Passer au contenu

AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 novembre 1999

• 0913

[Traduction]

La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Je m'appelle Sue Barnes. Je suis la présidente du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. Nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nishga.

Il y a un rappel au Règlement.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Merci, madame la présidente.

Nous sommes saisis d'une question qui revêt beaucoup d'importance, non seulement pour les habitants de la Colombie-Britannique, mais pour l'ensemble des Canadiens. Cette réunion ne se déroule pas à huis clos; elle est ouverte à tous les représentants de la presse écrite. Je sais qu'il existe une règle qui interdit la présence de caméras ici, mais je trouverais injuste qu'on l'applique dans ce cas-ci.

Je demande que les membres du comité acceptent à l'unanimité la présence de caméras dans la salle, afin que, non seulement les personnes réunies ici, mais également l'ensemble des habitants de la province puissent suivre les discussions. On ne devrait pas, à mon avis, interdire la présence de caméras en raison de l'existence d'une règle adoptée à Ottawa.

Je demande donc le consentement unanime des membres.

• 0915

La présidente: Merci, monsieur Lunn. Tous les Canadiens devraient avoir accès à ces délibérations. Les médias assistent aux réunions publiques. Malheureusement, votre souhait et votre demande très importante est irrecevable parce que la Chambre n'a pas autorisé la télédiffusion de nos travaux. Cette décision relève de la Chambre.

Elle aurait pu autoriser leur télédiffusion, mais le comité, à ce moment-ci, n'a malheureusement pas le pouvoir de le faire. Tous les témoignages figureront sur Internet et les médias sont présents. Le public peut assister à la réunion, à la condition que celle-ci de déroule dans l'ordre afin que nous puissions entendre les témoignages de nos invités. Malheureusement, la décision de la Chambre est très claire et nous devons, lors de nos déplacements, nous y conformer. Votre demande est donc irrecevable.

Merci beaucoup. Nous allons continuer.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Je voudrais invoquer le Règlement, madame la présidente. Je tiens à signaler que le comité est maître de sa destinée. Il a le droit de se prononcer sur des questions comme celle-ci. Si nous proposons une motion dans laquelle nous demandons le consentement unanime des membres, le comité a le droit de prendre cette décision. Je propose encore une fois que le comité accepte à l'unanimité la présence de caméras dans la salle, et ce, afin que les délibérations puissent être télédiffusées.

La présidente: Merci beaucoup. Je viens de me prononcer là-dessus, et malheureusement, les règles de la Chambre l'emportent. Merci.

Je tiens à rappeler aux personnes qui souhaitent déposer des mémoires de bien vouloir les remettre aux greffiers installés à l'extérieur de la salle et ici, à gauche.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Avant de commencer, j'inviterais les membres du comité à se présenter.

Monsieur O'Reilly, nous allons commencer par vous.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente, et bienvenue à tous. Je m'appelle John O'Reilly, député de Haliburton—Victoria—Brock, qui est situé dans la partie centrale de l'Ontario.

M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Bonjour. Je m'appelle Raymond Bonin, et je suis le député de Nickel Belt, dans le nord de l'Ontario.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Je m'appelle John Finlay, député d'Oxford, dans le sud-ouest de l'Ontario. Je suis également le vice-président du comité.

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Je m'appelle Nancy Karetak-Lindell. Je représente le nouveau territoire du Nunavut, qui est situé dans la région est de l'Arctique.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Bonjour. Je m'appelle David Iftody, et je représente le comté de Provencher, au Manitoba. Je suis également le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

M. Mike Scott: Je m'appelle Mike Scott, député de Skeena, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique, où le traité nishga sera mis en oeuvre.

M. Gary Lunn: Je m'appelle Gary Lunn. Je représente le comté de Saanich—Gulf Islands. Je voudrais profiter de cette occasion pour souhaiter la bienvenue à tous nos témoins et invités. Je suis heureux de voir des visages familiers et des professeurs de droit. Donc, bienvenue à Victoria. J'ai hâte de prendre part à ce débat fort important.

M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): Je m'appelle Jim Gouk, député de Kootenay—Boundary—Okanagan, dans le sud-est de la Colombie-Britannique.

[Français]

M. Ghislain Fournier (Manicouagan, BQ): Je m'appelle Ghislain Fournier et je suis député du comté de Manicouagan, sur la Côte-Nord au Québec. Je suis très heureux d'être ici avec vous, à Victoria, pour partager un certain nombre d'opinions et d'idées. Cela me fera plaisir de répondre à toutes les questions, si on m'en pose. Merci.

[Traduction]

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Je m'appelle Louise Hardy et je représente le Yukon.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Je m'appelle Gerald Keddy, député de South Shore, en Nouvelle-Écosse. Je suis le porte-parole du Parti conservateur pour les questions touchant les affaires indiennes et le développement du Nord, et les ressources naturelles.

La présidente: Merci.

Nous accueillons aujourd'hui M. Doug Sanders, qui prendra la parole en premier. Il sera suivi de M. Paul Tennant, de M. Hamar Foster, doyen associé de la faculté de droit, et enfin de M. Mel Smith.

Nous entendrons les témoins de 9 h 15 à midi. Nous prendrons tout le temps qui nous est alloué. Vous avez été invités à présenter un exposé d'une quinzaine de minutes. Je vous demanderais de respecter cette limite de temps pour que les membres puissent poser des questions et discuter avec vous.

• 0920

Nous allons avoir des tours de table de cinq minutes, et nous allons essayer de nous en tenir à cela pour que nous puissions poser le plus grand nombre de questions possibles. Si vous oubliez d'aborder certains points dans vos exposés, vous pourrez les soulever dans vos réponses aux questions.

Sans plus tarder, j'invite notre premier témoin, M. Doug Sanders, à présenter son exposé.

M. Doug Sanders (professeur, Faculté de droit, Université de la Colombie-Britannique): Merci, madame la présidente.

J'aimerais, dans le cadre de mon exposé, aborder trois questions.

D'abord, est-il juste d'avoir un régime d'autonomie limitée comme celui que nous trouvons dans le traité nishga, ou devrait-on laisser au secteur privé le soin de régler les différences entre les collectivités?

Au Canada, le colonialisme et l'avidité affichée par les non-Autochtones ont nuit aux économies traditionnelles des Autochtones et empêché la création d'économies nouvelles adaptées à leurs besoins. Les collectivités autochtones ont survécu, sauf qu'elles ont subi de graves préjudices. Nous avons essayé d'établir un équilibre nouveau où la culture et les collectivités autochtones seraient en mesure de participer, de façon raisonnable, à la société et à l'économie qui les entourent.

Les collectivités autochtones d'aujourd'hui ne sont pas fermées. Les enfants autochtones fréquentent les établissements d'enseignement provinciaux, même si pendant les premières années, ils suivent des cours au sein de la collectivité. Les réserves situées en Colombie-Britannique sont souvent bien intégrées aux collectivités avoisinantes. Elles constituent une sorte de système collectif. Les membres possèdent leur propre terrain, maison, entreprise au sein de la réserve. Les gouvernements communautaires s'occupent de la prestation de services, du développement économique et de la promotion de la culture. Les réserves plus prospères de la côte Ouest regroupent des maisons, un centre commercial, une école, un bureau du conseil de bande et une longue maison.

L'existence d'un nombre limité d'institutions communautaires distinctes a pour but de permettre aux collectivités de contrôler, dans la mesure du possible, leur développement politique, social, économique et culturel dans un contexte moderne. Cette interaction positive peut être compromise par tout geste qui est perçu comme une menace à la survie du peuple et de sa culture. La perception d'une telle menace engendre la méfiance. Quiconque connaît bien les minorités en est conscient. Seul un milieu non menaçant permettra à ces collectivités de s'adapter et de s'épanouir.

À mon avis, le traité nishga vise essentiellement à donner aux Nishgas la force et le respect dont ils ont besoin pour s'épanouir au sein de la société canadienne. Il vise à favoriser leur intégration, chose que le système de réserves prévu par la Loi sur les Indiens n'a jamais été en mesure de faire.

Je ne dis pas que le traité nishga a des visées assimilatrices, même si certains dans la province le prétendent. J'ai côtoyé les Autochtones pendant 35 ans. Au cours de cette période, ils ont acquis de l'assurance et ont appris à s'intégrer davantage à la société. Or, la vive controverse entourant le traité nishga a malheureusement un impact plutôt négatif. Elle laisse sous-entendre aux Nishgas et aux autres Autochtones qu'il y a de nombreux Canadiens qui n'acceptent pas cette nouvelle intégration et reconnaissance.

Deuxièmement, est-ce que l'autonomie gouvernementale des Indiens modifie la Constitution, comme certains l'ont laissé entendre, de sorte que le traité nishga devrait être perçu comme une modification de la Constitution, ou à tout le moins une modification de fait de la Constitution?

Les réserves indiennes au Canada ont toujours été considérées comme des entités administratives qui ont leur propre gouvernement et des pouvoirs législatifs limités. L'article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867 établissait un certain cadre constitutionnel pour les collectivités autochtones, cadre qui prévoyait à la fois une certaine intervention de l'État et une certaine autonomie gouvernementale. Au cours des dernières années, l'intervention de l'État a diminué au profit d'une plus grande autonomie gouvernementale.

• 0925

En 1988, le Parlement du Canada a donné aux conseils de bande le pouvoir d'émettre des permis, de réglementer l'utilisation des terres et d'imposer les non-Autochtones vivant sur des terres de réserve louées. Personne à l'époque ou depuis ce temps-là n'a laissé entendre qu'il s'agissait là d'une modification de fait de la Constitution, même si les pouvoirs des conseils de bande, les pouvoirs législatifs, avaient été renforcés. Si le Parlement décidait, au cours de la présente session, de modifier la Loi sur les Indiens afin de donner aux administrations locales indiennes la responsabilité des services à l'enfance, ce dont il pourrait très bien faire, personne ne laisserait entendre qu'il s'agit d'une modification de fait de la Constitution. Parallèlement, je ne crois pas que les pouvoirs conférés au gouvernement nishga, en vertu du traité, modifient la Constitution.

Les détracteurs du traité soutiennent que celui-ci accorde au gouvernement nishga des pouvoirs très vastes et larges. M. Gordon Gibson, qui doit témoigner cet après-midi, a qualifié ce gouvernement de régime radical et nouveau. J'ai effectué une analyse de ces pouvoirs dans un article qui a paru récemment dans la revue UBC Law Review. Voici ce que j'en dis:

    Ils n'auront aucun pouvoir en matière de droit criminel. Ils n'auront pas les vastes pouvoirs que possèdent les conseils de tribu aux États-Unis en matière de droit commercial. De manière générale, les lois nishgas ne s'appliquent qu'aux terres qui appartiennent aux Nishgas. Les pouvoirs conférés à l'administration autonome sont déjà reconnus dans la Loi sur les Indiens, ou dans les ententes intergouvernementales existantes—par exemple, les services de police, les services correctionnels, l'éducation, la protection de l'enfance—ou visent des questions comme la langue et la culture. Or, les Nishgas constituent le palier de gouvernement logique à qui confier ces responsabilités, peu importe le point de vue que l'on adopte. Les Nishgas se verront également confier des pouvoirs dans de nouveaux domaines, comme la vente de boissons alcoolisées ou les jeux de hasard, dans la mesure où la province le permettra. Les seuls éléments étonnants, quoique peu controversés, dans la liste des pouvoirs sont l'adoption et la célébration de mariages.

Je tiens à signaler que les Autochtones ont dénoncé le fait que les pouvoirs législatifs prévus par le traité nishga en Colombie-Britannique sont modestes.

Troisièmement, qu'en est-il des conventions modernes touchant les droits de la personne et de la Charte des droits et libertés? Le traité nishga vise les droits des minorités. Nous sommes tous conscients du fait que les peuples autochtones se trouvent dans une situation unique du fait que leurs institutions et leurs économies ont été sapées par les colons venus de l'extérieur. Voilà pourquoi on a souvent jugé nécessaire d'assurer la protection juridique de leurs droits. La Commission des droits de la personne des Nations Unies, chargée d'appliquer et d'interpréter le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a déclaré, en faisant allusion aux arrêts Lovelace et Kitok, que les mesures spéciales adoptées dans le but de reconnaître et de protéger les droits des collectivités autochtones n'allaient pas à l'encontre du Pacte. Il était question, dans l'affaire Lovelace, de limiter les droits de résidence, et dans l'affaire Kitok, de limiter la participation aux activités économiques traditionnelles des Sami dans le nord de la Suède, soit la chasse aux rennes.

De façon plus générale, le Comité des droits de la personne des Nations Unies a déclaré que si un État est pluraliste dans le fait, comme l'est le Canada, cet État devrait être pluraliste dans ses systèmes politiques et juridiques. L'autre possibilité est un système qui ne reconnaisse pas dûment les minorités.

• 0930

Je crois qu'il est largement reconnu dans le monde entier que l'autonomie indigène favorise l'atteinte des objectifs relatifs aux droits de la personne. Je crois aussi qu'il est généralement convenu que l'autonomie indigène devrait s'appliquer conformément à certains critères généraux relatifs aux droits de la personne. La discrimination contre les femmes, dans la Loi sur les Indiens d'avant 1985, était injustifiée puisqu'elle ne servait aucun des objectifs de l'autonomie indigène et qu'elle ne représentait aucunement la culture ni la tradition indienne.

La règle d'exclusion complète des Indiens non résidents des élections des bandes a été annulée par la Cour suprême du Canada plus tôt cette année dans le cadre de l'affaire Corbière. Le tribunal a décrété que cette règle ne servait aucun objectif autochtone.

En 1997, la Division de première instance de la cour fédérale a statué, dans l'affaire Shubenacadie, que les bandes ne devraient pas, dans l'administration de l'aide sociale financée par les fonds publics, faire de discrimination contre les non-membres qui avaient été autorisés à vivre dans la communauté.

Dans ces trois exemples, la discrimination sexuelle dans les règles d'inscription, l'obligation de résidence pour les élections et la discrimination relative à l'appartenance dans la prestation des services aux résidents, nous constatons que certaines parties du système de réserve établi par la Loi sur les Indiens sont contestées avec succès alors que nous passons d'un système paternaliste clos à un système plus intégré pour les communautés des Premières nations. C'est ce système, à mon avis, que le Traité nishga soutient.

Merci.

• 0940

La présidente: Monsieur Tennant, vous avez la parole.

M. Paul Tennant (professeur, Faculty of Political Science, Université de la Colombie-Britannique): Merci, madame la présidente.

J'ai été invité ici en tant qu'universitaire, mais j'aimerais aussi m'exprimer en mon propre nom, à titre de Britano-Colombien qui s'intéresse à ces questions. J'ai grandi dans cette province, et en fait j'ai atteint l'âge de 40 ans dans l'ignorance de tout le sujet, partageant beaucoup des préjugés que je perçois maintenant chez les opposants au traité.

J'ai un ami, un psychologue spécialiste des relations familiales. Il m'a dit un jour que les conflits entre époux à propos du ménage ne sont jamais réellement à propos du ménage. Je ne crois que notre conflit à propos du Traité nishga soit vraiment au sujet du traité qui est proposé. C'est plutôt sur les valeurs sous-jacentes. Nous n'avons pas eu de vrai débat public dans cette province. Les deux parties se sont surtout exprimées par-dessus la tête l'une de l'autre. Ce que j'aimerais essayer de faire ici, et peut-être est-ce présomptueux de ma part, mais c'est surtout pour ceux d'entre vous qui ne venez pas de la Colombie-Britannique, c'est essayer de faire comprendre un peu le point de vue des initiés sur ce qui est réellement en jeu ici.

La Colombie-Britannique est loin d'être une province comme les autres. À l'est des Rocheuses, on a tenu pour acquis dans la plupart des régions que le titre autochtone existait, que les traités avaient été conclus avant que la colonisation soit autorisée et avant la création des provinces dans une bonne partie du Canada central. C'est très différent pour la Colombie-Britannique. C'était une colonie séparée, qui n'était pas liée au reste de l'Amérique du Nord britannique. Au début, sous les Anglais, le titre autochtone n'était pas reconnu, et des traités ont réellement été conclus sur l'île de Vancouver par le gouverneur Douglas de la compagnie de la Baie d'Hudson. En fait, nous nous trouvons en ce moment même sur des terres cédées en vertu d'un traité.

• 0945

Les choses ont évolué assez rapidement avant que la Colombie-Britannique se joigne au Canada. Une nouvelle optique publique—généralement une optique blanche—des Autochtones a fait surface. D'après elle, les groupes autochtones qui avaient vécu ici étaient des peuples primitifs, des sociétés insignifiantes, sans aucune loi ni gouvernement qui pouvaient être reconnus. Il n'existait certainement aucun lien avec la terre que la nouvelle autorité devrait reconnaître comme valable. Autrement dit, en bon vieux latin, la Colombie-Britannique était perçue comme terra nullius, un territoire vide. On a pu voir poindre en partie le soutien de cette perception dans ce qui est devenu la première légende de la Colombie-Britannique.

Du point de vue européen, la première légende de la Colombie-Britannique est que les gens étaient venus en bateau, puis avaient fait venir leurs familles—en fait, tout à fait comme la première légende maori en Nouvelle-Zélande, mais les Maoris n'ont trouvé personne en arrivant en Nouvelle-Zélande. Dans ce temps-là, au Canada, dans les premières années qui ont suivi l'Union en 1871, la Colombie-Britannique était, dans un certain sens, socialement et politiquement parlant beaucoup plus comme une colonie de l'Asie ou de l'Afrique que comme vos colonies de l'Amérique du Nord britannique. Il y avait trois groupes sociaux, soit les Autochtones, les Asiatiques et les Blancs. Ce sont les blancs qui détenaient l'autorité politique. Il ne leur a pas fallu beaucoup de temps pour, en fait, priver de leur franchise les minorités les plus importantes—les Autochtones, les Chinois, ceux qu'on appelait les ressortissants des Indes orientales et, plus tard, les Japonais.

Cet épisode de notre histoire est souvent qualifié de raciste, mais je ne crois pas que ce soit vrai. Je ne pense pas que les Blancs étaient racistes dans le sens où ils croyaient à l'infériorité d'autres personnes qui n'étaient pas blanches. La réalité est qu'un accent très poussé était mis sur l'individu en tant qu'entité la plus importante dans la politique des affaires publiques. C'est sûr que l'immigration avait amené des gens qui voulaient se créer une nouvelle vie, laisser derrière eux leur passé, en Europe ou ailleurs. En fait, il régnait une horreur de ce qui, avant le début du siècle, était appelé la communalité.

La communalité n'était pas quelque chose de chrétien. C'était une façon dont les non-chrétiens, les non-Blancs essayaient de diriger leurs affaires, et les Blancs y voyait un motif d'extrême offense. Dans leurs premiers rapports, les agents des sauvages parlaient de leur devoir comme étant d'annihiler la communalité, d'effacer les coutumes. C'est ainsi qu'un individu pouvait se libérer de la servitude que l'on pensait percevoir dans d'autres races. C'étaient les gens, par exemple, qui acceptaient de travailler pour un maigre salaire et envoyaient de l'argent chez eux ou ailleurs, et qui ne faisaient pas une concurrence loyale aux ouvriers blancs.

Les Blancs se percevaient, très explicitement, comme l'un de ces groupes et en fait, ils l'étaient. Les termes «Blancs» ou «peuple blanc» étaient courants dans les discours publics. De fait, les traités que Douglas a conclus sur l'île de Vancouver parlaient des territoires comme devenant la propriété du peuple blanc à tout jamais. Donc, le terme «Blanc» était une désignation remplie de sens à l'époque, et les Blancs en sont venus à adopter une perspective commune des peuples autochtones comme étant des peuples primitifs, comme je l'ai déjà dit.

Les choses ont énormément changé après la Deuxième Guerre mondiale. Du moins, elles ont semblé changer. Les restrictions raciales ont été supprimées, y compris celles qui concernaient le potlatch et le dépôt des revendications autochtones. Selon moi, pourtant, ce changement n'a pas touché les valeurs sous-jacentes. Ce qui, auparavant, était perçu comme le droit et l'obligation de la majorité blanche de limiter, de contrôler et de déterminer ce que les minorités pouvaient faire, et même d'éliminer et d'effacer la communalité qui existait, était désormais vu comme la responsabilité de la majorité. Les Blancs se sont mis à parler de la majorité comme d'un titre, comme la source de légitimation de tout ce qui pourrait arriver. Cependant, la croyance profonde persistait que la communalité, sous quelque forme qu'elle soit, était en elle-même quelque chose de très mauvais. En fait, en ouvrant la franchise, on permettait aux individus d'abandonner leurs traditions et de s'intégrer à la société majoritaire, ce qui confirme encore mon opinion selon laquelle la Colombie-Britannique n'est pas un endroit raciste.

• 0950

Pendant toute cette période de l'histoire, la perspective autochtone avait été oubliée. Dès le début, les groupes autochtones s'étaient opposés à la prise de contrôle de leur territoire. Ils ont exigé des traités, mais évidement ils ne les ont pas obtenus à cause de l'opinion qu'avaient les Blancs des Autochtones en tant que peuples primitifs. Il était inimaginable que des peuples primitifs puissent posséder des terres. En fait, bien des Blancs croyaient que les Autochtones ne pouvaient même pas comprendre le concept de la propriété des terres dont il pouvait s'agir, et la source des ces idées sur la propriété que répandaient les Autochtones a été attribuée à l'agitateur blanc.

Ce qui s'est passé au cours des 20 ou 30 dernières années, c'est que les tribunaux ont, à juste titre, favorisé—et ils l'ont fait à la suite de procès en Colombie-Britannique, notamment l'affaire nishga et l'affaire Calder en 1973—la conclusion d'une entente élargie. Ces 20 ou 30 dernières années, les médias ont fortement porté leur attention sur les affaires autochtones. Grâce à la scolarisation et à d'autres moyens, les peuples autochtones se sont fait remarquer par le biais de porte-parole très crédibles, et nous, les universitaires et d'autres nous sommes mis à nous intéresser à ces questions.

À propos de ces idées qui, à mon avis, sous-tendent le conflit, j'en vois deux grandes catégories. Il est clair que j'appuie le traité. J'appuie ce que j'appellerais la catégorie de convictions sur les «droits autochtones». Permettez-moi de résumer brièvement ce que sont ces convictions, et leur fondement.

Tout d'abord, il y a une croyance, une acceptation, que les sociétés autochtones avant la colonisation étaient en fait des sociétés significatives, composées d'êtres humains ordinaires qui avaient les mêmes sortes de perceptions sur le territoire que d'autres groupes, ailleurs. Elles avaient des droits, un gouvernement et leur façon de gouverner leurs propres affaires.

La deuxième chose est que les compétences des peuples autochtones ont subsisté en tant que droits après l'instauration de la souveraineté britannique. La souveraineté n'a pas supprimé ces droits. En fait, il est reconnu que la common law britannique protège le titre autochtone.

Troisièmement, pour ce qui est de la continuité, ceux qui appuient le Traité nishga—et les droits autochtones en général—perçoivent une continuité essentielle dans la plupart des cas en ce qui concerne les peuples autochtones particuliers. Beaucoup de changements sont survenus, mais ces changements dans la langue, la religion et d'autres domaines ne sont pas considérés comme étant susceptibles de détruire l'identité. L'identité subsiste à travers les changements.

Quatrièmement, le résultat de tout cela est que les communautés autochtones d'aujourd'hui sont des revendicatrices significatives et légitimes des droits qu'elles ont conservés depuis l'arrivée des Blancs.

Pour ce qui est des détails, les traités sont perçus comme un élément auquel la Cour suprême a peut-être accordé plus d'attention récemment, bien que ce ne soit pas la première fois, et c'est l'honneur de l'État. L'État est l'entité qui négocie ces traités, l'honneur de l'État est tributaire de certaines règles: la négociation équitable, la cohésion, etc., avec les peuples autochtones.

En matière de perception plus générale des peuples autochtones, la race n'apparaît pas comme un facteur important. Il se trouve simplement que les Autochtones ont la peau d'une couleur différente de celle des Européens, à tout le moins. Si des groupes de Blancs sans aucun lien avec l'Europe avaient vécu dans une région quelconque du pays, ils auraient été tout aussi autochtones que n'importe qui, comme les Samis de la Norvège et d'autres ailleurs dans ce coin du monde sont des Autochtones là-bas. La race n'est pas un facteur déterminant pour ceux qui soutiennent les droits des Autochtones. Moi-même, je n'appuierais certainement pas un gouvernement fondé sur la race.

Quant à savoir qui doit approuver le traité, les défenseurs des droits autochtones sont généralement d'avis qu'il convient de respecter le processus habituel de prise de ces décisions, qu'il n'est pas juste de changer de processus à mi-chemin rien que parce qu'on n'aime pas le résultat qui se profile à l'horizon. En fait, je pense qu'un référendum au sein de la majorité ne ferait que perpétuer et, en fait, justifier exactement le genre de contrôle qui a été imposé sur les terres autochtones et leurs affaires sans leur consentement dès le départ. De plus, cela rendrait la négociation d'un vrai traité très difficile. Les Autochtones ne voudraient probablement même pas négocier s'ils savaient qu'un référendum leur serait imposé, et les négociateurs du gouvernement n'auraient pas beaucoup de liberté pour négocier ce qu'ils estiment être une entente raisonnable.

Cependant, il existe certaines circonstances dans lesquelles je serais d'accord avec la tenue d'un référendum parmi la majorité. Si les Autochtones de cette province tenaient d'abord un référendum où ils voteraient pour déterminer si, oui ou non, les nouveaux venus s'étaient comportés de manière à leur permettre de décider eux même, les Autochtones, de l'utilisation de leur propriété, dans ce cas, j'appuierais la tenue d'un référendum auprès de la majorité, c'est-à-dire si le référendum autochtone avait lieu d'abord.

• 0955

Contrairement à l'ensemble des idées que je viens de présenter—et je ne tiens pas à m'exprimer pour les opposants du traité ici—il est bien clair qu'ils ne partagent pas certaines, sinon toutes les valeurs que je viens d'exposer. L'un des arguments très déterminants est qu'une personnalité très en vue de cette province, rien de moins que notre juge en chef, a décrété ou déterminé dans son jugement sur l'affaire Delgamuukw que les Gitxsans et les Wet'suwet'en, dans le cas qui nous occupe, avaient été des peuples primitifs. Il a répété cette expression à plusieurs reprises. Il était impressionné par le fait qu'ils n'avaient pas d'alphabet, qu'ils n'avaient pas de roues. Il était particulièrement impressionné par le fait qu'ils n'avaient même pas de chevaux. Ce sujet est revenu six fois dans son jugement. Mais comme je l'ai déjà dit, si l'on pense à l'Écosse, dont viennent les grands-parents du juge, on n'y trouve pas de chameaux. Est-ce que cela signifie que l'Écosse est un lieu primitif? Je ne le pense pas. Vous voyez où je veux en venir.

Cependant, je crois que la notion—et c'est une notion tout à fait sanctifiée—que transmet notre juge en chef par... En fait, il dit les choses mieux qu'elle ne l'ont jamais été auparavant. Ils étaient des peuples primitifs, sans gouvernement, sans société. Devant cette conviction, il n'y a plus rien à discuter, puisqu'il n'existait aucune compétence dès le départ à reporter sous forme de droits.

C'est une chose assez tabou que de déclarer explicitement que les Indiens étaient primitifs et, par conséquent, n'ont rien à reporter, mais je crois que c'est souvent un mode de pensée sous-jacent. Il englobe certainement la notion selon laquelle il n'y a pas eu une continuité suffisante. En fait, les avocats qui s'opposaient aux revendications des Autochtones dans l'affaire Delgamuukw se sont donné bien du mal pour demander si les témoins indiens mangeaient de la pizza ou conduisaient des véhicules automobiles. Ils cherchaient à démontrer que s'ils mangeaient de la pizza, ils n'étaient plus des Indiens selon une définition particulière.

Bien sûr, l'argument ultime est que bien des opposants, selon un rappel ou une répétition très curieuse de l'histoire, critiquent ce traité ou l'accusent de promouvoir la communalité ou le communisme. Je crois que «socialisme» signifie aussi à peu près la même chose dans ce contexte-là.

À mon avis, les Nishgas, que je connais assez bien, ne sont pas plus communalistes ou socialistes que, disons, la congrégation de M. Manning à Calgary. Il n'y a pas de différence fondamentale entre la manière dont pensent et agissent les gens en tant qu'individus chez les Nishgas et celle d'autres, n'importe ou ailleurs.

Enfin, à propos du référendum, le point de vue qui est soutenu est que c'est à la majorité de décider. Selon moi, ce n'est qu'une façon de renier qu'il puisse exister quelque chose comme le droit des minorités. Je pense que peu des partisans d'un référendum seraient en faveur de la tenue d'un référendum sur les droits individuels, comme les droits de la libre expression, etc. Certains seraient d'accord, mais la plupart le refuseraient. Les droits des groupes sont perçus comme faisant partie d'une catégorie à part. Je le répète, je crois que cette horreur de la communalité est encore bien présente.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous laissons la parole au témoin suivant, monsieur Foster.

M. Hamar Foster (professeur, Associate Dean of Law, Université de Victoria): Merci beaucoup. Je suis aussi professeur d'université, et je suis habitué à avoir 50 minutes, mais je vais faire de mon mieux pour être aussi concis que possible. Comme M. Sanders j'ai, sans fausse modestie, fourni au comité 30 exemplaires d'un document que j'ai rédigé sur la question. J'espère qu'il pourra vous être quelque peu utile.

Je vous remercie de me donner cette occasion de parler devant vous. J'avoue que je ne savais pas exactement de quoi je pourrais parler en si peu de temps au sujet de la Constitution. J'ai essayé de prévoir ce que d'autres intervenants diraient. Par conséquent, j'ai décidé de tenter de répondre à la question de savoir si le traité est fondé sur une loi inventée, comme le soutiennent certains. Peut-être une autre façon d'aborder la question est de se demander de quand datent les principes juridiques sur lesquels est fondé ce traité et dans quelle mesure ils sont solidement établis.

Je vous dirais que le traité n'est pas fondé sur une loi inventée. Les principes juridiques qu'il reflète datent de la conquête des Amériques par les Espagnols, et on peut les retrouver dans des décisions de la Cour suprême des États-Unis, de la Cour suprême de la Nouvelle-Zélande et du Comité judiciaire du Conseil privé—le plus haut tribunal de l'empire britannique—qui datent du XIXe siècle, et parfois même d'avant. Ils datent certainement de la proclamation de 1763, dont je suis sûr que vous avez tous entendu parler et qui est un élément absolument central de la pétition qu'ont présentée les Nishgas au Conseil privé en 1913.

• 1000

Cette proclamation confirmait que les territoires traditionnels des diverses nations ou tribus d'Indiens avec lesquels l'État entretenait des relations leur étaient réservés, ce qu'avait confirmé la Cour suprême des États-Unis en 1823, lorsqu'elle avait dit que les tribus indiennes étaient les occupants de plein droit des terres, détenaient le titre légitime et le plein droit d'en avoir possession et avaient toute latitude quant à leur utilisation.

Neuf ans plus tard, en 1832, le même tribunal déclarait que les concessions de terre faites aux compagnies européennes de peuplement en Amérique du Nord étaient réputées conférer le titre, lequel ils pouvaient légitimement conférer, sans plus, conformément à la common law des pays souverains de l'Europe relativement à l'Amérique. Ce titre était le droit exclusif d'acheter les terres que les Autochtones étaient disposés à vendre.

Le tribunal décrit les tribus de l'Amérique du Nord comme des peuples de la nation qui étaient dépendants et il décrit la souveraineté limitée dont ils jouissaient comme une souveraineté inhérente datant d'avant la constitution des États-Unis. Le Congrès, le président et les tribunaux ont à maintes reprises soutenu que cette souveraineté imposait des rapports de gouvernement à gouvernement. De fait, à quelques milles à peine d'où nous sommes en ce moment, les gouvernements tribaux, les tribunaux et les services policiers s'acquittent de leurs diverses responsabilités comme ils le font depuis des années.

En 1847, la Cour suprême de la Nouvelle-Zélande s'est appuyée sur la Proclamation royale et la décision de la Cour suprême des États-Unis dont je viens de parler pour conclure que le titre autochtone ne peut être éteint, du moins pas en temps de paix, autrement qu'avec le libre consentement des occupants autochtones, et que les principes tels que celui-ci n'étaient pas une nouvelle création ou une invention de nos tribunaux coloniaux, mais qu'ils figuraient déjà au nombre des premiers principes établis de notre loi. Manifestement, même en 1847, les juges étaient sensibles à l'accusation d'activisme judiciaire.

Cette année-là, en 1847, ce n'était que trois ans avant que James Douglas, conformément à ces principes, commence à conclure des traités sur l'île de Vancouver. Mais, je présume que tout le monde le sait, ça n'a pas été long avant que la loi des livres, dont je parlais, et la loi appliquée commencent à diverger, surtout en Colombie-Britannique. Nous n'avons pas le temps d'expliquer toutes les raisons de cela. Je pense que certaines d'entre elles sont assez évidentes.

Néanmoins, dans un procès canadien qui a été présenté au Comité judiciaire du Conseil privé en 1888—je le répète, le plus haut tribunal de l'Empire britannique—ce tribunal statuait que le territoire sous titre indien ne peut être une source de revenu pour la province de l'Ontario tant qu'il n'est pas dégagé du titre indien.

De toute évidence, à quelques exceptions près, cela n'a pas été appliqué en Colombie-Britannique. La province a sans aucun doute tiré des revenus de la terre, et je crois que cet énoncé de la décision de 1988 du Comité judiciaire explique assez bien l'agitation qui règne actuellement en Colombie-Britannique, parmi les Premières nations qui n'ont pas de traité mais qui revendiquent le titre autochtone. Je trouve qu'elle démontre très bien pourquoi un traité comme le Traité nishga, qui s'efforce de clarifier et de préciser ces principes généraux qui datent de 200 ans, est si important.

Je crois qu'il est aussi révélateur qu'un an seulement avant que le Comité judiciaire fasse cette déclaration, le premier ministre de la Colombie-Britannique et la Commission royale qui a mené la première enquête sur les plaintes des Nishgas en 1887 ont dit aux Nishgas qu'ils n'avaient aucun droit à un traité et qu'il n'y avait pas de place dans la loi et la nouvelle Constitution canadienne pour le titre autochtone ou l'autonomie gouvernementale. Selon moi, ce n'était pas vrai à l'époque et ça ne l'est toujours pas maintenant, mais pourtant, les gens en ont bientôt été convaincus.

Cependant, les principes fondamentaux n'ont jamais été expressément abrogés, ce qu'a confirmé en premier lieu la Cour suprême du Canada lorsque les Nishgas lui ont présenté leurs revendications territoriales en 1973, et qui a encore été confirmé à maintes reprises, bien que les tribunaux doivent encore statuer sur l'aspect de l'autonomie gouvernementale qu'englobent ces principes. Dans la période entre le rejet de la revendication des Nishgas en 1887 et sa résurrection judiciaire en 1973, de nombreuses tentatives ont été faites pour résoudre ce conflit au moyen de la négociation ou d'un renvoi devant les tribunaux. C'est presque toujours la province de la Colombie-Britannique qui y a fait obstacle. Je vais essayer de donner quelques brefs exemples.

La position que défendait la province après la Confédération, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de titre autochtone en Colombie-Britannique et que les réserves devraient être de très petite taille, a fini par amener le gouvernement fédéral à révoquer la loi de la Colombie-Britannique sur les terres de la Couronne, la B.C. Crown Lands Act, parce que cette loi ne tenait aucun compte du titre autochtone. Cependant, Ottawa s'est ravisé et a convenu de la création d'une commission des réserves qui ne s'occuperait pas de la question du titre autochtone et ne traiterait que des réserves, mais pendant une brève période, la Crown Lands Act de 1874 avait été abrogée.

• 1005

Bien que dans les années 1880, les protestations des Autochtones, sur la côte du Nord-Ouest, y compris le territoire Nishga, ont entraîné la création de la commission royale dont je parlais tout à l'heure, ni la Colombie-Britannique, ni Ottawa n'ont voulu permettre à cette commission de recevoir les revendications de titre, pour la raison que j'ai déjà donnée, soit qu'il n'y avait pas de place dans la Constitution et la loi pour le titre autochtone.

En 1909, après des dizaines d'années pendant lesquelles les Autochtones se sont rendues en délégations à Victoria, à Ottawa, à Londres, en Angleterre et même une fois au Vatican, ces délégations et l'agitation, particulièrement près de la rivière Skeena, ont amené le gouvernement fédéral à commander un avis juridique sur le titre autochtone en Colombie-Britannique.

Les services d'un avocat ont été retenus. Il a remis un rapport d'une centaine de pages où il concluait, comme l'a fait la Cour suprême du Canada 90 ans plus tard dans l'affaire Delgamuukw, que le titre autochtone était un concept de propriété intégrale, qu'il faisait partie de la loi canadienne et que le titre ancestral non aboli existait toujours en Colombie-Britannique. L'auteur de ce rapport convenait aussi que la Colombie-Britannique n'accepterait jamais un renvoi du conflit devant la Cour suprême, donc qu'il recommandait de trouver un autre moyen pour qu'il soit porté devant les tribunaux.

Néanmoins, le gouvernement de Sir Wilfrid Laurier a tenté d'obtenir un renvoi. Les sous-procureurs généraux de la province et du gouvernement fédéral ont, en fait, convenu de 10 questions à soumettre à la Cour suprême, mais au dernier moment, le premier ministre de la Colombie-Britannique, Richard McBride, a retiré son consentement parce que les quatre premières questions portaient sur le titre autochtone.

Le gouvernement Laurier entamait un procès contre un homesteaders de Skeena en 1911 pour essayer d'attaquer le problème du titre autochtone par la bande lorsque son gouvernement a été battu lors des élections sur le libre-échange en 1911, pour être remplacé par les conservateurs. C'est alors qu'un autre compromis a été fait. La Colombie-Britannique se refusant toujours à discuter du titre autochtone, une nouvelle commission des réserves a été créée pour ajuster les différences entre les deux gouvernements, à condition que la question du titre autochtone ne soit pas abordée.

La réaction des Autochtones, y compris la réaction des Nishgas, a entraîné la création de l'Allied Indian Tribes of British Columbia, en 1916, et encore 10 ou 15 ans de tentatives sur les deux fronts pour résoudre le problème. D'un côté il y avait la négociation, et de l'autre on s'efforçait de porter la question devant les tribunaux. Les Nishgas étaient au centre de ce mouvement, qui a échoué.

Comme l'a dit un haut responsable des affaires autochtones en Colombie-Britannique—un haut responsable du gouvernement fédéral—en 1925, la plus grande erreur qu'a pu faire le Canada a été de ne pas maintenir l'abrogation de la Crown Lands Act de 1974 jusqu'à ce que quelque disposition soit prise pour la cession du titre autochtone.

Deux ans plus tard, en 1927, les tribus alliées obtenaient enfin leur audience devant un comité parlementaire un peu comme celui-ci, et les politiciens décidaient que la revendication du titre autochtone en Colombie-Britannique n'était pas fondée. Ils ont aussi adopté une loi rendant illégale toute autre activité de revendication du titre territorial. Fidèle à son habitude, la Colombie-Britannique, qui n'avait pas reconnu les revendications des Nishgas et des tribus alliées, avait refusé d'assister à ces audiences.

Je crois que l'effet principal de la nouvelle loi adoptée est que, pendant environ 20 ou 25 ans, le silence a régné, du moins pour les Canadiens non autochtones. Les revendications territoriales qui avaient tant occupé l'esprit des gens jusqu'en 1927 sont tombées loin de leur centre d'attention.

En 1909 déjà, l'auteur de l'avis juridique dont je parlais tout à l'heure se plaignait, même alors, que les avocats étaient terriblement ignorants des principes sur lesquels était fondée la Loi sur les Indiens, et pourtant il n'en a même pas été question dans les écoles de droit du Canada jusque dans les années 60. Cependant, nous sommes ici aujourd'hui parce que, petit à petit, ces principes ont été redécouverts.

Tout a commencé avec l'affaire Calder, pour culminer avec la promulgation de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui affirmait l'existence des droits des Autochtones et des droits issus des traités et obligeait les tribunaux à traiter des cas comme celui de Delgamuukw, en 1997. Ces nouvelles décisions, qui s'appuient largement sur des précédents qui datent d'aussi loin que la Proclamation royale de 1763, ne relèvent donc pas d'une loi inventée. Ce serait plutôt une loi redécouverte, renforcée par la protection constitutionnelle promulguée en 1982, et qui a été accompagnée d'exhortations répétées des tribunaux à conclure des traités. Depuis 1982, ces droits sont protégés par la Constitution, et je crois que l'histoire démontre que c'est ainsi qu'il doit en être.

• 1010

J'ai plusieurs autres commentaires, généralement sur le traité lui-même, mais je ne tiens pas à dépasser le temps qui m'est accordé, alors j'ai pensé que je pourrais seulement terminer sur ce qui, à mon avis, est l'un des aspects les plus importants de ce débat, et c'est que ce traité est quelque chose qui a été négocié et choisi par les Nishgas, au lieu de leur être imposé comme l'avaient été la Loi sur les Indiens, les écoles résidentielles et les réserves.

À ce propos, j'aimerais terminer en citant un historien américain, Richard White. Il dit que la plupart des historiens s'entendent sur le fait que la politique sur les Indiens a généralement été l'oeuvre «d'hommes blancs convenables qui s'efforçaient de faire ce qui, à leurs yeux, était le mieux».

Je sais que certains d'entre vous ne seraient pas d'accord avec cette déclaration, mais moi je le suis. Ça a été l'oeuvre de gens convenables qui s'efforçaient de faire, en général, ce qui leur semblait être le mieux. Et pourtant, le résultat a été l'appauvrissement systématique des Indiens et la confiscation de leurs terres.

Richard White conclue ainsi:

    Précisément parce que beaucoup de cela est le fruit de bonnes [...] plutôt que de mauvaises intentions des législateurs blancs, nous devrions prendre un moment de réflexion avant de prescrire des solutions pour les Indiens. L'objet de notre réflexion ne devrait pas être leurs lacunes, qui sont bien réelles, mais des nôtres propres, dont nous avons largement fait la preuve [...] les Indiens ne peuvent pas nous fuir, mais ils méritent de pouvoir négocier leur propre destin parmi nous.

Merci.

La présidente: Merci, monsieur Foster.

Monsieur Smith, dès que vous êtes prêt, nous vous écoutons.

M. Melvin H. Smith (témoignage à titre personnel): Madame la présidente et membres du comité, je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre invitation à m'adresser à vous aujourd'hui.

J'ai préparé un mémoire, qu'on distribue en ce moment aux membres du comité. J'en ai d'autres exemplaires pour ceux qu'il intéresse, y compris pour les médias. Je ne pourrai pas le passer en revue de façon détaillée, à cause du manque de temps, mais je vous laisse le lire à tête reposée, et j'espère qu'il pourra être utile aux travaux du comité.

Je tiens à préciser à prime abord que je ne représente à cette audience personne d'autre que moi-même. Je ne suis rémunéré par aucune institution. Je suis ici parce que le sujet à l'étude me passionne.

Avant de parler de certains des aspects constitutionnels de l'accord final nishga—puisque, après tout, vous êtes là pour examiner ses aspects constitutionnels—je crois que je devrais d'abord parler d'un ou deux aspects plus généraux de cet accord final. Je dois préciser que je m'oppose non seulement à la méthode de négociation du traité qui a été déterminée en Colombie-Britannique, mais aussi à la politique actuelle du gouvernement à l'égard des peuples autochtones, à laquelle on peut attribuer les conditions de sous-développement dans lesquelles vivent beaucoup d'Autochtones dans les réserves et en dehors d'elles.

Je vous prie, donc, de ne pas l'oublier. Je ne suis pas seulement contre la méthode actuelle de négociation des traités elle-même. Je suis contre le maintien de l'état actuel des choses dans la politique autochtone du gouvernement. Si j'en avais le temps, je pourrais vous démontrer que la politique actuelle n'est rien de plus que la continuation de la politique autochtone ratée du Canada de ces 130 dernières années.

Si la négociation de traités était la panacée pour le peuple autochtone, pourquoi alors le reste du pays, qui fait en grande partie l'objet de traités, n'a-t-il pas encore atteint la terre promise relativement à cette question? Non, non, la négociation de traités n'est qu'un symptôme du problème. Elle ne résoudra rien. Je ne peux pas approfondir ce sujet maintenant. Je voulais seulement que vous sachiez que je suis tout aussi opposé au maintien de l'état actuel des choses et, dans mon mémoire, je propose une meilleure solution que ce qui est envisagé dans le traité.

En ce qui concerne ca méthode de négociation de traités, telle qu'elle est en Colombie-Britannique, je dirais que si cet accord final est un exemple de la cinquantaine de revendications territoriales qu'il reste à négocier en Colombie-Britannique, à la fin de cet exercice, les Britanno-Colombiens se réveilleront pour découvrir que leurs gouvernements fédéral et provincial ont considérablement modifié pour toujours la structure économique, sociale et politique de leur province. Nous découvrirons que ces gouvernements ont largement réduit l'assise territoriale et les ressources disponibles de la province, les plus grandes sources de notre prospérité; ils ont abandonné une bonne partie de leur pouvoir fiscal aux bandes autochtones; ils ont versé des milliards de dollars d'indemnités; ils ont enchâssé dans la Constitution des règles de pêche commerciale réservées uniquement aux Autochtones; et ils ont autorisé et financé un éventail d'une cinquantaine, sinon plus, de gouvernements ethniques dont les lois, dans certains cas, supplanteront les lois fédérales et provinciales.

• 1015

La politique fédérale relative à la négociation de traités, établie d'abord en 1973 et que le gouvernement actuel, dans sa folie, a adopté avec enthousiasme en 1990, était à l'origine conçue pour indemniser les Autochtones de la perte de leurs activités traditionnelles, mais cette politique a été élargie pour devenir une espèce de corne d'abondance d'avantages économiques et sociaux—terres, ressources, pouvoir fiscal et autonomie gouvernementale—tout cela, avec l'appui financier assuré avec les deniers des contribuables canadiens. Toute la démarche a été guidée par les efforts tenaces de ce qui a été appelé l'industrie indienne—les dirigeants autochtones nationaux, et les nombreux avocats, consultants, conseillers et universitaires, tous rémunérés par le gouvernement, qui s'appliquaient à la perpétuer. Des bureaucrates trop zélés et des politiciens complaisants ont bouclé la boucle, mais c'est le public canadien qui se retrouve les mains vides.

Nous subissons maintenant tous le paternalisme, on nous dit ce qui est bon pour nous. Les habitants de la Colombie-Britannique, et en fait toute la population du Canada, méritent mieux que cela. Ils méritent d'avoir la possibilité de s'exprimer, et jusqu'ici, ils ne l'ont pas eue. Peu m'importe le nombre de représentants du gouvernement qui vous parleront de toutes les réunions qui ont été tenues, de la consultation publique et tout cela. J'ai assisté à ces réunions, comme beaucoup de mes amis. Ils s'y rendent avec des questions, ils cherchent des réponses, et ils veulent intervenir. Et alors, ils n'ont même pas la chance d'obtenir des réponses à leurs questions, ou encore d'intervenir. Ils en sortent complètement abasourdis. «C'était pourquoi, tout cela? Ils n'ont fait que parler de démarche et de la manière de passer d'une étape à l'autre». Cela n'est que du tournage de roue. Le Britanno-Colombien moyen n'a pas eu la moindre chance de placer un mot. Bien que j'aie dit que je parle en mon nom propre, je suis convaincu que plus j'en dirai là-dessus, plus on découvrira que beaucoup, sinon la majorité des Britanno-Colombiens, partagent mon opinion.

[Note de la rédaction: Applaudissements]

La présidente: J'apprécierais que notre témoin puisse faire son exposé dans le temps qui lui est accordé.

Monsieur Smith, je vous ajoute le temps écoulé. Merci beaucoup.

M. Melvin Smith: Il y a trois questions constitutionnelles dont je voudrais parler, puisqu'il s'agit d'un débat constitutionnel.

Premièrement, on nous dit que ce traité est conforme à la Charte des droits, et on fait beaucoup de cas d'une disposition du traité lui-même, le paragraphe 9 du chapitre 2, qui dit:

    La Charte canadienne des droits et libertés s'applique au gouvernement nishga concernant toutes les questions relevant de son pouvoir, eu égard au caractère libre et démocratique du gouvernement nishga tel qu'énoncé dans l'Accord.

Certains soutiennent que ce paragraphe dit en toute clarté que la Charte des droits et libertés s'appliquera à toutes les lois qui seront adoptées par l'assemblée législative nishga une fois qu'elle aura été créée.

Eh bien, rien ne pourrait être plus loin de la réalité. Ces mots ne sont rien de plus qu'un trucage intéressé. En aucun cas, à moins d'être précisé dans la Loi constitutionnelle... ce qui n'est pas le cas, bien qu'il y ait protection constitutionnelle. C'est la Constitution elle-même, et la Charte des droits elle-même, qui dictent et disent quelles lois s'appliquent.

• 1020

À ce sujet, je vous renvoie à l'article 32 de la Charte des droits et libertés, qui dit, à propos de son application:

    La présente charte s'applique: (a) au Parlement et au gouvernement du Canada, pour tous les domaines relevant du Parlement.

    (b) à la législature et au gouvernement de chaque province, pour tous les domaines relevant de cette législature.

C'est à cela que s'applique la Charte—les lois du gouvernement du Canada et la Loi de la province de la Colombie-Britannique. Est-ce que la loi nishga s'insère dans l'une ou l'autre de ces catégories? Pas que je sache.

Je doute bien que la Charte des droits soit applicable. Lorsque la question sera posée devant le tribunal, et cela arrivera inévitablement, il devra examiner cet énoncé ne servant que des buts individuels dont j'ai parlé tout à l'heure et dire tout simplement «nous ne sommes pas liés par cela. Nous allons examiner la Charte. Nous y verrons ce qu'elle vise et où elle ne s'applique pas».

Dans le doute, même si la Charte s'applique effectivement, l'article 25 de la Charte comme tel en nie clairement l'effet puisqu'on peut y lire:

    Le fait que la présente charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux droits et aux libertés—ancestraux, issus d'un traité ou autre—des peuples autochtones du Canada.

Pour ces deux raisons, il est plus que probable que la Charte des droits et libertés—j'irais jusqu'à dire que la suprématie est évidente—ne s'applique pas aux lois adoptées par les Nishgas. Quiconque affirme le contraire et invoque cette raison essaie simplement de mettre du baume sur la plaie de ceux qui soulèvent la question. Dire que tout va bien fait aussi partie du répertoire paternaliste.

Ensuite, les compétences législatives conférées à l'assemblée législative des Nishgas qui n'existe pas encore sont inconstitutionnelles parce qu'elles diminuent une compétence législative.

Dans son exposé, le professeur Sanders a dit que la Loi sur les Indiens pouvait être modifiée pour conférer aux bandes indiennes plus de compétence législative sans qu'on laisse entendre qu'il s'agit d'une modification constitutionnelle, que le fait de l'inscrire dans le traité revient à la même chose et qu'il n'y a pas d'obstacle constitutionnel. C'est faux, et je vais vous en donner la raison.

Tout ce qui se trouve dans cet accord est encadré par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Tous les droits conférés aux Nishgas sont inscrits dans la Constitution en raison de l'article 35 et de l'interprétation faite de l'article 35 par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Sparrow, dans l'arrêt Delgamuukw et lors des appels entendus au sujet des droits de pêche.

Le présent traité confère au gouvernement nishga 16 ou 18 pouvoirs qui sont habituellement exercés par l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Celle-ci ne pourra jamais les récupérer, de son propre chef. C'est ce qui distingue le document de la Loi sur les Indiens. On peut conférer ces pouvoirs additionnels sous le régime de la Loi sur les Indiens, en sachant bien que le Parlement du Canada peut les abroger par la suite, s'il le souhaite. Mais ce n'est pas le cas ici. Ces pouvoirs sont inscrits dans la Constitution et, à cet égard, le présent traité revient à réduire les compétences législatives du gouvernement souverain de la Colombie-Britannique et du gouvernement souverain du Canada. C'est en ce sens que le traité est inconstitutionnel.

Je pourrais vous dresser la liste des 14 compétences qui sont conférées exclusivement aux assemblées législatives créées par traité. On y trouve la compétence législative en matière d'éducation, de la maternelle à la 12e année, et d'études supérieures, y compris des universités; la compétence législative en matière de soins de santé et des services à l'enfance et à la famille, des commerces, des métiers et des professions, de l'utilisation des terres, des plantes aquatiques et de la faune—et j'en passe.

• 1025

Ce que j'essaie de faire comprendre, c'est qu'un gouvernement peut faire bien des choses, par voie législative. Il peut aussi faire des choses stupides. Il peut donner de vastes étendues de terre ou beaucoup d'argent, sans que la Constitution l'en empêche. Toutefois, la Constitution ne reconnaît pas à l'assemblée législative le droit de renoncer pour toujours à sa compétence législative. C'est précisément ce que l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique a fait dans cette région de la province. Si elle récidive dans 50 autres traités, une grande partie de la province échappera à la compétence législative de la Colombie-Britannique—et ce, pour toujours.

Je ne suis pas un de ces illuminés qui inventent de toutes pièces. Alex Macdonald, au cas où il en aurait parmi vous qui ne le connaissez pas, a été pendant de nombreuses années député fédéral distingué d'une circonscription de notre province. Il est ensuite passé à la scène provinciale où il a été procureur général sous le régime néo-démocrate de David Barrett, de 1972 à 1975. Lui aussi estime que le traité nishga est inconstitutionnel. Il a déclaré:

    [...] elles [les assemblées législatives] ne peuvent pas renoncer pour toujours à même une once de leurs pouvoirs constitutionnels—jamais. Un juge a bien décrit la situation: «Les assemblées législatives sont omnipotentes, sauf qu'elles n'ont pas le pouvoir de mettre fin à leur omnipotence».

Le présent traité détruit l'omnipotence de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique dans cette région de la province et, par extension, si 50 autres traités du genre étaient signés, il est inconstitutionnel.

C'est la première fois qu'un accord de règlement d'une revendication territoriale inclut l'autonomie gouvernementale. Il y a 14 accords d'autonomie gouvernementale au Yukon, mais ils ne font pas partie des traités; ce sont des accords distincts. On a procédé ainsi parce qu'on ne souhaitait pas inscrire dans la Constitution les dispositions relatives à l'autonomie gouvernementale, au cas où il faudrait apporter certains changements plus tard. Ce qu'ils ont fait au Yukon est parfaitement constitutionnel parce qu'ils ont tenu les dispositions relatives à l'autonomie gouvernementale à l'écart du traité.

J'exhorte votre comité, dans son rapport au Parlement, à recommander au gouvernement du Canada de tenir distinctes du traité les dispositions relatives à l'autonomie gouvernementale du chapitre 11 et d'en faire un chapitre distinct. De cette façon, on pourra apporter les changements voulus à mesure qu'évoluera le système.

Quelle arrogance chez ceux qui rédigent actuellement des traités et qui se croient si omniscients qu'ils peuvent mettre sur pied un gouvernement distinct—un nouveau genre de gouvernement dont on n'a jamais fait l'essai auparavant au Canada—et, avant même qu'on en fasse l'essai, qu'il l'inscrive dans la Constitution pour toujours! Si ce n'est pas là de l'arrogance, j'ignore de quoi il s'agit.

J'ai consacré beaucoup de temps à rédiger des lois pour le gouvernement et je sais qu'il se présente toujours des situations imprévues après l'entrée en vigueur de la loi. L'assemblée législative passe son temps à apporter des modifications à ses lois.

Supposons que le gouvernement de la Colombie-Britannique se rende compte que, dans l'intérêt public, il n'aurait pas vraiment dû céder cette compétence législative aux Nishgas et qu'il veuille la récupérer. Il ne suffit pas de dire qu'on peut modifier l'accord si les Nishgas et le gouvernement fédéral y consentent. Supposons que les Nishgas ne sont pas d'accord, qu'ils ne voient pas les choses du même oeil et qu'ils veuillent conserver la compétence législative. Le gouvernement de la Colombie-Britannique ne peut rien y faire. C'est donc là une importante lacune du traité.

• 1030

Je vous demanderais faire preuve d'indulgence à mon égard en ce qui concerne le temps qui m'est alloué. Je précise que notre groupe devait comprendre aujourd'hui un cinquième membre qui épouse de très près mes vues. Il n'est pas ici. Je vous saurais donc gré, madame la présidente, de m'accorder une minute ou deux pour terminer l'exposé de mon troisième point.

Il s'agit de la nature antidémocratique du gouvernement nishga, dans la mesure où il touche des non-Nishgas habitant en territoire nishga. Il existe beaucoup de ce que l'on appelle des tierces parties dans la vallée du Nass actuellement. Vous croyez peut-être qu'il s'agit d'un coin de pays sauvage où personne n'habite et vous vous demandez peut-être où est le problème.

Je vous encourage à consulter le volume des appendices du traité. Je remarque que vous avez de nombreux exemplaires du premier volume, c'est-à-dire du traité comme tel, mais je n'en ai pas vu des appendices et je doute que vous l'ayez même ouvert. Si vous le consultez, vous y trouverez une longue liste de tierces parties qui ont déjà un intérêt dans la vallée du Nass.

On y trouve entre autres une carte qui devrait figurer dans le volume principal, parce qu'elle dit que le territoire nishga se confine à cette petite région en vert, à ces 1 920 kilomètres carrés qui, soit dit en passant, représentent 17 fois la ville de Vancouver. C'est la région pour laquelle ils obtiennent en fief simple.

Toutefois, examinez bien les terres qui relèvent de leur compétence législative en matière de faune, entre autres. Ils exercent un contrôle pratiquement entier sur la faune, particulièrement sur les essences d'arbres, les grizzlis—ce qui devrait plaire aux écologistes—la chèvre sauvage des montagnes Rocheuses et l'orignal, sans compter tout le piégeage et la pêche. Des centaines de sentiers de piégeage existent là-bas actuellement. Voici le secteur sur lequel les Nishgas exercent un certain contrôle. Avez-vous une idée de l'étendue de ce secteur? Il représente le tiers de la superficie de l'île de Vancouver. Pas mal pour 2 000 personnes qui habitent la vallée du Nass et dont 40 p. 100 n'ont pas l'âge de voter.

Je pourrais vous montrer une autre carte qui illustre ce qu'ils appellent la région du Nass où, selon le présent traité, les Nishgas ont des droits relatifs à la récolte des bivalves et des droits de pêche spéciaux. C'est ici. D'une part, il y a les terres nishgas et, d'autre part, la région qui relève de leur contrôle et pour laquelle ils détiennent des droits de récolte des bivalves et de certains autres poissons. C'est la région pour laquelle ils détiennent les droits relatifs à la faune.

En réalité, je vous renvoie aux appendices parce que c'est là que se trouve la liste de tous les intérêts détenus par des tierces parties.

À mon avis, à mesure que l'on signera des traités dans le reste de la province, il faudra donner le droit de vote aux non-Nishgas qui habitent sur ces terres. En voici les raisons. Je vous ai déjà parlé des compétences législatives conférées au gouvernement nishga dans ce traité. Or, elles ne visent pas que les Nishgas. Certains affirment qu'elles concernent uniquement les Nishgas. C'est faux.

Voici certaines des lois que pourront prendre les Nishgas et qui s'appliqueront aux non-Nishgas qui habitent leur territoire. Ainsi, les non-Nishgas seront assujettis aux lois nishgas pour ce qui est de l'utilisation, de la gestion, de la planification, du zonage et de l'aménagement de leurs propriétés foncières. Les non-Nishgas tomberont sous le coup de lois nishgas en ce qui concerne la réglementation, l'émission de permis et l'interdiction de commerces, de professions et de métiers, y compris les droits relatifs aux permis.

Nous parlons ici de lois nishgas qui primeront sur les lois de la province. Si vous voulez faire du commerce là-bas, vous ne serez pas assujetti aux lois commerciales de la province, mais bien aux lois nishgas. Les non-Nishgas de la région seront visés par les lois nishgas concernant l'expropriation, plutôt que par les lois provinciales.

• 1035

J'ai presque terminé, madame la présidente.

Les non-Nishgas qui habitent le territoire devront se plier aux lois nishgas concernant l'ordre public, la paix et la sécurité, non pas aux lois provinciales. Les employeurs non-nishgas devront respecter les lois nishgas destinées à faire place à la culture nishga, quel que soit le sens que l'on donne à cette expression. Les résidants non nishgas devront respecter les lois nishgas en ce qui concerne la conception, l'entretien, la construction, la réparation et la démolition d'immeubles. Ils tomberont sous le coup des lois nishgas pour ce qui est des soins de santé. Ils seront assujettis aux lois nishgas en ce qui concerne les services à l'enfance et à la famille. Les résidants non nishgas devront se conformer aux lois nishgas pour ce qui est des études postsecondaires et de la vente, de la possession et de la consommation de boissons alcoolisées et ils seront passibles d'amendes, de pénalités et d'emprisonnement selon ce que prévoit la loi nishga.

Vous vous demandez peut-être où je veux en venir. À la lumière de tout ce qui précède, il faudrait assurément que les résidants non nishgas aient le droit de voter pour choisir les membres du gouvernement nishga qui édicteront ces lois auxquelles ils seront assujettis. C'est un principe fondamental de la démocratie.

Quand on dit que c'est de la taxation sans représentation, ils répondent qu'aucun pouvoir de taxation n'est prévu à l'égard des non-Nishgas. Un instant!Il y a une disposition dans le traité qui dit que les Nishgas peuvent signer avec le gouvernement provincial une convention visant à percevoir des impôts directement des non-Nishgas. Nous parlons ici d'impôt sur le revenu, entre autres. Ils affirment que ce n'est pas dans le traité, que cela n'arrivera pas forcément. Doutez-vous que, si les Nishgas envoyaient une délégation à Victoria le lendemain de l'entrée en vigueur du traité pour demander à conclure une convention concernant les pouvoirs d'imposition, que le gouvernement de la Colombie-Britannique en envisagerait sérieusement la possibilité, s'il n'y consentait pas? Bien sûr que oui!

La présidente: Monsieur Smith, je tiens simplement à vous laisser savoir que M. Gibson, l'autre membre du groupe, sera ici cet après-midi. Je ne puis par conséquent vous allouer tout le temps qui lui est réservé. Je vous remercie beaucoup.

M. Melvin Smith: Je vous suis très reconnaissant du temps que vous m'avez accordé.

La présidente: Je vous en prie.

J'aimerais maintenant que nous passions aux questions. À titre indicatif, je signale au groupe spécial que nous faisons des tours de table de cinq minutes. Durant le premier tour, chaque parti prend la parole à tour de rôle, après quoi nous alternons durant le deuxième tour. J'espère avoir le temps de faire un troisième tour de table, si nous nous en tenons aux limites de temps fixées.

Les cinq minutes incluent à la fois la question et la réponse. Je demanderais donc à ceux qui posent les questions et ceux qui y répondent d'être brefs. Cela permettra peut-être à certains de poser une deuxième question. D'autres suivront peut-être. Cette façon de procéder semble efficace comme moyen d'obtenir de l'information. J'en tiendrai donc compte. Je ferai de mon mieux pour ne pas vous interrompre, Toutefois, si je vous laisse finir votre phrase, je ne vous laisserai pas changer de sujet.

Monsieur Lunn, si vous voulez bien commencer.

M. Gary Lunn: Merci, madame la présidente.

Je remercie les membres du groupe d'être venus aujourd'hui.

Avant de commencer, je tiens à faire une observation qui a, à mon avis, beaucoup d'importance. Madame la présidente, je sais que vous avez toute l'autorité voulue pour prendre cette décision et que nous n'avons pas de recours, mais j'aimerais souligner deux points à cet égard. Tout d'abord, le comité n'entend que les témoins invités. J'estime que c'est une honte pour la population de la Colombie-Britannique, et je tiens à vous en donner la raison.

On ne lui permet pas de se faire entendre. Il existe bien des précédents permettant de le faire. Je puis vous dire ceci. Il y a deux ans, j'étais à Sydney, dans le cadre d'audiences du Comité des pêches. Votre collègue, George Baker, et d'autres membres du comité nous accompagnaient. Nous nous sommes rendus dans la région atlantique et en Colombie-Britannique. Durant chaque séance du comité, il y avait des micros dans l'assemblée, et nous permettions aux gens de prendre la parole.

Nous avons aussi le pouvoir de permettre la présence des médias dans la salle, y compris de la télévision. Nous n'avons pas besoin...

La présidente: Monsieur Lunn...

M. Gary Lunn: Vous m'avez alloué le temps, madame la présidente...

La présidente: Posez-vous des questions?

M. Gary Lunn: Je vais en poser une...

La présidente: D'accord. Allez-y.

M. Gary Lunn: ...et j'ai le droit de faire cette déclaration.

Nous en avons aussi ce droit.

Il y a deux semaines, j'étais à London, dans le cadre d'audiences du Comité des finances. Quand Paul Martin était là, il y avait quatre caméras de télévision, quatre écrans et une foule d'autre équipement. Pourtant, nous interdisons la télévision ici. Je crois que c'est une très mauvaise décision.

• 1040

Cela étant dit, je vais passer à autre chose, étant donné l'importance du débat. Ma question s'adresse à M. Smith. Il est inhabituel d'accueillir quatre avocats comme témoins, dont trois sont des professeurs.

Je suis désolé, professeur Paul. Je croyais que vous étiez rattaché à...

M. Paul Tennant: Aucun tort n'a été fait.

M. Gary Lunn: Donc, un des témoins n'enseigne pas à l'université, mais les trois autres sont des professeurs.

Monsieur Smith, M. Sanders, qui enseigne à la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique, a déclaré que les Autochtones ont le droit de détenir les titres de propriété au sein de leur propre collectivité. Du moins dans le cadre de mes études à la faculté de droit, je n'ai jamais cru que c'était vrai. J'aimerais donc savoir ce que vous en pensez.

M. Melvin Smith: J'ai pris une note à ce sujet quand le professeur Sanders l'a mentionné. Que je sache, les maisons qu'occupent les Autochtones sur les réserves ne sont pas leur propriété, loin de là. En fait, ils ont un quelconque certificat de possession. C'est beaucoup moins qu'un titre de propriété. J'en ai pour preuve—c'est l'aspect désolant du système des réserves—que s'ils souhaitent construire une maison dans la réserve et prendre une hypothèque, ils ne peuvent pas le faire.

M. Gary Lunn: Ils ne peuvent pas prendre une hypothèque. Je vous remercie.

Voici où je veux en venir. De toute évidence, nous serions tous d'accord pour dire que les mesures prises à l'égard des peuples autochtones au Canada au cours des 100 dernières années n'ont pas été efficaces. Je crois que la plupart des membres du comité le reconnaîtraient. La pauvreté sévit dans les réserves; de toute évidence, les mesures sont sans effet, pour une foule de raisons. Quand je lis cet accord—et je l'ai lu d'un bout à l'autre—j'ai l'impression qu'on suit le même raisonnement et qu'on ne fait que reproduire la Loi sur les Indiens, en version contemporaine.

Le professeur Sanders a aussi parlé de leur compétence en matière de gouvernement. Il a affirmé essentiellement que les seuls domaines dans lesquels ils avaient compétence étaient ceux dans lesquels—il en a nommé quelques-uns—il existerait aussi un accord passé avec les gouvernements provinciaux. En d'autres mots, selon moi, nous sommes en train de créer presque un autre niveau de gouvernement provincial. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Plus important encore, ce traité suit-il vraiment le même raisonnement et aidera-t-il les Nishgas? Dans vingt ans, les Nishgas prendront du recul. Découvriront-ils que leur situation s'est améliorée? Aurons-nous changé quelque chose à cette situation?

La présidente: Répondez, je vous prie.

M. Melvin Smith: Je ne crois pas que la situation se soit améliorée dans vingt ans et je vais vous dire pourquoi. Nous suivons une politique sans crédibilité. Les Autochtones eux-mêmes qualifient les réserves de ghettos. Tenons cela pour acquis. Je suis disposé à accepter leur définition de ghettos.

Pourquoi ces réserves sont-elles des ghettos? Parce qu'elles ne sont pas assujetties aux mêmes lois que le reste du Canada. En fait, la population des réserves est la pupille du gouvernement fédéral. Elle compte sur Ottawa pour tout. Elle ne cherche pas à tisser des liens avec les collectivités qui l'entourent et elle n'est pas encouragée à le faire, de même que les collectivités environnantes ne se tournent pas vers les réserves. Le régime des réserves crée une situation très malsaine. Où cela nous a-t-il menés? Il a complètement détruit l'autonomie et l'esprit d'initiative.

Le problème posé par l'actuelle politique relative aux Indiens n'est pas seulement l'alcoolisme, la toxicomanie, la pauvreté, le logement médiocre et tout le reste. Ce sont là simplement des symptômes d'un mal plus grand. Et ce mal plus grand, c'est la ghettoïsation et l'isolement de ces gens par rapport au reste de la société canadienne.

Savez-vous ce qu'accomplit le processus de signature de traités? Il fait de ces ghettos des ghettos encore plus grands. Voilà ce que va devenir la vallée du Nass, un plus grand ghetto. On va rendre encore plus hautes les barrières qui existent actuellement en raison de certaines dispositions de la loi—de la Loi sur les Indiens en particulier—et d'autres barrières qui isolent les Autochtones des non-Autochtones.

Voici 250 pages de droits spéciaux et de dispositions et sous-dispositions spéciales et tout le reste. Savez-vous de quelle longueur sont les traités dans les Prairies? Ils tiennent sur six pages. Déjà, au moment où l'on se parle, les tribunaux sont engorgés de requêtes visant à obtenir une interprétation de ces six pages. Il est inutile de parler du Nouveau-Brunswick et de ce qui s'est passé là-bas récemment. Les registres de la Cour fédérale du Canada regorgent de dossiers concernant l'interprétation de ces vieux traités. Il est temps de s'en débarrasser. Qu'avons-nous ici? Deux cent cinquante pages. Avez-vous une idée du nombre de poursuites que cela va entraîner? Ma foi, les avocats vont s'en donner à coeur joie!

• 1045

[Français]

La présidente: Avez-vous des questions, monsieur Fournier? Allez-y.

M. Ghislain Fournier: Madame la présidente, j'aimerais d'abord vous présenter les excuses de mon collègue et ami Claude Bachand, qui a été obligé de se rendre d'urgence dans son comté. Claude Bachand est porte-parole du Bloc québécois en matière autochtone. On peut prendre son siège, mais on ne saurait le remplacer. C'est un homme extraordinaire qui aime son travail et qui est un atout pour le comité. Il travaille très fort. Je pense que M. Duceppe, le chef du Bloc québécois, avait vu juste. Étant le seul député venant du Québec, j'ai une grande responsabilité et je vais essayer de bien m'en acquitter, madame la présidente.

Je suis avec le comité depuis lundi et j'ai vécu une expérience extraordinaire. J'ai beaucoup écouté pour renforcer mon idée, à savoir que nous appuyons cet accord. Dans ma vie, j'ai eu l'occasion et la chance de négocier des conventions collectives. Dans mon coin de pays, j'étais président du syndicat et président d'un conseil du travail qui regroupait 12 000 travailleurs. La base d'une démocratie, c'est la négociation, la consultation et le dialogue. Reconnaissant que les autochtones forment un peuple, on doit reconnaître qu'ils ont droit à leur culture, à leur langue et au respect de tous les citoyens canadiens.

Durant votre excellent exposé, j'avais préparé un certain nombre de questions. Je vais poser la dernière, celle qui porte sur l'intervention de M. Smith, qui a dit que la Charte des droits et libertés ne s'appliquait pas au traité nisga'a. J'aimerais savoir ce qu'en pensent les trois autres panélistes, M. Sanders, M. Foster et M. Tennant. Est-ce qu'ils partagent ce point de vue?

[Traduction]

La présidente: Professeur Sanders, allez-y.

M. Doug Sanders: Je vous remercie.

M. Smith a raison de dire que, selon le libellé de la charte, de l'article 32, elle ne s'applique pas aux lois prises par un gouvernement créé par traité. C'est justement la raison pour laquelle l'article a été inclus dans le texte du traité, pour que la charte s'y applique. Sans cette disposition, la charte ne s'appliquerait pas.

M. Smith craint que les tribunaux ne statuent que cette disposition du traité ne parvient pas à effectuer le changement. J'enseigne le fédéralisme canadien depuis 1969 et j'ai suivi de nombreuses causes engageant la charte, particulièrement des causes mettant en jeu les droits autochtones, devant les tribunaux. Pour être tout à fait loyal à l'égard de M. Smith, il n'existe pas de décision traitant de cette situation ou d'une question équivalente.

Ce que j'en sais me porte à conclure que le tribunal confirmerait la disposition du traité relative à l'application de la charte. Bien sûr, cette application serait conditionnelle et, comme l'a fait remarquer M. Smith, l'article 25 de la charte est conçu à cette fin. Tous les partis politiques s'étaient mis d'accord, au moment où le texte qui a mené aux modifications de 1982 a été rédigé, pour dire que les normes en matière de respect des droits de la personne devaient s'appliquer, mais qu'il faudrait tenir compte du régime de droits issus de traités et de droits ancestraux.

• 1050

[Français]

La présidente: Monsieur Fournier, avez-vous une autre question?

M. Ghislain Fournier: J'aimerais avoir l'opinion des deux autres panélistes.

La présidente: Oui.

[Traduction]

Monsieur Foster, alors.

M. Hamar Foster: Merci.

Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Sanders. Il me semble que s'il y a un problème en l'occurrence—et je conviens avec M. Smith que c'est une question d'interprétation—il découle de la modification de la Constitution en 1982, qui protège précisément les droits ancestraux et de traités et isole dans une certaine mesure les Autochtones de l'application de la charte. Par l'entremise du traité, on a essayé de contourner le problème de l'énoncé de l'article 32 au sujet de l'application de la Charte en réclamant des trois parties qu'elles conviennent explicitement de l'appliquer. Comme M. Sanders, je pense qu'un tribunal s'efforcera de constater que tel est le cas. Mais il est vrai que la Charte, même si elle s'applique, doit respecter les droits ancestraux et de traité.

La présidente: Merci.

Monsieur Tennant, je vous prie.

M. Paul Tennant: Voilà encore une occasion où je suis heureux de ne pas être avocat. Je n'ai pas d'opinion à ce sujet.

La présidente: D'accord.

Madame Hardy.

Mme Louise Hardy: Merci, madame la présidente.

Je remercie nos invités d'avoir accepté de comparaître.

Monsieur Smith, j'ai passé en revue vos diverses solutions et la façon dont vous les appliqueriez. Vous dites privilégier la négociation, mais vous y imposez une limite de trois ans. Si l'on n'accepte pas vos conditions à ce moment-là, on imposerait aux Premières nations, et particulièrement aux Nishgas, la solution que vous jugez être la bonne. En outre, vous n'êtes pas d'accord avec le processus de traité.

Cela dit, j'imagine que vous seriez d'accord avec M. Foster, qui affirme que c'est ce qui a été négocié depuis une centaine d'années par les Nishgas. À mon avis, nous avons suffisamment fait d'erreurs pour convenir que le peuple nishga, à tout le moins, le droit de négocier ce qu'il juge être la meilleure avenue pour eux sans continuer à leur imposer ce que nous jugeons être la meilleure solution.

M. Melvin Smith: Cette intervention m'est-elle adressée?

Mme Louise Hardy: Oui.

La présidente: Oui, monsieur Smith. Allez-y.

M. Melvin Smith: Tout dépend du point de vue, n'est-ce pas? Au bout du compte, les gouvernements souverains du pays, d'après la loi sous sa forme actuelle... J'ai été étonné d'entendre M. Foster dire que les tribunaux doivent encore se prononcer au sujet de l'autonomie gouvernementale. Ce n'est pas vrai. Au sujet de l'autonomie gouvernementale, l'interprétation de la loi, à l'heure actuelle, a été réglée par la décision de la cour d'appel dans Delgamuukw. À ce stade-ci, c'est la loi du pays qui est en jeu. Je ne dis pas qu'ultérieurement, la Cour suprême ne sera pas saisie de l'affaire. Cette dernière n'est pas intervenue dans Delgamuukw, mais il se peut qu'elle soit appelée à se prononcer dans un autre cas.

Selon la loi actuellement en vigueur au Canada, il existe deux gouvernements souverains dans notre pays, le gouvernement du Parlement du Canada et les assemblées législatives des diverses provinces. En outre, la compétence législative est divisée intégralement entre ces deux ordres de gouvernement. Pour qu'il y est un troisième ordre de gouvernement pour les peuples autochtones, au sens de la Constitution, il faudrait modifier la Constitution. Ce document ne peut être un moyen détourné de modifier la Constitution.

Par conséquent, je dirai ceci. Il est éminemment souhaitable qu'il y ait un règlement négocié entre les trois parties. C'est ce que je préconise, mais au bout du compte, il faudra que les gouvernements supérieurs, les gouvernements souverains prennent le taureau par les cornes et négocient un règlement qui soit aussi amical que possible dans l'intérêt non seulement des peuples autochtones, mais de l'ensemble de la population canadienne.

L'un des défauts de l'actuel processus de traité, c'est que personne ne représente les simples citoyens canadiens. Le gouvernement fédéral reconnaît son mandat de fiduciaire vis-à-vis des peuples autochtones. Il agit dans leurs intérêts. Mais qui protège les intérêts des autres Canadiens? Nous ne pouvons certes pas compter sur Ottawa. Et sur Victoria non plus étant donné que cette instance se fait la championne de la cause autochtone.

• 1055

Que fait le gouvernement en Australie? Il légifère. Il a adopté une loi relative au titre de propriété autochtone et il entend traiter équitablement les peuples autochtones. Il y aura des tribunaux d'indemnisation, et ainsi de suite.

Je sais que l'article 35 de la Constitution complique quelque peu les choses dans le cas du Canada. J'en suis tout à fait conscient. Néanmoins, on peut faire beaucoup même en se fondant sur cette décision. Il est possible pour le gouvernement de prendre des règlements concernant la question du titre de propriété autochtone. Il y a des étapes à franchir, comme cela est précisé dans Delgamuukw et dans d'autres décisions.

Je le répète, il est éminemment souhaitable de conclure une entente négociée, mais je n'ai guère confiance dans les personnes qui, à la table de négociations, sont censées représenter les intérêts des Canadiens ordinaires.

La présidente: Madame Louise Hardy.

Mme Louise Hardy: D'après ce que j'ai pu constater, le problème tient au fait que les traités n'ont pas été honorés. Des traités ont été négociés mais les peuples des Premières nations n'ont pas été bien traités aux termes de la Loi sur les Indiens. Je ne pense pas que quiconque fasse l'apologie de la Loi sur les Indiens. Le traité nous permet de nous débarrasser de la Loi sur les Indiens et accorde aux peuples des Premières nations la possibilité de prendre leurs propres décisions.

M. Melvin Smith: Malheureusement, le traité lui-même intègre de nombreuses dispositions de la Loi sur les Indiens. Le traité n'est ni plus ni moins que la dernière version de la Loi sur les Indiens.

Des droits spéciaux—que reproche-t-on aux droits des Canadiens, aux droits dont le reste d'entre nous jouissons, monsieur Finlay? Vous dites des sornettes.

M. John Finlay: Absolument rien.

La présidente: À l'ordre. Qu'on se contente de répondre à la personne qui pose la question, sans échanger avec d'autres intervenants. Ils auront leur tour.

M. Melvin Smith: Je l'ai entendu répliquer.

La présidente: Je vois.

Poursuivons. Monsieur Keddy, c'est votre tour.

M. Gerald Keddy: Merci, madame la présidente.

Je veux moi aussi remercier les intervenants de leurs témoignages ce matin, si c'est bien le mot.

En tant que profane et non-avocat, je tiens à dire officiellement qu'il serait intéressant d'entendre intégralement cette argumentation entre avocats sur l'aspect juridique de cette question. Cela dit, nous avons entendu ce matin un certain nombre de déclarations qui, à ma connaissance—et encore une fois, je ne suis pas avocat—sont erronées. Peut-être que seul un tribunal pourra en faire la preuve.

Chose certaine, la déclaration concernant l'imposition sans la représentation est carrément fausse. Il n'y a pas dans le traité de dispositions prévoyant l'imposition sans représentation.

Je tiens à faire valoir un autre argument. L'imposition sans représentation existe déjà au Canada. Il y a dans notre pays des immigrants reçus qui travaillent grâce à un visa et qui n'ont absolument pas le droit de voter pour le Parlement du Canada. Cependant, ils paient des impôts sur le revenu, ainsi que des taxes civiles et municipales. Ils versent tous les impôts du pays. Chose certaine, ils peuvent tirer parti des nombreux avantages de notre pays, mais il n'en demeure pas moins qu'ils versent des impôts sans représentation.

Les enjeux sont nombreux, et j'espère que nous pourrons faire plus d'un tour de table à ce sujet car je sais que tous les députés du Parlement auront des questions. C'était ma première, mais je voudrais aussi faire une déclaration et poser une ou deux autres questions.

Si l'on se penche sur l'histoire de l'interaction entre les Autochtones et les non-Autochtones au pays, d'après ce qui s'est passé jusqu'ici—et j'ai déjà dit cela à plusieurs reprises au comité—il n'y a que trois façons de traiter les Premières nations.

Nous pouvons opter pour l'affrontement violent, mais je pense que tout le monde convient que cela n'est pas acceptable.

Nous pouvons faire appel à la Cour suprême du Canada, ce qui laisse en suspens des questions douteuses dans bien des esprits. Bien souvent, nous sommes quand même forcés d'interpréter dans la perspective intégrale du droit les décisions de la Cour suprême, qu'il s'agisse des décisions allant de Sparrow à Delgamuukw, de Marshall à Calder, et de toutes les autres qui s'inscrivent entre les deux.

Ou nous pouvons engager des négociations dans le cadre d'un processus de traité et tenter de régler cette question d'une façon juste et équitable. Lorsqu'on s'engage dans des négociations—je répugne à employer l'expression «gagnants et perdants», mais on négocie une entente qui, au bout du compte, doit être acceptable pour toutes les parties.

• 1100

Il faut tout de même préciser une ou deux choses au sujet de ce traité. Premièrement, la Constitution du Canada s'applique. J'ai entendu des députés du Parlement affirmer au cours de débats à la Chambre que le traité modifiait d'une façon quelconque la Constitution du Canada. D'après mes renseignements—et j'aimerais interroger à ce sujet les sommités juridiques qui sont ici—cela ne modifie en rien la Constitution du Canada. Le traité en question est protégé par la Constitution, mais il n'en fait pas partie. C'est une nuance importante. En outre, la Charte des droits et libertés s'applique.

Pour ce qui est de l'imposition, qui semble susciter l'intérêt de tous, il n'y a pas de régime d'imposition à l'égard des non-Nishgas sur le territoire nishga. C'est à la province de la Colombie-Britannique que revient ce pouvoir d'imposition.

Il y a donc quantité de problèmes qu'il faudra régler un à la fois, et je ne dis pas que cela ne se fera pas sans complications, mais pour l'instant, je souhaite entendre M. Foster, M. Sanders et M. Smith, les avocats, commenter l'aspect constitutionnel.

La présidente: D'accord, monsieur Foster.

M. Hamar Foster: La question est vaste, et je donnerai à d'autres le temps de parler.

M. Gerald Keddy: Je suis désolé.

M. Hamar Foster: Je ne critiquais absolument pas vos remarques, monsieur. Je crois que je vais m'en tenir à un aspect de votre première question, à savoir si le traité change la Constitution.

À mon avis, ce n'est pas le cas. Ce qui a modifié la Constitution et, il faut l'avouer, en profondeur, a été la mise en oeuvre de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui affirme la légitimité des droits ancestraux et de traités existants et qui, subséquemment, y a inclus les ententes liées aux revendications territoriales. À mon avis, c'est de là que nous tirons incontestablement le pouvoir habilitant de conclure ce genre d'entente.

Je pense que personne n'a imaginé, en 1982, que la conclusion d'un traité passerait par la convocation de conférences des premiers ministres, comme l'exige une autre disposition de la nouvelle Constitution, ou l'assujettissement à la formule d'amendement de la Constitution de 1982. Aucun traité n'a jamais été assujetti à ce genre de procédure auparavant, avant 1982 ou après.

Il demeure possible qu'une disposition du traité nishga soit ultérieurement jugée anticonstitutionnelle par un tribunal. Personnellement, je ne pense pas que cela se produira. Mais si cela arrive, les tribunaux vont faire ce qu'ils font depuis plus de 110 ans, c'est-à-dire décider lequel des deux documents a préséance.

La présidente: Merci.

C'est tout le temps que nous avons pour ce tour de table. Il faudra revenir là-dessus.

Madame Karetak-Lindell, je vous prie.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Je suis née en 1957, avant que mes parents obtiennent le droit de vote au Canada. C'est la même chose pour ma fratrie. Nous étions à ce moment-là assujettis aux lois du pays, tout en ne pouvant voter. J'ai vécu cette situation et je peux vous donner l'assurance que nous allons veiller à nos intérêts car on nous interdisait de voter à l'égard des politiques mêmes qui gouvernaient nos vies.

Lorsque j'ai appris l'anglais, encore une fois, mes parents n'ont pas eu leur mot à dire à ce sujet. Lorsque j'ai regardé le globe terrestre, j'ai vu à quel point l'Angleterre était petite, et considérant qu'ils possédaient ou croyaient posséder l'Inde et les Amériques ainsi que pratiquement toutes les petites îles partout dans le monde, je me suis révoltée contre l'arrogance de ces gens qui, en si petit nombre, s'imaginaient pouvoir contrôler les trois quarts du monde.

Par conséquent, j'espère que nous avons progressé au-delà de cette mentalité et que nous pouvons tous participer aux décisions qui nous concernent en tant que Canadiens, et ce sans recourir aux tribunaux qui sont déjà encombrés par des gens qui se poursuivent les uns les autres pour un arbre coupé du mauvais côté de la cour arrière, des cas insignifiants. Je suis sûre que nous pouvons tous consulter les dossiers des tribunaux et savoir qui poursuit qui, et cela n'a rien à voir avec les droits des Autochtones.

• 1105

Je pense que nous avons tendance à ne pas mettre les choses en perspective et à ne pas tenir compte de ce qui a déjà été fait tout au long de l'histoire. En 1956, on a déménagé dans l'Extrême-Articque des gens qui n'avaient même pas eu encore la possibilité de voter dans le contexte de la démocratie canadienne. Nous n'avons pas obtenu le droit de vote avant 1960, c'est-à-dire il n'y a pas si longtemps.

Je suis quelque peu perturbée par certains des commentaires que j'ai entendus. On s'attache uniquement au moment présent et on oublie ce qui s'est déjà passé dans l'histoire. Tout le monde dit qu'il faut apprendre des leçons de l'histoire pour ne pas répéter les mêmes erreurs, mais je suppose que tout tient à l'interprétation que l'on fait des erreurs en question.

D'après ce que je vous ai entendu dire, monsieur Smith, pensez-vous que les enfants nishgas, mes enfants, qui sont Autochtones, ne sont pas des Canadiens ordinaires?

M. Melvin Smith: Je souhaite que vous le soyez; je le souhaite vraiment.

Je cite Gordon Gibson...

Mme Nancy Karetak-Lindell: Personnellement, je pense que je suis une Canadienne ordinaire, en tout cas d'après mon interprétation.

M. Melvin Smith: Il parlait à l'époque de l'Accord de Charlottetown, qui comportait de multiples dispositions, notamment à l'égard des droits spéciaux. On peut être un Canadien ordinaire sans jouir d'une multitude de droits spéciaux, page après page. En fait, il serait préférable que vous le soyiez.

Gordon Gibson a dit: «Notre plus grand don est de faire de quelqu'un un Canadien ordinaire. Pourquoi les Autochtones devraient-ils accepter moins que cela?» J'ai une ferme conviction à cet égard.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Hier, nous avons dit que nous évacuerions la question de la race. Est-ce un peu comme dire aux groupes de défense des droits de la femme qu'ils devraient se saborder et abandonner leur oeuvre parce qu'elles ont des droits, comme tout le monde? Cela revient-il à dire aux personnes handicapées qu'il ne faut pas changer quoi que ce soit parce qu'elles jouissent déjà de certains droits? Je ne suis pas sûre de bien comprendre votre message.

M. Melvin Smith: Pas du tout. Ce que cela signifie, c'est qu'il est possible de répondre aux besoins des personnes handicapées et d'autres personnes qui ont des problèmes particuliers dans le cadre des lois du Canada et des provinces. Pour ma part, j'estime que les préoccupations des Autochtones peuvent aussi être réglées de cette façon. Faisons en sorte d'appliquer toute la gamme des lois fédérales et provinciales aux peuples autochtones avant de mettre en place des assemblées spéciales.

Je ne parle pas de l'Assemblée législative du Nunavut. En effet, l'Assemblée législative du Nunavut est une assemblée de députés publiquement élus et tous les habitants du Territoire ont droit de vote. Je pense que c'est formidable. Cela ne me cause absolument aucun problème. Il s'agit d'un parlement élu démocratiquement. Je me pose des questions, à savoir si cela est nécessaire dans une région qui compte 23 000 personnes, mais c'est une autre affaire. En l'occurrence, nous sommes en présence d'un gouvernement démocratique. C'est indéniable.

Mais le fait d'instaurer des gouvernements spéciaux qui ne peuvent être élus que par un groupe ethnique en particulier va balkaniser le pays, éroder les droits de l'Assemblée législative et du Parlement de légiférer dans ce domaine et lui donner...

Je suis convaincu qu'il existe des droits autochtones. Je suis convaincu que ces droits doivent être honorés, mais je ne pense pas qu'ils confèrent le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. C'est essentiellement mon problème. Il n'y a rien dans la Constitution qui appuie cela, et à mon humble avis, cela n'est pas nécessaire. Les préoccupations particulières des peuples autochtones peuvent être résolues par le biais d'une vaste gamme de lois, fédérales ou provinciales, que les gouvernements sont en mesure d'adopter.

• 1110

La présidente: Merci, monsieur Smith.

Monsieur Gouk, vous avez la parole.

M. Jim Gouk: Ce matin, l'un de nos témoins, et je ne me rappelle pas lequel, a dit que jusqu'à maintenant, notre façon de traiter les peuples autochtones avait provoquer leur «appauvrissement systématique». Dans ce cas, je suppose que leur voeu et leur intention sont que nous traitions à l'avenir les peuples autochtones d'une façon qui permette de faire disparaître ce problème.

Nous parlons essentiellement de terres et d'argent et de certains droits uniques en leur genre. Si l'argent et les terres étaient la solution, je dirais qu'un petit peu à l'est de chez moi, la bande de Stony possède de vastes étendues de terre, des forêts et des ressources pétrolières. Je me permets d'ajouter que l'exploitation des forêts se fait de façon discutable. Cette bande a ses propres puits de pétrole. Trois mille trois cents membres de la bande ont un revenu de plus de 50 millions de dollars par an et pourtant, beaucoup d'entre eux vivent dans la pauvreté. Un peu plus loin, 5 500 Cris de la bande de Samson—soit le nombre total des Nishgas, bien que l'on ne retrouve pas autant de Nishgas qui vivent de la terre—ont plus de 90 millions de dollars par année et pourtant, beaucoup vivent dans la pauvreté.

Les groupes autochtones qui possèdent une bonne partie de Vancouver Ouest ont fait mention de ce problème. Il y a quelques jours seulement, on pouvait lire en première page d'un journal provincial que certains, malgré l'incroyable richesse de la bande, vivent dans des roulottes infestées de rats.

Je me demande donc si nous prenons la bonne direction lorsque nous nous contentons en fait de ce qui existe déjà et qui ne marche pas.

M. Smith a indiqué qu'il est nécessaire de négocier. Je le crois aussi; nous avons également entendu certains des autres membres parler de l'importance de la négociation. En théorie, nous avons négocié avec les Nishgas et nous avons conclu un accord provisoire assujetti à une ratification par le Parlement et maintenant, nous allons négocier avec les Gitanyows.

Lorsque nous avons parlé aux Gitanyows mardi, ils nous ont demandé ce que nous allions négocier, puisque 80 p. 100 des terres données aux Nishgas leur appartenaient. Nous leur avons demandé de négocier avec nous pendant ce processus, ce qu'ils n'ont pas fait. Pourquoi le feraient-ils? Deux paliers de gouvernement sont déjà d'accord pour l'Accord nishga. Il n'y a rien à négocier, nous négocions des terres qui ont déjà été données.

Comment allons-nous progresser si nous répétons les échecs et entamons des négociations distinctes sans prêter attention aux besoins de ceux qui suivent?

Je pose cette question à M. Smith, mais bien sûr n'importe qui d'autre, en fait, peut y répondre.

La présidente: Qui veut prendre la parole en premier?

M. Melvin Smith: La procédure de conclusion des traités dans cette province a été établie par le groupe de travail C.-B. sur la conclusion des traités en 1991, date de son rapport. Mon cher ami, M. Tennant, était conseiller auprès de ce comité.

Nous avions à peine commencé l'exercice de recommandation et nous avons compris que cela pourrait durer quelques années. Je crois qu'il y avait près de 17 recommandations dont l'une prévoyait qu'aucun traité ne serait finalisé dans cette province à moins que les voisins ne soient satisfaits des frontières prévues par le traité. En fait, c'était très clair: aucun traité ne serait conclu avant le règlement des litiges frontaliers.

Toutes ces recommandations ont été acceptées par le gouvernement au moment où il a entamé le processus de conclusion des traités. Certains peuvent dire que les Nishgas sont en dehors du processus de conclusion des traités de la C.-B., ce qui est de la fourberie, à mon avis. Le même principe devrait s'appliquer et je crois que le comité devrait recommander que ce traité ne soit pas conclu à moins que les litiges frontaliers, qui sont apparus de façon si évidente devant le comité il y a un jour ou deux, ne soient préalablement réglés.

La présidente: Merci.

Monsieur Sanders, s'il vous plaît.

M. Doug Sanders: Les déclarations qui mettent l'accent sur des échecs et des sujets de controverse, de même que les exemples des bandes de Stony et de Samson en Alberta, qui ont été cités par le député, sont pour moi un sujet de préoccupation.

• 1115

Dans ma déclaration d'ouverture, j'ai essayé de montrer qu'il y a eu une évolution, un changement dans le système depuis 1960, lorsque le droit de vote a été accordé et d'après moi, c'est tricher que de ne donner qu'un ou deux exemples. J'ai essayé de mettre l'accent sur l'évolution en Colombie-Britannique pour montrer que la collectivité est maintenant beaucoup plus intégrée dans l'économie et la société de la province qu'elle ne l'était il y a 20 ou 30 ans. Plusieurs succès ont également été enregistrés. L'Accord nishga vise à perpétuer non pas les éléments négatifs mais les éléments positifs de l'évolution dont nous sommes témoins.

La présidente: Nous en sommes au second tour. Nous allons commencer par M. Bonin, s'il vous plaît.

M. Raymond Bonin: Merci pour vos excellentes présentations qui sont très utiles.

Je pose ma question à M. Tennant tout d'abord, mais les autres témoins pourront y répondre. J'espère que M. Sanders aura le temps de répondre aux questions de M. Keddy, car je sais qu'il aurait voulu avoir plus de temps pour ce faire.

Monsieur Tennant, vous avez soulevé la question du référendum. Nous savons que c'est un problème pour la partie adverse dont nous connaissons la position au sujet des droits inhérents et des droits des minorités. J'ai déjà posé cette question: pouvez-vous m'expliquer comment des droits inhérents et des droits des minorités, des droits acquis, peuvent être protégés par un référendum majoritaire sans le consentement de la minorité? Cette question doit être réglée et j'aimerais savoir si vous-même ou d'autres peuvent y répondre.

M. Paul Tennant: À mon avis, la réponse est fort simple. Par définition, si une majorité peut décider si un droit revendiqué peut s'exercer ou non, par le particulier ou par le groupe, ce n'est plus un droit, puisqu'un droit, par définition est quelque chose que l'on est habilité à faire, sous la protection de la loi et des autorités.

Dans ce genre de débat, je donne souvent donné l'exemple des homosexuels dont les droits devraient faire l'objet d'un référendum. Un nombre assez important de ceux qui sont contre les droits ancestraux pensent qu'ils devraient faire l'objet d'un référendum. Là n'est pas la question. La question, c'est que si c'est un droit, c'est aussi une liberté protégée. Notre démocratie n'est pas populaire, elle est libérale, ce qui signifie dans ce contexte, que la liberté du particulier... Nous ne cherchons pas à savoir ici si un groupe devrait aussi avoir certaines libertés ou non. C'est la question qui se pose et nous n'avons pas l'accord.

De toute évidence, beaucoup de personnes ici présentes pensent que la majorité peut déterminer ce que peuvent faire les minorités. C'est un point de vue évident, mais, comme je l'ai dit plus tôt, cela revient à nier la validité de ces droits; c'est ce dont nous discutons ici.

M. Doug Sanders: M. Bonin m'a invité à répondre aux questions de M. Keddy relatives à une éventuelle modification de la Constitution à cet égard.

Le langage utilisé dans la Constitution est assez général. Étant donné que les constitutions sont censées durer longtemps, il est évident que le langage qu'on y retrouve est général et qu'on y retrouve aussi des catégories. Si l'on prend l'exemple de la catégorie de 1867 des terres réservées aux Indiens, on s'aperçoit que cette catégorie a changé et change chaque année. Il suffit de prendre l'exemple de la cession, de la vente ou du transfert des terres de réserve qui se produisent encore dans une certaine mesure. De nouvelles réserves sont créées, d'anciennes réserves sont abandonnées. La population indienne elle-même change, bien sûr. La catégorie reste la même, mais le contenu de cette catégorie change nécessairement au fil du temps. C'est simplement un principe fondamental qui permet à la Constitution de rester exécutoire.

• 1120

En ce qui concerne l'article 35, ajouté en 1982, nous avons maintenant pour la première fois une catégorie claire de traités qui est une catégorie constitutionnelle. Dès le début, divers experts constitutionnels ont convenu que cette catégorie pouvait changer. De nouveaux traités pouvaient être négociés et tomber dans cette catégorie. D'anciens traités pouvaient être modifiés dans le cadre du processus de négociation, être résiliés ou limités dans un certain sens. Nous avons ici un nouveau traité qui, bien entendu va tomber dans une catégorie qui existe déjà. Il modifie également une autre catégorie, celle des droits ancestraux. C'est ce genre de changement constitutionnel au niveau du contenu des catégories qui en fait permet aux constitutions de rester exécutoires.

La présidente: Merci beaucoup. Vous avez encore 30 secondes.

M. Melvin Smith: Est-ce une question de modification de la Constitution, que vous...

M. Raymond Bonin: Non, la question que je vous pose porte sur la protection des droits inhérents et des droits d'une minorité par référendum remporté par la majorité sans le consentement de la minorité. Cette question doit être élucidée et vous avez un point de vue à cet égard.

M. Melvin Smith: Les droits des minorités sont prévus par la loi, qu'il s'agisse de la Constitution ou d'une loi fédérale.

M. Raymond Bonin: Je parle en fait de la modification des droits acquis des minorités par un vote majoritaire.

M. Melvin Smith: Je ne suis pas sûr que ce soit là la question.

M. Raymond Bonin: Eh bien, non, mais c'est la question que je vous pose.

M. Melvin Smith: Ce n'est pas là la question, si on en arrive à un référendum.

M. Raymond Bonin: Pourquoi pas?

Ce n'est pas grave, j'ai épuisé mon temps de parole. Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Fournier, s'il plaît.

M. Ghislain Fournier: Il semble se dégager un consensus. En effet, depuis lundi, toutes les personnes autour des tables nous parlent de la nécessité de négocier. Tout le monde est d'accord là-dessus. Tout le monde est d'accord sur la vertu, mais ce n'est pas tout le monde qui la pratique. Si on est d'accord pour négocier, il faut négocier.

Dans toute négociation, il y a un grand principe: il ne faut pas qu'il y ait un perdant et un gagnant, mais bien deux gagnants. Quand il y a un perdant et un gagnant, c'est une mauvaise négociation.

Les conventions collectives que j'ai négociées n'ont pas toutes été acceptées à l'unanimité, bien qu'elles aient été, à mon avis, très bonnes. L'une a servi de modèle dans l'industrie de l'acier et c'est celle qui a recueilli le moins de votes lors de son acceptation. Il faut s'attendre à ce que ce soit très difficile, comme l'a dit M. Sanders, mais il faut faire face à l'enjeu.

On a parlé de plusieurs sujets et je n'aurai pas le temps d'élaborer sur chacun d'eux. On a parlé de référendum et des tribunaux.

Les députés ont été légitimement élus par une population, par un peuple, par les Canadiens. Ils ont été mandatés pour faire avancer des dossiers, pour progresser, pour travailler. Cela fait partie de leur mandat que de négocier en toute liberté.

Je peux vous dire que d'ici un an ou un an et demi, on aura notre référendum. Les gens nous jugeront à nos oeuvres, à ce qu'on a fait.

J'ai une question à poser à M. Sanders. Vous avez dit, au début de votre présentation, que le débat autour du traité nisga'a était difficile. Cela a envoyé un mauvais message aux Nisga'as. Ils ont souvent entendu le message que leur intégration croissante était rejetée par certains Canadiens.

Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que la meilleure voie est que des nations se reconnaissent, se respectent et s'assoient ensemble pour négocier et arriver à un accord?

Si j'en ai le temps, madame la présidente, je vous dirai qu'on me disait chez nous, au Québec...

• 1125

[Traduction]

M. Gary Lunn: J'invoque le Règlement, madame la présidente. Toutes mes excuses à mon collègue et ami. C'est extrêmement important pour vous et je crois que vous le savez. Nous venons de nous renseigner au sujet du mandat de notre comité permanent qui se trouve en Colombie-Britannique cette semaine, et d'après ce que nous comprenons—il nous est transmis et je crois que vous l'avez devant vous maintenant—il indique très clairement...

La présidente: Je n'ai pas encore eu le temps de le lire. J'essaie de donner la priorité aux audiences.

M. Gary Lunn: Eh bien, c'est crucial. Il est très clairement indiqué que le comité doit permettre la télédiffusion de ses délibérations.

La présidente: D'accord. Je vais lire ce qui se trouve devant moi, car je crois que cela correspond exactement à ce que je vous ai dit un peu plus tôt. Permettez-moi de le lire avant de me prononcer, pour qu'il n'y ait pas d'erreur possible. Un instant, s'il vous plaît, je veux pouvoir le lire.

Je vais vous lire ce qui m'a été envoyé par fax et qui répond à ma demande d'éclaircissement. C'est un extrait du hansard:

    Monsieur le Président, je pense que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour que je présente la motion suivante:

      Que le Comité permanent des affaires autochtones soit autorisé à voyager à Victoria, Vancouver, Terrace, Prince George et Smithers, en Colombie-Britannique, durant la semaine du 14 au 20 novembre 1999, pendant son étude du projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nishga; et

      Que, pendant ses travaux, conformément à l'article 83.1 du Règlement, le Comité permanent des finances soit autorisé à se rendre dans différentes villes du Canada et à permettre la télédiffusion de ses délibérations, et que le comité soit autorisé en 1999 à présenter son rapport, conformément à cet article du Règlement, au plus tard le 10 décembre 1999.

Je vais de nouveau le vérifier, au cas où l'on ne comprendrait pas ce que cela veut dire, le Comité permanent des finances a reçu l'ordre de la Chambre de télédiffuser ses délibérations. Notre comité a reçu l'ordre de la Chambre de voyager. Un comité est maître de sa destinée, à moins qu'il ne reçoive un ordre de la Chambre.

Si ce comité—et on a donné un peu plus tôt l'exemple du Comité des pêches—avait choisi son emplacement et sa destination, il aurait pu présenter une motion relative à la télédiffusion de ses délibérations. Dans notre comité, il faut donner un préavis de 48 heures pour les avis de motion. Des dispositions doivent alors être prises pour la télédiffusion des délibérations, du début à la fin. Certaines règles s'appliquent en ce qui concerne la transmission de l'image des orateurs, etc.

Notre comité n'a pas reçu l'ordre de la Chambre de télédiffuser ses délibérations et c'est la raison pour laquelle je reste sur mes positions. Cela aurait été donc irrecevable. Toutefois, c'est parce que je sais qu'il y aurait eu des avis de motion et des rappels au Règlement toute la journée, ce qui aurait dérangé les témoins, que j'ai pensé préciser les choses, comme je viens de le faire une nouvelle fois.

Merci.

Une voix: De quoi avez-vous peur?

La présidente: Voilà, ça commence.

Désolée, monsieur Fournier, vous savez que vous êtes au milieu...

[Français]

M. Ghislain Fournier: Je terminais en disant que certains Québécois me disaient que nous n'étions pas les bienvenus dans l'Ouest, à Vancouver et à Regina. Je me ferai un grand plaisir de leur dire qu'ils n'ont pas raison. Je suis venu passer ici trois semaines, il y a deux ans. J'ai passé une semaine à Regina et deux semaines à Vancouver, et je suis ici cette semaine. J'ai rencontré partout des gens chaleureux et polis. C'est encourageant.

Voici maintenant ma conclusion. Pour nous, les Québécois, ou du moins pour le Bloc québécois, le traité nisga'a, c'est un peu la preuve que les peuples sont capables de s'entendre et de se respecter. C'est là le message que les Nisga'a et tous les Canadiens devraient entendre, à mon avis. J'aimerais avoir votre réaction sur ce principe.

[Traduction]

M. Doug Sanders: Merci.

L'un des problèmes du paternalisme, c'est le pouvoir unilatéral dont disposait le gouvernement central, lequel pouvait imposer sa politique d'une façon ou d'une autre. D'après ce que nous avons connu pendant la période d'après-guerre, le recours à un tel pouvoir ne peut être gage de succès.

En 1950, le gouvernement fédéral a proposé une nouvelle Loi sur les Indiens, qui a provoqué des protestations de la part des Indiens à l'échelle du pays, ce qui a donné lieu à des modifications et à un document modifié promulgué en 1951; le gouvernement de l'époque s'était engagé politiquement à ne pas apporter de modifications sans consulter les Indiens au préalable. Nous avons eu ensuite le Livre blanc de 1969, publié sans consultation préalable et qui, de nouveau, a provoqué des protestations de la part des Indiens à l'échelle nationale si bien qu'il a dû être retiré une année plus tard.

• 1130

Nous en avons tiré la leçon suivante, mais pas du premier coup, malheureusement: lorsque l'on traite avec des groupes collectifs comme les Premières nations en tant que peuples distincts à l'intérieur du pays, l'unilatéralisme ne fonctionne tout simplement pas et risque au contraire de susciter des réactions négatives de la part des groupes mêmes. Par conséquent, de bonnes relations et une évolution progressive nécessitent une atmosphère non conflictuelle et les négociations sont la façon logique de procéder. Nous avons eu quelques problèmes au sujet du langage à employer et nous avons, je pense, fait des progrès si l'on considère que l'expression «Premières nations»—qui est une expression respectueuse, proposée par les Indiens eux-mêmes—est maintenant acceptée par les tribunaux et les politiciens.

La présidente: Merci.

Monsieur Finlay.

M. John Finlay: Merci, madame la présidente.

J'aimerais remercier les experts qui me font réfléchir, ce dont nous avons besoin, je pense. Les questions posées jusqu'ici ont été très utiles.

Monsieur Tennant, vous avez dit que vous étiez content de ne pas être avocat dans cette affaire, car vous ne vouliez pas avoir à répondre à une question... J'imagine que les avocats ne sont pas vraiment respectés par le public.

M. Paul Tennant: Pas moins que les politiciens.

M. John Finlay: Je ne sais s'ils se situent en dessous ou au-dessus des politiciens. Parfois, c'est en dessous, parfois c'est au-dessus. Toutefois, les politiciens que nous sommes ont également des sentiments et lorsque l'on me dit que l'on ne peut pas compter sur Ottawa, que l'on ne peut pas compter sur Victoria—ce sont les propos de M. Smith—je ne comprends pas trop notre utilité. Peut-être ferions-nous mieux de fermer le Parlement et laisser 13 personnes en perruque blanche régler tous les problèmes.

Une voix: C'est bien dit.

M. John Finlay: Cela maintiendrait le statu quo, mais n'améliorerait pas le sort des Canadiens, ni non plus l'état du monde. Vous êtes au courant du problème des Timorais orientaux; de méchants Indonésiens ont décrété qu'ils n'avaient aucun droit, aucun droit foncier, ni aucun droit à la vie, d'ailleurs. Si je suis parlementaire, c'est parce que je crois que le processus démocratique permet, dans la mesure où les hommes et les femmes sont de bonne volonté, d'améliorer en quelque sorte le sort du monde.

Je suis donc désolé, mais je ne peux pas accepter votre attitude, monsieur Smith, lorsque vous dites que l'on ne peut pas compter sur Ottawa et que l'on ne peut pas compter sur Victoria. Nous allons adopter des lois au Parlement et s'il faut reprendre la Cour suprême... Cela pourrait arriver. Si j'ai bien compris monsieur Sanders, M. Tennant, et vous-même, monsieur, nous sommes dans un processus d'évolution. C'est du moins ce que j'ai compris. Nous essayons donc de trouver une meilleure façon de procéder. Si la cour, la Constitution ou toute autre loi nous gêne, j'imagine qu'il va falloir la modifier.

La Grande Charte, comme vous le savez, est à l'origine de la démocratie et nous ne nous sommes pas atrophiés depuis. Je dirais donc qu'il faudrait peut-être faire preuve d'ouverture d'esprit—ne soyons pas des prophètes de malheur—et admettre que le peuple nishga a accepté cet accord et qu'il va s'efforcer d'en tirer parti. Je propose que nous lui donnions la possibilité de le faire.

La présidente: Aimeriez-vous une réponse des témoins?

• 1135

M. John Finlay: Des témoins ou des autres. Je dis tout simplement que si, en tant que parlementaires et représentants de tous les Canadiens, nous ne pouvons pas modifier la loi, comment pouvons-nous progresser?

La présidente: Monsieur Finlay, il vous reste deux minutes. Voulez-vous que l'un des témoins vous réponde?

M. John Finlay: Oui, s'ils le souhaitent.

La présidente: Nous allons entendre M. Sanders et, si nous en avons le temps, M. Smith.

M. Doug Sanders: Nous sommes sortis de la situation où les choses étaient très polarisées entre les Premières nations d'une part et Ottawa d'autre part, situation rigide, à mon avis, qui en fait, isolait les collectivités des réserves. C'est l'un des éléments fort négatifs de notre histoire.

Grâce à l'évolution qui s'est produite, les collectivités ne sont pas aussi isolées et ont accès aux services provinciaux, aux institutions provinciales—il y a donc interaction au plan local. L'une des caractéristiques de la Convention de la baie James et du Nord québécois de 1975, c'est le fait qu'elle soit tripartite et que la province du Québec en soit signataire. Depuis la déclaration du gouvernement fédéral en 1973 sur les négociations relatives aux revendications territoriales, depuis d'autres grandes déclarations politiques fédérales et depuis l'Accord sur la commission des traités de la Colombie-Britannique, nous sommes arrivés à normaliser la situation des collectivités indiennes en ce qui concerne leurs relations avec Ottawa et la province.

Ce qui est frappant au sujet de l'Accord nishga—c'est une ligne au moins que M. Smith aimerait—c'est qu'il prévoit que toutes les lois provinciales et fédérales s'appliquent, sous réserve bien sûr des dispositions du traité. Les collectivités des réserves ne sont plus isolées comme autrefois et sont assujetties aux lois provinciales.

La présidente: Merci.

Nous allons maintenant passer au deuxième tour de questions, en commençant par Mme Hardy pour cinq minutes, s'il vous plaît.

M. Melvin Smith: M. Finlay m'a provoqué, madame la présidente, et je pensais pouvoir lui répondre.

La présidente: Malheureusement, nous avons épuisé notre temps de parole.

Allez-y.

Il y a un autre tour de questions.

Mme Louise Hardy: J'aimerais que M. Tennant nous parle un peu plus de la peur du «communalisme».

Les derniers jours des audiences, des gens sont venus me demander pourquoi nous ne nous contentons pas de donner de l'argent aux Premières nations; il suffirait de donner aux Autochtones de l'argent à titre de dédommagement. De toute évidence, on a eu peur de l'apparition éventuelle de ghettos communistes. Certains ont pensé que c'était drôle, mais cette crainte était bel et bien ressentie; j'aimerais que vous en parliez un peu plus.

M. Paul Tennant: J'ai commencé par souligner que dans les premières années de la Colombie-Britannique, compte tenu des trois grands groupes raciaux, les Blancs s'inquiétaient profondément du communalisme, alors que bien sûr ils soulignaient l'esprit d'entreprise des particuliers, nécessaire, selon eux, à l'avancement de la société.

Ce n'était pas une question de race seulement. Quelques groupes minoritaires composés de Blancs, les Huttérites et les Doukhobors, étaient privés du droit de représentation en raison leur mode de vie communal. Quand j'étais petit, je me rappelle que les enfants doukhobors étaient enlevés de force à leurs parents et envoyés dans un pensionnat. Ce mode de vie communal, adopté par les Doukhobors, était véritablement considéré comme ce qu'il fallait absolument combattre.

On retrouve cette même conception des choses parmi de nombreux groupes. Je crois certainement que les détracteurs du traité et les partisans d'un référendum continuent de s'inquiéter à propos de ce genre de prise de décision. J'ai passé pas mal de temps parmi les Nishgas, et d'après moi, leur mode de vie n'est pas communal. Ils ont la notion de propriété collective, mais on peut dire la même chose des sociétés et cela ne nous apparaît pas comme un gros problème.

Dans le cas qui nous intéresse, il est vraiment dommage qu'il n'y ait pas de municipalité non gouvernée par les Nishgas dans la vallée de la Nass. Si nous prenons l'exemple du traité sechelt qui est en voie de préparation, il y a une municipalité importante qui est située juste à côté de la Première nation sechelte. Les habitants de cette municipalité et les non-Autochtones ont participé de façon active au processus d'élaboration du traité.

Les politiciens provinciaux opposés au traité nishga ont laissé entendre dans un premier temps qu'ils invoqueraient les mêmes arguments pour dénoncer le traité sechelt, qui est plus ou moins identique à l'autre—bien qu'il y ait quelques différences. Or, dès qu'ils ont constaté que les habitants étaient en faveur du traité, ils ont cessé leurs critiques.

• 1140

Il n'y avait pas de groupes de citoyens non nishgas dans la vallée de la Nass. S'il y en avait eu, je suis certain qu'ils auraient été en faveur du traité, ce qui aurait grandement changé la teneur du débat.

Des voix: Oh, oh!

M. Paul Tennant: Il y a beaucoup de personnes ici—et je présume qu'il y en a quelques-unes qui viennent de la vallée de la Nass—qui prétendent être mieux informées que ceux qui étaient sur place.

Une voix: Bravo!

M. Paul Tennant: Il est important que les Premières nations et leurs voisins immédiats participent ensemble au processus de négociation des traités. Les autorités municipales devraient y jouer un rôle beaucoup plus actif. Les deux côtés en tireraient profit.

Comme je le dis souvent aux autorités municipales, avec qui je m'entretiens régulièrement, «Écoutez, les Premières nations vont obtenir l'autonomie gouvernementale. Ne pourriez-vous pas l'obtenir, vous aussi?» Les municipalités de cette province pourraient, à bien des égards, être beaucoup plus autonomes.

Les municipalités et les Premières nations devraient collaborer ensemble. Le processus de négociation des traités serait plus efficace, car il contribuerait à favoriser la compréhension et la confiance, et à renforcer les liens entre voisins. Si le traité était tout simplement un mécanisme de ghettoïsation, ce qu'il n'est pas, alors le processus serait assurément un échec.

Nous sommes en train de bâtir, en Colombie-Britannique, une société nouvelle qui reconnaît le rôle que les peuples autochtones ont joué, et continuent de jouer, au sein de la province. Certains jugent la situation fort inquiétante, car cela ne correspond pas à leur vision des choses.

La présidente: Il vous reste une minute.

Mme Louise Hardy: Non, j'ai terminé.

La présidente: Nous allons maintenant donner la parole à M. Iftody.

M. David Iftody: Merci beaucoup, madame la présidente.

Merci, messieurs, pour vos exposés. J'aimerais adresser mes questions d'abord à M. Sanders, et ensuite à M. Tennant.

L'alinéa 25a) de la Charte traite des droits ou libertés qui sont reconnus par la Proclamation royale du 7 octobre 1763. J'aimerais savoir pourquoi les rédacteurs de la Charte ont, entre 1981 et 1983, de même que lors de la conférence constitutionnelle de 1983, jugé bon d'inclure dans le texte un renvoi à la Proclamation royale du 7 octobre 1763.

Monsieur Sanders, nous utilisons les mots «droits existants». Cela laisse sous-entendre, et les rédacteurs ont dû penser la même chose, que, à l'époque de la Proclamation royale de 1763, les officiers britanniques qui étaient sur place—les gouverneurs et les autres fonctionnaires représentant la Couronne—ont reconnu qu'il existait, même si cela n'était pas clairement précisé en common law, un titre ancestral, ou encore un titre foncier. Il revenait à la Couronne, à la Couronne britannique, de reconnaître ce droit; sinon, elle porterait atteinte à sa propre loi.

Il était donc essentiel, au moment d'établir la nouvelle colonie, que ce droit soit inclus dans la Proclamation royale. Cette approche évolutive sert de fondement à la Charte.

Or, il est question ici non pas de l'élaboration et de l'adoption de nouvelles lois et de nouveaux pouvoirs, mais, comme l'indiquent le libellé de la Charte et les autres décisions des tribunaux, de la reconnaissance et de la définition des droits existants. C'est ce que dit la première partie de l'article 25. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

Il y a ensuite les pouvoirs généraux qui sont décrits en termes très nébuleux—par exemple, services à l'enfance, santé, et ces 14 champs de compétence—qui semblent être une source de grande inquiétude.

N'est-il pas vrai que de nombreuses Premières nations au Canada ont signé, avec la Colombie-Britannique, à la fin des années 70, et avec le Manitoba, au début des années 80, des protocoles d'entente visant la prestation de services de police, de services à l'enfance, de services de santé, ainsi de suite? Le ciel ne nous est pas tombé sur la tête. Du moins, je n'ai rien remarqué. Pourquoi les Nishgas ne pourraient-ils pas faire la même chose?

• 1145

Ma troisième question s'adresse à M. Tennant, et elle va au coeur du problème.

Vous l'avez fort bien décrit dans votre analyse. Il y a la loi de 1763 et la Charte, et l'article 35 reflète en tous points l'article 25. Ces dispositions sont très claires. Le projet de loi C-9, lui, précise clairement que la Charte s'applique. Or, vous parlez des valeurs opposées, et vous dites en quelque sorte que nous n'avons pas accepté ou reconnu ce fait pour une raison ou une autre. J'aimerais avoir des précisions là-dessus.

Je voudrais que l'on commence par M. Sanders.

La présidente: Malheureusement, M. Sanders est le seul qui va pouvoir vous répondre, puisque nous n'aurons pas le temps d'entendre les autres. Je vous demanderais de poser des questions plus brèves pour que les témoins aient le temps d'y répondre. Je n'aime pas me retrouver dans cette situation. Je préférerais des réponses et des questions plus brèves.

M. David Iftody: Je tiens à dire que la présidente est juste envers tout le monde, car elle coupe même la parole au secrétaire parlementaire.

La présidente: Monsieur Sanders, vous avez à peu près une minute pour répondre.

M. Doug Sanders: Je vais essayer d'être bref.

La première question porte sur l'article 25 et le renvoi à la Proclamation royale de 1763. La Proclamation royale, si l'on se fie à son libellé précis et aux documents historiques qui s'y rattachent, reconnaissait les droits territoriaux antérieurs des Autochtones et disait de ceux-ci qu'ils étaient des nations ou des tribus qui vivent sous notre protection. Il y avait donc confirmation de la suzeraineté de la puissance coloniale, sauf que celle-ci ne supprimait ni les droits politiques, ni les droits territoriaux des tribus existantes.

La Proclamation n'a pas ouvert la voie aux négociations de traités. Elle a officialisé le processus, puisque celui-ci existait déjà depuis longtemps en Amérique du Nord.

Nous avons pendant longtemps nié le fait que la Proclamation royale continuait d'avoir force de loi au pays. Il était donc essentiel, en 1982, qu'on abandonne cette hérésie ou cette notion juridique révisionniste, et qu'on l'abandonne de façon explicite au moyen d'un renvoi à la Proclamation.

La deuxième question portait sur les pouvoirs. J'ai déjà dit que ces pouvoirs cadraient avec les lois et pratiques existantes. Pour ce qui est des services à l'enfance, je vous ferai remarquer que le conseil tribal nuu-chah-nulth, sur l'île de Vancouver, a l'autorisation de représenter le responsable provincial des services à l'enfance devant les tribunaux, dans toute affaire concernant les enfants nuu-chah-nulth à l'intérieur ou à l'extérieur des réserves. Ce système figure parmi les plus avancés, et il résulte d'une entente entre la nation Nuu-chah-nulth, la province et le gouvernement fédéral. J'ai parlé aussi de la loi américaine sur les services d'aide à l'enfance indienne, qui a officialisé l'exercice de ce pouvoir à l'échelle nationale. Nous avons l'habitude, au Canada, de procéder par étapes, mais la pratique est déjà bien établie.

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Keddy, cinq minutes.

[Traduction]

M. Gerald Keddy: Merci, madame la présidente.

J'aimerais revenir à certaines questions de fond. Je sais que toutes les questions sont importantes, mais la discussion entourant la Constitution, pour ceux qui n'ont pas de connaissances juridiques, constitue tout un défi et les opinions sur le sujet sont nombreuses. Pour ce qui est du traité, j'ai essayé de le diviser en sections, pour simplifier les choses, et de traiter chaque question séparément, qu'il s'agisse du régime de taxation, de la Charte de droits et libertés ou de la Constitution.

On a demandé plus tôt si les droits des Nishgas auraient préséance ou non sur les droits provinciaux. Chacun de ces droits peut être examiné séparément, avec documents à l'appui.

Je vais prendre un exemple, puisque nous venons d'en discuter. Le paragraphe 89, sous la rubrique «Services à l'enfance et à la famille», précise ce qui suit:

    Le gouvernement Nisga'a Lisims peut faire des lois concernant les services à l'enfance et à la famille sur les Terres nishgas, pourvu que ces lois comprennent des lois comparables aux normes provinciales dont l'objectif est d'assurer la sécurité et le bien-être des enfants et des familles.

• 1150

Donc, le traité précise clairement que le gouvernement nishga ne peut adopter des lois qui sont moins restrictives, ou qui protègent moins bien les enfants, que celles de la province de la Colombie-Britannique.

Je pense qu'il faut examiner chacun de ces 14 ou 17 droits—je ne connais par le chiffre exact—individuellement, et comprendre ce qu'ils impliquent. Dans ce cas-ci, on précise tout simplement que les Nishgas seront responsables des services à l'enfance et à la famille. Toutefois, ils n'ont pas le droit d'adopter les lois qui ne comprennent pas des normes comparables aux normes provinciales dont l'objectif est d'assurer la sécurité des enfants et des familles.

Voilà le genre de dialogue et de débat que nous devrions avoir. Nous devrions examiner chaque pouvoir séparément.

On a également fait un commentaire au sujet du fief simple. Je sais que le comité en a assez de m'entendre parler de cette question—eh bien, il trouve encore plus fatigant de m'entendre parler de pêche—mais la question du titre en fief simple m'intéresse beaucoup parce que je suis un agriculteur et que je connais bien l'historique des droits de propriété des agriculteurs: je suis un agriculteur de sixième génération, propriétaire de terres de sixième génération.

Qu'arrivera-t-il quand les Nishgas seront propriétaires en fief simple de leurs terres? Nous voulons que les Nishgas possèdent les mêmes droits que nous... En fait, ils vont être propriétaires en fief simple de leurs terres. Toutes les terres louées, les maisons en propriété commune avec les Nishgas, peuvent être détenues en fief simple...

M. Melvin Smith: Jamais.

M. Gerald Keddy: Les Nishgas seront propriétaires en fief simple des terres, tout comme le sont les villes de Victoria, de Vancouver ou la municipalité de Chester, en Nouvelle-Écosse, où j'habite.

En ce qui concerne les droits de vote et de propriété des Nishgas, s'ils vendent leur propriété à un citoyen non nishga—comme moi par exemple, ou n'importe quelle personne qui souhaite acheter cette propriété parce que le traité l'autorise—ils vont perdre leur pouvoir d'imposition à l'égard de cette propriété. Il n'y a donc pas de pouvoir d'imposition sans représentation et la propriété est détenue en fief simple.

Je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps, mais j'aimerais que les autres membres du groupe nous fassent par de leurs commentaires.

La présidente: D'accord, pour une minute seulement. Choisissez quelqu'un.

M. Gerald Keddy: Allez-y.

La présidente: Allez-y, monsieur Smith.

M. Melvin Smith: Il n'y a pas de représentation. Oubliez ce qui a été dit au sujet du pouvoir d'imposition.

M. Gerald Keddy: Non, je ne peux pas. Il ne peut y avoir...

M. Melvin Smith: Un instant. J'ai parlé, dans ma déclaration liminaire, des lois qui s'appliqueraient au résident non nishga qui vit sur ces terres. Si vous achetez la propriété que vous venez de mentionner, vous seriez, en tant que résidant non nishga, assujetti aux lois nishgas que j'ai déjà énumérées. Alors, vous devriez avoir le droit de participer à l'élection du gouvernement qui adopte ces lois. Il s'agit-là d'un droit démocratique fondamental.

M. Gerald Keddy: Excusez-moi...

M. Melvin Smith: Un droit démocratique fondamental...

M. Gerald Keddy: ...mais ce n'est pas un droit démocratique fondamental.

M. Melvin Smith: Bien sûr que c'en est un. C'est ce que prévoit la Grande Charte.

M. Gerald Keddy: C'est là que tout a commencé.

M. Melvin Smith: Nous avons...

La présidente: Une personne à la fois.

Vous avez cinq secondes, monsieur Keddy.

M. Melvin Smith: Il y aura une augmentation de taxes...

La présidente: S'il vous plaît. M. Keddy a la parole.

Me Gerald Keddy: Oui, et il doit y avoir un accord fiscal. Il faut en discuter ouvertement pour que tout le monde comprenne bien la question. Or, nous taxons déjà les gens dans ce pays sans leur donner le droit de voter, et nous le faisons dans plusieurs domaines.

La présidente: Monsieur O'Reilly, c'est le dernier tour de table de cinq minutes. C'est vous qui avez la parole.

M. John O'Reilly: Merci beaucoup, madame la présidente.

Je veux d'abord remercier les témoins d'être venus nous rencontrer. La discussion est fort intéressante.

Je voudrais permettre à M. Smith de répondre. Je sais qu'il se sent frustré parce qu'il n'a pas eu l'occasion de répondre à certaines questions. C'est donc à lui que je vais m'adresser. Je vais être très bref, comme l'a recommandé la présidente.

L'Association canadienne des municipalités envisage de proposer une modification à la Constitution en vue d'obtenir plus de pouvoirs—ce qu'elles n'ont pas à l'heure actuelle. D'abord, monsieur Smith, êtes-vous au courant de cette démarche? Ensuite, l'appuyez-vous?

• 1155

La présidente: Monsieur Smith.

M. Melvin Smith: Monsieur O'Reilly, je participe aux négociations constitutionnelles et fédérales-provinciales depuis 1960. Les municipalités ont proposé la même chose à ce moment-là. Je ne suis pas contre, absolument pas. C'est quelque chose qu'on devrait envisager. Elles n'ont pas de statut constitutionnel pour l'instant, et peuvent uniquement l'obtenir par voie de modification à la Constitution. Elles seraient alors reconnues comme «troisième ordre de gouvernement».

C'est la même chose dans ce cas-ci. La seule façon que nous pouvons accorder l'autonomie gouvernementale, comme le prévoit ce traité, c'est par voie de modification à la Constitution.

Je suis le coauteur de la procédure de modification de la Constitution qui a été négociée en 1982. L'article 35, qui a également été négocié à ce moment-là, ne permet absolument pas de modifier la Constitution—ce que proposent essentiellement les tenants des traités. Ils proposent que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale soit incorporé à l'article 35.

C'est impossible, parce que l'article 35 ne permet pas de changer la procédure de modification, et ne pourra jamais le permettre, car il faudrait pour cela l'accord des dix provinces et du gouvernement fédéral. Or, seules neuf provinces et le gouvernement fédéral ont donné leur accord. Par conséquent, il ne permet pas de changer la procédure de modification—c'est très compliqué.

Je pense que les municipalités ont un argument valable, et j'espère qu'elles seront en mesure de le soumettre aux tribunes appropriées. S'il est jugé recevable, alors modifions la Constitution, sauf que cela ne passerait pas en Colombie-Britannique, parce qu'il faudrait que l'ensemble de la population accepte, par voie référendaire, de la modifier.

Des voix: Bravo!

La présidente: Il vous reste du temps, monsieur O'Reilly.

M. John O'Reilly: Je pourrais peut-être demander à MM. Sanders ou Foster de nous faire part de leurs commentaires.

La présidente: Monsieur Foster, allez-y.

M. Hagard Fausser: Puis-je donner quelques précisions additionnelles?

J'ai suivi le débat, et je constate qu'il y a certains facteurs qui opposent les partisans et les détracteurs du traité. Ce n'est que mon opinion, mais j'ai la nette impression que les détracteurs du traité souhaitent que les Nishgas se taillent une place au sein de la société, mais à la condition qu'ils se conforment plus ou moins aux exigences qu'ils ont eux-mêmes définies. C'est ce qui découle des observations qui ont été faites au sujet du collectivisme, entre autres.

C'est un des facteurs qui oppose les partisans et les détracteurs du traité. Il est clair que ceux qui appuient le traité s'en remettent, dans un sens, au régime constitutionnel établi en 1982 en vertu duquel ces trois partis peuvent essayer de négocier à l'intérieur du cadre de l'article 35 et prendre quelques risques... si les Nishgas ont leur mot à dire au sujet de ce qu'ils veulent, eh bien, cette solution est préférable à 100 années de silence.

Je pense que la question centrale ici est l'article 35. M. Smith, sans vouloir le contredire, s'emporte un peu quand il mentionne cet article. Quand il vous dit qu'on ne peut pas prévoir le genre de changement que le traité crée ou met en oeuvre, il pense à la Constitution de 1867, aux années 1991-1992, aux provinces, au gouvernement fédéral. L'article 35 et l'arrêt Delgamuukw...

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Melvin Smith: ...

La présidente: S'il vous plaît, monsieur Smith, vous n'avez pas le droit de parole. Vous avez déjà eu l'occasion de vous exprimer. C'est maintenant au tour de M. Foster.

Allez-y.

M. Hamar Foster: M. Smith a raison. C'est ce que la cour d'appel a dit. La Cour suprême du Canada n'a pas abordé la question. Il convient de noter que dans un cas—l'affaire Pamajewon—elle a dit qu'elle se pencherait sur la question de l'autonomie gouvernementale, qu'elle partirait du principe qu'elle existait, avant de conclure que cela ne s'appliquait pas aux jeux du hasard. D'accord.

Toutefois, dans l'affaire Delgamuukw, elle avait sous les yeux la décision de la cour d'appel, qui renvoyait aux négociations des années 1991-1992, aux gouvernements fédéral-provinciaux, et qui précisait que l'autonomie gouvernementale ne pouvait être accordée. Elle a donc refusé de se prononcer là-dessus. Elle aurait pu trancher la question. Elle a tout simplement dit qu'elle n'avait pas suffisamment d'information en main, et a conseillé aux parties concernées de retourner à la table de négociation.

• 1200

On ne saurait trop insister sur le fait que ce traité est conforme au jugement Delgamuukw rendu par la Cour suprême du Canada. Elle a dit qu'elle se pencherait sur la question de l'autonomie gouvernementale uniquement si ce droit était clairement défini. Je pense que le traité nishga constitue une réponse à cette déclaration.

Maintenant, ni M. Smith ni moi-même ne savons si l'article 35 prévoit le droit à l'autonomie gouvernementale. Or, cette question n'est pas claire. La Cour suprême du Canada avait l'occasion, dans l'affaire Delgamuukw, de dire que cet article n'accorde pas un tel droit.

Voilà les deux facteurs qui me viennent à l'esprit après trois heures de discussion. Voilà les questions qui sont au coeur du débat. D'abord, est-ce que les Nishgas peuvent faire uniquement ce que nous les autorisons à faire? Deuxièmement, quel est le sens de l'article 35? Est-ce qu'il modifie la Constitution, est-ce qu'il nous ramène aux principes de base de la Proclamation royale?

La présidente: Merci beaucoup.

Notre temps est écoulé. Il me reste, au nom de tous les membres du comité, à vous remercier. Le débat a été fort instructif. Vous avez cerné certains domaines... et vous savez que cette question-ci nous intéresse, que nous voulons l'approfondir. Nous devons rencontrer un autre groupe la semaine prochaine. Il reste quelques détails à régler, mais nous rencontrerons deux autres spécialistes des questions constitutionnelles la semaine prochaine. Vos commentaires aujourd'hui nous ont aidés à formuler d'autres questions que nous pourrons leur soumettre, ce qui est très utile.

Je tiens également à remercier l'auditoire. Je suis contente que la réunion ait été ouverte au public, que vous ayez pu assister aux discussions. Si vous désirez soumettre un mémoire, vous pouvez le remettre au greffier.

Je tiens à rappeler aux membres du comité que cet après-midi, nous entendrons le ministre Lovick, à 13 h 15, ce que nous avions prévu faire à l'origine. Il ne peut être ici à 13 heures, de sorte que nous l'entendrons à 13 h 15 et nous siégerons ensuite pendant tout l'après-midi. Nous reviendrons donc à 13 h 15. Merci beaucoup.

La séance est levée.