SPER Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité sur la condition des personnes handicapées du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 19 mars 2002
¹ | 1535 |
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest) |
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.) |
M. John Godfrey |
Mme Carolyn Bennett |
M. John Godfrey |
Mme Carolyn Bennett |
M. John Godfrey |
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ) |
Le coprésident (M. John Godfrey) |
Mme Guay |
M. John Godfrey |
Mme Carolyn Bennett |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
M. John Godfrey |
Mme Carolyn Bennett |
M. John Godfrey |
M. Wendall Nicholas (présentation individuelle) |
M. John Godfrey |
M. Wendall Nicholas |
¹ | 1545 |
M. John Godfrey |
Mme Joanne Francis |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
Mme Carolyn Bennett |
Mme Joanne Francis |
º | 1600 |
º | 1605 |
M. John Godfrey |
Mme Rose-Alma McDonald (consultante auprès du Conseil des Mohawks de Katenies et de l'Assemblée des Premières nations, Katenies Research and Management) |
M. John Godfrey |
º | 1610 |
Mme Monique Guay |
Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.) |
Mme Rose-Alma McDonald |
M. John Godfrey |
Mme Rose-Alma McDonald |
M. John Godfrey |
M. Wendall Nicholas |
M. John Godfrey |
Mme Rose-Alma McDonald |
º | 1615 |
º | 1620 |
Mme Joanne Francis |
Mme Rose-Alma McDonald |
º | 1625 |
M. John Godfrey |
M. Michael Prince (professeur titulaire de la chaire Lansdowne en politique sociale, Faculté de développement social et humain, Université de Victoria) |
º | 1630 |
º | 1635 |
M. John Godfrey |
M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne) |
Dre Rose-Alma McDonald |
M. Wendall Nicholas |
M. John Godfrey |
M. Michael Prince |
º | 1640 |
M. John Godfrey |
Mme Monique Guay |
º | 1645 |
M. John Godfrey |
M. Wendall Nicholas |
M. John Godfrey |
Mme Rose-Alma McDonald |
º | 1650 |
M. John Godfrey |
Mme Joanne Francis |
M. John Godfrey |
M. Michael Prince |
M. John Godfrey |
Mme Wendy Lill |
º | 1655 |
M. Wendall Nicholas |
» | 1700 |
M. John Godfrey |
M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.) |
M. John Godfrey |
M. Michael Prince |
Mme Rose-Alma McDonald |
» | 1705 |
M. John Godfrey |
M. Michael Prince |
Mme Carolyn Bennett |
M. John Godfrey |
Mme Carolyn Bennett |
M. Michael Prince |
M. John Godfrey |
Mme Joanne Francis |
» | 1710 |
M. John Godfrey |
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.) |
M. Wendall Nicholas |
M. Tirabassi |
M. Tirabassi |
Mme Rose-Alma McDonald |
» | 1715 |
Mme Carolyn Bennett |
M. Wendall Nicholas |
» | 1720 |
Mme Joanne Francis |
M. John Godfrey |
Mme Joanne Francis |
M. John Godfrey |
M. Michael Prince |
M. John Godfrey |
M. Michael Prince |
» | 1725 |
M. John Godfrey |
CANADA
Sous-comité sur la condition des personnes handicapées du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 19 mars 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1540)
[Traduction]
Le coprésident (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest)): Nous déclarons conjointement et solidairement que la séance est ouverte.
Le premier point à l'ordre du jour est de demander à nos invités de bien vouloir nous excuser pour la façon dont des agents de sécurité trop zélés les ont traités. Vous avez fait une grosse erreur, une erreur que des députés n'auraient jamais faite, puisque vous êtes arrivés en avance et on vous a fait attendre pendant une demi-heure, si j'ai bien compris, jusqu'à 15 heures, parce que vous étiez très patients.
La coprésidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)): Qui a fait ces règles?
Le coprésident (M. John Godfrey): Je ne sais pas. Il n'y a pas seulement la façon dont vous avez été traités mais je crois qu'il serait utile que nous, les parlementaires, sachions quelles sont les règles. Nous pourrions peut-être essayer de savoir pourquoi l'on fait attendre une demi-heure, jusqu'à 15 heures, les gens qui arrivent une heure à l'avance—Pourquoi ne pas les faire attendre une heure entière à l'extérieur?
Mike nous fera rapport et je vous demande d'accepter nos excuses. Il est inacceptable de traiter des invités de cette façon.
La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Il vous fera peut-être plaisir de savoir que l'on m'arrête tous les jours quand je me rends au Sénat.
Le coprésident (M. John Godfrey): J'espère que vous n'avez pas d'ambitions de ce genre.
La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Non, mais au Sénat, le service de sécurité fonctionne différemment et les agents ne semblent pas savoir qui nous sommes. Enfin…
Le coprésident (M. John Godfrey): Si vous le permettez, chers invités, j'aimerais régler une question. J'aurais besoin de l'accord des membres du sous-comité des «jeunes à risque» qui doivent normalement se rencontrer demain après-midi, parce qu'il y a chevauchement. J'aimerais votre accord pour inviter M. Tim Sale, le ministre des Services à la famille et du Logement du Manitoba qui nous parlerait du cadre d'évaluation du Projet Enfants en santé.
[Français]
Est-ce que j'ai votre permission? Ce n'est pas encore établi, mais le protocole demande que je vous demande si je peux inviter un ministre provincial. Ai-je l'approbation?
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Un ministre de quelle province?
Le coprésident (M. John Godfrey): Du Manitoba.
Mme Monique Guay: Oui, oui.
[Traduction]
Le coprésident (M. John Godfrey): Très bien.
La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): J'aimerais également avoir l'avis des membres de mon sous-comité. Nous allons déposer jeudi matin à 10 h 05 notre rapport sur le crédit d'impôt pour personnes handicapées à la Chambre des communes; il faut que nous sachions si le sous-comité des handicapés aimerait tenir une conférence de presse à 11 heures.
Oui? Très bien.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): J'aimerais simplement dire que Libby Davies regrette de ne pouvoir être ici aujourd'hui parce qu'elle est à la Chambre des communes, et c'est la seule que nous ayons en ce moment. Elle aurait beaucoup aimé entendre vos exposés mais je lui ferai un compte rendu.
Le coprésident (M. John Godfrey): Notre petit numéro de duo n'est pas encore tout à fait rodé mais j'espère qu'il vous divertira quand même. Au nom de nos deux sous-comités, qui sont composés en partie des mêmes membres, comme vous vous en êtes peut-être rendu compte, de sorte que nous ne savons jamais quel est le chapeau qu'ils portent—mais ce sont tous des gens magnifiques, je peux vous le garantir—je vous souhaite à tous la bienvenue.
Les deux sous-comités considèrent qu'ils travaillent de façon horizontale. C'est-à-dire que nous essayons d'aborder des questions qui touchent plusieurs ministères, les enfants, les enfants autochtones et les handicapés, et nous essayons d'utiliser les pouvoirs du comité pour amener le gouvernement à réfléchir de façon plus horizontale à des questions qui ne se prêtent pas à un examen vertical. Nous sommes donc doublement horizontaux, si je puis m'exprimer ainsi, parce que nous essayons en ce moment de combiner deux intérêts du comité, à savoir le sous-comité des enfants et des jeunes à risque, qui procède en ce moment à une étude approfondie de la situation des enfants autochtones et qui se réunit normalement le mercredi après-midi et l'intérêt permanent que porte le comité aux personnes handicapées. Je crois que c'est devenu un événement annuel. Nous nous réunissons pour examiner la condition des enfants handicapés et nous sommes ravis que vous soyez ici aujourd'hui, pour que nous examinions ensemble les enfants autochtones handicapés.
La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): J'aimerais simplement mentionner que nous essayons d'améliorer le processus parlementaire et la gouvernance de notre pays mais, avec toutes mes excuses pour le travail que vous accomplissez et tout ce que vous essayez de faire dans ce système complexe, c'est la question des enfants autochtones handicapés qui est, d'après moi, le problème le plus complexe auquel nous faisons face, à cause de tous les compartiments et de tous les niveaux de gouvernement que cela concerne. Si nous arrivions à régler ce problème, je dirais que le reste du pays fonctionne plutôt bien, parce que c'est le problème le plus difficile que nous ayons à aborder. Pour ce qui est des deux sous-comités, nous avons pensé que, si nous pouvions réfléchir à ce qui peut aider ce groupe de Canadiens, nous apprendrions peut-être à améliorer la situation de tous les autres. Merci donc d'être venus.
Le coprésident (M. John Godfrey): Nous allons commencer par accueillir M. Wendall Nicholas, un vieil ami de certains d'entre nous. Nous sommes ravis de vous voir dans votre incarnation actuelle et sous l'apparence d'une personne.
M. Wendall Nicholas (présentation individuelle): Merci. Je parie que vous ne saviez pas que j'étais aussi une personne, n'est-ce pas?
Le coprésident (M. John Godfrey): Je savais que vous étiez un personnage, mais ceci est un autre débat.
M. Wendall Nicholas: Bonjour, madame Bennett, monsieur Godfrey et les membres du comité conjoint.
Nous sommes ici aujourd'hui pour parler de l'étude que vous faites des enfants autochtones handicapés, qui vivent dans les réserves et à l'extérieur des réserves ainsi que des programmes fédéraux qui leur sont offerts. Je suis heureux de participer aujourd'hui à cette discussion et j'aimerais vous présenter quelques collègues.
Mme Joanne Francis est membre de la nation Mohawk d'Akwesasne. Elle est directrice des interventions pour le programme de counseling et de toxicomanie d'Akwesasne. Mme Francis possède un diplôme d'infirmière et une maîtrise en travail social et elle va vous décrire le travail qu'elle accomplit dans la collectivité pour répondre aux besoins des personnes handicapées. Mme Francis s'est acquis une réputation communautaire, nationale et internationale pour son travail. Elle est accompagnée aujourd'hui par ses collègues, Mme Giselle Cook et M. Robin LaDue, à titre d'observateurs.
Mme Rose-Alma McDonald, une autre membre de la nation Mohawk d'Akwesasne, est la propriétaire de Katenies Research and Management Services. Mme McDonald possède un doctorat en éducation et un certificat de directeur régional de l'enseignement. Elle a notamment été directrice des études à Akwesasne et deux fois pour l'Assemblée des Premières nations. Mme McDonald est l'auteur de plusieurs rapports clés portant sur la santé, l'éducation et la justice sociale chez les Premières nations, notamment le rapport intitulé «Injury Prevention and Indigenous Populations» (Prévention des traumatismes et peuples indigènes). Cette étude a été rédigée pour l'Assemblée des Premières nations et sera présentée à la sixième conférence mondiale de la prévention des traumatismes qui se tiendra à Montréal, du 12 au 15 mai. Sa partenaire de recherche, Carol Fisher, est également ici à titre d'observatrice.
Mme Pamela Hunter est Moose Cree et fait du travail social. Elle est analyste des politiques au secrétariat du développement social de l'Assemblée des Premières nations. Son rôle principal consiste à faciliter la mise en oeuvre des recommandations visant à améliorer les services aux enfants et à la famille fournis dans les collectivités des Premières nations. Elle s'occupe également de suivre et d'évaluer les initiatives fédérales qui touchent les membres des Premières nations qui sont handicapés. Mme Hunter est ici pour mieux connaître l'étude entreprise par le comité et elle se joint à nous en qualité d'observatrice.
Mme Marilyn Carpentier est membre de la Première nation algonquine de Kitikan Zibi. Elle est la coordinatrice nationale du programme canadien de nutrition prénatale qu'administre le secrétariat de la santé de l'Assemblée des Premières nations. Mme Carpentier est également ici à titre d'observatrice.
Je m'appelle Wendall Nicholas et je suis membre de la nation Maliseet de Tobique. Je suis le coprésident du groupe de travail national des Inuits et des Premières nations sur la prévention des traumatismes. Je suis membre du groupe indigène de l'Union mondiale des aveugles, membre du groupe de référence autochtone sur les questions concernant les handicapés, qui conseille DRHC au sujet des programmes qui touchent nos gens, et administrateur volontaire de la Gignul Non-Profit Housing Corporation ici, à Ottawa. J'ai été invité à venir ici par M. Godfrey que je remercie de m'avoir accordé ce privilège.
Je suis venu vous présenter mon point de vue de membre handicapé d'une Première nation. Nos exposés vont principalement porter sur les enfants handicapés qui sont membres des Premières nations. Je vais donc prendre un instant pour vous décrire un peu ces personnes et faire quelques observations.
Il y a environ 80 Premières nations au Canada dont les membres vivent dans 633 réserves. Ces collectivités comprennent plus de un million de membres des Premières nations. Comme vous le savez, les Premières nations sont un des trois peuples reconnus par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. L'article 35 reconnaît et confirme les droits existants, ancestraux ou issus de traités. Les enfants handicapés, qui sont membres des Premières nations, possèdent ces droits inhérents et issus de traités et sont trois fois plus nombreux que la moyenne nationale.
Cette année, Santé Canada a investi près de 600 000 $ pour la prévention des traumatismes dans les collectivités des Premières nations et des Inuits. En moyenne, si l'on répartit cette somme, cela représente 900 $ environ par collectivité. D'après le Journal of American Indian Education, le syndrome de l'alcoolisme foetal est aujourd'hui la première cause de déficience développementale dans nos collectivités. J'ai mentionné ces deux exemples parce qu'il est évident qu'il y a beaucoup à faire dans le domaine de la prévention et qu'il est possible de prendre des mesures concrètes dans ce domaine.
Il n'existe qu'un seul établissement postsecondaire en Amérique du Nord qui offre un programme de prévention des traumatismes destiné aux membres des Premières nations. Le United Tribes Technical College de Bismarck, dans le Dakota du Nord, offre un programme de prévention des traumatismes associé à un diplôme de sciences appliquées et ces gens font un travail extraordinaire avec le peu qu'ils ont.
Je tiens à dire aux membres du comité que les enfants des Premières nations doivent avoir accès aux mêmes possibilités qu'ont les autres enfants, notamment la possibilité de vivre dans un logement sain, de boire de l'eau potable, de manger des aliments nutritifs et à prix raisonnable, d'avoir accès aux services dont ils ont besoin et d'être à l'abri des traumatismes, de la violence et de la pauvreté.
Je vais maintenant demander à mes collègues de présenter leurs exposés. Merci
¹ (1545)
Le coprésident (M. John Godfrey): Merci beaucoup.
Madame Francis, voulez-vous poursuivre?
Mme Joanne Francis (Services d'intervention, Conseil des Mohawks d'Akwesasne): Certainement.
Comme l'a mentionné Wendall, j'ai une formation d'infirmière et une maîtrise en travail social. Je travaille avec les handicapés depuis 25 ans. Pendant cette période, j'ai comparu devant de nombreux comités et j'ai lu de nombreux rapports fédéraux sur les handicaps qui touchent particulièrement les peuples autochtones. J'ai l'impression que c'est la première fois que je le fais. Les progrès sont lents mais il y a aussi eu beaucoup de travail de fait et cela a été reconnu. Ma plus grande récompense, c'est de voir que nous commençons à obtenir des résultats dans les collectivités. Il y a des changements au palier communautaire, mais ils sont, au mieux, sporadiques. Ils s'expliquent en grande partie parce qu'on a compris qu'il y avait de nombreuses personnes handicapées dans nos collectivités.
Je voudrais insister sur un aspect, la santé mentale des enfants autochtones. Nous avons fait beaucoup de travail dans le domaine des incapacités et cela fait 18 ans que je travaille dans celui des drogues et de l'alcool. Au cours des six dernières années, le PNLAADA a été fusionné avec les programmes de santé mentale, notamment, de sorte qu'il a semblé naturel d'inclure la santé mentale. Pendant ces sept ans, nous avons donc… En fait, à Akwesasne, avec le soulèvement de 1990, la guerre civile, il a fallu offrir sur place des services de santé mentale. À l'époque, des thérapeutes sont venus dans la collectivité pour atténuer les effets du stress post-traumatique. Une bonne partie de leur action visait les enfants, parce que ces derniers ne savaient pas ce qui s'était passé et ne comprenaient pas pourquoi les membres de la famille luttaient les uns contre les autres.
J'ai remarqué que les praticiens de la santé mentale qui sont venus dans la collectivité étaient pratiquement tous des non-Autochtones. Ce sont les spécialistes qui sont venus, on a constitué un groupe et on l'a envoyé dans la collectivité. Ils sont restés 12 ans. Ce devait être une brève intervention pour pallier une crise, mais ils sont toujours là. Je dois dire néanmoins que la composition du groupe a changé. Le nombre des thérapeutes non autochtones a diminué et celui des thérapeutes autochtones a augmenté, parce que nos gens ont obtenu des diplômes et sont revenus travailler dans la collectivité. Les choses s'équilibrent davantage.
La chose la plus frappante que j'aie constatée chez les thérapeutes et les psychiatres non autochtones qui sont venus dans la collectivité, c'était leur manque de sensibilité aux problèmes de comportement qui est notre lot quotidien. Je dois dire qu'une bonne partie de la situation s'explique par notre culture, par qui nous sommes, nous les Mohawks, et comment nous fonctionnons. J'ai bien souvent constaté que ces personnes avaient trop souvent recours à des médicaments, parce qu'ils ne connaissaient pas les codes culturels. Par exemple, ils ont diagnostiqué une schizophrénie chez un enfant de six ans, et lui ont prescrit une médication très lourde. Lorsque nous avons examiné la situation, nous avons commencé à parler avec la famille. C'était une famille traditionnelle et nous avons alors découvert que cet enfant avait des visions et voyait des choses. Il avait un don mais le psychiatre non autochtone n'était pas de cet avis. Pour lui, c'était pathologique. Une fois rétablis les liens entre le jeune garçon et sa culture, grâce aux lecteurs et aux sages, et grâce à des cérémonies appropriées, il s'est complètement rétabli. Finalement, il suffisait de le changer de chambre. Sa famille a réaménagé la maison. C'est une intervention qui montre clairement qu'il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas.
¹ (1550)
Il est apparu très rapidement qu'il fallait intervenir pour éviter ce genre d'erreur de diagnostic et un usage trop lourd des médicaments.
Nous observé une autre chose qui concernait les professeurs, parce que la plupart d'entre eux n'étaient pas autochtones et s'occupaient d'enfants qui avaient des problèmes de comportement en classe. Il y a eu des parents qui sont venus nous voir et qui nous ont dit qu'ils ne savaient pas quoi faire avec leur enfant. Les professeurs leur avaient dit que, s'il ne prenait pas de la Ritaline, l'enfant ne pourrait revenir en classe. Les professeurs demandaient aux parents de donner de la Ritaline à leurs enfants. Les parents allaient voir leur médecin de famille ou la clinique et leur demandaient de la Ritaline. Ils n'avaient aucune idée de ce qu'était la Ritaline, ils ignoraient son mode d'action et les effets qu'elle pourrait avoir sur leur enfant. Il est arrivé que nos médecins de la réserve ordonnent de la Ritaline sans avoir fait d'évaluation ou posé de diagnostic. Ils ont dit, vous voulez de la Ritaline, très bien. Prenez-en pendant un moment et revenez me voir.
Cette situation a duré un certain temps et nous avons commencé à remarquer certaines choses. Le comportement des enfants a changé et leurs parents arrêtaient de leur donner de la Ritaline ou leur en redonnaient. Pour les vacances de mars, les parents arrêtaient de donner de la Ritaline, sans connaître les effets de ce médicament, ni le temps nécessaire à son absorption par le corps, et ce genre de chose. C'est à ce moment-là que sont apparus de graves problèmes. Les enfants ne savaient pas ce qui se passait. Ils savaient qu'ils ne se sentaient pas bien, qu'ils n'aimaient pas ce qui se passait. Leur comportement a changé et les professeurs ont mal réagi à ces changements.
Nous avons effectué une étude approfondie. Nous nous sommes associés à l'Hôpital Royal d'Ottawa et à l'HEEO pour essayer d'offrir plus rapidement à nos enfants des services en santé mentale, pas seulement à ceux d'Akwesasne, mais parce que les enfants autochtones n'arrivaient pas à obtenir ce genre de services suffisamment rapidement. On envoyait nos enfants dans le Dakota du Nord tous les six ou neuf mois, pour leur faire subir une évaluation psychologique ou alors, on les amenait dans des collectivités de la région et ils se rendaient une fois ou deux par semaine à l'Hôpital Royal d'Ottawa pour leurs examens. Nous pouvons nous charger de cela, c'est ce que nous nous sommes dit. Il était possible d'épargner de l'argent en n'envoyant pas les jeunes dans le Dakota du Sud. C'est le service de protection de l'enfance qui s'occupait de cela. C'était un des endroits reconnus et l'on passait par les services de santé indiens aux États-Unis.
¹ (1555)
La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): C'était un centre de santé pour les Autochtones?
Mme Joanne Francis: C'était un centre pour les Autochtones, mais il n'y avait pas de professionnels autochtones dans ce centre, c'était la même situation que nous connaissions chez nous.
Tout cela nous a amenés à nous demander ce que disait la recherche. En 2000, nous avons reçu une subvention du ministre des Services communautaires et sociaux pour recenser les études faites dans ce domaine. Nous avons constaté que 98 p. 100 de ces études portaient sur le traitement des Autochtones par les services de santé mentale conventionnels, pour la plupart aux États-Unis. Je crois que c'est pour une commission royale qu'un groupe de psychiatres montréalais a été constitué et a fait toute une série d'études sur la santé mentale des Autochtones. C'était la recherche la plus récente que nous ayons trouvée au Canada, et elle remontait au début des années 90. Tout cela n'était d'aucune utilité pour notre collectivité. Les résultats n'étaient pas toujours communiqués aux intéressés, ce qui aurait pu influencer la façon de fournir les services dans notre collectivité et la façon dont nos enfants et les membres de nos collectivités recevaient ces services.
Nous avons découvert autre chose grâce à notre collaboration avec l'Hôpital Royal et le HEEO, c'est que la plupart des problèmes de santé mentale que l'on retrouve dans les collectivités autochtones viennent de problèmes sociaux, affectifs et comportementaux.
L'Hôpital Royal d'Ottawa a une antenne à Akwesasne qui fonctionne tous les lundis. Nous y amenons nos enfants. Nous y recevons également des jeunes qui viennent du Nouveau-Brunswick, de la Saskatchewan et d'ailleurs. C'est ainsi que nous avons découvert que les enfants qui ont des troubles de santé mentale et qui ne répondent pas à la médication, au traitement ou à la thérapie souffrent souvent d'une déficience organique. Le cerveau ou un autre organe est atteint, habituellement à cause du SAF/EAF ou d'un trauma subi pendant la petite enfance. Tout cela nous ramène à la question des déficiences. Il y a beaucoup d'enfants qui ont des problèmes de comportement mais lorsqu'ils sont d'origine organique, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour eux, sinon leur fournir des services.
En plus de cela, nous avons reçu, à partir de 1986, beaucoup de fonds provenant du Secrétariat d'État et ensuite de DRHC. Grâce à ces efforts et à ces fonds, nous avons fait de la recherche en vue d'élaborer une stratégie à long terme pour les personnes handicapées d'Akwesasne, une stratégie adaptée à notre collectivité.
Nous avons examiné la possibilité de mettre sur pied un consulat pour les handicapés à Akwesasne. Plusieurs d'entre nous et les chefs des Premières nations estiment qu'un consulat pour les personnes handicapées serait une bonne chose, à cause de notre situation géographique et à cause du fait que notre collectivité relève de plusieurs gouvernements. Notre collectivité est coupée en deux par la frontière internationale. Les membres de notre collectivité sont très mobiles et nous traversons constamment la frontière internationale comme si c'était une rue. Cela n'est pas difficile pour nous, et cela ne nous pose aucun problème. Mais lorsque nous voulons obtenir des services, c'est là que surgissent les barrières, parce que la résidence est souvent une condition d'accès à ces services. Selon que les membres de la collectivité résident dans la province de Québec ou en Ontario, ou dans l'État de New York, ils sont Américains ou Canadiens, et relèvent de ces divers gouvernements. Lorsqu'on raffine encore les choses, il faut parler de comtés.
Notre objectif ultime est d'élaborer un cadre communautaire pour la prestation de services aux personnes handicapées. Comment éviter les chevauchements, avec tous les services qui sont offerts actuellement dans la collectivité, comment répondre à toutes les conditions imposées par les organismes de financement, tout en respectant les droits de chacun et la loi, tout en conservant notre statut de membre de la Première nation d'Akwesasne, pour les membres de la collectivité qui ont grandi ici, qui y vivent et ne veulent pas la quitter?
º (1600)
Les responsables des services de santé nous ont souvent dit qu'ils ne pouvaient pas faire davantage dans la réserve et qu'il serait préférable de déménager dans une ville; ils ont encouragé les familles à quitter leur collectivité et à déménager pour avoir plus facilement accès aux services. Mais d'après mon expérience et d'après ce que m'ont dit les quelques familles qui ont pris cette grave décision, cela n'est pas vrai. Les services ne sont pas meilleurs à l'extérieur. Ces familles reviennent bien souvent dans la collectivité. Cela nous a tout de même permis de savoir un peu ce qui se faisait à l'extérieur mais nous avons également constaté que les services offerts sur place comportaient des avantages. L'aspect déterminant est, je crois, la flexibilité, parce que nous sommes en mesure de fournir ces services avec une certaine flexibilité.
Nous avons récemment reçu des fonds pour un projet visant à sensibiliser la population et les autorités administratives à la situation des personnes handicapées; nous allons commencer avec les chefs de notre collectivité et nous allons essayer ensuite de sensibiliser la population et d'informer la collectivité au sujet des personnes handicapées. Il n'y a pas seulement les déficiences visibles, les personnes en chaise roulante, il y a les personnes qui ont des troubles auditifs, et celles qui souffrent d'asthme. Nous voulons mettre sur pied une stratégie intergouvernementale, de façon à avoir accès au gouvernement pour savoir ce qui existe, ce qui est projeté, où obtenir les DDP, et comment nous procurer des fonds pour répondre aux besoins des personnes handicapées qui vivent dans les diverses collectivités.
Nous examinons également la possibilité d'adopter une loi sur les personnes handicapées d'Akwesasne, parce qu'avec tous les gouvernements impliqués, il faut trouver quelque chose qui va fonctionner au sein de la collectivité, fixer des paramètres acceptables et prendre nous-mêmes ces décisions. Le groupe de discussion d'Akwesasne, un groupe de soutien mutuel communautaire qui regroupe les familles et les amis des personnes handicapées, s'occupe de présenter ces questions aux membres, pour voir comment ils envisageraient une telle mesure. Tout le monde connaît la loi américaine sur les personnes handicapées ainsi que la loi ontarienne récente sur le même sujet. Que peuvent nous apporter ces lois et comment pouvons-nous en tirer profit, et si ce n'est pas le cas, pouvons-nous prendre des mesures mieux adaptées à notre situation? C'est une entreprise considérable, c'est une réflexion, c'est une phase exploratoire, mais je suis convaincue que nous allons trouver une bonne solution, ne serait-ce qu'à cause de la détermination des gens avec qui je travaille.
º (1605)
Le coprésident (M. John Godfrey): Merci beaucoup.
Je dois dire que, lorsque l'on pense à Akwesasne, deux pays, deux provinces, un État, plusieurs comtés, et trois langues, cela ressemble un peu à New York: si vous réussissez là, vous réussirez à peu près n'importe où. Il faudrait absolument régler ces problèmes.
Madame McDonald, je crois qu'il est approprié que vous soyez le témoin suivant, puisque vous venez de la même collectivité.
Mme Rose-Alma McDonald (consultante auprès du Conseil des Mohawks de Katenies et de l'Assemblée des Premières nations, Katenies Research and Management): Merci et bonjour à tous. Je suis contente de vous voir, John, et heureuse de vous rencontrer, madame Bennett.
C'est vraiment un honneur pour moi d'être ici. Je porte beaucoup de chapeaux. J'ai le grand honneur d'être consultante au niveau national de l'Assemblée des Premières nations. Comme Wendall l'a mentionné, j'ai été directrice des études, non pas une fois, mais deux fois. On pourrait presque dire que l'on m'a un peu punie: j'ai dû revenir et refaire le travail. La première fois, j'étais directrice pour l'Assemblée des Premières nations, nous avons fait une étude de 6 millions de dollars intitulée Tradition et éducation: vers une vision de notre avenir. Lorsque je suis revenue, nous avons repensé tout cela et parlé du droit inhérent à l'éducation au XXIe siècle. J'ai également un diplôme de directeur d'école et j'ai été directrice dans ma propre collectivité d'Akwesasne. J'ai créé le premier conseil scolaire des Mohawks d'Akwesasne. Cela remonte au début des années 1980.
On m'a demandé de préparer une petite biographie pour le comité et je me suis retrouvé en train d'écrire que j'avais travaillé dans le domaine de l'éducation avec les enfants à risque depuis les années 1970. Je me suis dit, mon Dieu, cela fait vraiment longtemps. Quels ont été les résultats? Tradition et éducation était un document sur l'éducation mais en fait, il traitait des enfants à risque. Il portait sur les enfants autochtones et sur toutes les choses auxquelles les collectivités des Premières nations n'ont pas automatiquement accès, comme c'est le cas ailleurs au Canada.
John sait également que j'ai vécu une autre vie au Texas. J'ai passé du temps au Texas et dans l'État de New York. J'ai une maison à Akwesasne. Cela m'a permis de savoir ce qu'offre aux enfants la société conventionnelle, et de comparer cela avec ce qui est offert à nos enfants. Je suis également directrice régionale de l'enseignement dans l'État de New York et je sais ce que les écoles de la société conventionnelle offrent aux enfants et que n'ont pas toujours ceux qui fréquentent les écoles des Premières nations, notamment l'éducation spécialisée. Le ministère des Affaires indiennes ne fournit pas des services d'éducation spécialisée et ne finance pas non plus ces services, même si nous avons des enfants, comme l'a dit Joanne, qui sont à risque et qui ont des problèmes sociaux et affectifs. Les fonds consacrés à l'éducation spécialisée sont insuffisants.
Lorsque nous avons fait l'étude sur la tradition et l'éducation, nous avons examiné la qualité, la gestion, les ressources et les compétences en matière d'éducation. Nous avons présenté 57 recommandations en 1989 et le gouvernement du Canada ne les a toujours pas mises en oeuvre.
J'ai apporté plusieurs documents. On m'a dit que nous avions cinq minutes. J'ai distribué un mémoire qui figurera au procès-verbal de la réunion du comité et je vais donc présenter mon exposé mais j'ai apporté plusieurs documents qui peuvent être distribués aux membres du comité. L'un d'entre eux s'intitule «To the People Who Are Able», un document que j'ai préparé pour l'Assemblée des Premières nations et qui traite des enfants et des handicapés. Wendall m'a demandé de préparer ce rapport. Il est daté du 6 décembre 2000. Ce document a vraiment changé ma vie. J'ai travaillé longtemps dans l'éducation et lorsque j'ai fait cette étude… Est-ce que les membres du comité ont un exemplaire de ce rapport?
Le coprésident (M. John Godfrey): Cela soulève une question de procédure parce que nous voulons respecter scrupuleusement la politique du Parlement du Canada relative aux langues officielles. En règle générale, nous distribuons uniquement les documents dans les deux versions, et uniquement, avec la permission de ceux qui peuvent l'autoriser. Nous n'avons pas cette permission et cela est très bien. Nous pouvons les traduire et les distribuer ensuite.
º (1610)
[Français]
Mme Monique Guay: On les fera traduire et on en prendra connaissance par la suite.
Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.): Il est traduit. Ce n'est pas ce document-là?
[Traduction]
Mme Rose-Alma McDonald: Il y a trois documents, dont deux sont rédigés dans les langues officielles. Encore une fois, excusez-moi.
Le coprésident (M. John Godfrey): Quel est celui qui manque?
Mme Rose-Alma McDonald: Celui dont je parlais, intitulé «To the People Who Are Able» et nous n'avons pu trouver la traduction française à temps pour cette réunion, je demande donc au comité de bien vouloir m'excuser.
Le coprésident (M. John Godfrey): Allez-y, Wendall.
M. Wendall Nicholas: Monsieur le président, l'Assemblée des Premières nations présente toujours ses documents dans les deux langues officielles. Malheureusement, nous n'avons pu retrouver tous les documents que nous avons préparés dans les autres langues, mais nous avons des exemplaires de certains de ces documents, si les membres veulent s'en procurer un plus tard.
Le coprésident (M. John Godfrey): S'il y a un document qui n'a pas été traduit, et je crois que le seul dans ce cas est celui-ci, nous le ferons traduire mais vous pouvez vous y référer. Je crois que c'est la meilleure façon de procéder; si nous avons les deux documents, nous pouvons parler de la page 3. Si ce n'est pas le cas, vous pouvez improviser.
Mme Rose-Alma McDonald: Je voulais simplement mentionner l'existence de ces documents, dont l'un traite précisément des enfants handicapés que j'a préparé pour l'Assemblée des Premières nations et qui a été adopté par une résolution de l'Assemblée des Premières nations en décembre 2000.
Il existe un deuxième document dans les deux langues officielles qui traite du développement de la petite enfance, un document d'orientation. Ce document traite davantage du développement des enfants, de la phase prénatale, de la naissance jusqu'à l'âge de six ans; il traite de l'importance pour les futures mères de ne pas boire d'alcool, de bien s'occuper d'elles, de veiller à ce que personne ne fume autour d'elles. Nous savons que nos enfants peuvent être en danger avant même de naître et il faut donc faire de la prévention. Par exemple, il y a 30 fois plus de SAF/EAF chez les enfants autochtones que chez les autres enfants canadiens, nous savons donc qu'il est possible de prévenir cette déficience. Ce document contient toutes sortes de choses, notamment une stratégie de prévention susceptible d'être mise en oeuvre par les peuples autochtones avec l'aide du Canada. Nous savons également qu'il en coûte entre 1 million et 1,5 million de dollars pour prendre soin de quelqu'un qui souffre de SAF/EAF, et il est donc rentable pour le gouvernement de prévenir cet handicap.
J'ai apporté un autre document dans les deux langues officielles, c'est l'examen de la politique nationale en matière de services à l'enfance et à la famille. Ce document traite également des enfants à risque. Monsieur le président, je vais donc passer rapidement à travers cette brique.
Les enfants sont la ressource la plus précieuse de nos nations. Ce sont eux qui nous relient aux générations passées, ils sont la joie des générations actuelles et ils portent nos espoirs pour l'avenir. Les enfants autochtones constituent le secteur de la population autochtone qui augmente le plus rapidement; en 1996, 40 p. 100 des Autochtones avaient moins de 17 ans, contre 21 p. 100 pour le Canada. Le taux de fertilité est supérieur de 69 p. 100 à celui du Canada et il est deux fois plus élevé que le taux national, ce qui veut dire qu'en 2015, il y aura environ 277 000 enfants d'origine autochtone de moins de 17 ans au Canada.
Si nos enfants et nos jeunes ne sont pas en bonne santé et socialement bien adaptés, nous n'aurons pas d'avenir. Ce sont eux qui nous donnent des raisons d'espérer un avenir meilleur. Les collectivités des Premières nations sont en situation de crise et les enfants des Premières nations vivent dans des conditions comparables à celles du tiers monde. L'infrastructure de base, comme le logement, les sanitaires, les routes, les communications, l'électricité et toutes les choses que les autres Canadiens considèrent comme normales n'existent pas dans de nombreuses collectivités des Premières nations ou sont insuffisantes. J'ai vécu dans ces collectivités. Je suis allée à Davis Inlet, dans le Nunavut, j'ai vu certains de ces endroits.
D'après l'enquête sur les peuples autochtones, 31 p. 100 des Indiens inscrits ont une incapacité et nous savons que le taux réel est encore supérieur. À Akwesasne, par exemple, nous avons examiné la définition d'incapacité qui est utilisée par les organismes internationaux dans le domaine de la santé. Cela comprend le diabète, les maladies cardiaques; cette définition est plus large et il faudrait peut-être plutôt parler de 80 p. 100 et non de 31 p. 100 dans notre collectivité. Nous avons également effectué, comme Joanne l'a mentionné, une étude sur un consulat pour les personnes handicapées à Akwesasne et nous savons que c'est un chiffre exact.
D'après Santé Canada, les traumatismes constituent la principale cause de décès chez les jeunes Autochtones de 15 à 24 ans et représentent 86 p. 100. L'espérance de vie à la naissance des enfants des Premières nations est inférieure de sept à huit ans à celle des autres Canadiens. Selon les chiffres du recensement, neuf Autochtones handicapés sur dix vivent sous le seuil de la pauvreté. La tuberculose est neuf fois plus fréquente chez les membres inscrits des Premières nations que dans la population générale.
º (1615)
Comme je l'ai mentionné il y a un instant, le syndrome de l'alcoolisme foetal et les effets de l'alcoolisme foetal sont causés par l'alcoolisme. Le coût des soins à donner aux personnes qui en souffrent se situe, d'après les évaluations, entre 1 et 1,5 million de dollars. Le SAF est 30 fois plus fréquent chez les Autochtones que dans la population générale.
Le taux de décès des bébés dus à des traumatismes est quatre fois plus élevé que pour les bébés non autochtones. Les taux de décès dus à d'autres causes, comme les anomalies congénitales, les maladies respiratoires et les insuffisances de poids à la naissance sont également sensiblement plus fréquents chez les bébés.
Comme Wendall l'a mentionné, nous avons également préparé une étude sur la prévention des traumatismes qui sera publiée à Montréal au mois de mai. Je dirais que ces chiffres sous-estiment le nombre des cas réels dans les collectivités autochtones.
Pour ce qui est de la population générale, le neuvième rapport annuel sur la pauvreté chez les enfants au Canada indique qu'il y a 1,3 million d'enfants canadiens qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Cela représente une augmentation de 400 000 par rapport aux chiffres d'il y a dix ans. Il faudrait dépenser 12 milliards de dollars pour supprimer la pauvreté chez tous les enfants canadiens. Dans le seul Ontario, la pauvreté chez les enfants a augmenté de 91 p. 100 en neuf ans, contre 27 p. 100 pour la moyenne nationale. D'après le Conseil canadien de développement social, les principaux déterminants de la santé de la population sont le revenu et le développement de l'enfant. Il vaut vraiment mieux ne pas être Autochtone, ne pas vivre sur une réserve, ne pas avoir d'handicap et ne pas être un enfant. Cela vaut vraiment mieux.
Si la pauvreté chez les enfants est un problème très grave au Canada, qu'en est-il des enfants des Premières nations? Nos enfants font face à une alimentation insuffisante, à des logements insalubres et des installations sanitaires insuffisantes, au chômage, à la pauvreté, à la discrimination, au racisme, à la violence, à l'absence de service ou à des services insuffisants, à de nombreux problèmes physiques, sociaux et affectifs, à des traumatismes, à des handicaps et à des décès prématurés. Quel est le rapport entre la pauvreté et les déficiences? Le mauvais état de santé et la pauvreté chez les membres des Premières nations est à l'origine de taux de déficience plus élevés et les aggrave. La qualité de vie des membres de nos Premières nations est considérablement réduite lorsqu'ils souffrent d'une incapacité et vivent dans la pauvreté.
Le problème perdure encore: il y a eu trop de promesses de la part des gouvernements. Mais les besoins des enfants des Premières nations sont toujours là. En 1980, il y a eu le rapport du comité spécial concernant les invalides et les handicapés, le rapport Obstacles. En 1993, il y a eu la création du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, soit un retour au point de départ. Il y a eu en 1993, la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. En 1996, il y a eu le groupe de travail fédéral sur les questions concernant les personnes handicapées, et aussi la Commission royale sur les peuples autochtones et Rassembler nos forces. Je travaille dans ce domaine depuis 30 ans et je trouve cela très frustrant, j'ai été à deux reprise directrice nationale de l'éducation, j'ai travaillé à de nombreuses reprises sur ces questions et je n'ai vu aucun changement, ni aucune amélioration. En fait, la situation a empiré.
Que faut-il donc faire? Une stratégie nationale de lutte contre les déficiences chez les membres des Premières nations: accès, ressources et soutien. Il nous faut des logements. Il nous faut des appareils permettant l'autonomie de vie. Il nous faut des aménagements pour faciliter l'accès. Il nous faut procéder à des réaménagements. Il nous faut de l'éducation, du transport, de l'apprentissage intégré, des médias alternatifs, du travail, de l'équité, de la formation, des mesures spéciales. Il faut sensibiliser les collectivités, comme disait Joanne. Il faut également sensibiliser les dirigeants. Il faut également informer la population canadienne au sujet des problèmes très graves que connaissent les membres des Premières nations. Il faut faire de la prévention pour nos enfants, nos familles, nos jeunes, de la prévention contre le suicide. Il nous faut de la recherche. J'ai ma pile d'études ici, mais il y en a d'autres. Il ne faut pas nous contenter de produire du papier, il faut aussi mettre en oeuvre ce qui se trouve dans les rapports. Il faut mettre en oeuvre les recommandations. Il faut mettre en oeuvre toutes les choses qu'ont déjà proposées ces comités permanents.
Il nous faut également du soutien. Il nous faut un programme de soutien du revenu, il nous faut une nouvelle structure de l'impôt sur le revenu, il nous faut un régime de pensions canadien qui réponde à nos besoins, il nous faut de l'aide sociale. Nous avons besoin d'être défendus, d'avoir l'appui de nos pairs, de systèmes de communication. Nous avons besoin de soins. Nous avons besoin de santé. Nous avons besoin de nous nourrir tous les jours. Nous avons besoin d'autonomie.
Le paragraphe 24(1) de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant énonce:
Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s'efforcent de garantir qu'aucun enfant ne soit privé du droit d'avoir accès à ces services. |
º (1620)
Les gouvernements qui consacrent des fonds aux enfants en retirent des avantages. Je sais que le gouvernement a annoncé certaines choses concernant le développement de la petite enfance mais il n'a pas affecté de fonds au développement de la petite enfance pour les Autochtones.
La pauvreté est un déterminant important en matière de santé et d'invalidité et en amélioration la situation économique et la collectivité, on améliore du même coup la santé et on réduit les invalidités. Le dépistage et les traitements médicaux peuvent réduire la fréquence des déficiences chez les enfants. La prévention et l'éducation communautaire peuvent réduire les taux de mortalité des bébés ainsi que l'alcoolisme et la violence, qui sont les principaux déterminants des déficiences chez les enfants; il est possible de réduire les coûts assumés par la société et le coût des services de réhabilitation lorsqu'on l'on réduit le nombre des déficiences.
Dans le cas des handicaps actuels, les personnes handicapées qui sont membres des Premières nations seraient moins fréquemment institutionnalisées, ce qui serait avantageux pour le gouvernement. De telles mesures auraient bien entendu pour effet général de favoriser l'autonomie, la possibilité de vivre au sein de sa famille et dans un environnement culturel familier, ce qui est un autre problème pour nous; les membres des Premières nations seraient mieux instruits et donc plus facilement employables, malgré leur handicap; cela entraînerait une réduction des aides alimentaires et une amélioration de la qualité de vie. Cela fournirait également des données plus précises sur l'ampleur du problème et faciliterait la coordination des services ainsi que l'identification des besoins.
Le 6 décembre 2000, le premier ministre a déclaré que trop d'Autochtones canadiens vivaient dans des conditions que l'on associe au tiers monde et qu'en tant que libéral, il croyait que le gouvernement avait le devoir de promouvoir la justice sociale et qu'il s'engageait à assumer cette responsabilité. Je pense qu'il est de notre devoir de lui rappeler sa promesse.
Pour la suite, nous recommandons de lancer une campagne d'information. Il faut attirer l'attention de la population sur une situation désespérée et il faut, à titre de prévention, s'occuper d'éducation communautaire et d'éducation générale. Il faut également établir un lien entre ce qu'il en coûterait au gouvernement de ne rien faire et les économies susceptibles de découler d'une intervention immédiate et à long terme.
Si nous n'avons pas des enfants et des jeunes en bonne santé et bien adaptés socialement, nous n'aurons aucun avenir. Sans eux, nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve.
Mme Joanne Francis: Elle veut que je lise ceci.
Pour que notre peuple, notre culture, notre nation puissent survivre, il faut nous occuper de la santé et du bien-être de tous nos enfants spéciaux.
Mme Rose-Alma McDonald: Merci. C'est une question qui me touche énormément. J'ai travaillé pratiquement toute ma vie dans ce domaine, et c'est évidemment un sujet qui m'est très, très cher.
Merci de m'avoir fait le grand honneur de me permettre de faire cet exposé.
º (1625)
Le coprésident (M. John Godfrey): Tout cela est très bien et je ne pense pas qu'il existe un témoin qui soit mieux placé que vous pour parler des sujets qui intéressent les deux comités. Vous êtes un parfait témoin. Vous pouvez revenir quand vous voudrez.
Monsieur Prince, vous avez été très patient. Vous allez nous fournir un point de vue très différent et je suis sûr que vous allez également nous donner une perspective nationale. Bienvenue.
M. Michael Prince (professeur titulaire de la chaire Lansdowne en politique sociale, Faculté de développement social et humain, Université de Victoria): Merci, monsieur Godfrey et madame Bennett.
J'enseigne à l'Université de Victoria en Colombie-Britannique. Je ne suis pas d'origine autochtone. Je suis un universitaire qui a fait des études, de l'enseignement, des consultations et de la recherche dans le domaine de la politique sociale pendant 25 ans et j'ai travaillé de façon assez intensive avec les collectivités autochtones au cours des dix dernières années. Je travaille depuis environ 15 ans sur les questions liées aux personnes handicapées. Je suis ravi de voir que les sous-comités conjoints se sont réunis l'année dernière et qu'ils se réunissent à nouveau cette année. Je vous en félicite et vous encourage à poursuivre votre excellent travail.
Je vais brièvement parler de trois sujets. Premièrement, je crois que M. Bill Young, un de vos directeurs de recherche, m'a invité parce que j'ai fait une étude en juin dernier pour les réseaux canadiens de recherche en politique publique, le groupe de réflexion de Judith Maxwell, le RCRPP ou le CPRN. Cette étude s'intitulait «Governing in an Integrated Fashion: Lessons from the Disability Domain» (la gouvernance intégrée: leçons tirées du domaine des personnes handicapées). Je vais donc vous parler de gouvernement, de questions de gouvernance et de politique. Je ne me hasarderai pas à parler des questions communautaires et culturelles dont vous ont entretenus les autres témoins. Je vais vous exposer ce que contenait mon rapport au sujet des enfants autochtones handicapés, au sujet de leur famille et de leur collectivité. Troisièmement, je vais vous livrer mes réflexions sur les réformes que devrait entreprendre le gouvernement du Canada, dans son propre domaine de compétence et en collaboration avec les autres gouvernements et les autres secteurs, dans le but d'améliorer la vie et les possibilités des enfants autochtones handicapés qui vivent dans les collectivités autochtones.
J'étudie dans mon rapport le régime de la gouvernance, c'est l'expression que j'ai choisie. J'examine cinq secteurs, dont l'un est le secteur des Autochtones. Les quatre autres sont le secteur informel ou familial, le secteur public, le secteur privé et le secteur bénévole. C'est donc un rapport relativement complet, qui décrit les rôles joués par ces différents secteurs ainsi que les diverses façons dont ils sont reliés et interagissent.
Si l'on remonte à 1981, l'année internationale des personnes handicapées, pour revenir rapidement à l'année 2002, on constate que le domaine des politiques relatives aux personnes handicapées a changé. Beaucoup de choses ont été faites, des progrès ont été réalisés. Depuis 20 ans, tous les paliers de gouvernement ont pris des mesures importantes à l'égard des handicapés, en partie, je crois, grâce à votre comité de la Chambre des communes et à ceux qui l'ont précédé. Ils ont beaucoup apporté à ce travail permanent. Néanmoins, tous les problèmes n'ont pas disparu et certains se seraient même aggravés; je pense que les autres témoins viennent de l'affirmer.
Permettez-moi de décrire le domaine des grandes orientations publiques au Canada en commençant par les enfants, et j'en viendrai ensuite aux enfants autochtones. Les politiques canadiennes comportent les caractéristiques suivantes: un chevauchement des compétences entre les deux paliers de gouvernement, une complexité inimaginable de la définition des personnes handicapées dans les différents programmes et politiques, la fragmentation des programmes, des conditions de participation, des montants et des types de prestation, un domaine auquel le gouvernement n'attribue qu'une faible priorité, si on le compare aux autres domaines sociaux et économiques, le sous-financement, un problème chronique, d'une façon générale, une coordination insuffisante, tant au sein des gouvernements qu'entre eux, la présence d'obstacles multiples qu'ils viennent des attitudes ou qu'ils soient d'origine administrative, organisationnelle, géographique ou socioéconomique.
Permettez-moi de vous dire quelques mots des conclusions que mon rapport a confirmées au sujet des enfants autochtones handicapés, dans le secteur général des Autochtones, si je peux m'exprimer ainsi, dans la constellation des 60 à 80 nations dont a parlé Wendall, et des quelque 600 bandes. Une des bonnes nouvelles est l'apparition d'un nombre important d'organismes qui se consacrent précisément aux questions des Autochtones handicapés et des jeunes Autochtones. Lorsqu'on examine la situation actuelle pour la comparer à celle qui existait il y a 10 ou 20 ans, on constate qu'il y a davantage d'organismes de service, d'organismes de défense des droits, d'organismes de recherche qui s'occupent des questions touchant les Autochtones handicapés. On constate également, depuis cinq ans en particulier, la formulation de perspectives, de cadres et d'énoncés de principe dans le domaine des politiques autochtones. En outre, les cinq principales organisations autochtones nationales participent de plus en plus aux diverses sessions d'étude et de consultation sur les politiques fédérales, et fédérales-provinciales-territoriales, au plan d'action national pour les enfants, par exemple.
º (1630)
Quels sont certains des problèmes auxquels les familles et les collectivités autochtones sont confrontées en ce qui concerne les enfants handicapés? Je voudrais les mettre brièvement en évidence. On vous a déjà signalé aujourd'hui que les services et les programmes de soutien aux réserves étaient restreints. Il y a un autre sujet que j'ai été heureux que Joanne aborde avec autant d'éloquence car il s'agit d'une question fondamentale, à savoir les préoccupations au sujet de la pertinence culturelle des méthodes thérapeutiques, psychiatriques, médicales courantes et autres méthodes cliniques d'évaluation des besoins et de prescription des interventions. Les risques de médication à outrance ont déjà été mentionnés. En ce qui concerne l'éducation spéciale, les préoccupations sont analogues: faut-il adopter une approche professionnelle, biomédicale ou thérapeutique ou une approche autochtone axée davantage sur la famille ou la collectivité? Si nous respectons les Autochtones comme peuples fondateurs de ce pays et comme groupe reconnu par la Constitution, nous devons respecter la pertinence culturelle et le droit à l'autodétermination lorsqu'il s'agit de décider comment il convient de s'attaquer à ces problèmes.
Le financement insuffisant constitue un problème, comme la transférabilité des services dans et hors réserve et le droit aux services hors réserve.
C'est ce que j'appelle l'imbroglio entourant les compétences. On peut aussi parler d'enchevêtrement ou employer quelque autre terme. Les discussions interminables où l'on s'interroge sur le palier de gouvernement responsable de la fourniture de quels services à quels peuples autochtones, où et quand, sont devenues un sport politique national relativement pervers. C'est un débat lassant et déplorable. Il ne nous honore pas.
Ensuite, il y a le discours du style «déjà vu», dont les témoins ont cité des exemples très pertinents aujourd'hui. Qu'est-ce que l'on entend par là? C'est l'impression d'avoir déjà entendu tout cela quelque part. Au cours des 20 dernières années—et Rose-Alma a mentionné quelques-uns de ces rapports—, on répète toujours les mêmes propos, on parle des mêmes projets et on fait les mêmes promesses qui sont ensuite suivis d'examens externes faits par des comités parlementaires comme le vôtre, puis de réponses du gouvernement où celui-ci réitère des projets et des promesses d'intervention antérieurs. On a souvent l'impression de tourner en rond en ce qui concerne les problèmes des personnes handicapées.
Les enfants autochtones handicapés sont dans une certaine mesure les orphelins de nos attitudes sociales et de nos programmes sociaux. Que faudrait-il faire? Je me propose de faire quelques suggestions dont nous pourrons discuter et que votre sous-comité pourra examiner.
Il faudrait que le gouvernement du Canada établisse un cadre stratégique et élabore un plan d'action pour les enfants et les jeunes Autochtones et leur famille, un plan incluant une vision, des buts, des objectifs et les résultats visés; un engagement du gouvernement du Canada à présenter régulièrement des rapports publics sur les indicateurs du bien-être des enfants et des collectivités qui ont été convenus, déposés à la Chambre des communes et renvoyés régulièrement au présent comité permanent; une évaluation des résultats qu'a donnés jusqu'à présent le segment Premières nations de la prestation nationale pour enfants; un examen approfondi de l'opportunité d'élargir le segment Premières nations du Programme canadien de nutrition prénatale; envisager d'inclure dans le Plan d'action national pour les enfants les enfants d'âge scolaire, surtout les handicapés; envisager d'ajouter aux initiatives relatives au développement de la petite enfance un volet autochtone—une première initiative encourageante a été prise à ce sujet le 11 septembre 2000; un examen approfondi de la possibilité d'offrir les soutiens et les services aux peuples autochtones, dans ou hors réserve, qu'il s'agisse d'Indiens inscrits ou non inscrits, par l'intermédiaire des quelque 115 centres d'accueil autochtones qui sont en place à travers le pays; peut-être des ententes cadres portant sur une période de plusieurs années entre les principales organisations autochtones nationales et les ministères fédéraux compétents au sujet du financement des services à l'enfance et à la famille pour divers programmes et diverses prestations, y compris ceux destinés aux enfants handicapés; et à partir de la promesse faite dans le discours du Trône de l'année dernière, élargir considérablement la portée des initiatives d'aide préscolaire aux Autochtones, notamment pour les enfants de 7 à 12 ans, en donnant la priorité aux services et soutiens inclusifs dans le secteur de la santé, de la garde d'enfants et de l'éducation.
º (1635)
En ce qui concerne le débat communautaire général sur la politique en matière de personnes handicapées, je dirais qu'il faut accorder les fonds nécessaires pour les enfants et leur famille.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. John Godfrey): C'est une prescription stratégique très élaborée et je suis très heureux d'annoncer que nous suivons votre plan d'action, en partie du moins, dans le cadre du sous-comité qui se réunit normalement mercredi après-midi. Étant donné que l'on y a affaire à de nombreux intervenants communs, nous prenons à coeur toutes vos suggestions et nous les notons minutieusement.
Du fait que tous les exposés qui précèdent étaient très étoffés, nous sommes peut-être un peu à court de temps. Je suggère que nous passions directement à la période des questions en prévoyant initialement des tranches de quatre minutes. Nous prolongerons peut-être un peu la séance pour permettre à tous ceux et celles qui le désirent d'exprimer leurs opinions. Nous nous efforcerons de faire preuve de discipline.
Je demande à Larry Spencer d'ouvrir la période des questions.
M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne): C'est précisément une occasion où je voudrais être le dernier. C'était un exposé très fouillé. Il n'est pas facile d'avoir une vue d'ensemble de tous les besoins et, de toute évidence, on nous a fait part d'un besoin que nous ne pourrons pas satisfaire globalement.
Vous avez fait plusieurs suggestions. M. Prince a lu une liste à une telle vitesse que je ne pouvais pas tout prendre en note. Si l'on devait accorder la priorité à deux programmes sur lesquels le gouvernement pouvait concentrer ses efforts pour tenter d'améliorer la situation, quels seraient-ils?
Dre Rose-Alma McDonald: Le programme d'aide préscolaire et celui de développement de la petite enfance sont les deux principaux programmes. J'ai été heureuse que mon collègue mentionne l'initiative de développement de la petite enfance du fait que nous étions très préoccupés que l'on n'ait pas prévu un segment spécial pour les Autochtones. L'Assemblée des Premières nations a même présenté une proposition aux responsables du programme de développement de la petite enfance pour obtenir des fonds pour nous, mais nous n'en avons pas reçus. Comme nous l'avons déjà mentionné, c'est à ce stade-là qu'il faut faire de la prévention en matière de handicap. Le programme de développement de la petite enfance et le programme d'aide préscolaire aux Autochtones seraient donc les deux principaux programmes.
M. Wendall Nicholas: J'ai un bref commentaire à faire. Plusieurs initiatives et programmes ayant pour but d'aider les personnes handicapées, y compris les enfants, sont exécutés par le biais de la structure de l'impôt sur le revenu et, étant donné que la plupart des membres des Premières nations ne sont pas intégrés à cette structure, nous n'en bénéficions pas. On n'a prévu aucune initiative dans le cadre du RPC pour les familles avec des enfants handicapés. Elles sont donc privées des avantages qui pourraient découler de telles initiatives. C'est une lacune que je tenais à mentionner également.
Le coprésident (M. John Godfrey): Monsieur Prince.
M. Michael Prince: Deux ou trois de ces programmes ne nécessitent pas l'injection de fonds supplémentaires étant donné qu'ils sont déjà opérationnels et qu'un échéancier est de toute façon prévu pour les évaluations, si bien qu'en ce qui les concerne, on a déjà mis le pilote automatique en quelque sorte. Étant donné que la Prestation nationale pour enfants ou le Programme de nutrition prénatale font l'objet d'évaluations régulières, ces évaluations devraient être une occasion pour les comités, pour le vérificateur général ou pour les ministères concernés.
Je crois que l'initiative de développement de la petite enfance (IDPE) en serait un. Le printemps dernier, j'en ai parlé à Fraser Mustard et j'ai critiqué le montant prévu car je trouvais qu'un montant de 2,2 milliards de dollars n'était pas suffisant. Il m'a dit que c'était une assez bonne plate-forme et qu'il serait bon de la mettre à l'essai dans les diverses régions du pays et d'acquérir de l'expérience, de voir ce qu'en font les provinces, et que cela nous permettrait d'en tirer des leçons pour s'en servir comme point de départ. J'ai suivi son conseil, me fiant à sa sagesse, à son expérience et à son engagement dans ce domaine.
Le seul point qui me préoccupe à propos de l'IDPE et d'autres programmes est qu'ils s'appliquent aux enfants âgés de 6 ans tout au plus alors que votre mandat couvre les enfants âgés jusqu'à 12 ans. Il faut maintenant appliquer cette enveloppe aux enfants d'âge scolaire primaire et il faut y inclure la période prénatale. De nombreux programmes s'appliquent aux enfants âgés au plus de quatre, cinq ou six ans, selon la province. Cette situation crée un obstacle supplémentaire et pose des problèmes de transition dans la plupart des services. C'est pourquoi le gouvernement fédéral pourrait, avec le concours des provinces, songer à adoucir le choc de ces transitions qui sont artificielles.
º (1640)
Le coprésident (M. John Godfrey): Je vous remercie. La difficulté est que les enfants âgés de plus de 6 ans relèvent de la compétence des provinces et j'en suis très conscient.
[Français]
en présence de Mme Guay. Il y a des facteurs limites là.
Alors, madame Guay, c'est votre tour.
Mme Monique Guay: Je veux vous féliciter d'être venus nous rencontrer au comité.
Je siège sur le Sous-comité des enfants. Présentement, on étudie la situation des enfants autochtones de zéro à six ans et de six ans à douze ans vivant en réserve et hors réserve. Ce que l'on entend n'est pas nécessairement très joli. Il y a beaucoup de difficultés et beaucoup de situations qui ne sont pas réglées et avec lesquelles on doit travailler de façon extraordinaire. Vous nous ouvrez les yeux, vous nous allumez des lumières, mais en même temps, on ne peut pas régler tout d'un coup. C'est quasi impossible. Il faut trouver des solutions à court terme, des solutions à moyen terme et des solutions à long terme.
Je trouve épouvantable, madame Francis, qu'on ait diagnostiqué une schizophrénie chez un enfant de six ans. C'est incroyable. Il y a un manque évident de conscience quelque part. Ça n'a aucun sens; un enfant de six ans ne peut pas être atteint de schizophrénie. Je connais bien la maladie; il y en a dans ma famille. C'est une maladie qui se développe beaucoup plus tard qu'à l'enfance.
Je ne sais pas ce qu'on peut faire à court terme. J'aimerais peut-être que vous nous donniez des balises précises. Qu'est-ce qu'on peut faire pour vous aider?
Vous parliez tout à l'heure, monsieur Prince, de chevauchements. Il y en aura toujours. On ne peut pas les éviter. Je n'ai pas le goût qu'on vienne jouer, au Québec, dans certaines juridictions comme, entre autres, notre programme de garderies à 5 $, dont on a beaucoup parlé. Si on fait bien notre travail, je ne veux pas qu'on soit pénalisés parce que d'autres ne le font pas. Alors, il y a toute cette question-là où il faut essayer de trouver un équilibre.
Est-ce que vous avez des ressources aussi sur le plan du bénévolat? Est-ce que vous avez des ressources, des associations pour les handicapés, des regroupements pour les personnes autochtones qui peuvent vous aider dans les réserves et même en dehors des réserves?Je suis intéressée à avoir cette information-là. À court terme, qu'est-ce qu'on peut faire?
Il faut que vous continuiez votre travail. Il faut absolument que vous continuiez à faire ce que vous faites présentement, mais on aimerait pouvoir avoir des choses concrètes que l'on pourrait mettre en place afin de faire bouger le dossier des enfants rapidement. Je vous écoute.
º (1645)
[Traduction]
Le coprésident (M. John Godfrey): N'hésitez pas.
M. Wendall Nicholas: Je me contenterai de faire un bref commentaire et je suis certain que mes collègues pourront en faire aussi. Merci beaucoup pour votre question.
Lorsque j'ai rencontré M. Godfrey il y a deux ou trois semaines, nous nous sommes demandé par où on pourrait commencer et nous avons discuté de quelques initiatives déjà en place qui pourraient engendrer des améliorations importantes en y mettant un peu de travail et d'efforts. Ce qu'il est important de savoir, c'est qu'une très bonne infrastructure est déjà en place dans les collectivités des Premières nations. Plusieurs programmes sont déjà très bien établis ou sont à maturité, si vous préférez. C'est notamment le cas des centres de santé. C'est un mécanisme qui, dans certains cas, assure des services de soins de santé primaires au sein de la collectivité même, où il y a des postes de soins infirmiers, des médecins invités ou un médecin qui vient régulièrement selon un horaire préétabli. Dans ces collectivités, il y a également des représentants de la santé et parfois des infirmières qui peuvent être des membres de la collectivité et qui dispensent généralement des soins spécialisés à l'échelle communautaire.
Je pense qu'il serait très utile de s'appuyer sur ce type d'infrastructure. Depuis une dizaine d'années, l'administration de ces programmes a évolué, le principal changement étant le transfert de l'administration du programme à la collectivité, qui a le pouvoir de prendre les décisions. Ce nouveau système a été efficace dans certains cas mais il a également engendré quelques problèmes.
Il est nécessaire d'investir davantage dans des domaines comme ceux de la prévention et de l'aide aux familles avec des enfants. Comme je l'ai mentionné, d'autres types de prestations spéciales sont accordées aux familles avec des enfants handicapés dans diverses régions du pays, au Québec en tout cas, mais l'exécution de ces programmes se fait selon une formule fondée sur le revenu. Autrement dit, il faut démontrer que l'on a un revenu pour être admissible. Un de ces programmes est la Prestation nationale pour enfants.
Quelques excellentes initiatives ont donc été prises pour aider les enfants canadiens mais le problème est que les enfants des Premières nations n'y ont pas accès.
Le coprésident (M. John Godfrey): Les autres témoins peuvent faire quelques brefs commentaires également.
Mme Rose-Alma McDonald: Pendant la préparation du document sur le développement de la petite enfance, nous avons recommandé une meilleure coordination des services. Comme l'a signalé Wendall, on pourrait s'appuyer sur divers programmes déjà en place à l'échelle communautaire et on pourrait améliorer la coordination pour que les divers ministères concernés communiquent entre eux et pour éviter tout chevauchement des compartiments mentionnés par Mme Bennett en début de séance. Nous avons proposé un cadre en forme de cercle dans lequel un guichet unique dirigerait les clients vers les services pertinents au lieu d'envoyer ceux-ci à gauche et à droite.
Dans ce cas, on pourrait nous verser les fonds nécessaires pour que nous ayons plus de contrôle sur le budget. Un des autres problèmes auquel nous sommes confrontés, toujours dans le domaine de l'éducation, est que le gouvernement fédéral nous donne des subventions mais nous impose des restrictions quant à la façon de les dépenser et que nous ne pouvons pas prendre des initiatives davantage axées sur notre culture.
º (1650)
Le coprésident (M. John Godfrey): Je signale pour votre gouverne qu'une sorte de centre ou une plate-forme ayant pour noyau le centre de santé pour la coordination des activités, sur le terrain et comme soutien, sont des suggestions qui méritent d'être suivies, en ce qui nous concerne du moins.
Avez-vous d'autres commentaires importants à faire à ce sujet, Joanne ou Michael?
Mme Joanne Francis: À Akwesasne, les membres de la collectivité ne s'adressent pas tous à un centre de santé à cause de leurs coutumes et croyances traditionnelles. Plusieurs des membres de la collectivité continuent de s'adresser à des sorciers traditionnels. C'est en tenant compte de cela que nous avons pris certaines initiatives par le biais des services de santé mentale. J'ai déjà cité un cas qui est le plus alarmant dont j'ai eu connaissance, mais qui est assez fréquent, celui d'un diagnostic erroné et d'une surmédication. Par conséquent, nous avons adopté ce qu'il y a de meilleur dans la médecine occidentale et ce qu'il y a de meilleur dans notre médecine traditionnelle et nous avons créé des options pour les membres de notre collectivité afin qu'ils aient le choix. Ils ont donc le choix d'adopter la médecine occidentale tout en ayant recours à notre médecine traditionnelle, et de passer de l'une à l'autre, selon la nature de leurs besoins et la gravité de leur cas.
Le coprésident (M. John Godfrey): Merci.
M. Michael Prince: C'est une excellente question: par où faut-il commencer? Des changements considérables se produisent dans les collectivités autochtones où l'on a tendance à réactiver les cultures et les méthodes traditionnelles de guérison et de renforcement des capacités. Je crois que ce que pourrait faire un comité de la Chambre des communes à court terme, c'est pousser les ministères fédéraux qui ont témoigné à adopter une définition commune du terme handicap s'appliquant à tous les programmes et services, à s'entendre sur des indicateurs ou des critères d'évaluation du rendement comparables, puis à obliger les sous-ministres de ces quatre, cinq ou six ministères à vous rendre des comptes chaque année.
Le coprésident (M. John Godfrey): Merci beaucoup.
Avec votre permission, je propose de prolonger la séance jusqu'à 17 h 15, heure à laquelle une sonnerie retentira, pour annoncer le vote qui aura lieu à 17 h 30. Êtes-vous d'accord?
Des voix: Oui.
Le coprésident (M. John Godfrey): Nous ne voulons pas obliger les députés à partir à la course pour aller voter. Nous essaierons de concilier nos besoins et la nécessité d'aller voter.
Madame Lill.
Mme Wendy Lill: Merci beaucoup. Je tiens à vous remercier de votre participation.
Diverses personnes ont exprimé des opinions qui laissent percer un certain épuisement, un certain découragement et une certaine tristesse. Ce sentiment de tristesse est dû au fait que derrière toutes les informations que vous présentez se cachent des visages et des noms, et les cas des enfants auxquels vous avez affaire. Je pense que vous méritez notre admiration pour continuer à avoir la tolérance et la patience de vous présenter régulièrement devant des comités comme celui-ci même si vous savez que les solutions sont déjà connues. Elles ont été signalées à maintes et maintes reprises mais elles n'ont pas été mises en oeuvre. Je pense que les personnes ici présentes se préoccupent de ces questions et que nous devons tenter de nouveau de faire mettre en oeuvre certaines des solutions à court, à long et à moyen terme qui ont été suggérées.
En ce qui concerne les solutions à court terme, je crois que nous avons tous compris clairement que le gouvernement n'a pas affecté de fonds spéciaux pour un programme de développement de la petite enfance pour les Autochtones. C'est pourtant indispensable. En outre, il faudrait élargir le programme d'aide préscolaire. Il semble raisonnable de dire qu'il faut prévoir des fonds pour ces deux programmes dans le prochain budget fédéral. C'est absolument indispensable.
En ce qui concerne la stratégie à long terme, vous avez mentionné la misère et la situation sociale et économique catastrophique qui règnent dans vos collectivités. Aucune mesure expéditive ne peut résoudre ces problèmes. Ils nécessitent une profonde restructuration économique et sociale. Pour que vos collectivités reprennent des forces et se développent, il faut des fonds et des politiques adéquats et il faut une volonté d'engagement. Le travail doit se faire à l'intérieur de vos collectivités. C'est vous qui devez décider ce qu'il faut faire.
Soyons honnêtes. Vous avez donné une vue d'ensemble de la situation. Vous parlez des handicaps préexistants et de ceux qui sont évitables. C'est ahurissant. Les handicaps dus à la rigueur des conditions de vie, aux conflits et au climat de violence qui règnent dans vos collectivités sont très nombreux. Ils n'ont pas leur raison d'être; personne ne les souhaite. C'est un problème qu'il faut attaquer de front. On ne peut pas envisager seulement des solutions expéditives.
Cela ressemble à un monologue, mais je voudrais le poursuivre en recommandant des solutions à court terme très précises. Si vous voulez répéter ce que je viens d'entendre, c'est bien. Ce sera consigné au compte rendu une fois de plus. Si vous avez d'autres commentaires à faire, c'est très bien. Nous entendons des commentaires très importants que l'on pourrait condenser et communiquer au gouvernement, et en particulier au ministre des Finances, pour qu'ils en tiennent compte dans le prochain budget.
º (1655)
M. Wendall Nicholas: Merci pour votre question et pour vos commentaires.
Pour être honnête, nos efforts n'aboutiront probablement pas de notre vivant. C'est du moins l'impression que j'ai et qui me semble réaliste. Par contre, je sais que les changements qui s'opèrent à Akwesasne, par exemple, constituent un pas de géant par rapport au point où l'on en était il y a dix ans à peine, voire cinq, ou même deux.
Le fait que cette situation persiste est dû en grande partie au chevauchement des compétences. Il est au coeur du problème. Plusieurs problèmes subsistent dans les liens très particuliers qui unissent les Premières nations et les autres Canadiens. Si nous n'arrivons pas à combler ces écarts, je ne vois pas comment on pourrait trouver une solution rapide et facile aux problèmes.
L'article 35 de la Constitution reconnaît et confirme nos droits. Il ne les définit pas. Le gouvernement n'a pas précisé quels étaient ces droits. Ce sont des droits qui nous sont propres, en tant que membres des Premières nations, et par conséquent, les enfants dont il est question aujourd'hui possèdent également ces droits. Ils ont également ces liens.
Je ne pense pas que ce soit une nécessité assez grande pour le pays pour qu'on veuille résoudre les problèmes et tenter de comprendre la nature de ces liens. On n'a pas tenu compte des commentaires que nous avons faits devant la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA) et devant ce comité, ni à M. Halliday, il y a quelques années. Le comité est même venu à Akwesasne. Nous sommes dans une situation très précaire et nos enfants sont davantage touchés que les autres membres de la collectivité. Je pense que nous ferons de notre mieux pour trouver quelques solutions. Cependant, j'éprouve de la difficulté à faire une distinction entre les changements à court terme et les changements à long terme. C'est extrêmement difficile.
» (1700)
Le coprésident (M. John Godfrey): Par souci d'équité, si vous pouviez attendre et intégrer tout ce que vous vouliez dire à ce sujet, ce serait bien. Je passe la parole à M. Tonks.
M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie les témoins qui sont ici.
On ne devrait pas être étonné que, dans une collectivité vulnérable où sévissent les effets de l'alcool sur le foetus et le syndrome d'alcoolisme foetal (SAF-EAF), où le taux de chômage est très élevé et la pauvreté domine, que les enfants soient maltraités et que surgissent divers problèmes associés à ces facteurs, que ce soit chez les peuples des Premières nations, chez les Métis ou dans d'autres collectivités. La question est: quelle stratégie convient-il d'adopter à cet égard?
Monsieur Prince, vous avez fait en quelque sorte une analyse clinique. Vous avez analysé les problèmes à votre façon et établi une prescription. Madame Francis, vous avez aussi adopté le même type d'approche. Vous avez parlé du groupe d'étude qui présentera ces problèmes de façon holistique. Les approches holistiques en matière de renforcement des capacités communautaires et dans d'autres domaines se sont avérées efficaces lorsqu'on avait des indicateurs et des critères d'évaluation, lorsqu'on a dit à la collectivité concernée de définir la nature des problèmes et de fournir les outils nécessaires pour les régler. Il faudrait adopter le même type d'approche à l'égard de la collectivité des Premières nations.
Monsieur Nicholas, je suis content que vous ayez mentionné la Commission royale sur les peuples autochtones. La CRPA a abordé des questions de gouvernance des Premières nations, qui sont d'ailleurs très complexes. Ce sont des questions qui prendront une forte connotation politique dans un environnement très sensible. Je voudrais que l'on puisse considérer le renforcement des capacités comme le modèle qui a été efficace dans d'autres situations et que l'on ne prenne pas ces questions en considération pour le moment. Si l'on pouvait concevoir un modèle holistique intégré permettant de régler tous les problèmes à la fois et si on le recommandait, quels en seraient, d'après vous, les divers volets? Pouvez-vous nous dire de quels types d'instruments vous avez besoin et quel soutien nous pourrions vous apporter.
Le coprésident (M. John Godfrey): C'est une question qui donne l'impression d'être roi—ou prince—pour un jour.
M. Michael Prince: Tous les jours.
Mme Rose-Alma McDonald: La compétence des Premières nations entre inévitablement en ligne de compte. Tous les services fournis doivent l'être à la demande des Premières nations. Pourtant, nous n'arrivons pas à dépasser le stade des prescriptions ou des proscriptions, des solutions imposées. Nous avons fait beaucoup d'analyses dans le but de déterminer pourquoi les programmes gouvernementaux ne sont pas efficaces. Une des raisons de ce manque d'efficacité est qu'ils sont conçus dans une perspective non autochtone. Il faut qu'ils soient principalement axés sur notre vision du monde et qu'ils soient assortis des services correspondants. Nous avons mentionné que la plupart des programmes et services visant à nous aider à résoudre nos problèmes devaient être axés sur la famille.
Le gouvernement ne doit pas non plus oublier que tout volet de la prestation d'un programme ou service doit… Je suis certaine qu'il y a dans cette salle beaucoup de personnes qui ont fait des études universitaires et qui ont entendu parler de la théorie de Maslow sur la hiérarchie des besoins. Les besoins les plus fondamentaux sont les besoins physiologiques, c'est-à-dire ceux qui concernent l'alimentation, l'eau et le logement. Puis il y a les besoins en matière de sécurité et de stabilité. Enfin, il y a l'amour et le sentiment d'appartenance, l'affiliation, l'acceptation et l'estime, la réussite et le statut, et la réalisation de soi. Les collectivités des Premières nations n'ont pas encore dépassé le tout premier niveau de la hiérarchie des besoins. Par conséquent, comment peut-on s'assurer que nos enfants aient de quoi manger quand les programmes sont élaborés au niveau du gouvernement? Comment s'assurer qu'il n'y a pas dix personnes par ménage? Comment peut-on s'assurer que le logement contient l'infrastructure requise pour fournir l'eau nécessaire pour permettre à tous les membres de prendre un bain? Ce sont les besoins les plus élémentaires dont il faut tenir compte lors de l'élaboration de tout programme, puis les autres problèmes se règleront à partir de là.
Il faut en outre que les programmes soient élaborés avec notre collaboration et que nous soyons consultés. On ne peut pas nous imposer un programme en disant: voici un beau programme qui devrait contribuer à régler vos problèmes. Non. Il faut qu'on nous consulte et que nous puissions dire quelles mesures seraient les plus efficaces pour la collectivité concernée. Akwesasne est une collectivité différente de celle de Moose Factory et celle-ci est différente du Nunavut. Il faudra une solution différente pour chaque collectivité. Par conséquent, je crois qu'il faut absolument que les programmes soient élaborés avec notre concours, qu'ils soient adaptés aux besoins de chaque collectivité et qu'ils soient guidés par les Premières nations.
» (1705)
Le coprésident (M. John Godfrey): Très bien.
Monsieur Prince pour un jour.
M. Michael Prince: Je répète que ce serait le point de départ et qu'il faudrait également tenir compte de la diversité des peuples autochtones du Canada, c'est-à-dire les Métis, les Inuits, les Innus, les Premières nations, les Indiens inscrits et les Indiens non inscrits. C'est une réalité politique et aussi une réalité constitutionnelle. Pour adopter une approche holistique, il faut apprendre à jongler avec au moins cinq balles en l'air en même temps en faisant preuve de quelque habileté et d'un certain respect.
C'est un environnement à forte connotation politique. Dans ma province, les esprits s'échauffent de plus en plus chaque jour. Je pense par contre que cette situation crée une occasion de faire du bon travail en ce qui concerne les besoins courants. Quand les Autochtones de la Colombie-Britannique luttent avec acharnement pour le respect des traités, on prend conscience des besoins urgents dans les régions urbaines et les réserves de cette province. Des programmes comme l'aide préscolaire, les centres d'accueil, la nutrition prénatale et l'initiative de développement de la petite enfance transcendent en quelque sorte les intérêts politiques. Ils sont neutres ou ont l'adhésion des représentants de tous les partis.
On dit que c'est un effort à long terme qui s'étalera sur au moins sept générations et, si c'est exact, ce sera donc un effort de très longue haleine. Par conséquent, il faut faire preuve de patience, mais il faut absolument agir. Tous les traités et toutes les mesures proclamant l'autodétermination n'ont aucune importance lorsque le diabète ou le syndrome d'alcoolisme foetal font des ravages dans votre collectivité.
La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Connaissez-vous des collectivités canadiennes où l'on met en oeuvre des pratiques exemplaires?
Le coprésident (M. John Godfrey): Voulez-vous dire en ce qui concerne les enfants handicapés?
La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Oui, en ce qui concerne toutes ces questions; je pense à une approche holistique comme celle qu'a mentionnée Alma.
M. Michael Prince: Il a fallu 25 ans aux Nisga'as de la Colombie-Britannique pour négocier un traité avec les deux gouvernements mais ils ont leur commission scolaire, un hôpital, un système de services de santé et de services sociaux. Ils sont 6 000, ce qui constitue une masse critique. De nombreuses bandes et petites collectivités autochtones devront apprendre à collaborer ou à reconstruire au sein de leur nation. Cela fait partie de la vision de la CRPA. On compte quelque 600 bandes au Canada mais seulement 50 nations. Madame Bennett, il faut s'assurer que nos programmes ne perpétuent pas la fragmentation des nations traditionnelles et il faut agir au niveau de la bande ou du conseil tribal. Il faut encourager les économies d'échelle ainsi que la reconstruction et la revitalisation des cultures et des traditions.
Par conséquent, on trouve des pratiques exemplaires dans de très petites collectivités mais aussi dans quelques collectivités plus importantes. Je connais mieux l'Ouest du Canada que le centre ou l'est du pays.
Le coprésident (M. John Godfrey): Joanne.
Mme Joanne Francis: Comme l'a mentionné Michael, des pratiques exemplaires sont en place dans plusieurs petites collectivités, notamment à Akwesasne. Nous avons pris beaucoup d'initiatives et nous faisons preuve de persistance et de ténacité pour progresser. Avec ou sans fonds, nous sommes parvenus à améliorer la structure de notre programme de santé et de développement social.
En outre, je rappelle au gouvernement que l'invalidité fait appel à toute cette infrastructure. D'ailleurs, madame Bennett, vous avez mentionné les «compartiments» du logement et de la justice et de nombreux autres secteurs qui constituent l'infrastructure sur laquelle repose la condition des personnes invalides. Je ne pense pas que ce soit une chose dont on se souvienne ou que l'on rappelle, car on ne sait pas exactement où intégrer la question de l'invalidité. Lorsque j'insistais auprès du chef du conseil de bande pour que l'on prenne des mesures dans ce domaine, dans le contexte de l'édification d'une nation moderne, le gros problème était de savoir où cela s'arrête. L'invalidité est un problème horizontal alors que tous les autres sont verticaux ou compartimentés. C'est donc un dilemme. C'est nouveau mais si l'on gardait l'esprit ouvert, je crois que ça pourrait marcher.
» (1710)
Le coprésident (M. John Godfrey): Monsieur Tirabassi.
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Je vous remercie également d'avoir fait l'effort d'assister à cette séance.
Le sous-comité des enfants et des jeunes à risque—c'est la première année que je fais partie de ce comité—a entendu de nombreux témoignages où l'on a mentionné un grand nombre de programmes. Il semble que diverses politiques et initiatives aient été mises en place et qu'elles concernent de nombreux ministères. En définitive, on a toutefois l'impression qu'il s'agit d'un ensemble de mesures disparates. Je pense que l'on a déjà fait cette observation. Il est donc inévitable que de nombreuses familles et de nombreux enfants passent à travers ce que l'on voudrait considérer comme de simples fissures mais je me rends compte qu'il ne s'agit pas de fissures mais plutôt d'énormes trous.
Diverses initiatives ont toutefois été mises en place. Je voudrais avoir une idée de l'incidence qu'elles ont et de leur efficacité et pour cela, je rappelle que dans son budget pour 2001, le gouvernement fédéral a annoncé l'affectation de 185 millions de dollars sur deux ans à divers programmes destinés aux enfants autochtones. Qu'est-ce que cela donne concrètement? Quel genre d'incidence est-ce que cela a sur vos besoins?
M. Wendall Nicholas: Parlez-vous des crédits globaux destinés aux besoins en matière d'éducation spéciale et à divers autres types de programmes?
M. Tony Tirabassi: C'est exact.
M. Wendall Nicholas: En toute sincérité, je pense que c'est un bon point de départ mais peut-on savoir exactement quelle incidence cela peut avoir sans chiffres qui puissent servir de points de comparaison? Depuis plusieurs années, le Canada fait une enquête longitudinale sur les enfants, mais les enfants autochtones en sont exclus. C'est un problème complexe. Quand, en 1998, les Premières nations et les Inuits ont décidé de faire une étude sur la santé et le secteur social dans leurs collectivités, ils n'ont pas posé de questions sur les enfants. J'espère qu'on pourra le faire dans le cadre de la prochaine série d'études.
On a de la difficulté à déterminer pour quelles raisons nous en sommes arrivés là avec cet argent. Nous nous sommes plaints, bien entendu. Nous nous sommes plaints que le Plan d'action national pour les enfants semblait être mis en oeuvre sans tenir compte des enfants autochtones. Nous nous sommes plaints également au sujet du programme de développement de la petite enfance, lorsqu'il a été instauré, parce que les sommes mobilisées à cette fin, soit 2,2 millions de dollars sur plusieurs années, n'étaient pas du tout suffisantes pour les besoins des enfants des Premières nations et parce qu'il avait été adopté dans le cadre d'une entente entre les provinces et le gouvernement fédéral.
J'ai toujours de la difficulté à déterminer exactement à quoi sont destinés ces fonds et quelles incidences ils auront. Je crois que l'avenir nous le dira. Il y a tant à faire, mais je ne tiens pas à être totalement négatif. Je considère que c'est un bon point de départ.
Mme Rose-Alma McDonald: Je voudrais faire deux ou trois autres commentaires. On a l'impression que 185 millions de dollars représentent une somme considérable mais lorsqu'on la répartit par exemple entre les cinq groupes autochtones, puis entre les 663 Premières nations et que l'on divise le chiffre par le nombre de personnes concernées, c'est-à-dire quand on répartit cette somme entre les organismes compétents, en fonction des collectivités et du nombre d'Autochtones, elle ne représente plus grand-chose. Le problème est de savoir comment distribuer ces fonds.
Une des nombreuses casquettes que je porte est celle de coauteure du rapport de DRHC sur les personnes handicapées. J'ai écrit le chapitre concernant les Autochtones. Voici un des problèmes avec lequel nous sommes aux prises depuis quelques jours. Le gouvernement fédéral a l'accessibilité, il a les responsabilités financières, il a mis en place les systèmes de soutien pour handicapés, les systèmes d'éducation et de formation, il a le marché du travail; ce sont les cinq indicateurs de réussite qui ont été choisis en l'occurrence par DRHC. Lorsqu'on a essayé d'établir des chiffres pour la population autochtone, j'étais chargée de mener les consultation avec les cinq groupes autochtones. Les Inuits veulent leur part de ces fonds. Ils se demandent combien d'Inuits du Nunavut ou d'une autre région en ont bénéficié, en fonction de ces indicateurs. C'est la même chose en ce qui concerne les Premières nations, les Métis, les Indiens non inscrits, les Indiens hors réserve et les femmes. Lorsqu'on subdivise ces 185 millions de dollars entre les cinq groupes autochtones, puis entre les 633 Premières nations, cela ne représente plus beaucoup d'argent.
Nous nous efforçons d'établir des indicateurs de réussite. Mon collège, M. Prince, l'a mentionné. Nous n'avons même pas de statistiques à notre disposition pour faire une évaluation quantitative. Nous avons eu une réunion avec les représentants de Statistique Canada hier pour leur demander combien de personnes handicapées ont besoin de soutien spécial et combien en reçoivent. On ne recueille même pas les données de cette façon. Par conséquent, nous éprouvons beaucoup de difficulté à dire au gouvernement qu'il n'a pas répondu à nos besoins parce que personne ne recueille les données de cette façon. C'est donc un autre changement qu'il faudrait apporter.
Lorsque nous avons tenu des consultations avec les cinq groupes autochtones par l'intermédiaire de DRHC, la seule façon dont nous soyons parvenus à les amener à participer a été de leur parler de toutes les recommandations que les comités permanents ont faites au cours des 20 dernières années en leur disant ceci: voici les mesures que le gouvernement a dit qu'il comptait prendre, les solutions qu'il fallait adopter pour résoudre tel problème, les résultats, les indicateurs de réussite, les délais, et les intervenants. DRHC a établi ce plan-là. Il couvre une cinquantaine de pages, il a été établi avec le concours des cinq groupes autochtones. C'est un plan de travail pour le gouvernement fédéral, qui contient tous les indicateurs et tous les autres renseignements nécessaires.
» (1715)
La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): L'année dernière, peut-être même l'année précédente, nous avons été frappés par la condition des enfants handicapés profonds dont on ne peut pas s'occuper sur la réserve; leurs familles n'ont donc pas le choix et doivent quitter la réserve. Existe-t-il des données sur le nombre de familles qui sont dans ce cas-là? Ces données seraient apparemment très utiles pour expliquer les services manquants. Ceux qui ont un enfant handicapé profond doivent aller s'établir en ville et dans ce cas-là, il s'agit de traitements hors réserve et la famille n'a plus accès aux divers programmes d'aide et services destinés aux Autochtones.
En ce qui concerne les habitants du Nunavut, ils bénéficient d'une certaine autonomie gouvernementale qui leur permet de faire un relevé de tous les enfants et adultes handicapés ayant des besoins spéciaux qui vivent sur leur territoire mais malgré cela—et j'y suis allée chaque été depuis mon élection—, est-il raisonnable qu'ils doivent s'adresser à tel service de prévention du crime pour obtenir de maigres crédits pour la lutte contre le syndrome et les effets de l'alcoolisme foetal, et au programme de nutrition prénatale pour obtenir quelques fonds supplémentaires? Ils ne savent même pas qu'ils y ont droit. Toutes les petites collectivités auraient pu recevoir des fonds du programme de prévention de la criminalité ou du programme de nutrition prénatale. Ça paraît très incohérent.
Je crois que ce que voudrait savoir Tony, c'est comment on pourrait utiliser les 185 millions de dollars de façon à obtenir des résultats. Il se demande en fonction de quels critères on pourrait évaluer les résultats pour les cinq groupes autochtones.
M. Wendall Nicholas: En fin de compte, si un enfant naît avec un handicap, un jour ou l'autre, il devra quitter la collectivité; cela vous aidera peut-être à comprendre la situation. Il faudra qu'il quitte ou alors l'enfant et sa famille resteront isolés, sans aucune aide. Telle est la situation, madame Bennett.
» (1720)
Mme Joanne Francis: Pour vous donner un point de comparaison en ce qui concerne ces 185 millions de dollars, il y a des années, le gouvernement Mulroney avait accordé des crédits de 158 millions de dollars pour les personnes handicapées. Ce que l'on a reçu en fin de compte à Akwesasne, où le nombre d'habitants était de 9 000 à l'époque, c'est 2 777,49 $. Que peut-on faire avec une telle somme dans une collectivité de cette taille? Par conséquent, une somme de cet ordre ne représente qu'un très petit montant à l'échelle de la collectivité. C'est tout ce que nous avons reçu il y a cinq ans. Cela ne permettait pas de faire grand-chose, encore moins d'aider un enfant alors que, comme l'a signalé Mme McDonald, il faut environ 1,6 million de dollars pour subvenir aux besoins d'un enfant handicapé pendant toute sa vie.
Le coprésident (M. John Godfrey): Je poserai la question suivante, puis nous donnerons la parole à M. Prince. Ce qu'on a dit notamment à propos des enfants à risque est qu'une des stratégies adoptées pour les aider consiste à les confier à des services spéciaux. Est-ce une stratégie que l'on met également en oeuvre pour les enfants handicapés? Est-ce ce qui se passe?
Mme Joanne Francis: C'était courant parce que nos services sont dispensés au petit bonheur. Nous recevons des fonds, comme en ce qui concerne l'initiative de développement de la petite enfance, mais nous n'en recevons pas de façon continue. Par conséquent, les parents ne savent pas d'une année à l'autre quelles seront les mesures en place. Ils ont parfois bénéficié de certains programmes pour le deuxième enfant mais pas pour leur quatrième. Cela se fait au hasard des circonstances. C'est un cas courant.
J'ai en fait comme clients des parents qui demandent des fonds ou de l'aide à tous les niveaux. En fin de compte, ils s'adressent au programme d'aide à l'enfance parce qu'il a la réputation de disposer de fonds considérables. Les responsables de ce programme vont vérifier sur place pour voir comment ils peuvent aider les parents et leur disent que s'ils acceptent de confier leur enfant à des services spéciaux, ils pourront les aider. N'est-ce pas une recommandation déplacée lorsqu'on a affaire à une famille où il n'y a aucun problème de négligence ou de mauvais traitements à l'égard des enfants? C'est un des recours qu'ont les parents pour recevoir des services suffisants pour permettre à leur enfant de rester dans la collectivité. C'est un recours qu'ils devront peut-être envisager à un moment où l'autre. L'autre option consiste à placer l'enfant dans une institution et à lui faire quitter définitivement la collectivité. Voilà le genre de situations horribles auxquelles nous sommes confrontés.
Le coprésident (M. John Godfrey): Monsieur Prince.
M. Michael Prince: J'ai lu dernièrement des articles dans la presse au sujet de divers meurtres et suicides commis dans des familles de la Colombie-Britannique et d'autres régions du pays depuis un ou deux ans et j'ai suivi les longs débats dans le Globe and Mail et dans d'autres journaux francophones et anglophones. On encourage les parents à se déclarer inaptes et à faire placer l'être aimé dans une institution parce que c'est la seule façon d'obtenir de l'aide; c'est une situation digne de la misère qui régnait à l'époque de Dickens, dans l'Angleterre du XIXe siècle. Nos valeurs en ce qui concerne non seulement les enfants mais aussi les adultes qui sont handicapés sont faussées.
Je me rends compte que le temps passe.
Le coprésident (M. John Godfrey): Je vous bouscule.
M. Michael Prince: Je viens de penser à quelques autres observations à faire au sujet des pratiques exemplaires, si vous voulez prendre des notes. Les Micmacs de la Nouvelle-Écosse en mettent en oeuvre. Un autre exemple de pratique exemplaire concerne des services à l'enfance et à la famille qui ont été mis en place chez les Champagnes et Aishihiks, au Yukon. Quatorze Premières nations de cette région ont signé des ententes territoriales globales avec le gouvernement du Canada. Elles ont signé des ententes distinctes et sont actuellement en train de renforcer leurs capacités en coopérant au lieu d'essayer de réinventer la roue 14 fois dans 14 petites collectivités. Sur l'île de Vancouver, près de Port Alberni, il y a le conseil tribal nuu-chah-nulth qui, comme les Nisga'as, a une culture très importante et très dynamique; c'est une collectivité autochtone dotée d'un conseil tribal très actif et organisé en confédération. Par conséquent, des pratiques exemplaires de ce type sont en place dans les collectivités qui sont encore dotées d'un système politique et d'une culture ayant une certaine maturité.
L'enquête sur les Autochtones a eu lieu tout récemment, en 2001, alors que la précédente avait eu lieu en 1991. Cette enquête sert de base pour établir les données pour les dix prochaines années. Ce qui dérangeait beaucoup de défenseurs des Autochtones au cours des années 90 c'est que l'on utilisait des données datant de plus en plus pour appuyer des arguments ou des analyses. Le sondage de 1996 avait été supprimé mais celui de 2001 a eu lieu. Je pense que les données que l'on en tirera seront très importantes.
Je sais que le sous-comité sur les enfants et les jeunes a suggéré d'instituer un poste de commissaire à l'enfance. La ministre Stewart recevra la visite des représentants de la Société du timbre de Pâques d'ici peu pour lui recommander de créer un poste de commissaire aux personnes handicapées. Elle essaie de trouver le dénominateur commun. Il faut aider les enfants et les jeunes à risque et il faut aider également les personnes handicapées, y compris les enfants. Il faudrait fusionner les deux pour ne pas créer un autre compartiment. La suggestion d'instituer un poste de commissaire à l'enfance bénéficie d'un appui suffisant pour pouvoir ajouter un petit volet «personnes handicapées» à son mandat. Je ne pense pas que ceux qui militent en faveur des personnes handicapées soient aussi nombreux que les défenseurs de l'enfance. Il faut éviter de créer des compartiments supplémentaires. Si l'on veut créer un poste de commissaire ou d'agent parlementaire, il faut essayer de fusionner les deux fonctions. C'est pourquoi je trouve que c'est une excellente occasion d'éviter de recréer involontairement des obstacles organisationnels, puisque vos deux comités travaillent ensemble.
Je vous remercie.
» (1725)
Le coprésident (M. John Godfrey): Sur cette note, je voudrais adresser les remerciements qui suivent.
Je voudrais d'abord, au nom du comité des enfants et des jeunes à risque, remercier Julie Mackenzie, notre agente de recherche, qui a quitté le navire, qui nous a abandonnés à notre sort et qui nous laisse couler—les images se bousculent dans ma tête. Julie nous manquera beaucoup. Nous lui souhaitons beaucoup de chance dans son prochain poste. Je tenais à vous remercier, au nom de tous mes collègues, pour l'excellent travail que vous avez fait. Nous espérons pouvoir rester en contact avec vous.
Je tiens ensuite à remercier les témoins d'être venus, parfois de loin, comme dans votre cas, monsieur Prince, et parfois de tout près. Nicholas Wendall habite le même quartier que moi. Je vous remercie pour votre aide. Je crois que c'est une réunion très fructueuse. Vous avez fait beaucoup de suggestions et donné beaucoup de renseignements dont nous tiendrons compte, individuellement et collectivement, dans nos rapports et dans nos travaux.
Étant donné que la sonnerie nous indique qu'il est temps de s'en aller, nous vous quittons en vous remerciant pour votre participation.
[Français]
La séance est levée.