AAND Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 3 mai 2000
La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Conformément au mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, le comité tient une séance d'information sur la Loi sur les Indiens.
Nos témoins sont les mêmes que ceux d'hier; ils représentent le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: il s'agit de M. Bob Watts, sous-ministre adjoint, Services fonciers et fiduciaires; de M. Ray Hatfield, directeur général intérimaire, Direction générale de l'inscription, des revenus et de l'administration des bandes, Services fonciers et fiduciaires; et de M. Al Broughton, avocat-conseil principal, Services fonciers et fiduciaires et services ministériels, Services juridiques.
J'ai appris que nous allions entendre un second exposé. J'espère que chacun d'entre vous en a trouvé à sa place un exemplaire dans la langue officielle appropriée.
• 1535
Monsieur Watts, vous avez la parole.
M. Bob Watts (sous-ministre adjoint, Services fonciers et fiduciaires, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Merci, madame la présidente.
Comme ce fut le cas hier, ma communication sera un condensé de la version qui vous a été distribuée. Ceux qui essaieraient de me suivre mot à mot n'y parviendront peut-être pas toujours car mon exposé sera plus court que le texte qui vous a été remis.
Hier, nous avons examiné d'assez près le contexte historique et constitutionnel global de la Loi sur les Indiens. Nous avons parlé de l'aspect théorique de cette loi et de la dimension théorique des diverses possibilités de changement qui ont été recommandées. Aujourd'hui j'aimerais, si vous le permettez, parler plus spécifiquement du défi que pose la modernisation, et aborder plus en détail les deux principaux points mis en lumière par le comité: l'appartenance et les élections.
Comme nous l'avons vu hier, la Commission royale sur les peuples autochtones a fait une étude détaillée du régime d'application de la loi sur les Indiens et elle a formulé des recommandations contre toute réforme législative fragmentaire de cette loi. D'après la commission, il était nécessaire de rétablir d'abord la géographie politique des relations entre les Autochtones et le gouvernement fédéral, et de se concentrer sur la reconstruction des Premières nations en tribus plus grandes ou en groupes nationaux aux perspectives de croissance économique et culturelle moins fragmentaires.
La réponse du gouvernement à la commission royale a été fournie en janvier 1998 dans le document intitulé Rassembler nos forces: le plan d'action du Canada pour les peuples autochtones, document dans lequel le gouvernement fédéral reconnaissait les erreurs du passé et confirmait sa volonté d'établir de nouvelles relations avec les peuples autochtones du Canada. Le lancement de Rassembler nos forces: le plan d'action du Canada pour les peuples autochtones a permis d'instaurer effectivement une nouvelle ère de relations entre le gouvernement du Canada et les Premières nations.
Comme vous le savez, Rassembler nos forces est un plan d'action complet qui repose sur quatre thèmes, à savoir: renforcer les partenariats; consolider l'exercice des pouvoirs par les Autochtones; établir une nouvelle relation financière; renforcer les collectivités et les économies, et assurer un meilleur soutien des populations. Rassembler nos forces est un document qui est axé sur le programme de restauration et qui reconnaît la nécessité d'établir une nouvelle relation avec les Premières nations. Le gouvernement a souligné, entre autres, l'importance d'avoir des modèles de bonne gouvernance et de bonnes pratiques, et il a prévu de nouveaux crédits pour favoriser le renforcement des capacités actuelles, afin de fournir aux collectivités des Premières nations les outils qui leur permettront d'assumer des responsabilités accrues.
Il faut accorder une attention spéciale au rôle important que jouent les femmes des Premières nations dans le cadre de l'exercice des pouvoirs, et reconnaître par ailleurs les lacunes historiques dont elles ont fait les frais, notamment celles qui ont été imposées par la Loi sur les Indiens. À cet égard, le ministère a mis en place une Direction des questions féminines et de l'égalité entre les sexes, qui relève de John Sinclair, sous-ministre adjoint principal, Direction des politiques et de l'orientation stratégique.
Le secteur des Services fonciers et fiduciaires a entrepris de mettre en pratique les thèmes de partenariat et de bonne gouvernance énoncés dans Rassembler nos forces, et dès le milieu de l'année 1998, une approche de base a été élaborée en collaboration avec l'Assemblée des premières nations—il s'agit de l'Initiative conjointe pour le développement économique (SFF)—afin d'examiner les changements susceptibles d'être apportés au cadre stratégique opérationnel de la gestion des terres et de la gouvernance, administré en vertu de la loi et visant à augmenter les pouvoirs des Premières nations dans un ensemble de domaines aussi vaste que possible, et pour s'entendre sur ces changements.
L'initiative conjointe découle de la reconnaissance par le gouvernement fédéral qu'il imposait des politiques aux Premières nations depuis trop longtemps. En effet, les politiques fédérales sont habituellement conçues de manière uniforme, comme si toutes les Premières nations étaient identiques. Toutefois, nous le savons tous, les Premières nations du Canada sont remarquablement diversifiées, tant sur le plan culturel, que social, économique ou géographique.
L'initiative conjointe cherche des moyens de créer des options, dans le cadre des politiques et des activités, que pourront utiliser les Premières nations pour en tirer le meilleur parti. Notre but est d'établir des politiques qui s'avèrent être des outils, non des obstacles.
L'initiative conjointe a une portée considérable, et ses possibilités sont sans précédent. Le secteur des SFF administre les dispositions de base de la Loi sur les Indiens. Nos 21 secteurs d'activité recouvrent toutes les dispositions de nature paternaliste, incohérente ou vétuste de la loi, lesquelles ont donné lieu à de nombreuses critiques et à un nombre croissant de poursuites judiciaires. Dans le cadre de l'initiative conjointe, il était convenu de diviser le travail en douze catégories, à savoir: Relations fiduciaires; Élections et choix des dirigeants; Appartenance et citoyenneté; Protection de l'environnement; Ajouts aux réserves; Fonds; Options de mise en oeuvre; Compétences législatives; Ressources naturelles; Gestion des terres; Testaments et successions; Exigences concernant la capacité, et coûts.
• 1540
L'initiative conjointe a pour objectif «d'aider les Premières
nations à gérer le changement apporté aux politiques SFF et
d'appuyer l'élaboration des politiques des Premières nations».
La présidente: M. Konrad voudrait demander quelque chose.
M. Derrek Konrad (Prince Albert, Alliance canadienne): Je ne sais pas ce que signifie SFF. Pourriez-vous me le dire?
M. Bob Watts: Je vous demande pardon. Cela veut dire: Services fonciers et fiduciaires.
M. Derrek Konrad: Services fonciers et fiduciaires. Cela a dû m'échapper. Je vous remercie.
M. Bob Watts: Les principaux objectifs de l'initiative conjointe sont les suivants: 1) améliorer les services dans le secteur des SFF; 2) mener des activités en cogestion; 3) s'orienter vers une gestion complète des activités SFF par les Premières nations; 4) établir un partenariat entre l'APN et le MAINC concernant les terres et la gouvernance, et établir une relation positive entre les Premières nations et le gouvernement fédéral.
L'initiative conjointe entre dans sa seconde année complète d'existence et les préparatifs d'un rassemblement national pour en discuter et définir des options stratégiques sur cinq principaux thèmes—élections; appartenance; ajouts aux réserves; argent et environnement—sont presque terminés.
Le comité s'intéresse tout particulièrement aux domaines de l'inscription et de l'appartenance, ainsi qu'aux incidences que le projet de loi C-31 a eues jusqu'à présent.
Au cours des cinquante dernières années, les régimes d'inscription et d'appartenance définis dans la Loi sur les Indiens ont fait constamment l'objet d'attaques et de critiques de la part des Premières nations, de groupes de femmes indiennes, de députés ou de groupes de défense des droits de la personne. Les motifs d'opposition étaient principalement de deux ordres: les inégalités fondamentales et la discrimination incorporées dans les diverses dispositions de la Loi sur les Indiens de 1951; et la détermination arbitraire par le Parlement de qui est et qui n'est pas citoyen des Premières nations, ce qui dépouille les Premières nations de leur droit de déterminer leur propre appartenance.
Le projet de loi C-31, adopté en 1985, a considérablement élargi les possibilités de régler ces deux problèmes. Néanmoins, de nombreux problèmes subsistent, et le besoin de réformes va grandissant.
Les régimes d'appartenance et d'inscription actuels ont été adoptés en 1985; ils sont décrits aux articles 5 à 14.3 de la Loi sur les Indiens. L'objectif premier du projet de loi C-31 était d'éliminer les dispositions discriminatoires des premiers règlements contre le choix d'appartenance. Pour paraphraser le ministre de l'époque, la législation visait à éliminer les éléments négatifs et non à ajouter des éléments positifs. Résultat: un grand nombre des changements souhaités par différents groupes au sein des Premières nations n'ont pas été acceptés, et ils ont été remis à plus tard.
Le projet de loi C-31 reconnaissait également aux bandes le pouvoir d'édicter des règles d'appartenance, afin d'inverser l'effet d'érosion qu'avait eu la loi au cours du siècle précédent sur l'autonomie historique des Premières nations en ce domaine. Le ministre ne bénéficiait d'aucun pouvoir d'approbation ni de révocation relativement au contenu des règles d'appartenance des Premières nations. Cela était considéré comme une importante mesure de reconnaissance de l'autonomie gouvernementale, et comme une partie du compromis politique qu'impliquait le rétablissement du statut et du choix de l'appartenance des personnes qui avaient été victimes de discrimination dans le cadre du régime législatif antérieur.
Une des principales caractéristiques de la loi de 1985 est qu'elle remplace tous les précédents règlements d'exclusion par une seule nouvelle règle sur l'inadmissibilité au statut d'Indien ou l'exclusion du choix de l'appartenance, une règle connue sous le nom de «clause limitative à la deuxième génération». La nouvelle règle relative à l'admissibilité au statut d'Indien se résume à tout simplement laisser les personnes qui étaient admissibles avant 1985 continuer de l'être, de permettre à tous ceux qui jouissaient du statut d'Indien ou qui étaient membres d'une bande et qui avaient perdu ce statut ou leur droit d'appartenance, de le recouvrer et d'exiger que tout nouveau demandeur fasse la preuve qu'au moins l'un de ses deux parents appartenait à l'un de ces deux groupes. Par conséquent, dans de nombreux cas, les enfants de la première génération, ou de personnes rétablies dans leur droit, reçoivent le statut d'Indien en vertu du paragraphe 6(2).
Une décision du Parlement qui est étroitement liée à cela ne garantit l'égalité de traitement entre des conjoints qu'à partir de 1985, avec pour résultat que la loi permet une inégalité de traitement résiduelle entre des cousins qui sont, par ailleurs, identiques sur le plan généalogique et culturel.
Ces deux dispositions de la loi sont les plus couramment citées pour prouver son caractère discriminatoire et la nécessité de la réformer; toutefois, la première revêt une importance particulière en soi, ainsi que relativement à la question de l'appartenance.
Le Registre des Indiens ne conserve pas toutes les données se rapportant à l'appartenance, bien que l'on en sache suffisamment sur les règles d'appartenance pour tirer certaines conclusions sur le rapport entre les régimes d'appartenance et d'inscription. Des 234 Premières nations qui ont obtenu le choix d'appartenance depuis 1985, la grande majorité l'a fait avant le 27 juin 1987, date limite de tout règlement excluant de l'appartenance certaines personnes rétablies dans leur droit ou des Indiens inscrits pour la première fois, le plus souvent les enfants d'anciens membres en voie d'être réinscrits. En fait, de nombreuses règle d'appartenance favorisent la règle des deux parents, laquelle s'applique à tous les membres et s'avère encore plus rigoureuse que la Loi sur les Indiens d'avant 1985.
• 1545
Sur le plan démographique, les effets ont été importants, tant
pour les Premières nations que pour le MAINC au plan des activités
et des besoins financiers. Les statistiques du Registre des Indiens
indiquent qu'il y avait 660 873 Indiens inscrits à la fin du mois
de mars. On peut reconnaître au projet de loi C-31 le mérite
d'avoir permis d'inscrire pour la première fois, ou de réinscrire,
122 226 personnes au cours des quinze dernières années. Cela
représente un peu plus de 18 p. 100.
Par comparaison, la croissance globale des effectifs des Premières nations a été moins prononcée en raison des dispositions relativement restreintes en matière de droits adoptées par la plupart des Premières nations. Bien entendu, cela pourrait être attribuable aux valeurs culturelles. En revanche, comme les participants des Premières nations l'ont indiqué récemment à un groupe de réflexion sur l'initiative conjointe, cela peut être dû au sentiment que le niveau des ressources est liée au régime d'inscription des Indiens. Bref, aussi longtemps que l'on considère que le gouvernement lie le financement des Premières nations à l'admissibilité au statut d'Indien, l'admissibilité sera l'un des critères d'appartenance fixé par suite de pressions externes.
Le seul véritable moyen d'inverser cette tendance est que la bande abandonne entièrement le régime de la Loi sur les Indiens pour adopter un nouveau régime de financement des bénéficiaires découlant d'ententes sur le règlement de leurs revendications territoriales et d'ententes connexes sur l'autonomie gouvernementale, comme dans le cas des Premières nations du Yukon et des Nisga'as.
Les conséquences démographiques ne sont pas négligeables. Selon une étude menée par le ministère, la clause limitative à la seconde génération incorporée dans le projet de loi C-31, fondée sur les tendances actuelles du mariage avec des non-Indiens, entraînera une baisse considérablement accrue du nombre d'Indiens inscrits après l'an 2035. Toutefois, en se fondant sur la majorité des règles d'appartenance en place actuellement, en utilisant la règle des deux parents membres, le nombre des membres des Premières nations déclinera plus tôt et plus rapidement, au moins dans le cas de ces bandes. Ainsi, en Ontario et en Alberta, il y a des bandes qui n'auront probablement plus de membres en un laps de temps aussi limité qu'une décennie, à cause des règles d'appartenance.
L'introduction par le projet de loi C-31 d'une nouvelle équation entre le droit des membres des Premières nations de choisir leur appartenance et la conservation d'un régime d'inscription modifié, marque une première pour le Parlement qui a dû apporter des changements aux fondements du régime de la Loi sur les Indiens en vertu de la Charte canadienne des droits et des libertés. Cela s'est avéré extrêmement important pour des centaines de milliers de membres de Premières nations, mais la capacité de réponse tant du ministère que des Premières nations a été limitée. Le ministère et les demandeurs ont dû faire les frais de sérieux retards dans le traitement des demandes d'inscription, et ce n'est que récemment que l'on a finalement réussi en venir à bout. Le nombre de protestataires a grandement augmenté, notamment du fait que 42 000 demandes ont été rejetées. De même, les Premières nations ont reçu des fonds limités pour établir leurs propres règles d'appartenance, et elles ne reçoivent pas de fonds pour s'occuper en permanence de l'administration, des différends ou des appels.
Les questions liées à l'appartenance et à l'inscription ont suscité plus de contestations judiciaires que toute autre question couverte par la loi, plus de 60 affaires étant en cours, la plupart contestant des dispositions du projet de loi C-31.
L'autre important besoin de réforme ne concerne pas les litiges mais les capacités. Les Premières nations participent de plus en plus à l'administration, non seulement de leurs propres régimes d'appartenance, mais aussi, par la délégation de pouvoirs, à des aspects du processus d'inscription des Indiens. Actuellement quelque 450 employés à plein temps et à temps partiel des Premières nations participent, dans le cadre de responsabilités déléguées, à la gestion du Registre pour 537 Premières nations, soit 88 p. 100 du nombre total des Premières nations. Le financement ne reflète pas ce niveau de participation des Premières nations et il ne tient pas compte des tâches liées à l'administration des régimes d'appartenance autonomes, sans parler du traitement des protestations et des appels dans le cadre des règles d'appartenance des Premières nations.
Le comité a noté l'intérêt suscité par la question de l'échec du mariage et des conséquences sur les droits en matière d'appartenance et de propriété. L'échec du mariage n'a pas d'effet sur l'admissibilité à l'inscription, mais certaines Premières nations peuvent avoir des règles d'appartenance qui révoquent les droits d'une personne qui a acquis ses droits d'appartenance par le mariage et qui divorce de son conjoint par la suite. Cela peut soulever des questions très complexes concernant la division de la propriété.
En vertu de la Loi sur les Indiens, les lois provinciales d'ordre général sont applicables dans le cas des biens meubles, comme le mobilier, les automobiles, les avoirs financiers et autres du même type. Toutefois, les lois provinciales ne s'appliquent pas aux droits concernant les terres des réserves. Parallèlement, la loi est muette sur la répartition des biens matrimoniaux, ce qui a entraîné un vide juridique.
• 1550
Plus récemment, l'adoption de la Loi sur la gestion des terres
des Premières nations a soulevé une controverse à propos de la
protection des droits sur les biens matrimoniaux. Bien que la loi
ait été modifiée à l'étape de l'étude en comité afin de prendre
cette préoccupation en compte, la procédure est en cours, et je ne
peux vraiment pas dire si ces questions ont été pleinement traitées
ou non. Toutefois, il est évident qu'il faut combler cette lacune
de la Loi sur les Indiens à propos de la question de la division
des biens. Les critères de la Charte auront une grande importance,
ainsi que le besoin de maintenir l'intégrité des terres des
Premières nations, et il faudra aussi tenir compte de la réalité et
respecter le fait que de très nombreuses terres des réserves sont
également régies par le titre ancestral.
La Cour suprême a jugé que, dans ces cas-là, pour rendre un jugement sur les droits de propriété, il fallait tenir compte de la common law ainsi que des dispositions juridiques, lois et pratiques autochtones.
Je voudrais maintenant aborder le thème clé de l'exercice des pouvoirs par les Premières nations et, en particulier, celui des élections. Comme je l'ai déjà mentionné, les 21 secteurs d'activité couverts par notre initiative conjointe avec l'Assemblée des Premières nations comprennent les élections. L'initiative conjointe a, en fait, défini les élections comme l'un de ses cinq thèmes clés.
En voulant réformer le régime d'élections de la Loi sur les Indiens on se heurte au fait qu'il existe plusieurs régimes différents actuellement en place pour élire ou choisir les dirigeants des Premières nations. Ils se classent, grosso modo, dans deux catégories: le régime courant du mandat de deux ans, décrit aux articles 74 à 79 de la loi, et la gamme étendue de régimes actuellement en vigueur sous la responsabilité des Premières nations, généralement appelés régimes fondés sur la coutume.
On compte actuellement 611 bandes ou Premières nations au Canada. De ce nombre, 268 choisissent leurs dirigeants conformément aux dispositions sur les élections de la Loi sur les Indiens. Il faut noter que 17 de ces bandes ont été exemptées par le gouverneur en conseil de l'application des restrictions en matière de résidence sur le vote.
En ce qui concerne les Premières nations non visées par le régime électoral de la Loi sur les Indiens, 326 au total choisissent leurs dirigeants conformément à des régimes électoraux communautaires et-ou conformément à leurs coutumes respectives. Les 17 Premières nations restantes ont négocié des lois sur l'autonomie gouvernementale qui régissent en partie la manière dont elles élisent leurs dirigeants, par exemple, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte.
La diversité des régimes de sélection des dirigeants en place est plus grande pour les Premières nations qui ont toujours suivi leurs coutumes ou qui les ont reprises. Par contraste, presque tous les régimes communautaires couvrent les élections, et sont en fait assez semblables au régime de la Loi sur les Indiens. Les différences communes ont trait aux conditions sur la résidence imposées pour pouvoir voter ou remplir une charge—certaines étant plus rigoureuses que celles décrites dans la loi—aux mandats, qui sont parfois plus longs et aux procédures d'appel.
On peut expliquer plus facilement la diversité courante des régimes par l'échec relativement rapide du nouveau régime d'élection des chefs et du conseil fondé sur un mandat de deux ans, établi en 1951. Avant cette date, la vaste majorité des bandes suivaient leurs propres règles de sélection ou d'élection selon la coutume. Avant 1951, le Parlement a tenté d'inciter les bandes à abandonner le régime d'élection selon la coutume pour adopter le modèle d'élection moderne habituellement requis des conseils villageois ou municipaux en vertu de la loi provinciale. Il y a eu peu de preneurs et le modèle de 1951 a été imposé plutôt qu'accepté de plein gré. Des centaines de bandes ont été automatiquement forcées d'adopter le régime d'élection dans le mois qui a suivi l'entrée en vigueur de la loi de 1951.
En bref, la Loi sur les Indiens a été et reste conçue comme l'unique alternative entre un régime électoral fondé sur la coutume et non réglementé et un régime normal de simple élection de conseil municipal fondé sur un mandat de deux ans. Les demandes de réforme du modèle de 1951 n'ont même pas attendu la fin des années 50, le comité permanent du jour proposant, par exemple, de rectifier la clause concernant l'exclusion du vote des membres non résidents de réserves. Toutefois, le changement s'est révélé extrêmement difficile.
Dans ce contexte, la manière la plus facile de traiter les plaintes individuelles des membres des Premières nations ou les difficultés posées par le nouveau régime d'élection a été de promouvoir le retour ou la conversion à la coutume ou aux régimes de sélection communautaires, un processus qui a démarré par à-coups dans les années 60 et qui a pris de l'ampleur depuis de manière constante.
L'incitation à réformer le régime d'élection a diverses origines, notamment les contestations judiciaires en vertu de la Charte ou de la Loi sur les droits des Autochtones, les problèmes généraux d'illégitimité auxquels font face les chefs et les conseils décrits à l'article 74 du fait de l'imposition même du régime d'élection, les problèmes associés à la définition de ce qu'est la «coutume» et les diverses lacunes du régime électoral décrit dans la loi. Selon de nombreuses bandes, la durée du mandat est trop courte, il n'existe pas de mécanisme d'appel indépendant, les dispositions relatives aux candidats et aux électeurs sont dépassées et les modes de scrutin manquent de souplesse.
• 1555
Comme je l'ai dit, l'initiative conjointe a défini les
élections comme l'un de ces cinq principaux thèmes liés à
l'élaboration des politiques. Jusqu'à présent, les groupes de
réflexion, les documents de recherche et les discussions des
groupes de travail ont commencé à définir des domaines où il est
possible d'apporter des changements, tant dans les régimes
d'élection de la Loi sur les Indiens que dans les régimes selon la
coutume actuellement place. Il est évident que toute réforme des
régimes d'élection des Premières nations devra tenir compte des
divers besoins et cultures des Premières nations de l'ensemble du
pays.
Bien qu'il reste à traiter la gamme complète des questions, le jugement rendu dans l'affaire Corbière le 20 mai 1999 semble avoir retenu l'attention de tout le monde. Comme vous le savez, le paragraphe 77(1) de la loi définit l'électeur comme étant un membre qui réside ordinairement dans la réserve, une restriction qui n'a été adoptée à l'échelle nationale qu'en 1951. La Cour suprême a jugé que cette restriction était constitutionnellement invalide en vertu de la Charte, parce qu'elle porte uniformément atteinte, et sans justification, au droit des membres de la bande à recevoir un traitement égal conforme aux principes du respect de la dignité humaine, et qu'elle pénalise ce que la cour a décrit comme une minorité discrète qui a souffert historiquement de discrimination.
Cela a une portée considérable sur de nombreuses Premières nations et sur leurs membres qu'ils vivent ou non dans des réserves. La décision Corbière pourrait ajouter près de 190 000 nouveaux électeurs, ce qui poserait toutes sortes de défis techniques et logistiques—aux Premières nations et au ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada.
À long terme, la Cour a jugé que la définition des droits des électeurs devrait être révisée dans le cas des membres des bandes qui vivent à l'extérieur des réserves. La Cour a également reconnu que les membres des bandes qui vivent dans des réserves pouvaient avoir des intérêts différents de ceux qui vivent à l'extérieur des réserves. Par conséquent, la Cour a noté que se conformer à la Charte pourrait ne pas nécessairement exiger que le droit de vote des membres de la bande qui vivent à l'intérieur d'une réserve soit identique à celui des membres qui vivent hors de la réserve.
Nous savons que pour instaurer tout nouveau mécanisme de vote, il faut reconnaître l'immense intérêt que portent les membres de bandes à leur communauté, qu'ils vivent à l'intérieur ou à l'extérieur des réserves. À la limite, cela pourrait se traduire soit par des modifications de la Loi sur les Indiens, soit par une nouvelle loi sur les élections.
La Cour a donné au gouvernement jusqu'au 20 novembre 2000 pour rendre conforme à son jugement le régime de la Loi sur les Indiens, et a formulé également certaines suggestions intéressantes quant à la manière de structurer des solutions de rechange et des solutions d'ordre législatif.
La réponse du gouvernement a été annoncée le 9 décembre 1999, après plusieurs séries de consultations avec des groupes nationaux appartenant aux Premières nations. Actuellement, et jusqu'au 20 novembre, une première phase de travaux a été entreprise en consultation avec ces organisations et avec des groupes autochtones régionaux, afin de mettre en place le régime de base nécessaire pour tenir compte de l'absence de toute restriction au droit de vote en raison de la résidence.
On faudrait s'entendre sur les modifications à apporter aux règlements régissant les élections des bandes indiennes et au Règlement sur les référendums des Indiens, et les recommander aux gouverneur en conseil pour être sûr que le 20 novembre, les premières élections tenues dans le cadre du nouveau règlement se dérouleront de manière uniforme. Notre but est d'assurer que les élections ont lieu dans un climat de certitude et de réduire au minimum toute possibilité d'appel portant sur les élections et la résidence.
Une seconde série de consultations a également été annoncée. Cette phase de discussions avec des groupes des Premières nations se poursuivra à moyen terme, et elle sera axée sur une réforme de plus grande envergure du régime d'élection institué en vertu de la loi. La suggestion de la Cour suprême, à savoir qu'il pourrait être préférable d'avoir des régimes de rechange, comme des conseils à deux paliers, sera étudiée, tout comme l'indication positive de la Cour selon laquelle il pourrait être plus approprié d'avoir recours à des régimes de sélection selon la coutume. Le ministère en est actuellement aux premières étapes des consultations avec les organisations nationales des Premières nations quant à la manière dont se déroulera la seconde phase des consultations, mais il est très probable que le Parlement y participera directement.
C'est sur ce point, madame la présidente, que je termine mon exposé. Je répondrai volontiers aux questions des membres du comité permanent. Merci de votre attention.
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur Konrad, à vous de poser les premières questions.
M. Derrek Konrad: Je vous remercie.
Vous avez très éloquemment décrit un grand nombre de problèmes, mais naturellement notre tâche est de recommander des solutions.
• 1600
Je note que le gouvernement n'a pas l'intention de présenter
de nouvelle mesure législative cette année, mais vous avez
mentionné, vers la fin de votre exposé, qu'il est fort probable que
le Parlement soit plus directement impliqué à un moment ou à un
autre. Et je constate ailleurs que vous comptez proposer des
amendements aux règlements régissant les élections des bandes
indiennes ainsi qu'au règlement sur les référendums des Indiens, ce
qui se fera sans doute par décret. Y a-t-il une possibilité que ces
modifications soient soumises au Comité permanent du MAINC pour
qu'il en fasse l'examen avant que les règlements soient
effectivement modifiés, de manière que, dans le cadre de l'étude
que nous effectuons, nous ayons la possibilité de contribuer à ce
processus?
M. Bob Watts: Merci d'avoir posé cette question.
La procédure, pour ce qui concerne la réforme réglementaire, exige que les règlements soient élaborés avant le 1er août de cette année, afin qu'ils puissent être promulgués et entrer en vigueur le 20 novembre prochain. Nous avons consulté le ministre à ce propos.
À mon avis, madame la présidente, le comité pourrait probablement jouer un rôle auprès du ministre à cet égard, mais je ne peux répondre à cette question directement.
La présidente: Je ne voudrais pas empiéter sur votre temps de parole, monsieur Konrad, mais j'aimerais clarifier quelque chose en tant que présidente car, lors de notre comité de direction, j'ai déclaré que nous n'avions pas été informés qu'une mesure législative pourrait nous être soumise. C'est techniquement exact vu que tant que la Chambre ne nous a pas soumis de mesure législative, nous ne pouvons pas nous en occuper à sa place. Cela n'empêche pas un ministre de nous transmettre son projet, mais je n'en sais pas plus que vous à cet égard. Le comité a reçu une lettre où il était question des élections, et il revient au comité de direction du comité de décider s'il juge utile de s'informer plus avant en la matière.
Ces consultations ont été décidées avant que nous choisissions le domaine auquel nous allions nous intéresser. Je dis cela pour apporter des précisions aux fins du procès-verbal et pour votre gouverne, le cas échéant. Je ne sais pas si cela vous est utile, mais je n'empiète pas sur votre temps de parole—c'est le temps réservé à la Chambre, si l'on peut dire.
M. Derrek Konrad: Merci, madame la présidente.
Cela est pris sur notre temps à tous, messieurs.
Je constate ici d'intéressantes suggestions concernant la possibilité d'accorder le droit de vote aux membres des bandes qui vivent hors réserve. Je constate que nous allons, d'une certaine façon, créer deux classes de citoyens dans une même bande, je suppose, et deux types de conseillers, si je comprends bien. À cela s'ajoutera la «coutume» d'une bande: la coutume des gens qui vivent en ville sera différente de celle des gens qui résident dans la réserve. Souvent, je pense que ce serait plutôt une bonne idée d'impliquer le comité à un moment donné. Vous pourriez ainsi pour le moins entendre un point de vue quelque peu différent de ce que vous risquez d'entendre dans un environnement plus contrôlé.
Pour en venir à une autre question que j'aimerais aborder ici, à la page 5, à la fin du deuxième paragraphe, vous déclarez: «Je résisterai à la tentation de parler des besoins financiers qui y sont associés». Je pense que les coûts associés à l'expansion des listes des bandes doivent être identifiés. Je crois comprendre qu'il y a environ 200 milliards de dollars en jeu dans les revendications territoriales en instance. Au fur et à mesure que le nombre des membres des bandes augmente, je présume que ce chiffre progressera aussi. D'ailleurs, je crois savoir qu'il y a 2 000 autres revendications qui font actuellement l'objet de recherches.
Rien de tout cela n'a véritablement été chiffré par le gouvernement, ce qui fait que ni les parlementaires ni la population du Canada n'a une idée de ce que pourrait être le coût réel de tout cela. Deux cents milliards de dollars, vous le savez, cela représente un tiers de notre dette nationale. En fait, c'est légèrement plus que notre dette nationale. Nous ne savons même pas à combien le gouvernement évalue ses obligations en la matière.
Il y a quelques jours à peine, la bande crie de Samson près de Calgary a parlé de 1,4 milliard de dollars. Auparavant, la bande indienne de Walpole Island revendiquait pratiquement toute la rivière entre le lac Huron et le lac Érié. Les sommes que cela représente sont assez élevées. N'êtes-vous pas d'avis que la première chose à faire serait de parler franchement des coûts si vous voulez obtenir la coopération nécessaire pour faire progresser tous ces dossiers?
M. Bob Watts: Je ne comprends pas vraiment la nature de la question. En déclarant: «Je résisterai à la tentation», je ne vous laissais pas entendre que je n'étais pas prêt à parler franc, mais qu'il aurait fallu probablement un grand nombre de pages et peut-être même plusieurs jours de témoignages pour expliquer comment notre régime budgétaire fonctionne. Je sais par ailleurs que M. Shanks comparaîtra devant vous la semaine prochaine pour vous parler du budget.
M. Derrek Konrad: En tout cas, j'espère que quelqu'un ne résistera pas à la tentation d'explorer les pressions budgétaires que tout cela représente, car là se trouve la raison d'être du Parlement s'il en a une: tenter d'avoir prise sur les dépenses et sur les niveaux d'imposition au Canada.
Je suis sûr d'avoir épuisé mon temps de parole; par conséquent, je laisse ma place.
[Français]
La présidente: Monsieur Bachand, s'il vous plaît.
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je vous avoue qu'à mon avis, une des plus grandes complications dans le dossier des affaires autochtones est la question du membership. Qui est membre? Qui n'est pas membre? Qui est inscrit? Qui n'est pas inscrit? Je commence à comprendre ce que signifient «inscrit» et «non inscrit», mais pour ce qui est des listes de bande et des autochtones, j'aimerais que vous m'expliquiez qui peut être membre.
J'ai des exemples précis parce que ce sont des choses qui arrivent souvent dans les communautés autochtones. Il y a toute la question de l'adoption, par exemple. Si je suis adopté par quelqu'un d'une bande autochtone, est-ce que je deviens membre de la bande autochtone? Je pense que je peux voter, mais comme je ne suis pas un Indien inscrit, je pense que vous ne tenez pas compte de ma présence sur la liste de bande pour ce qui est du budget.
Si je suis adopté, est-ce que je peux voter aux élections? J'aimerais que vous élaboriez sur la question de l'adoption parce que c'est une question importante pour eux. Il arrive régulièrement que des gens non autochtones sont adoptés. Ces gens reçoivent à peu près les mêmes services que n'importe quel autochtone, mais je ne connais pas la responsabilité du ministère à leur égard. J'aimerais que vous m'expliquiez cela en premier.
Ensuite il y a toute la question de la citoyenneté, dont on entend souvent parler. Je sais qu'il y a des codes de citoyenneté dans certaines réserves. Est-ce que vous reconnaissez ces codes de citoyenneté? Je sais que les Mohawks ont une approche très souverainiste. Ils sont des Mohawks avant tout. Ce ne sont ni des Canadiens ni des Québécois. Ce sont des Mohawks. Ils disent souvent qu'ils sont des citoyens mohawks. Est-ce qu'il y a une base législative à cette affirmation? En même temps, on voit qu'il y a une évolution du côté du ministère, parce que je pense qu'il vient de reconnaître la double citoyenneté aux Nisga'as. Le code de citoyenneté nisga'a n'est pas encore adopté, et c'est peut-être une des rares exceptions quant à cette entente. Tout n'y est pas encore rattaché.
Je sais que je ratisse un peu large, mais s'il faut que vous preniez 10 minutes et reveniez à mon deuxième tour pour m'expliquer le reste, j'aimerais que vous le fassiez pour démêler ces questions de membership, d'adoption et de citoyenneté.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Hatfield.
M. Ray Hatfield (directeur général intérimaire, Direction générale de l'inscription, des revenus et de l'administration des bandes, Services fonciers et fiduciaires, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Je vais m'efforcer de répondre à quelques-unes des questions que vous avez soulevées, dont celle concernant les adoptions. On reconnaît les adoptions faites selon les coutumes indiennes. Quand on nous soumet une telle adoption, nous demandons à la Première nation de vérifier que sa procédure d'adoption selon les coutumes indiennes a été bien engagée. Manifestement, s'il s'agit d'une coutume reconnue et autorisée, l'intéressé peut alors être inscrit comme Indien de plein droit. Pour ce qui est de l'âge de la majorité électorale, l'intéressé pourrait éventuellement voter lors d'une élection. Je crois que vous tentiez de faire le lien.
Pour ce qui est de la citoyenneté, la Loi sur les Indiens est muette en ce qui concerne la reconnaissance de la citoyenneté. Il est question de personnes qui sont inscrites comme Indiens de plein droit en vertu de la loi et, vous avez raison, il y a un rapport avec les ententes d'autonomie gouvernementale où l'on fait référence, par exemple, à la citoyenneté nisga'a. C'est le seul domaine que nous reconnaissons en vertu de la loi.
M. Claude Bachand: Si j'ai bien compris, monsieur Hatfield, une personne qui a été adoptée a le droit de vote. Je crois avoir compris cela, mais j'ai peut-être manqué le début de votre intervention. Est-ce que le ministère reconnaît à ce moment-là que cette personne est un autochtone en bonne et due forme et qu'il doit en tenir compte dans l'octroi de ses subventions ou des sommes qu'il donne au conseil de bande? Je vous donne un exemple un peu caricatural. Supposons qu'une bande de 300 personnes décide d'adopter 100 personnes. Est-ce qu'on va ajuster le budget en fonction de 400 personnes sur la réserve, ou si on considère que ces personnes sont adoptées mais n'ont pas le statut d'autochtones inscrits?
[Traduction]
M. Ray Hatfield: L'exemple que vous décrivez ne s'est jamais produit. En fait les adoptions selon les coutumes indiennes dont nous avons eu connaissance étaient généralement très peu nombreuses, et comme je l'ai dit tout à l'heure, nous demanderions de vérifier qu'une adoption selon les coutumes a effectivement eu lieu. Si la chose est reconnue dans la communauté, le Registraire l'acceptera et l'intéressé sera inscrit comme Indien de plein droit et inclus dans le recensement des membres de la bande elle-même.
La présidente: Merci.
La parole est à Mme Hardy.
Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Merci.
Au commencement de votre exposé vous avez résumé le document Rassembler nos forces et la déclaration de réconciliation. Votre ministère s'occupe-t-il du dossier des abus perpétrés dans les pensionnats ou est-ce du ressort du ministère de la Justice? Qu'arrive-t-il aux dossiers qui sont traités dans le cadre de négociations entre le ministère et les églises lorsque les personnes concernées ne souhaitent pas aller devant les tribunaux?
Par ailleurs, une femme peut-elle être réintégrée en vertu du projet de loi C-31 et ensuite, transmettre son statut à ses enfants? Je sais que vous en avez parlé, mais je n'ai pas très bien compris.
À propos de l'article sur les élections selon la coutume, comment en décide-t-on? Tous ceux qui s'adressent à moi dans ma circonscription, notamment les femmes, me parlent d'une situation où le chef a été élu à vie si bien qu'elles se retrouvent très souvent sans aucun recours, sans personne à qui s'adresser, sans avoir personne à qui faire appel.
La présidente: Monsieur Watts.
M. Bob Watts: Notre exposé n'a pas abordé la question des pensionnats. Cela ne relève pas de mes compétences au ministère, et je ne peux donc pas vous en parler.
Pour ce qui est des femmes qui ont été réintégrées, dans presque tous les cas on parle des «Indiennes 6.1», et elles ont la possibilité de transmettre leur statut à la première génération de leurs descendants. J'essaie de me rappeler s'il y a des exceptions qui feraient que les femmes qui ont été réintégrées ne pourraient pas transmettre leur statut.
M. Al Broughton (avocat-conseil principal, Services fonciers et fiduciaires et Services ministériels, Service juridique, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Non, je ne pense pas.
M. Bob Watts: En ce qui concerne les élections selon la coutume, je pense que cela est fonction de la coutume de la communauté intéressée. Un grand nombre de communautés au Canada n'ont jamais été assujetties à la Loi sur les Indiens pour ce qui est du régime électoral, et elles fonctionnent par conséquent en vertu d'un système communautaire. Certains sont des systèmes héréditaires, d'autres pas. Dans les cas où des communautés abandonnent la Loi sur les Indiens et retournent à leurs coutumes, elles procèdent par référendum, et elles sont censés avoir en place un code électoral complet qui est conforme à la Charte des droits et qui comprend des procédures d'appel et toutes celles qui sont habituellement associées à un code électoral.
La présidente: Je pense qu'il existe à cet égard une politique écrite au ministère, n'est-ce pas? Si c'est le cas, et si j'ai raison, pourriez-vous la déposer et la distribuer au comité? Je ne me trompe pas, n'est-ce pas, monsieur Hatfield?
M. Ray Hatfield: Non, vous avez raison. Nous avons une politique relative à la conversion aux élections selon la coutume. Comme l'a indiqué M. Watts, il existe certains critères, certaines dispositions qui doivent être satisfaites avant qu'une Première nation soit autorisé à revenir à une procédure électorale coutumière. Nous pouvons vous en faire tenir copie.
La présidente: Vous allez la déposer?
M. Bob Watts: Oui, c'est ce que nous allons faire.
La présidente: Parfait. Si vous voulez bien en donner des exemplaires au greffier, on les distribuera.
Madame Hardy, poursuivez. Il vous reste du temps.
Mme Louise Hardy: C'est tout.
La présidente: Parfait. Du côté des libéraux qui aimerait commencer? Monsieur Iftody.
M. David Iftody (Provencher, Lib.): Merci.
Je me demande si vous pourriez développer un peu vos explications, monsieur Watts. En fait j'ai deux questions: J'ai été intéressé par vos observations concernant la question des biens immobiliers—autrement dit, les maisons dans les réserves, en cas de divorce. Mais je vais laisser cela de côté pour l'instant.
J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de détails, si cela ne vous dérange pas, sur les protections offertes par la Charte en ce qui concerne les élections au sein des bandes. Vous avez dit que la Charte s'appliquait. Le conseiller juridique du ministère de la Justice pourrait peut-être nous en dire un peu plus sur la structure de la politique et sur ses garde-fous. Cette politique est bien sûr recouverte et gouvernée par les protections particulières offertes par la Charte et conçue en fonction de cela.
Vous pourriez peut-être nous aider un peu, nous en dire un petit peu plus et nous assurer que lors de ces conversions entre les systèmes électoraux coutumiers et non coutumiers, il existe des modèles hybrides—ou nous dire comment cela se passe—mais que de toute façon, indépendamment de ce qui les régit, la Charte s'applique et au-delà, on peut compter sur la primauté du droit administratif, et sur des processus et des recours pour toute personne qui considère que ses droits peuvent être restreints d'une façon quelconque dans le cadre d'un tel processus.
La présidente: Monsieur Broughton.
M. Al Broughton: Je peux peut-être répondre à quelques-unes de vos questions.
Nous sommes d'avis, d'une manière générale, que la Charte s'applique aux bandes et aux conseils de bandes en vertu de la Loi sur les Indiens sur le plan du droit. Je ne peux pas répondre—et je ne sais pas si M. Hatfield le peut—en ce qui concerne les initiatives prises par le MAINC pour examiner ces régimes électoraux quand ils sont proposés. Il est sûr que la position du MAINC et du ministère de la Justice est que la Charte s'applique et s'appliquera. Il se peut que certains aspects de la Charte ne s'appliquent pas directement. Par exemple, je crois qu'il y a certaines exigences de caractère électoral dans la Charte. Je regrette de ne pas l'avoir avec moi et de ne pas pouvoir les citer précisément.
M. David Iftody: Si vous me permettez. Je voulais parler plus particulièrement des règles de justice naturelle et d'équité en matière de procédure de l'article 7. Dans cet article, par exemple, à cause de toute la jurisprudence qui a été élaborée sur cette base, il est évident que le même type de protection serait assurée à tous les peuples des Premières nations dans ce contexte. Pourriez-vous nous parler un peu de l'article 7?
M. Al Broughton: Je peux certainement dire qu'en termes de justice naturelle, d'équité et de principes de droit administratif, les membres des Premières nations peuvent s'adresser aux tribunaux—et ils le font—lorsqu'ils trouvent qu'une décision prise par un conseil ou par un responsable électoral ne tient pas véritablement compte de leurs intérêts. Par conséquent, dans l'absolu, les recours du droit administratif constituent probablement les mesures correctives les plus communes dont disposent les membres des bandes en vertu du système électoral coutumier, mis à part tout autre mécanisme d'appel dont peut se prévaloir une Première nation, et dont le ministère des Affaires indiennes n'est pas nécessairement au courant.
Il y a donc deux possibilités: la procédure d'appel propre au système coutumier lui-même; et les procédures de recours en vertu de la loi administrative dont peut se prévaloir tout membre d'une bande pour s'adresser aux tribunaux dans le cadre d'une procédure sommaire.
M. David Iftody: Quand, par exemple, on procède à un examen de la coutume indienne, le tribunal pourrait se prononcer sur le bien- fondé de la procédure, sur son équité foncière, voir si elle respecte les droits du citoyen concerné. Autrement dit, même sous ce seul angle du processus relatif aux élections, les droits en matière de révision de la dite procédure par rapport à l'application globale de la Charte continueraient de s'appliquer à n'importe quel plaignant.
M. Al Broughton: Tout à fait, à n'importe quel plaignant concerné. Foncièrement tout membre d'une bande ou toute personne pouvant se prévaloir de l'appartenance à une bande serait reconnu, je suppose, et pourrait s'adresser aux tribunaux pour faire reconnaître ses droits.
M. David Iftody: Je vous remercie.
Merci, madame la présidente. C'était toutes les questions que je voulais poser.
Le président suppléant (M. John Finlay (Oxford, Lib.)): Merci, monsieur Iftody.
Je donne la parole à monsieur Konrad.
M. Derrek Konrad: Merci, monsieur le président.
Je constate que l'un des cinq principaux secteurs où surviennent le plus fréquemment des contentieux est la discrimination en vertu des règles d'appartenance. On parle ici de droits d'appartenance, de droits de résidence, de droits de toucher les paiements prévus par les traités et de droits aux allocations par tête.
Une famille a fait appel à moi en faisant valoir, disons, au moins trois de ces droits. Il s'agissait d'une mère et de ses deux enfants, nés après le mariage du couple, qui avaient été inscrits sur la liste d'une bande. Je crois qu'il s'agissait d'une liste de bande—mais je peux me tromper—utilisée pour obtenir des fonds. La bande a utilisé leur nom pour obtenir des fonds en vertu de droits fonciers issus de traités, mais on leur a refusé le droit de résider sur la réserve, qui est une réserve éloignée.
Après avoir examiné tous les aspects de la question, ils décidèrent qu'ils ne voulaient pas vivre sur la réserve de toute manière. Néanmoins, la bande a quand même conservé les fonds qui lui avaient été versés pour acheter une terre qui aurait dû être utilisée à leur bénéfice.
Quels sont leurs droits en l'occurrence, et à qui devraient- ils faire appel? Ont-ils droit à ces fonds qui ont été remis à la bande, en dépit du fait que celle-ci a commencé par leur refuser le droit d'habiter dans la réserve, et que les relations ont été tellement empoisonnées que le couple a fini par ne plus vouloir résider sur la réserve? Ils voulaient simplement prendre l'argent qui avait été versé et s'acheter un terrain ailleurs pour le cultiver ou pour le mettre en coupe, quel que soit ce qu'ils décident de faire avec l'argent. De quel recours disposent-ils?
M. Bob Watts: Je vais commencer à répondre et M. Broughton décidera peut-être ensuite de se joindre à la discussion.
Je ne suis pas particulièrement au courant du cas que vous mentionnez, mais je dirais que dans la plupart des cadres juridiques issus de traité, les calculs peuvent très bien reposer sur le nombre de membres, mais ils ne sont pas faits dans la perspective d'une distribution par tête. C'est plutôt le nombre de personnes qui détermine l'étendue des terres que peut chercher à acquérir la Première nation dans son ensemble.
Quand à la connexion que cela peut avoir avec les règles de résidence d'une Première nation, je voudrais d'abord savoir de quelle Première nation il est question. Je pourrais peut-être vous répondre par écrit. Il ne fait pas de doute que plusieurs Premières nations du Canada ont des exigences plus restrictives en matière de résidence que d'autres.
M. Derrek Konrad: M. Broughton n'allait-il pas ajouter quelque chose?
M. Al Broughton: Je ne pense pas pouvoir donner une meilleure réponse.
M. Derrek Konrad: Si je vous comprends bien, ces gens-là peuvent simplement se voir refuser leur droit de résidence ou leurs relations avec la bande peuvent être tellement gâchées et empoisonnées qu'ils ne souhaitent plus résider dans la réserve, et c'est bien dommage. Est-ce là la réponse que vous me donnez? La bande décide, point final?
M. Bob Watts: Je ne sais pas exactement qui sont ces gens, ni de qui vous parlez. S'il s'agit d'un cas particulier, il vaudrait sans doute mieux que je vous réponde par écrit plutôt que d'essayer de vous donner une réponse inexacte.
M. Derrek Konrad: Je pense que le ministère est sans doute déjà au courant de cette situation. Ce n'est pas la première fois que j'ai entendu cette histoire. On m'a dit...
M. David Iftody: Je voudrais invoquer le Règlement, madame la présidente. On parle de deux procédures et on soulève deux questions à la fois.
• 1625
Si M. Konrad demande aux fonctionnaires s'il existe des
relations empoisonnées au sein de la communauté, des relations qui
tournent mal, c'est la même chose dans ma municipalité, dans la
sienne et dans celle de tout le monde. Si les droits de quelqu'un
sont violés par suite d'une initiative prise par un chef et un
conseil, si les droits de quelqu'un sont restreints, c'est une
autre affaire. S'ils ne sont pas contents d'habiter là-bas parce
qu'ils n'aiment pas les politiciens locaux, M. Konrad et moi
connaissons cela aussi.
Je me demande donc s'il s'agit d'une question équitable et appropriée à poser aux hauts fonctionnaires d'un ministère.
La présidente: Je ne pense que cela a à voir avec le Règlement et nous allons donc continuer.
Monsieur Konrad.
M. Derrek Konrad: Je ne veux pas m'engager dans une discussion partisane—ce n'est pas mon but—mais puis-je répondre au secrétaire parlementaire?
La présidente: C'est votre temps de parole, monsieur Konrad.
M. Derrek Konrad: Si quelqu'un décide qu'il n'aime pas le politicien local ni la situation, il peut mettre sa maison en vente et déménager. Dans le cas qui nous occupe, les gens ne le peuvent pas. Là est le problème. Leur capital est détenu en commun pour le bien de tous, et s'ils ne peuvent pas en profiter comme tout le monde, il me semble que l'on a enfreint un droit, qu'il s'agisse ou non d'une relation qui s'est gâtée et qui fait que les gens ne peuvent plus vivre sur la réserve ou quoi que ce soit d'autre.
Existe-il un mécanisme qui leur permet de prendre leur capital et de demander à la bande de leur acheter une parcelle quelque part ou de leur faire un versement en espèces? Je trouve que ce serait une façon assez simple de procéder avec les fonds reçus en vertu du droit foncier issu de traités.
La présidente: Monsieur Broughton.
M. Al Broughton: Il leur reste toujours la possibilité de demander à la bande de leur verser de l'argent. Autant que je sache, il n'existe pas de disposition légale particulière obligeant le conseil de bande à accepter une telle solution.
Comme vous le savez, il existe des recours judiciaires dont quiconque qui estime que l'on a enfreint ses droits peut se prévaloir, mais je ne peux pas être plus précis en ce qui concerne le cas qui nous occupe.
M. Derrek Konrad: Il est certain que le gouvernement fédéral donne de l'argent aux gens qui souhaitent l'attaquer, mais je ne sais pas si les bandes font la même chose. J'en doute fortement. Dans une telle situation, vous vous retrouvez seul, ou à deux, ou encore à dix à vous battre contre des gens qui ont un très gros compte en banque dans le cadre d'un procès où ils se défendront farouchement.
Je n'ai plus rien à dire pour l'instant. Je vous remercie.
La présidente: De toute façon, vous avez épuisé votre temps de parole.
À votre tour, monsieur Bachand.
[Français]
M. Claude Bachand: J'ai des questions à poser sur la page 8 de la version française. Premièrement, on dit qu'il y a deux façons de faire des élections, si je comprends bien. Il y a la façon prescrite par la Loi sur les Indiens et il y a aussi la façon des coutumes autochtones. Je pense que le ministre doit autoriser le passage d'un statut à l'autre. Je pense que lorsqu'une bande autochtone dit qu'elle ne veut plus bénéficier des dispositions de la Loi sur les Indiens pour faire son élection et veut plutôt tenir une élection basée sur les coutumes, le ministre doit l'autoriser à le faire. Est-ce que je me trompe?
[Traduction]
M. Al Broughton: Oui c'est exact. En vertu de l'article 74, le ministre peut émettre une ordonnance assujettissant une Première nation aux règlements de la Loi sur les Indiens et peut également révoquer ce genre d'ordonnance, ce qui les réassujettit alors à leurs coutumes.
[Français]
M. Claude Bachand: Merci.
Deuxièmement, vous parlez de deux types d'élections, et je suis d'accord sur cela. Vous parlez même du nombre pour ce qui est de chacun des types d'élections. Vous parlez de 17 bandes dans le premier paragraphe de votre page 7 et vous parlez de 17 autres premières nations dans le deuxième paragraphe. Est-ce que ce sont des nations différentes ou si on parle des mêmes bandes dans les premier et deuxième paragraphes? Me comprenez-vous? Vous parlez de 17 bandes dans le premier paragraphe et également de 17 bandes dans le deuxième paragraphe. Je veux savoir si ce sont les mêmes bandes ou des bandes différentes.
[Traduction]
M. Ray Hatfield: Non, il ne s'agit pas de mêmes 17. Je crois que le 17 en question réfère aux 17 Premières nations. C'est juste que je ne peux pas trouver la page exacte.
La présidente: Pendant que vous cherchez la page, je tiens à vous signaler qu'il va y avoir un vote dans 25 minutes. Je ne vais pas revenir après le vote; donc, nous allons tout simplement continuer pendant le temps qui nous reste avant ce vote. Je ne pense pas que c'était prévu.
Poursuivez avec votre réponse.
M. Al Broughton: Si vous me permettez, au troisième paragraphe de la page 8 de la version française, les 17 bandes dont il est question ont été exemptées par le gouverneur en conseil des restrictions relatives à la résidence que l'on trouve dans les dispositions de la Loi sur les élections. Les 17 Premières nations dont il est question au paragraphe suivant sont celles qui jouissent de l'autonomie gouvernementale, et ce ne sont pas les mêmes.
Les 17 nations du troisième paragraphe sont assujetties à la Loi sur les Indiens.
[Français]
M. Claude Bachand: Dans le premier paragraphe, vous parlez des 17 bandes qui ont été exemptées de l'application des restrictions de résidence. Est-ce que cela veut dire que le gouverneur en conseil ou le Conseil des ministres a un peu devancé la décision Corbière? C'est ma première question, parce que cela m'étonne.
Au deuxième paragraphe, on parle des 17 premières nations qui, à cause des ententes d'autonomie gouvernementale, se sont exclues. J'imagine que parmi elles, il y a les sept premières nations cries, trois premières nations naskapies et une nation sechelt. Que je sache, dans le Yukon, il y en a 7 sur 14. Pourriez-vous nous dire comment vous justifiez ce nombre de 17? Mais j'aimerais que vous répondiez d'abord à ma première question, qui m'intéresse beaucoup. Le Conseil des ministres ou le gouverneur en conseil a-t-il devancé, pour une fois, une décision de la Cour suprême? Est-ce que c'est le cas?
[Traduction]
M. Al Broughton: Je serais heureux de répondre à la première partie de cette question de toute façon, concernant le jugement dans l'affaire Corbière.
En ce qui concerne les 17 bandes exemptées par proclamation en vertu du paragraphe 4(2) de la Loi sur les Indiens, cela s'est passé bien avant le jugement de l'affaire Corbière. En fait, je pense que cela s'est passé avant 1990. Par conséquent ces proclamations sont antérieures à 1990. Le jugement de l'affaire Corbière est intervenu longtemps après cela, mais il a essentiellement le même effet. Les proclamations qui avaient été faites supprimaient l'application des mêmes sept mots contenus dans la disposition.
[Français]
M. Claude Bachand: Et qu'en est-il des 17 nations qui ont maintenant des ententes d'autonomie gouvernementale?
[Traduction]
M. Ray Hatfield: Chacun des accords d'autonomie gouvernementale concerne plusieurs premières nations. La Loi sur l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Yukon, par exemple, couvre les bandes de plusieurs Premières nations.
M. Claude Bachand: Sept?
M. Ray Hatfield: Je pense qu'il y en a sept, et 14 au total. Les Sechelts forment une bande à eux seuls. D'après la Loi sur les Cris-Naskapis, ces derniers formeraient une seul bande également. Il y a donc plusieurs bandes concernées par chacun des accords.
[Français]
M. Claude Bachand: Pouvez-vous nous faire parvenir la liste des 17 bandes qui ont des ententes d'autonomie gouvernementale? Je pense que cela me satisferait. Vous pourriez la faire parvenir au greffier, qui la distribuerait à tous les membres du comité.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Madame Hardy et ensuite, madame Karetak-Lindell.
Mme Louise Hardy: Selon le projet de loi C-31, pour qu'une femme puisse retrouver son statut d'Indienne et le transmettre, doit-elle engager des procédures particulières? Je connais une femme qui a fait cette demande pour elle et ses enfants et dont la requête a été refusée.
La présidente: Monsieur Watts.
M. Bob Watts: Pour être inscrit à titre d'Indien, il faut présenter une demande au Registraire. Dans le cas de cette dame, il faudrait également faire une demande distincte pour les enfants. Ce processus est en place depuis de nombreuses années et, à mon avis, ce n'est pas compliqué du tout.
Mme Louise Hardy: Quel est le secteur de votre ministère qui est chargé du dossier des mauvais traitements infligés dans les pensionnats? Vous avez dit que ce n'était pas vous qui en étiez responsable.
M. Al Broughton: Aux Affaires indiennes, c'est du ressort du sous-ministre adjoint, John Sinclair. C'est la Direction générale de la gestion des litiges qui est chargée de ce dossier. Le ministère de la Justice a également détaché une équipe d'avocats qui travaillent aux services juridiques du MAINC, et il y a d'autres avocats qui s'occupent des cas individuels dans tout le pays.
Mme Louise Hardy: Quelle est la responsabilité du ministère en ce qui concerne le nettoyage des lieux d'élimination des déchets toxiques, notamment ceux qui sont situés dans les villes? Il y a une fosse remplie de goudron—il s'agit de déchets toxiques—en plein milieu de la ville de Whitehorse.
M. Bob Watts: Cela entre sans doute dans la sphère de compétences de M. James Moore, le sous-ministre adjoint du Nord canadien. Les dossiers environnementaux dont mon secteur s'occupe concernent tous uniquement des réserves situées ailleurs qu'au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Nunavut.
La présidente: Il vous reste du temps, au cas où vous voudriez poursuivre.
Mme Louise Hardy: Non, ça va.
La présidente: Madame Karetak-Lindell, allez-y, s'il vous plaît.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): À la page 8, vous parlez d'élections suivant la coutume. Je sais que l'on a soulevé quelques questions à ce propos. Je ne comprends pas très bien si cette coutume recouvre des systèmes électoraux différents selon les bandes.
Louise a évoqué brièvement la question des chefs élus a vie. Est-ce également un type d'élections selon la coutume?
M. Bob Watts: Il se peut que M. Hatfield veuille ajouter quelque chose, mais peut-être devrais-je répondre tout d'abord à votre dernière question, sur l'élection des chefs à vie. Premièrement, la Première nation concernée n'aurait peut-être jamais été assujettie aux dispositions de la Loi sur les Indiens, et il se peut donc qu'il faille considérer qu'il ne s'agit pas d'une coutume qui s'inscrit dans le cadre de la Loi sur les Indiens, mais plutôt dans la propre tradition de la nation en question.
Les coutumes peuvent varier parmi les Premières nations. Certaines ont adopté un système électoral qui est très semblable à celui qui est énoncé dans la Loi sur les Indiens—avec un mandat de deux ans et les mêmes restrictions que celles qui sont stipulées dans cette loi. D'autres ont choisi un mandat de trois ans. Certaines ont décidé que tout le monde peut voter ou se porter candidat, et que le lieu de résidence n'entre pas en ligne de compte.
Il y a donc bien des coutumes différentes d'un océan à l'autre. Certains régimes électoraux sont liés à la tradition de la Première nation concernée. Certains sont plus des systèmes individualisés que coutumiers, au sens anthropologique du terme.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Donc, vous dites que certaines de ces élections ne sont couvertes par aucune loi électorale, contrairement aux élections municipales qui sont couvertes par la Loi sur les élections municipales en vigueur dans un territoire ou dans une province. Comment réglementez-vous ces élections?
Il y a une chose qui m'inquiète un peu. Nous nous rendons dans des pays étrangers pour veiller à ce que les élections se déroulent de façon équitable et démocratique et ainsi de suite. J'essaie de voir comment nous nous y prenons pour nous assurer que le même système démocratique s'applique au sein des bandes lorsque les élections ne sont pas couvertes par la Loi sur les Indiens ou une autre loi quelconque. Je ne comprends pas très bien comment cela se décide au niveau communautaire. Vous dites que les gens pourraient faire appel au cas où ils auraient l'impression que les choses ne sont pas faites comme il faut. À qui pourraient-ils s'adresser pour faire appel? Quels loi ou règlements pourraient-ils invoquer?
M. Ray Hatfield: La politique sur la conversion à un système électoral communautaire et coutumier exige qu'un code électoral basé sur la coutume soit couché sur le papier, ce qui couvrirait des procédures comme les appels dont vous avez parlé. De tels codes comportent également des dispositions permettant d'apporter des modifications et de s'assurer que la Charte est respectée.
• 1640
Donc, en ce qui concerne les Premières nations qui veulent
être couvertes par notre politique sur la conversion, ou qui le
sont déjà, les gens bénéficient de mesures de protection du genre
de celles que vous avez évoquées. Pour ce qui est des nations dont
M. Watts a parlé plus tôt, qui n'ont pas été assujetties à la Loi
sur les Indiens, peut-être qu'il n'existe pas de code écrit, que
c'est uniquement verbal. D'ailleurs, il n'y aurait pas de référence
à la Loi sur les Indiens étant donné que ces nations suivent leurs
coutumes et sont assujetties à leurs propres lois.
M. Al Broughton: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Pour ce qui est des Premières nations qui suivent leurs propres coutumes traditionnelles, qui n'ont jamais été assujetties à la Loi sur les Indiens et qui, nécessairement, n'ont pas de code écrit, comme je l'ai dit plus tôt, les gens peuvent s'adresser aux tribunaux. De temps à autre, les membres de ces Premières nations demandent aux tribunaux de rendre un jugement à propos d'une élection ou du choix de leurs dirigeants, parce que c'est sans doute leur seul recours.
[Français]
La présidente: C'est tout? D'accord.
[Traduction]
Je vais attendre jusqu'à la fin pour interroger les témoins parce qu'il y a un autre député de notre bord qui souhaite poser des questions. Alors, monsieur Konrad, si vous souhaitez intervenir, je n'ai pas d'objection.
M. Derrek Konrad: Je vous remercie, mais je vais laisser la parole à mon collègue car je suis, disons, en conférence avec mon personnel.
La présidente: Bon.
Monsieur Bonin, vous avez demandé à prendre à nouveau la parole. Allez-y.
M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Merci, madame la présidente.
Comme certains d'entre vous le savent, nous avons examiné la Loi sur les Indiens il y a quatre ans, avant les dernières élections, et depuis, il y a eu deux ministres; pourtant, nous voici aujourd'hui encore en train de parler de la Loi sur les Indiens. Cela me rappelle l'époque où j'étais élève d'une école catholique et où j'ai demandé à mon professeur si le Bon Dieu pouvait faire n'importe quoi. Elle m'a répondu oui, et j'ai dit: «Alors, est-ce qu'il peut faire un rocher si gros qu'il ne pourrait pas le soulever?» C'est exactement l'impression que j'ai quand je lis la Loi sur les Indiens: tout est là, c'est la loi et pourtant, on ne peut rien faire.
Ma question est très claire. Nous avons fait les travaux préliminaires nécessaires, au moins certains d'entre nous. Nous avons passé 12 heures par jour en vidéoconférences avec des témoins et nous avons fait tout ce qu'il faut et pourtant, nous repartons encore une fois à zéro. Je veux vraiment savoir pourquoi le ministère n'a pas comparu à nouveau rapidement, une fois cette première étape franchie, pour au moins faire le point sur ce qui était évident, les solutions dont même le Parti réformiste convenait lorsque nous avons fait tout ce travail. Si nous étions tous d'accord, alors, pourquoi ne pas procéder et passer aux points de contention qui peuvent prendre plus de temps à régler? Pourquoi en parler maintenant alors qu'une étape touche à sa fin?
Ce qui m'intéresse, c'est de faire des choses qui changent la vie des gens; mais je ne suis pas ici pour suivre des cours d'université. Or, c'est exactement ce que nous faisons. Pourquoi ne pouvons-nous pas changer les choses et pourquoi votre ministère n'est-il pas plus proactif lorsqu'il y a des mesures évidentes à prendre—des mesures, qui de l'avis de tout le monde, seraient adoptées à l'unanimité? Pourquoi ne prenons-nous pas au moins certaines initiatives?
Quatre ans plus tard, nous repartons à zéro, tout en sachant que nous n'allons pas parvenir à faire bouger les choses. Qu'est-ce qui ne va pas dans ce ministère qui ne semble pas motivé à prendre les choses en main et à apporter les changements voulus pour aider ces gens-là? Je sais que vous êtes le sous-ministre adjoint. Vous pouvez me concocter une réponse, mais dites bien au sous-ministre que cela devient frustrant.
M. Bob Watts: Eh bien, en tant que sous-ministre adjoint, tout ce que je peux dire, monsieur, c'est que l'on nous a demandé de venir faire un exposé. C'est de ma faute si cela a ressemblé à un cours d'université, et je m'en excuse, mais on nous avait demandé de fournir des informations au comité.
Comme vous vous en rendez bien compte, je pense, pour parvenir à un consensus à l'échelle nationale, car c'est bien de cela que nous parlons... il ne s'agit pas d'une législation qui s'appliquerait individuellement à chaque Première nation d'un océan à l'autre. Il s'agit d'une législation nationale, et cela exigera un consensus national avant que nous puissions agir.
[Français]
La présidente: C'est tout, monsieur Bonin? C'est suffisant, je pense.
[Traduction]
M. Raymond Bonin: C'est ma dernière question.
La présidente: Bon.
Madame.
Mme Louise Hardy: Je vais vous dire ce que je trouve incroyablement frustrant. Je vous ai écouté répondre à Mme Karetak-Lindell, lui dire que tous les mécanismes d'appel sont en place et qu'en ce qui concerne les élections tenues selon la coutume, certains critères doivent être respectés. Or, il y a des gens qui viennent me voir et qui sont censés être traités en toute équité comme tout autre citoyen du Territoire du Yukon, qui, s'ils s'adressent au service d'assistance sociale du ministère, sont censés être traités de la même manière qu'un Blanc, mais qui ne le sont pas.
J'ai vu une femme à qui l'on a donné 51 $ pour acheter à manger pendant un mois pour elle-même et son enfant. On n'a pas tenu compte du fait qu'elle devait se sortir d'une relation violente et on ne l'a pas aidée à louer un appartement. La liste n'en finit pas. Alors, elle s'est adressée à moi, et je lui ai dit: «Il faut faire appel; il faut que suiviez les procédures établies.» Cela n'a eu aucun effet. Absolument aucun. La seule chose, c'est qu'un groupe local de lutte contre la pauvreté s'est assuré que quelqu'un s'occupait d'elle et l'aidait à loger un appel. Elle s'est fait invectiver; on l'a injuriée. On lui a dit qu'elle n'était qu'un bonne à rien qui n'avait droit à rien. C'était horrible.
Alors, elle s'est adressée à notre directeur régional, sans succès. Cela n'a eu aucun effet. Elle n'a même pas obtenu les vêtements d'hiver auxquels elle avait droit. Je ne sais pas comment ces gens-là... J'ai passé un après-midi à essayer de la convaincre de ne pas se suicider. C'est absolument révoltant. Et elle n'est pas la seule. C'est tout simplement incroyablement frustrant. Que faire dans une telle situation? J'ai honte de la regarder en face.
M. Bob Watts: Je suis d'accord avec vous, c'est horrible. Je ne suis pas sûr d'être en mesure de répondre à cette question. L'assistance sociale n'est pas un des sujets de notre présentation, et cela n'entre pas dans le champ de mes compétences. Si je peux faire quelque chose, parler à l'un de mes collègues, je suis prêt à le faire, mais excusez-moi...
La présidente: En tant que présidente, je dirais que ce qu'expriment mes collègues, c'est une volonté politique allant dans le sens d'un changement. Je suis parfaitement au courant, en tant que présidente, du fait qu'une initiative conjointe a été lancée, comme vous l'avez mentionné dans votre exposé, et que les Premières nations s'intéressent, elles aussi, à ces questions. Nous allons donc devoir également les écouter pour savoir où elles en sont dans ce processus, comme M. Bachand l'a suggéré lui aussi.
Sur ce, il va falloir mettre un terme à nos débats, parce que la sonnerie d'appel nous prévenant qu'il ne reste que cinq minutes avant le vote va se déclencher d'une minute à l'autre, je pense.
La semaine prochaine, mardi après-midi, nous allons tenir notre séance d'information. Si neuf personnes peuvent y assister, je n'aurai pas à organiser une réunion distincte juste pour décider quels témoins nous voulons entendre la prochaine fois. J'ai donc l'intention de tenir la séance d'information et, si neuf députés sont présents, de prendre un peu de temps au cours de cette réunion pour décider cela. Vous n'aurez pas à revenir, et le greffier et nos recherchistes pourront convoquer les témoins suivants. Je vais prendre cette liberté. Neuf personnes étaient présentes ici brièvement un peu plus tôt aujourd'hui. J'aurais dû saisir l'occasion et interrompre les débats. Quoi qu'il en soit, je vous préviens que si neuf personnes sont présentes la semaine prochaine, c'est ainsi que je vais procéder. Nous éviterons d'avoir à organiser une autre réunion uniquement dans ce but. Nous nous retrouverons dans cette salle la semaine prochaine.
Mesdames et messieurs les témoins, je vous remercie. Merci à vous également, mesdames et messieurs les députés, d'avoir participé à la réunion d'aujourd'hui.
La séance est levée.