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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 19 novembre 1999

• 0909

[Traduction]

La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Bienvenue à tout le monde. Je m'appelle Sue Barnes et je suis la présidente du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. Nous allons commencer la treizième séance, et nous avons à l'ordre du jour le projet de loi C-9, Loi portant la mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a.

Avant de commencer, comme de nouveaux membres se sont joints à nous aujourd'hui, de même que des députés de la Colombie-Britannique, je vais commencer par les présenter.

• 0910

M. Cummins participe aux audiences aujourd'hui en tant que député local.

Vous pouvez dire quelques mots.

M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Bonjour.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Je m'appelle Paul Forseth, et je suis le député de Westminster—Coquitlam—Burnaby.

M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): Je m'appelle Jim Gouk, député de Kootenay—Boundary—Okanagan.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je me nomme Claude Bachand et je suis député du Bloc québécois. Je représente la circonscription de Saint-Jean, qui est située à 25 milles au sud de Montréal.

[Traduction]

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Bonjour tout le monde. Je m'appelle Libby Davies. Je suis député de Vancouver-Est. Je souhaite à tous les membres du comité la bienvenue à Vancouver.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Gerald Keddy. Je suis député de South Shore, Nouvelle-Écosse.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Je m'appelle John O'Reily, député de Haliburton—Victoria—Brock, dans le centre de l'Ontario.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Je m'appelle John Finlay, député d'Oxford dans le sud-ouest de l'Ontario. Je suis vice-président de ce comité.

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Je m'appelle Nancy Karetak-Lindell. Je suis député de Nunavut, le nouveau territoire du Canada, dans l'est de l'Arctique.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Bonjour. Je m'appelle David Iftody, député de Provencher, au Manitoba. Je suis également le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord.

La présidente: Très bien. Nos témoins sont arrivés, et j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous. Nous accueillons de nombreuses personnes aujourd'hui, mais nous siégerons jusqu'à midi. Je sais que vous avez des choses importantes à nous dire. Je souhaite la bienvenue à Mme Roslyn Kunin, M. Mike Harcourt, M. John Richards, M. Robin Richardson, M. Rod Dobell et M. Jim Fulton.

Nous vous demandons de limiter vos exposés à 10 ou 15 minutes. Nous espérons que cela nous laissera le temps de procéder à deux tours de questions où chaque membre aura cinq minutes. Nous tâcherons de poser des questions des plus stimulantes pour recueillir le plus d'information possible. À noter que la période de cinq minutes dont j'ai parlé comprend aussi bien la question que la réponse. Je ne vais pas vous interrompre au milieu d'une phrase; je vais vous laisser terminer votre observation, mais je ne vais pas vous laisser commencer un nouveau paragraphe. Il appartiendra au député suivant de décider s'il veut continuer dans la même veine.

Je veux être juste dans tout ça. Il peut arriver que quelqu'un dispose de quelques secondes ou même d'une minute ou deux de plus que quelqu'un d'autre, mais ce n'est que pour terminer d'exprimer sa pensée, et je ne veux favoriser qui que ce soit. Je crois que tout le monde me comprend.

Pour commencer, nous allons entendre l'Institut C.D. Howe, et j'inviterais M. John Richards, professeur adjoint, à nous faire le premier exposé de la journée.

[Français]

M. John Richards (professeur auxiliaire, Institut C.D. Howe): Je pourrais débuter en français, mais étant donné que nous nous trouvons à Vancouver, je vais continuer en anglais.

Monsieur Bachand, je vous souhaite la bienvenue dans notre ville, malgré la pluie qui tombe aujourd'hui.

[Traduction]

Mesdames et messieurs du comité, des autres groupes et de l'auditoire, j'aimerais commencer par me présenter brièvement.

Pendant ma folle jeunesse en Saskatchewan, j'ai été député à l'Assemblée législative de la Saskatchewan et politicien néo-démocrate. Ayant été battu à plate couture à l'élection suivante, j'ai dû gagner ma croûte de façon honorable. Je suis maintenant un professeur d'âge moyen à l'Université Simon Fraser. Je travaille également de près avec l'Institut C.D. Howe, que j'ai souvent décrit comme l'entreprise canadienne en prière, en ce sens que ses bureaux représentent la moitié du diocèse anglican dans le centre-ville de Toronto. Je me veux la conscience sociale de l'institut, en ce sens que j'ai révisé une bonne partie des études de l'institut en matière de politiques sociales.

Ce que je présente au comité ce matin—et je crois comprendre qu'on fait actuellement des photocopies en vue de les distribuer—ce sont des extraits de documents portant sur les questions autochtones, dont certains sont publiés par l'institut. Avant d'y arriver, permettez-moi de faire quelques commentaires liminaires.

Tout d'abord, la pauvreté chez les Autochtones, la détresse dans leurs familles et l'isolement général des populations autochtones de la société canadienne constituent de loin le principal problème social de notre pays. Ce problème touche plus particulièrement l'Ouest canadien, car les Autochtones vivent en majorité à l'ouest de Toronto. En Saskatchewan, ma province natale, et au Manitoba, ils représentent, selon la définition d'Autochtone, un huitième de la population. Même ici, en Colombie-Britannique, où ils sont moins nombreux, 6 p. 100 de la population est autochtone.

• 0915

Cela dit, je vais maintenant aborder l'aspect le plus controversé de mes commentaires. Je crois que la politique gouvernementale relative aux Autochtones compte deux grandes dimensions. La première est la mesure dans laquelle, compte tenu des profondes différences entre la culture autochtone et la culture industrielle générale, nous devrions favoriser la spécificité culturelle. La deuxième dimension est la mesure dans laquelle nous devrions adopter des mesures économiques spéciales pour les Autochtones. Les deux dimensions sont donc la culture, d'une part, et les incitatifs économiques, d'autre part.

En ce qui concerne la dimension culturelle, j'estime être un modéré. Cela signifie que je ne m'entends avec personne dans cette province, où l'on observe une forte polarisation. Je ne suis évidemment pas de ceux qui prétendent que tous les Canadiens devraient faire abstraction de leur origine et que les mêmes droits individuels devraient s'appliquer à tous.

Portant une autre casquette, j'ai pas mal écrit sur la Loi 101. J'ai beaucoup écrit sur le besoin de protéger le français au Québec en tant que lingua franca dans cette province. Cela implique inévitablement des restrictions sur l'utilisation de l'anglais. Je crois que la Loi 101 constitue un compromis très raisonnable qui, d'après moi, fait partie du fondement constitutionnel de notre pays.

Pour établir un autre parallèle, les arguments invoqués par les Québécois francophones pour justifier, de façon fondamentalement constitutionnelle, l'adoption par le gouvernement provincial d'une loi différente des autres lois linguistiques du pays, s'appliquent également aux Autochtones. Les différences culturelles entre les Québécois francophones et les anglophones du reste du pays sont beaucoup moins grandes que les différences existant entre les Autochtones et les autres Canadiens.

Cela dit, je crois que le traité va trop loin. Ce traité est le premier fruit des négociations de la Commission royale sur les peuples autochtones. Il s'agit d'un document extrêmement complexe. Il renferme de nombreuses dispositions, dont il est impossible à mon avis de déterminer la nature ultime pour l'instant. À mon avis, dans une génération, ce document ne sera pas perçu comme la solution.

Permettez-moi d'aborder maintenant la dimension économique. Je fais tous ces commentaires pleinement conscient d'être un Canadien blanc, de classe moyenne, à l'aise. La dimension économique a été gravement sous-estimée, selon moi, dans le débat public sur les Autochtones tenu depuis une génération.

La trousse que j'ai préparée à l'intention du comité renferme un document publié par l'institut il y a plusieurs années, et que j'ai révisé. Ce document, intitulé «Market Solutions for Native Poverty», est une étude exhaustive des problèmes de chômage touchant les Autochtones en milieu urbain.

Un des tableaux descriptifs au début de l'étude indique le nombre d'Autochtones qui quittent les réserves et les régions rurales pour s'établir dans les régions urbaines.

Bien sûr, il y a des exemples de réserves urbaines. Je travaille actuellement à la critique d'un ouvrage sur les réserves urbaines en Saskatchewan. En général, cependant, je crois que la prochaine génération d'Autochtones va continuer de migrer de plus en plus des réserves vers les villes.

• 0920

En consacrant tant d'énergie—par l'entremise du traité nisga'a, de la commission royale et de l'accord au Yukon—aux problèmes indéniables des réserves rurales isolées, nous avons collectivement, nous Canadiens, commis une grave injustice à l'égard des Autochtones encore plus nombreux qui quittent les réserves à destination des villes.

Peu importe la possibilité dans certains cas de créer des conditions d'emploi raisonnables pour les Autochtones dans les réserves—par exemple, dans la pêche autochtone—je crois qu'il faut en arriver à la conclusion, comme dans le cas des immigrants ukrainiens qui se sont établis dans les régions rurales de la Saskatchewan au début du siècle, que s'ils veulent vivre décemment, ils doivent quitter la ferme et s'établir en ville.

Il a été difficile pour les Ukrainiens de le faire. On entretenait des préjugés contre eux dans les Prairies dans les années 20. On a des préjugés contre les Autochtones dans les années 90 dans les villes. Mais l'avenir pour la majorité des Autochtones, c'est un emploi à la ville.

On fait trop peu à Winnipeg, Regina, Saskatoon, Calgary, Edmonton ou Vancouver pour faciliter cette transition de la réserve à la vie urbaine. L'orientation, la stratégie derrière la commission royale et le traité nisga'a n'est pas de faire ressortir les problèmes découlant de la transition d'une culture rurale autochtone à une culture industrielle urbaine. La Commission royale met uniquement l'accent sur la réadaptation, la revitalisation des réserves rurales, ce que tous les gens de bonne volonté désirent.

Je vais terminer avec l'exemple d'un universitaire autochtone américain que je respecte beaucoup, Gary Sandefur, qui enseigne à l'Université du Wisconsin. Il est originaire de l'Oklahoma. Il a fait un rapprochement, publiquement, avec les réserves qui idéalement devraient jouer pour les Autochtones qui font cette douloureuse transition, le même rôle que celui joué par l'Église catholique d'Irlande lorsque les Irlandais ont procédé à cette transition tout aussi douloureuse au cours des deux derniers siècles entre la vie rurale en Irlande et la vie urbaine en Angleterre et en Amérique ainsi que dans les villes d'Irlande.

Il y a beaucoup plus de gens d'origine irlandaise en Angleterre et en Amérique qu'il y en a en Irlande. L'Église catholique a joué un rôle important en protégeant la culture, en apportant réconfort, en assurant la continuité pendant que les gens opéraient cette transition. Mes ancêtres, les Anglais, ont fait beaucoup de discrimination, il faut le reconnaître, à l'endroit des Irlandais pendant cette transition.

C'est donc une image appropriée. C'est l'image d'un foyer de la culture, et c'est très important. Un rapprochement peut également être fait avec le rôle que l'Église catholique a joué pendant la première moitié du XXe siècle, lorsque les Québécois ont procédé à une transition semblable.

C'est une transition que vivront la grande majorité des Autochtones. Il incombe à tous les Canadiens, Autochtones et non-Autochtones, de réfléchir profondément, encore plus qu'ils ne l'ont fait jusqu'à présent, aux mesures à prendre pour qu'elle se fasse le mieux possible.

Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur Harcourt, vous avez la parole.

M. Mike Harcourt (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente.

Je suis ravi d'être ici, en tant que guerrier politique heureux d'avoir pris sa retraite après 24 années dans l'arène politique de la Colombie-Britannique, et je n'ai qu'un but très simple—c'est-à-dire, préconiser la ratification et l'adoption, avant la fin de l'année, du traité nisga'a.

• 0925

Il s'agit probablement du projet de loi le plus débattu, disséqué et examiné que la province ait jamais vu, si l'on pense aux centaines d'audiences publiques, aux comités consultatifs du traité, aux comités consultatifs régionaux, au comité provincial chargé de l'examiner, à l'Assemblée législative et à votre comité parlementaire. Il a fait l'objet d'un vaste examen, et le temps est maintenant venu d'agir. Je suis ici pour exhorter le comité de formuler cette recommandation aussi rapidement que possible et de veiller à ce qu'on y donne suite, puis de passer à la mise en oeuvre de ce premier traité d'une longue série.

À mes yeux, les traités ne sont qu'un moyen d'établir des relations modernes entre les Autochtones et les non-Autochtones en Colombie-Britannique. À mon avis, à brève échéance, le Canada devra régler la question des vieux traités et de l'autonomie gouvernementale, et l'approche exhaustive que nous avons adoptée en Colombie-Britannique pour régler la question des revendications territoriales et de l'autonomie gouvernementale, est importante. Peu importe que l'on parle de traités ou d'accords, il faut corriger—comme John Richards l'a dit—les conditions sordides dans lesquelles la plupart des Autochtones vivent, ainsi que les relations entre les Autochtones et les non-Autochtones. J'estime que le traité nisga'a constitue un bon point de départ.

Depuis plus de 30 ans, en tant qu'étudiant en droit ayant travaillé avec Tom Berger et d'autres personnes à défendre la cause Calder, en tant que conseiller municipal s'intéressant aux questions autochtones urbaines dont John Richards a parlé, en tant que maire et en tant que personne décidée à intervenir sur la scène politique provinciale, principalement à cause de ce dossier, je souhaite assister au règlement des demandes patientes des Nisga'as, qui revendiquent le respect de leurs droits, et j'ai parcouru le territoire nisga'a en tant que leader dernièrement élu du Nouveau Parti démocratique, après une dure lutte à la direction.

Un des premiers endroits que j'ai visité a été la vallée de la Nass, où j'ai rencontré les Nisga'as et où j'ai promis, avec Larry Guno, un Nisga'a député à l'Assemblée législative à l'époque, ainsi que Dan Miller, le premier ministre actuel, que nous allions nous relever les manches et prendre des mesures concrètes que je jugeais essentielles, comme la construction d'un pont à Canyon City, pour remplacer le pont suspendu que les gens devaient traverser pour se rendre à leur village, construire une route jusqu'à Greenville, et conclure un traité.

Nous avons rempli deux de ces trois promesses, ou nous l'aurons fait bientôt. Nous espérons remplir la troisième avec la signature et la ratification de ce traité.

Sans vouloir m'attarder sur cette question, je crois que votre comité devrait examiner le lourd processus actuel de négociation des traités en Colombie-Britannique. Nous devons le relancer, le simplifier, et intégrer des mesures provisoires afin que nous puissions exécuter le genre de projets pratiques dont John et d'autres ont parlé, et établir cette nouvelle relation entre les Autochtones et les non-Autochtones en Colombie-Britannique. Que vous parliez de traité au sommet, ou d'accord avec l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, peu importe la démarche suivie, je vous exhorte d'examiner également la question de la conclusion rapide d'ententes exhaustives dans le reste de la province.

J'aimerais rapidement aborder quelques-unes des questions soulevées: à savoir les deux avantages de ce traité et des autres traités, le coût, les droits spéciaux, et la tenue d'un éventuel référendum. Il y en a d'autres, mais ce sont les questions que j'aimerais aborder.

• 0930

Tout d'abord, en ce qui concerne les avantages, je crois qu'ils sont clairs pour les Autochtones. Pour les citoyens autochtones de la Colombie-Britannique qui vivent actuellement de l'aide sociale dans des réserves, que nous avons créées par l'entremise de la Loi sur les Indiens, où il y a peu d'espoir, il faut créer des collectivités autosuffisantes et autonomes, où les Autochtones, et surtout les jeunes, peuvent retrouver espoir, avoir accès à l'enseignement, à des emplois, à des services de santé adéquats et vivre dans des collectivités prospères.

En ce qui concerne les non-Autochtones, nous avons besoin d'établir entre les Autochtones et les non-Autochtones une bonne relation, axée sur le respect mutuel, et vivre côte à côte dans une société beaucoup plus civile. Et nous devons créer le climat sûr et stable dont le monde des affaires a besoin pour participer pleinement à l'économie de la Colombie-Britannique.

Nous avons mené de nombreuses études. Il y a huit ou dix ans, Price Waterhouse a mené une étude qui a révélé qu'au moins un milliard de dollars par année—et je crois que ce chiffre est modéré—flottent en Colombie-Britannique et n'est pas investi ici à cause de l'incertitude créée par l'absence de traités et d'ententes exhaustives entre les Autochtones et les non-Autochtones.

Les grandes entreprises minières et les autres ne vont pas investir dans notre province s'ils s'attendent à une confrontation, à des poursuites. Je crois que cela nuit déjà à l'économie de la Colombie-Britannique. Si vous êtes un habitant de cette province, je crois que vous devez savoir qu'Ottawa n'a cédé qu'un actif, pour employer des termes administratifs, à la Colombie-Britannique. C'est le CPR. Le reste est du passif, qu'il s'agisse de la péréquation, ou des impôts que nous envoyons et que nous recevons. La Colombie-Britannique donne beaucoup plus au reste du Canada qu'elle n'en reçoit.

Ce règlement et ce traité entraîneront le deuxième transfert seulement que recevra la Colombie-Britannique, et il n'y en aura probablement pas d'autre avant cent ans. Cela signifiera qu'environ 500 millions de dollars par année de l'argent des contribuables canadiens viendront dans votre province, à Williams Lake, à Quesnel, à Terrace et dans d'autres localités. Disons par exemple, pour les fins de la discussion, que le coût brut sera de 8 milliards de dollars—et je dirais que les retombées nettes seront beaucoup plus importantes. Cette somme de 8 milliards de dollars qui sera versée au cours des 20 à 30 prochaines années en raison des traités profitera énormément aux habitants de la Colombie-Britannique—tant autochtones que non autochtones. Une telle somme entraînera probablement des activités économiques d'une valeur de 30 milliards de dollars. Cet argent circulera dans les diverses localités de la Colombie-Britannique et profitera aux Autochtones aussi bien qu'aux non-Autochtones.

Je pense que nous devons tenir compte des avantages non seulement sur le plan humain, mais aussi sur le plan économique, de la conclusion de tels traités, en particulier en Colombie-Britannique.

Une étude a été effectuée récemment par la firme d'experts-conseils Grant Thornton, c'est-à-dire une analyse financière et économique des résultats de la conclusion de traités en Colombie-Britannique, et elle révèle que l'économie de la Colombie-Britannique profiterait de retombées directes d'au moins 4 milliards de dollars à la suite de la conclusion de traités.

La deuxième grande question est celle des droits spéciaux, c'est-à-dire l'idée que nous créons des droits spéciaux pour les Autochtones. J'ai deux arguments à présenter à ce sujet. Premièrement, nous traitons déjà les peuples autochtones du pays d'une manière spéciale. Nous les avons privés de leur langue et de leur religion. Nous avons interdit aux Nisga'as de retenir les services d'avocats pour faire valoir leurs droits dans notre système juridique. Nous ne leur avons pas permis de voter. Nous les avons confinés à des réserves.

Et plus surtout, il ne s'agit pas en l'occurrence de créer des droits spéciaux. On a simplement utilisé le bon vieux principe de l'expropriation sans indemnisation, en particulier en Colombie-Britannique. Nous avons saisi les terres des Autochtones et en avons profité énormément. La Colombie-Britannique est un endroit très privilégié. Mais nous n'avons pas indemnisé les peuples autochtones, comme on l'a fait dans d'autres parties du pays, et nous leur avons imposé des traités inadéquats et le système des réserves, qui n'a pas fonctionné.

• 0935

Il s'agit à mon avis d'une question d'indemnisation, afin que les peuples autochtones puissent avoir une vie plus prometteuse grâce à l'autosuffisance et à l'autonomie gouvernementale, dans les limites des lois du Canada et de la Constitution du Canada. Nous ne créons pas une fédération qui aurait l'air d'un gruyère, avec ses pays. Ce sont des balivernes. Ce n'est pas du tout de cela qu'il est question. Ce n'est certainement pas ce que j'ai accepté à titre de premier ministre.

Enfin, il y a la question du référendum. Personnellement, je pense que c'est une suggestion stupide, en particulier pour les Nisga'as, parce que ce n'est pas ce que nous avons convenu avec eux. Nous avons convenu de soumettre la question à nos parlements; ils ont convenu de faire voter le peuple nisga'a. Nous n'avons pas convenu de tenir un référendum en Colombie-Britannique ou au Canada.

Deuxièmement, qui voteraient lors d'un référendum? Quatre-vingt pour cent de la somme convenue dans le règlement viendra des contribuables canadiens. Chaque Canadien devrait-il voter? Ou chaque habitant de la Colombie-Britannique seulement devrait-il voter? Ou encore faudrait-il se limiter à ceux qui vivent dans la région visée par le traité? Faudrait-il faire la même chose à chaque traité? Nous allons négocier 50 ou 70 traités.

Tout d'abord, cela semble absolument impossible dans la pratique; et deuxièmement, il serait vraiment trop compliqué de le faire pour chaque traité. C'est pourquoi nous avons des assemblées législatives où nous pouvons discuter de ces questions et prendre des décisions. C'est pourquoi nous avons des élections. J'ai fait campagne en 1991 en disant que nous allions régler les revendications des peuples autochtones par la négociation et non par les litiges ou la confrontation.

Je vous exhorte de ne pas envisager de tenir un référendum. Je ne pense pas que cela convienne et je ne pense pas que cela fonctionnerait.

Enfin, pour terminer mon exposé de dix minutes, je vous exhorte, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité, de recommander lundi que la Chambre des communes ratifie le traité nisga'a et qu'il soit ensuite adopté rapidement au Sénat, afin de l'offrir en cadeau de Noël aux Nisga'as et à ceux d'entre nous en Colombie-Britannique qui pensent que c'est une façon juste de procéder.

Merci.

La présidente: Je vous remercie.

Madame Roslyn Kunin, économiste en chef, Institution Laurier, vous avez la parole.

[Français]

Mme Roslyn Kunin (économiste en chef, Institution Laurier): Je vais commencer par vous souhaiter la bienvenue dans la belle ville de Vancouver, où il ne pleut jamais.

[Traduction]

Premièrement, je vous remercie d'avoir invité une économiste à venir vous parler. Vous savez tous que si vous croisez un économiste avec le parrain, vous obtenez une offre que vous ne pouvez pas comprendre. Je vais travailler très fort pour compenser cela et être aussi claire que possible.

Deuxièmement, vous savez tous que lorsqu'on pose une question à deux économistes, on obtient trois opinions, alors je vais exprimer mon désaccord avec mon collègue, John Richards, qui est aussi économiste. Je vais présenter un point de vue différent du sien, c'est-à-dire que je vais parler en faveur de la ratification du Traité nisga'a le plus rapidement possible.

Je peux parler avec une certaine autorité au sujet du Traité nisga'a parce que l'Institution Laurier a effectué une étude très importante, terminée il y a environ deux ans, des répercussions économiques de la conclusion de traités en Colombie-Britannique. Nous avons fait de notre mieux pour effectuer des recherches objectives. Cette étude était financée en partie par le gouvernement fédéral, mais aussi en partie par les Premières nations, ainsi que par des entreprises privées et des particuliers, de sorte que nous avions un certain degré d'autonomie en effectuant ces recherches afin de faire la lumière sur une question qui a suscité beaucoup de débats enflammés, qui ne vous ont guère éclairés.

Les résultats de notre étude apparaissent dans un livre intitulé Prospering Together, que vous avez tous vu, je l'espère. Dans le cas contraire, nous serions heureux de vous en remettre des exemplaires. D'après l'étude, la conclusion de traités en Colombie-Britannique en général et la conclusion du Traité nisga'a en particulier, que nous avons examiné longuement, parce qu'au moment où nous préparions cette étude, c'était le traité le plus près d'être conclu en Colombie-Britannique—l'accord de principe était signé—apporteraient des résultats très positifs pour les peuples des Premières nations.

Je sais bien que je suis l'un de ces économistes enquiquinants mais nous avons vraiment essayé de voir les choses dans une perspective générale. Nous avons en effet examiné l'impact social également. Nous avons constaté que des questions comme la santé et l'éducation avaient un impact économique autant qu'humain et qu'il fallait en tenir compte, et nous avons donc examiné ces questions. Encore là—et je renonce peut-être ainsi à mon permis d'économiste sinistre—nous avons constaté des résultats positifs.

• 0940

L'un des résultats les plus positifs—ces faits se sont dégagés au cours de l'étude—est devenu manifeste lorsque nous avons examiné la question de l'éducation. Les perspectives de règlement du traité dans cette province s'étaient améliorées, les négociations avaient commencé, et la conclusion d'un traité était maintenant une réalité dans les collectivités des Premières nations et en particulier chez les Nisga'as, après plus de cent ans de travail pour y arriver.

L'une des choses que nous avons remarquées comme conséquence du processus de négociation du traité était dans le domaine de l'éducation. L'une des raisons pour lesquelles beaucoup de peuples des Premières nations réussissent et ont réussi si mal comparativement aux autres Canadiens, dans les réserves et même dans les villes, est le manque d'instruction. Le taux de décrochage des élèves du secondaire, le manque de formation du capital humain—pour utiliser mon expression favorite—ont vraiment découragé et limité les membres des Premières nations, comme ce serait le cas pour tout Canadien qui n'aurait pas terminé ses études secondaires et n'aurait donc pas obtenu une formation plus poussée.

Une fois que le processus de négociation du traité a été vraiment lancé, nous avons commencé à voir que le taux de décrochage au niveau secondaire baissait parmi les jeunes du territoire des Nisga'as. Le taux a baissé parce que pour la première fois la perspective d'un traité signifiait pour ces jeunes qu'ils avaient plus de choix devant eux que dans le passé.

Jusqu'à maintenant, ils avaient choisi d'abandonner leur maison, leur famille, leur culture, leur quartier, leur ville, et de se rendre dans les grandes agglomérations où ils risquaient de disparaître en tant que membre d'une Première nation, se fondant dans la grande société canadienne, pour avoir une bien meilleure chance de prospérer sur le plan économique, ou ils choisissaient de rester dans leur réserve avec leur famille, avec les gens qu'ils connaissaient, et avec la culture dans laquelle ils avaient été élevés, mais avec des perspectives économiques pratiquement nulles.

Soudain, la possibilité de la conclusion d'un traité leur a fait comprendre qu'il y avait peut-être une autre solution. Elle leur a permis d'entrevoir des possibilités de développement économique, des ressources, des perspectives d'emploi, grâce à l'autonomie gouvernementale, grâce au financement qu'ils obtiendraient, grâce au processus même de conclusion du traité, c'est-à-dire qu'ils auraient la possibilité de garder leur culture, de rester parmi leur famille et leurs amis, tout en ayant des perspectives de viabilité économique.

Le taux de décrochage scolaire au niveau secondaire a donc décliné et c'était l'un des signes les plus positifs que nous avons vu quand nous avons entrepris cette étude.

En ce qui concerne l'aspect économique, je ne perdrai pas de temps à répéter ce que Mike Harcourt a déjà dit. Nos études confirment que l'économie de la Colombie-Britannique, en particulier l'économie des collectivités autres qu'urbaines de la province, qui n'était pas tellement bonne—si vous me permettez de parler franchement—a souffert encore plus à cause de l'incertitude découlant de l'absence de traité.

Quand on ne connaît pas les règles, quand on ne sait pas comment avoir accès aux terres, les industries—pas seulement l'industrie minière ou l'industrie forestière, mais aussi l'industrie touristique et les secteurs de haute technologie ainsi que toutes les autres industries—deviennent tout à coup plus hésitantes et beaucoup moins portées à investir en Colombie-Britannique, en particulier dans les régions où nos industries axées sur les ressources ont souffert de ralentissements cycliques, de la «grippe asiatique» et d'autres facteurs qui nous ont frappés.

Je répète qu'il y a au moins un milliard de dollars d'investissements possibles qui ne se font pas dans cette province. Les entreprises peuvent accepter presque n'importe quel ensemble de règles, si elles savent quelles sont ces règles, mais si un traité n'est pas conclu, il n'y a pas de règles. Personne ne sait ce qu'elles sont. Les personnes raisonnables choisissent alors de ne pas jouer le jeu.

En ce qui concerne l'autonomie gouvernementale, nous avons besoin du traité pour encourager tous les Canadiens, y compris les Premières nations, à travailler à l'intérieur des paramètres législatifs que les gens comme vous définissent et perfectionnent. Le traité dit très clairement que les lois d'application générale au Canada, notamment le Code criminel et les lois relatives aux droits de la personne, s'appliquent. Toutes les lois d'application générale au Canada s'appliqueront. En vertu des conditions d'un traité établi, ces lois, je le répète, seront reconnues et seront respectées.

• 0945

Dans les établissements des Premières nations du pays où aucun traité n'a été conclu et où il n'y a pas de règles, où l'on ne s'entend pas sur les modalités, qu'advient-il de l'accès aux ressources, que fait-on des services bancaires, de la législation fiscale, et d'autres questions—vous lisez tous les journaux et je n'ai donc pas besoin de donner des exemples plus spécifiques—et on peut entrevoir des situations beaucoup plus anarchiques où les gens disent que parce qu'ils ne savent pas quelles règles s'appliquent à eux, ils vont donc faire fi des règles existantes ou inventer leurs propres règles.

Les dirigeants nisga'as m'ont dit personnellement, et ils l'ont répété ailleurs, qu'ils ne cherchent pas à quitter le Canada. Ce qu'ils veulent faire avec ce traité, et très rapidement, c'est se joindre au Canada. Ils ont sacrifié une génération des leurs et leur vie pour en arriver là. Ce traité est un pacte en vertu duquel les Premières nations peuvent se joindre au Canada et participer à part entière à la société canadienne.

Nous devons ensuite examiner les conséquences du refus de ratifier ce traité. Cela peut certainement arriver. Sinon, nous ne serions pas ici en train d'en discuter. Quelles conséquences résulteraient du refus de ratifier ce traité?

Les conséquences économiques, et je le dis sans aucune équivoque à titre d'économiste, sont énormes et négatives. Il est difficile de les prédire avec un certain degré d'exactitude, mais elles seront énormes et elles seront négatives.

Mon dernier argument, et c'est un autre argument important, concerne le processus de négociation du traité. M. Harcourt en a parlé longuement. Nous les Canadiens, les habitants de la Colombie-Britannique, et les membres des Premières nations, avons négocié de bonne foi afin d'essayer de résoudre ce problème de longue date et d'en arriver à un accord négocié que tout le monde peut accepter.

Quiconque autour de la table a participé à des négociations sait que les négociations sont très difficiles. De même, quiconque a déjà participé à des négociations sait que c'est la réalité, et qu'il n'y a jamais d'entente parfaite. Chaque fois que les gens quittent la table des négociations, il y aura toujours des mécontents.

Prenons le cas simple des négociations patronales-syndicales. La partie syndicale quittera la table des négociations en se disant qu'elle aurait probablement pu en tirer davantage. De son côté, la partie patronale sortira des négociations en se disant qu'elle a probablement fait trop de concessions. Je crois que si l'on raille également des deux côtés de la table, c'est que l'entente sera aussi équitable et équilibrée qu'elle ne pourra jamais l'être dans le monde réel, ce monde humain dans lequel nous évoluons.

Je crois que le Traité nisga'a illustre ce genre d'entente. Il n'est pas parfait. J'ai entendu des Canadiens non-autochtones se plaindre amèrement de ce que le traité est trop généreux envers les Premières nations. J'ai également entendu des Nisga'as se plaindre avec virulence de ce qu'il ne leur donne pas assez. Puisque le mécontentement était à peu près égal des deux côtés, je pense que nous avons ici un traité dont toutes les parties peuvent s'accommoder, un traité qui peut nous apporter la certitude et la possibilité de prospérer ensemble.

Je vais terminer par un cliché tiré des vieux films western, si vous le permettez: «Visage pâle avoir langue fourchue». Nous avons mené des négociations de bonne foi en vue de conclure une entente qui serait ensuite ratifiée puis mise en oeuvre par les parties concernées, notamment le Canada, la Colombie-Britannique et les Premières nations. Si nous revenons sur notre parole maintenant, le vieux cliché sera confirmé.

• 0950

Nous ne savons pas exactement quelles seront toutes les conséquences du Traité nisga'a. Pour ma part, je pense que les avantages pourraient être énormes. Le traité comportera certaines incertitudes et entraînera des coûts. Ceci étant dit, je pense que les avantages dépasseront de loin les coûts. Je crois en outre que le traité prévoit des mécanismes permettant de régler les incertitudes futures, notamment en ce qui a trait à la pêche.

Enfin, j'aimerais vous citer quelque chose que j'ai entendu lors d'une conférence des Premières nations qui a lieu en Colombie-Britannique il n'y a pas si longtemps: «Ne demandez pas vers où mène le chemin. Allez là où il n'y a pas de chemin, et laissez des traces derrière vous.»

Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup.

Une voix: J'invoque le Règlement, madame la présidente...

La présidente: Le public n'a pas le droit d'intervenir. Silence, s'il vous plaît.

Je demanderai au public de s'asseoir. Merci.

Nous allons suspendre nos travaux pendant une minute pour permettre à cette personne de terminer ce qu'elle est en train de faire.

• 0951




• 0952

La présidente: Reprenons nos travaux.

Je suis ravie de voir que vous vous serrez la main, mais sachez que vous venez de retarder le processus parlementaire.

J'invite les témoins à faire preuve de courtoisie en comparaissant devant notre comité parlementaire. Il ne s'agit pas d'une assemblée publique locale, mais bel et bien d'une audience de la Chambre des communes. C'est une audience parlementaire, et la plupart des Canadiens comprennent le processus parlementaire et respectent son fonctionnement.

Je vais essayer de rétablir le décorum. Je ne demanderai à personne de quitter la salle, puisque nous avons besoin de la présence de tous ici. Le public a le droit d'être présent. Les médias ont le droit d'être présents. Mais les témoins comparaissant devant notre comité ont également le droit d'être entendus et d'exprimer leurs points de vue. Au Canada, nous entendons toutes les opinions. C'est pourquoi j'exhorte tous ici présents, dans la salle et autour de la table, de témoigner à tous les intervenants le respect qu'ils méritent.

Nous reprendrons avec M. Robin Richardson, président de R.M. Richardson and Associates. Veuillez commencer.

M. Robin M. Richardson (président, R.M. Richardson and Associates): Je partage tout à fait votre opinion, madame la présidente, puisque moi-même j'ai été député parlementaire par le passé.

Merci d'être venus en Colombie-Britannique et merci de nous avoir invités à faire partie de cette table ronde.

Je crois comprendre que le greffier vous a distribué une copie d'une étude que j'ai effectuée plus tôt cette année ainsi qu'une petite trousse d'information qui comprend des cartes, des tableaux et une copie de mon mémoire. Je ne vais pas le lire au complet, car je risque d'être un peu limité dans le temps, mais j'y renverrai de temps à autre. Je demanderais au comité, si possible, que ces documents soient publiés dans le hansard.

La présidente: En fait, à titre de précision pour tous les témoins comparaissant devant notre comité aujourd'hui, les documents seront annexés au procès-verbal.

M. Robin Richardson: Merci beaucoup.

La principale conclusion que je tire à titre d'économiste de carrière est que si on évalue correctement les coûts associés au traité nisga'a, et c'est essentiellement ce que j'ai fait dans mon étude, les contribuables de la Colombie-Britannique devraient s'attendre à recevoir du gouvernement du Canada une compensation financière substantielle, notamment pour les précieuses terres publiques qui seront transférées à la Nation nisga'a

Je suis un habitant de la Colombie-Britannique désireux de vivre en paix avec mes voisins de toutes les origines ethniques. À ce titre, j'ai grand espoir que la compensation des contribuables de cette province atténuera les tensions et favorisera la collaboration de la plupart d'entre eux dans le cadre du processus de négociation des revendications territoriales indiennes.

Je crains qu'à défaut de collaboration, ce ne soit le conflit, à mesure que la Colombie-Britannique deviendra de plus en plus balkanisée et fragmentée en une soixantaine d'États-nations indiennes, chacune ayant une entente de souveraineté association au sein de la Colombie-Britannique et du Canada, et chacune ayant son propre gouvernement racial qui contrôle une vaste proportion de ce qui était autrefois les terres de la Couronne, qui appartenaient à tous les habitants de la Colombie-Britannique.

• 0955

Je vais sauter la partie de mon mémoire portant sur l'évaluation des coûts faite par le gouvernement. Je vous invite à y jeter un coup d'oeil, vous y verrez la façon lamentable dont nos gouvernements, fédéral et provincial, ont calculé les coûts du traité nisga'a.

De plus, le vérificateur général et le ministre des Finances se sont prononcés sur la question. Pour sa part, le vérificateur général reproche systématiquement depuis cinq ans au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien de ne pas calculer les coûts afférents aux terres et à d'autres aspects de ces traités. Il y a à peine un mois, comme vous devez le savoir, le ministre des Finances a annoncé que les états financiers du gouvernement comporteraient désormais une rubrique consacrée aux dettes éventuelles associées aux revendications territoriales des Autochtones, évaluées à 200 milliards de dollars. J'espère que cette annonce poussera les responsables, en Colombie-Britannique et ailleurs, à évaluer proprement les coûts relatifs aux revendications territoriales.

J'ai effectué une étude pour le compte d'un client en 1996, au moment où la première entente de principe sur le traité nisga'a a eu lieu, puis je l'ai révisée plus tôt cette année. Cette étude est encore, du moins à ce que je sache, la seule évaluation indépendante des coûts associés au traité nisga'a. Certes, il y a eu de nombreuses études portant sur le traité nisga'a, mais aucune des études publiées n'a examiné la question des revendications territoriales, qui est en fait le chaînon manquant.

Dans l'un des tableaux que je vous ai distribués, vous pouvez voir que les terres nisga'as sont évaluées à 406,4 millions de dollars, et ce, en utilisant un modèle d'évaluation des coûts très prudent, modèle qui, soit dit en passant, s'inspire beaucoup de celui utilisé par le ministère des Affaires autochtones de la Colombie-Britannique. Le ministère avait retenu les services d'une société d'experts-conseils il y a quelques années pour faire une évaluation des coûts. Or il a rejeté du revers de la main les travaux de ces experts.

Ces 406,4 millions de dollars comprennent 268,2 millions de dollars pour les ressources forestières, 106,9 millions de dollars pour les ressources halieutiques, 17,5 millions de dollars pour les ressources en eau ainsi que 13,8 millions de dollars pour les ressources minérales. Vous pouvez trouver la méthode de calcul de ces coûts dans mon étude.

Pour vous montrer jusqu'à quel point ces calculs sont prudents—quoique le gouvernement leur reproche d'être très élevés—je vous dirai que le gouvernement de Colombie-Britannique a récemment signé un contrat de près de 100 millions de dollars avec MacMillan Bloedel, donnant à celle-ci le droit de coupe sur 32 000 hectares dans l'île de Vancouver. Les experts en sylviculture estiment que le potentiel d'exploitation forestière sur ces terres est semblable à celui de la vallée de la Nass nisga'a. Par conséquent, si on applique la même formule de compensation au règlement des revendications territoriales nisga'as, la valeur des terrains forestiers serait de 622, 5 millions de dollars plutôt que de 268,2 millions de dollars comme je l'ai évalué.

Bref, quand on additionne le coût des terres à tous les autres coûts, on obtient un total de 1,3 milliard de dollars. Tel est donc le coût réel du traité nisga'a, et non pas les 485 millions de dollars calculés par le gouvernement. Je parle de tous les coûts, ceux des terres, les versements pécuniaires et tout le tralala.

Les terres sont énormes. Vous trouverez dans votre trousse d'information une grande carte. C'est une carte à l'échelle dessinée par des cartographes professionnels que j'ai engagés à Victoria. Les terres visées par le traité nisga'a représentent 84 p. 100 de l'île de Vancouver; il s'agit des terres visées par le règlement ainsi que les réserves fauniques, certaines parties de la région de la Nass, qui est en fait la ligne de partage des eaux. Toutes ces ressources seront confiées à 2 000 personnes, dont 40 p. 100 n'ont pas atteint l'âge de la majorité.

Il y a bien d'autres coûts que le gouvernement n'a même pas évalués, et je vous ferai grâce des détails. Citons à titre d'exemple le programme de renouvellement des forêts. Un porte-parole de la nation nisga'a a déjà indiqué qu'après le règlement, les Nisga'as avaient l'intention d'exiger du gouvernement provincial des fonds supplémentaires pour le renouvellement des forêts, des fonds qui pourraient atteindre les 200 millions de dollars. Ils n'obtiendront peut-être pas gain de cause, mais ce sera un point de départ en vue de négociations futures.

Évidemment, on ne voit pas de fin aux coûts que le gouvernement devra continuer d'assumer. En effet, le gouvernement fédéral, par le truchement du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, continuera de délier les cordons de sa bourse, tout comme le gouvernement provincial devra le faire de plus en plus. C'est une tendance croissante qu'on a remarquée au cours des six ou sept dernières années.

En termes plus simples, le coût total du traité nisga'a, y compris les versements pécuniaires, le coût des terres et le potentiel de richesse associé aux ressources naturelles, pourrait s'élever à 1,3 milliard de dollars ou plus, et non pas à 500 millions de dollars comme l'admet maintenant le gouvernement de la Colombie-Britannique. Si l'on transpose le même calcul à plus de 150 000 Autochtones et à une soixantaine de traités, le coût total des traités pourrait facilement atteindre les 35 milliards de dollars ou plus et couvrir plus de la moitié de la terre émergée de la Colombie-Britannique.

La question de la compensation des contribuables de la Colombie-Britannique figure dans mon étude. On en a parlé ça et là, mais pas suffisamment. C'est pourquoi je voudrais la soulever de nouveau. J'ai utilisé la formule de partage des coûts négociée entre le gouvernement de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral, et je me suis servi également des chiffres que j'ai colligés moi-même, et je dois dire que le gouvernement fédéral doit rembourser au gouvernement provincial environ 652 millions de dollars, soit 25 p. 100 du coût total assumé par la Colombie-Britannique. À l'heure actuelle, la Colombie-Britannique assume 75 p. 100 des coûts, si on calcule correctement le coût des terres. En revanche, si on utilise une formule démographique, ce montant pourrait croître pour atteindre 805 millions de dollars.

• 1000

Ces montants sont faramineux, et c'est pourquoi je dis dans mon étude que le gouvernement provincial devrait exiger que le gouvernement fédéral répartisse les coûts associés à ce traité de façon plus équitable parmi les contribuables canadiens d'un océan à l'autre.

Si le gouvernement provincial utilise judicieusement les paiements de compensation d'Ottawa, il pourrait s'assurer un soutien populaire aux revendications territoriales indiennes et, ce faisant, rendre positive une situation qui risque d'être négative. Il pourrait dépenser cet argent comme bon lui semble. Il pourrait choisir de réduire la dette, baisser les impôts, faire des dépenses au titre de la santé, etc.

En guise de conclusion, je dirai encore une fois que le calcul correct des coûts du traité nisga'a, comme l'a d'ailleurs recommandé le vérificateur général du Canada, et l'exigera, je l'espère, le ministre fédéral des Finances, doit amener le gouvernement fédéral à verser une compensation financière substantielle aux contribuables de la Colombie-Britannique, essentiellement pour les dédommager des précieuses terres publiques qui ont été transférées à la Nation nisga'a et qui seront cédées à une date ultérieure à une soixantaine de Premières nations visées par des traités. Cela devrait amener la plupart des habitants de la Colombie-Britannique, et je dis bien la plupart et non pas tous, à préférer la collaboration à l'affrontement, et à appuyer le processus de règlement des revendications territoriales indiennes.

Pour éviter la balkanisation de la Colombie-Britannique, Ottawa doit verser une compensation adéquate et prompte à cette province qui a accepté de céder ses terres publiques à des États naissants des Premières nations. La compensation et l'utilisation judicieuse des fonds par le gouvernement de la Colombie-Britannique au profit des générations actuelles et futures de la province sont la bonne façon de procéder dans cette voie difficile et dangereuse que nous avons empruntée.

Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

La présidente: Merci, monsieur Richardson.

Nous entendrons maintenant un professeur de politique gouvernementale, M. Rod Dobell, de l'Université de Victoria. Vous avez la parole, monsieur.

M. Rod Dobell (professeur, Université de Victoria): Merci beaucoup, madame la présidente. C'est pour moi un véritable honneur que d'être ici.

Contrairement aux autres panélistes, je n'ai jamais fait de politique, je n'ai jamais été élu. La connaissance que j'ai du monde politique me vient uniquement du stage que j'ai fait comme directeur de la recherche auprès de groupes de travail parlementaires: le comité Breau sur le fédéralisme fiscal et le comité Frith sur la réforme des pensions. C'était il y a longtemps.

Je tiens à vous remercier de m'avoir invité ici. Contrairement à ce que disent beaucoup d'éditorialistes et contrairement à tout ce que l'on dit au sujet de l'absence de démocratie, le processus en cours m'incite à conclure que notre régime démocratique se porte bien. Il me semble que ce sont ces principes démocratiques que nous devrions suivre pour mener à terme le débat sur le Traité nisga'a.

Je tiens à vous expliquer un peu mes antécédents. J'ai fait un doctorat d'économique mathématique au MIT et j'ai enseigné la théorie de l'optimisation à Harvard et à l'Université de Toronto. Puis, sans trop savoir dans quoi je m'embarquais, je suis allé à Ottawa apprendre à des gens comment prendre des décisions et je me suis trouvé à passer six ans à enseigner la prise de décision à Ottawa. J'ai constaté qu'il me fallait autre chose; ma formation était très incomplète. C'est ainsi que je me suis retrouvé ensuite à l'emploi de l'OCDE et de diverses organisations non gouvernementales.

Maintenant que je suis de retour, je ne suis plus économiste mathématique, et je me qualifie parfois d'économiste écolo-socio-politique, puisque depuis 10 ans, je m'occupe d'apprentissage social, de gestion des risques atmosphériques, d'instruments économiques au service de l'exploitation forestière et de changement planétaire dans le domaine des ressources maritimes.

Mon cheminement antérieur m'amène à conclure que le débat sur le Traité nisga'a, notamment sur les coûts afférents, n'a pas permis de s'attaquer aux véritables questions, qui ont trait à la gestion des ressources et aux programmes sociaux. Je voudrais donc vous dire deux ou trois choses sur la façon de structurer l'analyse ou l'évaluation de la politique gouvernementale à cet égard.

• 1005

Tout d'abord, je dirais qu'il faut savoir très clairement quel est le point de départ de l'analyse. Cette analyse doit se fonder sur notre régime parlementaire démocratique, sur notre Constitution qui consacre les droits collectifs et sur la reconnaissance que tous les peuples et tous les individus sont égaux.

Il est notamment important de reconnaître que nous partons d'une répartition contestée des titres, d'une répartition contestée des droits. Les négociations ont débuté dans un contexte où il n'existait pas de titres clairement établis. La Cour suprême du Canada a insisté à plusieurs reprises sur le fait qu'il faut reconnaître l'existence éventuelle de titres ancestraux là où ils existent. La Cour suprême a dit que «le titre ancestral constitue un droit à l'égard des terres en tant que telles».

Il en découle donc un grèvement, et l'ampleur du grèvement sur les titres de la Couronne doit être déterminée. Les négociations avec les Nisga'as visaient notamment à clarifier l'équilibre existant des droits. Ainsi, pour évaluer le traité, nous ne pouvons pas partir du principe que nous, les non-Nisga'as, avons un titre exclusif et que nous allons renoncer en partie à ce titre et évaluer ce qu'il nous en coûtera. Il est donc important de savoir quel est le point de départ des négociations.

Deuxièmement, il est important de bien savoir pour qui votre groupe fait son analyse. Il me semble qu'il l'a faite, non pas pour les Canadiens exception faite des Nisga'as ou pour le contribuable non nisga'a, mais bien pour tous les Canadiens, ou pour tous les habitants du Canada. Dans ce cas, le transfert de titres des Nisga'as aux non-Nisga'as ou des non-Nisga'as aux Nisga'as est un transfert entre membres de la même famille, celle qui comprend tous les Canadiens. Il n'en découle pas de coût pour l'ensemble des Canadiens, mais uniquement une nouvelle répartition entre eux.

C'est cette répartition initiale qui doit être déterminée. Les négociations avec les Nisga'as doivent se solder par une entente sur l'équilibre existant des droits. En ce qui concerne, par exemple, les stocks de poisson, il est entendu que 26 p. 100 du contingentement total ira à un groupe, alors que l'autre aura droit à 74 p. 100.

Il n'en découle pas de coût pour l'ensemble du groupe. En économique, il y a un principe fondamental selon lequel le coût équivaut à ce à quoi on renonce. Le coût de quelque chose est déterminé par ce à quoi il faut renoncer pour l'obtenir. Quand on reconnaît ou qu'on cède aux Nisga'as des droits d'accès en ce qui concerne l'exploitation forestière ou des contingents de pêche, la forêt ne disparaît pas et les poissons continuent à nager. L'effet économique de ce transfert se fait sentir si les nouveaux propriétaires gèrent la ressource d'une façon différente par rapport aux anciens propriétaires. S'ils la gèrent mieux, nous constatons qu'il y a un avantage économique. S'ils la gèrent moins bien, nous concluons à un coût économique.

Le coût découle de la gestion et des incitatifs qui favorisent une bonne gestion. Il ne découle pas du transfert, du titre en tant que tel. Ce même principe peut aussi s'appliquer au financement des programmes.

S'agissant des conséquences économiques de cette entente négociée, on peut supposer que la gestion des ressources se fera dorénavant plus près de la base, qu'elle sera dorénavant le fait des collectivités en place. Nous aurons donc une gestion communautaire des pêches.

J'ai participé à un groupe de travail qui vient tout juste, après trois ans de travail, de publier son rapport sur le changement planétaire et les ressources maritimes. Son principal message était qu'il faut que les droits et les titres soient clairement établis. Il faut qu'il y ait des mesures qui incitent le gestionnaire individuel et le pêcheur individuel à s'efforcer de réaliser les objectifs de l'ensemble de la société en matière de conservation et d'intendance. Il faut que ces mesures d'incitation soient bien pensées. La sagesse courante dans les milieux où on s'occupe de gestion des ressources veut que les mesures d'incitation soient plus susceptibles d'être productives si la collectivité a un rôle à jouer dans la gestion des ressources. C'est là un des éléments du traité.

• 1010

La prestation de programmes financés à même le régime fiscal nous permet de faire en sorte que les programmes soient offerts par les parties plus directement concernées. Il existe une abondance de preuves pour montrer que la collectivité se porte mieux quand elle a le sentiment d'avoir un rôle à jouer et d'avoir son mot à dire. Cela ne fait aucun doute: les taux de suicide baissent, la population se porte mieux, la participation augmente, le capital social s'accroît et la cohésion sociale s'améliore. Le traité prévoit une entente de financement global très similaire à l'entente de financement des administrations territoriales. Il ne s'agit pas d'un coût, mais simplement d'un nouvel ordonnancement du financement.

Que nous procure l'entente au bout du compte? Elle nous assure un meilleur climat pour les décisions relatives aux investissements, notamment un meilleur climat pour la poursuite des négociations, l'évolution des modalités de gestion et le règlement des différends qui ne manqueront pas de surgir. Étant donné que nous serons appelés à interpréter les règles du jeu dans un monde en évolution, il nous faut un climat qui nous permette de discuter avec tous les membres de la collectivité de la façon dont les règles pourront être changées au fur et à mesure que le monde évoluera.

Ce à quoi je veux en venir finalement, c'est qu'il y a ici des réalités économiques sous-jacentes qui vont bien au-delà des estimations de coût. J'ai dit à Robin tout à l'heure que je tenterais de montrer qu'il a surestimé les coûts. Fait plus important, cependant, ces estimations de coût n'ont rien à voir avec l'évaluation du traité. Si nous partons du principe que ce sont tous les Canadiens, y compris les Nisga'as, qui sont en cause, il n'y a aucune raison que des indemnités soient versées à Sa Majesté du chef de la Colombie-Britannique, puisque l'entente clarifie l'équilibre excitant des droits. S'il y a transfert, il s'agit d'un transfert à l'interne.

J'ai soutenu qu'il était ridicule d'avoir versé une indemnité à MacMillan Bloedel, mais cette indemnité a été versée pour recouvrer le titre libre. La Colombie-Britannique avait déjà cédé le titre à MacMillan Bloedel, et nous avons dû le racheter. J'estime que nous avons payé trop cher, mais ce n'est pas là notre propos d'aujourd'hui. Quand un droit de tenure est cédé par Interfor à MacMillan Bloedel, nous ne disons pas qu'il y a un coût qui en découle. Quand MacMillan Bloedel cède un droit de tenure à Weyerhauser, nous ne disons pas non plus qu'il en découle un coût, que le Trésor ou le contribuable est obligé d'assumer. Nous y voyons plutôt une source de création d'emplois. Je ne vois donc pas pourquoi nous considérons ces transferts comme des coûts.

Il y a bien d'autres questions que j'aborderais avec vous si je vous faisais un cours de 55 minutes, mais je conclurai en disant qu'il est absolument critique de bien comprendre l'approche comptable. Pour qui faisons-nous le travail? Il nous faut absolument reconnaître que, si nous évaluons l'entente qui a été négociée en réponse à la décision de la Cour suprême qui nous enjoignait de clarifier les titres, ce n'est pas par souci de créer des emplois. Ce qui doit nous animer, c'est le souci de la justice et de l'équité et l'importance d'asseoir notre développement futur sur un fondement social solide.

L'Accord définitif nisga'a n'est pas un programme de soutien du revenu et ne devrait pas être évalué dans cette optique. Il ne s'agit pas non plus d'un programme pour assurer la mobilité. Il s'agit plutôt d'une entente sur l'équilibre initial des droits et la façon de répartir ces droits à l'avenir. C'est quelque chose qui doit être fait de toute façon, peu importe que John Richards ait raison ou non de dire que les centres régionaux d'activité économique pourraient perdre tout leur sens dans le contexte de la mondialisation, ou encore que le capitalisme passera forcément par l'adoption d'un modèle uniforme. Peu importe qu'il ait raison ou qu'il ait tort, ce sont là des programmes qu'il faudra évaluer ultérieurement.

De toute façon, l'Accord définitif nisga'a doit être ratifié. Il faut d'abord s'entendre sur l'équilibre initial et l'équilibre existant des droits, puis étudier les questions relatives au développement économique. Il ne faut toutefois pas évaluer l'accord comme s'il s'agissait d'un programme de soutien du revenu pour certaines régions de la Colombie-Britannique. L'injection de fonds en Colombie-Britannique sera excellente pour l'économie, mais ce n'est pas là le but du traité.

Merci beaucoup, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant à notre dernier témoin de la matinée, M. Jim Fulton, directeur exécutif de la David Suzuki Foundation. Vous avez la parole.

M. Jim Fulton (directeur exécutif, Fondation David Suzuki): Merci, madame la présidente.

[Français]

Je m'excuse du fait que ce document ne vous est présenté qu'en anglais.

• 1015

[Traduction]

Au début d'une réunion comme celle-ci, les Nisga'as ont l'habitude de dire simgigat sigidim hanak' k'ubawilksihlkw. C'est sans doute ce qu'ils vous ont dit quand ils vous ont présenté leur exposé tout à l'heure.

Ce que je trouve désolant dans le débat public ici, en Colombie-Britannique, c'est l'absence d'informations fondées sur l'expérience. La pluie de critiques qui s'abat sur le traité, sur le processus et sur les Nisga'as de la part des journalistes et des politiques vient bien souvent de personnes qui ne sont tout simplement jamais allées à Kincolith, ni à Gitlakdamix, ni à Aiyansh, ni dans la vallée de la Nass. La plupart des gens en Colombie-Britannique ne comprennent pas encore, selon moi, que nous avons affaire à une civilisation très mûre. Depuis des milliers d'années, cette civilisation pratique l'ayookw, dont les éléments sont tout aussi complexes que ceux du Parlement canadien ou du Congrès américain. Nous avons affaire à une civilisation très ancienne. Ceux des milieux politiques et journalistiques qui continuent à déblatérer contre l'accord ne font pas preuve d'une grande intelligence, c'est le moins que l'on puisse dire.

J'ai eu l'honneur de représenter les Nisga'as et les habitants de la grande circonscription nordique de Skeena pendant quatre mandats, de 1979 à 1993. Au cours des 20 dernières années, j'ai eu l'honneur insigne de visiter les localités nisga'a de la Nass à maintes reprises, et souvent d'y faire des séjours prolongés. J'ai toujours considéré mon bureau comme centre démocratique où les délégués nisga'as étaient toujours bien accueillis quand ils venaient à Ottawa. J'ai déclaré publiquement mon appui pour les négociations relatives au traité entre le Canada, la Colombie-Britannique et les Nisga'as, et je déclare publiquement mon appui pour l'accord définitif.

Je tiens tout d'abord à souligner la contribution énorme des Nisga'as à notre vie économique et politique. La maison Price Waterhouse s'est vu commander une étude sur la valeur des ressources qui avaient été retirées du territoire nisga'a ces dernières décennies seulement, et elle a conclu que le montant dépassait les 2 milliards de dollars. Les Nisga'as n'ont reçu aucune indemnisation. Le traité prévoit de leur verser 190 millions de dollars sur 15 ans. Si l'on veut se reporter aux chiffres économiques cités tout à l'heure, cela représente moins de 10 p. 100 de ce qui leur a été pris. Le territoire nisga'a dans la région de la Nass a une superficie supérieure à 25 000 kilomètres carrés, et le traité dont nous sommes saisis prévoit un titre en fief simple à l'égard de 8 p. 100 seulement de ces terres.

Les Nisga'as et les traités ont fait l'objet de beaucoup d'affirmations fausses. Certains continuent à faire de ces affirmations même après qu'on leur en a montré la fausseté. Certains médias continuent à publier de fausses informations, qui déforment délibérément la réalité. Ce qui est peut-être tout aussi répréhensible, c'est qu'on occulte presque complètement les informations montrant les avantages du traité pour tous les habitants de la Colombie-Britannique et pour tous les Canadiens.

Je vous en donne quelques exemples. La proclamation du traité donnera à Ottawa et à Victoria, ainsi qu'à d'autres, un titre certain à l'égard de plus de 23 000 km carrés de territoire qui sont présentement grevés par les titres et les droits nisga'as. Les députés qui n'ont pas lu la décision Delgamuukw de décembre 1997 devraient la lire. Combien cela vaut-il? Combien de milliards? Selon la formule de M. Richardson, les Nisga'as donnent au Canada et à la Colombie-Britannique l'équivalent de 10 milliards de dollars en terres, car c'est ce que dit la loi et c'est ce que signifie l'article 35 de la Constitution canadienne.

Le débat n'a porté que sur les coûts. Qu'en est-il de ce que nous rapportera la réduction des activités de pêche et du nombre de prises quand les stocks de poisson sont faibles ou quand la saison de pêche est moins bonne? Qu'en est-il de ce que nous rapporteront les impôts que les contribuables et les entreprises nisga'a verseront au Trésor? Qu'en est-il du fait que les revenus des Nisga'as serviront à mettre sur pied des services et des entreprises locales? Qu'en est-il des centaines de millions qui iront d'Ottawa au nord-ouest de la Colombie-Britannique, vers des localités comme Terrace, Prince Rupert, Kitimat ou Smithers?

On tient rarement compte des avantages qu'il y aura pour tous les Canadiens de passer d'un climat d'agression systématique à un climat de certitude, de développement économique et de coexistence pacifique, et il faut en tenir compte.

Au cours des années où j'ai travaillé avec les Nisga'as, j'ai été attristé à maintes et maintes reprises par les conséquences sociales, économiques et politiques de la Loi sur les Indiens et par les effets négatifs des réserves.

Permettez-moi de m'y attarder un instant. Le traité brise le joug créé en 1867 par la mention dans la Constitution des «terres réservées aux Indiens», soit les terres appelées réserves dans la Loi sur les Indiens, dont le Canada détient la propriété pour l'utilisation et la jouissance des bandes indiennes.

La jouissance sans la propriété constituait une entrave économique pour les entrepreneurs nisga'as qui ne pouvaient pas donner les terres en garantie ou en nantissement. Les collectivités nisga'a ont ainsi été privées d'un outil économique essentiel. Sans aucune indemnisation, le Canada a retiré aux Nisga'as leur droit de pêche en délivrant à d'autres des permis pour les pêches traditionnelles de la Nass. Or, les Nisga'as ont reçu les prix de conservation les plus prisés qu'offre le gouvernement fédéral pour leur pêche sélective et leurs efforts pour protéger les stocks plus faibles dans la Nass. Les ressources forestières comprises dans les terres nisga'a ont été données à d'autres, et l'ombudsman note, dans un récent rapport sur le permis d'exploitation de ferme forestière numéro un, des surcoupes massives et énormément de gaspillage et de destruction.

• 1020

Dans son ouvrage intitulé Falldown qu'elle a publié plus tôt cette année, Mme Patricia Marchak conclut que la surcoupe dans la région de la Nass atteint plus de 100 p. 100. Ainsi, d'après ses propres calculs, l'expert-forestier en chef conclut que la coupe dépasse de plus de 100 p. 100 les niveaux d'exploitation à long terme et la coupe annuelle maximale qui est autorisée. Il n'y a pas suffisamment de peuplements mûrs et secondaires pour soutenir les niveaux de coupe actuels. La destruction par la province des forêts de la vallée de la Nass est depuis longtemps une source de désolation pour les Nisga'as et les autres habitants de la Colombie-Britannique qui sont sensibles à cette question. La perte de la faune et d'une multitude de plantes exploitables, de même que la destruction documentée des habitats du poisson, sont une source de honte nationale.

Malgré tout cela, et après 112 années de démarches auprès de la Couronne, la Nation nisga'a se dit disposée à signer une entente honorable relative aux terres en question. L'économie nisga'a a survécu à la loi honteuse que le Parlement a adoptée en 1927 et qui interdisait à toute bande indienne de recueillir des fonds pour défendre quelque revendication foncière que ce soit devant les tribunaux. Je suis sûr que vous le savez tous, cette loi visait expressément les Nisga'as.

Les Nisga'as ont survécu à la destruction du potlatch et des festins traditionnels. L'interdiction de ces activités équivalait à l'interdiction d'institutions démocratiques.

Les Nisga'as ont survécu aux tentatives brutales d'assimilation dont ils ont été l'objet, notamment à l'agression sexuelle répandue et au déchirement des familles ainsi qu'à la perte de la langue et de la culture à cause des pensionnats. Au fil des ans, seule une poignée de Nisga'as ont obtenu des emplois des entreprises forestières ou se sont trouvés du travail dans la construction des routes ou au gouvernement. Cependant, les Nisga'as ont maintenu une étroite relation avec la terre et ses ressources vivantes. Privés de tous droits relatifs à l'extraction des ressources, privés de leviers financiers, privés d'emplois, privés de financement, encouragés à se battre pour le Canada dans deux guerres mondiales, puis privés du droit de vote à leur retour, jusque dans les années 60—,les Nisga'as sont des survivants.

Le Canada n'a pas été honorable, c'est le moins qu'on puisse dire. La Colombie-Britannique n'a pas été honorable jusqu'à maintenant, c'est le moins qu'on puisse dire. Certains politiques et certains journalistes présentent de faux arguments au sujet du traité. Ils occultent ainsi délibérément la feuille de route atroce du Canada, de la Colombie-Britannique et des entreprises d'exploitation des ressources dans leurs rapports avec cette première nation fière de son identité.

Il est probable, voire à peu près sûr, que les Nisga'as commettront des erreurs dans leurs efforts pour bâtir une nouvelle économie, mais je suis persuadé qu'ils seront des chefs de file en matière de conservation, de protection de la biodiversité, de l'habitat du saumon et des forêts, ainsi que de l'édification d'une économie vraiment durable pour les générations à venir. J'ai passé 20 ans de ma vie à travailler avec les Nisga'as afin de leur assurer les droits humains et économiques que la plupart des Canadiens tiennent pour acquis.

Les Nisga'as ont fait leurs preuves pour ce qui est de gérer leurs systèmes scolaire et de soins de santé, leurs petites entreprises, ainsi que leurs activités de pêche et d'exploitation forestière. Ils maîtrisent de nombreux métiers d'art et ont su garder intacte une culture ancienne.

En leur redonnant des terres et des ressources et en leur assurant des règles du jeu équitables sur le plan de la gestion publique, le traité nisga'a s'avérera être un bon investissement sur le plan individuel, collectif et économique pour la Colombie-Britannique et pour le Canada. Je peux vous donner l'assurance que vous pourrez vous prononcer fièrement en faveur de ce traité à la Chambre des communes.

La présidente: Merci, monsieur Fulton.

Je tiens à remercier tous les panélistes pour leurs déclarations liminaires.

Avant que nous ne passions au premier tour de questions, je tiens à vous signaler l'arrivée de Val Meredith, qui est député de—attendez un peu que je le retrouve—South Surrey—White Rock—Langley, en Colombie-Britannique. C'est bien cela?

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): C'est bien cela.

La présidente: Elle remplacera un autre membre du Parti réformiste à nos audiences aujourd'hui.

Nous commencerons le premier tour de questions avec M. Gouk, du Parti réformiste. Vous avez la parole pour cinq minutes.

M. Jim Gouk: Merci, madame la présidente.

Merci à tous nos témoins d'avoir bien voulu prendre le temps de venir nous rencontrer ici aujourd'hui. Peu importe dans quel camp vous vous trouvez, c'est bien que vous participiez à nos délibérations.

Comme je n'ai que peu de temps, après avoir entendu des exposés pendant plus d'une heure, je voudrais me concentrer sur deux ou trois points, qui s'adressent principalement à MM. Richards et Harcourt, mais j'ai aussi deux ou trois autres observations à faire. Je voudrais commencer par faire une observation à l'intention de M. Richards et prendre un peu les devants par rapport aux autres partis qui sont représentés ici.

• 1025

Monsieur Richards, on va sans doute jeter le discrédit sur votre étude parce qu'elle a été faite à la demande d'un député réformiste, ce qui vous enlève automatiquement tout crédit. Je tiens à faire remarquer que Mme Kunin a été embauchée par les libéraux et les groupes autochtones, bien entendu, alors vous pourrez au moins vous servir de cela pour parer leur attaque, monsieur.

Monsieur Richards, vous avez dit qu'il y aurait une migration importante des réserves vers les villes. Je me demande alors si le traité nisga'a va profiter à quelqu'un, puisqu'il n'y a pas vraiment d'avantages transférables aux individus quand on remet aux dirigeants autochtones un certain montant d'argent et une certaine quantité de terres. Il est douteux que les Autochtones qui quitteront la réserve pourront conserver leur part de ces avantages. En fait, étant donné que les deux tiers des Nisga'as vivent hors réserve, je me demande depuis le début s'ils vont récolter des avantages quelconques de ce traité.

Vous, de même que M. Harcourt, avez abordé une autre question. Dans votre cas, vous avez évoqué les conditions sociales, le problème des conditions sociales.

Monsieur Harcourt, vous avez dit qu'il faut améliorer les conditions sordides dans lesquelles vivent les Autochtones. La solution est-elle de leur donner de l'argent? Il y a le cas des Assiniboines, qui sont 3 300 et dont certains vivent dans les conditions sordides que vous avez décrites, alors même qu'ils ont un revenu de 50 millions de dollars par an.

Il y a aussi une multitude d'autres exemples ici en Colombie-Britannique. Il y en a un qui a fait les manchettes dans les journaux de Vancouver cette semaine, celui des membres de cette bande qui est extrêmement bien nantie qui vivent dans de vieilles roulottes rouillées parce qu'ils attendent depuis des années un logement et qu'ils n'ont toujours pas réussi à en obtenir un dans la réserve.

Pour ce qui est des Nisga'as, si on ne compte que les fonds qui leur sont versés par le gouvernement fédéral et la province, et si on évalue leur nombre à 2 000—ce chiffre est un peu généreux à mon avis—hommes, femmes et enfants qui vivent dans la réserve, cela fait plus de 15 000 $ par habitant qu'ils reçoivent à l'heure actuelle, mais ils ont quand même ces problèmes que nous essayons de régler par le traité. Je dirais donc que ce n'est pas vraiment la solution.

Monsieur Harcourt, vous avez soulevé la question de la certitude—M. Fulton l'a soulevée aussi—vous avez dit qu'il nous fallait avoir de la certitude, et ce, pour éviter les affrontements et les poursuites.

Or, nous avons entendu le témoignage des Gitanyows, qui nous ont dit que 80 p. 100 des terres que les Nisga'as recevront du gouvernement que vous avez déjà dirigé sont des terres gitanyows, et ils considèrent qu'il s'agit là d'une violation flagrante de la jouissance qu'ils ont de leurs terres. Ils nous ont dit qu'ils défendraient leurs terres et ont évoqué entre autres des scènes comme celles qu'on a vues en Bosnie, en Tchétchénie et au Timor- Oriental. Ils nous ont dit: «Nous défendrons nos terres. Si vous vous introduisez dans nos terres sans permission, vous aurez droit à deux avertissements. La troisième fois, ce sera beaucoup plus grave.»

Nous nous dirigeons donc vers des poursuites ou vers des affrontements et de la violence, alors j'ai du mal à voir comment le traité serait garant de certitudes. En fait, nous sommes peut-être en train de rendre la situation encore pire qu'elle ne l'était, parce que nous ne sommes pas allés jusqu'au bout du processus de négociation du traité qui prévoit que les chevauchements de ce genre doivent être réglés avant qu'un accord définitif ne soit signé.

Enfin, M. Fulton par parlé de ce chiffre magique de 8 p. 100; il a dit que les membres de la Nation autochtone nisga'a n'auraient droit qu'à 8 p. 100 des terres qu'ils revendiquent. Or, il y a trois séries de cartes. La première, qui découle en partie de la décision Calder, ne suscite aucune objection chez les Gitanyows. Il s'agit de terres qui appartenaient aux Nisga'as et qui étaient reconnues comme telles. Dans deux cartes ultérieures, cependant, les limites territoriales ont été élargies, et c'est à ce moment-là que les Gitanyows ont commencé à revendiquer ces terres sur lesquelles ils soutiennent avoir un titre clair, confirmé non pas seulement par une histoire orale vieille de 10 000 ans, mais aussi par les documents historiques des 130 dernières années. Nous voilà donc aux prises avec cet affrontement incroyable.

Les terres qu'obtiennent les Nisga'as, pour bien situer la chose, ne représentent pas seulement 8 p. 100 des terres contestées, mais 25 p. 100 des terres qu'ils revendiquaient comme les leurs au départ. Cela représente donc une réduction, mais pas autant qu'on le prétend. Ainsi, quand j'entends des députés d'un côté de l'assemblée législative...

La présidente: Il vous reste 15 secondes. Je permettrai aux témoins de répondre brièvement.

M. Jim Gouk: Quand j'entends dire que ceux qui s'opposent au traité citent des chiffres inexacts, je vous signale, monsieur, qu'il en va de même pour les deux camps.

La présidente: Je vais accepter qu'on réponde brièvement à une des questions. Voulez-vous choisir celle à laquelle vous voudriez obtenir une réponse?

M. Jim Gouk: C'est surtout à M. Harcourt et à M. Richards que je m'adresse, alors ils pourront décider lequel des deux veut répondre.

M. John Richards: Pouvons-nous répondre tous les deux brièvement?

La présidente: Oui, très brièvement, s'il vous plaît.

• 1030

M. Mike Harcourt: J'ai trois petites observations à faire. Premièrement, je ne jette pas automatiquement le discrédit sur tout ce qui vient du Parti réformiste. John Reynolds est un vieil ami à moi, et je travaille avec Val Meredith sur un certain nombre de dossiers, alors je vous demande de ne pas vous offusquer de mes propos. Il se trouve que je crois au processus qui est détaillé dans le traité.

Pour ce qui est des conditions sordides et du fait que l'argent puisse être la solution, l'argent n'est pas la solution. Il faut du temps et de la bonne foi et il faut accepter qu'il y aura des erreurs au fur et à mesure que nous nous éloignerons de l'échec total que sont actuellement les réserves-providences qui ont été créées aux termes de la Loi sur les Indiens. Je crois qu'il faudra une génération avant que les traités ne soient mis en oeuvre et au moins deux générations pour éliminer la dysfonctionnalité que nous avons causée par nos actions des 100 dernières années. Je ne pense pas que l'argent soit la solution.

Je crois que la solution réside en partie dans l'espoir. Je crois qu'elle réside aussi en partie dans le renforcement des capacités et l'accroissement des ressources. C'est pour cette raison que je refuserais un accord comme celui qui a été conclu en Alaska et qui équivalait à remettre un chèque de 100 milliards de dollars. C'est pour cette raison que nous disons que le renforcement des capacités et l'accroissement des ressources doivent se faire sur une période de 10 ou 20 ans. Je suis donc d'accord avec vous pour dire que l'argent n'est pas la solution à certains des problèmes que vous avez évoqués.

Enfin, il y a la question de la certitude et de la revendication des Gitanyows. Il existe un processus pour s'en occuper. Ce n'est pas à moi de juger si la revendication des Gitanyows est valable ou non, mais l'on reconnaît généralement qu'elle doit être réglée, et le traité y est assujetti. Je crois que tout le monde sait cela.

Il vaut beaucoup mieux utiliser ce processus plutôt que l'approche d'Oka ou de Gustafsen Lake. Barricader les routes, ça ne fonctionne pas. Les tribunaux ont toujours réaffirmé le fait que les droits autochtones existent, qu'ils n'ont pas expiré, donc il faut négocier. Je crois que c'est ce que nous essayons de faire ici aujourd'hui.

La présidente: Monsieur Richards pour une brève réponse, s'il vous plaît.

M. John Richards: J'espère que vous avez maintenant reçu les documents que j'ai distribués. Si vous regardez la population urbaine de certains groupes ethniques, aussi récemment que 1951, vous voyez que 7 p. 100 des Autochtones vivaient en milieu urbain. En 1991, il s'agissait de 42 p. 100 et ce chiffre aura sans doute augmenté lorsqu'on verra les résultats du recensement de 1996.

Mon collègue, Alan Cairns, qui va bientôt publier un ouvrage important sur la commission royale d'enquête, a bien présenté l'argument que je veux faire valoir. Je le cite:

    Les commissaires ne l'ont pas et n'auraient pas voulu le formuler de cette façon, mais l'une de leurs décisions essentielles concernait le fait de savoir s'il fallait mettre l'accent sur les aspects économiques et les autres avantages de la vie urbaine pour les peuples autochtones ou sur les contributions à la survie culturelle des collectivités autonomes axées sur les ressources naturelles. Les données des commissaires indiquent clairement divers aspects positifs de l'expérience urbaine comparativement à celle sur les réserves. La croissance anticipée de l'emploi est beaucoup plus favorable en milieu urbain. Les revenus sont beaucoup plus élevés, le degré de scolarisation est supérieur, le taux de participation au marché du travail est plus élevé et les taux de chômage sont inférieurs, la probabilité d'emploi à temps plein est supérieure et la population des assistés sociaux est moindre. Les Indiens vivant en milieu urbain ont l'espérance de vie la plus longue parmi les peuples autochtones. Divers indicateurs d'éclatement social—la violence familiale, le suicide, l'agression sexuelle, le viol, l'alcoolisme et la toxicomanie—sont de loin supérieurs pour les populations indiennes en réserve que pour celles hors réserve. Cependant, la rétention culturelle est plus faible pour ces derniers, la participation aux activités traditionnelles diminue, la langue se perd plus rapidement [...].

Il s'agit d'un compromis difficile auquel sont confrontés tant les Autochtones que les non-Autochtones.

La présidente: Merci.

Je rappelle à mes collègues autour de cette table que ce sont vos règles que j'essaie d'appliquer. Vous avez demandé des tours de cinq minutes. Nous en sommes à presque 9 minutes et 40 secondes au premier tour. Cela ne va pas continuer. Je vais appliquer les règles. Si les gens décident d'utiliser leurs cinq minutes pour poser dix questions et ne prévoient pas assez de temps pour les réponses, il n'y aura pas de réponses. Je vous avertis immédiatement parce que je vais appliquer les règles que vous m'avez demandé de mettre en oeuvre.

Nous allons passer maintenant au deuxième intervenant pour le premier tour. Selon mon horloge, nous devrions pouvoir avoir au moins trois tours de table et ainsi permettre beaucoup de questions et réponses.

[Français]

Monsieur Bachand, commencez, s'il vous plaît.

• 1035

M. Claude Bachand: Madame la présidente, le groupe de témoins que nous rencontrons ce matin est des plus intéressants. Malheureusement, à cause des règles de procédure que nous suivons, le temps à notre disposition ne nous permettra pas d'interroger tout le monde. Je m'adresserai donc plus longtemps à M. Richards qu'à M. Mike Harcourt.

Pour ce qui est des autres, j'aimerais bien que nous échangions nos cartes d'affaires parce qu'il y aura certainement des suites à donner à vos présentations respectives, que j'ai toutes trouvées très intéressantes.

[Traduction]

Monsieur Richards, je veux vous dire que votre français est excellent. J'ai bien hâte de vous rencontrer lors de la pause afin que nous puissions converser un peu en français.

[Français]

M. John Richards: Grâce à mon mariage avec une francophone.

M. Claude Bachand: Je veux revenir sur un fait dont vous avez parlé à quelques reprises, soit l'émigration des autochtones qui quittent les réserves. J'ai eu l'occasion et l'honneur d'aller deux fois en territoire nisga'a et j'ai visité plusieurs réserves autochtones.

À mon avis, dans le contexte actuel, la solution n'est pas de demeurer dans les réserves. J'ai vu ce qui s'y passe. Je suis allé dans la réserve de Pikangikum, dans le nord de l'Ontario, et j'ai vu là des choses épouvantables, monsieur Richards. J'ai vu 17 personnes vivant dans une petite maison de quatre pièces. J'ai vu des gens qui ne faisaient qu'attendre leur chèque d'aide sociale à la fin du mois parce qu'il n'y avait absolument aucun travail dans ces réserves. J'ai vu également des jeunes dont l'avenir était complètement bouché.

À Pikangikum, la coutume est d'enterrer les morts de la famille à côté de la maison. Je vous dirai qu'on reçoit tout un coup quand on aperçoit quatre adolescents de 12 à 17 ans, qui se sont suicidés durant l'année, enterrés à côté de la maison de leurs parents. Si j'étais jeune autochtone à Pikangikum, j'enfilerais mon manteau et je m'en irais le plus rapidement possible à Toronto ou ailleurs.

Cela fait partie de la vie concrète dans les réserves. Donc, la solution n'est plus là. La solution est maintenant de donner à ces gens une certaine autonomie gouvernementale pour qu'ils puissent eux-mêmes décider de leur avenir. On va leur donner une base territoriale suffisante pour qu'ils puissent assurer eux-mêmes leur avenir et on va respecter leur culture. S'ils ont leur propre gouvernement, ils vont réussir à le faire.

À mon avis, c'est la solution. Je vais vous demander un commentaire rapide là-dessus tout à l'heure.

Quant à vous, monsieur Harcourt, je vous dirai que vous n'êtes pas les seuls, en Colombie-Britannique, à croire qu'Ottawa retourne moins que ce qu'on lui donne. C'est une prémisse importante de mon parti, le Bloc québécois. Je sais que vous êtes à la retraite. Peut-être pourriez-vous vous présenter, lors des prochaines élections fédérales, sous la bannière du Bloc québécois en Colombie-Britannique. Vous feriez un excellent candidat.

Des voix: Ah, ah!

M. Claude Bachand: Par ailleurs, vous avez parlé de l'impact économique. Vous avez dit, et j'ai trouvé cela important, qu'Ottawa octroyait enfin 500 millions de dollars à la Colombie-Britannique pour susciter des retombées économiques.

J'aimerais quand même que vous élaboriez davantage parce que vous n'avez pas mentionné que l'entente que nous avons ici comporte toute une section indiquant que ces gens vont commencer à payer des impôts et des taxes aux deux paliers de gouvernement: dans 8 ans, les taxes et dans 12 ans, les impôts. Il me semble que cela devrait aussi avoir un impact important et que cela constituera un changement majeur pour les Nisga'as. Ils ont dû consentir à certains sacrifices pour arriver à cela.

J'aimerais parler encore longtemps, mais malheureusement, ou plutôt heureusement, je veux vous donner le temps de répondre à ces questions.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Harcourt.

M. Mike Harcourt: Monsieur Bachand, je dis depuis très longtemps que la Colombie-Britannique et le Québec partagent ce sentiment d'aliénation que nous ressentons vivement parfois envers Ottawa. Nous avons beaucoup de choses en commun, et c'est pourquoi nous voulons nous assurer que le Québec demeure au sein du Canada. C'est un allié de la Colombie-Britannique.

Pour ce qui est de la question des 500 millions de dollars, je suis d'accord avec Rod Dobell. Dans une large mesure, je crois que tout ce discours à propos de l'argent est en quelque sorte un jeu de passe-passe. Ces 500 millions de dollars de la part des contribuables canadiens seront investis dans le territoire nisga'a et les collectivités qui entourent le territoire nisga'a—Terrace, Kitimat et d'autres centres. Les avantages seront énormes.

Cet argent ne sera pas versé dans des comptes en banque suisses. Il va rester en Colombie-Britannique et sera investi dans l'économie de la Colombie-Britannique. Il sera utilisé pour acheter du matériel de construction et des voitures ainsi que pour investir dans des coentreprises avec des gens d'affaires non autochtones. L'important c'est que cet argent sera une ressource pour bâtir une certaine capacité en dehors des réserves que vous avez mentionnées et créer des collectivités autonomes et autosuffisantes.

• 1040

Vous avez parlé de la question du choix. Les Autochtones auront le choix de décider d'aller dans les grands centres bourdonnants d'activités ou de rester dans les collectivités rurales dans une province très riche sur le plan des ressources naturelles et d'autres avantages.

La disposition fiscale était au coeur même du traité. J'ai parlé à Joe Gosnell la veille de sa rencontre. Je lui ai dit que la population de la Colombie-Britannique n'accepterait jamais le traité sans une disposition prévoyant que l'exemption fiscale pour leur nouveau gouvernement autonome sera éliminée après une certaine période de création de capacité. Pour moi, c'était le facteur décisif. À un certain moment, nous allions introduire graduellement les taxes de vente et l'impôt sur le revenu. Au fur et à mesure que les Nisga'as trouvaient des emplois et devenaient autonomes, ils pouvaient payer leur part d'impôts pour les services de base tels que les soins de santé, l'éducation, les services sociaux et d'autres services. Alors vous aviez raison de signaler cette disposition.

La présidente: Merci. Votre temps est épuisé.

Madame Davies, vous avez la parole.

Mme Libby Davies: Merci beaucoup, madame la présidente. Je vais essayer d'être brève.

J'aimerais remercier nos témoins de leurs témoignages aujourd'hui, parce que nous croyons qu'il est important de tenir ce débat et de trouver des réponses à nos questions. J'apprécie beaucoup certains propos très sages que nous avons entendus aujourd'hui.

J'aimerais parler surtout de la question qui a été soulevée, celle des ressources. Je crois que MM. Dobell, Harcourt, Fulton et d'autres ont soulevé cette question d'une façon qui n'a jamais été examinée auparavant. M. Dobell a dit que ce traité était une manifestation d'une redistribution juste au sein du groupe, au sein de la famille canadienne. J'estime que cette remarque est fort importante.

Une chose qui me perturbe beaucoup, moi et beaucoup d'autres, je crois, c'est la nature fractionnelle de ce débat sur le traité—deux camps qui s'affrontent. En fait, même aujourd'hui nous entendons les membres du Parti réformiste tenir des propos concernant ce que l'autre camp obtient—«qu'est-ce que nous cédons?»—et on le voit même dans notre façon d'analyser la situation: «Est-ce que nous cédons quelque chose? Est-ce qu'un groupe dont nous ne faisons pas partie obtient quelque chose?»

Quand vous dites qu'il s'agit vraiment d'un traité qui traite de gestion des ressources, de questions sociales, de justice sociale et de rétablissement des droits d'un groupe qui a été très opprimé par la société blanche, j'estime que vos remarques sont tout à fait pertinentes à ce débat.

J'aimerais m'attarder là-dessus quelques instants et demander à MM. Dobbel, Fulton et Harcourt de discuter de la question de la bonne intendance de l'environnement et de la gestion des ressources. Lorsqu'il est question d'avantages, qu'est-ce que ce traité nous apporte à nous tous sur le plan de la responsabilité et de l'exercice démocratique des pouvoirs de gestion des ressources, et que nous n'avions peut-être pas au cours du dernier siècle ou plus?

Vous avez décrit comment nous avons profané nos forêts et comment la société a pillé et saccagé ses ressources naturelles. J'aimerais bien connaître vos opinions sur les modalités de gestion des ressources énoncées dans ce traité et leur valeur pour nous tous. Vous avez peut-être des commentaires à ce sujet.

La présidente: Qui voudrait se lancer le premier?

Mme Libby Davies: M. Dobell et peut-être M. Fulton.

La présidente: Monsieur Dobell.

M. Rod Dobell: Vous avez très bien présenté la chose. Il s'agit ici de gérance des ressources. Les modalités contenues dans l'Accord définitif nisga'a prévoient la cogestion de vastes superficies de forêts. Elles prévoient également le transfert de la responsabilité pour la gestion environnementale au sein d'un cadre général, ce qu'il est convenu d'appeler les normes «à respecter ou à dépasser». Elles précisent que là où les Nisga'as assument la responsabilité pour la gestion environnementale, ils sont libres d'établir leurs propres normes, pourvu que celles-ci respectent ou dépassent les normes provinciales de gestion environnementale. Ils peuvent établir des normes supérieures là où ils le désirent, pour leurs propres raisons.

• 1045

Le traité prévoit la cogestion dans les réserves naturelles, ce travail faisant partie de l'effort général de gestion des ressources, y compris des dispositions concernant l'accès public. Les modalités institutionnelles incluses dans l'accord définitif concernant la gestion des ressources reflètent ce qui est selon moi l'opinion émergente ou peut-être dominante sur la meilleure façon de répondre au besoin de coordination globale et d'une norme qui tient compte du caractère mondial de nombreux écosystèmes. Il y a également une certaine discrétion au niveau local, permettant d'interpréter l'application de ces normes en fonction du milieu.

La présidente: Il reste encore du temps, monsieur Fulton.

M. Jim Fulton: Merci, madame la présidente. Comme M. Dobell, je pense que Mme Davies a bien décrit la situation.

Pour vous donner une idée de notre point de vue sur le traité et son contenu, nous nous réjouissons du fait qu'ils privilégient le développement durable fondé sur la conservation. Ceux qui connaissent un peu l'histoire des Nisga'as et de leurs attitudes culturelles envers la protection de la terre et la conservation de la biodiversité n'ont pas à chercher plus loin que le dossier Amax, disponible à Ottawa. Presque seuls, ils ont défendu pour toute la population de la Colombie-Britannique le droit de protéger les pêches et l'environnement marin du rejet de plus de 100 millions de tonnes métriques de déchets toxiques contaminés dans les zones de frai du saumon de notre province.

En outre, c'était les Nisga'as qui ont déclenché la démarche du bureau de l'ombudsman visant à entreprendre la première analyse de gestion des ressources en Colombie-Britannique, c'est-à-dire l'analyse du permis de sylviculture numéro un, un très grand territoire juste au sud des zones décrites dans le traité. Bien que les pratiques de gestion aient changé, comme je l'ai dit dans ma présentation, la coupe sur les terrains entourant le territoire ratifié dans cet accord est de plus de 100 p. 100. C'est un scandale d'énorme envergure, et le comité voudra peut-être jeter un coup d'oeil, pendant cette période précédant la ratification sur ce qui se passe sur des terres très importantes qui ne sont pas gérées en vue de la conservation à long terme de la biodiversité dans la région entourant les terres nisga'as.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Keddy, c'est votre tour.

M. Gerald Keddy: Merci beaucoup, madame la présidente. J'aimerais également souhaiter la bienvenue à nos invités.

J'aimerais qu'on m'explique davantage le commentaire qu'a fait M. Fulton sur la coupe durable ou non durable sur les terres nisga'as. On coupe plus de 250 000 mètres cubes de bois sur les terres nisga'as tous les ans. L'entente nisga'a sur l'exploitation forestière prévoit une coupe durable de 115 000 mètres cubes. Cela représente une énorme différence.

Certains commentaires ont été faits et j'aimerais expliquer certaines choses à l'assistance et aux témoins. Pour un député, c'est très difficile lorsqu'il y a six témoins et cinq minutes pour poser des questions et qu'il devrait y avoir un dialogue nourri entre nous et entre les témoins. C'est difficile pour nous tous. Je perds du temps en le disant, alors...

La présidente: Le temps passe.

M. Gerald Keddy: Premièrement, M. John Richards a fait une déclaration à propos des ghettos urbains et de la migration des Autochtones des réserves vers les villes, en précisant que cette tendance va sans doute se maintenir. Je dirais qu'il a raison, mais j'ai une réserve—et j'aimerais que M. Rod Dobell nous en dise plus long à ce sujet. C'est le fait qu'il existe tout un processus d'autonomisation, un processus qui permet le développement économique dans les réserves, un processus grâce auquel les Premières nations peuvent profiter du processus de signature des traités. Lorsque l'on examine tout ça, l'on constate que le taux de suicide baisse, que la santé générale s'améliore, l'éducation aussi et qu'il y a plus de diplômés de l'école secondaire, plus de diplômés de l'université, et il y a un effet d'entraînement.

Je veux bien faire des comparaisons, mais je n'emploierais pas le cas irlandais. J'établirais une comparaison avec la société canadienne en général et l'exode rural. Je crois que c'est la comparaison qu'il faut établir. La plupart d'entre nous n'ont qu'à se tourner vers leurs familles, des générations d'agriculteurs ou de bûcherons de l'Est du Canada ou de l'Ouest du Canada, selon l'endroit d'où l'on vient. Nous pouvons nous tourner vers notre histoire familiale, remonter des générations, à l'époque où il n'y avait pas de diplômés universitaires, où il n'y avait pas de diplômés de l'école secondaire. C'était il n'y a pas si longtemps.

• 1050

On peut examiner les niveaux d'instruction. Les gens ont quitté la ferme au fur et à mesure qu'étaient créés des débouchés. Ils se sont établis en régions urbaines, et bon nombre d'entre eux ont bien réussi parce qu'ils étaient instruits. Mais lorsque cela s'est produit il y a deux ou trois générations, ils déménageaient dans les régions urbaines—et surtout les femmes, car il n'y avait rien d'autre que le mariage pour elles dans les campagnes. Ils sont donc déménagés, ont fait des études et suivis des cours, et ils ont eu l'occasion d'améliorer leur sort.

J'aimerais avoir de plus amples explications à ce sujet de la part de M. Dobell.

M. Rod Dobell: Merci.

Pour répondre d'abord à votre deuxième question, au sujet de la conservation et la gérance, il paraît que la gérance découle d'un sentiment d'attachement de la part d'un groupe, un sentiment qui lie se groupe à la ressource, et selon cet argument la gestion communautaire favorise donc une meilleure conservation. Les accords institutionnels prévus dans l'accord définitif vont certainement dans ce sens.

Je crois que John Richards a soulevé un point très important. Nous devons examiner séparément la question de la survie culturelle et la question des perspectives économiques. Les avis sont partagés sur la question de savoir s'il est inévitable que la tendance à délaisser l'économie centralisée doit se poursuivre dans une démocratie capitaliste au sein d'une économie mondiale. Ça reste à prouver. On n'a pas encore démontré que le capitalisme peut exister sans qu'il y ait une convergence complète de l'économie vers un seul modèle d'entreprise. Je crois être de ceux qui espèrent que l'on peut assurer la survie culturelle sans qu'il y ait une intégration complète de toute l'activité économique dans un système commercial unitaire et universel.

Je suis peut-être plus optimiste que lui en ce qui concerne le genre de changements envisagés dans l'accord définitif. Si l'on examine les changements dans les réserves qui devraient résulter de ces dispositions, on peut envisager une économie régionale viable non seulement pour les Nisga'as, mais pour toute la population des collectivités côtières et des collectivités éloignées de la Colombie-Britannique.

Il me semble qu'à cet égard l'Accord définitif nisga'a répond très étroitement aux attentes qu'un bon nombre d'entre nous ont au Canada, à savoir que nous pouvons avoir un mode de vie distinct de celui des États-Unis, distinct du modèle économique américain, et qu'au Canada des groupes peuvent adopter des modes de vie conformes à leurs traditions culturelles sans avoir à renoncer à leur place dans l'économie générale.

La présidente: Monsieur O'Reilly.

M. John O'Reilly: Merci beaucoup, madame la présidente, et je tiens à remercier tous les témoins. J'en aurais pour une demi-heure à poser mes questions, madame la présidente, mais je vais essayer de me limiter aux exposés instructifs qui nous ont été faits. Je vais commencer par quelques commentaires sur l'exposé de M. Richardson.

Je crois que l'Irlande du Sud compte 3,5 millions d'habitants, alors qu'il y a 4,5 millions de descendants irlandais au Canada, et 4l millions aux États-Unis. Manifestement, à cause de mon nom, il fallait que je fasse un commentaire à ce sujet.

Comme vous le savez, pendant la famine, les soutiens de famille n'arrivant plus à nourrir leur famille—en particulier dans le comté Cavan, d'où vient ma famille, les Anglais ont aménagé des soupes populaires. Il fallait renier sa religion pour nourrir sa famille. Je ne sais pas s'il y a un parallèle avec l'accord nisga'a. La situation était différente à une époque différente, mais c'est ce qui a poussé beaucoup d'Irlandais à immigrer au Canada.

Madame Kunin, je suis conscient de l'importance de l'éducation pour tous après l'âge de 16 ans. J'ai déjà dit au Parlement que j'ai passé les trois plus belles années de ma vie en huitième année.

Des voix: Oh, oh!

M. John O'Reilly: Bien sûr, ce n'est pas vrai, mais nous allons le consigner au procès-verbal quand même pour ajouter une touche d'humour.

• 1055

J'aimerais vous demander à tous ce que vous pourriez recommander en vue d'améliorer le processus de négociation des traités. Nous ne sommes pas ici pour changer le traité. Nous sommes ici pour changer le processus, pour l'examiner, et pour en discuter.

Soit dit en passant, J. Ambrose O'Brien a fondé le Canadien de Montréal; c'est donc dire que les Irlandais n'étaient pas tous mauvais.

En 1994, j'ai assisté à un exposé de l'Institut Fraser au Château Laurier—c'était mon premier contact avec l'Institut—et on nous a dit que nous étions faits: il était minuit moins cinq, l'heure avançait, nous avions un déficit annuel de 42 milliards de dollars, et il allait gonfler sous Paul Martin. Mais nous enregistrons maintenant des excédents successifs pour la première fois en cinquante ans. C'est difficile à expliquer lorsque je regarde les chiffres, parce que je sais que c'est facile de leur faire dire ce que l'on veut. Je ne veux pas être critique, mais on peut faire ce que l'on veut avec les chiffres. En particulier, le coût de la redistribution de la gestion qui n'est pas un cadeau est un concept très intéressant et nouveau.

Monsieur Fulton, j'ai une humble observation au sujet de la presse en Colombie-Britannique. Depuis le peu de temps que je suis ici, d'après les commentaires que l'on a cités dans la presse, je me rends compte que la presse ne diffuse pas les nouvelles; elle les crée. Je compte 13 journaux dans ma circonscription, et l'un d'eux n'a publié aucun des quelque 650 communiqués que j'ai émis depuis 1993. Je comprends donc le processus en jeu.

Je crois que la presse de la Colombie-Britannique est très malade. Elle ne diffuse que les mauvaises nouvelles. J'aimerais revenir au rapport du gouverneur général de 1994, dans lequel il a demandé à la presse de faire un peu de place aux bonnes nouvelles. Je demanderais la même chose à la presse de la Colombie-Britannique en ce qui concerne ce traité. Elle ne semble pas reconnaître qu'il y a de bonnes nouvelles et qu'elle devrait les publier. Je suppose qu'elle se contente de malmener les luddites.

Quoi qu'il en soit, s'ils ont le temps, j'aimerais demander à chacun de nous dire ce que nous devrions recommander en vue d'améliorer le processus de négociation des traités.

Monsieur Richards aimerait commencer, car il va contester les données relatives aux Irlandais.

M. John Richards: Non, les Irlandais sont de meilleurs mathématiciens que Rod ou moi. Nous y avons tous les deux renoncé à notre âge.

J'aimerais brièvement me porter à la défense des médias de la Colombie-Britannique, puisqu'ils ne peuvent pas le faire eux-mêmes. Le Vancouver Sun s'est prononcé en faveur du traité, et il ne faut donc pas croire qu'il y a convergence dans la presse.

Ce que j'ai de plus important à dire au comité c'est que vous formuliez des recommandations, dans la mesure où vous le pouvez, mettant en valeur les avantages du traité—et peut-être qu'en général vous jugerez bon de le défendre, vu la sincérité dont ont fait preuve les Nisga'as et le temps et les efforts qu'ils y ont consacrés—mais reconnaissant surtout que le problème fondamental est la migration rurale-urbaine, et que les visées de la commission royale, des tribunaux et de l'Assemblée des Premières nations faussent gravement le débat public. Il faut discuter beaucoup plus en détail des mesures à prendre pour assurer le succès de cette transition.

Personne ne remet en question les statistiques socio- économiques. C'est vrai, les Autochtones réussissent mieux à la ville que dans les réserves. Même si je suis d'accord avec M. Keddy lorsqu'il affirme qu'il est possible d'améliorer les conditions de vie, il est insensé de croire que l'on pourra mieux réussir à offrir un mode de vie décent aux Autochtones dans les réserves que l'on a réussi dans le cas des agriculteurs en Saskatchewan ou des Irlandais. Le processus de migration doit se poursuivre, et nous devrions en assurer le bon déroulement.

M. John O'Reilly: Monsieur Dobell.

La présidente: Je suis désolée, monsieur O'Reilly.

Monsieur Cummins, vous avez la parole.

M. John Cummins: Merci, madame la présidente. Je tiens à vous féliciter pour la façon dont vous présidez la réunion ce matin. Je pense que tout va bien.

Cela dit, j'aimerais permettre à M. O'Reilly de contourner la presse et je l'invite à une réunion publique à n'importe quel moment dans ma circonscription. Il pourra expliquer directement aux gens son point de vue sur la question.

• 1100

Cela dit, je remercie les témoins d'avoir comparu ce matin. Je pense qu'ils ont tous apporté une contribution importante au débat. Je ne peux cependant pas laisser passer une chose sous silence. Je dois observer que trois témoins sont des néo-démocrates et que l'une est économiste, dont le travail a été financé du moins en partie par le gouvernement fédéral et des groupes autochtones. Ce groupe de témoins ne reflète simplement pas l'opinion des gens qui viennent à mon bureau me faire part de leurs préoccupations au sujet de ce traité et d'autres questions concernant des traités. Je me devais de faire ce commentaire.

Monsieur Richardson, c'est à vous que j'adresse ma remarque et ma première question. Le professeur Dobell a dit que le transfert de ressources prévu par le traité se fait sans qu'il en coûte rien. Vous vous souvenez, j'en suis certain, que 25 p. 100 des poissons de la Nass seront attribués aux Nisga'as et que quatre autres bandes revendiquent des droits sur ces poissons. M. Dobell aimerait peut-être dire aux pêcheurs, y compris aux Autochtones qui perdront accès à ces poissons, qu'il ne leur en coûtera rien. Je lui laisse le soin de le faire. Il a également dit que vos chiffres étaient gonflés. Je me demande si vous voudriez corriger cette méprise.

M. Robin Richardson: Comme je l'ai dit dans mes remarques, s'ils ne sont pas exacts, c'est qu'ils sont trop bas, d'après les paiements faits récemment à MacMillan Bloedel. Je ne suis donc pas d'accord.

Le modèle que j'ai conçu en 1996 est fondé sur les droits de coupe. Il s'agit des droits de coupe multipliés par la superficie des terres boisées, et non de la valeur marchande. C'est sur cela que des forestiers professionnels m'ont critiqué. Je ne suis pas forestier, je suis économiste. Mais c'était la première étude que je faisais et pour la seconde cette année, j'ai consulté un grand nombre de forestiers, du secteur public aussi bien que du secteur public. Quelques-uns d'entre eux estimaient que mes chiffres étaient trop bas, que j'aurais dû utiliser la valeur marchande, qui aurait fait monter la valeur du traité à 3 milliards de dollars au moins.

Je suis très heureux que mes chiffres se situent entre celui du gouvernement, une somme évidemment trop faible de 500 millions de dollars, et ces autres chiffres. Je pense que les deux sont des extrêmes. Par conséquent, si mes chiffres ne sont pas exacts, ils sont trop bas et je l'ai concédé pour la première fois aujourd'hui, dans mes remarques.

En passant, je tiens à ajouter à l'intention de M. O'Reilly qu'à mon avis, vous pourriez et devriez recommander au ministère—je recommande que vous le recommandiez—que le gouvernement fédéral retienne à l'avenir les services d'un expert-conseil indépendant lors de toute négociation de revendications territoriales autochtones. Il ne faut pas nécessairement que ce soit moi, mais je suis disponible.

M. John Cummins: Monsieur Richardson, vous avez tout à fait raison, et c'est certainement ce que disait le vérificateur général dans son étude récente, comme vous le savez.

M. Robin Richardson: Oui, c'est exact.

M. John Cummins: J'aimerais maintenant poser une question à l'ancien premier ministre Harcourt.

Monsieur Harcourt, les tribunaux ont été saisis de la question quand vous étiez premier ministre. Vous avez retiré l'affaire au cabinet d'avocats qui avait réussi devant la Cour suprême et vous l'avez remplacé par un autre qui était sympathique aux arguments des Autochtones. À ce moment-là, qui parlait au nom des Canadiens non autochtones?

L'autre chose que j'aimerais dire à propos de ce procès pour connaître votre réaction est celle-ci: vous avez reconnu que lorsque l'affaire a été en appel, le titre ancestral existait. Vous ne l'avez pas défini. Étant donné les jugements récents de la Cour dans l'affaire Marshall, cette semaine, par exemple, pensez-vous que la question devait faire l'objet d'un débat complet et ouvert avant que vous puissiez faire cette concession?

Je vous pose donc deux questions: qui parlait au nom des Canadiens, et vous êtes-vous montré quelque peu présomptueux en présumant de l'existence du titre ancestral avant de le définir?

La présidente: Monsieur Harcourt.

M. Mike Harcourt: Merci, madame la présidente.

Premièrement, j'ai fait la campagne électorale de 1991 en adoptant le principe que le titre ancestral existait et n'avait pas été éteint.

M. John Cummins: Avez-vous obtenu une majorité des voix, monsieur Harcourt?

M. Mike Harcourt: J'ai obtenu à peu près la même majorité que vous, monsieur Cummins, soit environ 65 p. 100 des voix dans ma circonscription.

M. John Cummins: Non, je voulais dire à l'échelle de la province.

La présidente: Les microphones seront ouverts par la présidente. Vous avez dépassé votre temps, mais je vous accorde encore 30 secondes.

M. Mike Harcourt: Trente secondes, bien.

La position selon laquelle le titre ancestral existait a été confirmée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Delgamuukw. Ce titre n'a pas été éteint et nous devons en négocier la définition.

• 1105

La définition existe depuis les années 1830, monsieur Cummins. Par titre ancestral, on n'entend pas un droit de propriété en fief simple. Il s'agit de l'utilisation et de l'occupation du territoire traditionnel pour la subsistance de la collectivité autochtone. Ce n'est pas nouveau. Et c'est à partir de ce principe que nous avons modifié les plaidoyers, car les gouvernements précédents l'avaient ignorée pendant plus de 100 ans. On a démontré qu'ils étaient dans l'erreur. La Cour suprême du Canada a confirmé que notre position était la bonne.

M. John Cummins: Mais la Cour suprême de la Colombie-Britannique a déclaré le contraire.

La présidente: Monsieur Cummins, nous commençons un deuxième tour de questions.

Monsieur Finlay, vous avez la parole.

M. John Finlay: Merci, madame la présidente.

Je tiens à remercier sincèrement notre groupe de témoins. Je pense que leurs exposés ont animé le plus le débat et ils venaient de gens qui ont vécu une partie de ce processus, qui y ont participé pendant un certain nombre d'années. Je veux parler de M. Fulton, de M. Harcourt et d'autres.

M. Gouk a dit que le rapport de M. Richardson ne nous intéresserait pas parce qu'il a été payé par son collègue M. Cummins. M. Cummins et moi avons participé ensemble à un certain nombre de comités et d'études, et lorsque j'ai vu son nom au bas du document, je me suis dit que c'était un homme qui joignait l'action à la parole et qui avait fait lui-même des recherches, et que j'allais certainement lire le document.

J'ai cependant été un peu déçu lorsque j'ai lu l'inscription en petits caractères en haut du document. Il s'agit d'une mise à jour d'une étude de l'accord de principe conclu avec les Nisga'as, préparée pour la B.C. Fisheries Survival Coalition. Je sais que vous ne choisissez pas vos clients, ce sont eux qui vous choisissent. J'ai déjà entendu les représentants de la B.C. Fisheries Survival Coalition et je suis quelque peu...

M. Robin Richardson: J'ai réservé le droit de choisir mes clients.

La première étude que j'ai effectuée sur le Traité nisga'a en 1996 était commandée par... Je suis désolé.

La présidente: Je n'ai pas allumé votre micro. Il doit s'être allumé automatiquement. Je pense que M. Finlay était rendu au milieu de son argument.

M. Robin Richardson: Je suis désolé, monsieur Finlay. Je pensais que vous aviez terminé.

M. John Finlay: Ce n'est pas à vous que j'adressais mon commentaire. C'était un commentaire général. Je lirai votre rapport. Cependant, je dois dire que je ne suis pas d'accord avec vous sur votre principe de base, et je devrai donc lire le document pour connaître les choses importantes que vous dites à propos des diverses industries, par exemple.

J'en viens maintenant à un commentaire fait par les autres membres du groupe de témoins. Je pense que c'était peut-être M. Fulton ou M. Dobell. J'étais à la Chambre lorsque Elijah Harper nous a sermonnés à cause de notre travail en ce qui concerne les affaires autochtones et les traités. Il nous a dit à tous: «Vous n'y comprenez rien, n'est-ce pas? Vous n'y comprenez rien. Nous étions ici depuis 10 000 ans. La terre est à nous. Vous ne pouvez pas nous donner ce qui est à nous.» C'est ce que nous avons entendu les Gitanyows et les Gitxsans dire, et c'est ce que nous avons entendu les Nisga'as dire.

Les Nisga'as sont venus et ont accepté de négocier. Le problème avec les Gitanyows et les Gitxsans ne vient pas du fait que les territoires se recoupent. Je ne veux pas me lancer dans la querelle sur les cartes, mais les chiffres présentés publiquement ici par l'opposition n'étaient pas exacts. Mais là n'est pas la question. Il y a tout de même une petite partie de territoire qui fera l'objet d'un différend. Le problème vient du fait qu'ils prétendent que nous ne négocions pas à partir du bon principe. Ils veulent que nous admettions avant de commencer que tout le territoire leur appartient. Ensuite ils négocieront.

Je pense que vous m'avez tous aidé à mieux comprendre. Voici mes deux questions.

Nous avons eu la Commission royale sur les peuples autochtones. Elle a coûté 6 millions de dollars aux contribuables. Il a fallu trois à cinq ans pour la terminer. Je n'arrive pas à me rappeler s'il a fallu trois ans ou cinq ans avant que nous ayons ce rapport. M. Fulton le sait.

Le Parlement du Canada est encombré de rapports de commission royale avec lesquels personne ne fait habituellement grand-chose. Nous pouvons remonter jusqu'à la commission royale sur les arts et la culture, présidée par notre premier gouverneur général canadien. J'étudiais à l'université et le rapport était un grand document et beaucoup d'étudiants l'ont lu. Je ne sais pas si les politiciens l'ont lu, je n'ai jamais entendu dire que l'un d'entre eux l'avait lu. Quoi qu'il en soit, c'est une méthode que nous utilisons pour étudier certains des problèmes qu'on ne peut pas résoudre dans un débat partisan.

Je pense que le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones est un beau document. J'aimerais savoir ce que chacun d'entre vous en pense et si vous croyez qu'il a contribué à la négociation de ce traité. Ce rapport a-t-il aidé? Il m'a certainement aidé à comprendre. Je veux seulement savoir si vous pensez qu'il a contribué.

• 1110

Mon autre question...

La présidente: Monsieur Finlay, nous ne pourrons jamais obtenir six réponses à cette question dans le temps alloué.

M. John Finlay: Nous n'aurons le temps?

La présidente: Auriez-vous l'obligeance de choisir quelqu'un qui pourrait répondre à votre question afin que nous ayons le temps d'entendre toute la réponse?

M. John Finlay: Je pense que je vais demander à Mme Kunin de répondre à cette question. Elle semblait avoir la description la plus claire de ce que sont les négociations et de leur aboutissement.

Mme Roslyn Kunin: Je dois avouer que je n'ai pas lu le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Tout d'abord, je crois savoir qu'il s'agit d'un document volumineux et qu'il faudrait beaucoup de temps pour le lire. Je n'ai pas lu le rapport.

Je tiens cependant à profiter de l'occasion pour dire que nous avons consulté de très nombreux autres documents préparés par des personnes provenant d'un très grand nombre de milieux différents. Le rapport que nous avons publié a été grandement appuyé par le secteur des entreprises et par des particuliers, pas seulement par le gouvernement et des organisations des Premières nations.

La présidente: Merci beaucoup.

La parole est maintenant à M. Bouchard... Je veux dire M. Bachand. Pauvre M. Bachand. Je suis désolé.

[Français]

M. Claude Bachand: La comparaison n'est pas tellement en ma défaveur, madame la présidente.

Quand nous sommes en politique, nous avons tendance à vouloir savoir qui est pour et qui est contre. Après avoir entendu vos exposés de ce matin, je vois que vous vous partagez en deux camps. On peut dire que Mme Kunin et MM. Dobell, Fulton et Harcourt sont plutôt en faveur du traité, alors que MM. Richards et Richardson ont certaines réserves.

Je demanderai donc à MM. Fulton et Richardson de réagir aux propos que je tiendrai, pour que nous ayons tous la chance de nous entretenir.

Depuis le début, il y a deux concepts que les adversaires de ce traité utilisent et développent. Il y a d'abord l'importance de l'égalité. On entend souvent dire par les adversaires du traité que ce qu'il contient n'est pas égalitaire et que cela doit être égalitaire. L'autre objection porte sur le climat d'incertitude qu'il suscite. Ils disent que ce traité engendre énormément d'incertitude et que c'est épouvantable.

De mon côté, j'ai ma propre conception et je vais demander aux représentants des deux camps de me répondre tout à l'heure sur le cheminement intellectuel que j'ai suivi pour tenter de régler ces questions.

Premièrement, je vais demander aux représentants de chacun des deux camps s'ils reconnaissent l'existence de peuples autochtones au Canada et si, dans l'affirmative, ils considèrent que des droits spécifiques doivent leur être accordés. Quant à ces droits spécifiques, c'est le législateur qui peut les accorder, de même que les cours. J'ajouterai que dans le contexte des jugements des cours, le compte est de 50 à 0 en faveur des autochtones.

Si des droits spécifiques leur étaient reconnus, il faudrait maintenant négocier de peuple à peuple ou de nation à nation. La solution est d'en arriver à un partenariat. J'estime que le traité que nous avons ici aujourd'hui, de nation à nation, est un traité de partenariat où deux nations ont réussi à s'entendre sur la façon dont on va procéder sur un même territoire à compter de maintenant.

En dernier lieu, si tout cela a été fait, si vous m'avez bien suivi et êtes d'accord avec moi, il n'y a plus d'incertitude; il existe une certitude très claire. À partir de là, on connaît une situation de certitude. On a un traité en bonne et due forme, établi de nation à nation, et tout le monde convient que c'est ce qu'il nous faut.

Vous pouvez demander aux tenants des deux camps de répondre à mon interrogation, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: Voudriez-vous que l'un d'eux... Monsieur Dobell ou...

[Français]

M. Claude Bachand: J'ai demandé à M. Fulton ainsi qu'à M. Richardson, qui représente l'autre camp, de répondre très brièvement.

La présidente: Très bien.

[Traduction]

Monsieur Fulton, allez-y.

M. Jim Fulton: Merci, madame la présidente. J'essaierai d'être bref...

La présidente: Merci.

M. Jim Fulton: ...afin que John ait la chance de répondre également.

Je pense que vous avez fait une bonne réflexion raisonnée pour arriver à votre conclusion. L'égalité est une question utilisée par de nombreux journalistes et politiciens hâbleurs pour justifier leurs faux arguments. Ceux qui veulent retourner à l'époque de 1980-1982 et lire le débat entourant la façon dont le paragraphe 35(1) en particulier a été inséré—la reconnaissance et la confirmation des droits ancestraux existants—auraient beaucoup à apprendre de ce débat.

• 1115

D'autres l'ont dit ici—je pense que M. Finlay et M. O'Reilly y ont tous deux fait allusion—que les peuples autochtones étaient ici au Canada et ont joui de la suprématie sur toute la masse continentale pendant des milliers et des milliers d'années. Au sujet de la question de l'égalité, on a utilisé toutes sortes d'expressions, parlant de droits fondés sur la race, de droits de pêche fondés sur la race. Rien ne pourrait être plus loin de la vérité.

La Constitution du Canada est parfaitement claire: ce sont des droits et ce sont les droits de la population. Ceux qui persistent à utiliser le terme de «race» le font de mauvaise foi. Je crois que bien des gens ont dit que ce n'était plus une question d'ignorance délibérée, dans la presse de la Colombie-Britannique. C'est bien pire, et c'est très nuisible.

En ce qui a trait à l'incertitude, je pense qu'il est très clair que le Traité nisga'a nous offre une occasion de nous réjouir, en Colombie-Britannique, car il nous rapproche d'une certitude au sujet de ces 25 000 kilomètres carrés de territoire, au sujet des 2 000 kilomètres carrés de territoire. Je pense que c'est un grand jour, et qu'on peut louer l'ingéniosité des négociateurs qui nous ont permis de faire de tels progrès.

Au sujet du partenariat, je pense que c'est M. Dobell qui est à l'origine de la formulation, et je crois qu'il est très important que notre comité l'étudie et la fasse connaître davantage. MM. O'Reilly et Finlay se sont demandé ce que le comité pourrait faire du côté des recommandations. Dans l'immédiat et dans l'avenir, il est d'une importance capitale que le public canadien puisse prendre connaissance davantage d'information utilisable—de faits—à ce sujet.

Les gens qui cherchent à désinformer le public s'en sont donné à coeur joie dans la province. Les gens qui en ont le plus souffert ont été les Nisga'as, de même que les jeunes Autochtones de la province, qui ont été blessés par ces manoeuvres. Le Parlement doit intervenir et corriger la situation. La question de la redistribution est celle qu'on doit vraiment se poser au sein de la famille politique canadienne. Je vous remercie de votre question.

La présidente: Je vais vous laisser quelques secondes pour répondre.

M. Robin Richardson: Je vais essayer d'être bref, madame la présidente.

Je vais commencer par votre dernier commentaire. En ce qui a trait à l'incertitude, il y en a effectivement beaucoup au sujet du Traité nisga'a. Cela vient précisément du fait que le modèle, le Traité nisga'a, comprend des terres conférées par l'entente de même que «d'autres terres», très importantes, qui sont rattachées, en particulier une réserve naturelle. On m'a dit qu'il existait un avis juridique—et je suis un économiste, pas un avocat—selon lequel il y a beaucoup d'incertitude au sujet du modèle de gestion qui va être mis en place. On ignore ce qui va se passer, et on ne sait pas si les entreprises privées, autres que celles des Nisga'as, y auront accès. Cela demeure à établir. Nous sommes en présence de quelque chose de tout à fait nouveau.

Pour ce qui est de la question des droits, bien sûr, ces droits existent. Mais là encore, je suis un économiste, et non un avocat. Dans ce que je crois comprendre à ce sujet, je serais plutôt d'accord avec M. Mel Smith, qui a pris la parole devant vous l'autre jour à Victoria, je crois. M. Smith est constitutionnaliste.

Pour ce qui est de la question de nation à nation, je peux vous affirmer, monsieur, à vous qui venez du Québec, que le Traité nisga'a est le meilleur exemple de modèle de souveraineté-association que j'ai jamais vu. J'ai étudié une telle proposition et ses aspects pour votre province, quand j'ai travaillé, il y a quelques années, pour le Fraser Institute. J'ai surtout étudié la question de la dette publique d'un Québec indépendant. Je pense qu'on pourrait assister à la naissance, en Colombie-Britannique, de tout un ensemble de petites nations-États vivant sous un régime de souveraineté-association, et qu'il s'agirait de très bons exemples de ce que vous et d'autres membres de votre parti ont proposé pour le Québec. Il s'agit donc bien de questions de nation à nation.

La présidente: Madame Karetak-Lindell, vous avez cinq minutes.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Je vous remercie.

La matinée a été des plus intéressantes. Au cours de nos six jours de déplacement, j'ai eu l'occasion d'entendre bien des opinions différentes.

J'aimerais me mettre à la place du peuple nisga'a. À Prince George, on m'a dit de retourner à ma réserve. Ici, on me dit que je devrais m'urbaniser, et que je ne peux pas choisir l'endroit où je vais vivre. On m'a conseillé de prendre 250 000 $, et de vendre ma culture et ma langue, pour qu'on ait ensuite le choix de les archiver, de les reléguer dans un musée, ou de s'en débarrasser, purement et simplement. On aura ce choix.

Quelqu'un m'a expliqué qu'il voulait d'abord voter sur les droits que je pourrais exercer. Par la suite, il ne me restera plus qu'à essayer de faire entrer la cheville carrée dans le trou rond. L'une des seules options à ma disposition pourrait bien être de changer ma cheville carrée.

• 1120

À Victoria, on m'a dit que je n'étais pas une Canadienne comme les autres.

Si je ne souffrais pas d'une crise d'identité auparavant, ce n'est plus le cas maintenant. Je ne sais plus de quelle option je devrais me prévaloir. Quel choix faire? Je suppose que je ferais mieux de me prévaloir du Traité nisga'a, qui comporte des droits définis, et me croiser les doigts.

On nous a également donné des exemples de bandes indiennes en difficulté un peu partout au Canada. Pourtant, on entend parler de divorces et de conjoints qui se font vider leur compte de banque, et cela ne nous empêche pas de prononcer des voeux de mariage. Nous aimons tous croire, lorsque nous nous marions, que nous sommes choisis pour notre intégrité et nos mérites.

Alors, j'aimerais demander à M. Richardson ce que je devrais faire maintenant. Quel choix semble le meilleur pour moi? Les autres participants peuvent également répondre, s'ils le désirent.

M. Robin Richardson: Je vis à Victoria, et je tiens à vous présenter mes excuses. J'ignore qui vous a dit de telles choses, mais je les trouve déplorables, et elles ne représentent pas du tout mon opinion. Vous êtes une Canadienne.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Cela venait de M. Mel Smith, le constitutionnaliste, en passant.

M. Robin Richardson: Je suis étonné de l'entendre. Mais je peux vous affirmer que ce n'est pas ma position. Je suis surpris, parce que je croyais connaître son opinion. Je devrai lui en reparler.

Vous êtes citoyenne canadienne, d'une certaine origine ethnique, comme bien d'entre nous. Vous devez en être fière et vivre en fonction de ce fait. Mais dire que vous n'êtes pas... De toute évidence, vous êtes citoyenne canadienne. D'ailleurs, vous êtes une députée, ce qui le prouve bien.

La présidente: Il vous reste du temps, si vous désirez l'utiliser.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Eh bien, si personne n'est prêt à donner son opinion exacte sur ce qui constitue le bon choix, le meilleur choix, je laisse la parole aux participants.

Mme Roslyn Kunin: Pour en revenir au Traité nisga'a, dont nous discutons aujourd'hui, une des choses que j'aime au sujet de l'établissement du Nunavut, c'est qu'il donne aux peuples autochtones la possibilité d'exercer des choix. Les Autochtones ne sont plus obligés de vivre dans l'environnement limité des réserves et dans la pauvreté. Ils ne sont plus obligés de quitter leurs familles et d'abandonner leur culture et de gagner les villes pour essayer d'avancer dans la vie.

Avec tout le respect que je lui dois, je suis en désaccord avec M. Richards, qui dit que l'urbanisation est la seule façon, au XXIe siècle, de parvenir à un certain degré de viabilité économique. À l'approche du XXIe siècle et de sa nouvelle technologie, de ses nouveaux moyens de communication, je pense que les Nisga'as, de même que tous les Autochtones et non-Autochtones du Canada, bénéficieront d'une plus grande liberté géographique. Ils pourront exercer à part entière leurs droits de citoyens, tout en profitant de la prospérité du Canada.

Une voix: Bravo!

La présidente: Je vous remercie.

Madame Davies.

Mme Libby Davies: J'aimerais revenir à un commentaire que M. Richards a fait au début de son exposé, et que beaucoup ont repris, c'est-à-dire, que nous devrions nous opposer au traité parce que nous faisons fausse route. Le véritable enjeu, c'est la migration vers les centres urbains, et c'est sur cette question que nous devrions nous pencher. Bien des participants ont fait des commentaires à ce sujet.

D'après moi, ce serait un peu comme dire que nous allons abandonner les petites collectivités. Parce qu'il y a migration généralisée, nous allons les laisser tomber et concentrer nos efforts sur les milieux urbains. D'après moi, ce n'est pas tout l'un ou tout l'autre. Nous devons plutôt chercher à comprendre qui nous sommes, en tant que Canadiens habitant ce vaste pays, et nous devons nous efforcer de travailler sur plusieurs fronts différents.

• 1125

Je représente Vancouver-Est, qui comprend le secteur urbain le plus pauvre au Canada. On y retrouve probablement le pourcentage le plus élevé d'Autochtones vivant en milieu urbain, surtout dans le secteur est du centre-ville, où l'on voit beaucoup de douleurs et de souffrances qui résultent de l'oppression et de la colonisation, et ce, depuis des générations. Je ne rejette donc pas le concept de la responsabilité du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, bien au contraire. Le gouvernement fédéral a certainement une responsabilité fiduciaire envers les Autochtones vivant en milieu urbain. Je n'accepte pas du tout l'idée de faire jouer les intérêts des uns contre ceux des autres.

M. Harcourt fait partie de ceux qui ont préféré la négociation au litige et à l'affrontement. À ce titre, j'aimerais lui poser quelques questions.

Le traité concerne un secteur géographique précis. Que pouvons-nous en tirer pour effectuer des progrès dans d'autres dossiers, par exemple, l'environnement urbain? Quelles leçons pouvons-nous en tirer pour nous assurer que les Autochtones puissent bénéficier de tous leurs droits humains en vertu de la Constitution et de leur titre ancestral? Que pourriez-vous nous dire à cet égard, au sujet du milieu urbain, d'après ce que nous avons appris grâce au processus que vous avez lancé, et dont nous sommes partie prenante au niveau provincial?

La présidente: Monsieur Harcourt.

M. Mike Harcourt: Je ne pense pas qu'il faille choisir entre les réserves et le désespoir, d'une part, et le milieu urbain et la prospérité, d'autre part. Nous essayons de nous débarrasser des réserves et de les transformer en communautés autonomes et autosuffisantes. Nous voulons que leurs habitants aient le choix entre mener une vie prospère et pleine d'espoir pour eux-mêmes et pour leurs enfants dans la vallée de la Nass, et vivre à Vancouver.

Comme vous, madame Davies, j'ai représenté le secteur est du centre-ville. Cela brise le coeur de voir de jeunes autochtones devenir victimes des souteneurs, des revendeurs de drogues et de ceux de notre société qui maltraitent les enfants. Ces jeunes ne devraient pas être là. Ils ne devraient se trouver dans le secteur est du centre-ville. Il est triste que le gouvernement fédéral ait abandonné le financement du logement et des services pour les Autochtones vivant en milieu urbain. On doit restaurer ce financement pour permettre le rétablissement de ce pan de notre société qui est si mal en point.

J'espère qu'on pourra accélérer le processus entourant le traité. Malheureusement, il n'y a rien pour décourager les négociateurs gouvernementaux, les avocats, les consultants et les négociateurs autochtones de cesser de négocier. Lorsqu'on gagne 150 000 $ par an, 350 $ l'heure, on ne veut pas s'arrêter. Il faut obtenir des certitudes sur le temps qui doit être consacré aux négociations, et accélérer le mouvement.

J'ai fait part de ces idées à Eddie Goldenberg et au sous-ministre. Je leur ai dit qu'il fallait faire sauter les obstacles qui existaient ici, en Colombie-Britannique, et accélérer le processus. Je leur ai donné des idées précises sur la façon dont on pourrait s'y prendre. Ensuite, on pourra se lancer dans la mise en valeur du potentiel de ces communautés, qui auront cessé d'être des réserves, afin que leurs habitants puissent profiter de la vie ou se rendre dans les grandes villes et y profiter de la vie également. Il nous faudrait bien 20 à 40 ans pour qu'on puisse en arriver à un tel choix.

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

La présidente: Monsieur Iftody.

M. David Iftody: Je vous remercie tous de vos exposés. Je sais que vous êtes très occupés, et je vous sais gré de votre présence ici, ce matin.

• 1130

La discussion en cours est très intéressante et j'aimerais la poursuivre. J'aimerais revenir sur cette notion erronée qui refait surface, celle voulant qu'on mette fin aux réserves et qu'on déplace les gens vers les villes. Cette expérience sociale a été tentée de façon quelque peu incohérente durant les années 60 et 70, et ses résultats, bien entendu, ont été franchement tragiques.

Ici, je m'adresse surtout à M. Richards. Je connais le travail du juge en chef Kimelman, du Manitoba, qui a rédigé un certain nombre de rapports sur le bien-être des enfants autochtones de sa province, ce qui a mené à la création de ces agences. M. Kimelman s'est également exprimé de façon très claire sur le fait que, au cours des années 50 à 70, quelque 1 000 enfants autochtones ont été enlevés à leurs familles au Manitoba. Les envoyer dans des foyers non autochtones de Winnipeg, de Vancouver, de Philadelphie, ou de tout autre endroit où on avait besoin d'eux a constitué une des plus graves erreurs sociales de l'époque. Il est intéressant de constater que les travailleurs sociaux et les gens des sociétés d'aide à l'enfance de l'époque croyaient tous sincèrement qu'ils agissaient dans le sens des intérêts de l'enfant et de leurs familles.

Le juge Kimelman a qualifié cette pratique de génocide culturel. Cette expression très forte a été reprise dans plusieurs rapports, celui de la commission royale, l'enquête sur le régime de justice pour les Autochtones, etc. Je ne sais pas sur quoi vous fondez votre position, mais si vous examiniez certains de ces rapports nationaux et régionaux sur les pratiques en question, je pense que vous tireriez des conclusions différentes.

Avant d'entendre la réponse de M. Richards, je voudrais dire, monsieur Richardson, que le vérificateur général a comparu devant notre comité l'année dernière. J'ai demandé à M. Desautels et à ses collaborateurs ce qu'ils pensaient de la méthode utilisée pour calculer la valeur des terres dans l'accord nisga'a.

Je leur avais lu un passage de votre rapport. Je pourrais vous donner un extrait du compte rendu de la réunion. Je leur ai demandé s'ils étaient satisfaits de la méthode utilisée pour l'accord nisga'a et ils m'ont répondu que oui.

M. Robin Richardson: Cela m'étonne. Je voudrais certainement voir la transcription. D'après ce que j'en sais, lors des consultations entre les négociateurs fédéraux et provinciaux, les négociateurs fédéraux ont simplement repris la valeur des terres établie par la province, soit 107 millions de dollars, et l'ont appelée une valeur «théorique». Donc, s'il est question ici du calcul de la valeur des terres—mais peut-être parlait-il d'autre chose—je ne pense pas que les négociateurs fédéraux y aient participé du tout. Ils ont simplement repris la valeur établie par la province et celle-ci a simplement pris un chiffre en l'air pour des raisons de relations publiques, d'après ce que l'on en sait.

M. John Richards: Puis-je répondre?

Il nous incombe ici de ne pas occulter la complexité et les difficultés de la question. Je ne suis pas autochtone, mais j'ai travaillé de près avec des Autochtones en Saskatchewan. Comme l'ont expliqué M. Bachand et Libby Davies, les réalités sont très douloureuses. Il faut éviter la caricature, malgré la gravité du problème. On ne peut certainement pas assimiler ma position aux rafles généralisées auxquelles se sont livrés les travailleurs sociaux partout au Canada dans les années 60. En caricaturant les opinions de son interlocuteur sur ces questions, on rend le dialogue impossible.

Je reviens donc à ce qui d'après moi est le compromis douloureux et fondamental que les Autochtones seront appelés à faire individuellement au cours de la prochaine génération. Loin de moi de dire que nous devrions détruire les réserves. Je voudrais que ce soient des endroits pleins de vie.

J'espère que Mike Harcourt, Jim Fulton et les autres qui ont parlé de ce que pourrait être l'avenir des réserves pour les Autochtones ont raison. Nous ne devrions pas créer d'importants incitatifs économiques qui auraient pour effet de fausser la décision libre que les Autochtones devraient pouvoir prendre. Ce que nous faisons a un effet de distorsion dans la mesure où nous créons des incitatifs financiers pour rester dans la réserve. Cela décourage donc les Autochtones de décider librement s'ils veulent vivre leur vie à la réserve ou en ville.

• 1135

Je ne veux pas vous lire ce texte, mais je vous invite à y réfléchir. Je ne souscris pas à tout ce qu'il a dit, mais le ministre de l'assistance sociale en Alberta dans le gouvernement conservateur de Ralph Klein était Indien conventionné et travailleur social et personne n'a fait une dénonciation plus éloquente que lui de ces incitatifs.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Richards.

Monsieur Keddy, vous avez cinq minutes.

M. Gerald Keddy: Ma première question s'adresse à M. Fulton.

J'ai reçu plusieurs lettres concernant la faune, surtout la population des aigles de la vallée de la Nass, de la part d'électeurs et de groupes écologiques. En lisant l'accord, je constate qu'il y a beaucoup de mesures destinées à protéger l'habitat et aussi à protéger les oiseaux migrateurs et le poisson, le gibier et la faune. J'aimerais savoir si vous pensez qu'il y a suffisamment de protection, si celle-ci est adéquate.

M. Jim Fulton: Je pense que vous parlez probablement de la proposition de construire une route pour relier Kincolith au reste de la vallée de la Nass. Pour différentes raisons, mon travail à la fondation me fait participer à un groupe de correspondance concernant le pygargue à tête blanche. La population de ces oiseaux se trouve à l'embouchure de la Nass. C'est un système extrêmement productif tant pour les oulachons que d'autres espèces anadromes comme le saumon et le saumon arc-en-ciel.

À certains moments de l'année, surtout au printemps, on trouve d'énormes rassemblements de pygargues à tête blanche, parfois plus d'un millier. Les spécialistes des oiseaux migrateurs au Canada et à l'extérieur du pays s'inquiètent du tracé prévu pour la route. Il s'agit d'une vallée assez étroite à certains endroits et la circulation automobile pourrait avoir un effet perturbateur sur les habitudes d'alimentation et de nidification de ces oiseaux.

Compte tenu des dispositions de l'accord et des exigences du ministère des Pêches et des Océans, du Service canadien de la faune et du ministère des Transports de la Colombie-Britannique, j'ai l'impression que le tracé de la route sera choisi afin de réduire au minimum les perturbations à l'égard de cette population nombreuse de pygargues à tête blanche d'importance mondiale.

M. Gerald Keddy: Ma deuxième question s'adresse à l'ancien premier ministre Harcourt.

Il y a plusieurs façons d'aborder ce débat. Il y a des groupes des deux côtés qui appuient le processus d'établissement de traités. Il y a aussi l'opposition des gens qui ne semblent pas vouloir de ce traité. J'ai beaucoup de mal avec cela.

Je ne veux pas faire de la politicaillerie ici mais il faut constater que les réformistes adoptent l'approche d'un rouleau compresseur quand il s'agit de débattre de la politique publique au Canada. Ils semblent croire qu'on peut tout réduire au plus petit dénominateur commun et recommencer: on peut oublier les précédents établis par la Cour suprême et oublier tout ce qui a précédé; on peut simplement effacer l'ardoise et recommencer. Mais ce n'est pas possible.

J'ai parlé à tous les députés ici présents à un moment ou à un autre et on peut constater qu'ils se sont tous prononcés en faveur du processus d'établissement d'un traité. Nos collègues réformistes qui se trouvent à cette table ont certainement adopté le même point de vue. Ils sont pour la conclusion d'un traité.

Pourtant j'ai lu hier dans le Globe and Mail un article de M. Cummins, le porte-parole du Parti réformiste en matière de pêche, qui disait clairement que la décision Marshall nous montre que le processus des traités peut être modifié. C'était une décision très fortement contestée sur la côte est où j'habite.

Alors j'ai un peu de mal à suivre la logique. Ou bien on est pour l'établissement d'un traité ou bien on est contre.

• 1140

Vous avez parlé du coût, comme d'autres membres du comité. Il faut savoir quel sera le coût sans traité et quel est le coût actuel. Je vais essayer d'être rapide mais je me sens obligé de dire que nous dépensons 6 milliards de dollars annuellement pour les Premières nations au Canada. Nous consacrons 6 milliards de dollars au ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord.

L'objet de ce processus, sa raison d'être, c'est de parvenir à réduire ce flot d'argent en provenance d'Ottawa et de Vancouver et de Victoria et de toutes les capitales provinciales. Les Premières nations auront leurs propres possibilités économiques et leurs propres revenus. Elles vont payer des impôts et elles vont devenir des Canadiens à part entière.

Quel que soit le coût aujourd'hui, on espère donc qu'il va diminuer demain et encore plus le lendemain pour qu'un jour, à la fin du processus, il n'y ait plus de débours.

La présidente: Monsieur Harcourt.

M. Mike Harcourt: Très brièvement, les tribunaux ont répété à maintes reprises que ce n'est pas à eux de régler ces problèmes. Dans chacune de ces 55 décisions mentionnées par M. Bachand où on a reconnu l'existence des droits ancestraux, les tribunaux ont dit que ce n'était pas à eux de définir ces droits ni de les mettre en oeuvre. Ce n'est pas à cela que servent les tribunaux. J'ajouterais d'ailleurs que les litiges ne mènent nulle part. Nous allons simplement nous retrouver au point de départ.

Il y a les exemples d'Oka, Gustafsen Lake, les barrages routiers, les confrontations, tout cela ne profite à personne. En fin de compte, il ne reste qu'une façon de procéder, et c'est la négociation.

Le processus de traité pour les Nisga'as qui est en cours à l'heure actuelle peut plaire à certains et déplaire à d'autres. J'ai de très bons amis du Parti réformiste et nous nous sommes entendus pour différer à l'amiable sur cette question.

Je crois que le Traité nisga'a représente un bon compromis. Je crois que ce traité nous apporte la certitude. Je crois qu'il servira à améliorer les relations entre les peuples autochtones et non autochtones, surtout dans la vallée du Nass et dans la région de Terrace.

Existe-t-il d'autres moyens? Oui, il en existe sûrement, et nous pouvons sans doute améliorer le processus, mais je crois que les négociations vont bientôt commencer partout au Canada. La décision Marshall ne représente que le début de ce que le Canada va devoir endurer.

Regardons ce qui se passe ici en Colombie-Britannique. Nous avons la réputation d'être la dernière province du Canada qui arrive à régler les revendications territoriales, mais lorsque la question des terres est combinée à celle de l'autonomie gouvernementale, je vous dirais que nous sommes parmi les premiers à trouver une solution. Ces deux éléments font partie de notre stratégie de négociation.

Je vais terminer rapidement, parce que je sais que vous avez d'autres questions à poser et qu'il sera bientôt midi; je crois qu'il y a deux ou trois façons de procéder. Nous avons l'approche des Nisga'as. Je n'y vois pas un modèle, mais je crois qu'elle a donné de bons résultats. Nous avons l'approche mise de l'avant par le sommet. Nous avons aussi ce qui a été proposé par ceux qui faisaient partie de l'Union des chefs autochtones de la Colombie-Britannique: commencer par reconnaître que les territoires nous appartiennent et ensuite nous négocierons, mais nous ne négocierons pas avec le gouvernement provincial parce que vous n'êtes pas une nation.

Ils ont tort. Nous ne sommes pas en Nouvelle-Zélande. Nous sommes un État fédéral, et la province est souveraine en vertu de l'article 92, donc, veut, veut pas, vous allez devoir négocier avec nous.

De toute façon, je crois qu'il serait possible d'adopter une variété d'approches qui pourraient être souples, mais je demeure convaincu que, que cela nous plaise ou non, nous sommes sur le point de nous lancer dans une série de négociations qui pourraient durer encore plusieurs années.

La présidente: Merci.

Monsieur O'Reilly, avez-vous une question à poser?

Oh, je m'excuse, c'est à M. Forseth.

M. John O'Reilly: Nous nous ressemblons.

M. Paul Forseth: Est-ce que vous changez de côté?

La présidente: C'est à M. O'Reilly, et ensuite à vous, monsieur Forseth.

M. Gerald Keddy: Je vais prendre le tour de M. O'Reilly.

La présidente: Je crois que M. O'Reilly a déjà cédé sa place plus tôt cette semaine.

M. John O'Reilly: Si vous demandez l'heure à M. Keddy, il va vous construire une horloge de parquet.

M. Gerald Keddy: Je tenterai de l'éviter.

La présidente: Très bien, monsieur O'Reilly.

M. John O'Reilly: Merci, madame la présidente.

J'aimerais revenir à la question du mouvement vers les régions urbaines, en vous expliquant que je représente la deuxième circonscription la plus importante dans le sud de l'Ontario, avec 10 000 kilomètres carrés, trois codes régionaux, 750 milles de voies navigables, et une industrie de la pêche très vigoureuse dans la région des lacs Kawartha.

Soit dit en passant, l'Ontario a quelque chose que l'on ne trouve pas sur la côte est. Nous avons une très bonne industrie de la pêche.

Lorsque je me suis rendu au Labrador, je suis allé voir la réserve Sheshatshit. J'ai vu qu'il n'y avait aucun espoir, aucun avenir, aucun passé. C'est complètement isolé. Il n'y a pas de poisson. Il n'y a aucune industrie. Il n'y a pas de bois d'oeuvre. Il n'y a pas de caribou. Il n'y a aucune motivation. Nous, les anciennes générations blanches, nous les avons plaqués là, sur la réserve. Nous leur faisons parvenir un chèque tous les mois et nous leur disons de ne pas nous déranger. Pour moi, la seule véritable raie solution c'est le processus des traités, plutôt que le processus des réserves.

• 1145

Vous avez parlé de la distinction entre les régions rurales et urbaines. Je ne crois pas que prendre ces gens-là pour les installer dans les villes soit la meilleure solution, vu ce qui se passe dans la partie est de Vancouver. Vous n'avez qu'à venir à Toronto, qui se situe à 80 milles de chez moi, pour voir les problèmes qui surgissent lorsqu'on oblige les Autochtones à s'installer dans les villes, où ils font la distribution de publicités et deviennent victimes de toutes sortes d'organisations. Donc, je crois que vous vous trompez.

Il y a même des gens de Toronto qui aimeraient bien en sortir pour venir s'établir dans ma région, question de santé mentale, car c'est un endroit où on ne retrouve pas toutes les installations, telles l'accès à l'Internet et ce genre de choses.

Pourquoi voudrait-on habiter Vancouver lorsque, avec un ordinateur, on peut être à Prince George? Préféreriez-vous être à Toronto ou bien dans la magnifique région des lacs Kawartha avec un ordinateur? Vous savez, les emplois ne sont pas tous créés dans les régions urbaines. Voilà une autre tendance qui se dessine.

J'aimerais que M. Dobell nous parle un peu du processus des traités et de la distinction entre les régions rurales et urbaines, puisqu'il semblait vouloir en traiter un peu plus tôt. Nous pourrions peut-être commencer par lui, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Dobell.

M. Rod Dobell: Pour revenir à cette migration vers les villes, je pense qu'il est nécessaire d'établir clairement le point de départ. Le fait que nous reconnaissons à John Richards le droit de posséder une maison ne signifie pas que nous créons un incitatif indésirable l'amenant à vouloir rester à Vancouver.

Les systèmes d'incitatifs que nous créons découlent de certains critères établis au préalable. Il y a l'espoir de maintenir une économie décentralisée à l'aide d'un système de communication; la possibilité de créer des emplois virtuels à partir de plusieurs endroits grâce à une société fondée sur le savoir et à la fine pointe de la technologie; et la possibilité d'assurer un développement économique qui soit plus attentif à la durabilité des ressources—tout cela pourrait signifier qu'il ne sera pas nécessaire d'instaurer des mesures d'adaptation extrêmes sur le plan économique.

Il me semble qu'il existe d'autres possibilités à examiner, et que les perspectives créées par cet accord définitif nous donnent lieu de croire que ces choix existeront et donneront d'autres résultats que ceux des mesures que John Richards nous a correctement retracées.

La présidente: Monsieur Harcourt.

M. John O'Reilly: À propos du mouvement vers les villes...

M. Mike Harcourt: Oui, le mouvement vers les villes. J'ai un discours à prononcer dans 20 minutes, et j'étais en train de réfléchir.

Je crois franchement que les gens ont plus de choix maintenant, et je crois que la révolution informatique apporte des changements énormes. Ils peuvent habiter la belle circonscription de M. O'Reilly ou bien ils peuvent vivre au centre-ville de Toronto. Cela dépend du mode de vie que l'on préfère, si on a le choix.

Les gens quittent Vancouver et Prince George et Kelowna pour aller s'établir à Burns Lake et Nelson et d'autres endroits plus intéressants. C'est surtout à cause de l'accès par avion et de la révolution Internet. Donc, pour le nombre croissant de gens qui travaillent dans l'industrie des services ou qui sont mobiles, c'est probablement ce qui va se produire.

Pour ce qui est des peuples autochtones, je crois que nous avons mal compris ce qu'essaie de dire John—c'est que le système actuel des réserves est un échec. On n'a aucune chance de réussir sur une réserve, tandis que dans une ville, avec un choix aléatoire, on a 50 p. 100 des chances de s'en tirer. Il y a un plus grand nombre de services et ainsi de suite.

Je crois qu'il faut changer d'optique. Nous voulons nous débarrasser des réserves pour garantir un meilleur niveau de vie, que ce soit dans une réserve rurale ou bien à Vancouver. Il y a trois revendications territoriales à Vancouver à l'heure actuelle impliquant les Burrards, les Squamishs, et les Musqueams. Nous n'avons pas encore réglé ces dossiers-là.

M. John O'Reilly: Merci, madame la présidente.

• 1150

La présidente: Merci.

Nous allons accorder cinq minutes à M. Forseth, et nous aurons terminé notre dernier tour de questions. Nous allons accorder encore un tour au côté ministériel, et ensuite nous allons terminer. Allez-y.

M. Paul Forseth: Merci. Le temps file, j'essaierai d'être bref.

J'aimerais savoir ce que pensent nos témoins du besoin d'établir une éventuelle légitimité politique? Ce que nous faisons aujourd'hui, ce qu'on a fait jusqu'à présent, nous pouvons le qualifier de processus démocratique orchestré. Avec l'Accord de Charlottetown, j'ai constaté qu'au fur et à mesure que le public assimilait les dispositions et les conséquences, la légitimité politique s'estompait. Mais au moins cet accord-là est disparu. Ce ne sera pas le cas pour les conséquences de cet accord-ci.

D'après ce que j'ai pu voir jusqu'à présent pendant le processus, au fur et à mesure que le Canada se rend compte des répercussions de l'accord nisga'a, je pense que cet accord va nous amener des incertitudes et des problèmes plutôt que de l'aide et de la certitude. Certainement, si vous voulez vraiment aider quelqu'un et corriger un problème, il vous faut une entente de base ou un accord qui va bien au-delà du droit. Il vous faut ce que j'appelle la légitimité politique.

J'ai fait un sondage dans l'ensemble de la circonscription de New Westminster—Coquitlam—Burnaby, et dans ce sondage j'ai posé trois questions. J'ai demandé: «Selon vous, faut-il tenir un référendum qui lierait le gouvernement dans l'ensemble de la province avant de ratifier le traité nisga'a?» Parmi les répondants, 67,8 p. 100 ont répondu oui; 27,55 p. 100 ont répondu non; 4,33 p. 100 n'étaient pas certains, et 0,31 p. 100 ne le savaient pas.

Ensuite, j'ai posé la deuxième question: «Si des informations plus détaillées sur l'accord étaient disponibles, les liriez-vous?» Eh bien, 65,33 p. 100 des personnes interrogées ont répondu oui; 24,46 p. 100 ont dit non; 7,74 p. 100 n'étaient pas certains; et 2,48 p. 100 ne le savait pas.

Enfin, j'ai posé la dernière question: «Une fois que le traité nisga'a sera déposé à la Chambre des communes, comment voulez-vous que je vote?» Parmi les personnes interrogées, 26 p. 100 étaient en faveur de l'accord; 59,13 p. 100 étaient contre; 11,15 p. 100 ont dit qu'ils n'avaient pas suffisamment d'information pour prendre une décision éclairée; 3,41 p. 100 étaient indécis; et 0,31 p. 100 ne le savait pas.

À mon avis, ces résultats démontrent une absence de légitimité politique. Comme une certaine légitimité politique à long terme est nécessaire, et compte tenu du processus qui a mené à l'accord nisga'a et comment ce processus s'est déroulé, quels conseils pourriez-vous nous donner pour les négociations à venir dans le cas de la cinquantaine d'accords qui restent à négocier? Il est évident qu'il faut tirer bien de leçons de l'accord nisga'a pour créer la légitimité politique nécessaire pour les autres accords à venir.

Qui a des remarques à faire à ce sujet?

Le président: Monsieur Fulton, je vous donne la parole.

M. Jim Fulton: Je serai heureux de commencer.

Vous nous donnez tous ces chiffres, mais je vous rappelle que l'Université de Calgary a fait un sondage assez récemment, et d'après ce sondage 31 p. 100 des habitants de Calgary pensent que Elvis Presley est encore vivant. Ça dépend vraiment des personnes interrogées et du message que vous essayez de faire passer à ce comité.

La réalité, c'est que votre comité va devoir devenir beaucoup plus puissant et se concentrer davantage sur les questions clés. L'accord nisga'a n'est pas forcément un modèle à suivre pour tous les peuples autochtones de la Colombie-Britannique, et l'ancien premier ministre Harcourt l'a déjà dit.

Pour ce qui est des incidences de l'arrêt Marshall, il y a eu beaucoup de changements. Quant à l'arrêt Delgamuukw, il y a eu beaucoup de changements. Comme je venais de dire au professeur Dobell, le public a besoin de plus amples informations, plus précises, plus faciles à comprendre et beaucoup moins de ces déclarations de hâbleurs sur des pêcheries basées sur la race, des droits basés sur la race et tout ce genre de foutaises incendiaires et exagérées.

Les Canadiens sont très sincères et ont l'esprit large, et honnêtement, la façon dont les peuples autochtones ont été traités pendant la plus grande partie de ce siècle et depuis les premiers contacts les révolte. Ceux qui s'en prennent aux peuples autochtones par lâcheté et qui ne cessent de...

Voyez ce que le seul député autochtone qui siège à ce comité a dû endurer. En tant qu'habitant de la Colombie-Britannique, et en tant que Canadien, je vous présente mes excuses pour ce qui vous est arrivé en tant que député et membre de ce comité.

Des comités comme le vôtre feraient mieux de se rendre compte que des changements énormes sont à l'horizon pour dans votre pays, et il ne sert à rien de faire l'autruche, d'évoquer des chiffres insignifiants ou de se cacher derrière des propos raciaux. Il faut agir. Il faut choisir entre des affrontements comme ceux d'Oka ou la négociation. Tous les membres de ce comité devraient enfin collaborer, ça va barder.

La présidente: Monsieur Richardson, je vous en prie.

M. Robin Richardson: Je trouve que cette question sur l'acceptation politique est très pénétrante, et lors de mes remarques liminaires, j'ai fait valoir que si de plus en plus d'habitants de la Colombie-Britannique vont donner leur aval à l'accord—et à mon avis, il s'agit tout simplement de leur fournir de plus amples informations—il faut reconnaître qu'une superficie énorme de terres publiques sera cédée à un groupe très restreint, et les contribuables de la Colombie-Britannique ont droit à une certaine compensation d'Ottawa pour la perte de cette énorme superficie de terres publiques.

• 1155

Donc, si votre comité accepte cet argument, et si vous recommandez que le gouvernement fédéral verse une indemnité à la Colombie-Britannique, bon nombre de personnes—pas tout le monde, mais bon nombre de personnes—seraient prêtes à donner leur aval à l'accord. C'est le premier dans une série de plus de soixante, et il servira de modèle. Cet accord ne met pas fin au système des réserves; il établit une réserve plus vaste.

La présidente: Merci.

Madame Davies, vous avez un rappel au Règlement?

Mme Libby Davies: Je n'ai pas assisté aux autres audiences, et je me demande tout simplement comment fonctionnent les tours de questions. Si vous permettez à un député de l'opposition de poser une question supplémentaire, est-ce que les autres députés ont droit à une question supplémentaire eux aussi?

La présidente: Actuellement, en raison de l'heure, nous avons accordé plus de temps à ce groupe de témoins. Essentiellement, je vais permettre une question pour que ce soit égal entre le parti ministériel et l'opposition, parce que le Parti réformiste a eu droit à un tour supplémentaire. Je vais permettre une question pendant le temps prévu. Si les membres avaient respecté l'horaire, il aurait fonctionné à merveille. Malheureusement...

Monsieur Finlay, je vous en prie.

M. John Finlay: Madame la présidente, si je pose ma question très rapidement, Mme Davies aura peut-être le temps nécessaire pour poser la sienne.

Je suis tout à fait d'accord avec M. Fulton.

Monsieur Richardson, j'espère que vous avez écouté nos remarques, parce que si vous partez d'une hypothèse erronée, les résultats seront mauvais. Je n'arrive pas à imaginer... À mon avis, c'est assez étrange que notre gouvernement envoie nos soldats en Bosnie et au Timor-Oriental, où les gens sont privés de leurs biens, où l'on ne respecte pas les droits de la personne, et nous calculons le coût de ces missions. Les coûts sont partagés par tout le pays. Le gouvernement fédéral n'est pas plein de fric à distribuer allègrement. C'est l'argent des contribuables. Nous en sommes tous responsables. Il est intéressant de constater que vous voulez attribuer à ce traité des coûts qui sont tout à fait sans fondement au niveau de la philosophie et des principes dont nous débattons.

Les terres n'appartiennent pas à la Colombie-Britannique. Elles appartiennent au Canada et au peuple canadien, et les peuples autochtones font partie du peuple canadien.

D'après Mme Kunin, tous les intéressés ont négocié ce traité de bonne foi, et si tous les intéressés se plaignent autant, c'est que l'accord est sans doute bon. Alors, compte tenu de cette supposition, je voudrais savoir si nous avons une bonne entente. Ensuite, nous pourrons passer à d'autres accords. Si nous pouvons nous débarrasser des propositions bidons et des coûts imaginaires et de tous les autres arguments qui ne s'appliquent pas au problème que nous voulons résoudre... Nous sommes des hommes et des femmes politiques pratiques. Nous essayons de faire ce que le peuple de notre pays veut, et nous allons le faire coûte que coûte—tant que je suis politicien.

La présidente: Monsieur Richardson, très brièvement.

M. Robin Richardson: Merci.

Quatre-vingt-quinze pour cent des terres en Colombie-Britannique sont des terres publiques qui appartiennent aux habitants de la Colombie-Britannique. Ce que j'ai dit dans mon étude—la méthodologie est là, et vous êtes libres de l'accepter ou de la rejeter—c'est que nous sommes en mesure d'appliquer une méthode objective pour calculer la valeur de ces terres publiques. Moi, j'applique une méthode prudente. Si elle est bonne, si nous donnons une valeur juste à ces terres, les contribuables de la Colombie-Britannique ont droit à une indemnité. Notre gouvernement provincial a passé complètement à côté dans ce dossier.

La présidente: Merci beaucoup.

Avant de lever la séance, je voudrais annoncer encore une fois que tout membre de l'assistance qui désire présenter un mémoire écrit—c'est comme ça que vous donnez votre opinion à ce comité—n'a qu'à le remettre au greffier, en sortant ou là-bas à ma gauche.

Je voudrais également remercier mes collègues autour de la table ainsi que les collègues qui ont fait des exposés. C'était un gros groupe, mais nous avons cru qu'il était préférable d'entendre des opinions divergentes pour nous aider à poser les meilleures questions possibles. Telle était notre intention. En règle générale, nos groupes de témoins ne sont pas si nombreux. Cet après-midi, nous allons entendre un groupe assez nombreux encore une fois.

Je tiens à remercier nos témoins. La discussion se prête à différents points de vue, notamment ici, il semble, donc il faudra s'assurer de toujours entendre les deux camps. Vos témoignages nous ont été très utiles.

Je tiens également à remercier l'auditoire, car il nous a aidés à écouter nos témoins. J'espère que vous aussi avez pu tirer profit de la réunion.

Je vous remercie. Nous reprendrons nos travaux à 13 heures, pour l'après-midi. Merci beaucoup, la séance est levée.