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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 novembre 1999

• 0947

[Traduction]

La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Bonjour, et merci d'avoir mis ce merveilleux centre à notre disposition. Nous sommes heureux de voir un si grand nombre de personnes se joindre à nous aujourd'hui.

Avant de commencer, je tiens à dire aux personnes qui ne témoigneront pas, mais qui souhaitent déposer un mémoire en vue de le faire traduire et distribuer de bien vouloir remettre celui-ci à un de nos greffiers, dans le foyer. Il se chargera de les remettre au comité.

Je m'appelle Sue Barnes. Je suis la présidente du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui.

Avant de donner la parole à nos témoins, j'aimerais que les membres du comité se présentent.

Monsieur Keddy, voulez-vous commencer s'il vous plaît?

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Je m'appelle Gerald Keddy, député de South Shore, en Nouvelle-Écosse.

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Je m'appelle Louise Hardy, et je représente le Yukon.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Je m'appelle Daniel Turp et je suis député du Bloc Québécois pour le comté de Beauharnois—Salaberry.

[Traduction]

Je suis également le porte-parole du parti en matière d'affaires intergouvernementales.

[Français]

M. Ghislain Fournier (Manicouagan, BQ): Je m'appelle Ghislain Fournier et je suis aussi député du Bloc québécois. Je représente le comté de Manicouagan, dans le nord du Québec.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je m'appelle Claude Bachand et je suis député de Saint-Jean et critique aux Affaires indiennes. Saint-Jean est à 25 milles au sud de Montréal.

Je suggère à ceux qui m'entendent mais ne me comprennent pas parce qu'ils ne parlent pas français d'aller chercher un appareil d'interprétation en arrière, parce que mes collègues et moi allons parler français la plupart du temps.

[Traduction]

M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okangan, Réf.): Je m'appelle Jim Gouk, député réformiste du comté de Kootenay—Boundary— Okanagan, dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique.

M. Mike Scott (Skena, Réf.): Je m'appelle Mike Scott, député de Skeena. Smithers fait partie de cette circonscription.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Je m'appelle David Iftody, député de Provencher, au Manitoba. Je suis également le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): [La députée s'exprime dans une langue autochtone]

Je m'appelle Nancy Karetak-Lindell, députée du nouveau territoire du Nunavut, qui est situé dans l'Arctique de l'Est.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Je m'appelle John Finlay, député d'Oxford, dans le sud de l'Ontario. Je suis le vice-président du Comité des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.

M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Je m'appelle Raymond Bonin, député de Nickel Belt, dans le nord de l'Ontario.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Je m'appelle John O'Reilly, député de Haliburton—Victoria—Brock, dans la région centrale de l'Ontario.

La présidente: Le comité est secondé par deux attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement, et par deux greffiers. Nous avons également quelques adjoints, comme je l'ai déjà mentionné.

Nous sommes ici pour examiner le projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nishga. Comme nous avons commencé avec 15 minutes de retard parce que nous avons pris l'autobus au lieu de l'avion pour venir jusqu'ici, nous allons prolonger la discussion de 15 minutes afin que tout le monde ait le temps de s'exprimer.

• 0950

Nous accueillons aujourd'hui des chefs de la Nation gitxsan. Un changement a été apporté à la liste des témoins. Le chef Martha Ridsdale va également prendre la parole ce matin au nom des Gitxsans. Elle sera suivie des chefs Earl Muldon et Jim Angus. Nous avons également parmi nous les chefs Art Wilson et Rosaline Starr.

Je crois comprendre que trois témoins vont présenter un exposé. Les membres du comité pourront ensuite poser des questions à tous les intervenants. Nous avons également un service de traduction simultanée pour ceux qui désirent s'exprimer dans leur propre langue.

Une voix: Madame la présidente, est-ce que je vais pouvoir prendre la parole?

La présidente: Je suis désolée. Le public est invité à assister aux audiences du comité, mais seuls les témoins de la Nation gitxan peuvent intervenir. Merci.

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

La présidente: Nous allons maintenant entendre nos témoins.

Chef Martha Ridsdale, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.

Le chef Martha Ridsdale (Nation gitxsan): Madame la présidente, honorables députés, c'est un plaisir pour nous de vous rencontrer pour discuter des territoires revendiqués et par notre groupe et par les Nisga'as. Cette question fait l'objet de discussions depuis de nombreuses années, et nous espérons solutionner le problème aujourd'hui. Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer. C'est tout ce que j'ai à dire.

La présidente: Merci beaucoup.

Chef Jim Angus, êtes-vous prêt à commencer?

Le chef Jim Angus (Nation gitxsan): [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone]

Certains ont l'air frustrés parce qu'il n'y a pas de traduction. Je vais essayer après de vous en fournir une.

La présidente: La traduction va venir plus tard. Il y a un traducteur dans la cabine, et si vous restez sur le même canal, vous allez l'avoir. C'est ce qu'on m'a dit.

Le chef Jim Angus: [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone]

• 0955

Mesdames et messieurs, honorables députés, chers invités, il y a trois ans, nous nous trouvions devant les tribunaux en train de leur expliquer, ainsi qu'aux habitants de ce pays, l'histoire du peuple gitxsan. Derrière chaque pouce carré des terres que nous possédons, il y a une histoire. Toutes ces terres ont un nom.

Delgamuukw, le chef du clan, du peuple gitxsan, était notre principal porte-parole, l'intervenant clé, et l'arrêt Delgamuukw est maintenant connu de par le monde. Tous les tribunaux connaissent ce jugement.

La propriété et la compétence, honorables députés, sont les éléments que nous utilisons pour nous définir. Quand nous revêtons nos couvertures—et vous avez entendu les chants aujourd'hui—ces chants reflètent l'histoire de ces maisons particulières. Notre histoire est transmise au moyen de récits oraux, de chants, de l'adaawk. Or, l'adaawk, comme vous allez l'entendre ou comme vous l'avez probablement entendu, reflète l'histoire de chaque maison particulière, le nom de la maison et le nom du chef. Notre territoire regroupe un grand nombre de chefs, comme en témoigne l'arrêt.

Ce livret contient beaucoup d'informations, et nous demandons que les honorables députés et membres du comité permanent prennent le temps de le lire. Ce qui nous inquiète au plus haut point aujourd'hui, c'est que les Nisgas revendiquent des terres qui appartiennent aux chefs ici présents. Ces terres font partie de leur histoire. Elles leurs appartiennent, et ils comptent appliquer sur celles-ci les lois de nos ancêtres. Nous tenions à ce que cela soit clair.

Cela dit, mesdames et messieurs, je vais donner la parole à Delgamuukw, c'est-à-dire Earl Muldon.

La présidente: Allez-y, chef.

Le chef Earl Muldon (Nation gitxsan): Madame la présidente, honorables députés, chefs, mesdames et messieurs, j'aimerais d'abord vous remercier de nous avoir invités à comparaître devant vous pour vous parler des aspects de l'accord nishga qui auront un impact profond sur notre existence.

J'aimerais remercier M. Mike Scott, notre député, qui vous a fait comprendre à quel point il était important d'entendre la voix des habitants du nord-ouest de la Colombie-Britannique. Nous n'aurions pas été en mesure de vous faire part directement de nos préoccupations si vous n'aviez pas accepté de nous rencontrer sur le territoire de nos voisins, les Wet'suwet'en, qui nous ont gracieusement accueillis à cette réunion.

• 1000

Mon collègue, Wii Eelast, James Angus, vous a déjà expliqué la lutte que nous, le peuple gitxsan, avons menée en vue de faire reconnaître notre titre sur les terres qui nous appartiennent, par le biais de l'arrêt Delgamuukw. Je tiens à signaler que cet arrêt constitue sans doute le jugement le plus célèbre touchant les titres ancestraux. Il est cité de par le monde.

Mon oncle, Albert Tait, était tenu en si haute estime par les autres chefs qu'il a été désigné comme principal appelant au nom de toutes les Nations gitxsan. Nous sommes restés unis dans la défaite comme dans la victoire.

Je trouve donc ironique que les Nisga'as, avec l'aide des gouvernements fédéral et provincial, aient été en mesure d'obtenir un titre en fief simple sur une parcelle de terre dans le territoire de Delgamuukw, qui est situé à des milles de leur territoire traditionnel. Cette violation flagrante du droit de propriété constitue une atteinte à la loi des Gitxsans et des Nisga'as.

Je voudrais vous parler de certaines des expériences que notre maison a eues avec les Nisga'as sur notre lax'yip, c'est-à-dire notre territoire. Notre lax'yip, à Gwinagiisduuxw, est relié au lax'yip du chef Maa il dans la vallée de la Nass, située près du lac Meziadin. Maa il est un des grands chefs du clan du loup dans le village de Gitanyow.

Il y a plusieurs années, le ministère fédéral des Pêches et des Océans a demandé aux Nisga'as d'effectuer des études sur l'état des pêches dans l'ensemble du bassin de la Nass, qui comprend une frayère de saumon située à l'intérieur de mon territoire, dans la rivière Gwinageese. Notre famille et celles de nos voisins immédiats à Gitanyow y pêchent depuis très longtemps.

Les terres de Gwinagiisduuxw sont utilisées de façon ininterrompue depuis d'innombrables années. Elles ont été utilisées aussi bien par mes arrière-arrière-grands-pères que par ma défunte mère. Mes frères et moi, de même que mes soeurs et neveux, continuons toujours de les utiliser, comme l'ont fait nos grands-pères.

Ma défunte mère a vécu modestement à même les ressources du lax'yip jusqu'à sa mort, en 1995. Elle avait 83 ans. Au cours de la saison de chasse, soit du début de l'hiver jusqu'au début du printemps, ma mère et mon père habitaient les cabines que mes frères et moi avions construites sur notre lax'yip.

Un printemps, nous avons constaté que des pêcheurs nishgas s'étaient installés dans nos cabines. Nous leur avons conseillé de partir. Nous leur avons dit que s'ils ne partaient pas dans les deux heures, ils en subiraient les conséquences. Ils nous ont écoutés et sont partis de leur propre chef.

Or, à notre étonnement, les Nisga'as sont revenus l'année suivante et ont construit deux cabines sur notre lax'yip. Ils les ont construites au moyen des fonds octroyés par le ministère fédéral des Pêches et des Océans. Nous les avons avertis encore une fois qu'ils empiétaient sur notre territoire, et leur avons conseillé de partir. Nous avons invoqué l'ayookw, qui est la loi des Gitxsans. Nous avons démoli les cabines qui avaient été construites illégalement sur notre territoire.

Le gouvernement du Canada et celui de la Colombie-Britannique continuent, à tort, de travailler avec les Nisga'as et de violer notre droit de propriété, car nous savons maintenant que l'entente définitive des Nisga'as englobe une île située à l'intérieur du territoire de Delgamuukw, qui a été concédée aux Nisga'as en fief simple. Cette île se trouve à courte distance de nos cabines, et à une soixantaine de milles de leur territoire central.

• 1005

Je tiens à dire que, même si le Parlement entérine le Traité nishga, les Nisga'as n'empiéteront jamais plus sur nos terres. Et j'insiste là-dessus. La question est grave.

Nous ne pouvons pas leur permettre d'avoir accès à notre lax'yip. Le Canada et la Colombie-Britannique savent que la Cour suprême du Canada a précisé, dans l'arrêt Delgamuukw rendu en 1997, que les autres nations qui ont un intérêt dans le territoire revendiqué devraient également participer aux négociations de traités.

Cela veut donc dire que les Gitxsans doivent prendre part aux négociations avec les Nisga'as, du moins pour ce qui est des territoires et des ressources de la Nation gitxsan.

Nos représentants, en 1996, ont exposé les mêmes préoccupations au sujet du Traité nishga au Comité permanent des affaires autochtones de la Colombie-Britannique. Dans son rapport final déposé en juillet 1997, le comité a recommandé que la question du chevauchement des territoires entre les Premières nations, malgré tous les efforts déployés par celles-ci pour solutionner le problème, soit confiée à la Commission d'étude des traités de la Colombie-Britannique. Il a également recommandé qu'un mécanisme de médiation et d'arbitrage soit prévu dans le processus de règlement des conflits.

Nous avons formellement demandé, à plusieurs reprises, que les Nisga'as et le gouvernement provincial ou fédéral nomment un médiateur pour régler la question. Les dirigeants des Nisga'as ont refusé d'avoir recours à la médiation.

Comme je l'ai déjà mentionné, la Cour suprême a reconnu, dans l'arrêt Delgamuukw, le processus que nous avons utilisé pour faire reconnaître notre titre aborigène. Elle a précisé, et je cite, que «le titre aborigène comprend le droit exclusif d'utiliser et d'occuper des terres, c'est-à-dire de le faire à l'exclusion des non-Autochtones et des membres d'autres nations autochtones.»

La Cour a ajouté ce qui suit: «Par conséquent, peut-être serait-il souhaitable que ces autres nations autochtones interviennent dans une nouvelle instance». Le même principe s'applique manifestement aux négociations de traités.

Nonobstant les violations du droit de propriété que je viens de mentionner, nous estimons que les gouvernements fédéral et provincial ont négligé d'exercer une diligence raisonnable et de remplir leur obligation fiduciaire à notre égard, les Gitxsans, en accordant aux Nisga'as la gestion de terres et de ressources se trouvant sur notre lax'yip.

Par ailleurs, nous estimons que la province commet ici une violation, et qu'elle n'a pas le droit d'allouer des terres et des ressources aux Nisga'as dans notre lax'yip. Néanmoins, si l'entente nishga devient loi, alors la province aura transféré cette violation de notre droit de propriété aux Nisga'as.

Nous convenons que les Nisga'as devraient conclure un traité. Nous convenons que les efforts déployés depuis des siècles par les Nisga'as pour régler leurs revendications territoriales devraient être reconnus. Toutefois, nous n'avons pas le droit de créer une nouvelle injustice dans ce processus.

• 1010

Cela fait plus de 100 ans que nous essayons nous aussi d'obtenir justice à l'égard de notre territoire. Il n'est donc pas irréaliste de demander qu'on prenne un peu plus de temps, peut-être six mois, pour régler cette question de chevauchement.

Il existe une foule de renseignements dans des ouvrages comme Tribal Boundaries in the Nass Watershed, publié en 1998, et dans le chapitre sur les revendications contradictoires, qui figure dans le rapport B.C. Studies, volume 120, 1998-1999, qui vous permettront de mieux saisir les enjeux.

Votre comité doit et devrait prendre le temps d'examiner à fond les questions que nous avons soulevées. Nous sommes prêts à collaborer avec vous pour faire en sorte que le travail se fasse de manière efficace et avec célérité. Nous répondrons maintenant volontiers à vos questions.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup pour votre exposé.

Nous allons commencer notre premier tour de table. Nous allons d'abord allouer cinq minutes aux partis de l'opposition. Ces cinq minutes, mesdames et messieurs, englobent les questions et réponses. Les députés du parti ministériel poseront ensuite leurs questions, après quoi nous alternerons entre les partis, toujours pour des périodes de cinq minutes, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de questions ou que le temps soit écoulé.

Je compte m'en tenir au temps attribué pour que les intervenants puissent enchaîner leurs questions. Cela nous permettra d'avoir des échanges intéressants.

Monsieur Scott, vous pourriez peut-être commencer.

M. Mike Scott: Merci, madame la présidente.

Merci, chef Muldon, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui pour nous exposer vos préoccupations. J'aimerais savoir, de façon précise, ce que vous voulez que le comité recommande au Parlement par suite des audiences que nous menons actuellement en Colombie-Britannique. Nous allons être invités à proposer des amendements au projet de loi et à en faire rapport au Parlement. Que souhaitez-vous que l'on recommande par suite de cette réunion aujourd'hui?

Le chef Jim Angus: Mesdames et messieurs, nous sommes accompagnés des chefs Elmer Derrick, George Muldow et Gordon Sebastien, qui peuvent répondre aux questions techniques. J'aimerais demander à Gordon Sebastian de répondre à la question de M. Scott.

Gordon, allez-y.

M. Gordon Sebastian (membre de la Nation xsimwitziin): Merci d'avoir posé cette question, monsieur Scott.

Nous aimerions que l'on modifie le projet de loi de manière à exclure de l'application de la loi la partie des territoires revendiqués par les deux groupes. Comme l'a mentionné M. Delgamuukw, la province se trouve à transférer aux Nisga'as les violations du droit de propriété qu'elle commet. Nous estimons que le projet de loi constitue une violation du droit de propriété du territoire gitxsan. Si le gouvernement adopte ce projet de loi, il devra composer avec le fait que cette mesure législative équivaut à une violation, par la province, de notre droit de propriété. Nous demandons que le comité recommande que les territoires revendiqués par les deux groupes soient exclus de l'application de la loi, et ce, tant que les préoccupations de M. Delgamuukw n'auront pas été réglées. Merci.

M. Mike Scott: Merci.

Il me semble avoir entendu le chef Muldon dire dans son exposé qu'il aimerait voir la ratification de ce traité reportée d'aussi peu que six mois, je crois, pour donner à tous les intéressés la possibilité d'essayer de résoudre le problème du chevauchement. Est-ce que c'est bien le but de votre recommandation, qu'entre-temps, vous voudriez qu'un amendement du genre de celui que M. Sebastian a proposé soit incorporé au traité? Est-ce que c'est vraiment ce que vous voulez?

• 1015

Le chef Earl Muldon: Oui, c'est ce que j'aimerais. Ça nous laisserait un peu de temps pour examiner la question. Jusqu'à maintenant, elle a généralement été négligée par les Nisga'as, la province et le gouvernement fédéral. J'aimerais qu'on nous laisse un peu de temps pour que nous puissions dire notre pensée sur ce qui se passe, à propos de l'Accord définitif nishga.

Merci.

M. Mike Scott: Avez-vous rencontré les dirigeants des Nisga'as? Je sais que vous en avez parlé un peu, mais pourriez-vous donner au comité plus de précisions? Avez-vous rencontré les dirigeants des Nisga'as au cours des quatre ou cinq dernières années pour essayer de résoudre ce problème? Qu'est ce qui est ressorti de ces réunions?

Le chef Earl Muldon: En fait, périodiquement, comme vous pouvez le comprendre, le chef de Delgamuukw, mon oncle Albert, mon frère Ken et moi-même avons rencontré Delgamuukw. En quinze ans, nous avons essayé à maintes reprises de nous asseoir à la table pour discuter du chevauchement, mais ça n'a jamais pu se faire.

[Français]

La présidente: Monsieur Bachand, s'il vous plaît.

M. Claude Bachand: Premièrement, j'aimerais vous dire que mes collègues du Bloc québécois et mes autres collègues ont bien apprécié la cérémonie de bienvenue que vous nous avez présentée. À titre de critique aux Affaires indiennes, j'ai souvent assisté à des cérémonies de bienvenue. Je dois vous dire que votre présentation et surtout votre habillement très coloré nous ont profondément touchés. Nous sommes très heureux d'être en territoire gitxsan aujourd'hui.

J'ai deux demandes à formuler. Premièrement, il y a ici des gens du ministère des Affaires indiennes. Bien évidemment, quand je reviendrai à Ottawa, je demanderai à ces gens de nous présenter une autre carte que celle qui est devant nous aujourd'hui. Je pense qu'il y a moyen de faire une carte comprenant le territoire nisga'a où il soit possible de voir où est le fameux overlap, le chevauchement de territoires. Je pense que vous n'êtes pas les seuls dans ce cas-là parce que les Gitanyows, qui seront ici aujourd'hui, ont aussi un problème à cet égard

Monsieur Muldon, pourriez-vous envoyer quelqu'un à la carte pour m'indiquer dans quel coin se trouve le chevauchement de territoires? Quand je reviendrai à Ottawa, je vais demander au ministère de venir nous expliquer ce chevauchement et surtout de nous présenter une carte qui l'explique. Pouvez-vous me le montrer rapidement?

[Traduction]

Le chef Elmer Derrick (négociateur, Nation gitxsan): C'est ici, la région dont il a parlé. Il a mentionné la rivière Gwinageese, qui est à une soixantaine de milles de leur zone centrale. Le lac Meziadin est ici. Je ne prendrai pas tellement de votre temps. Tout le territoire gitanyow commence à peu près là. Je pourrai vous donner plus de détails après.

• 1020

[Français]

M. Claude Bachand: Je veux faire le point avec vous et vous pourrez me répondre plus tard. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de l'entente, mais à la page 25 de ce document, il y a une disposition qui précise ce qui doit se produire lorsqu'il y a un problème avec d'autres peuples autochtones. J'attire votre attention sur l'article 34 de cette entente qui stipule que, si une cour supérieure d'une province, la Cour fédérale ou la Cour suprême du Canada statue, deux choses peuvent se produire. On attend actuellement des jugements de la cour, car vous nous avez dit que vous étiez en cour. Donc, deux choses peuvent se produire. Premièrement, la disposition peut être opérante, à savoir qu'on peut quand même procéder dans la mesure où cela n'a pas d'effets négatifs. Mais je crois comprendre que dans ce cas-ci, il y aura des effets négatifs. Si cela a des effets négatifs, la disposition est inopérante, et on va faire de notre mieux pour modifier l'accord. Si une cour vous donne raison et que cela a des effets négatifs sur vous, vous devez tenter de modifier l'accord. Pensez-vous qu'une telle démarche serait inutile ou si, au contraire, vous seriez prêts à l'entreprendre pour tenter d'en arriver à une entente avec vos voisins nisga'as?

[Traduction]

La présidente: Chef Jim Angus, vous avez la parole.

Le chef Jim Angus: Merci, d'avoir posé cette question.

Je dois dire, et peut-être que Gordie a vu la page 25 de l'accord, où on traite des terres en question, que ce que j'aimerais, c'est que nous n'attendions pas l'entrée en vigueur de cette clause de la page 25 pour régler la question particulière du chevauchement.

Je crois que ce comité, s'il le veut, peut faire des changements ou s'organiser pour régler la question de cette région particulière avant la signature de l'accord. Il faudrait peut-être faire un amendement à l'accord, et la petite partie qui traite du chevauchement pourrait être mise de côté. Il faudrait l'amender ou la formuler de manière à ce qu'on puisse régler la question à part au lieu qu'elle soit partie intégrante de l'accord tel qu'il est aujourd'hui. Nos chefs y tiennent très fermement. Si vous avez écouté Delgamuukw, il a dit qu'aucune violation du droit de propriété ne sera tolérée. Je ne voudrais pas en arriver à un point où nous aurions affaire à des gens qui pénètrent sur notre lax'yip. À mon avis, quand on envisage une loi, il y a moyen de faire en sorte de régler la question très rapidement, pour que des problèmes ne surviennent pas entre nos nations, avec nos frères, les Nisga'as.

Nous avons très clairement dit dans la déclaration Delgamuukw que nous voulons que l'accord soit passé. Nous appuyons leurs démarches, mais nous ne sommes pas d'accord sur la question du chevauchement. C'est un territoire gitxsan. L'adaawk est avec nous, ce territoire a notre histoire, et il faut absolument trouver une solution. À mon avis, il est un peu trop tard pour appliquer la clause de la page 25 de l'accord.

La présidente: Madame Hardy, vous pouvez parler.

Mme Louise Hardy: Vous avez dit être d'accord avec le processus du traité parce qu'il sera avantageux pour tous les intéressés. Je sais qu'il y a eu beaucoup de traités, particulièrement dans ma région où les compétences se chevauchent. Si votre traité avait été le premier, et que vous aviez pu revendiquer ce territoire, ce que, de toute évidence, les Nisga'as font aussi, auriez-vous voulu que la conclusion de votre traité soit suspendue pour permettre de régler cela, alors que le traité prévoit des dispositions à propos du chevauchement? Je trouve un peu inquiétant qu'on ne puisse pas aller de l'avant avec les traités si toutes les dispositions ne conviennent pas à tout le monde. Le processus de conclusion des traités sera encore ralenti.

La présidente: Chef Angus.

Le chef Jim Angus: Je disais tout à l'heure que nous appuyons le processus, que nous appuyons les Nisga'as en ce qui concerne leur accord. À notre avis, ils peuvent bien vouloir ce qu'ils veulent. Ça peut ne pas refléter notre mode de pensée, à nous, le peuple gitxsan. L'accord que nous envisageons est très différent de celui des Nisga'as.

• 1025

Il me semble que le processus pourrait être tel que les Nisga'as pourraient avoir leur accord, mais que la question du chevauchement serait mise de côté pendant un moment pour qu'on puisse prendre le temps de la régler. Nous ne voulons pas empêcher la conclusion de l'accord Nisga'a, mais on pourrait s'arranger pour traiter de cette question en particulier plus tard. Il faut mettre un processus sur pied, parce que si vous avez entendu ce qu'a dit Delgamuukw plus tôt... [Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle] Et ce ne sont que quelques-uns des gens dont les terres et territoires font partie du territoire revendiqué par les Nisga'as. Il faut régler cette question de frontière. Nous sommes convaincus qu'il y a des solutions et des moyens de le faire, tout en allant de l'avant avec l'accord, qui concerne la plus grande partie de nos territoires. Il suffit de laisser ces questions particulières de côté. Cet accord pourrait être amendé de manière à permettre un accord auxiliaire, en particulier pour traiter de la question du chevauchement plus tard.

La présidente: Merci.

Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Merci, madame la présidente.

J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue à la délégation gitxsane au comité. C'est un plaisir que d'être en Colombie-Britannique.

Je devrais préciser que je suis porte-parole du Parti progressiste conservateur sur les Affaires indiennes et le développement du Nord et sur les ressources naturelles.

J'avais écrit une lettre au ministre, il y a quelque temps, à propos du chevauchement du territoire gitxsan, et le ministre m'a répondu qu'il faudrait nous adresser à la Commission d'étude des traités de la Colombie-Britannique et qu'un processus existait déjà pour traiter de la question. S'il y avait des revendications particulières qui ne pouvaient être réglées, le traité protégeait tout de même les droits des Autochtones d'autres bandes.

Je ne suis pas tout à fait sûr d'être satisfait de la réponse; je ne fais que vous la dire. Vous aviez mentionné la possibilité d'une espèce d'arbitrage exécutoire, alors, la question que j'ai à vous poser est si vous alliez en arbitrage exécutoire avec un négociateur, que les Nisga'as et votre nation négociaient, ensemble, accepteriez-vous la décision définitive même si elle n'était pas en votre faveur?

Le chef Jim Angus: Je demanderai au chef Gordon Sebastian de répondre à cette question. C'est une bonne question.

M. Gordon Sebastian: Merci.

Nous avons un processus d'arbitrage et nous pouvons démontrer que le territoire appartient aux Gitxsans depuis plus de 10 000 ans. Vous pourriez alors nous croire et comprendre notre position relativement au lien traditionnel des Gitxsans avec la terre, et vous comprendrez que la raison pour laquelle les Nisga'as n'ont jamais voulu rencontrer Delgamuukw est qu'ils n'ont peut-être pas le même lien. Vous pourrez comprendre clairement le lien de Delgamuukw avec ces terres. Nous sommes certainement favorables à toute sorte d'arbitrage, comme Delgamuukw l'a dit. Les Nisga'as n'ont jamais négocié avec nous, bien que nous ayons tenté de le faire à de nombreuses reprises selon notre ayookw. Nous les avons invités à nos assemblées gitxsanes, et ils ne sont jamais venus.

Merci.

M. Gerald Keddy: J'ai une autre question à poser.

Les terres en question sont des terres de catégorie B, hors des terres de la catégorie A. Il existe un processus de titre en fief simple, mais c'est un processus différent, un différent mode de catégorisation des terres de catégorie A. Quelle est l'étendue totale du territoire? Je regarde la carte, et elle ne me semble pas le définir clairement. Est-ce que c'est quelques kilomètres carrés?

M. Gordon Sebastian: Les terres occupées à titre de propriété libre par les Nisga'as ne sont pas aussi vastes, mais en ce qui concerne les terres de Delgamuukw, le lax'yip couvre une région très vaste.

M. Gerald Keddy: Je comprends cela. J'essaie seulement de délimiter la part de territoire que les Nisga'as réclament qui se trouve à l'intérieur de ce que vous reconnaissez comme vos frontières tribales.

M. Gordon Sebastian: À ce que je sache, c'est quelques centaines d'acres.

M. Gerald Keddy: D'accord.

M. Gordon Sebastian: Pour ce qui est du territoire lui-même, cela ferait une différence dans la part de ressources et de territoires laissés aux Nisga'as s'il s'agit de terres prises d'un autre groupe, et non de la province.

• 1030

La présidente: Madame Karetak-Lindell, vous avez la parole.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

Êtes-vous en train de négocier les revendications territoriales aussi, en ce moment? Est-ce que dans votre revendication, vous avez déjà délimité des territoires?

Le chef Jim Angus: Nous n'avons pas saisi la question. Désolé.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Êtes-vous actuellement en train de conclure un accord sur une revendication territoriale, ou avez-vous déposé une revendication territoriale pour protéger vos terres? Et avez-vous délimité ces terres au sein de votre groupe à cette fin?

Le chef Jim Angus: Oui. Comme nous le disions plus tôt, l'affaire Delgamuukw est très célèbre. Nous avons passé trois années dans le système judiciaire provincial et le juge McEachern a finalement pris une décision qui, fondamentalement, rejetait notre revendication. Il y a eu une audience à la Cour suprême de la Colombie-Britannique qui a fait bouger les choses au sujet de ce que nous revendiquions, puis nous sommes allés jusqu'à la Cour suprême du Canada. La Cour suprême en a traité plus amplement, et nous avons obtenu ainsi une bonne part de notre titre.

Gordon saura mieux vous parler de la question du titre et de la manière dont la Cour suprême du Canada a réglé une revendication, mais il existe des cartes. Vous n'avez qu'à voir le la lutte de trois ans que nous avons mené dans le système judiciaire provincial; un nombre phénoménal de chefs sont venus devant les tribunaux et ont effectivement parlé de l'adaawk.

Si vous vous rappelez ce que je disais plus tôt, adaawk est l'histoire de ce que nous sommes, le simogit, le nom du chef, comment il a été trouvé, le nom de ce chef particulier et son lien avec le territoire ou lax'yip, comme nous l'appelons. Et bien sûr, oui, nous avons effectivement une revendication qui est très, très bien définie et qui est entre les mains des tribunaux.

Nous avons aussi négocié un traité pendant deux ans, et la négociation a échoué à cause de diverses positions que nous défendions. La province s'est retirée, et aussi le gouvernement fédéral. Donc oui, nous avons une revendication, et elle est très bien définie.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Mais ces territoires ont été désignés spécifiquement, quelle parcelle de la Colombie-Britannique vous revendiquez?

Le chef Jim Angus: Oui.

Mme Nancy Karetak-Lindell: D'accord.

La question suivante que j'ai à poser c'est, alors, que je ne peux pas voir comment un groupe des Premières nations peut revendiquer un territoire sans avoir de droits sur ce territoire. Je n'ai pas eu l'occasion de poser la question aux Nisga'as, mais quelles raisons donnent-ils pour revendiquer aussi ce territoire comme le leur? Ils doivent bien avoir des droits dessus, et quelque explication pour vouloir le désigner dans leur traité?

Deuxièmement, est-ce qu'il y a la moindre possibilité d'un usage conjoint de ce territoire? Plus tôt, vous avez parlé d'intrusion, et de nos jours, ce terme signifie que si la terre appartient à quelqu'un, personne ne peut s'y introduire.

Le chef Jim Angus: Je vous remercie de poser la question.

Je crois que nous devons réfléchir au fait que dans l'affaire Calder, par exemple, les Nisga'as ont fait un exposé à propos de leurs frontières. Puis, si vous examinez les différentes causes qui lui ont succédé, les Nisga'as y ont fait des présentations, et leurs frontières changeaient chaque fois. Autant que nous sachions, il y a eu au moins trois changements à partir du moment où ils ont commencé et encore au moins deux de plus après l'affaire Calder.

Pour ce qui est du partage des terres, nous avons essayé. Notre peuple a essayé de rencontrer les Nisga'as pour faire des comparaisons. En fait, nous sommes même allés à l'une des réunions, à laquelle j'étais présent, et alors les membres de notre peuple, un à un, au bord des frontières qui relient les territoires, particulièrement les régions où il y a chevauchement, ont parlé de notre adaawk. Notre simogit a parlé de l'histoire du territoire.

• 1035

Je disais plus tôt, puisque nous parlons histoire, que simogit Delgamuukw porte le nom Delgamuukw. L'adaawk raconte d'où s'inspire le nom de Delgamuukw et celui de la maison Delgamuukw. L'adaawk dit pourquoi Delgamuukw a la propriété de son territoire et compétence sur celui-ci, et il y a un récit qui dit comment ces territoires sont devenus la propriété de Delgamuukw et comment il a obtenu compétence sur eux.

C'est cela que nous avons exposé aux tribunaux. Si vous allez voir les documents qu'ont conservés les tribunaux, particulièrement sur ces trois années, vous y trouverez une explication très détaillée et exhaustive de notre adaawk—c'est exposé là-dedans—l'explication qu'a donnée chacun de nos chefs. Vous prenez cela, ce que les Gitxsans ont présenté aux tribunaux, et avec tout le respect dû aux Nisga'as, allez voir leur adaawk, de quoi ça a l'air. C'est ce que disait Gordon Sebastian tout à l'heure. Je suis convaincu que si vous réfléchissez vraiment aux détails de notre présentation sur le comment et le pourquoi de notre revendication territoriale... Et, en passant, nous ne revendiquons pas la terre; c'est notre terre, il n'y a pas le moindre doute là-dessus. Nous étions ici, elle nous appartenait, elle nous appartient toujours et elle nous appartiendra encore dans 50 ans.

Lorsque nous siégeons dans le cadre de célébrations, nous avons, dans la salle des fêtes, des activités qui se rapporte au gouvernement du peuple gitxsan; le gouvernement des Gitxsans se fait selon un système de célébrations. Les chefs sont là pour avaliser diverses activités, des changements de nom, des modifications de compétence territoriale, etc., et c'est cela, notre identité. Nous avions un gouvernement avant la venue des blancs, nous avons encore notre gouvernement, et nous aurons notre gouvernement pendant encore longtemps.

Les commentaires de nos chefs, lorsque nous étions en procès... Nous ne devons notre existence aux lois d'aucun gouvernement. Nous existons grâce à ce que nous sommes.

J'espère avoir répondu à vos questions.

La présidente: Merci. Monsieur Gouk, c'est à vous.

M. Jim Gouk: Nous avons soulevé la question du conflit sur le territoire et du chevauchement, et du potentiel de poursuites judiciaires qui en traitent, et les commentaires généraux que nous avons reçus d'autres parties est que ce n'est pas un problème bien grave parce que les tribunaux régleront cela et que c'est dans le traité. Pourtant, je vous ai entendu dire aujourd'hui qu'il y aura des conséquences à la violation du droit de propriété, et je peux comprendre qu'il soit inquiétant d'entendre un groupe dire «vous pouvez bien prendre nos terres, nous ferons tout pour les reprendre». Je peux comprendre l'inquiétude que cela suscite.

Donc, lorsque vous dites qu'il y aura des conséquences à la violation du droit de propriété, que d'autres peuvent penser que ces conséquences seront sous forme de poursuites en justice et qu'ils sont prêts à l'accepter, avez-vous d'autres définitions de conséquences à l'intrusion qu'une simple poursuite en justice?

Le chef Earl Muldon: Comme je l'expliquais, il y a quelque chose qui manque vraiment ici, tant du côté du gouvernement fédéral que de celui du gouvernement provincial. Il y a un manque de considération, puisqu'ils ne regardent même nos lois anciennes relativement à ce territoire. En fait, ce qui est arrivé ici c'est que les nouveaux venus sur le territoire ont appliqué la loi anglaise dans toute son ampleur, sans reconnaître les lois de la terre ou même rien vouloir entendre à leur sujet. C'est un peu difficile; notre système existait déjà bien avant l'établissement des nouveaux venus sur nos terres.

Je souhaite tout simplement qu'ils examinent notre loi, qu'ils en étudient la nature et les applications car ce qui s'est passé jusqu'à maintenant, c'est que la législation relative à la propriété foncière nous a simplement été imposée. Ce n'est pas ainsi que nous considérons nos terres. Je pense qu'on devrait être à l'écoute pour savoir comment les Autochtones ont appliqué leurs lois au territoire sur lequel ils ont vécu.

Merci.

• 1040

M. Jim Gouk: Je n'en disconviens pas. Ces questions devraient être résolues et ce, avant la conclusion d'un traité. À mon avis, la grande erreur du processus des traités, c'est que toute la population visée, particulièrement dans une région où il peut exister un chevauchement comme celui-là, s'il n'y a pas d'entente... autrement, si on tente de remédier à un tort subi par un groupe, on en inflige un autre à un autre groupe, et rien n'est résolu.

Voici ce que je veux savoir, et j'espère que vous pourrez répondre. La plupart des gens estiment que le chevauchement n'est pas un véritable problème, que ce n'est pas une raison suffisante pour freiner ou ralentir la mise en oeuvre de l'entente avec les Nisga'as puisqu'un tribunal sera chargé de trancher. Vous allez présenter une revendication qu'un tribunal examinera. Cependant, vous dites qu'il y aura des conséquences précises en cas de violation du droit de propriété. Lorsque vous nous avez relaté aujourd'hui une partie de votre histoire récente, vous avez mentionné certaines mesures que vous avez prises en cas de violation du droit de propriété. Je pense qu'il est important que le comité comprenne les conséquences de la mise en oeuvre du traité sans que cette question soit réglée. Cela se résume-t-il à des poursuites devant les tribunaux? Ou y a-t-il d'autres mesures que vous entendez prendre pour protéger les terres qui, selon vous, vous appartiennent?

La présidente: Chef Angus.

Le chef Jim Angus: C'est une très bonne question. Notre ayookw est énoncé de telle façon que les terres de Delgamuukw appartiennent à Delgamuuk et qu'aucun autre chef n'y a droit de passage. Il existe un processus relatif à notre ayookw, nos lois en tant que peuple gitxsan. Cela nous confère un droit de passage sur les terres Delgamuukw. Je recevrai sans doute deux avertissements. La troisième fois, il n'y aura pas d'avertissement. Des mesures très concrètes seront prises.

Pour ce qui est du processus de traité et du Traité nishga, s'il s'agit d'une entente finale, il a été établi clairement pour votre gouverne, honorables députés, qu'en signant cette entente à titre définitif pour le peuple nishga, vous cédiez un droit de passage aux Nisga'as qui portent ainsi atteinte à notre territoire, notre lax'yip.

Nous avons sérieusement discuté de ce qui se passerait en pareil cas. Nous sommes ici aujourd'hui pour essayer de vous persuader qu'il faut prendre des moyens de résoudre le problème du chevauchement, par le biais d'une modification ou d'une disposition spéciale qui pourrait être ajoutée à l'entente à une date ultérieure au besoin.

Si vous signez cette entente, elle devient loi, partie intégrante de la législation de la province et du gouvernement fédéral, elle portera atteinte à notre titre de propriété et à notre compétence en tant qu'Autochtones. Si cela devait se produire—et je dis bien «si»—, nous réagirons, sans doute en faisant appel aux tribunaux. Selon notre perspective, ce sera un gaspillage énorme de ressources que d'être obligé de procéder de cette façon pour corriger un problème comme celui-là une fois l'entente devenue loi. Nous pensons qu'il faut régler dès maintenant le problème du chevauchement.

Nous ne nous opposons pas à la signature d'une entente avec les Nisga'as, mais nous recommandons d'y soustraire les terres qui font l'objet d'un chevauchement et de régler le problème. On peut ajouter une disposition à l'entente à une date ultérieure.

La présidente: Monsieur Gouk, votre temps de parole est écoulé.

Monsieur Iftody.

M. David Iftody: Je vous remercie beaucoup de votre exposé, chefs et membres.

Madame la présidente, je reconnais certains visages autour de la table. J'ai déjà rencontré certains des témoins à Ottawa précédemment pour discuter de cette question en particulier.

• 1045

Je voudrais poser une question au chef Angus, avec votre permission. Le territoire en litige que vous avez circonscrit il y a quelques instants figure dans le coin supérieur droit de la carte. Pour ceux qui peuvent le voir, il y a là un petit triangle. Vous avez mentionné un lac, si je ne m'abuse. C'est l'un des aspects les plus controversés. D'après la carte, la superficie litigieuse est sans doute d'un ou deux kilomètres carrés. C'est la première chose que je voulais dire.

La deuxième, c'est qu'au cours d'un processus négocié, et cela a été le cas pour le processus de négociation avec les Nisga'as, il y a toujours des compromis. C'est toujours donnant donnant. Nous avons entendu hier le témoignage d'un dénommé Barton qui s'est plaint amèrement. Il est allé en justice deux reprises, devant un tribunal de première instance et ensuite devant un tribunal d'appel, pour contester le Traité nishga. Il estime que ses droits, en tant que membre de cette collectivité, ont été violés parce que les Nisga'as ont accepté de signer une entente représentant 8 p. 100 de leur territoire traditionnel. D'après lui, c'était en quelque sorte une trahison, pour reprendre ses propres termes.

Mais de toute évidence, les Nisga'as ont commencé à négocier avec une liste comportant le territoire intégral et ont fini par en accepter 8 p. 100 à la suite d'un processus laborieux de trois ans qui a donné lieu à des compromis de part et d'autre. Ils ont accepté ce qui leur a semblé un règlement très honorable—avec un certain soulagement.

D'après les positions adoptées par vos groupes, je suis enclin à croire que vous souhaitez toujours réaliser la totalité de vos souhaits. Autrement dit, si je compare votre position—et je dois dire en passant que je la respecte personnellement profondément—avec celle des Nisga'as, j'ai du mal à la concilier avec la notion d'équité. Si ce territoire est restreint et que les Nisga'as ont réduit le leur... D'ailleurs, ces derniers n'ont pas compétence administrative sur la superficie que vous avez montrée.

S'ils ont réduit leurs attentes à 8 p. 100 et que pour votre part, vous ne voulez pas bouger de votre position de négociation de départ... Ne pensez-vous pas que des frères et soeurs des Premières nations pourraient négocier une entente raisonnable, pacifique et amicale et qu'il ne serait pas nécessaire de parler de violation du droit de propriété et ainsi de suite? Je sais qu'avec votre propre peuple, vous trouvez difficile même de parler de cela publiquement.

C'est ainsi que je raisonne. Pour cette parcelle de terre, là-haut, vous voulez stopper tout le processus de traité. En vertu des principes de justice et d'équité, je vous demanderais, monsieur, d'expliquer au comité comment vous pouvez justifier cela. Peut-être pourriez-vous répondre à ces questions, chef Angus.

Le chef Jim Angus: Merci beaucoup de la question. Je l'ai déjà dit auparavant: nous ne voulons pas stopper le Traité nishga. Cela n'a jamais été notre intention. Ce qui nous intéresse particulièrement, c'est le territoire chevauchant. Depuis 15 ans et même plus, nous avons essayé de négocier avec les Nisga'as. Voici quelle a été notre démarche dès le début. En ce qui concerne le traité, nous avons dit que le processus de traité ne devait pas dérailler et que le problème du territoire chevauchant était une question interne qui devait être réglée non pas par le gouvernement, mais pas les peuples des Premières nations. Nous sommes toujours de cet avis. Il n'appartient pas au gouvernement de s'immiscer dans cette affaire et de faire don de terres Delgamuukw aux Nisga'as. C'est impensable. Nous affirmons que ce territoire nous appartient.

L'autre facteur qui a façonné nos négociations à la table du traité a toujours été la coexistence. Il s'agit de définir jusqu'où nous sommes prêts à aller pour assurer le respect de ce droit de propriété et de cette compétence et partager les terres concernées.

• 1050

À ce stade-ci, nous ne sommes pas en mesure d'affirmer que nous sommes disposés à partager. Le territoire en question ne représente peut-être que 2 kilomètres carrés, mais il appartient à notre peuple et nous pensons que nous aurions dû être là lorsque le Traité nishga a été négocié. Lorsqu'il a été question des terres appartenant au peuple gitxsan, nous aurions dû être assis à la table de négociation.

Sur ce, je demanderais à Gordon Sebastian d'ajouter quelques commentaires.

M. Gordon Sebastian: Il faut comprendre qu'il n'y a jamais eu de revendication à l'égard des territoires chevauchants avant que les Nisga'as ne rendent publique la deuxième carte. Au tout début, lorsqu'ils se sont d'abord présentés à Victoria et à Ottawa, il n'était question que de terres nishgas. Nous ne savons pas pourquoi ils ont décidé de s'étendre en territoire gitxsan, mais comme vous le savez, nous jouissons de liens anciens avec ces terres, ce qui vous a été expliqué clairement aujourd'hui.

La décision delgamuukw de la Cour suprême du Canada établit un processus visant à reconnaître ces liens anciens. Voilà pourquoi cette décision particulière est demeurée hors du contexte du dossier nishga. Ces arguments ont été présentés par les Gitxsans, et la décision s'applique sans contredit à la position gitxsane. Il est impensable que les Gitxsans perdent une partie de leur territoire parce que le gouvernement a choisi certaines terres ou les a données. Par conséquent, vous êtes coincés avec les Gitxsans et la ayookw, la loi gitxsane, et la décision delgamuukw.

M. David Iftody: Merci.

Ce que je crois constater, en l'occurrence, c'est que nous nous éloignons du sujet en litige, en ce sens qu'il s'agit uniquement d'un ou deux kilomètres carrés. Je crois comprendre, d'après ce que vous venez de dire au comité, que ce n'est pas uniquement la superficie en question qui fait problème, mais le fait de ne pas avoir été inclus dans les discussions. Vous avez l'impression qu'on vous a manqué de respect et vous êtes blessés, d'une certaine façon. Est-ce là votre message?

Voici ce que je voudrais vous dire, monsieur. Compte tenu du contexte général, je pense que si vous mettiez en veilleuse vos poursuites judiciaires pour vous asseoir avec les parties concernées pour négocier une entente, cela pourrait sans doute se réaliser assez facilement, vu le caractère restreint de la superficie en litige. Ce dossier ne devrait pas être le premier d'une série de sujets de discorde entre les deux Premières nations.

M. Gordon Sebastian: Non, nous ne sommes pas blessés. Ce que vous faites, c'est essayer d'utiliser une terre qui appartient au peuple gitxsan depuis au moins 10 000 ans. Une terre où nous avons enterré nos morts. Notre sang coule dans cette terre.

Vous ne blessez pas nos sentiments. Ce que vous faites, c'est ignorer les Gitxsans. C'est ce que vous faites.

Les Gitxsans ont eu recours à de nombreuses stratégies pour faire comprendre à la population de quelle façon ils sont liés à cette terre, et ils ont constamment été ignorés. Il est malheureux que vous pensiez que nous soyons blessés. Si c'est le cas, il nous faudra simplement nous asseoir ensemble pour que nous puissions vous faire comprendre quels sont les liens qui nous unissent à cette terre. Ainsi, vous pourrez prendre conscience de toute l'importance que revêt ce droit de propriété pour les Gitxsans et aussi les Nisga'as. Ils savent ce qu'ils ont fait. Votre gouvernement sait aussi ce qu'ils ont fait. Les Gitxsans vous disent maintenant que leur seuil de tolérance sera très bas.

La présidente: C'est la fin du premier tour de table.

[Français]

Monsieur Bachand, c'est maintenant à vous.

• 1055

M. Claude Bachand: Madame la présidente, si vous me le permettez, je vais corriger une affirmation de mon collègue Gouk. Il disait que les autres partis semblaient dire que ce n'était pas grave et que les cours allaient régler cela. Je dois dire que le Bloc québécois ne croit pas beaucoup au règlement de différends par les cours. Nous en avons d'ailleurs parlé pas plus tard qu'hier. Nous sommes des partisans de la négociation.

Je voulais aussi dire à M. Angus que je comprends la grande importance qu'il attache à l'appartenance à sa terre. Je vais vous raconter un fait cocasse. Lorsque j'avais été nommé critique aux Affaires indiennes, j'étais allé voir la nation mohawk, une des nations les plus fières au Canada, et j'avais dit à ces gens que nous étions prêts à leur redonner les terres qu'on leur avait prises. Ils nous avaient répondu: «Nous ne voulons pas ravoir ces terres; elles ont toujours été à nous.» Je sais que vous avez un attachement fondamental à la terre et je suis capable de suivre votre raisonnement à cet égard.

Maintenant, avant que vous ne passiez à l'action directe—c'est le terme que vous avec employé—, je dois vous dire que nous croyons profondément à la négociation. Il faut aller au bout de la négociation et, selon moi, on n'est pas encore allé au bout de la négociation. Nous sommes heureux que les Nisga'as puissent avoir un traité historique et nous sommes heureux de participer à cela, mais il faut que cela se fasse dans la justice pour tout le monde. On sent ici qu'il y a un problème. Et nous entendrons parler d'un autre problème cet après-midi, quand nous rencontrerons la nation dont j'ai parlé, les Gitanyows.

Il y a trois façons de procéder. Le comité peut s'imposer et dire qu'il ne veut pas que le gouvernement procède à l'adoption de la loi tant que cela ne sera pas réglé. Il nous serait très difficile de le faire, mais ce serait faisable, j'en conviens. Nous pouvons aussi exercer des pressions auprès du gouvernement fédéral pour qu'il procède à une médiation à l'aide de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Cela, vous l'avez demandé et, si j'ai bien compris, ce sont les Nisga'as qui s'y refusent. Enfin, il y a possibilité de négociation pour la mise en oeuvre du traité. À cet égard, ce qui est intéressant, c'est qu'on dit que la mise en oeuvre du traité, une fois qu'il est signé, ne fait pas partie de l'accord. On n'a pas besoin de l'appui de la Colombie-Britannique, du gouvernement fédéral ou des Nisga'as pour mettre en application l'accord, parce que c'est un chapitre à part. J'aimerais rencontrer votre équipe de négociation par la suite pour voir si on ne pourrait pas explorer cette voie à fond. Je pense qu'il y a là une solution qu'il faut envisager. Je vous dis tout de suite que c'est cela qui nous intéresse. Nous voulons que tout le monde conclue une entente à l'amiable et que tout le monde se sente à l'aise face à cet accord. Si j'ai bien compris, vous ne vous sentez pas chez vous parce qu'on veut prendre des parties de votre territoire.

Si vous le voulez, je vais vous rencontrer par la suite. Je vais vous donner mes cartes d'affaires. S'il faut qu'on se reparle une fois que je serai revenu à Ottawa, le Bloc québécois sera très attentif à vos propos. J'aimerais que vous réagissiez sur le chapitre de la mise en oeuvre du traité.

[Traduction]

Le chef Jim Angus: Je vous remercie de vos observations. Merci, madame la présidente, de m'avoir donné la parole.

D'entrée de jeu, je veux qu'une chose soit très claire. Notre adaawk, en tant que peuple gitxsan, englobe une histoire concernant le nom du chef, la maison du chef, la lax'yip du chef, l'écusson du chef et le totem du chef. Cet adaawk en particulier englobe tout cela. Elle englobe l'une des principales caractéristiques du peuple gitxsan, soit le territoire, le lax'yip, et le lax'yip est Delgamuukw. Delgamuukw ne peut abandonner son lax'yip.

Lorsque vous entendez certaines personnes affirmer que notre terre n'est pas à vendre, c'est exactement ce que cela veut dire. Nous n'accepterons pas d'être séparés de notre terre, et nous voulons que vous le sachiez. Nous voulons que vous compreniez pourquoi nous faisons certaines déclarations ici à la table aujourd'hui et pourquoi nous appliquerons nos lois relatives aux violations de propriété au besoin; nous ferons appel aux tribunaux s'il le faut. Nous voulons vous faire comprendre que ce processus ne doit pas nécessairement être interrompu, mais qu'il faut amender l'entente en ce qui concerne ces territoires en particulier ou adopter une disposition spéciale afin de l'y intégrer ultérieurement.

• 1100

Je suis très heureux que mon ami souhaite rencontrer les négociateurs de notre groupe pour que nous puissions envisager des avenues de solution et essayer de résoudre ce problème particulier du chevauchement. Nous sommes certainement prêts à faire cela. Nous voulons communiquer avec les gens qui veulent savoir qui nous sommes. Mais je veux qu'une chose soit très claire: il est impossible de dissocier les Gitxsans et leur territoire.

Merci.

La présidente: D'accord. C'est le reste du temps.

Monsieur Finlay, allez-y, je vous prie.

M. John Finlay: Merci, madame la présidente.

Je tiens à remercier nos visiteurs de la franchise avec laquelle ils ont exposé le problème. J'ajoute que j'appuie les suggestions de tous les intervenants, y compris M. Claude Bachand.

Je crois être le député qui a siégé plus longtemps que quiconque au comité. Je ressens un certain malaise et je voudrais qu'on réponde à certaines questions car je pense que nous avons du mal à nous comprendre.

Vous nous avez montré la carte. En vert, le territoire nishga. Le territoire litigieux, si je ne m'abuse, chevauche la catégorie A ou B.

Une voix: C'est B.

M. John Finlay: D'accord. Dans cet immense territoire—et j'ai vos cartes car je vous ai rencontré à Ottawa—qui entoure comme un grand halo cette parcelle... Il y a trois articles de l'entente—33, 34 et 35—qui visent précisément vos griefs. Mais ce dont il est question, ce n'est pas seulement d'une parcelle de deux kilomètres carrés; c'est un principe.

Il est dommage que deux Premières nations qui ont vécu sur ce territoire pendant plus de 10 000 ans, apparemment en paix, si j'en crois votre explication, avec des lois qui établissent le droit de propriété, et ainsi de suite... Ce n'est pas un très bon exemple pour nous de vous entendre affirmer ne pas pouvoir résoudre ce problème sans recourir à l'arbitrage ou aux tribunaux, pour quelques centaines d'acres.

Vous parlez de «nouveaux venus», chef. Y a-t-il des nouveaux venus sur cette terre delgamuukw dont il est question? Oui ou non? Y a-t-il des nouveaux venus? Et comment en sont-ils arrivés à être propriétaires de leurs terres? Ont-il acquis un titre en fief simple pour leurs terres au sein du territoire gitxsan? Sont-ils propriétaires de la terre à l'heure actuelle? Avez-vous reçu une indemnisation?

Sont-ils aussi canadiens tout comme vous, à mon avis? Nous avons une Constitution qui s'applique à vous et à nous tous dans ce pays.

Je crois avoir mal compris, car il me semble qu'en réponse à la question de mon collègue, vous avez dit être partie à des négociations de traité. Il faudra préciser cela. Ce n'est pas ce que j'ai cru comprendre de vos propos. J'ai cru vous entendre dire que le tribunal avait rendu une décision favorable à votre cause et qu'il allait falloir nous faire une raison. Cela dit, il y a en cours en Colombie-Britannique un processus de traité qui ne va pas changer radicalement. Par conséquent, je ne sais pas trop si vous êtes réaliste ou si nous nageons dans l'utopie.

Permettez-moi de revenir trois ans et demi en arrière. À ce moment-là, nous essayions de régler un problème de gestion et de revendications territoriales à l'égard d'une rivière au nord de la Colombie-Britannique et au Yukon. M. Ovide Mercredi est venu nous parler, et il s'est avéré très difficile de discuter du problème en question car il voulait dire au Parlement et au monde entier que les peuples autochtones étaient propriétaires de tout le pays et qu'une fois cela acquis, nous pourrions discuter.

Nous avons reconnu que c'était le cas, mais nous avons derrière nous des années d'histoire et les autres citoyens de la Colombie-Britannique ne vont pas disparaître. Par conséquent, un jour ou l'autre, il faudra résoudre le problème.

• 1105

Je trouve qu'il est dommage, chef, qu'avec toute votre histoire orale, qui est en somme similaire à celle des clans écossais, qui avaient des tartans et des chefs et qui se sont livré bataille... D'après ce que j'ai compris, vos deux peuples ont réussi à coexister sans se faire la guerre, et je ne pense pas que ce soit le moment de commencer.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Chef Muldon.

Le chef Earl Muldon: Je remercie le dernier intervenant pour ses observations au sujet de la citoyenneté. À cause de mon travail, j'ai dû me rendre en Orient—au Japon, en Corée, un peu partout—et j'y ai travaillé. L'intervenant précédent m'a dit que j'étais citoyen du Canada. Il est très rare que cela se produise, que quiconque croie que nous sommes véritablement des citoyens du Canada.

Nous le croyons aussi, mais j'aimerais vous relater une petite anecdote. Lorsque j'étais à Kyoto, le gouvernement de Corée m'a demandé de venir à Séoul afin d'y travailler en tant que citoyen canadien, en tant qu'Autochtone. Pour pouvoir le faire, il a fallu que je me présente à l'ambassade du Canada à Tokyo, où j'ai encaissé un dur coup.

Je suis allé là-bas pour demander un visa de travail en tant que citoyen canadien pour aller travailler à Tokyo et représenter le Canada. À l'ambassade, on m'a dit que je n'étais pas vraiment citoyen canadien aux yeux du gouvernement du Canada. J'étais un pupille de l'État, qui s'occupait de moi.

Il est vraiment difficile d'accepter une chose comme celle-là lorsqu'on est né au Canada et que des générations de nos ancêtres y ont vécu. Malgré tout, nous ne sommes pas encore pleinement reconnus.

Les fonctionnaires de l'ambassade m'ont dit qu'ils écriraient une lettre à Ottawa. Je leur ai demandé pourquoi ne pas l'envoyer par télécopieur? On m'a répondu qu'il était tout à fait légal de l'envoyer par courrier. Cela signifiait qu'il faudrait attendre trois semaines pour qu'elle soit livrée, et avant que quelqu'un s'en occupe et envoie la réponse, il faudrait peut-être compter trois ou quatre mois. Et c'était une affaire qui exigeait une décision immédiate.

Tout cela pour vous dire que je vous remercie de m'avoir aussi spontanément qualifié de citoyen canadien.

La présidente: Chef Angus, j'ai cru comprendre que vous vouliez ajouter quelque chose avant que nous commencions le prochain tour de table.

Le chef Jim Angus: Oui.

La présidente: Comme le temps réservé au présent tour est presque terminé, allez-y.

Le chef Jim Angus: Je crois malheureusement déceler un certain manque de respect de la part de mon ami qui vient de parler au sujet de la question de la citoyenneté.

En 1982, l'article 35 de la Constitution a reconnu les peuples autochtones du Canada. Or, la décision Delgamuukw s'applique à moi. Je vis dans un endroit qu'on appelle une réserve, à Kispiox. Je ne suis pas propriétaire du terrain sur lequel je vis. Je suis essentiellement un pupille de l'État. J'ai une maison dans laquelle j'ai investi beaucoup d'argent pour l'améliorer, pour la rendre vivable et agréable à vivre. Je ne suis pas propriétaire de cette maison. Voilà pourquoi nous essayons de régler notre situation.

Pour ce qui est du commentaire concernant les «nouveaux venus», pour ce qui est de nos antécédents, nous pouvons probablement citer des preuves de notre présence dans ce pays il y a 10 000 ans. Nous sommes entrés en contact avec les nouveaux arrivants dans ce pays il y a environ 150 ans dans cette région. Dans l'Est, c'était il y a 300 ou 400 ans. Voilà ce que nous entendons lorsque nous parlons de «nouveaux venus».

Ces derniers ont-ils le droit de propriété sur notre territoire? Oui. Nous avons toujours dit que nous étions prêts à coexister avec les nouveaux arrivants dans ce pays, depuis le tout début, lorsque nous avons commencé à négocier et que nous sommes allés devant les tribunaux.

• 1110

La localité où nous sommes est la propriété de non-Autochtones qui vivent ici. Nous le reconnaissons. Nous acceptons le fait qu'ils peuvent rester aussi. Mais pour ce qui est de nos rapports ultérieurs avec eux, lorsque le moment vient de conclure une entente en ce qui a trait aux taxes, aux lois, etc., tout cela doit être discuté.

Un processus de traité est en cours, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, le gouvernement fédéral, et particulièrement le gouvernement provincial, se sont écartés de ce processus. Dans tous les domaines, nous avons essayé de conclure une entente pour ce qui est de nos rapports avec le gouvernement, avec de tierces parties et avec les nouveaux venus au pays.

Au sujet des nouveaux arrivants, j'en compte beaucoup parmi mes amis. Je ne les appelle donc pas ainsi par manque de respect. D'ailleurs, nous avons fait des efforts pour ce genre de choses.

Le problème du chevauchement doit être réglé. Nous sommes disposés à envisager différentes avenues. Nous sommes tout à fait ouverts à cela.

Je vous remercie de m'avoir écouté.

La présidente: Madame Hardy, je vous prie. Pas de questions?

Monsieur Keddy, avez-vous des questions?

M. Gerald Keddy: Oui, j'ai des questions, madame la présidente. Merci.

Chose certaine, je peux très bien comprendre l'enjeu de la propriété foncière. J'y suis sensible en tant qu'agriculteur, en tant que travailleur de la terre, moi qui puis parcourir les terres qui m'appartiennent et vous en montrer chaque ruisseau, chaque arbre et chaque rocher. À mon avis, nous sommes aux prises avec un problème de propriété, mais il y a aussi un contexte plus vaste.

Je n'ai pas participé à toutes les négociations avec les Nisga'as, mais j'avais cru comprendre que toutes les autres Premières nations touchées par la revendication territoriale des Nisga'as et toutes les autres parties également—par exemple, les propriétaires de scieries et d'exploitations forestières—participeraient au processus.

Le Parti progressiste conservateur appuie le processus de traité car nous considérons que cela mettra un terme à un certain nombre de problèmes qui durent depuis longtemps. Il est temps de tourner la page. Quoi qu'il en soit, on a évoqué la possibilité d'un arbitrage.

Si, après avoir discuté avec un négociateur, vous n'êtes toujours pas satisfaits de la solution proposée, y aurait-il une autre possibilité? De toute évidence, les Nisga'as s'intéressent à ces terres, je suppose que c'est parce qu'y coule le cours supérieur de la rivière Nass, ou une partie en amont qui alimente la Skeena, ou encore la région où fraient les saumons qu'exploitent toutes les Premières nations. Serait-il possible que, par exemple...?

Je ne veux pas vous faire dire quoi que ce soit; j'essaie simplement de présenter un scénario différent.

Si les Gitxsans avaient la responsabilité de cette zone, étant donné qu'elle a des incidences pour les autres bandes puisqu'il s'agit d'un lieu de ponte pour les saumons, seriez-vous prêts à envisager une entente globale qui permettrait à tous les usagers qui profitent du retour du saumon dans ces frayères d'avoir leur mot à dire dans la conservation des lieux? Je pourrais poser la même question aux Nisga'as.

Ainsi, seriez-vous prêts à accepter des activités forestières qui n'empiéteraient pas sur la bande de protection riveraine, sur les rives, qui ne les couvriraient pas de gravier? Seriez-vous prêts à accepter que d'autres groupes ayant des intérêts dans la région puissent s'adonner à leurs activités même si vous conservez la propriété de ces territoires?

Le chef Earl Muldon: Vous faites allusion à l'une des observations qui a été faite au sujet du saumon, entre autres.

• 1115

Au sujet du territoire, comme je l'ai mentionné dans mon allocution, j'y ai personnellement vécu pendant une trentaine d'années et mes ancêtres étaient là avant moi. Essentiellement, nous avons assuré la gestion des ressources de la région depuis 30 ans. Ma famille a même contribué à dresser les cartes de certains territoires en particulier, notamment pour ce qui est des habitats des salmonidés. J'ai collaboré avec les responsables de la faune pour protéger l'habitat du grizzly et la nidation des cygnes. Essentiellement, j'ai fait inscrire sur la carte les cours d'eau que fréquente le saumon, en précisant quel type, et j'ai noté les espèces de truites qui peuplent les lacs dans toute la région. Voilà de quelle façon j'ai traité mon territoire et le territoire environnant.

J'ai collaboré avec le service de la faune, les biologistes et le service des forêts pour assurer le meilleur usage des ressources foncières. Par conséquent, il n'y a rien de nouveau dans le fait que le peuple gitxsan aide maintenant les nouvelles agences à gérer certains de ces territoires.

M. Gordon Sebastian: Pour ce qui est des tierces parties et de la question de la propriété, M. Angus a affirmé clairement que les Gitxsans étaient propriétaires de ces territoires depuis très longtemps. Et dans un contexte de common law, lorsqu'un droit de propriété existe, la personne qui viole ce droit a intérêt à posséder un meilleur titre. Par conséquent, vos gouvernements, fédéral et provinciaux, sont tenus de faire la preuve qu'ils détiennent un meilleur titre.

Et où allez-vous trouver ce meilleur titre? J'ai bien l'impression que vous n'en trouverez pas. Par conséquent, vous allez devoir reconnaître le fait que les Gitxsans sont propriétaires de ce territoire et concilier cette possession avec vos intérêts.

Les Gitxsans ont dit dès le début, devant le tribunal et dans toutes ces négociations, qu'ils sont prêts à accepter les intérêts de tierces parties. Nous l'avons toujours affirmé. Nous ne voulons exclure personne. Nous avons toujours voulu établir un processus permettant de prendre en compte les intérêts de tierces parties. Mais avant d'en tenir compte, nous tenons à faire savoir que nous n'acceptons pas ce qui nous a été imposé.

Je ne sais pas si c'est le Parti libéral ou non, mais j'ai l'impression qu'un Réformiste s'y est glissé. Je plaisante.

Les Gitxsans doivent obtenir la reconnaissance de leur droit de possession ancestral de ce territoire. C'est ce que nous affirmons ici aujourd'hui. C'est cela qu'il faut régler. Par conséquent, si mon honorable ami peut suggérer un processus qui permette de négocier les intérêts de tierces parties, y compris les Nisga'as... Ils sont devenus une tierce partie sur notre territoire et nous voulons établir un processus qui permette de régler le problème. Pour ce faire, il faudra que les Libéraux fassent preuve de leadership.

Nous apprécions le Bloc québécois dont les députés veulent nous rencontrer et nous aimerions les inviter chez nous. Nous entendons mettre sur pied un processus de concertation sur la façon dont nous accueillerons les intérêts des tierces parties sur le territoire gitxsan. C'est de cela qu'il est question, ni plus ni moins.

La présidente: Monsieur Iftody.

M. David Iftody: Merci, madame la présidente.

J'aimerais poser des questions dans la même veine. D'ailleurs, M. Keddy s'orientait dans la même direction. Nous semblons tourner autour des mêmes notions pour ce qui est de règlements. Je souhaite vivement que les témoins présents aujourd'hui nous précisent ce qu'ils pensent de certaines parties des dispositions générales de l'entente des Nisga'as.

• 1120

Les paragraphes (33), (34) et (35) du chapitre 2 sont conformes aux instructions de la Cour suprême dans l'arrêt Delgamuukw. Certaines dispositions de l'entente précisent que si les droits d'autres parties sont touchés de façon quelconque par l'entente des Nisga'as, il existe des avenues, des correctifs pour régler ces préoccupations particulières. En fait, elles permettent aux parties concernées de faire valoir leurs droits dans un contexte approprié.

Sans vouloir me répéter ou trop insister, j'aimerais vraiment que vos experts techniques expriment leurs opinions au sujet de ces paragraphes en particulier. Si vous me le permettez, je prendrai quelques minutes pour lire ce qui suit:

    [...] si la disposition ne peut être opérante et avoir effet de manière à ne pas avoir d'effets négatifs sur ces droits, les Parties font de leur mieux pour modifier l'Accord afin de corriger ou de remplacer la disposition.

Évidemment, auparavant, on parlait de l'incidence sur les droits.

Permettez-moi de revenir au paragraphe (34), et je continue de citer:

    Si une cour supérieure d'une province, la Cour fédérale du Canada ou la Cour suprême du Canada statue de façon définitive qu'un autre peuple autochtone

—et je suppose qu'en l'occurrence, ce serait les personnes devant nous—

    que la Nation nishga a des droits au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 sur lesquels une disposition de l'Accord a des effets négatifs [...]

Ensuite, on précise aux alinéas a) et b.) Des mesures qui permettent de régler les problèmes envisagés. J'ai déjà cité le deuxième cas. L'alinéa a) précise:

      a. la disposition est opérante et a effet de manière à ne pas avoir d'effets négatifs sur ces droits;

On dit, en jargon juridique, qu'il y a d'autres possibilités que de se lancer dans des litiges au sujet de violations de la propriété, de ce qu'il convient de faire et du nombre d'avertissements qui seront donnés. Il existe des dispositions dans le traité lui-même, tout à fait conformes avec les autres décisions de la Cour suprême, qui permettent aux parties concernées de régler ce genre de problèmes.

Si vous avez lu ce paragraphe et que vous connaissez bien les dispositions générales du traité, vous savez qu'il est possible que les deux parties concernées discutent en vue de régler leurs préoccupations, en l'occurrence, les deux kilomètres carrés de territoire. Ces dispositions existent dans le traité.

J'aimerais que vos experts techniques commentent les paragraphes (33), (34) et (35) et savoir s'ils sont rassurés par ces dispositions du traité qui, à mon avis, madame la présidente, se rapportent directement aux préoccupations exprimées ici.

Le chef Jim Angus: Merci.

Premièrement, je tiens à signaler que nous ne parlons pas de quelques kilomètres de territoire. Ce qui est en jeu, c'est environ 4 303 kilomètres carrés dans le bassin hydrographique de la Nass et 3 486 kilomètres carrés dans le canal Portland et le bras Observatory. Il s'agit donc d'une superficie très vaste et nous ne sommes pas satisfaits de ce paragraphe en particulier.

M. David Iftody: Excusez-moi. Je veux obtenir une précision.

Lorsque vous avez commenté la carte tout à l'heure, dans le coin supérieur droit, vous avez mentionné le nom du lac et identifié une parcelle de terre restreinte où figure un petit triangle. Si j'ai bien compris la légende au bas de la carte, chaque partie en jaune pâle représente quelques kilomètres carrés. C'était là la superficie qui est au coeur du litige. C'est ce que vous nous avez montré ce matin. Mais maintenant, vous dites que c'est autre chose.

• 1125

Aux fins des arguments concernant ce problème particulier, je pense que nous devrions continuer de nous attacher à cette parcelle de terre en question car dans votre intervention précédente, monsieur, ou en tout cas celles des personnes qui ont comparu avant vous, c'est ce que vous avez défini comme la pomme de discorde. Je ne veux pas m'étendre à d'autres parties du territoire pour semer la confusion. Il est très important que nous nous en tenions aux sujets de discorde que nous pouvons contribuer à régler. C'est ce que je voulais vous faire comprendre.

Cela dit, j'aimerais savoir si vous estimez que les dispositions du paragraphe (35) du traité, sur les droits garantis, qui sont les vôtres, peuvent être d'une quelconque utilité.

M. Gordon Sebastian: Oui, merci beaucoup. Je tiens à réitérer que la superficie dont il est question est très vaste. Si vous vous souvenez, Delgamuukw a dit: «J'aimerais vous relater certaines expériences qu'a eues mon groupe de maison avec les Nisga'as». Il a ensuite mentionné certaines de ces expériences, qui englobaient la petite superficie dont vous avez parlé.

Mais l'enjeu ici, c'est le lax'yip de Delgamuukw. C'est tout le territoire et toutes les autres maisons. Il ne s'agit pas d'une superficie restreinte. Nous voulons que vous vous attachiez au lax'yip gitxsan, le territoire gitxsan. Nous ne voulons pas que vous perdiez cela de vue ou que vous minimisiez notre position. Nous ne souhaitons pas que vous partiez d'ici en ayant l'impression que vous avez négocié une réduction du territoire gitxsan.

La présidente: En tant que présidente, j'aimerais une précision. Si je ne m'abuse, le chef Elmer Derrick a pointé sur la carte cette petite superficie. N'est-ce pas ce qui s'est passé plus tôt aujourd'hui? Je pense qu'il faudrait que cela soit clair parce qu'autrement, nous allons comparer des pommes et des oranges.

Le chef Elmer Derrick: Oui. M. Bachand m'a interrogé au sujet du territoire dont parlait Delgamuukw et je l'ai situé au lac Gwinageese.

La présidente: Et c'était cette superficie de moins de deux kilomètres carrés.

Le chef Elmer Derrick: C'est juste.

La présidente: Merci. C'est la précision que je voulais.

Poursuivez, monsieur Sebastian.

M. Gordon Sebastian: Pour reprendre, nous parlons de la totalité du territoire de tout le lax'yip gitxsan. Nous ne parlons pas simplement d'une petite parcelle de terre en fief simple. Les fiefs simples, cela a rapport aux tierces parties et à la loi relative aux Nisga'as.

En ce qui concerne cette disposition concernant les autres peuples autochtones, les Nisga'as savent pertinemment qu'ils sont gluk, qu'ils se sont mis dans l'embarras en empiétant sur le territoire gitxsan. Ils n'ont jamais voulu rencontrer les Gitxsans ou les Gitanyows pour en parler.

Pour ce qui est de l'ayookw, les Nisga'as ont la même ayookw que les Gitxsans, et ils comprennent fort bien les règles. Ils se sont maintenant mis dans l'embarras. Par conséquent, ils devront faire face à la musique et nous traiterons avec eux aux termes de nos propres lois, pour déterminer quelles sont leurs obligations et les nôtres.

Pour ce qui est du processus relatif aux tierces parties qui a été élaboré dans le cadre de la loi même, nous estimons qu'il est suffisant car le mandat qui s'y trouve ne porte pas exactement sur nos préoccupations. À cause du processus de négociation, nous ne pensons pas que le gouvernement fédéral ait donné le mandat d'accepter le processus gitxsan, processus qui reconnaîtrait nos rapports privilégiés avec ces territoires en raison de liens ancestraux avec lui.

Le gouvernement fédéral n'a jamais élaboré de politique ou de mandat pour traiter avec les Gitxsans ou les Gitanyows. Bien sûr, cette disposition est très bien, et nous l'apprécions, mais nous aurions préféré être consultés davantage quant à la portée du mandat énoncé dans cet article en particulier. À ce moment-là, nous aurions pu nous en inspirer, mais comme je l'ai dit plus tôt, nous avons été ignorés. Nous et les Delgamuukw sommes ici pour vous dire que nous souhaitons que ces changements soient apportés avant que se produisent d'autres empiétements sur le territoire gitxsan.

La présidente: Merci.

Monsieur Scott, je vous prie.

M. Mike Scott: Oui, merci madame la présidente.

Vous avez mentionné à plusieurs reprises que la carte des Nisga'as avait changé avec le temps. J'aimerais en parler un instant.

• 1130

J'ai eu l'occasion de lire le livre intitulé Tribal Boundaries, dont l'auteur, Neil Sterritt, est gitxsan. J'ai cru comprendre que le changement intervenu dans les cartes des Nisga'as n'est pas le résultat de la volonté délibérée des Nisga'as de gagner d'autres superficies que celles de la carte originale à partir de laquelle ils travaillaient; cela est en fait dû à une expansion de ces superficies. Est-ce votre interprétation également?

Le chef Elmer Derrick: Oui, monsieur Scott. Depuis le début du processus de revendications intégrales, nous avons suivi la façon dont les Nisga'as ont modifié leurs frontières. Si vous vous penchez sur la genèse de leurs revendications, vous constaterez qu'ils ont constamment fait valoir que leurs terres traditionnelles comprenaient intégralement le bassin hydrographique de la rivière Nass. Nous sommes toujours venus à la table en disant qu'il fallait décider à qui appartenait le titre autochtone. C'est essentiellement la raison pour laquelle mon collègue, le chef Angus, a expliqué que nous avions passé plusieurs années devant les tribunaux, pour expliquer en détail le lax'yip de Hleekamlaxya, Will goobl, Delgamuukw, et d'autres qui avaient des revendications légitimes à l'égard des territoires de la haute Nass.

Vous allez entendre les Gitanyows justifier leur territoire et leur titre, qui englobent une petite partie de la zone verte au coeur de terres des Nisga'as.

Depuis deux ans, les négociateurs fédéraux et provinciaux n'ont pas obligé les Nisga'as à justifier leurs revendications à l'égard de ces territoires. Nous sommes toujours disposés à discuter, à participer à un processus d'arbitrage qui déboucherait sur une décision, le cas échéant, quant à savoir qui est le véritable propriétaire du titre relatif aux territoires concernés.

Nous nous élevons vivement contre le fait que les Nisga'as ont toujours exagéré leurs revendications, et leurs assises foncières dépassent probablement de 25 p. 100 leurs territoires légitimes. Nous n'allons pas revenir là-dessus. Ils ont dupé les négociateurs de la Couronne. Mais ce qui nous déplaît souverainement, c'est le fait qu'ils continuent d'utiliser les territoires gitxsans pour justifier la façon dont ils sont arrivés à leurs revendications.

M. Mike Scott: Merci, monsieur Derrick.

Je connais ce que je crois être la première carte utilisée par les Nisga'as dans les années 70, au moment de l'affaire Calder. Si ma mémoire est bonne, on y voyait 7 000 kilomètres carrés de territoire que les Nisga'as revendiquaient en tant que territoire traditionnel. Lors des négociations finales, aux dernières étapes précédant la conclusion de l'entente avec les Nisga'as, cette carte avait été redessinée pour englober 23 000 kilomètres carrés de territoire, y compris celui réclamé par les peuples gitxsan et gitanyow. Ai-je bien résumé la situation?

Le chef Elmer Derrick: Je le répète, nous avons suivi de près les changements qu'ils ont apportés à leurs cartes sur une certaine période. Si vous remontez aux documents historiques de 1913, vous vous rendrez compte qu'ils sont assez prêts de leur territoire traditionnel tel qu'il apparaît sur la première carte qu'ils ont déposée en 1913.

M. Mike Scott: Merci.

Pourriez-vous expliquer au comité le lien entre les Gitanyows et les Gitxsans, simplement pour que tout le monde comprenne ce qu'il en est.

• 1135

Le chef Elmer Derrick: Si vous considérez le lien qui nous unit, en ce qui a trait à la façon dont les Gitanyows ont mis au point leurs propres revendications, ils font encore partie de ce que nous considérons la Nation gitxsan Je suis moi-même né sur le territoire gitanyow. Mon père était chef du territoire gitanayow tout comme l'avaient été mes deux grands-pères. Mais mon titre est situé sur le territoire gitsegukla. Beaucoup de gens qui vivent sur le territoire gitanyow ont maintenant des titres ailleurs—en territoire kispiox, gitsegukla, gitwangak et ailleurs en territoire gitxsan.

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Turp, veuillez commencer.

M. Daniel Turp: Merci, madame la présidente.

D'abord, nous sommes heureux que vous soyez intéressés à nous rencontrer pour voir comment on pourrait envisager des solutions à ce problème dont on constate qu'il est très important pour vous et sans doute aussi pour d'autres nations.

J'aimerais vous demander comment il serait possible de trouver un processus et une solution à ce problème qui est si important pour vous sans mettre en péril l'Accord nisga'a.

Vous constatez comme nous que beaucoup de personnes, pour toutes sortes de raisons qui, d'après nous, ne sont pas bonnes, ne veulent pas de l'Accord nisga'a. Il y en a autour de cette table.

Notre souci à nous, comme celui de la plupart des partis politiques à la Chambre des communes, est que cet accord soit adopté et puisse être mis en oeuvre.

Comment ne pas mettre en péril cet accord tout en trouvant un processus qui puisse résoudre le différend que vous avez avec la nation nisga'a sur la question du chevauchement des territoires?

[Traduction]

Le chef Elmer Derrick: Comme l'ont dit d'autres chefs ici, nous avons essayé de négocier avec les Nisga'as au cours des dernières années. Nous avons reçu des lettres de différents ministres des Affaires indiennes qui nous recommandaient de négocier une reconnaissance de ses droits par voie de traité pour régler notre problème. Nous avons refusé de participer au processus de négociation avec la Commission de la Colombie-Britannique comme l'a si bien dit M. Keddy

Dans sa réponse à une lettre qu'a reçue Jane Stewart M. Nault a suggéré que nous réglions ces questions directement avec les Nisga'as par l'entremise du processus de négociation avec la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Nous avons essayé de le faire et, comme l'a signalé mon collègue Jim Angus, nous sommes restés seuls à la table lorsque le gouvernement de la Colombie-Britannique a laissé en plan le processus de négociation de notre traité il y a quelques années. Nous avons essayé d'utiliser la Commission des traités de la Colombie-Britannique pour amener les Nisga'as à la table pour passer au travers du processus de résolution des «chevauchements», de leurs revendications de nos territoires. Ils ont résisté. Ils ont nettement résisté.

La Commission des traités de la Colombie-Britannique avait suggéré que nous lui présentions des éléments de preuve qui seraient soumis à un arbitre, ce que nous avons fait. Il nous a fallu beaucoup de temps pour préparer le livre des frontières tribales. Nous y avons consacré d'importantes sommes d'argent que nous n'avions pas. Nous nous attendions à ce que les Nisga'as produisent des éléments de preuve du même genre, mais ils ne l'ont jamais fait.

Ce que nous disons maintenant, c'est que nous sommes toujours disposés à nous asseoir et à soumettre au groupe qui sera chargé d'examiner les éléments de preuve des parties, tant les éléments de preuve que nous avons présentés à la Cour suprême au fil des ans que le livre des frontières tribales et d'autres éléments de preuves que vous entendrez à partir de nos histoires orales.

• 1140

Je ne vois pas pourquoi le projet de loi C-9 doit être adopté à la va-vite par le Parlement. Il faut bien faire les choses et je crois que vous avez plus que le temps de nous laisser soumettre la question à l'arbitrage et de suivre de près le processus pour faire en sorte que les deux parties, tant les Nisga'as que nous-mêmes, soient dûment entendues. Je ne vois pas ce qu'il y a d'urgent à précipiter les choses au Parlement. Nous convenons qu'il s'agit d'une question très importante dont il faut s'occuper de façon appropriée. Nous sommes prêts à participer à toute initiative qui nous permettra de passer au travers de ce processus juste et légitime.

La présidente: Madame Hardy, avez-vous d'autres questions?

Monsieur Keddy, vous avez la parole. Ce sont les cinq dernières minutes.

M. Gerald Keddy: J'estime qu'il y a une ou deux questions en jeu que vous et tous ceux qui se trouvent dans cette pièce devraient bien comprendre et c'est le fait que ce traité ait été paraphé par les Nisga'as, par la province de Colombie-Britannique et par le premier ministre. Il sera donc très difficile de proposer des amendements au processus à ce moment-ci. Je suppose que les autres partis d'opposition aimeraient bien proposer un amendement, tout en étant bien conscient qu'il serait difficile de le faire approuver.

À toutes fins pratiques, le traité a été ratifié. Il n'attend plus que d'être entériné par le Parlement. Cela ne rend pas ce processus tout à fait futile. Je crois qu'il s'agit d'un processus important et c'est bien que nous soyons ici en Colombie-Britannique. Cependant, nous ne devrions pas nous cacher qu'il serait difficile de modifier le traité avec les Nisga'as. Si trois parties s'entendaient au sujet du changement, il pourrait certainement être modifié.

Il sera peut-être possible, dans le cadre du processus, d'apporter un amendement—et je crois que vous l'avez laissé entendre au début—qui permettra de résoudre la question et de ratifier malgré tout le traité dans sa forme actuelle. Ce serait sans essayer de prendre une décision que nous ne sommes pas en mesure de prendre, en fonction de l'information dont nous disposons maintenant, c'est-à-dire déterminer qui a tort ou qui a raison ou comment la question peut-être résolue. En toute franchise, je ne suis pas sûr que cela pourra se faire ou que nous puissions faire approuver un tel amendement par le Parlement; cependant, la possibilité existe.

Seriez-vous favorable à ce processus, si le traité laisse entrevoir la possibilité d'un amendement ou d'un processus de négociation après sa ratification? Je me rends compte que je ne propose pas exactement ce que vous cherchez, je fais simplement...

Le chef Elmer Derrick: Comme je l'ai dit, je crois que ce comité a le temps de nous laisser présenter notre cause directement, sous supervision, afin que nous puissions justifier notre titre comme nous l'avons fait devant les tribunaux.

M. Gerald Keddy: Merci.

La présidente: Avez-vous une autre question monsieur Keddy?

M. Gerald Keddy: Non.

La présidente: D'accord. Je vais prendre les dernières minutes pour remercier chaleureusement tous nos témoins d'aujourd'hui. Je pense que vous nous avez aidés dans le cadre de nos travaux.

Chers collègues, même si nous avons dépassé de 15 minutes le temps qui nous était imparti ce matin, nous entreprendrons ici, dans 45 minutes exactement, notre séance de cet après-midi.

Chef Angus, avez-vous quelque chose à dire?

Le chef Jim Angus: Je veux remercier très brièvement les membres du comité permanent d'avoir posé des questions parce que cette question revêt pour nous une très grande importance. Nous devons sensibiliser la population d'un bout à l'autre du pays pour que tout le monde comprenne les Premières nations.

• 1145

Je suis très heureux d'entendre qu'il peut être très difficile d'apporter des amendements, mais que c'est possible, voire tout à fait possible.

Cela dit, au nom des chefs et de la Nation gitxsan, je vous remercie de l'occasion que vous nous avez offerte d'exposer notre point de vue. Que Dieu vous guide dans la tâche que vous devez accomplir!

La présidente: Merci.

La séance est levée.