
La présidente: Proposez-vous que lorsqu'on demande aux ministres de venir, on exige expressément ou pensez-vous...
Mme Deborah Grey: Les ministres comparaissent devant des comités tous les jours.
La présidente: Oui.
Mme Deborah Grey: N'est-ce pas là une tradition non écrite?
La présidente: Je ne crois pas. Mais nous pouvons nous renseigner, si vous préférez.
Nous souhaitons également la bienvenue aux fonctionnaires...
Mme Anne McLellan: Il s'agit de Carole Théberge et Yvan Roy, tous deux du ministère de la Justice.
La présidente: Très bien. Merci beaucoup.
Deborah.
Mme Deborah Grey: Bon. Qu'on ait les notes ou non, j'aimerais poser quelques questions.
Vous avez parlé de l'étude en cours. Combien de temps pensez-vous qu'elle dure? A-t-on fixé un délai?
Mme Anne McLellan: En effet. L'étude doit être terminée le 1er avril 2000. C'est-à-dire un an—douze mois—après la constitution de la commission d'examen.
Mme Deborah Grey: Est-ce bien sûr?
Mme Anne McLellan: Ma foi, c'est le mandat que je lui ai donné.
Mme Deborah Grey: Très bien.
En ce qui concerne le projet de loi C-79, le projet de loi sur les victimes de crime que vous avez déposé récemment, je trouve simplement un peu extraordinaire que l'on doive insérer une telle chose. Il me semble qu'on devrait automatiquement accorder de l'aide, qu'il s'agisse d'un interprète ou autre, à quelqu'un qui en a besoin pour faire sa déclaration de victime. Cela ne s'est-il pas produit jusqu'ici? Est-il nécessaire d'avoir une mesure législative de ce genre?
Mme Anne McLellan: M. Roy, qui travaille à la section du droit pénal, vous donnera des détails sur le sujet.
Je pense en fait que dans de nombreux domaines du droit pénal... Par exemple, si vous prenez la question de la capacité d'une personne handicapée à faire partie d'un jury, notre droit pénal et notre système de justice pénale ne tiennent pas vraiment compte des besoins des handicapés pour leur permettre de participer pleinement à tous les aspects de la vie, y compris à titre de citoyens au système de justice pénale, par exemple, à titre de jurés.
Encore une fois, pour la déclaration de la victime, si la loi l'autorise actuellement, elle est faite par écrit. Mais si on donne la possibilité, comme c'est le cas dans la nouvelle législation concernant les victimes, à ces victimes de lire leur déclaration devant le tribunal si elles le préfèrent, notre système doit en tenir compte et prévoir le cas des personnes qui sont sourdes, par exemple. Nous voulons donc faire en sorte qu'il n'y ait pas de malentendu et que, si la victime d'un crime est sourde, et souhaite faire une déclaration, il n'y ait pas de malentendu. Si cette personne veut comparaître devant le tribunal pour faire cette déclaration à l'aide du langage gestuel, elle a le droit de le faire. On ne peut lui opposer un refus et l'avocat de la défense, ou quelqu'un d'autre—l'avocat de la Couronne peut-être, mais plus vraisemblablement l'avocat de la défense, ne peut s'y opposer.
Monsieur Roy, peut-être souhaitez-vous dire quelque chose sur le sujet de l'assistant.
M. Yvan Roy (avocat général principal, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Certainement.
Mme Deborah Grey: Permettez-moi de vous demander ceci d'abord. Voulez-vous dire qu'on a déjà opposé un refus à quelqu'un de votre connaissance?
Mme Anne McLellan: À quel sujet?
Mme Deborah Grey: Au sujet de l'exemple que vous avez donné concernant la personne qui souhaite venir avec un interprète parce qu'elle veut faire sa déclaration en langage gestuel, par exemple.
Mme Anne McLellan: En ce qui concerne la déclaration de la victime, jusqu'aux amendements que l'on vient de proposer à la loi, on ne pouvait pas lire sa déclaration de victime.
Mme Deborah Grey: On opposait donc des refus.
Mme Anne McLellan: Personne n'y était autorisé.
M. Yvan Roy: Le problème que pose le libellé actuel du code est que les termes employés sont très précis. Je ne voudrais pas qu'on croie que j'interdis actuellement aux juges de permettre à ceux qui souhaitent utiliser le langage gestuel de le faire pour leur présenter leur argumentation en disant en gros que cela n'est pas possible. Et je suis sûr que la ministre ne voudrait pas non plus que l'on croie qu'elle interdise cela. Mais à la façon dont le code est rédigé, il est très précis et je crois qu'on peut dire à juste titre qu'il serait difficile à ces personnes de présenter leur cause.
L'effet de l'amendement à l'article 722 est d'avoir un libellé suffisamment souple pour donner à ces personnes la possibilité de présenter leur cause devant le tribunal. À l'heure actuelle, vous ne pouvez pas lire votre déclaration devant le tribunal et encore moins comparaître devant lui en ayant recours au langage gestuel ou à quelque chose qui va permettre au tribunal de vous comprendre, quel que soit votre handicap.
Quant aux assistants que la ministre a mentionnés dans ses déclarations préliminaires, pour l'instant il est clair que les personnes handicapées ne peuvent pas bénéficier de cette aide parce que l'article est ainsi conçu qu'il ne s'applique qu'aux enfants de moins de 14 ans. La loi sera modifiée et doit être modifiée pour permettre ce genre de choses. C'est ce que propose la ministre dans le projet de loi C-79.
Mme Deborah Grey: Ne pensez-vous pas que c'est un peu tard pour adopter une telle mesure? On ne veut pas rouspéter sur les délais et le reste, mais en tant que ministre responsable de la Loi canadienne sur les droits de la personne... Voilà longtemps que nous parlons des droits de la personne et des handicaps. Il me semble que l'on a beaucoup tardé à présenter de telles mesures. Je vous félicite de l'avoir fait, mais je me demande combien de déclarations de victimes on aurait pu entendre au cours des dernières années, par l'entremise du langage gestuel, qui aurait sans doute changé les choses pour différentes affaires. Et on y pense seulement maintenant. Ne croyez-vous pas que c'est tragique?
Mme Anne McLellan: Je pense qu'il est juste de dire que notre système de justice pénale n'a pas toujours réagi aussi bien lorsqu'il s'agit d'inclure les personnes handicapées. Mais nous avons agi, je crois, avec la rapidité voulue après le Groupe de travail Scott. J'imagine qu'il y en a qui pourrait dire qu'il est dommage que, dans de très nombreux domaines, il ait fallu attendre l'occasion d'insister sur les défis que représente l'inclusion pour les Canadiens handicapés, mais je crois que nous devons être rassurés pour l'avenir du fait du Groupe de travail Scott. Ce que vous entendez de la plupart des ministères, c'est qu'il a été un catalyseur important et a fait avancer les choses dans un grand nombre de domaines différents.
• 1645
Je n'essaie certainement pas de justifier l'exclusion que
vivait autrefois les Canadiens handicapés dans certains aspects de
la vie canadienne, notamment le système de justice pénale, mais je
crois qu'il est important que nous agissions maintenant rapidement,
et c'est pourquoi nous avons fait ce que nous avons fait avec le
projet de loi S-5, et c'est pourquoi nous avons mis les
dispositions qu'il y a maintenant dans la législation relative aux
victimes. Je pense donc que cela constitue une amélioration
radicale de la situation pour les Canadiens handicapés puisqu'on
leur garantit ainsi une participation à part entière et à égalité
à la société canadienne. Mais ce sera un défi permanent et c'est
pourquoi je suis toujours prête à écouter ce qu'ont à dire les
personnes handicapées sur les obstacles pratiques qu'elles
rencontrent dans la vie courante pour pouvoir participer pleinement
au système de justice, car cela nous permet de voir ensuite comment
nous pouvons changer la législation.
Mme Deborah Grey: Andy, quand avez-vous déposé le rapport de votre groupe de travail?
M. Andy Scott: Il faut que je vérifie la date. C'était en octobre 1996.
Mme Deborah Grey: Si c'est ce que vous appelez la rapidité voulue, je comprends pourquoi la communauté des handicapés est... Nous parlions précisément il y a quelques instants avec Paul Martin du sentiment d'urgence et du sentiment de désespoir que ressent non seulement notre comité, mais que ressentent également les personnes handicapées.
Anne, lorsque vous dites que nous faisons cela avec la rapidité voulue, je sais bien qu'il faut un certain temps pour que les choses suivent leur cours dans le système, mais octobre 1996 semble simplement...
Mme Anne McLellan: Le projet de loi S-5 est entré en vigueur le 30 juin 1998. Voilà près d'un an qu'il a été adopté. En fait, si tous les partis avaient accepté de collaborer davantage à la Chambre, nous l'aurions adopté beaucoup plus rapidement.
Mme Deborah Grey: C'est ce qu'elle dit.
J'en ai terminé.
La présidente: Madame.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Madame la ministre, il y a un an que la loi S-5, qui nous oblige à tenir compte des besoins particuliers des personnes handicapées dans l'appareil judiciaire, est en vigueur. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire s'il y a eu des améliorations tangibles à ce niveau? Une période d'un an n'est peut-être pas suffisante pour obtenir de telles données. Je crois comprendre par votre langage non verbal que ce n'est pas le cas. Avez-vous prévu un mécanisme qui vous permettra de faire le bilan de cette loi? Vous avez fait allusion au fait qu'il nous faut parfois beaucoup de temps pour adopter certaines lois. J'aimerais savoir combien de temps il nous faudra pour savoir si les mesures préconisées correspondent bien aux besoins.
[Traduction]
Mme Anne McLellan: C'est une excellente question. Il ne faut pas oublier que la loi est entrée en vigueur il y a seulement un an et qu'il y a différentes façons qui nous permettent de mesurer l'étendue du problème et de voir dans quelle mesure nous avons réussi ou la loi a réussi à rectifier ce problème. On peut bien sûr voir les plaintes déposées devant le Tribunal des droits de la personne. On peut aussi se référer au travail de la commission, à ses services d'éducation et d'information. Elle rencontre régulièrement des groupes comme les Canadiens handicapés, ce qui nous permet d'obtenir de l'information. On peut aussi se référer à ses rapports annuels. Elle vient évidemment de publier le rapport annuel pour l'année écoulée.
Cela nous aide donc tous à comprendre les défis que rencontrent les Canadiens handicapés et à constater si l'on s'acquitte avec la rapidité voulue et l'attention nécessaire de notre devoir d'intégration, qu'il s'agisse de nous en tant que gouvernement ou du secteur privé assujetti à la réglementation fédérale.
Mais je pense que votre question est utile pour ce qui est de savoir si l'on essaie de mettre au point un mécanisme au sein de notre ministère plutôt qu'au niveau de la commission, qui est bien sûr indépendante, qui est une organisation indépendante du gouvernement, et qui a pour fonction générale d'évaluer les résultats de l'application de la législation relative aux droits de la personne, de voir si elle atteint ses objectifs et dans la négative, de voir quels sont les problèmes.
• 1650
Vous avez raison de dire qu'avec toute nouvelle législation,
il est utile—pour nous aussi—de savoir ce qu'il en est, en dehors
de la commission, de façon plus systématique qu'actuellement, en
s'adressant aux organisations de personnes handicapées et aux
Canadiens handicapés individuellement; de vérifier dans quelle
mesure cette législation change, si elle change quelque chose, leur
capacité d'avoir accès à un emploi dans certaines situations, à des
services récréatifs d'un autre type, selon le cas, sans oublier que
nous ne nous occupons que de la compétence fédérale.
Mais vous avez raison et je crois en fait que ce sera la Commission des droits de la personne qui va assumer en grande partie la responsabilité de vérifier si le projet de loi S-5, les amendements qu'il contient, atteignent leur objectif et dans le cas contraire, de nous signaler que ce n'est pas le cas.
Carole, voulez-vous ajouter quelque chose?
[Français]
Mme Carole Théberge (conseillère juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Oui. Lors de nos consultations qui ont mené au projet de loi S-5, nous nous sommes basés sur les témoignages de personnes qui ont exprimé leurs besoins et nous avons cherché à y satisfaire. Toutefois, aucune personne n'était en mesure de nous fournir des statistiques, et nous avons donc dû nous baser sur des anecdotes. Lorsque nous évaluerons les répercussions de la loi, nous devrons agir un peu de la même manière.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: On prévoit mener une enquête en 2001 en vue de faire une évaluation de la mobilité des personnes handicapées. Serait-il possible que vous y incluiez certaines questions qui vous permettraient d'aller chercher des données relatives aux difficultés que ces personnes peuvent rencontrer dans l'appareil judiciaire? Ce n'est qu'une suggestion, et j'ignore si ce serait possible, mais peut-être que oui.
[Traduction]
Mme Anne McLellan: Certainement.
La présidente: Je crois que c'est ce qui intéresse le comité. En fait la différence avec la législation américaine concernant les personnes handicapées vient en gros de ce qui figure dans notre charte pour ce qui est de procéder au cas par cas. Je crois que ce qui a semblé intéressant au comité, c'est de savoir s'il y a moyen de procéder à une vérification préventive pour vérifier si l'on intègre les Canadiens handicapés, comme cela est prévu dans le projet de loi S-5, sans que cela doive se faire au cas par cas. Que pourrait-on envisager? Est-ce que ce serait un bon début que de vérifier, en posant de bonnes questions à la Chambre, quelle est l'ampleur de l'application ou quel est l'effet véritable des problèmes? Cela pourrait en fait justifier que l'on essaie de créer une sorte de bureau de vérification.
Mme Anne McLellan: L'effet des problèmes... Je crois qu'on pourrait aussi envisager la chose en commençant à l'autre bout, en voyant ce qu'il en est, par exemple, auprès des employeurs, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou des entreprises du secteur privé assujetties à la réglementation fédérale, et en leur demandant de prêter également attention aux amendements prévus dans le projet de loi S-5. Qu'avons-nous fait dans nos ministères en tant qu'employeurs importants—nous sommes sans doute le plus gros employeur du Canada—et que faisons-nous pour nous assurer que les engagements pris dans le projet de loi S-5 sont bien respectés?
La présidente: Y a-t-il quelque chose dans le mandat de la commission chargée de l'examen de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui lui permette d'envisager un type quelconque de vérification? Y a-t-il quoi que ce soit dans le mandat...
Mme Anne McLellan: La Commission des droits de la personne peut choisir tous les mécanismes ou méthodes qu'elle veut pour vérifier si la Loi sur les droits de la personne atteint l'objectif recherché. Rares sont les limites qui s'appliquent à la capacité de la commission de publier des rapports ou de faire des vérifications, ou de procéder à toutes sortes d'autres choses, pour voir si la Loi canadienne actuelle sur les droits de la personne atteint son but.
La présidente: Cela pourrait donc faire partie de l'examen...
Mme Anne McLellan: Oui.
La présidente: ... pour vérifier s'il est nécessaire d'agir de façon préventive...?
Mme Anne McLellan: Oui, oui, absolument.
La présidente: Wendy est la suivante. Wendy avait en fait un exemple je crois de situation embarrassante qui s'est même produite à la Chambre des communes et qui...
Mme Wendy Lill: Je trouve que nous parlons de choses terriblement intéressantes. L'idée de tout ce modèle qui se fonde sur les plaintes que les gens peuvent déposer, à titre individuel, incessamment... Je crois que pendant les activités du Groupe de travail Scott, il y a eu un membre—je n'y étais pas—qui n'a pas cessé pendant toutes les audiences de rencontrer obstacle après obstacle. Nous ne voulons pas que nos citoyens handicapés fassent des plaintes leur modus vivendi.
Alors cette idée d'inverser les choses et de... Peut-être qu'on devrait dire qu'au bout de trois fois, on est éliminé. Je ne sais pas. Comment faire en sorte que l'on ne trouve pas toujours le même—quel est le mot?—je parlais des personnes qui violent sans arrêt les droits de quelqu'un, qu'il s'agisse d'une compagnie de transport, d'une institution publique, ou autre? Comment nous assurer que ces compagnies ou institutions ne puissent pas continuer à le faire?
Mme Anne McLellan: En fait le système se fondant sur les plaintes constitue une façon de nous assurer de cela. Un tel système a bien sûr ses avantages, mais il est clair qu'il entraîne des coûts pour ceux qui déposent des plaintes. La commission elle-même peut jouer un rôle important pour vérifier le respect des dispositions, et elle joue en fait un rôle important d'éducation et d'information auprès de ceux qui sont régis par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous assumons en réalité ce rôle d'éducation et d'information à l'égard de ces personnes au sein de notre ministère. Il ne faut donc pas nécessairement qu'il y ait des plaintes pour lancer le processus.
Mme Wendy Lill: Que répondez-vous à ceux qui ne croient plus en la Commission des droits de la personne parce qu'elle est trop lente, trop bureaucratique, trop impossible à pénétrer, et parce qu'elle ne s'inquiète pas de tout cela en temps ordinaire? Que répondez-vous à cela?
Mme Anne McLellan: Lorsque vous dites qu'elles ne croient plus en la commission, est-ce lorsqu'il s'agit de déposer une plainte?
Mme Wendy Lill: Oui.
Mme Anne McLellan: On doit donner suite à toute plainte. J'aimerais bien le savoir en fait—étant donné que c'est moi qui recommande au premier ministre et au gouvernement du Canada des personnes pour qu'elles soient nommées au tribunal—si certaines personnes ont à se plaindre de ce que l'on ne se soit pas occupé de leur affaire dans un délai raisonnable. Je serais tout à fait prête à demander à la commission pourquoi c'est le cas, parce qu'à mon avis, il nous faut entre autres veiller à ce que l'on donne suite dans un délai raisonnable à toute plainte qui a été déposée, à ce que cela soit fait de façon efficace, même si la réponse est en définitive négative, il ne doit pas y avoir de discrimination ouvrant droit à une poursuite. C'est une chose qu'il est important que les intéressés sachent. Il est important que les intéressés sachent que leur plainte est traitée avec respect.
J'aimerais vraiment que vous me signaliez les cas, si vous en avez, où les intéressés ont estimé que leur plainte n'avait pas été traitée dans un délai raisonnable. Le résultat final est une toute autre affaire, mais nous avons une instance quasi-judiciaire qui décide du résultat et des procédures d'appel. J'aimerais savoir s'il y a des personnes qui estiment que la structure actuelle de la commission et du tribunal ne répond pas à leurs besoins de façon efficace.
Je pense en fait que l'examen permettra... Au cours de l'année, j'espère que la commission d'examen aura l'occasion, dans ses déplacements dans tout le pays, de donner audience à des Canadiens qui ont une opinion ou des expériences à signaler en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne, la commission et/ou le tribunal. J'espère que ces personnes se présenteront, soit en personne soit par écrit ou autrement, à leur convenance, pour participer à cet examen afin que cet exercice permette aux membres de la commission d'avoir des éléments sur lesquels fonder les recommandations qu'ils m'enverront à la fin de l'année.
Mme Wendy Lill: Y a-t-il des personnes handicapées au sein de la commission d'examen? Certains membres sont-ils handicapés?
Mme Anne McLellan: Non. Lorsque je dis non... Très souvent, cela dépend de la nature du handicap... Nous savons qu'il y a plus de quatre millions de Canadiens—est-ce bien ce chiffre, Andy?—qui sont considérés comme ayant un handicap, sous une forme ou sous une autre. Mais beaucoup ne le signalent pas parce que c'est pour eux une question personnelle. Dans d'autres cas, c'est assez évident. Je dirais donc non, autant que je sache, mais je n'essaie pas de me renseigner sur la situation particulière des différentes personnes.
Mme Wendy Lill: Je pose la question parce que les personnes handicapées nous disent sans cesse qu'elles ne participent pas à la prise de décisions, qu'on continue à oublier de les inclure alors qu'on ne fait que parler de leur vie.
J'ai reçu une visite très intéressante la semaine dernière—et peut-être que d'autres députés l'ont reçue aussi—d'un député ougandais handicapé. Il y a dans ce pays des députés qui représentent le groupe de la promotion sociale, des députés handicapés, des députées, des députés syndicalistes. J'ai trouvé très intéressant qu'ils aient en fait... Je ne veux pas dire que je crois dans ce modèle.
Mme Anne McLellan: Non, mais c'est un modèle intéressant. Il traite les problèmes de représentation d'une autre manière.
Mme Wendy Lill: C'est un modèle très intéressant lorsqu'on pense... Il a dit que c'était en fait une façon de lancer le processus, de se mettre très rapidement à jour sur les différents problèmes, parce qu'ils estiment être en retard. C'est simplement une observation intéressante sur la façon de voir les choses en face rapidement lorsqu'il s'agit de handicaps.
J'ai beaucoup de questions, mais je vais me contenter de vous en poser une qui m'intéresse. L'un des problèmes les plus difficiles que je connaisse, c'est celui du traitement équitable réservé aux handicapés mentaux dans le système de justice pénale, surtout lorsqu'il s'agit de jeunes contrevenants handicapés. J'aimerais savoir quelle importance vous avez accordée aux jeunes Canadiens ayant un handicap mental dans les changements à la Loi sur les jeunes contrevenants que vous avez annoncés récemment.
Mme Anne McLellan: Je vais laisser Yvan vous donner plus de détails, mais je crois qu'il est juste de dire que pour les jeunes contrevenants qui ont un quelconque handicap mental, on puisse espérer—et c'est pourquoi la prévention est l'un des trois piliers de notre nouveau système de justice pour la jeunesse—que l'on identifie ceux qui ont un handicap très tôt pour travailler avec leur famille et avec les jeunes en question, pour qu'avec l'intervention voulue, l'aide voulue, les soins voulus, ces jeunes ne contreviennent pas à la législation pénale. Je crois que ça doit être notre objectif, surtout lorsqu'il s'agit d'une jeune personne qui souffre d'un handicap mental comme le SAF. Il est très important d'identifier cette personne suffisamment tôt. Il est important de travailler avec elle et avec sa famille pour tâcher d'éviter qu'elle n'ait maille à partir avec le système de justice pénale.
Mais lorsque de jeunes personnes ayant des handicaps mentaux sont en fait accusées... Car je ne dis pas que cela n'arrive pas. En fait, je ne sais pas quelle est la fréquence de ce phénomène. Peut-être qu'Yvan pourra nous en dire plus; je ne sais pas. Il s'agit encore une fois du système de justice pénale dans lequel le fait d'être mentalement apte est très important. Si l'on juge qu'une personne n'était pas apte mentalement, il y a alors tout un ensemble de mesures qui s'enclenchent et qui font partie du processus de justice pénale pour tenir compte du fait que la personne en question, tout en ayant causé un préjudice ou blessé quelqu'un, n'était pas apte mentalement au moment où l'acte a eu lieu.
Yvan, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Yvan Roy: La ministre a bien sûr tout à fait raison.
Mme Anne McLellan: Ça n'arrive pas très souvent.
M. Yvan Roy: Il n'y a absolument pas de différence dans le système, que vous soyez adulte ou enfant, pour ce qui est de votre aptitude éventuelle si vous devez être jugé par un tribunal, qu'il s'agisse du tribunal pour adolescents ou du tribunal pour adultes. Les mêmes règles s'appliquent.
Si on estime, à la fin du procès, que l'enfant n'est pas apte mentalement à subir un procès—c'est certainement une possibilité—ou qu'après le procès, on estime qu'au moment du délit, la personne avait des troubles mentaux, elle sera traitée en conséquence. Cela veut dire qu'elle ne sera pas incarcérée—loin de là. Elle sera traitée par le personnel médical pour être réinsérée dans la collectivité et devenir un citoyen ordinaire. On fera des efforts.
Est-ce qu'un grand nombre de mises en accusation se terminent de cette façon? Dieu merci, non, mais de temps à autre, il faut plaider au nom de ces jeunes contrevenants. Cela vaut pour les cas où le crime est particulièrement notoire. Je pense notamment à quelques affaires où les parents ont été tués par l'enfant. Si au moment du meurtre, l'enfant pensait agir au nom de Dieu, il va évidemment recevoir le même genre de traitement.
Mme Wendy Lill: Je vous demande pardon, je ne parle pas des malades mentaux, je parle d'enfants ou d'adultes qui ont des handicaps mentaux. On ne parle pas de gens qui souffrent de schizophrénie ou qui ont des hallucinations; on parle de gens qui ont des handicaps mentaux tels que le syndrome de Down—diverses formes de handicaps mentaux et intellectuels.
M. Yvan Roy: Les mêmes règles s'appliquent. Il faut être apte à commettre l'infraction. Si la personne souffre du syndrome de Down, par exemple, et qu'il est prouvé devant le tribunal, comme cela est prévu dans la loi, qu'elle ne savait pas ce qu'elle faisait, elle va être déclarée innocente, non coupable, en raison de son trouble mental. Cela dépend du trouble mental.
Si c'est un trouble affectif, il est vraisemblable que la personne soit jugée coupable, comme le serait un adulte. On peut espérer qu'en l'occurrence les autorités—et je sais que c'est le cas—qui sont chargées de la garde de la personne qui a commis l'infraction vont juger bon de lui offrir le traitement dont elle a besoin en l'occurrence. Cela se fait.
Mme Wendy Lill: C'est un domaine intéressant étant donné qu'il y a énormément de personnes handicapées qui sont en fait larguées dans les systèmes scolaires maintenant qu'on ne les garde plus dans des institutions. L'instruction est actuellement offerte à tous les enfants handicapés dans des salles de classe ordinaires où les services voulus n'existent pas.
Le genre de problèmes que l'on va donc voir de plus en plus, à mon avis—et il ne s'agit pas des problèmes du type de ceux que nous venons de connaître dans une école secondaire—sont la rage, le manque de communication, tout ce qui est dû au manque de services et à l'incapacité de communiquer avec le monde. Je tiens simplement à le signaler. Quel est le rôle de l'État lorsqu'il s'agit d'offrir l'aide nécessaire pour éviter que ces bombes à retardement n'arrivent devant les tribunaux?
Mme Anne McLellan: Cela relève en grande partie de la compétence provinciale. Les provinces ont la responsabilité première dans les domaines de la santé, des services sociaux et de l'éducation. Nous respectons bien sûr cela.
La participation fédérale dans ces domaines se fait essentiellement par l'intermédiaire des paiements de transfert et de choses comme la prestation fiscale pour enfants, grâce à laquelle on accorde des ressources supplémentaires aux familles à faible revenu lorsqu'une jeune personne a besoin d'un traitement. Si elle a besoin d'une école spéciale qui n'est pas offerte dans le système public, par l'intermédiaire des paiements de transfert, de la prestation pour enfants et d'autres mécanismes, nous faisons ce que nous pouvons dans le cadre de la compétence fédérale. Mais la fourniture de services dans ces domaines est presque exclusivement du ressort provincial.
• 1710
Je sais que les provinces reconnaissent ces défis. Par
exemple, les trois provinces des Prairies que sont l'Alberta, la
Saskatchewan et le Manitoba, ont commencé un programme très
important pour éviter en premier lieu les naissances d'enfants
atteints du SAF et pour mettre ensuite en place des programmes
d'aide et de thérapie pour les bébés qui présentent ce syndrome à
la naissance. On a mis en place un programme d'éducation ou
d'information. On procédera également à des études longitudinales
pour suivre ces enfants sur une période prolongée afin de voir
comment le système les traite, s'ils obtiennent les services dont
ils ont besoin, et dans certains cas, s'ils entrent en contact avec
le système de justice pénale et comment. Voilà un exemple de
stratégies de prévention que les provinces doivent de plus en plus
adopter en matière de services sociaux. Je félicite les trois
provinces des Prairies pour avoir été des chefs de file avec ce
genre de projet.
La présidente: Je crois que Deb a une petite question supplémentaire à poser.
Mme Deborah Grey: En ce qui concerne le SAF, pensez-vous que le gouvernement fédéral ait un rôle législatif à jouer plutôt que de dire que ces enfants naissent avec le syndrome et qu'on va les étudier pendant un certain nombre d'années? Étant donné qu'il s'agit d'un domaine de compétence provinciale, quelqu'un qui a vraiment un problème d'alcoolisme pourrait dire: «Bon, je suis au Manitoba et c'est maintenant chose impossible. Je m'en vais en Ontario.»
Le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer pour tenter de prévenir les naissances d'enfants atteints du SAF?
Mme Anne McLellan: Sans doute pas. Il y a une cause qui a fait jurisprudence au Manitoba qui concernait une femme enceinte. La loi qui a été contestée en l'occurrence était une loi provinciale. Il est peu vraisemblable que le gouvernement fédéral puisse adopter une loi qui soit jugée constitutionnelle, soit en raison de la répartition des pouvoirs, de la compétence provinciale, des droits prévus dans la charte ou des droits individuels.
Mon collègue, Allan Rock, est-il comparu?
La présidente: Oui.
Mme Anne McLellan: Le ministère de la Santé a plusieurs programmes prénatals importants. Je sais que dans ma propre ville il y a un programme qui est assuré par un organisme sans but lucratif et qui est destiné aux jeunes femmes de la zone afin de les aider à comprendre les risques qu'il y a à tomber enceintes et à continuer à boire et à prendre de la drogue. Ce programme est financé en partie par le ministère fédéral de la Santé.
Nous avons donc des rôles à jouer, mais ils relèvent du domaine de la prévention, qu'il s'agisse de la santé ou du système de justice pénale. Une grande partie de la prévention de la criminalité consiste à identifier les causes qui en sont à l'origine comme la santé, la pauvreté, le manque d'instruction et le sentiment de désespérance.
Au gouvernement fédéral, nous travaillons de façon plus intégrée entre ministères, notamment entre le ministère de la Santé, le nôtre et DRHC. Et par ailleurs le gouvernement fédéral essaie de travailler de façon plus intégrée tant avec les provinces qu'avec les organismes sans but lucratif dans toutes nos villes et collectivités pour ce qui concerne l'éducation, la formation, la prévention et le soutien des familles. Je crois que c'est la façon la plus utile d'agir face à certains de ces problèmes.
La présidente: Est-ce que le conseil de la prévention du crime a constaté un lien avec les maladies mentales ou les personnes handicapées?
Mme Anne McLellan: Rien de précis. La première étape de cette deuxième phase de la prévention du crime a identifié trois domaines essentiels de préoccupation: les jeunes; les femmes, et plus particulièrement la violence conjugale; et les Autochtones. Dans chacune de ces catégories, il pourrait très bien y avoir des programmes et des initiatives qui soient mises au point pour les problèmes qu'entraînent les handicaps mentaux.
Ce sont là les trois domaines cibles et dans chaque cas, les collectivités de tout le pays mettront au point des initiatives et des stratégies de prévention du crime. Mais il n'y a absolument rien qui empêche de mettre au point des stratégies qui portent sur les activités de prévention destinées aux jeunes qui souffrent du SAF, par exemple.
La présidente: Très bien.
Judi.
Mme Judi Longfield: Je suis en fait très contrariée de savoir que la commission d'examen ne compte pas de personnes handicapées. J'imagine que lorsqu'on étudie les droits d'une personne, qui mieux qu'elle, surtout lorsqu'il s'agit de handicap, toute cette idée... Il ne s'agit pas uniquement des droits de la personne mais également du respect de la dignité. J'ai récemment parlé à de très nombreuses personnes dans mon bureau de circonscription qui m'ont dit que nous avons fait des pas de géant pour ce qui est de l'accessibilité et de la mobilité, mais que nous sommes encore très en retard au chapitre du respect de la dignité des personnes, ne serait-ce que le fait de passer la sécurité dans les aéroports. C'est une expérience affreuse pour quelqu'un qui a un handicap de devoir subir des fouilles gênantes devant les autres passagers, par exemple.
J'imagine donc que si on envisageait de créer une commission d'examen, on ne pourrait pas à l'heure actuelle le faire sans intégrer un certain nombre de représentants des divers éléments de la société concernés si l'on devait s'occuper de la diversité raciale. C'est vraiment pour cela que je dis que le secteur des personnes handicapées est considéré comme accessoire alors qu'il devrait être au centre de nos préoccupations. Je m'en inquiète donc.
J'aimerais savoir comment on choisit les membres de la commission. Je veux parler de leurs connaissances, des critères, surtout dans ce cas particulier où ils doivent faire un examen des objectifs et des raisons de l'inclusion des personnes handicapées pour faire en sorte que... Nous avons admis qu'il fallait prendre cela en compte.
On a aussi mentionné le conseil de prévention du crime. Compte-t-il des personnes handicapées? Sinon, comment peut-on voir les choses sous l'angle des handicapés?
Mme Anne McLellan: En fait il n'y a plus de conseil de prévention du crime. Il n'existe plus. Le conseil constituait la première étape de l'initiative de prévention du crime du gouvernement et il a en fait publié trois rapports, comme M. Scott le sait fort bien, sur lesquels nous nous sommes fondés pour la phase deux. Il n'y a donc en fait plus de conseil pour la prévention du crime.
Ce conseil avait été créé par mes collègues, le solliciteur général de l'époque, M. Gray, et le ministre de la Justice de l'époque, M. Rock. Je ne connais pas tous les membres. M. Scott me dit qu'il y avait quelqu'un qui représentait la communauté des handicapés. Mais cet organisme n'existe plus.
Pour ce qui est de l'examen de la Loi canadienne sur les droits de la personne, comme vous pouvez vous y attendre, on essaie évidemment, dans la mesure du possible, d'avoir une commission représentative. Mais en définitive, je crois qu'il est juste de dire que j'ai essayé de regrouper des personnes qui avaient des points de vue différents, mais qui avaient aussi, dans tous les cas je crois, une très bonne idée de la structure des lois et des codes relatifs aux droits de la personne; de l'évolution de ce domaine au cours des 20 dernières années; des différents modèles que l'on peut choisir pour garantir les droits, qu'il s'agisse d'un modèle se fondant sur les plaintes ou d'autre chose. C'est donc ainsi que nous avons choisi les quatre personnes qui la composent et elles ont toutes des antécédents remarquables s'agissant des questions relatives à ces droits.
Par exemple—je ne mentionnerai qu'une personne—l'ancien juge La Forest a été, il y a 25 ans, l'un des principaux rédacteurs de la première Loi canadienne sur les droits de la personne. Il comprend pour diverses raisons la nature des questions que nous devons réviser 20 ans plus tard s'agissant de la garantie des droits de la personne; il peut voir si nous avons les mécanismes voulus pour faire en sorte que les personnes soient traitées avec respect, que ce soit à l'aide d'un système fondé sur les plaintes ou autrement, et que les plaintes soient traitées de façon efficace et dans un délai raisonnable, notamment.
M. Bill Black, de Colombie-Britannique, est également membre de la commission d'examen. Il a procédé, il y a quelques années, à un examen important du code sur les droits de la personne de la Colombie-Britannique qui a donné lieu à un remaniement en profondeur de ce code.
Je suis donc convaincue que nous avons choisi des personnes tout à fait capables pour effectuer cet examen, des personnes qui comprennent fort bien les défis que présente le domaine des droits de la personne. Mais cela ne signifie absolument pas que ce sont les quatre seules personnes qui soient qualifiées dans ce domaine. En fait ce n'est pas vrai; nous avons dans notre pays une culture très dynamique et vivante dans ce secteur. Mais je dirais que j'ai fait de mon mieux pour que la commission soit nettement représentative et possède les antécédents et les compétences qui l'aideront à faire le travail que je lui ai demandé de faire.
La présidente: Le comité s'inquiète particulièrement des femmes handicapées qui sont bien plus souvent victimes de mauvais traitements et de violence. A-t-on pensé à cet aspect dans la phase deux de la prévention du crime?
Mme Anne McLellan: En effet. Comme je vous l'ai dit, les collectivités... Ce n'est pas nous qui décidons. Nous choisissons les trois secteurs prioritaires. Il revient ensuite aux collectivités de choisir les initiatives de prévention du crime qu'elles veulent proposer. Il y a un large éventail de programmes et d'initiatives.
La présidente: Peut-être puis-je vous demander—c'est une bonne question qu'a posée Andy—de nous donner une petite idée de ceux qui concernent un tant soit peu les femmes handicapées plus particulièrement; des programmes locaux de prévention du crime qui pourraient exister et qui concernent les handicapées.
Mme Anne McLellan: Certainement. Nous pouvons vous donner des exemples des types de programmes qui sont mis au point par les collectivités à la base.
Mais s'il s'agit d'une initiative relative à la violence conjugale, la collectivité ne va peut-être pas choisir comme sous-ensemble les femmes handicapées. Mais nous savons tous, comme vous venez de le dire, que lorsqu'on s'occupe de violence conjugale, il y a des chances que les femmes qui recevront de l'aide dans le cadre d'un programme quelconque soient des femmes handicapées. Mais nous vous donnerons tous les exemples que nous connaissons.
La présidente: Oui, j'aimerais beaucoup voir ce document.
Mme Anne McLellan: Il s'agit uniquement d'information publique.
La présidente: Andy.
M. Andy Scott: Je dois dire, madame la présidente, que je suis maintenant très optimiste à l'égard d'une de mes candidatures. Mais je vous jure que personne ne le savait ici. Il y a une candidature extraordinaire qui vient du secteur de la santé mentale du Nouveau-Brunswick dans le cadre du programme de prévention du crime. Nous aurons j'en suis sûr tous l'occasion de l'étudier.
Je ne peux pas défendre le fait qu'il n'y ait aucune personne handicapée au sein du groupe, mais je vais très vite me porter à la défense du juge La Forest car je connais ses compétences en la matière et je sais qu'il a une connaissance approfondie de la question. J'en resterai là.
Mme Anne McLellan: Oui, je comprends.
M. Andy Scott: Je tenais à le mentionner.
Je crois qu'il est par ailleurs important que tout le monde comprenne que lorsqu'on a parlé de l'optique des handicapés s'agissant du rapport du groupe de travail, on visait le résultat, le résultat précis que l'on visait lorsqu'on a adopté la législation sur la déclaration de la victime. La capacité de comparaître avec un assistant et la capacité de comparaître sans assistant existe concurremment.
La capacité de comparaître sans assistant n'existait pas. Lorsque le gouvernement a décidé que l'on devait prendre les mesures voulues pour vous permettre de comparaître, la capacité de comparaître avec ou sans aide se pose en même temps. C'est ce pourquoi était prévue l'optique des handicapés. Je vous félicite et je suis sûr que la communauté des handicapés le fera également, car c'est exactement ce que l'on voulait que l'optique des handicapés fasse.
Je dirais aussi sur le devoir d'intégration—nous avons remercié celui qui vous a précédé au ministère de la Justice, M. Rock, il ne serait donc que justice, je crois...
Mme Anne McLellan: Merci.
M. Andy Scott: ... mais j'aimerais approfondir la question de la compétence lorsqu'il s'agit de l'union sociale.
Mme Anne McLellan: Oui.
M. Andy Scott: Nous avons beaucoup parlé de la façon d'appliquer les intentions de la charte, notamment. La communauté s'est largement exprimée sur la question; elle en a assez de se plaindre et d'invoquer les droits prévus dans la charte; elle aimerait que le gouvernement agisse en fait de façon préventive. Je verrais bien par exemple un examen de la législation relative aux droits de la personne concernant les handicaps comme type d'activité.
Mme Anne McLellan: D'accord. Oui.
M. Andy Scott: Nous venons d'avoir une discussion avec M. Martin sur l'union sociale et nous avons dit que c'était l'occasion de mettre ces mécanismes en place.
La communauté a l'habitude d'entendre des choses très positives de la part des gouvernements aussi bien dans les rapports provinciaux que fédéraux. Les questions de compétence font toujours obstacle. L'argent fait obstacle. Ce n'est pas uniquement la compétence entre les divers ordres de gouvernement, mais à l'intérieur d'un même gouvernement. Regardons les choses en face: combien de ministres comparaissent devant nous? Onze? Cela devient très compliqué.
Toutes ces complications font que nous n'arrivons jamais au bout de nos intentions. Il n'y a pas vraiment beaucoup de gens qui sont contre les personnes handicapées et c'est donc un domaine où nous pourrons sans doute obtenir une assez bonne collaboration fédérale-provinciale et procéder à un type de vérification qui consisterait à rendre des comptes au public canadien plutôt qu'à l'un ou l'autre palier de gouvernement.
Mme Anne McLellan: Je suis on ne peut plus d'accord. Il se trouve que j'ai amené avec moi le cadre de l'union sociale. Si on regarde l'article 3 sur l'information des Canadiens, la responsabilité envers le public et la transparence, je crois que tous les ministres fédéraux et provinciaux qui ont négocié le cadre de l'union sociale se sont vraiment engagés à rendre davantage de comptes à l'égard des résultats—non pas les uns aux autres, mais aux Canadiens.
C'est une chose que le gouvernement fédéral a défendue avec vigueur pendant les négociations pour l'union sociale. Il y avait deux domaines où nous estimions qu'il était plus important qu'ailleurs de faire des progrès au nom de tous les Canadiens. Il s'agit d'une part de la mobilité, qui est...
M. Andy Scott: Critique.
Mme Anne McLellan: ... également liée aux défis des Canadiens handicapés. L'autre était le domaine de la reddition de comptes. Il s'agissait en l'occurrence de veiller à ce que les gouvernements soient responsables envers les Canadiens et non que le gouvernement fédéral soit responsable envers les provinces et les provinces envers le gouvernement fédéral. Je suis donc on ne peut plus d'accord avec vous.
Allan, qui a déjà comparu, vous a peut-être parlé des diverses initiatives de mise en commun de l'information au-delà des frontières provinciales pour que l'on ait les connaissances voulues pour mettre au point un système de soins de santé véritablement intégré, pour comparer les résultats entre les provinces et pour choisir en sachant mieux ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas grâce à ce que nous pouvons apprendre les uns des autres.
C'est donc là une partie importante du cadre de l'union sociale. On pourrait l'appeler une vérification sociale ou parler d'un autre mécanisme de reddition de comptes. Cela dépend de la nature du programme. Mais je crois que ce type d'évaluation des résultats est très important.
D'une certaine façon, cela nous ramène à votre première question. Comment faire en sorte que lorsqu'on change une loi comme la Loi sur les droits de la personne, bien qu'il ne s'agisse pas d'un programme, et que l'on parle du devoir d'intégration, on change effectivement la qualité de vie des gens? Comme vous le savez, Andy, il y a une grande collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux et un engagement commun à l'égard des Canadiens handicapés. Nous devons mettre au point ensemble des mécanismes de reddition de comptes dans la plupart des cas qui soient utiles aux Canadiens et leur fournissent l'information qui leur permettra de vérifier si la situation s'améliore vraiment—si la qualité de la vie s'améliore pour les Canadiens handicapés. Sinon, ils ont le droit de demander pourquoi ce n'est pas le cas.
La présidente: Merci beaucoup. Nous vous remercions aussi pour l'excellent travail que vous avez fait au chapitre de l'union sociale. Je crois que la communauté des handicapés voit cela comme une lueur à l'horizon, comme une lueur d'espoir pour l'avenir. Étant donné que le document À l'unisson existe déjà, nous pensons qu'il s'agit là de la meilleure partie de l'entente sectorielle. Dans la course au sommet, nous espérons que les questions des handicapés seront là, qu'elles constitueront une chose prête à être lancée.
• 1730
Je pense que nous tenons aussi à ce que, lorsque nous fixerons
ces objectifs, la communauté prenne part à l'opération. On ne peut
en fait établir d'indicateurs de rendement ou de structures de
reddition de comptes tant qu'on ne sait pas ce qu'on veut mesurer.
Je sais que vous serez là pour faire valoir le fait que ces
objectifs doivent être fixés dans un souci d'intégration et à la
suite de consultations avec les Canadiens au sujet de cette partie
très importante de l'union sociale.
Mme Anne McLellan: Lorsque le ministre Pettigrew a comparu, il vous a sans doute fait part de son enthousiasme face au travail commun des gouvernements fédéral et provinciaux pour les Canadiens handicapés en vous disant que c'était là un premier exemple extraordinaire d'application concrète des principes du cadre de l'union sociale puisque les gouvernements ont pu travailler de concert à une vision commune. Je crois que c'est une collaboration de ce genre qui est utile et que l'on doit s'écarter de l'ancien modèle qui était davantage d'opposition et qui faisait que chacun défendait sa compétence.
Avec le cadre de l'union sociale, nous respectons les compétences de chacun, mais nous les regroupons de façon à avoir, du moins c'est ce que nous pouvons espérer, des programmes intégrés afin de maximiser l'utilisation des ressources. Je crois que nous considérons tous, mais Pierre plus particulièrement sans doute, l'excellent travail qu'il est en train de faire avec ses collègues provinciaux dans le domaine des handicaps et des Canadiens handicapés comme un premier exemple qui pourra servir de modèle, de paradigme pour la façon dont nous devrions agir dans de très nombreux domaines.
La présidente: Merci infiniment.
Mme Anne McLellan: Merci beaucoup. Je suis, comme d'habitude, très heureuse d'être venue.
La présidente: Merci.
Mme Anne McLellan: Au revoir.
La présidente: Nous allons suspendre nos travaux pour tenir une séance à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos]