Passer au contenu
;

SSPD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

SUB-COMMITTEE ON THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

SOUS-COMITÉ SUR LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES DU COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 mars 1999

• 1117

[Traduction]

La présidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)): Je souhaite la bienvenue à nos témoins en leur demandant de nous excuser de la faible présence de députés libéraux ce matin. Du côté libéral, certains députés ont connu dernièrement des difficultés personnelles extrêmement graves. Mme Longfield a dû rester à l'unité des soins intensifs d'un hôpital allemand pendant quelques temps, et le mari de Nancy Karetak-Lindell est mort subitement en décembre. De part et d'autre, la représentation est plus faible que d'habitude, mais il ne faudrait surtout pas en conclure que nous ne sommes pas ravis d'avoir l'occasion aujourd'hui de vous recevoir.

Je vais vous présenter selon l'ordre des exposés prévus. Je souhaite donc la bienvenue à Don Lenihan, Sherri Torjman, et Gail Fawcett, qui seront suivis de Patrick Fougeyrollas et de Cam Crawford. Si vous faites tous de brefs exposés, il nous restera beaucoup de temps pour les questions.

M. Don Lenihan (directeur de la recherche, Institut d'administration publique du Canada): Merci beaucoup, Carolyn.

Je voudrais tout d'abord vous remercier de l'occasion qui m'est donnée ce matin de vous parler un peu du travail réalisé ces dernières années par l'IAPC, c'est-à-dire l'Institut d'administration publique du Canada. On m'a demandé de vous entretenir aujourd'hui de la recherche que nous menons sur ce qu'on appelle des modèles coopératifs de gestion publique. Il y a plusieurs façons d'aborder la question. Les multiples facettes de la question font qu'on peut l'aborder sous de nombreux angles différents. Il conviendrait peut-être que je vous parle tout d'abord des questions dites horizontales. Si je comprends bien, ces questions constituent en quelque sorte le point de départ de votre réflexion sur l'invalidité. Nous étudions justement ces questions depuis un certain nombre d'années.

Je devrais peut-être commencer par l'élément le plus évident. Si les «questions horizontales» sont des questions qui touchent de nombreux ministères, politiques, compétences et même secteurs—les secteurs privé et public et le tiers secteur—régler toutes ces questions supposent une forme de collaboration entre les différents organismes, le plus souvent entre le gouvernement et d'autres administrations, d'autres organismes ou différents ministères. Par conséquent, notre travail a surtout porté sur les modèles dits coopératifs de gouvernement et de gestion publique.

Je voudrais faire deux choses. Je promets de ne pas dépasser les six ou sept minutes qui me sont imparties; je voudrais donc parler très brièvement des raisons pour lesquelles les modèles coopératifs sont possibles; de ce sur quoi ils reposent et la manière de les appliquer, et enfin, de leurs conséquences pour la responsabilisation et éventuellement pour les politiques que doivent définir des comités comme le vôtre.

Permettez-moi de commencer par mettre en contraste un modèle dit coopératif de gouvernement et un modèle plus traditionnel ou contractuel. Normalement, les gouvernements qui souhaitent établir des relations avec des organismes, que ce soit des administrations, des organismes du tiers secteur ou d'autres groupes, ont recours à ce qu'on appelle le modèle contractuel. C'est-à-dire qu'ils négocient avec une autre partie pour obtenir tel service, et le contrat qu'ils signent précise l'ensemble des modalités. Les gouvernements n'aiment pas prendre de risques, et par conséquent ils définissent les travaux spécifiques que doit effectuer l'entrepreneur et de quelle façon il doit les effectuer. Si les entrepreneurs respectent les conditions, les gouvernements acceptent de leur payer X dollars, selon la nature du travail.

• 1120

C'est d'ailleurs une très bonne méthode. L'autre partie, que ce soit un particulier ou un organisme, s'engage donc, en signant un contrat, à offrir un certain service. La gestion de ces partenariats—car c'est le terme qu'on emploie le plus souvent pour désigner ce genre de relations consiste à s'assurer que l'entrepreneur respecte les conditions du contrat. Négocier le partenariat, c'est surtout négocier les conditions du contrat. Ces modèles sont tout à fait appropriés et peuvent donner de très bons résultats dans de nombreuses circonstances.

Récemment, cependant, on a commencé à recourir davantage aux modèles de partenariat coopératif. Autrement dit, il ne s'agit plus, pour le partenaire, de simplement respecter certaines conditions; ce modèle prévoit que le gouvernement et son partenaire participent tous les deux à la prise de décisions, à l'exercice des pouvoirs et à la planification des activités. J'aimerais donc vous expliquer un peu les conditions dans lesquelles cela peut se faire et les avantages et inconvénients de cette méthode.

Mais si je devais mettre le doigt sur le changement fondamental qui s'est produit au cours des cinq dernières années dans les administrations, tant au Canada qu'à l'étranger, je dirais que c'est l'accent qui est désormais mis sur les nouveaux outils de l'administration publique—d'ailleurs, je vais essayer de ne pas employer de jargon parce que je le déteste autant que vous, même si j'ai tendance à l'utiliser. Les nouveaux outils de l'administration publique reposent surtout sur ce qu'on appelle la gestion axée sur les résultats, c'est-à-dire que les gouvernements attachent la plus grande importance aux résultats des programmes et politiques. Ce n'est pas qu'ils ne s'intéressent plus aux intrants—c'est-à-dire l'argent, la main- d'oeuvre et les ressources qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre ses programmes et politiques—mais finalement, ce sont surtout les résultats qui comptent. Les gouvernements se disent que s'ils mettent davantage l'accent sur les résultats de leurs politiques et programmes, ils seront nécessairement plus efficaces.

Mais du moment qu'on met l'accent sur les résultats, plutôt que sur les procédures et toutes les étapes intermédiaires qui permettent d'obtenir un résultat, on fait une constatation importante. Par exemple, si vous êtes un gouvernement et que vous avez décidé que c'est cela qui vous intéresse par-dessus tout, vous réalisez aussitôt que vous avez désormais l'occasion d'établir des relations de nature différente avec vos partenaires. Vous pouvez signer un contrat avec votre partenaire en précisant ce que ce dernier doit fournir, plutôt que d'expliciter toute une série de mesures qu'il doit prendre dans l'exécution de son contrat. Vous pouvez lui dire que ce qui vous intéresse vraiment, c'est de faire baisser le taux de chômage ou d'atteindre tel autre objectif, et que la méthode qu'il choisira pour y arriver n'est pas tellement importante. Cela ne veut pas dire nécessairement qu'elle n'est pas importante du tout—vous pouvez toujours préciser certaines conditions à ce sujet—mais en procédant de cette façon, vous donnez la possibilité à votre partenaire de faire des choix sur la façon de s'y prendre pour obtenir les résultats escomptés. Ainsi, il exerce certains des pouvoirs décisionnels normalement réservés aux gouvernements. Le partenaire participe à la prise de décisions concernant la conception du programme, son exécution, et la façon d'obtenir les résultats escomptés.

Par contre, ce qui est tout à fait critique pour tout gouvernement qui adopte une telle approche, c'est d'avoir le moyen de déterminer si les résultats espérés ont vraiment été obtenus. Voilà qui nous amène à l'autre volet de ces nouveaux outils, c'est-à-dire ce qu'on pourrait appeler généralement des indicateurs ou moyens d'évaluation. À la place des modalités du contrat traditionnel, nous nous entendons, disons, sur une façon d'évaluer divers indicateurs qui vont nous permettre de déterminer si le partenaire a réellement atteint l'objectif fixé. C'est par l'entremise des indicateurs qu'on gère le partenariat. Vous dites au partenaire qu'il doit obtenir tels résultats en lui indiquant les moyens que vous comptez prendre pour évaluer son succès. S'il réussit, il a bien fait son travail. S'il ne réussit pas, ou alors il n'a pas bien fait son travail, ou alors vous n'avez pas les bons indicateurs.

Permettez-moi de soulever très rapidement quelques autres points. Premièrement, on ne peut trop insister sur le caractère fondamental de ce changement d'approche au niveau des partenariats qu'établit le gouvernement avec divers organismes et d'autres administrations. Quand un gouvernement adopte une telle approche, il doit nécessairement partager ses pouvoirs décisionnels concernant la conception et l'exécution des programmes, et même certaines questions liées aux politiques gouvernementales. Cela peut être une bonne chose, comme ça peut être l'inverse, selon les domaines où les gouvernements décident de recourir à cette méthode et la façon dont ils l'utilisent.

En tant que ministre, si vous envisagez de partager vos pouvoirs décisionnels, vous craindrez peut-être que votre partenaire prenne de mauvaises décisions. C'est là qu'intervient toute la question de la responsabilité; si quelqu'un a fait de mauvais choix ou si votre programme a été mal conçu, vous, le ministre, devait répondre de cette situation à la Chambre des communes. C'est là donc qu'intervient la question de la responsabilité et de l'efficacité des indicateurs ou des mesures de la performance pour ce qui est d'exercer un contrôle suffisant sur votre partenaire. Cela soulève toute une série de questions que nous pourrons aborder plus tard, si vous le souhaitez.

Le dernier point que je voudrais aborder concerne les conséquences de ce changement pour le rôle de comité comme le vôtre. À mon avis, le fait d'attacher de plus en plus d'importance aux résultats offre à des comités comme celui-ci l'occasion de participer beaucoup plus à la formulation des politiques. Par contre, cela ressemble bien à une démarche descendante. Supposons que le ministre décide qu'il veut établir un partenariat avec une autre administration, avec un organisme du tiers secteur ou un organisme privé; en collaboration avec son personnel ministériel, il détermine les résultats à obtenir, définit les indicateurs et propose ensuite un partenariat à l'autre partie.

Il y a deux conséquences à cela. D'abord, il est très difficile de définir les bons résultats et de trouver les bons indicateurs, et les comités joueraient un rôle extrêmement utile s'ils pouvaient s'interroger sur l'efficacité des différentes méthodes de gestion du partenariat. Est-ce que telle démarche va garantir la responsabilisation requise du point de vue du contrôle que nous exerçons sur le partenaire? Est-ce que ces résultats sont vraiment ceux qui nous intéressent le plus? Quand on commence à parler de résultats, on commence obligatoirement à parler de choix importants en matière de politiques. Que voulons- nous réaliser grâce à ce programme et à cette politique? La démarche proposée est-elle la bonne? Comment peut-on l'améliorer? Ces résultats sont-ils réalisables? Est-il possible de mesurer les résultats? Et enfin, y a-t-il vraiment moyen de savoir?

• 1125

Il arrive d'ailleurs fréquemment que ces résultats concernent plusieurs ministères et plusieurs sphères de compétence. Vous excuserez le terme, mais c'est ce que nous appelons, dans notre jargon, les résultats plurijuridictionnels. Il s'agit de questions très larges qui intéressent de nombreux ministères et gouvernements. L'avantage, c'est que cela garantit la cohésion de cette démarche dite horizontale. Autrement dit, vous constatez que vous et vos partenaires voulez tous obtenir les mêmes résultats et atteindre les mêmes objectifs. Par contre, il s'ensuit que vos politiques et programmes ne représentent plus qu'un élément parmi bien d'autres qui vont permettre de réaliser l'objectif fixé. Déterminer la façon dont les politiques et programmes peuvent faciliter l'obtention du résultat n'est guère tâche facile, mais c'est un travail auquel pourrait participer de façon importante des comités comme le vôtre.

Permettez-moi de soulever un dernier point en guise de conclusion. Il convient de vous faire remarquer que ces partenariats coopératifs peuvent se réaliser à trois niveaux différents. Par contre, ces trois niveaux ne sont pas obligatoires—en réalité, aucun des trois ne l'est.

Sans les présenter dans un ordre particulier, il y a tout d'abord les partenariats entre les différents ordres de gouvernement. Les gouvernements peuvent décider d'établir un partenariat avec d'autres gouvernements. Ils entretiennent des relations avec d'autres gouvernements. Ils peuvent le faire selon un modèle plus ou moins contractuel ou plus ou moins coopératif. Si nous prenons l'exemple des ententes sur le développement du marché du travail, l'accord intervenu sur l'union sociale et d'autres ententes du même genre, nous constatons que les gouvernements recourent de plus en plus à une approche axée sur les résultats. Leurs relations reposent de plus en plus sur un cadre précis visant à accroître les possibilités de coopération.

Deuxièmement, les gouvernements peuvent établir des partenariats avec des organismes du tiers secteur ou du secteur privé. Ils peuvent établir des partenariats axés sur les résultats avec d'autres organismes pour la prestation des services.

Enfin, ils peuvent établir des partenariats avec les ministères, et notamment les ministères axiaux et les organismes centraux. Ainsi le Conseil du Trésor pourrait dire aux ministères axiaux, comme il l'a fait au gouvernement fédéral et ailleurs, que puisqu'il s'intéresse beaucoup moins aux procédures que suivent les ministères pour réaliser les objectifs fixés, ces derniers auront une plus grande latitude sur le plan décisionnel. Par contre, il peut dire aux ministères axiaux que leur performance sera évaluée en fonction de certains indicateurs.

Je termine sur le point que voici: les gouvernements dans tout le Canada établissent des relations coopératives à de nombreux niveaux différents, et ce surtout à cause de l'effort déployé au départ par la bureaucratie, pour des raisons administratives. Autrement dit, cela résulte de la restructuration qui a été réalisée ces derniers temps. Les gouvernements recourent à cette méthode parce qu'ils pensent que cela leur coûtera moins cher; étant donné qu'ils n'ont plus suffisamment de ressources pour faire eux-mêmes le travail, ils commencent à établir des partenariats, des relations davantage coopératives. Tout cela est très bien, mais il y a un facteur très important dont on ne semble pas tenir compte. S'il est vrai qu'on a recouru à de telles méthodes pour des raisons administratives, il convient de reconnaître les lourdes conséquences d'une telle approche pour la gestion publique.

Du moment qu'il s'agit d'un partenariat, la nature des rapports entre le gouvernement et l'autre partie en ce qui concerne les pouvoirs décisionnels de ce dernier est nécessairement modifiée. Ces pouvoirs décisionnels sont partagés. À mon avis, ce genre de décisions doit être pris par des élus, et non par des bureaucrates. Cela ne veut pas dire qu'ils ne peuvent pas donner des conseils et apporter une contribution de toutes sortes d'autres façons, mais à mon avis, des questions telles que le contexte dans lequel il convient d'établir des partenariats et dans quelle mesure il est souhaitable de le faire pour modifier le rôle du gouvernement fédéral et des administrations dans tout le Canada sont des questions politiques très importantes qui doivent intéresser au plus haut point des comités comme celui-ci.

Merci.

La présidente: Merci, Don.

Sherri, vous avez la parole.

Mme Sherri Torjman (vice-présidente, Caledon Institute of Social Policy): Je voudrais tout d'abord vous remercier de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui. Je suis très heureuse que vous m'ayez invitée à revenir pour discuter de questions d'invalidité intéressant notamment les enfants. Mais avant d'aborder directement cette question, je voudrais vous parler d'autre chose.

J'ai amené une copie d'un document qui sera diffusé aujourd'hui. Intitulé real leaders, il porte sur l'une des questions que l'on m'a posées la dernière fois que j'ai rencontré les membres du comité. C'est l'honorable Deborah Grey qui m'a interrogée sur les partenariats pouvant être établis avec des groupes à l'extérieur du gouvernement. Dans ce document, nous présentons une personne qui travaille sur une base volontaire avec des ingénieurs en vue d'apporter des changements substantiels aux milieux de vie des personnes handicapées pour que ces dernières puissent vivre de façon indépendante dans leur collectivité. Je voulais juste vous mettre au courant de la parution de ce document, que je vais vous distribuer plus tard à titre d'information.

• 1130

J'aimerais maintenant passer à la question des enfants handicapés et du rôle que pourrait jouer ce comité par rapport à leurs besoins précis. Mais avant de parler de politiques précises, il convient à mon avis de poser un certain nombre de questions de principe clés. Pour moi, il y en a trois. D'abord, quels sont les besoins que le comité voudrait examiner en vue de proposer des solutions? Deuxièmement, quels sont les principaux moyens stratégiques que vous pouvez prendre pour satisfaire ces besoins? Et troisièmement, quels sont les moyens stratégiques les plus appropriés pour satisfaire ces besoins? Il y a peut-être toute une gamme de possibilités, mais à mon sens, certains moyens sont plus appropriés que d'autres. Je voudrais également vous parler de mesures qui n'existent pas actuellement, mais qui pourraient éventuellement vous intéresser dans le contexte d'un plus large éventail de moyens stratégiques.

D'abord, sur la question des besoins des enfants handicapés, je dois vous dire qu'il existe une grande diversité de besoins. C'est évidemment une question très vaste, mais si je devais choisir les besoins qui me semblent les plus impérieux, je dirais que les enfants handicapés doivent pouvoir bénéficier de mesures de soutien qui leur permettent de vivre de façon indépendante au milieu de leur collectivité, de favoriser leur développement affectif et physique, et de participer au système scolaire. Nous savons d'ailleurs qu'il y a actuellement de graves problèmes en raison du manque de mesures de soutien et de services adéquats au sein du système scolaire qui permettraient aux enfants de participer aux activités en classe.

Nous parlons donc d'une vaste gamme de besoins. Certains des services sont en réalité des services professionnels, d'autres, des services davantage paraprofessionnels, et dans certains cas, il peut aussi être question de soins auxiliaires ou de soutien à domicile. Il existe donc une très grande diversité de besoins, et dans ce contexte, l'idée de services complets me semble tout à fait à propos. C'est un concept qu'on applique de façon plus générale aux services et soins à offrir aux jeunes, et il désigne en réalité une démarche consistant à traiter chaque enfant individuel en fonction de ses besoins spécifiques. En d'autres termes, on essaie d'offrir à l'enfant une série de mesures et services de soutien qui répondent à ses besoins individuels. Voilà le défi que nous avons à relever dans le contexte plus général de la personnalisation des mesures de soutien de l'enfant.

Mais les parents ont également des besoins. Il ne faut pas seulement tenir compte des besoins des enfants, car les parents dont les enfants sont handicapés disent souvent qu'eux-mêmes ont besoin d'appui et de services de relève—qu'ils ne sont pas faciles à obtenir—et qu'ils ont certaines dépenses à supporter également. Ces coûts additionnels causent de graves difficultés à de nombreuses familles.

Nous parlons donc d'une part de la disponibilité de mesures de soutien et de services à l'intention des enfants et des parents, et de la mesure dans laquelle les coûts associés à certains services liés à l'invalidité peuvent être supportés par les intéressés. Il s'agit donc de savoir quels moyens stratégiques nous pourrions prendre pour régler les problèmes liés à la disponibilité et à l'abordabilité d'une vaste gamme de services et de mesures de soutien.

Encore une fois, il y a trois grands moyens stratégiques qui doivent nous intéresser dans ce contexte.

D'abord, il y a la possibilité d'offrir un soutien direct aux familles par l'entremise des écoles, des centres communautaires, des programmes de réadaptation ou des programmes de formation professionnelle. À ce moment-là, les familles et les enfants peuvent recourir directement à ces services. Dans ce contexte, on peut se demander quel serait le rôle fédéral et dans quelle mesure le gouvernement fédéral pourrait participer à la prestation des services, mais nous pourrons y revenir un peu plus tard.

Le deuxième moyen consiste à donner de l'argent directement aux familles pour les aider à supporter certaines dépenses. À l'heure actuelle, ce serait possible par l'entremise de la prestation nationale pour enfants.

La troisième possibilité passe par le régime fiscal. Là il s'agit de neutraliser le coût des services de soutien liés à l'invalidité au moyen d'une série de dispositions fiscales. Il existe déjà toute une série de dispositions, mais elles posent de très graves problèmes.

Il y a donc diverses possibilités parmi lesquelles vous pouvez choisir pour répondre à ces besoins. Il convient néanmoins d'aborder le troisième élément, c'est-à-dire quelles possibilités seraient éventuellement appropriées. Cette question-là mérite qu'on la débatte longuement, et j'espère que nous pourrons le faire.

Cependant, nous aimerions vous faire deux propositions en ce qui concerne les moyens stratégiques à prendre dans ce domaine. Il y a tout d'abord la question des moyens à prendre dans l'immédiat, et à notre avis, les problèmes que posent les dispositions fiscales actuelles pourraient être corrigés à court terme. Cela pourrait se faire très rapidement, car les mesures sont déjà en place, mais elles sont problématiques puisqu'elles ne répondent pas aux besoins de nombreux parents. Je pourrais d'ailleurs vous donner d'autres détails à ce sujet. À titre d'exemple, notons les crédits remboursables qui visent les familles à faible revenu et à revenu modique. Un autre problème est celui des familles biparentales ayant des enfants handicapés qui ne peuvent se prévaloir de crédits d'impôt destinés aux familles monoparentales. Il faudrait étudier et améliorer ces dispositions.

• 1135

Un autre problème d'ordre plus général que nous avons observé concerne le fait qu'il est très difficile de comprendre ces dispositions fiscales. Elles sont extrêmement compliquées. À moins d'être comptable, un parent aurait certainement beaucoup de mal à déterminer à quels crédits d'impôt il pourrait être admissible.

Je vous fais remarquer en passant qu'il existe une brochure intitulée «Quelques renseignements utiles concernant les personnes handicapées» qui traite justement de fiscalité. On pourrait supposer que cette brochure présente suffisamment d'explications pour permettre au lecteur de savoir quelles dispositions s'appliquent à lui. Mais ce document renvoie souvent le lecteur au guide d'impôt, sauf que quand vous cherchez à nouveau dans le guide d'impôt, ce dernier vous renvoie au premier document pour obtenir de plus amples renseignements. On se trouve donc prisonnier de ces différents documents et textes. C'est très difficile. Donc, d'une part, l'information elle-même est problématique et le champ d'application de dispositions individuelles l'est encore plus. Il y a donc du travail à faire en ce qui concerne le régime appliqué par Revenu Canada et les solutions à envisager dans ce contexte.

Pour ce qui est de verser de l'argent directement aux familles par le biais de la prestation fiscale pour enfants, nous ne sommes pas en faveur d'une telle méthode pour le moment, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, elle permet difficilement de personnaliser l'intervention, étant donné que tout le monde devrait toucher le même montant, et que certaines personnes ont moins de dépenses à supporter que d'autres—il y a des contribuables qui ont des frais considérables et des besoins très spécifiques—cette solution semble un peu grossière. En l'occurrence, il serait préférable à mon sens de passer par le régime fiscal.

Enfin, pour ce qui est de la prestation des services, voilà justement l'un des domaines où le gouvernement fédéral peut jouer un rôle très important. Sur la question des compétences, je me rends compte que ces services sont dispensés par les administrations provinciales, notamment dans le domaine de l'éducation, mais à l'heure actuelle, ces dernières semblent bien disposées à parler de différentes possibilités. L'accord sur l'union sociale a ouvert la voie à la collaboration fédérale- provinciale sur une vaste gamme de questions sociales. Il y a également le document intitulé À l'unisson: Une approche canadienne, qu'ont signé les gouvernements fédéral et provinciaux, qui vise à s'assurer que les citoyens handicapés pourront plus facilement accéder à des services de soutien personnel. Par conséquent, plusieurs accords ont déjà été conclus qui vous permettent de faire progresser la situation.

L'une des possibilités qui nous semblent très intéressante est celle qui consiste à définir une nouvelle forme de collaboration, comme vous l'expliquait Don, de sorte que le gouvernement fédéral, tout en continuant de jouer un rôle de chef de file, puisse envisager d'offrir certains crédits permettant de financer des services de soutien et auxiliaires à l'intention d'enfants handicapés. Les provinces participeraient à cette démarche et offriraient, du moins on l'espère, une somme équivalente, selon la formule établie, et accepteraient de consacrer ces crédits à la création de mesures de soutien et de services destinés à ces enfants.

Il y a plusieurs possibilités. Il pourrait s'agir d'une formule assez souple en ce qui concerne l'utilisation de ces fonds, et vous avez maintenant l'occasion de lancer une initiative fédérale-provinciale fort intéressante sur cette question clé, surtout que ce genre d'initiative se fait attendre depuis longtemps. À l'heure actuelle, il y a des occasions à saisir de même qu'une certaine ouverture de la part des principaux intéressés, et je vous encourage donc à envisager cette possibilité.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup.

Gail, vous avez la parole.

Mme Gail Fawcett (attachée de recherche, Conseil canadien de développement social): J'aimerais tout d'abord vous remercier de m'avoir invitée à nouveau pour vous parler de quelques questions qui sont importantes pour les personnes handicapées et que vous examinez dans le cadre de votre étude. Je dois dire, après avoir entendu les propos de Sherri, qu'elle a déjà abordé bon nombre des points que je comptais soulever.

• 1140

Je voulais justement vous parler des enfants. La dernière fois que j'ai pris la parole devant le comité, j'ai surtout parlé de questions liées au marché du travail.

Dans un premier temps, je voudrais mentionner que le document dont vient de vous parler Sherri, à savoir À l'unisson: Une approche canadienne, est un excellent instrument qui pourra servir de base à l'élaboration de politiques qui, nous l'espérons, garantiront que les personnes handicapées seront des citoyens à part entière. Mais pour l'utiliser à bon escient, nous devons respecter l'esprit de ce document.

À mon avis, il faut dans ce domaine une démarche de grande envergure, et Sherri vous expliquait un peu comment cela pourrait se faire. Il nous faut aussi comprendre la corrélation entre différents éléments comme les mesures de soutien des personnes handicapées, l'emploi et le revenu.

Il nous faut répondre à l'appel de ceux qui réclament l'adoption d'une approche intégrée et axée sur les clients. Voilà, pour moi, l'un des principes les plus importants qu'explicite ce document—et je suis assise tout près de l'auteur. Il ne faut jamais le perdre de vue, et les arguments qu'avançait Sherri démontrent bien qu'il faut tenir compte des besoins individuels et accepter qu'une personne handicapée n'a pas nécessairement les mêmes besoins que d'autres personnes handicapées.

Le groupe qui me préoccupe le plus à l'heure actuelle est celui des enfants handicapés. C'est curieux que vous ayez choisi, vous aussi, d'aborder la question. Ce qui m'inquiète le plus, ce sont les coupures touchant les programmes d'éducation spéciale. Ces coupures résultent de compressions budgétaires au niveau provincial, et même si je sais que le gouvernement fédéral n'en est pas responsable, encore une fois, nous avons maintenant l'occasion d'établir le genre de partenariat dont on vous parle depuis un moment.

En tant qu'attachée de recherche, mon rôle consiste à étudier les données, à parler aux gens et à me renseigner sur la situation actuelle, plutôt que de proposer des politiques. Quant aux résultats de mes recherches, les études démontrent, par exemple, qu'une hausse du niveau d'instruction chez les jeunes handicapés vers la fin des années 80 a largement favorisé leur participation accrue au marché du travail et leur plus grande prospérité économique. Nous avons également observé, dans les données qui remontent à la fin des années 80, que l'accès aux programmes d'éducation spéciale était également un facteur important. Les personnes qui avaient un niveau d'instruction supérieure étaient également celles qui avaient pu accéder à des programmes d'éducation spéciale. À l'heure actuelle, ces programmes font l'objet de compressions très importantes.

Donc, en examinant différentes politiques potentielles qui aspirent à l'objectif explicité dans le document À l'unisson soit la citoyenneté à part entière pour les personnes handicapées, il convient d'étudier les tendances actuelles, qui vont à contre- courant des objectifs fixés. D'ailleurs, nous ne verrons peut- être pas de résultats concrets avant encore quelque temps. Si vous cherchez des indicateurs, vous risquez d'attendre bien des années, c'est-à-dire l'époque où les enfants qui sont actuellement à l'école chercheront à s'intégrer au marché du travail mais n'y arriveront pas parce qu'ils n'auront pas eu les mêmes possibilités que la génération précédente.

Nous commencions à peine, avec les résultats de l'ESLA de 1986 et 1991, à observer des résultats positifs de ces initiatives. Mais si on se met à éliminer ces programmes, quand cette génération-là voudra se lancer sur le marché du travail, il va certainement y avoir des problèmes. Il est trop tard pour corriger les problèmes d'intégration au marché du travail des personnes handicapées lorsqu'ils sont déjà adultes. Par conséquent, vous devez à mon avis penser au long terme en examinant le cadre que propose le document À l'unisson. Si vous voulez mettre l'accent sur l'emploi, vous devez vous demander ce que vous allez faire pour les jeunes enfants handicapés.

Je suis également préoccupé par les tendances qui se dessinent déjà au niveau de la réduction des mesures de soutien et services dont bénéficient les personnes handicapées—entre autres les soins à domicile. La recherche nous a permis de constater que les personnes handicapées qui bénéficient de soutien à domicile pour effectuer le travail ménager sont beaucoup plus susceptibles de participer au marché du travail. Ils sont également beaucoup plus susceptibles d'être indépendants sur le plan financier. Ça fait une différence. Il y a des coupures, et encore une fois elles se font surtout au niveau provincial, mais elles sont réelles. Encore une fois, elles vont saper notre capacité de réaliser l'objectif de la citoyenneté à part entière. Elles ont de graves conséquences pour la capacité des personnes handicapées de travailler, même si le lien ne semble pas très évident.

• 1145

Le troisième élément auquel je vous demande de réfléchir, quand vous cherchez à définir une politique dans ce domaine, est le fait que nous sommes une société vieillissante. Chacun sait que les baby-boomers représentent un groupe très important. Les premiers atteignent maintenant un stage où le taux d'invalidité augmente de façon assez importante.

À l'heure actuelle, environ 12 p. 100 de la population sont âgés de plus de 65 ans. Ce pourcentage doublera au cours des 25 ou 30 prochaines années. Il en résultera une augmentation rapide du taux d'invalidité dans un très proche avenir. Si vous souhaitez vraiment atteindre l'objectif de la citoyenneté à part entière pour les personnes handicapées, vous devez commencer à mettre en place un système de mesures de soutien et de services à leur intention, en vous rappelant que la proportion d'habitants invalides augmentera considérablement dans les prochaines années.

Et si vous me permettez un dernier point, si nous examinons les mesures de soutien déjà en place et les crédits qu'y consacrent les gouvernements, vous verrez que cela ne correspond qu'à une faible proportion des mesures réelles de soutien, car dans bon nombre de cas, ce sont les familles et les amis qui assurent le plus important soutien aux personnes handicapées. Nous ne savons même pas l'ampleur de ces efforts. À l'heure actuelle, il y a des gens qui s'occupent d'enfants handicapés ou de personnes âgées invalides, mais que ferons-nous quand eux- mêmes auront besoin de soignants? À l'heure actuelle, nous sous- estimons le degré de soutien qui est réellement requis.

Je termine là-dessus.

La présidente: Merci beaucoup.

Patrick, vous avez la parole.

[Français]

M. Patrick Fougeyrollas (directeur scientifique, président de la Société canadienne de la CIDIH, Institut de réadaptation en déficience physique de Québec): Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à venir témoigner devant cette commission.

Je vais vous parler d'une question importante, qui est la compensation équitable des coûts supplémentaires reliés aux déficiences, incapacités et situations de handicap. C'est un enjeu de société qui interpelle l'ensemble de la société canadienne et nécessite une complémentarité des politiques et programmes fédéraux et provinciaux. Mon champ d'expertise étant le Québec, j'y ferai plus spécifiquement allusion dans cet exposé, mais la situation est similaire dans l'ensemble du Canada.

Les 25 dernières années ont été le théâtre d'efforts considérables en faveur de l'exercice des droits et de l'égalisation des chances des personnes ayant des incapacités. Des interventions publiques et intersectorielles ont favorisé le développement d'une infrastructure de services visant à répondre aux divers besoins. On constate aujourd'hui que ces interventions ont permis, par exemple au Québec, une amélioration notable de la qualité de la participation sociale des personnes ayant des incapacités. Par contre, certains problèmes persistent et les solutions apportées reposent sur des acquis fragiles, sans cesse remis en question.

Parmi ces problèmes, on note la situation économique précaire des personnes ayant des incapacités. En 1991, plus du tiers ont dû débourser des coûts supplémentaires liés à leurs incapacités pour combler leurs besoins: achat de médicaments, recours au transport adapté, services de maintien à domicile, accès à des adaptations spécialisées ou à des aides techniques. Combinée à la faiblesse de leur revenu, à leur place limitée sur le marché du travail et à la pauvreté qui caractérise plusieurs d'entre elles, l'inadéquation des régimes d'indemnisation aux conséquences des maladies, traumatismes et autres atteintes à l'intégrité et au développement de la personne demeure un facteur sociopolitique qui aggrave les obstacles à la participation sociale. Elle crée des situations de handicap additionnelles aux personnes ayant des déficiences et des incapacités.

Cette situation touche les personnes de tous âges ayant des incapacités motrices, sensorielles, intellectuelles et psychologiques. Cela inclut les personnes ayant des problèmes de santé mentale et celles ayant des déficiences intellectuelles. Et, bien sûr, n'oublions pas leurs familles, qui vivent également les conséquences de cette situation et ont besoin de soutien spécifique. Cette prise de conscience qu'au-delà de leurs différences, le point commun de toutes ces personnes est d'avoir des incapacités, des limitations fonctionnelles et de vivre des situations de handicap et d'exclusion sociale parce que l'organisation sociale et physique de leur contexte de vie ne répond pas à leurs besoins, est certainement un des progrès essentiels des 20 dernières années.

• 1150

Toutefois, lorsqu'on considère le vieillissement de la population, qui s'accompagnera d'une augmentation des besoins et des demandes de services pour compenser les besoins liés aux déficiences, incapacités et situations de handicap, il faut prendre conscience de la montée d'un rapport de force politique majeur axé sur l'alliance des personnes handicapées et des personnes âgées. Nous nous acheminons vers une proportion de 20 p. 100 de la population canadienne vivant avec des incapacités. Il est urgent de trouver des solutions aux iniquités que le système de compensation génère actuellement.

Il y a trois types de problèmes. Premièrement, il y a un manque d'harmonisation des méthodes et critères d'évaluation des besoins et de l'incapacité. Certaines études ont noté que la plupart des programmes ont évolué presque au hasard, selon leur dynamique propre, sans intégration ni coordination. Cette situation a eu pour effet de définir différemment l'incapacité, tant du côté des programmes spécifiques, par exemple les accidents du travail, de la route, les actes criminels et le VIH, que de celui des programmes généraux tels que le Régime de pensions du Canada, l'assurance-maladie et la sécurité du revenu. Il est fréquent que les évaluations entre programmes soient répétitives et contradictoires. On observe un manque de standardisation des outils d'évaluation, des définitions conceptuelles retenues et des systèmes d'information. Le problème se pose aussi pour l'évaluation de l'incapacité, surtout pour les incapacités partielles et totales. Certains programmes, comme ceux des accidents du travail et de la route, couvrent les incapacités partielles et totales, alors que le Régime de rentes du Québec et le Régime de pensions du Canada ne couvrent que l'incapacité totale.

Comment mesurer l'incapacité partielle dans une optique d'équité et d'égalisation des chances? Quels sont les critères médicaux et non médicaux à retenir pour évaluer l'incapacité partielle et fixer une indemnité? Doit-on établir l'indemnisation en fonction du degré d'incapacité mesuré en fonction de son impact sur la vie quotidienne ou les rôles sociaux, ou encore selon un pourcentage de revenu potentiel perdu?

Le deuxième problème se situe au niveau des iniquités selon les groupes cibles et les statuts des personnes. La population a accès à un certain nombre de programmes qui assurent une indemnisation sans égard au statut de la personne: la sécurité du revenu, l'aide sociale, les programmes et services publics, ainsi que les programmes pour les victimes d'accidents du travail, d'accidents de la route et d'actes criminels sont universels et couvrent les travailleurs et les non-travailleurs. Toutefois, les régimes d'indemnisation de la Société de l'assurance automobile du Québec et du programme à l'intention des victimes d'actes criminels sont reliés à la cause. D'autres programmes s'adressent spécifiquement aux travailleurs: le régime des accidents du travail et les plans d'assurance-invalidité privés et collectifs.

Le fait que les programmes sont reliés à la cause, au lien d'emploi ou au statut de la personne—travailleur, non-travailleur, jeune de 0 à 18 ans, personne âgée ou retraitée—a une incidence sur l'accès aux programmes et la couverture des besoins particuliers liés aux incapacités. Par conséquent, des personnes qui ont exactement les mêmes besoins peuvent être indemnisées de manières très différentes. Même si, en théorie, au Québec, personne ne reçoit quelque compensation que ce soit pour les coûts supplémentaires—il y a 150 programmes publics—, dans les faits, l'absence de couverture ou la disparité des couvertures en regard de la population protégée est le résultat non pas du manque de programmes, mais plutôt du manque de ressources pour répondre aux besoins, de la complexité au plan de l'accessibilité, du manque de coordination et d'harmonisation entre les programmes et des disparités régionales.

Le troisième problème est l'insuffisance et la disparité des indemnités et de la couverture des besoins. Les nouvelles dynamiques en matière de réorganisation des services ont des aspects positifs, dont la régionalisation et la décentralisation, mais l'absence de standards entraîne certaines disparités dans la réponse aux besoins et des problèmes reliés à la possibilité de transfert quand les personnes doivent déménager. Pour le maintien à domicile, par exemple, certaines régions ne permettent plus le libre choix pour la personne, établissent des priorités selon le revenu ou entre clientèles, ou encore n'offrent plus le service. La baisse des transferts fédéraux en matière de santé a aggravé ce problème, surtout dans le cas des enveloppes non protégées. Au plan des indemnités et de la couverture des coûts supplémentaires, la distinction importante faite entre l'incapacité totale permanente et l'incapacité entraînant une baisse significative de la qualité de vie sans entraîner une incapacité totale cause de grandes iniquités.

• 1155

Comment peut-on améliorer le système actuel? Dans une perspective de protection contre les risques sociaux, la compensation des coûts supplémentaires apparaît comme une confirmation de la reconnaissance sociale de leur existence et, à ce titre, constitue un risque dont la prise en charge concerne l'ensemble de la société. De plus, il est essentiel de favoriser l'approche complémentaire, qui consiste à agir sur les obstacles systémiques à la participation sociale des personnes ayant des incapacités. Comme l'ont indiqué plusieurs groupes et commissions par le passé, il est fondamental de mettre en place des mécanismes de concertation intersectoriels, aux paliers fédéral et provincial, public et privé, visant l'implantation d'un régime universel d'assurance-incapacité ou d'assurance-invalidité. On peut s'inspirer des travaux de Terrence Ison, juriste qui a longtemps milité pour l'instauration d'un tel régime au Canada. Il s'agirait d'un régime universel qui assurerait le remplacement du revenu et la compensation des coûts supplémentaires pour toute personne ayant des déficiences ou des incapacités temporaires ou persistantes, ou vivant des situations de handicap, quelle qu'en soit la cause. Il serait basé sur le principe du no fault, de l'abolition du droit de poursuite civile, sur la création d'une caisse unique alimentée par les activités identifiables à des causes, comme le travail et la route, sur une base actuarielle et non individuelle, la taxation des activités allant à l'encontre de l'égalisation des chances, sur les impôts et taxes, ainsi que sur une gestion paritaire avec les organisations de personnes ayant des incapacités. D'importantes économies de coûts sont reliées aux rationalisations inhérentes à un tel régime et au décloisonnement des clientèles ayant des besoins similaires.

En conclusion, puisqu'on prend conscience que 20 p. 100 de la population canadienne présentera bientôt des déficiences et des incapacités et que nous faisons face à un système créateur d'iniquités et d'injustices, le dossier de l'implantation d'un régime universel d'assurance-incapacité devrait constituer une priorité gouvernementale correspondant à un enjeu de société.

Il faut allier deux grandes stratégies: d'une part, une rationalisation des régimes existants et, d'autre part, une prise en compte des retombées économiques et sociales positives d'un système universel et équitable, complétée d'une volonté politique et stratégique d'ensemble basée sur l'égalisation des chances et la participation sociale globale des personnes ayant des incapacités.

Ainsi, le Canada pourrait reprendre le leadership international qu'il avait acquis par le passé dans le champ de l'exercice des droits et de l'égalisation des chances des personnes ayant des incapacités. Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

[Traduction]

Cam Crawford, vous avez la parole.

M. Cam Crawford (président par intérim, Institut Roeher): Merci infiniment de m'avoir invité à vous adresser la parole. Je suis dans la situation peu enviable de celui qui doit suivre tous ces autres excellents conférenciers.

Je voudrais dire tout d'abord que je suis généralement d'accord avec tout ce qui a été dit par les autres, alors que cela ne m'arrive pas souvent. Cependant, il semble y avoir un terrain d'entente en ce qui concerne bon nombre de ces questions. Une masse critique s'est développée et à mon sens, il faut effectivement trouver des solutions à tous les problèmes soulevés.

Je voudrais aborder les aspects pratiques de cette problématique. Nous vivons à une époque où les gouvernements manquent de ressources financières. Peut-être qu'il y aura de l'argent frais, mais peut-être que non. Les intéressés discutent des responsabilités des uns et des autres dans le contexte de l'union sociale. Les gens sont préoccupés, parce qu'ils ne voudraient pas qu'un palier de gouvernement donne l'impression de marcher sur les platebandes d'un autre palier de gouvernement. Et il s'agit de véritables problèmes avec lesquels il faut composer.

Ce que je vais vous proposer est à mon avis assez nouveau—en réalité, seulement quatre personnes sont au courant e mon idée, mais maintenant ce ne sera plus un secret pour personne. J'espère que l'approche que je vais vous présenter cadrera avec les principes du document À l'unisson. J'espère qu'elle cadrera également avec le cadre établi relativement à l'union sociale; pour ma part, elle me semble tout à fait conforme à l'orientation stratégique de DRHC dans le domaine de l'invalidité.

Je devrais tout d'abord vous parler de mes hypothèses. Je crois qu'en tant que société, nous avons la responsabilité collective de créer une société ouverte et accessible à laquelle les citoyens peuvent participer dans les mêmes conditions. Ma deuxième hypothèse est qu'aucun ordre de gouvernement et aucun secteur, que ce soit le secteur privé ou le secteur bénévole, ne devrait avoir à assumer seul la responsabilité d'éliminer des problèmes, mesures et conditions qui ont donné lieu, au cours du dernier siècle, à l'exclusion économique et sociale d'un segment très important de la société.

• 1200

Ma troisième hypothèse, c'est que quelles que soient les mesures que nous adoptons pour solutionner ces problèmes, elles seront durables et abordables, pas seulement pour les gouvernements mais pour tout le monde, y compris les personnes handicapées, le secteur privé et le secteur bénévole.

À mon sens, il faut une démarche tout à fait nouvelle qui permette d'améliorer l'accès des enfants, des adultes d'âge actif et des personnes âgées aux possibilités et aux avantages qui accompagnent la citoyenneté canadienne, sans oublier évidemment les obligations qu'elle suppose. À cette fin, il faut, comme d'autres intervenants l'ont déjà dit ce matin, une approche à deux volets qui permettent, d'une part, de régler les problèmes des personnes handicapées dans leur vie privée en leur offrant de nouvelles ressources qui leur permettent de subvenir à leurs besoins spécifiques et, d'autre part, qui s'attaquent aux facteurs structurels et environnementaux qui sont à l'origine de l'exclusion d'une forte proportion de la population de la vie économique et sociale du pays.

S'agissant d'une stratégie, je dirais que le gouvernement fédéral doit faire preuve de courage en assumant un rôle de chef de file à cet égard; il doit déclarer qu'il aidera les administrations provinciales et les secteurs privé et bénévole à édifier une nouvelle société plus ouverte et accessible qui facilite la participation de tous en aidant ces autres partenaires à obtenir les ressources dont ils ont besoin pour nous permettre de réaliser des progrès considérables dans la création d'une société plus inclusive, plus équitable et plus accessible.

Qu'est-ce que je propose au juste? Eh bien, je propose un certain nombre de mesures assez concrètes. Dans un premier temps, un programme de subventions et de prêts. Cela suppose un programme de dépenses dont je vous donnerai quelques détails pour que nous en discutions plus tard.

Un autre élément serait les subventions à accorder aux organismes bénévoles, et un troisième serait une nouvelle formule de financement des organismes bénévoles.

Pour ce qui est du programme de subventions et de prêts, le régime fiscal actuel compte un certain nombre de mesures très positives dont peuvent se prévaloir certains contribuables, notamment les employeurs. Cela me rappelle le vieil adage, un «tiens» vaut mieux que deux «tu l'auras». C'est-à-dire qu'il existe un certain nombre de dégrèvements fiscaux, mais ceux-ci demeurent potentiels pour beaucoup de gens.

Bon nombre de petits employeurs ne sont tout simplement pas en mesure de profiter de ce qu'offre le régime fiscal actuel parce qu'ils n'ont pas les liquidités nécessaires pour faire les investissements qui vont leur permettre de bénéficier de dégrèvements fiscaux. Si nous souhaitons vraiment améliorer l'accès des personnes handicapées aux emplois, il faut surtout se concentrer sur les petits employeurs. Ce sont surtout les petits employeurs qui créent des emplois dans les collectivités canadiennes.

Alors comment aider les employeurs à faire les investissements nécessaires et à profiter de ce qu'offre actuellement le régime fiscal?

C'est là justement que l'idée d'un programme de subventions et de prêts semble intéressante. On pourrait accorder une subvention aux employeurs pour les encourager à investir dans différentes modifications aux lieux de travail—c'est-à-dire des portes et des entrées accessibles, et tous les autres éléments qui doivent être présents avant que des personnes handicapées puissent y travailler. Mais ce qui serait encore plus important, et pourrait éventuellement correspondre à une somme plus importante que celle réservée pour les subventions—ce serait un peu comme l'ancien programme des prêts aux étudiants, n'est-ce pas?—serait le prêt qu'on leur consentirait à un faible taux d'intérêt, prêt qui serait garanti par le gouvernement fédéral. Autrement dit, le gouvernement fédéral assumerait la perte que représenteraient pour l'institution financière des paiements plus faibles.

Ainsi le gouvernement fédéral pourrait garantir un prêt à un très faible taux d'intérêt—disons 2 ou 3 p. 100, plutôt que le taux actuel de 7 p. 100 ou 8 p. 100. Selon ces moyens, le gouvernement fédéral créerait un fonds destiné aux employeurs pour que ces derniers puissent obtenir de l'argent pour faire les investissements nécessaires et ensuite demander le crédit d'impôt. Le gouvernement fédéral serait ainsi chargé d'assumer le coût correspondant à la différence entre le taux d'intérêt normal et le faible taux d'intérêt accordé aux employeurs. Voilà en qui consisterait le coût pour le gouvernement fédéral.

Comme vous pouvez imaginer, ce fonds ou ce programme de garantie d'emprunt serait assez important du point de vue de la somme globale qui pourrait être consentie aux employeurs du secteur privé sous forme de prêts. Si la somme de 1 milliard de dollars était disponible sous forme de prêts, et si tous ceux qui le pouvaient en profiter, ce qui n'est guère probable, le coût que devrait assumer le gouvernement fédéral, pour la différence entre les deux taux d'intérêt, pourrait se monter à 100 millions ou 150 millions de dollars.

Mais je ne veux pas insister seulement sur l'aspect emploi. Même s'il s'agit d'un objectif important, ce n'est qu'un élément du problème. Il faut aussi permettre aux personnes handicapées d'accéder aux services communautaires, publics et privés. Pourquoi ne pas étendre ce genre de programme ou initiative à ceux qui sont propriétaires de boutiques, disons, pour que leurs portes soient plus accessibles et que les personnes handicapées puissent aller chez eux pour acheter des produits de consommation; ou encore aux municipalités, pour qu'elles fassent les investissements nécessaires dans diverses modifications architecturales, et ce pour garantir que les services publics sont pleinement accessibles, que des services d'information existent qui permettent aux handicapés intellectuels de s'y retrouver et que les personnes qui ont un handicap d'ordre sensoriel ne sont pas défavorisées vis-à-vis des services publics et privés qui leur sont accessibles?

• 1205

Donc, je parle ici d'accessibilité, et ce dans un sens très large, c'est-à-dire que cela suppose non seulement des modifications matérielles et architecturales, mais des solutions pour les personnes qui ont un handicap d'ordre cognitif ou sensoriel.

À mon avis, le rôle du gouvernement fédéral dans ce contexte consisterait à encourager activement l'édification d'une société plus accessible. Je propose donc que ces crédits soient mis à la disposition des intéressés, mais à la condition que les crédits provinciaux ainsi économisés—car une partie de ces fonds viserait des dépenses provinciales—soient réinvestis dans les mesures de soutien direct que requièrent les personnes handicapées, qu'il s'agisse de soutien pour les familles sous forme de services de relève, ou d'appareils spécifiques dont pourrait avoir besoin l'enfant aveugle âgé de six ans qui est dans la classe de Mme Ladouceur.

Il y a donc une vaste gamme de besoins très importants qui doivent être bien précisés.

Voilà un autre élément de ma proposition. Il faut faire participer le secteur bénévole à la définition des priorités en matière de dépenses stratégiques. À l'heure actuelle, le secteur bénévole, pour les raisons évoquées par Gail et Patrick, souffre beaucoup à cause des nombreuses coupures. Il n'a tout simplement pas les ressources nécessaires. Par conséquent, il faut que les bénévoles participent activement, avec les gouvernements et le secteur privé, à la définition des problèmes et à l'élaboration des solutions. Je propose également que certains crédits soient mis à la disposition du secteur bénévole pour lui permettre de former de véritables partenariats avec d'autres secteurs en vue de créer une société plus accessible.

Le dernier élément dont il faut tenir compte est celui de la responsabilisation par rapport aux fonds versés aux organismes bénévoles; il faut cependant un cadre de responsabilisation un peu différent de celui qui existe actuellement. En ce moment, les mécanismes de financement des organismes bénévoles exigent de ces derniers qu'ils fassent tout le travail pour être payés. Eh bien, ils n'ont pas de gros revenus d'exploitation comme les grandes sociétés qui sont dotées d'importants capitaux permanents, et par conséquent, ils doivent essayer de survivre sans argent en attendant que le travail soit fait. Par conséquent, on devrait peut-être envisager une nouvelle formule de financement qui permettrait au secteur bénévole d'obtenir l'argent dont il a besoin immédiatement pour accomplir un certain travail. Les organismes bénévoles auraient évidemment à répondre des résultats obtenus, mais il y a peut-être d'autres façons pour les gouvernements de s'assurer que les résultats escomptés se concrétisent.

Voilà donc en bref les éléments dont il faut discuter à mon avis.

La présidente: Merci à vous tous. Nous allons ouvrir la période des questions, et je rappelle à nos témoins que le ministre Pettigrew comparaîtra devant le comité jeudi. Donc, si vous avez des conseils à nous donner sur les questions que nous pourrions lui poser... Le ministre Dhaliwal va également comparaître la semaine prochaine. Donc, si vous pouviez nous proposer des questions à leur poser dans vos réponses, ce serait formidable.

Madame Grey.

Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): C'est toute une invitation, n'est-ce pas?

Je remercie tous nos invités pour leurs exposés. La seule question qui me vient à l'esprit pour le moment concerne la déception que nous pouvons éprouver en constatant que malgré de nombreuses études et propositions de changements, la situation reste inchangée. Faut-il se contenter de petits progrès qui nous amènent vers notre objectif ultime en se disant, voilà une victoire de remportée?

Je regarde la lettre envoyée par le Conseil des Canadiens avec déficiences, lettre qui attaque vivement le gouvernement. On dit dans cette lettre que nous avons besoin d'un plan d'action qui prévoit des résultats concrets. Le groupe de Andy est sans doute passé par là en 1996, et j'imagine que certains d'entre vous qui faites ce travail depuis longtemps ont fait le même exercice il y a une vingtaine d'années.

Elle propose ce qui suit:

    - la création d'un centre de responsabilité à un niveau élevé au sein du gouvernement pour garantir que toute nouvelle initiative stratégique, comme le crédit d'impôt pour enfants, tiennent compte des besoins des familles ayant des enfants handicapés,

Sherri, c'est exactement de ça que vous parliez.

    - un mécanisme de coordination au sein du gouvernement pour garantir la collaboration interministérielle,

Nous pourrons justement en parler avec Pierre jeudi, et j'aimerais donc avoir vos idées à ce sujet.

    - un engagement vis-à-vis de l'ESLA en l'an 2001,

Nous ne savons si cela va se concrétiser.

    - la reconduction du Fonds d'opportunités,

    - des droits de mobilité qui seraient garantis par des normes nationales, et

    - un engagement vis-à-vis de l'élimination permanente de tout obstacle qui empêche notre participation à la vie communautaire,

    - un plan d'action visant à régler les difficultés des Autochtones handicapés.

Et ça continue.

Vous avez parlé d'enfants, mais ce qui ne cesse de m'étonner en tant que baby-boomer, et je suppose que nous faisons à peu près tous partie de cette catégorie-là, nous savons depuis un bon moment—environ 55 ans—qu'un énorme segment de la population vieillit.

• 1210

Ma soeur Leslie a 53 ans. Elle fait partie du premier lot des baby-boomers; j'ai quelques années de moins.

Qu'allons-nous faire face à ce problème? Faut-il exiger que les gouvernements mettent de côté une énorme somme d'argent pour s'occuper de cette population?

Je crois que c'est vous, Gail, qui avez parlé de l'apport de la famille et des amis et des revenus qu'ils investissent, si on veut le voir sous cet angle-là, même si on sait que c'est volontaire. Mais qu'arrivera-t-il quand je serai trop vieille et décrépite pour m'occuper de ma vieille mère décrépite? À ce moment-là, il faudra trouver des fonds publics pour assurer des soins à ceux et celles qui en auront besoin.

Plutôt que de vous laisser décourager et de baisser les bras, vous continuez de travailler à plein temps à trouver des solutions, et je dois vous dire que je vous admire.

Je voudrais que Don me donne d'autres éclaircissements au sujet de ce modèle coopératif qu'il nous a décrit. Cela paraît très bien en théorie. Mais pouvez-vous nous citer des exemples de situations ou ce modèle aurait permis de vraiment aider certaines personnes?

M. Don Lenihan: Il existe toutes sortes de relations coopératives.

Mme Deborah Grey: Oui, je n'en doute pas. Mais donnez-moi un exemple.

M. Don Lenihan: Étant donné que des ententes de développement du marché du travail sont maintenant en vigueur, bon nombre des services d'emploi sont désormais assurés par des organismes communautaires. Le gouvernement établit des partenariats avec des organismes communautaires pour que ces derniers puissent offrir des services d'orientation professionnelle, par exemple, qui permettent aux intéressés de connaître la situation de leur localité, les besoins qui existent et la façon d'y répondre.

J'essaie de trouver un bon exemple. Un bon exemple, je suppose, serait celui qui a gagné plusieurs prix. Il y a quelques années, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a lancé un programme d'alphabétisation de grande envergure. Il avait un programme gouvernemental typique qui visait à faire remonter le degré d'alphabétisation de la population, mais sans grand succès. Le gouvernement a donc décidé qu'il fallait une sorte de partenariat communautaire, c'est-à-dire un partenariat non seulement avec les organismes communautaires mais avec ceux du secteur privé également. Ce programme a d'ailleurs fait l'objet d'une étude de cas.

Bref, cela a fait une énorme différence. Le fait de faire participer les membres des collectivités dans les sous-sols des églises et ailleurs a permis de relever considérablement le degré d'alphabétisation de la population. Ils auraient eu beaucoup plus de succès grâce à cette méthode.

Mme Deborah Grey: À votre avis, est-ce parce que quelqu'un s'est rendu compte qu'il fallait mettre l'accent sur les résultats plutôt que sur les procédures à suivre?

M. Don Lenihan: Si vous me permettez de revenir sur les remarques faites tout à l'heure—si je ne m'abuse, c'est ce qu'expliquait Cam tout à l'heure, si je l'ai bien compris—un élément en particulier revêt une très grande importance—c'est ce que j'appellerais le renforcement des capacités du tiers secteur.

Si nous nous orientons de plus en plus vers une nouvelle façon de faire les choses, et c'est le cas à mon avis—qu'on le veuille ou non, le rôle du gouvernement a changé, n'est-ce pas?—et les partenariats semblent indispensables à l'avenir pour toutes sortes de raisons, ce qui me semble le plus inquiétant, c'est que dans la mesure où bon nombre de ces programmes feront appel aux organismes communautaires et du tiers secteur, c'est-à- dire des organismes bénévoles, pour assurer différents services, il faudra bien se rendre compte que la plupart d'entre eux ont été durement touchés par les coupures et ont beaucoup de mal à assurer leur propre survie. Il s'agirait donc de leur demander de combler les lacunes qui existent actuellement à cause du retrait du gouvernement est de commencer en même temps à travailler de façon coopérative. Si vous voulez vraiment que ces organismes changent d'attitude, comme ce que font sensément le gouvernement et le secteur privé, est qu'ils participent à l'élaboration des solutions et à l'exercice des pouvoirs décisionnels, il faudra d'abord renforcer leurs capacités.

Ils n'ont tout simplement pas les ressources nécessaires—et là je ne parle pas uniquement de ressources matérielles ou financières. Dans la plupart des cas, ils n'ont pas la capacité—excusez-moi l'expression—de faire de la planification stratégique ou de réfléchir aux moyens à prendre pour générer des idées nouvelles, les faire accepter par le gouvernement ou créer des partenariats viables. Si jamais ils acquièrent cette capacité, l'avantage, c'est que ce ne sera pas un jeu à somme nulle. Nous allons en réalité générer de nouvelles ressources, de nouveaux crédits, et voilà qui va permettre de relancer la machine.

Mme Deborah Grey: Oui, je comprends.

M. Don Lenihan: Mais il faut d'abord qu'ils puissent le faire, et certains craignent que s'ils n'acquièrent pas cette capacité, ils seront à ce point affaiblis qu'ils dépendront des contrats gouvernementaux pour obtenir des fonds et se transformeront en une sorte de branche du gouvernement—une branche qui serait chargée d'assurer les services, tout comme par le passé, mais sans avoir la capacité de le faire.

M. Cam Crawford: Si vous me permettez de répondre, je suis entièrement d'accord, et je suppose que dans l'esprit de certains, vu la répartition des compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux, la responsabilité de la prestation des services relève des autorités provinciales, qui signent ensuite des contrats avec des organismes qui font surtout partie du secteur bénévole. Mais le secteur bénévole accomplit toute une série d'autres tâches depuis un moment sans que quiconque reconnaisse cet apport. Effectivement, les bénévoles se réunissent pour trouver des solutions—ils commencent par définir les problèmes sociaux, et ensuite ils essaient de trouver des solutions et d'élaborer des stratégies qui vont leur permettre de mettre en oeuvre ces solutions. Ces activités se déroulent dans le cadre de réunions du conseil d'administration et dans le contexte plus général de la prestation des services.

Comme vous l'avez fait remarquer, Don, si cette orientation nouvelle pousse les organismes bénévoles à se consacrer de plus en plus à la prestation des services en fonction d'une formule de financement très stricte qui ne leur garantit pas la latitude nécessaire pour dispenser le service demandé, à mon avis, ces autres activités qui ont été prises en charge, sans qu'on reconnaisse explicitement la nécessité de les financer, risquent d'être abandonnées.

• 1215

À mon avis, il appartient au gouvernement fédéral de s'assurer que les problèmes sociaux seront cernés rapidement et complètement, et que les partenaires de la société canadienne pourront plus facilement définir, d'un commun accord, les solutions à ces problèmes, etc. Il s'agit aussi de renforcer la capacité des collectivités, qui constitue l'une des importantes responsabilités du gouvernement fédéral à mon avis. J'ai l'impression que les administrations provinciales ne voient sans doute pas la nécessité de financer les organismes bénévoles et ne sont pas non plus convaincues que ces derniers ont besoin d'un rayonnement qui dépasse les limites provinciales. Voilà en tout cas ce que nous avons observé jusqu'à présent. Les provinces jusqu'à présent ne les ont guère financés.

La présidente: Oui, Sherri.

Mme Sherri Torjman: Je voulais simplement vous dire qu'un partenariat très intéressant a été établi, qui semble donner de bons résultats—il s'agit de la prestation nationale pour enfants. Il s'agit d'un partenariat entre le gouvernement fédéral et les administrations provinciales. Le gouvernement fédéral a investi et continue d'investir certaines sommes dans cette prestation. Cela a permis aux provinces, au lieu d'investir cet argent dans l'assistance sociale, de le consacrer à des services et des mesures de soutien bénéficiant les familles et les enfants. À mon avis, ce partenariat pourrait être un modèle pour toutes sortes de nouvelles initiatives fédérales-provinciales. Vous avez demandé qu'on vous donne un exemple d'une situation où ce modèle donne de bons résultats, et je pense effectivement que celui de la prestation pour enfants nous offre des leçons importantes.

Je voulais aussi réagir à votre observation concernant le vieillissement de la population et la nécessité de soutenir cette dernière. Il faut reconnaître à mon avis que les priorités des personnes handicapées ne sont pas si différentes de celles de la population canadienne en général; leurs besoins ne sont pas complètement différents. Nous parlons d'une situation qui touche toutes les familles, tous les particuliers et tous les ménages. Nous devons toujours avoir à l'esprit cette réalité fondamentale, à mon avis.

Enfin, concernant la lettre que vous avez citée, vous remarquez à juste titre qu'au sein de la communauté des personnes handicapées, les gens sont découragés et même épuisés. Ces discussions durent depuis de nombreuses années. En réponse à votre question, je dirais qu'il faut s'efforcer de faire de petits progrès, mais en même temps, avoir une vision très large et se fixer un programme de priorités de grande envergure. De cette façon, la situation évoluerait au moins. Il serait possible de répondre concrètement à certains besoins par le biais des mesures actuellement en place. On continuerait de cette façon, pour qu'il y ait au moins certains progrès, et on aiderait directement les intéressés à répondre à leurs besoins. En même temps, nous avons l'occasion de faire preuve de leadership en assurant aux enfants handicapés le soutien dont ils ont besoin et en s'attaquant de façon plus générale au problème de l'accessibilité dont vous a parlé Cam. Je vous encourage par conséquent à travailler simultanément sur ces deux fronts.

Mme Deborah Grey: Il y a peut-être une petite chose qu'on peut faire qui aurait d'énormes conséquences, et Sherri pourrait peut-être nous donner des conseils à ce sujet. Vous nous avez parlé tout à l'heure de cette brochure qui présente certaines informations concernant les dispositions du régime fiscal qui touchent les personnes handicapées. Vous dites qu'elle vous renvoie au guide d'impôt, qui renvoie ensuite à cette brochure. À qui peut-on s'adresser pour rédiger un texte cohérent et compréhensible? S'agit-il d'une tâche que pourrait remplir le comité—c'est-à-dire s'assurer que l'information que présente cette brochure est au moins cohérente pour que les personnes concernées par ces dispositions fiscales en profitent et paient moins d'impôt? À qui pourrait-on s'adresser pour faire ce travail?

Mme Sherri Torjman: Il conviendrait de poser la question à Revenu Canada et de lui dire que l'information, telle qu'elle est actuellement présentée pose problème parce qu'elle n'est pas compréhensible. Ça, c'est tout à fait à part les problèmes que posent les crédits proprement dits, mais on pourrait au moins s'assurer que l'information est mieux présentée. À l'heure actuelle, elle est très difficile à comprendre et entraîne énormément de confusion, surtout chez les parents.

La présidente: On peut se demander si l'information est mal communiquée ou si elle est tout simplement trop complexe et doit donc être simplifiée.

Mme Sherri Torjman: À mon avis, c'est les deux. J'ai passé des heures et des heures à examiner les deux guides d'impôt avant de venir aujourd'hui, pour essayer de savoir à quels crédits et dégrèvements fiscaux auraient droit les familles. Essayer de comprendre la corrélation entre diverses mesures n'est vraiment pas facile.

• 1220

Mme Deborah Grey: Madame la présidente, je propose que le sous-comité intervienne et demande au ministre du Revenu de prendre des mesures pour faciliter la tâche des contribuables. Il y a sûrement quelqu'un dans un bureau quelque part qui sait comment ça marche. Il a peut-être besoin de 40 heures par semaine pour s'y retrouver, mais il me semble que nous pourrions contribuer de cette façon à corriger la situation.

Mme Sherri Torjman: Je trouve vraiment inquiétant que les parents ne sachent pas à quels dégrèvements ils ont droit.

Mme Deborah Grey: Et ils ne peuvent pas se permettre de prendre le temps nécessaire pour se renseigner.

Mme Sherri Torjman: Exactement; ils ne savent même pas dans certains cas qu'ils pourraient avoir droit à certains dégrèvements fiscaux qu'ils trouvent très importants, notamment ceux qui touchent les services de relève et diverses mesures de soutien qui leur sont destinées. Je ne suis pas convaincue que les gens comprennent bien les dispositions actuelles.

La présidente: Nous vous promettons, Sherri, de lire la section 4 du cahier d'information. Nous essaierons de préparer de bonnes questions à poser au ministre Dhaliwal la semaine prochaine, et nous lui exprimerons vos préoccupations à cet égard.

Mme Sherri Torjman: Merci infiniment.

[Français]

La présidente: Madame Dalphond-Guiral.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Je vous ai écoutés attentivement. Même si certains d'entre vous parlaient très rapidement, j'ai quand même assez bien saisi. De mon côté, je vais essayer de ne pas parler trop rapidement pour que ceux qui comprennent le français n'aient pas à se servir de leur écouteur.

Il y a un problème. Au cours de ma vie professionnelle, j'ai travaillé dans le milieu de la santé, auprès de familles qui avaient un enfant moins bien équipé pour faire face à la vie. J'ai connu cela de très près. J'ai aussi connu des adultes dans le même cas.

Ces familles et certains adultes nous disent qu'ils en ont ras le bol d'être considérés comme des quémandeurs. Au fond, ils sont des clients et ils voudraient avoir le droit d'obtenir ce à quoi ils ont droit. Cependant, il y a un problème. Dans notre système, nous avons différents paliers de gouvernement qui ont tous le droit de prélever des impôts; le gouvernement fédéral fait partie de ces grands gestionnaires.

Quand on parle de gestion participative, c'est très intéressant. Toutefois, dans la vie courante, le client est d'habitude celui qui paie et qui dit ce qu'il veut obtenir. Dans la situation que vit la clientèle des gens aux prises avec un handicap, le client veut bien dire ce dont il a besoin mais, au bout du compte, ce n'est pas lui qui paie directement, de façon immédiate; c'est la machine gouvernementale.

Il y a donc une espèce de distorsion épouvantable. Je ne sais vraiment pas comment on pourrait arriver à réduire cette difficulté, d'autant qu'on en parle depuis des lunes. Il y a quand même des améliorations. Il y en a très clairement. Je viens du Québec et je sais que les gens qui habitent à l'extérieur du Québec souhaiteraient avoir ce qui existe au Québec.

Alors, quand j'entends parler d'une grande vision au fédéral, je me dis que c'est peut-être la solution, mais ce n'est pas clair pour moi. Je pense que plus on est près de la personne qui a des besoins, plus cette personne peut exprimer ses besoins et plus on est en mesure de l'aider.

Par exemple, j'habite une ville de 350 000 habitants où il y a effectivement une prise en charge des gens par les gens. Certaines personnes, qui étaient considérées il y a 20 ans comme handicapées et à qui on n'aurait rien demandé, font preuve de courage et d'énergie et se rendent très utiles aux autres. C'est à partir du moment où ils acquièrent une estime de soi—ce qui s'appelle avoir le droit de se promener le nez en l'air et que je ne saurais traduire en anglais—qu'ils commencent à se sentir bien dans leur peau malgré un manque d'équipement certain. Je pense qu'il y a là une richesse extraordinaire.

Est-ce qu'il ne faudrait pas en arriver à dire à nos concitoyens qui sont moins chanceux que nous qu'ils sont essentiels à notre société, qu'ils peuvent rendre des services, qu'ils peuvent eux-mêmes définir leurs besoins parce qu'ils sont les mieux placés pour les connaître?

• 1225

Ils savent, par exemple, ce que veut dire mesurer quatre pieds et deux pouces; nous ne le savons pas. En tout cas, moi je ne le sais pas. J'ai déjà mesuré quatre pieds et deux pouces, mais j'étais bien petite et les gens me prenaient dans leurs bras. Non, je ne le sais pas. Il y a de nombreuses situations de ce genre.

Je ne sais pas comment on va s'en sortir, mais je ne crois pas que ce sera en plaçant le lieu des décisions très loin des gens et en obligeant ces derniers à parcourir un long chemin pour y parvenir. Cela n'a pas de bon sens. Il faut essayer de ramener les choses à l'échelle humaine.

C'est M. Fougeyrollas qui a parlé d'une assurance-invalidité universelle. J'aurais presque envie de parler d'une assurance-bien-être universelle. Qu'est-ce que qu'on entend par bien-être? Une assurance-invalidité, pour moi, est une désignation qui comporte un aspect négatif. D'ailleurs, on a remplacé l'assurance-chômage par l'assurance-emploi. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de déterminer ce qu'est, dans une société développée comme la nôtre, le bien-être minimal, ce à quoi tout le monde a droit? Ce serait une façon de voir les choses autrement et il serait peut-être intéressant de voir comment les gens aux prises avec ces problèmes les vivent.

Je n'entrevois pas d'issue d'ici demain matin. Cependant, je pense que le comité peut exiger qu'on travaille sur la signification de l'invalidité. Il est insensé que le sens varie autant, que pour certains, être invalide veuille dire être incapable de manger tout seul et incapable de faire quoi que ce soit. C'est insensé. Il faut parvenir à une définition qui soit intelligente.

Il y a aussi, bien sûr, tout l'aspect de la taxation. On sait très bien que lorsqu'on dispose de revenus, ce ne sont pas des cadeaux et on y a droit. Cela est bon pour l'estime de soi.

Vous avez beaucoup de travail. Nous n'avons qu'à discourir, alors que vous avez à réfléchir. Merci.

Mme Sherri Torjman: Je voudrais faire un court commentaire pour préciser que la proposition que j'ai faite ne s'appliquait pas seulement au fédéral. C'était une proposition concernant à la fois le fédéral et le provincial. Cela veut dire que le gouvernement fédéral doit investir de l'argent et que les provinces engagées dans ce processus avec le fédéral font aussi un investissement. mais en déterminant elles-mêmes où ces investissements sont faits, que ce soit dans les services, dans les fonds individualisés pour les enfants ou les parents, ou n'importe où ailleurs. C'est un projet d'ensemble. Ce n'est pas un projet dans lequel le fédéral décide où les fonds vont aller à l'intérieur des communautés elles-mêmes.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il y a eu un certain nombre d'exemples de fonds d'origine fédérale qui, soudainement, sont disparus. Le besoin avait été déterminé et comblé pendant un certain temps. Or, nous savons tous qu'un besoin comblé devient une nécessité. Un besoin qui a été comblé, c'est encore pire; on le ressent encore davantage. C'est ainsi. Est-ce qu'il y a une garantie quant à la pérennité des fonds? Je ne gagerais pas là-dessus. Il peut arriver qu'on décide d'affecter les fonds à la Défense, par exemple. Tout cela fait partie de mes inquiétudes.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Lenihan.

M. Don Lenihan: J'espère que vous m'excuserez de vous répondre en anglais, car mon français n'est pas aussi bon que celui de Sherri.

Vos remarques soulèvent de nombreuses questions. Il y en a une en particulier que je voulais commenter, en rapport avec ce que vous disiez sur la nécessité de s'assurer que le service est dispensé par la personne qui se trouve le plus près du client. À mon avis, vous avez parfaitement raison. Il me semble que dans le cadre d'une réorganisation du gouvernement qui éliminerait progressivement les anciennes structures ministérielles, il faut tout d'abord se mettre à la place des citoyens ou des clients et voir à partir de là qui devrait être chargé d'assurer tel service.

• 1230

Cela dit, on découvrira sans doute dans certains cas que l'organisme le plus apte à offrir un certain service sera celui qui est le plus rapproché du client. Dans d'autres cas, il y aura des niveaux différents et même de multiples niveaux d'intervention. Je ne suis même pas sûr de savoir qui serait le client dans ce cas, mais quand on songe à la réglementation de l'environnement ou des entreprises ou d'autres activités que mènent les gouvernements, s'il est question de services, ces services sont dispensés le plus souvent à distance, et il est alors difficile de savoir qui est le mieux placé pour les offrir.

Sur la question d'une démarche axée davantage sur les résultats, si nous élaborons un bon modèle, ce dernier devrait nous aider à mieux définir les responsabilités des différents paliers de gouvernement. Je ne suis certainement pas expert en la matière, mais il est possible que dans le domaine de l'invalidité, il existe différentes responsabilités à différents paliers. Certaines fonctions peuvent être remplies plus adéquatement au niveau communautaire, d'autres, au niveau provincial, et d'autres encore, au niveau fédéral ou même international.

Il y a donc un important travail à faire en comité, qui consiste au départ à essayer d'y voir clair. Quand on parle de résultats, on ne parle pas d'un seul résultat qu'on essaie d'obtenir; il y a toute une série de résultats qui se succèdent l'un l'autre. On part d'un niveau élevé, avec le système de soins, disons, et on décide que le résultat de notre intervention dans ce domaine sera une population saine. C'est un résultat important. Après on passe au niveau suivant, et on se demande ce qui convient à ce niveau-là. Mais il ne faut pas non plus trop de niveaux, sinon on s'y perd.

Par contre, quand il s'agira de déterminer quels sont les niveaux importants pour l'élaboration ou l'intégration des politiques et quels acteurs sont les mieux placés pour accomplir chacune des tâches associées à un travail d'envergure, nous serons plus à même de coordonner l'action des gouvernements et des collectivités et de savoir qui devrait faire quoi et dans quel contexte.

Afin de lancer une démarche ascendante d'élaboration des politiques et de communiquer les opinions des intervenants clés aux gouvernements et aux ministres, des comités comme le vôtre doivent commencer par examiner les résultats fixés par les gouvernements en se demandant si ces derniers ont raison, s'ils ont bien compris ce qu'il faut faire, et s'il n'y aurait pas une façon plus efficace de déterminer qui fera quoi et dans quelles conditions.

M. Cam Crawford: Comme l'expliquait Sherri, il s'agit entre autres de respecter et de reconnaître les besoins très différents de personnes concernées, besoins qui dépendent nécessairement de leur situation. Il faut donc élaborer un nouveau système qui respecte davantage les besoins individuels et permet d'y répondre plus efficacement.

C'est d'ailleurs l'une des grandes priorités du milieu des personnes handicapées depuis de nombreuses années. Mais la question qui se pose à chaque fois est celle de savoir comment on peut financer tout cela et d'où proviendra l'argent nécessaire? Depuis un moment, on accroche toujours sur ce point.

Je ne m'attends pas à ce que cela suscite énormément de discussion, mais je propose qu'on adopte une nouvelle démarche visant à encourager la participation des nombreux secteurs qui doivent s'y investir pour créer un système mieux adapté aux besoins. Cela permettrait à notre société de progresser vers un modèle de coopération entre les administrations fédérale et provinciales.

Le gouvernement fédéral aurait à offrir certaines mesures d'incitation et de soutien aux administrations provinciales. Ces dernières s'efforceraient de mobiliser les secteurs privé et bénévole. Ces derniers contribueraient à établir des mécanismes mieux adaptés aux besoins individuels, en utilisant l'argent actuellement investi dans l'infrastructure et d'autres mesures pour créer un programme de soutien plus direct et personnalisé.

Cette question comporte de nombreuses dimensions dont il faut tenir compte, mais il est essentiel de mettre en place des mesures d'incitation qui encouragent les gens à participer à titre de collaborateurs en fonction de principes convenus d'avance à différents projets qui permettent de solutionner les difficultés actuelles. À l'heure actuelle, il n'existe pas vraiment de mesures qui encouragent les gens à embarquer dans ce genre d'initiatives.

[Français]

M. Patrick Fougeyrollas: Toujours dans la ligne de ce que vous avez avancé, il est important de redire qu'à la base, c'est une question de concertation et de complémentarité provinciale et fédérale. Quand vous dites que les personnes ne participent pas nécessairement au financement, je considère que c'est plus ou moins vrai. Que ce soit par le biais du travail ou de diverses activités, par le permis de conduire ou la plaque d'immatriculation, etc., le système est financé par de nombreux moyens.

• 1235

Le problème, c'est que tous ces programmes qui ont été mis en place spécifiquement pour des questions de société et d'urgence socioéconomique n'ont pas été véritablement harmonisés et créent des inégalités entre des personnes qui ont exactement les mêmes besoins.

Pensons aux besoins des enfants et au soutien accordé aux familles ou aux personnes qui ont des problèmes congénitaux. Dès que l'on parle d'une compensation reliée à la cause, à une cause qui est assurable, on constate des injustices.

Donc, l'idée serait d'avoir une concertation intersectorielle qui permettrait d'identifier un ensemble de sources de financement qui pourraient être reliées au travail ou à un ensemble d'activités qui sont causes de maladies ou de traumatismes, pour en arriver à un partage plus équitable, à une sorte de fonds ou de caisse qui permettrait de financer l'ensemble des besoins.

Pour cela, il faut établir la distinction entre deux choses, et la réalité est différente selon les provinces du Canada: la dimension de la sécurité du revenu et la dimension de la compensation des coûts supplémentaires.

Je laisse un peu de côté la sécurité du revenu, mais la compensation des coûts supplémentaires porte sur tous les éléments qu'une personne doit débourser par rapport à ses déficiences et incapacités qu'une autre personne n'a pas à débourser. Ces éléments devraient être universels. Il n'y a aucune raison qu'il y ait des iniquités sur ce plan. C'est une responsabilité qui ne peut pas relever de l'individu; c'est une responsabilité collective de société.

Une fois admis ce principe, les sources de financement peuvent être multiples mais un calcul équitable de la compensation serait fondé sur un ensemble d'éléments qu'il est possible de définir, indépendamment de l'âge ou de la cause.

Il y a des expériences au Canada, selon les provinces—je pense à toute la question du no fault et de l'abolition de poursuites civiles—, en Nouvelle-Zélande, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves, où on a mis en place des systèmes qui ne sont pas nécessairement parfaits mais qui, par-delà les causes d'accident ou de maladie, incluent un ensemble de compensations équitables. Donc, les exemples au niveau international ne manquent pas.

Je voudrais revenir encore une fois sur un point. Selon le mandat que l'on a conjointement, il faut convaincre les décideurs que notre tâche n'est pas d'améliorer les conditions de vie d'une petite minorité sociale, mais qu'il se produit des changements dans l'organisation sociale et que l'élimination des obstacles vise véritablement à améliorer la qualité de vie de l'ensemble des citoyens.

Ce n'est donc pas un problème de santé; c'est un problème intersectoriel qui exige l'engagement des divers ministères à tous les niveaux. Il faut clarifier ces responsabilités, dans la perspective d'une amélioration de la qualité de vie. Il y a aussi beaucoup de retombées économiques positives au fait de favoriser la participation des personnes qui ont des incapacités. Il faut arrêter de voir cela comme des coûts, comme une escalade des coûts et plutôt le voir comme un investissement dans la qualité de vie de l'ensemble de la population et aussi comme une économie sur les coûts qui vont être engendrés, si on ne le fait pas, en termes d'institutionnalisation, d'exclusion sociale et de pauvreté. C'est vraiment cette approche qu'il faut adopter.

[Traduction]

La présidente: Très bien. Deborah, voulez-vous poser quelques petites questions?

Mme Deborah Grey: Non, j'ai fini. Merci.

La présidente: Très bien. Merci.

Gail, voulez-vous répondre à Madeleine?

Mme Gail Fawcett: Je voudrais soulever un point qui n'a pas encore été abordé. Ce que vous avez dit au sujet de la participation de votre collectivité me semble très important.

• 1240

Nous avons parlé de partenariats entre les gouvernements et les organismes et nous avons également parlé des problèmes actuels et des solutions potentielles. Mais quand je rencontre les membres de groupes de réflexion ou d'organismes qui défendent les droits des personnes handicapées, j'entends dire sans arrêt que si l'on pouvait changer l'attitude du public, la volonté politique de procéder à tous ces changements se manifesterait aussitôt.

On ne peut nier l'importance de la participation communautaire et la nécessité non seulement de mieux renseigner le public sur les capacités des personnes handicapées, mais également de réaliser tout ce dont nous discutons ici.

La présidente: J'ai quelques questions à poser. La plus spécifique est celle-ci: dans l'éventualité d'un nouveau modèle de gouvernement davantage axé sur les partenariats avec le tiers secteur, il convient de garder à l'esprit l'une des préoccupations exprimées par différents groupes du tiers secteur en ce qui concerne le financement de base par rapport au financement de projets. Si vous êtes payé uniquement pour distribuer certains services, vous n'aurez pas de personnel de base pour s'occuper de planification stratégique, d'ententes ou de partenariats, ou pour réunir des fonds.

À votre avis, est-ce que cela va devoir changer?

M. Don Lenihan: J'aimerais justement écrire un livre là- dessus. C'est une question particulièrement épineuse. Elle va au coeur de... Le tiers secteur évolue à présent et doit sans doute être subdivisé, puisqu'il comprend des organismes bénévoles, d'une part, et des organismes à but non lucratif, comme NAV CANADA, qui servent le public mais de façon très différente. Même là il faut faire de nombreuses distinctions.

Si nous nous attendons à ce qu'un organisme du tiers secteur, et notamment des organismes bénévoles, financent leurs propres activités et lancent des projets des activités destinés à servir le public, il est bien possible qu'ils finissent par s'intégrer au secteur commercial. Dans ce contexte, il sera difficile d'établir le bon équilibre si vous me permettez cette horrible métaphore, entre les valeurs d'entreprise et des droits qui sont d'une certaine manière orientés par la recherche de profits...

Soyons honnêtes. Même si des organismes du tiers secteur sont des organismes à but non lucratif, ils peuvent tout de même avoir des revenus importants s'ils gèrent bien leurs affaires, quelle que soit la façon dont ils les utilisent. Mais s'ils établissent des partenariats avec les gouvernements, le secteur privé et d'autres organismes, la question de savoir comment ils doivent réunir des fonds et les gérer, et quelles valeurs doivent sous-tendre leurs pratiques devient vraiment problématique. À mon avis, cela fait partie du travail de renforcement des capacités.

Si nous les poussons trop loin trop rapidement, nous risquons de transformer bon nombre d'organismes du tiers secteur soit en organismes de façade qui sont en réalité des branches du gouvernement chargées d'assurer la prestation des services, soit en entreprises privées qui essaient de se faire passer pour des organismes du tiers secteur. Si le rôle du tiers secteur nous semble bien important—et à mon sens, les valeurs que défendent ces organismes qui favorisent l'intérêt public à la place du gouvernement sont d'une importance critique—nous devons trouver le moyen de les laisser se transformer et de s'organiser correctement pour qu'ils aient une idée précise de leurs objectifs et priorités, des valeurs qu'ils défendent et du type de partenariat qu'ils peuvent établir avec le gouvernement sans saper leur propre intégrité. Mais cela comporte de nombreux risques.

La présidente: On peut aussi se demander comment tout cela influe sur les responsabilités des uns et des autres et sur le rapport de force entre les organismes bénévoles et ceux qui les financent. A-t-on le droit de critiquer celui qui assure le financement et comment...

M. Don Lenihan: J'ai bien envie de vous parler de mon propre organisme, qui subit actuellement de profonds changements. Ce que je peux vous dire, c'est que la situation est très difficile. Sans vous révéler de secrets, mon organisme qui pendant longtemps obtenait des subventions du gouvernement pour faire de bonnes oeuvres a dû abandonner cette approche en faveur de ce qu'on pourrait appeler des contrats de paiement à l'acte. Nous nous chargeons d'organiser des projets de recherche auxquels veulent participer les gouvernements. À partir de quel moment devient-on consultant dans un contexte où le gouvernement veut vous faire faire certaines choses et obtenir certaines conclusions—à ce moment-là, on serait non seulement des consultants, mais en plus des consultants bon marché.

• 1245

Face à une telle situation, un organisme comme le mien doit essayer de déterminer au fur et à mesure qu'il évolue—et cela demande énormément de réflexion—en vertu de quels critères il acceptera un projet. Nous avons commencé à définir des critères qui nous permettront d'éviter de devenir de simples consultants. Si quelqu'un prétend que nous sommes un simple cabinet de consultants, nous pourrons lui dire: non, c'est faut; voilà notre mode de fonctionnement et voilà ce qui nous distingue des consultants.

Donc, il existe un certain nombre de freins et contrepoids qui font que nous ne deviendrons pas un cabinet de consultants qui entreprend des projets uniquement pour faire de l'argent, quitte à se faire donner des ordres par le gouvernement et se faire imposer certaines conclusions. Mais à mon avis, la façon de s'y prendre sera différente dans chaque cas. Il faut que les organismes individuels réfléchissent à la question et décident eux-mêmes comment ils vont gérer leurs diverses activités—c'est- à-dire comment s'assurer d'établir des partenariats réels sans être intégrés dans l'appareil gouvernemental ou encore, comment éviter de se faire donner des ordres par le gouvernement ou le secteur privé; leur position par rapport aux autres intervenants; de quoi ils doivent répondre devant leurs membres, leur conseil d'administration, le public et leurs partenaires. Ce ne sont pas des questions faciles.

La présidente: Presque tous nos invités représentent un organisme dont le gouvernement a souvent reconnu la valeur. Est- ce qu'il y en a d'autres qui voudraient réagir?

Mme Sherri Torjman: Je voulais simplement mentionner que le soutien du secteur bénévole est un élément critique de la citoyenneté. Si nous voulons vraiment concrétiser cette notion de citoyenneté à part entière, nous devons nécessairement soutenir le secteur bénévole, et pas simplement par le biais d'un système de rémunération à l'acte. Nous observons en ce moment une tendance très dangereuse, en ce sens que les crédits offerts sont rattachés à des initiatives précises qui sont rémunérées à l'acte, sans que les opérations de base bénéficient de soutien financier.

La distinction que vous faites entre le financement de base et le financement de projets ou la rémunération à l'acte est extrêmement importante. Si vous reconnaissez la nécessité de soutenir les organismes de la base, notamment dans le domaine de l'invalidité, vous contribuerez à concrétiser cette notion de citoyenneté au Canada. C'est tout à fait essentiel.

Dans le même ordre d'idées, il y a une autre tendance dont j'ai entendu parler et que j'ai moi-même observée. Bon nombre d'organismes qui travaillent à la question de la citoyenneté sont maintenant appelés des groupes d'intérêts spéciaux. On écarte ces groupes en disant qu'il ne faut pas les écouter parce qu'ils ont des intérêts spéciaux à défendre. Eh bien, dans une démocratie, il faut au contraire les écouter, et même très attentivement.

La présidente: Peut-être avez-vous d'autres conseils à nous donner concernant la stratégie que doit adopter le comité, car ce qui ressort clairement de la discussion de ce matin, c'est que le manque de communication entre «nous» et «eux» pose un énorme problème. On nous met donc au défi de trouver une façon d'intégrer à la société les quatre millions de personnes, soit 20 p. 100 de la société, qui sont maintenant exclues. Si nous pouvons relever ce défi en élaborant une infrastructure adéquate, nous assurerons l'avenir d'une société qui vieillit et qui a des besoins bien précis en permettant aux gens d'être des citoyens à part entière.

Avez-vous une stratégie à nous recommander? Est-ce que quelqu'un voudrait réagir?

Monsieur Crawford.

M. Cam Crawford: Cette stratégie doit consister en partie, à mon avis, à définir les objectifs du gouvernement fédéral vis-à- vis de cette nouvelle démarche. Par le passé, le gouvernement fédéral—et vous me corrigerez si je me trompe dans les détails—à financer les administrations provinciales par l'entremise du Régime d'assistance publique. Les provinces devaient ensuite financer le tiers secteur en vertu de cette formule de financement conjoint. Le gouvernement fédéral offrait également d'autres crédits aux organismes pour leur permettre de se réunir et de cerner les grands problèmes sociaux que le RAP devait permettre d'atténuer. Par l'entremise du programme de subventions au bien-être social, le gouvernement fédéral permettait également aux groupes intéressés de se réunir au niveau national pour parler de grandes questions sociales et s'entendre sur les conseils à donner au gouvernement sur la façon d'attaquer différents problèmes.

Donc, le gouvernement fédéral a joué un rôle jusqu'à présent, mais ce rôle s'articulait surtout autour du RAP. S'il n'est plus possible de garder le RAP comme point d'appui, quel doit être son rôle? Il reste que quelqu'un doit trouver des solutions intelligentes aux grandes questions sociales, et ce en fonction d'une compréhension holistique des problèmes. À mon avis, un gouvernement provincial pourrait difficilement envisager de financer ce genre d'initiative. Il s'agit là d'un travail de plus grande envergure. Il faut offrir un soutien financier aux groupes qui se réunissent pour cerner les problèmes et élaborer des solutions concrètes, car il s'agit d'un travail de réflexion qui demande énormément de temps et d'efforts dans certains cas.

• 1250

Financer le secteur bénévole pour qu'il mobilise le secteur privé et d'autres partenaires du secteur public, tels que les administrations municipales ou provinciales non seulement demande du temps mais peut finir par coûter très cher, de sorte qu'un gouvernement provincial est peu susceptible de penser que cela peut lui apporter quelque chose; par contre, d'un point de vue national, il y a des avantages dont peut-être seul le gouvernement fédéral peut vraiment jouir. S'agissant d'accessibilité, le gouvernement fédéral peut peut-être jouer un rôle unique au sein de la fédération en assurant ce genre de financement.

Ainsi le défi consiste peut-être à déterminer quelles sont les activités actuelles du secteur bénévole et quelles pourraient être ces activités à l'avenir, et il semble tout à fait justifier de s'attendre à ce que le gouvernement fédéral joue un rôle particulier au niveau du financement et du soutien de cette activité. Ainsi il serait peut-être possible de définir de nouveaux rôles et responsabilités pour le secteur bénévole.

Mme Sherri Torjman: Les subventions nationales au bien-être social permettaient également d'accorder un financement de base à de nombreux organismes. La décision d'éliminer cette division a fait beaucoup de torts à de nombreux groupes. Lorsque M. Pettigrew comparaîtra devant le comité, vous devriez justement l'interroger au sujet du financement du secteur bénévole. Nous sommes évidemment préoccupés par la décision du ministère d'accorder un financement ponctuel aux organismes qui représentent les personnes handicapées et nous aimerions savoir ce que le ministère compte faire pour soutenir ces mêmes groupes étant donné que les subventions nationales au bien-être social ont maintenant disparu.

M. Don Lenihan: D'abord, la question du financement de base par opposition au financement de projets me semble bien importante, car si ces organismes n'obtiennent pas le financement de base qui leur permet de mener leurs activités et de réfléchir à leurs objectifs et leur mandat, comment peut-on s'attendre à ce qu'ils lancent des initiatives intéressantes et novatrices?

Cela dit, l'autre volet de cet argument, c'est que les partenariats, coopératifs ou non, sont des activités novatrices qui génèrent obligatoirement de nouveaux projets utiles, etc. À ce moment-là, ce que nous devrions faire—même si je ne suis pas sûr de savoir comment on doit s'y prendre—c'est créer un climat dans lequel ces organismes seront financièrement motivés à réfléchir à la façon dont ils peuvent élaborer et exécuter des propositions et projets novateurs, utiles et intéressants. Il ne s'agirait certainement pas de leur donner carte blanche. Il faut être prudent et éviter de créer le même environnement qui existait autrement, c'est-à-dire que le gouvernement prétend créer un fonds pour favoriser l'accès, les partenariats et d'autres activités, mais ce fonds devient simplement un moyen de faire des propositions au gouvernement pour obtenir de l'argent.

Une éventuelle solution consisterait peut-être à inclure l'idée de partenariat dans les critères et même à prévoir que les organismes puissent exercer un certain contrôle sur les crédits qui leur sont versés par le biais de partenariats. Je ne suis pas sûr de savoir en quoi devraient consister ces critères, mais je sais que c'est ainsi qu'on renforce les capacités et la planification stratégique d'un organisme, qui se constitue en fonction d'un mandat, d'objectifs et d'activités de base, et qui peut ensuite se livrer à une réflexion novatrice sur la contribution qu'il peut apporter au règlement de différents problèmes au sein de la collectivité; voilà ce qu'il faut.

La présidente: Ce que nous trouvons préoccupant, c'est justement qu'on ait consulté à maintes reprises le milieu des personnes handicapées qui revendique des actions concrètes. Leurs préoccupations n'ont pas vraiment changé, elles sont toujours présentes.

Certains d'entre nous étions optimistes en voyant le document À l'unisson diffusé dans le cadre des discussions sur l'union sociale; d'ailleurs, le communiqué de presse publié au sujet de l'union sociale indiquait qu'on continuerait à fixer des objectifs et à conclure des ententes sectorielles dans ce domaine. Je me demande par conséquent si votre attitude vis-à-vis de l'union sociale est également l'optimisme, pour ce qui est de la possibilité de fixer des objectifs et de réaliser des projets concrets, que la situation des personnes handicapées... d'ailleurs, ce projet serait une bonne première initiative à prendre dans la foulée de l'entente sur l'union sociale, puisqu'il permettrait de démontrer concrètement les conséquences positives de l'union sociale, surtout que ce projet est déjà bien entamé, grâce au document À l'unisson, et que le comité pourrait aider à définir les résultats et activités pour la prochaine étape. Qu'est-ce que vous en pensez?

Peut-être devrions-nous d'abord demander l'avis du représentant du Québec.

• 1255

[Français]

M. Patrick Fougeyrollas: Je voudrais insister sur le fait que l'une des stratégies consiste à essayer de parler un langage harmonisé commun. Une des difficultés majeures qui mènent au cloisonnement des groupes et des clientèles, c'est qu'on ne définit pas le processus de production du handicap de la même manière. À ce moment-là, on ne prend pas conscience que les caractéristiques des personnes, bien que spécifiques, entraînent des incapacités similaires et les placent en face d'obstacles similaires par rapport au travail, à l'éducation ou ou revenu.

C'est un des éléments majeurs qu'on a maintenant tendance à utiliser comme argument à propos du financement. Quand les personnes ayant des incapacités exercent leurs droits dans des mouvements, elles font cette relation et en prennent conscience. Cependant, il faut que cette prise de conscience se transmette à l'ensemble de l'organisation gouvernementale et, de façon plus large, à l'ensemble de la société pour qu'on parvienne à une harmonisation dans l'expression du problème. Il faut prendre conscience qu'on fait face à des obstacles similaires.

De ce point de vue, le document À l'unisson contient des éléments très valables, mais il s'agit en fait d'une répétition de ce que contenaient des documents antérieurs. Il faut obtenir une véritable volonté politique de réaliser ces objectifs aux paliers national et provincial. Si on veut vraiment améliorer la situation, il faut faire respecter les règles qui concernent, par exemple, l'égalité des chances.

On a un ensemble de normes qu'on ne fait pas véritablement respecter. On cherche une volonté politique d'en arriver à une véritable intégration. Pourquoi est-ce qu'on n'a pas une véritable normalisation des moyens de répondre aux besoins des personnes? Pourquoi est-ce qu'on ne fait pas respecter l'imputabilité des différents acteurs au niveau gouvernemental? Pourquoi est-ce qu'on n'a pas un ministère véritablement responsable de la coordination de l'ensemble de ces questions? Il faut qu'il y ait une organisation coordonnatrice responsable de ces éléments.

Donc, ma réponse revient en somme à une question qui s'adresse à tous les partis politiques parce que c'est une question de société: a-t-on la volonté, une véritable volonté, de faire appliquer ces objectifs? En effet, on connaît ces objectifs depuis longtemps. Maintenant, est-ce qu'on veut véritablement les mettre en oeuvre? C'est ce que nous demandons.

[Traduction]

La présidente: La semaine dernière, j'étais à Genève pour participer à la rédaction d'un livre sur le SIDA en collaboration avec l'ONU et l'UIP, l'idée étant d'examiner le SIDA sous l'angle des droits de la personne, et j'ai trouvé bien intéressant d'examiner les modèles qu'appliquent différents pays dans ce domaine.

Évidemment, ici au Canada nous avons eu un accrochage avec les organismes de lutte contre le SIDA, et ensuite un comité consultatif ministériel a mis un peu d'ordre dans tout cela, mais il est certain qu'il n'y a pas qu'un ministre qui soit responsable des dossiers des droits de la personne, de la santé et du SIDA. Si l'on dit que cela relève uniquement du ministre de la Santé, parce que c'est une question qui intéresse la santé et non les droits de la personne, cela suppose à mon avis une diminution des pouvoirs d'intervention. J'imagine alors qu'il n'est pas non plus suffisant que seulement le ministre du Développement des ressources humaines, appuyés par un comité consultatif ministériel, soit chargé de ce dossier.

Je ne veux pas préjuger les recommandations du comité, mais s'agissant d'une question horizontale, nous souhaitons que tous les ministres se déchargent de leurs responsabilités en ayant à l'esprit les questions liées à l'invalidité, et je me demande donc comment nous pouvons nous assurer que les études menées par les consultants donnent lieu à des résultats concrets? J'espère que l'entente sur l'union sociale débouchera justement sur des actions concrètes.

Peut-être aimeriez-vous réagir, Cam.

M. Cam Crawford: Je voudrais faire trois observations.

Comme vous, j'éprouve un certain optimisme à l'égard du document À l'unisson, et j'espère qu'il servira de base à un plan d'action qui nous permettra de progresser—je vais répondre à votre question dans une minute.

• 1300

Je suis un peu préoccupé par le manque de cohérence entre les messages qui sont communiqués. À l'unisson est rempli de messages positifs, et ce sont les mêmes messages que communiquent les personnes handicapées depuis un bon moment, mais il y en a d'autres qui, étant tout à fait contraires à ceux du document À l'unisson, sont inquiétants. Je peux vous dire que les personnes handicapées sont de plus en plus cyniques et enregistrent donc très rapidement ce manque de cohésion.

Par exemple, puisque nous parlons de mobilisation, de participation et d'inclusion, ce dont il est question dans À l'unisson, si vous examinez les documents de DRHC, vous verrez qu'il y est constamment question de mesures actives et de réduction du nombre de clients recourant au RPC. Les gens ne sont pas idiots. Ils savent très bien que cela veut dire que le nombre de personnes qui se prévalent des programmes sociaux va devoir baisser. Ils en concluent que telle est la véritable priorité sociale du gouvernement et que, À l'unisson sert surtout—et les preuves en sont nombreuses—à justifier certaines intentions qui sont parfaitement contraires à l'esprit de ce document. À mon avis, les gens sont très sensibles à ça, et il faut répondre directement à cette préoccupation.

L'autre élément du problème, ce sont les ententes de développement du marché du travail, qui parlent vaguement d'invalidité dans leur préambule et ne prévoient absolument rien pour les personnes handicapées. D'après mon analyse de la situation, les programmes qui sont en voie d'élaboration au niveau provincial ne prévoient même pas la possibilité d'offrir des services aux personnes handicapées qui voudraient s'intégrer au marché du travail.

Il ne restera plus aux personnes handicapées que le programme d'aide à l'employabilité pour essayer d'obtenir un emploi, et à mon avis, cet outil sous-financé risque de devenir à ce moment-là le seul mécanisme possible. Au niveau stratégique, il serait bon que DRHC trouve le moyen de lier le programme d'aide à l'employabilité aux EDMT pour que les personnes handicapées puissent obtenir le soutien dont elles ont besoin, par l'entremise du programme d'aide à l'employabilité, pour participer aux programmes réguliers, au lieu d'être mis tout à fait à part dans ce petit programme parallèle. Ce programme n'est tout simplement pas suffisant pour répondre à la demande.

La présidente: Là où j'ai besoin d'aide, c'est pour définir les résultats. Dans certains cas, les résultats définis dans les ententes de développement du marché du travail nuisent aux personnes handicapées et les empêchent d'obtenir un emploi, justement parce qu'elles contiennent des objectifs précis. Comment s'assurer qu'à la prochaine étape qui, selon l'accord cadre, prévoit des consultations auprès des Canadiens sur leurs priorités sociales, les résultats ou objectifs fixés conviennent également aux personnes handicapées?

M. Cam Crawford: Il faut les faire participer aux discussions. Dans la préparation du document À l'unisson, même si ce dernier est extrêmement utile, les personnes handicapées n'ont pas vraiment participé de façon substantielle aux discussions qui ont précédé. Et elles n'ont pas vraiment participé aux discussions—du moins pas de façon vraiment fructueuse—qui ont mené à la conclusion des EDMT. Elles ont en quelque sorte joué un rôle dans la création du programme d'aide à l'employabilité des personnes handicapées, mais par la suite, elles n'ont pas été invitées à faire partie des consultations. Donc, s'il est question d'établir des indicateurs et résultats appropriés, il faut qu'elles participent aux discussions et qu'on tienne compte de leur point de vue. Ce serait...

La présidente: Il y a aussi la question de la mobilité, qui est explicitée dans l'entente sur l'union sociale mais qui ne semble pas viser directement les personnes handicapées.

M. Cam Crawford: Si l'on parle de choses pratiques—et je sais que je parle trop—nous avons travaillé pour la Commission de l'équité d'emploi en Ontario, et à l'époque, il s'agissait de mettre en application la Loi ontarienne sur l'équité d'emploi de façon à ce que les personnes gravement handicapées ou gravement défavorisées sur le plan de l'emploi, en raison de leur handicap, puissent vraiment profiter des dispositions de la loi.

Cela a suscité énormément de conflits. Nous avons élaboré 45 recommandations avec lesquelles les représentants des secteurs public et privé étaient d'accord. Les formateurs les approuvaient, et les éducateurs aussi. Mais la clé de voûte de cette loi—et cela me paraît tout à fait justifié—était la création d'un comité du Cabinet composé de représentants de tous les gros ministères, c'est-à-dire la Santé, les Services sociaux, l'Éducation supérieure et la Formation; tous les gros ministères y seraient représentés. Ce groupe, comme le comité chargé des relations interraciales, aurait le pouvoir de contourner les chinoiseries de l'administration et d'influencer directement l'Exécutif. Il aurait un petit personnel de direction qui assurerait les communications avec le secteur privé et les organismes représentant les personnes handicapées. Toutes les lois seraient examinées sous l'angle de leurs conséquences pour les personnes handicapées, et les questions ou difficultés importantes seraient examinées rapidement et systématiquement au fur et à mesure qu'elles surgiraient.

Comme il devait s'agir d'un groupe assez haut placé, ayant le pouvoir de cerner les problèmes et de les régler rapidement, on espérait que ce processus donnerait de très bons résultats. Il paraît que le comité des relations interraciales était assez efficace justement parce qu'il avait ce genre de mandat. C'est peut-être un modèle à suivre.

Mme Sherri Torjman: Moi, aussi, je suis assez optimiste à l'égard de l'entente conclue sur l'union sociale, car elle pourra à mon avis servir de prototype ou de cadre pour l'examen par les gouvernements fédéral et provinciaux de toute une série de questions qui ont été négligées jusqu'à présent. J'ai néanmoins un certain nombre de préoccupations que je voudrais exprimer.

• 1305

La première concerne l'accent qui est actuellement mis sur le cadre de responsabilisation. Sans vouloir minimiser son importance, il s'agit à mon avis d'une infime partie du travail à accomplir, alors que dans le contexte de l'invalidité, les autorités fédérales-provinciales ne semblent discuter que de cela. Il faut que quelque chose soit fait pour qu'on puisse en répondre. Si vous voulez responsabiliser les gens, il va falloir leur donner quelque chose à faire. Pour le moment, on ne fait qu'évaluer la situation actuelle, mais aucune mesure concrète n'a été prise pour répondre aux besoins, inconnus depuis des années, qui restent insatisfaits.

Je crains, si on insiste trop sur la responsabilisation, qu'on finisse par consacrer le statu quo. Comme je viens de le dire, je ne veux pas minimiser son importance. C'est un élément essentiel, mais c'est un repère.

La présidente: Vous voulez dire qu'on évalue pour le plaisir d'évaluer, plutôt que de se fixer des objectifs précis qu'on s'efforce ensuite de réaliser.

Mme Sherri Torjman: Par exemple, nous parlions tout à l'heure de la nécessité de répondre aux besoins des enfants handicapés. Je ne suis pas convaincu que l'actuel cadre de responsabilisation qui est actuellement discuté permettrait de faire avancer ce dossier. Nous examinerions la situation actuelle. Nous verrions qu'il existe x dispositions fiscales—d'ailleurs j'ai des questions à vous proposer pour M. Dhaliwal; que la prestation nationale pour enfants répond à tels besoins dans tels domaines; qu'il existe plusieurs programmes fédéraux destinés aux enfants, y compris un programme d'action communautaire à l'intention des enfants, le programme Bon départ destiné aux Autochtones, les soins à domicile et d'autres initiatives du même genre. Nous prendrions bonne note de tout cela en vue de déterminer qui reçoit quels services, etc.

Comme je l'ai déjà dit, à mon avis, il s'agit d'un simple repère. Nous devons déterminer avec précision ce qui est fait actuellement. Nous savons déjà que bon nombre de besoins restent insatisfaits, et à mon avis, l'entente sur l'union sociale, de même que le document À l'unisson nous offre l'occasion de faire participer les intervenants clés aux discussions.

Pour ce qui est de faire réellement avancer ce dossier, je crains que nous nous laissions obnubiler par ce qu'on appelle la responsabilisation, qui va nous permettre de déterminer exactement ce qui est fait à l'heure actuelle mais non de progresser. Il importe donc d'avoir ce repère et de continuer à évaluer la situation et à exiger que les responsables répondent de leurs actes. En même temps, il faut lancer dès maintenant une série d'initiatives, et c'est justement sur ce plan que les gens se sentent vraiment frustrés, car ils ont le sentiment que ce travail d'évaluation n'est pas accompagné de mesures concrètes qui fassent progresser les choses.

La présidente: En ce qui concerne l'engagement de consulter les Canadiens sur leurs priorités sociales, je suis évidemment plus au courant de la situation dans le secteur de la santé, par exemple les listes d'attente et le fait que les listes d'attente pour la cardiochirurgie sont conçues par les chirurgiens, et non par les patients. Alors j'aimerais bien savoir comment fixer des objectifs qui soient axés sur les besoins des clients plutôt que d'être motivés par des impératifs budgétaires ou d'autres arguments qu'invoquait le gouvernement par le passé pour mesurer les résultats obtenus. Comment changer le système pour que le succès de nos activités soit mesuré en fonction de leur incidence positive sur la population plutôt que du nombre de personnes refusées?

J'ai évidemment un certain nombre de préoccupations en ce qui concerne les prestations d'invalidité offertes en vertu du RPC. Ayant moi-même signé de nombreuses demandes de prestations par le passé, je suis bien placée pour dire que quand ces demandes sont refusées, on sent que son opinion professionnelle est attaquée. Mais quand on me dit que 67 p. 100 des demandes sont rejetées et que nous évaluons le succès de ce programme, d'après ce que j'ai pu comprendre, en fonction du nombre de personnes qui interjettent appel, je me dis qu'on refuse de reconnaître que dans notre société multiculturelle, un particulier peut se faire conseiller par un avocat et interjeter appel lorsqu'une autorité gouvernementale lui dit non; par conséquent, le fait que la demande ait été refusée ne veut pas dire que le gouvernement a eu raison de le faire.

Donc, comment peut-on faire en sorte que de nouveaux objectifs sont fixés en permanence et que les Canadiens participent à ce processus?

M. Cam Crawford: Pour ce qui est de l'aspect pratique de la chose, j'ai déjà suggéré qu'on invite les intéressés à participer aux discussions, mais il convient aussi à mon avis de commencer par examiner la série de résultats, déjà bien documentée, que les personnes handicapées souhaitent obtenir au sein de la société. Les gens veulent faire partie intégrante de leur collectivité. C'est quelque chose qui se mesure. Ils veulent aussi exercer un certain contrôle sur leurs chances de succès dans la vie. Cela se mesure. De plus, ils veulent participer à l'élaboration coopérative de leurs programmes sociaux. Et là, aussi, cela se mesure.

• 1310

On peut examiner la liste. Elle contient de multiples résultats. Peut-être faut-il adopter davantage une vue d'ensemble pour que les principaux indicateurs ne soient pas uniquement le nombre de personnes qui cessent d'être assistées sociales et le nombre de personnes qui obtiennent des emplois. Il y a peut-être lieu de se poser les questions suivantes: les Canadiens ont-ils accès aux programmes d'éducation et de formation postsecondaires? Lorsqu'ils quittent l'école secondaire, ont-ils maintenant un niveau d'instruction plus élevé qu'il y a trois ans? Ont-ils un meilleur accès aux services de soutien et autres dont ils ont besoin pour mener à bien leurs études? Il y a de nombreux facteurs qui influencent la capacité des gens d'intégrer le marché du travail dont on devrait tenir compte au moment d'évaluer notre succès.

Il convient à mon avis d'élargir un peu notre vision des choses et d'examiner une série d'indicateurs sociaux qui nous permettent de nous renseigner sur le genre de société à laquelle aspirent les gens; à ce moment-là, nous aurions une idée plus précise des indicateurs qu'il convient d'élaborer.

La présidente: À votre avis, le comité, avec l'aide des représentants du milieu, serait-il en mesure de contribuer à l'élaboration de cette série d'objectifs ou d'éléments que nous souhaitons mesurer? Don, pouvez-vous nous aider?

M. Don Lenihan: D'abord, permettez-moi de dire que je suis, moi aussi, assez optimiste à l'égard du cadre établi relativement à l'union sociale. Il semble offrir l'occasion de faire avancer ce dossier peut-être juste un peu, ou peut-être de façon substantielle. Et c'est ça qu'il faut. Il faut que les responsables, et pas seulement les responsables intergouvernementaux, saisissent la balle au bond et prennent des mesures énergiques. En tout cas, il ne faudrait pas que ce soit uniquement les responsables intergouvernementaux. On peut espérer que cela donnera lieu à une action beaucoup plus pragmatique, c'est-à-dire que des représentants de différents secteurs se mettront ensemble pour voir de quelle façon ce qui est proposé pourra se réaliser au palier suivant ou aux deux paliers suivants? Voilà essentiellement la question que se pose le comité.

À cet égard, il y a quelques idées qui me viennent à l'esprit. Vous vous souviendrez que j'ai parlé des trois niveaux différents d'interaction entre les gouvernements et d'autres interlocuteurs: premièrement, au sein même de l'appareil gouvernemental; deuxièmement, avec d'autres gouvernements; et troisièmement, avec les citoyens par l'entremise d'organismes communautaires ou privés. Il faut sans doute faire la distinction entre ces trois niveaux, car certaines activités devront se dérouler à chacun de ces trois niveaux individuellement et collectivement.

Mais pour en revenir aux organismes communautaires et au secteur privé, le résultat qu'on souhaite obtenir dans le domaine de l'invalidité n'est pas uniquement un résultat stratégique. C'est évidemment ce qu'on veut obtenir en fin de compte, mais il y a au moins une étape intermédiaire, qui consiste à motiver les organismes pour qu'ils fassent leur part et à renforcer leurs capacités. Il s'agit d'élaborer des projets intéressants et novateurs. Il ne suffit pas de dire qu'on veut obtenir tel résultat; il faut mobiliser les gens. La collaboration suppose la mobilisation de tous les intervenants pour qu'ils travaillent de façon créative et novatrice.

Donc dans le cadre de ce travail, il faudra vraiment réfléchir à ce que nous pouvons faire pour favoriser la collaboration avec les organismes partenaires qui devront prendre la relève, et pour cela, nous devrons également réfléchir à la question des résultats. Je ne suis pas sûr de savoir ce que cela englobe au juste, mais c'est une question importante. Si vous essayez de faire participer vos partenaires avant d'avoir fait cet exercice, vous n'obtiendrez peut-être pas les résultats escomptés.

Le grand avantage à mon avis d'une approche axée sur les résultats, c'est que la coordination peut se faire de façon moins coercitive. Par le passé, du moment qu'il était question de collaboration intergouvernementale, le gouvernement fédéral essayait le plus souvent d'imposer sa volonté aux administrations provinciales ou d'obtenir leur aval moyennant certains crédits—et ce sera toujours le cas jusqu'à un certain point. Mais le grand avantage de voir toute nouvelle initiative du point de vue de ces éventuels résultats, c'est que les deux gouvernements, s'ils sont d'accord sur les résultats à obtenir... Supposons qu'il soit question d'invalidité,—bien que je ne sois pas du tout expert en la matière—est que les deux interlocuteurs décident que dans tel domaine stratégique, ils souhaitent atteindre tels objectifs. D'abord, ils auront tiré cette conclusion chacun de façon indépendante, ce qui signifie qu'ils sont déjà d'accord sur le résultat à obtenir. On peut supposer que tous les deux contribuent à obtenir ce résultat, s'ils ne seraient pas tous les deux arrivés à la même conclusion. Donc, la première étape consiste à obtenir l'accord des parties sur les résultats à obtenir et à quels niveaux ces résultats doivent se concrétiser.

La deuxième étape, qui concerne les indicateurs, est loin d'être insignifiante. Elle est au contraire extrêmement importante, car si les gouvernements obtiennent les mêmes résultats, mais ont des indicateurs différents, sur le plan purement pratique, vous finirez peut-être par avoir des politiques et programmes qui sont incompatibles pour toutes sortes de raisons étranges. Mais supposons que non seulement vos résultats, mais aussi vos indicateurs sont les mêmes. Cela vous oblige à être discipliné dans votre choix de politiques et programmes. C'est ça qui vous motive à obtenir vos résultats et à constamment chercher à améliorer vos programmes et vos politiques. Si deux gouvernements ont les mêmes indicateurs et les mêmes résultats, qu'ils ont choisis librement—j'hésite à évoquer la mémoire d'Adam Smith—ils vont automatiquement commencer à coordonner leurs activités.

Par conséquent, au niveau intergouvernemental, plutôt que d'essayer d'imposer votre volonté l'un l'autre et de vous disputer sur les résultats qui sont appropriés ou non, vous devriez vous demander sur quels résultats les gens du milieu ou les gouvernements sont déjà d'accord et, avant d'aller plus loin, quels indicateurs précis et bien définis qui vont permettre d'assurer l'alignement, l'intégration et l'équilibre des programmes et politiques. Dans la pratique, il y a différentes façons de s'y prendre. Il peut s'agir de quelque chose de simple—par exemple, réunir des gens représentant différents gouvernements et leur permettre d'échanger des idées sur ce qu'on appelle les meilleures pratiques. Quelle est la meilleure façon d'obtenir tel résultat? Quel indicateur doit être retenu dans telle situation? Ça peut mener à des ententes plus formelles, y compris des comités mixtes et ce genre de choses, mais à mon avis, c'est un élément essentiel du processus. Choisir les indicateurs trop tôt, c'est mettre la charrue devant les boeufs à mon avis.

• 1315

La présidente: En ce qui concerne les résultats, si les deux paliers de gouvernement consultent vraiment les intéressés, ils sont plus susceptibles d'arriver à la même conclusion.

M. Don Lenihan: Une conclusion qui sera jugée légitime, d'ailleurs.

La présidente: Ce qui peut être préoccupant pour un gouvernement, c'est qu'en l'absence d'un consensus, il se retrouve avec un tas de recommandations différentes. À ce moment- là, sous prétexte que tous les intéressés ont des priorités différentes, le gouvernement se complaît dans l'inaction.

M. Don Lenihan: Oui, ce risque existe toujours, mais cela m'amène à vous poser une question. Je n'ai pas d'expertise particulière dans le domaine de la validité, mais après avoir entendu les remarques de certains intervenants tout à l'heure, j'espère bien qu'il existe un large consensus sur la question.

Mme Sherri Torjman: C'est le document À l'unisson qui fait l'objet d'un consensus. Voilà pourquoi il marque un tournant historique. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont réussi à s'entendre sur une série d'objectifs. Voilà pourquoi ce document est si important, car il constitue un bon point de départ pour les initiatives futures.

Dans ce même ordre d'idées, et étant donné que M. Pettigrew vous rendra visite jeudi, je voulais vous rappeler que le groupe de travail fédéral-provincial chargé d'examiner les questions d'invalidité est en train d'élaborer une série d'indicateurs pour la concrétisation de ces objectifs. Quels sont les résultats qui leur semblent importants? Ils sont également en train d'élaborer un cadre de responsabilisation, et vous voudrez peut-être interroger le ministre sur le caractère général ou non de ces résultats et lui demander s'ils vont au-delà des indicateurs sociaux dont parlait Cam; il faudrait peut-être lui dire qu'il ne convient pas d'adopter une vision trop étroite des choses.

Donc, un travail d'élaboration de résultats et d'indicateurs est déjà en cours.

[Français]

M. Patrick Fougeyrollas: Dans le même sens, et pour être pratique, je dirai que tout ce qui a été mentionné à propos d'une participation véritable des organisations à la définition des indicateurs est fondamental. D'un point de vue pratique, au cours des 15 dernières années, un outil majeur d'information a été l'enquête OLS de Statistique Canada sur les limitations des activités des Canadiens. Je pense qu'il y aurait lieu de faire une nouvelle enquête.

Il faudrait aussi adapter le questionnaire et le cadre de cette nouvelle enquête pour qu'ils conviennent à la définition d'indicateurs qui intégreraient... Je pense que tout le monde s'entend pour dire que les indicateurs sont reliés à la qualité de la participation sociale des personnes, mais la manière d'aller chercher l'information a évolué au cours des 15 dernières années. Il faudrait aussi que le gouvernement veuille utiliser l'enquête de Statistique Canada pour recueillir périodiquement des informations sur les indicateurs qui permettront de mesurer les progrès en fonction du document À l'unisson.

Je pense que ce serait quelque chose de très concret. On s'attendrait à ce qu'il se fasse un investissement de ce côté et à ce que le contenu de l'enquête conjugue ce qu'en attendent les organisations et les systèmes d'information gouvernementaux.

[Traduction]

La présidente: Eh bien, nous avons envoyé une lettre à tous les ministres en leur demandant de s'engager vis-à-vis de l'ESLA, c'est-à-dire l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités. Les représentants de Statistique Canada nous ont dit qu'il faut deux ans pour tenir des consultations, assez exhaustives, on peut espérer, auprès du milieu concerné pour s'assurer que les questions sont pertinentes. Pour bien mener ce genre d'enquête, il faut un bon travail préparatoire. Nous espérons que le ministre pourra s'y engager dès ce printemps, pour qu'il soit possible de mener en l'an 2001 une enquête qui satisfasse tout le monde.

[Français]

M. Patrick Fougeyrollas: C'est un très bon outil qui permet de mesurer les résultats et qui fournit un tableau progressif de ce qui s'accomplit au Canada.

• 1320

[Traduction]

Mme Gail Fawcett: Comme je travaille beaucoup avec les chiffres et que c'est à moi qu'on demande d'extraire ce genre d'information à des fins d'opérationnalisation, je dois vous dire que l'une des difficultés que nous rencontrerons sera l'absence de données touchant les années 90. L'engagement à mener une ESLA en l'an 2001 va certainement grandement améliorer les choses, mais il y a d'autres mesures qui pourraient être prises pour assurer l'accès aux données d'autres études, telles que l'Enquête nationale sur la santé de la population ou l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, car les données réunies grâce à ces enquêtes nous permettraient d'obtenir des mesures provisoires.

On pourra améliorer les questions si on retient la nouvelle proposition de Statistique Canada concernant les questions du recensement. Il y a d'autres questions qui ne seraient pas très longues qu'on pourrait éventuellement y inclure, et je peux vous assurer que cela nous aiderait aussi à réunir les données que vous souhaitez avoir pour opérationnaliser les indicateurs. Les gens me disent souvent qu'ils souhaitent mesurer telle ou telle chose. Il s'agit de savoir comment. Et comment tenir des données comparables sur une certaine période? Dans le domaine de l'invalidité, ça pose vraiment problème.

La présidente: Don voudrait intervenir, et ensuite, Mme Dalphond-Guiral aura peut-être une dernière question à poser.

Comme nous avons déjà dépassé le temps prévu, voulez-vous...

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il est déjà bien tard, n'est-ce pas?

La présidente: Oui.

[Traduction]

M. Don Lenihan: Je vais être bref.

Même si je répugne employer de telles expressions, je voudrais tout de même vous dire ceci. Peut-être que l'exercice le plus approprié dans ce contexte serait ce qu'on pourrait appeler un exercice de planification opérationnelle. Il s'agirait de vous demander qui sont vos principaux partenaires—c'est-à-dire les autres ministères, gouvernements et partenaires des secteurs communautaires et privés que vous êtes susceptibles de vouloir mobiliser.

Il y a une procédure à suivre pour passer de la planification stratégique à l'opérationnalisation. Une fois que vous avez des idées concrètes ou des objectifs que vous vous êtes fixés, il s'agira peut-être d'encourager le renforcement des capacités du tiers secteur ou d'un autre secteur éventuellement, et de vous asseoir avec les représentants de ce dernier pour leur demander de vous dire, en termes très pratiques, ce qui doit être fait pour avancer le dossier; de cette façon, vous aurez un vrai plan et vous saurez ce que vous souhaitez réaliser.

La présidente: Merci infiniment. Cette discussion a été extrêmement utile, et nous vous rappellerons éventuellement si nous avons besoin d'éclaircissements à une étape ultérieure. Merci encore une fois. C'était très intéressant.

Mme Sherri Torjman: Merci infiniment de nous avoir invités à vous rencontrer aujourd'hui.

La présidente: Merci.

La séance est levée.