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SPER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITES

SOUS-COMITÉ DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES DU COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 20 novembre 2001

• 1532

[Traduction]

La présidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)): Je crois qu'il faudrait commencer, surtout que nous avons été retardés par le vote et que nous voulons avoir une bonne discussion.

Je vous signale que le Comité du développement des ressources humaines négocie une date avec Jane Stewart au sujet de sa comparution pour discuter de notre rapport mixte. Nous avions l'intention de faire inviter les membres des deux sous- comités pour assister à cette réunion avec le comité principal. Nous pensions que cela donnerait un peu plus de poids à la réunion puisque le comité permanent tient à ce qu'elle se présente.

Le comité voudrait également faire comparaître le ministre des Affaires intergouvernementales à propos du processus d'examen de l'Entente-cadre sur l'union sociale (ECUS), ce qui nous intéresse également. Certains d'entre nous pourraient également obtenir une invitation à cette réunion étant donné que nous sommes membres associés du comité principal.

Avec l'accord du comité, le projet de loi sur le plan de travail a établi le plan de l'étude du crédit d'impôt pour personnes handicapées que nous voudrions afficher sur notre site Web, pour que les Canadiens soient au courant de nos travaux. J'espère que c'est une première initiative pour rendre les comités parlementaires plus transparents pour les citoyens ordinaires. Nous espérons pouvoir rencontrer les membres du comité de façon plus informelle pour discuter de quelques petites investigations que nous avons faites au sujet des processus possibles dans le cadre de l'étude des prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada prévue pour l'année prochaine.

Nous pourrons peut-être communiquer en ligne avec les citoyens pour les interroger sur leur cas personnel. Comme vous le savez, je m'intéresse particulièrement aux personnes dont la demande a été rejetée et qui n'ont pas fait appel. Il est difficile de les identifier et c'est un groupe qui intéresse particulièrement les députés et les députées parce que ces personnes nous demandent généralement conseil.

Voilà donc où nous en sommes.

• 1535

La Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec a envoyé ses excuses. Elle a envoyé une lettre très intéressante qui est en cours de traduction. Nous la ferons circuler dès que la version anglaise sera prête. J'aimerais que vous y jetiez un coup d'oeil pour voir si elle porte sur des questions qui devaient être abordées dans le cadre de la table ronde.

Je donne la parole à Laurie Beachell, coordonnateur national du Conseil des Canadiens avec déficiences, qui exposera le problème et expliquera pourquoi nous sommes réunis aujourd'hui.

M. Laurie Beachell (coordonnateur national, Conseil des Canadiens avec déficiences): Merci.

Madame la présidente, pourrait-on faire rapidement le tour de la pièce et demander aux participants de se présenter pour qu'Angelo sache qui est ici?

La présidente: Absolument.

M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Anthony Tirabassi, député de la circonscription de Niagara-Centre.

M. Kevin Kerr (attaché de recherche du comité): Kevin Kerr, de la Direction de la recherche parlementaire.

M. Bill Young (attaché de recherche du comité): Bill Young, de la Direction de la recherche parlementaire.

Mme Carolyn Bennett: Carolyn Bennett, députée de St. Paul's.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Madeleine Dalphond-Guiral, députée de Laval-Centre. Je suis de retour au comité après une éclipse d'environ six mois. Bienvenue.

[Traduction]

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Wendy Lill, députée de Dartmouth.

Mme Myriam Girard (recherchiste, Institut national canadien pour les aveugles): Myriam Girard, INCA. Je suis ici avec Angelo.

M. Angelo Nikias (directeur national, Relations gouvernementales et liaison internationale, Institut national canadien pour les aveugles): Angelo Nikias, INCA.

M. Harry Beatty (Centre de la défense des droits des handicapés): Harry Beatty, CDDH.

M. Laurie Beachell: Laurie Beachell, Conseil des Canadiens avec déficiences.

Mme Audrey Cole (Association canadienne pour l'intégration communautaire): Audrey Cole, Association canadienne pour l'intégration communautaire.

M. Laurie Beachell: Merci.

Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner à nouveau pour vous parler d'une préoccupation particulière concernant le crédit d'impôt pour personnes handicapées. J'essaierai de donner un bref aperçu général puis je passerai à des questions précises. Nous pourrons ensuite examiner d'autres cas et des problèmes relevés par d'autres organismes. Je signale que la COPHAN du Québec que vous avez mentionnée fait partie du CCD et nous a parlé de ses préoccupations.

Le crédit d'impôt pour personnes handicapées est essentiellement un mécanisme visant à compenser les frais supplémentaires qu'entraîne un handicap ou une déficience. Au Canada, un handicap entraîne immanquablement des frais supplémentaires. C'est un fait reconnu depuis longtemps. On a reconnu qu'il est nécessaire d'uniformiser les règles du jeu pour aider les personnes qui doivent supporter ces frais supplémentaires de sorte qu'un individu ne doive pas supporter toute la responsabilité seul et que les frais soient partiellement couverts par la société. Les recommandations concernant le crédit d'impôt pour personnes handicapées du rapport du groupe de travail concernant les personnes handicapées, présidé par Andy Scott, qui a été publié en 1996, donne un bon aperçu de la question. J'ai d'ailleurs cité ces recommandations dans le mémoire que j'ai présenté.

La collectivité s'efforce depuis longtemps d'améliorer le traitement fiscal des personnes avec déficiences de façon à ce qu'il soit plus équitable et tienne compte des frais supplémentaires qu'elles ont à supporter. En fait, la situation s'est améliorée progressivement à cet égard. Cependant, à un moment donné, une amélioration progressive ne suffit plus et, sans vision plus large, peut en fait rendre la situation encore plus inéquitable. Nous devons nous assurer que la mise en place du crédit d'impôt pour personnes handicapées et que l'esprit de cette mesure s'appuient sur une vision globale.

• 1540

La définition et les conditions d'admissibilité sont indiquées dans la Loi de l'impôt sur le revenu, bien entendu, qui relève du ministère des Finances. La mise en oeuvre du crédit d'impôt devient la responsabilité de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). La définition n'a pas été modifiée depuis un certain temps. Cependant, des modifications ont été apportées à la loi en ce qui concerne l'administration et l'interprétation. La question que notre collectivité pose est la suivante: pourquoi les personnes qui étaient admissibles ne le sont-elles plus alors que la définition n'a pas été modifiée? Quels changements ont été apportés pour que certaines personnes ne soient plus admissibles à cette prestation?

Un examen est en cours actuellement. Nous avons cru comprendre qu'entre 75 000 et 90 000 personnes ont reçu une lettre de l'Agence des douanes et du revenu du Canada dont voici un extrait:

    Après avoir examiné votre dossier, nous estimons que nous n'avons pas suffisamment de renseignements pour vous permettre de continuer à réclamer le crédit d'impôt pour 2001 et les années fiscales suivantes.

La lettre ne demande aucun renseignement supplémentaire. Elle indique seulement que la personne concernée ne sera pas admissible au crédit d'impôt l'année prochaine à moins de fournir des renseignements supplémentaires.

Un processus analogue avait été entrepris en 1996-1997. À cette occasion, de nombreuses personnes avaient perdu leur crédit d'impôt pour personnes handicapées. Il est sans doute normal de demander des renseignements supplémentaires, mais nous avons cru comprendre que les lettres ont été envoyées à des personnes qui avaient présenté la demande avant 1996—certaines l'ont fait il y a une vingtaine d'années—et que leur situation n'a pas changé. Elles sont obligées d'aller passer une visite chez leur médecin. Elles doivent demander à leur médecin de remplir le formulaire T2201, et le présenter à nouveau dans l'espoir de rester admissibles au crédit d'impôt.

Il est important de signaler que le crédit d'impôt en soi ne règle pas le problème des personnes avec déficiences étant donné que pour pouvoir en bénéficier, il faut avoir un revenu imposable ou être en mesure de transférer ce crédit d'impôt à un autre membre de la famille, un conjoint ou une personne qui subvient à vos besoins. Il convient en outre de signaler qu'il ne s'agit pas d'un remboursement complet des frais supplémentaires. Comme dans le cas de toutes les autres mesures fiscales, ce n'est qu'un pourcentage de ces frais qui est récupérable.

Il y a aussi le crédit d'impôt pour frais médicaux qui couvre les frais médicaux supérieurs à 3 p. 100 du revenu. Harry Beatty sera probablement mieux en mesure de vous parler de ces questions-là que moi.

Pour l'instant, notre préoccupation est de savoir si l'on tente d'établir un système vraiment équitable par le biais de ce crédit d'impôt. On se demande si les autorités ont une vision permanente d'un régime fiscal qui aidera à compenser les frais supplémentaires que doivent supporter certaines personnes en raison de leurs déficiences. Ou bien on se demande, étant donné qu'il est actuellement question de la possibilité que le crédit d'impôt remboursable soit une première étape qui déboucherait sur une stratégie sociale plus générale, si l'on n'est pas en train de mettre en oeuvre des processus visant à réduire le nombre de candidats admissibles, de façon à faire baisser le coût de tout programme prévoyant un remboursement. Étant donné les changements qui ont été apportés en 1996-1997, on ne peut s'empêcher d'avoir des doutes.

Les fonctionnaires qui ont répondu aux personnes qui ont appelé le numéro 1-800, et ceux auxquels j'ai posé la question, ont dit que la médecine avait réalisé de grands progrès depuis que les personnes concernées avaient fait la demande initiale. Jim Derksen, que la plupart d'entre vous connaissent—Jim a eu la polio dans les années 50 et utilise une chaise roulante électrique—a parlé avec son médecin de la possibilité d'envoyer une lettre à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) lui signalant qu'un miracle ne s'était pas encore produit, qu'il ne marchait toujours pas et qu'il ne marcherait probablement jamais plus et que, si jamais un miracle se produisait, il se ferait un plaisir de l'en informer. On n'arrive pas à faire marcher les personnes qui sont incapables de marcher ni à faire recouvrer la vue à des aveugles. C'est d'ailleurs le titre du mémoire que je vous ai remis: aucun miracle ne s'est produit jusqu'à présent. Cependant, si un miracle se produit un jour, nous vous le ferons savoir.

• 1545

Nous ne savons pas très bien quel est le but précis de cet examen. Cependant, il nous donne l'occasion d'aborder quelques problèmes qui se poseront à long terme en ce qui concerne la définition et le processus d'identification des personnes. Comme vous le savez, d'après la définition, un handicap est une restriction des activités de la vie courante, etc. Il faut que ces activités courantes soient très limitées. Ces activités sont marcher, voir, réfléchir, se souvenir, percevoir, s'habiller, se nourrir, etc. Les activités courantes ne comprennent pas aller à l'école ou aller au travail. Elles ne n'incluent pas la gestion du ménage et les tâches domestiques. Nous estimons qu'il faudrait élargir les définitions prévues dans la loi. Il ne s'agit pas uniquement des frais supplémentaires qu'ont les personnes handicapées pour s'habiller, pour marcher, etc., mais aussi des frais supplémentaires qu'entraîne leur participation à des activités communautaires et au marché de l'emploi; ces types de coûts ne sont pas couverts par d'autres mécanismes.

Un vieux sujet de préoccupation dans notre milieu est le recours au certificat médical pour déterminer l'admissibilité. Je ne voudrais pas vous insulter, madame Bennett, mais si les médecins savent pourquoi un bras ne fonctionne plus, ils n'ont peut-être pas la moindre idée des conséquences que cela entraîne lorsqu'il s'agit d'accomplir ses activités professionnelles, d'aller à l'école, de conduire une voiture ou de s'adonner à toute autre activité. Les médecins sont peut-être très compétents pour ce qui est de faire des diagnostics mais pas nécessairement pour évaluer les conséquences des problèmes diagnostiqués.

Dans notre collectivité, tout est médicalisé et l'État utilise un des systèmes de certificat et d'admissibilité les plus coûteux. Un nombre croissant de personnes vont trouver leur médecin dans le seul but d'obtenir un crédit d'impôt pour personnes handicapées, des prestations d'invalidité dans le cadre du Régime de pensions du Canada, des permis de stationnement, etc. Les médecins remplissent des formules pour lesquelles la plupart d'entre eux font payer maintenant 25 $ ou 30 $, qui ne sont pas couverts par l'assurance- maladie. Par conséquent, c'est un coût supplémentaire qui est à la charge de la personne concernée. Ce système de certificat médical est donc un gros obstacle.

La présidente: Monsieur Beachell, je signale que j'ai été à la tête d'un mouvement visant à mettre un terme à la pratique consistant à exiger que les médecins signent le formulaire de l'Ontario Camping Association car j'estimais que l'on y posait des questions auxquelles seule une mère pouvait répondre et même, qu'on ne devrait pas avoir à signer des formulaires aussi stupides; j'ai donc demandé que l'on modifie le formulaire. J'y ai même inscrit «Modifiez le formulaire». Je suis entièrement d'accord avec vous, c'est tout à fait ridicule.

M. Laurie Beachell: Les médecins voulaient un formulaire très simple. C'est pourquoi un formulaire contenant une liste de questions auxquelles il suffit de répondre par oui ou par non a été adopté. Seulement, à notre avis, le formulaire est ainsi devenu plus restrictif; en effet, les médecins ne veulent pas perdre leur temps à remplir des formulaires. Ce n'est pas pour cela qu'ils ont fait des études. Ils veulent un système tout simple de réponses par oui et non qui, à notre avis, limite les possibilités d'admissibilité parce que les questions sont du type suivant: Pouvez-vous marcher? Pouvez-vous voir? Pouvez-vous réfléchir? Pouvez-vous percevoir? Pouvez-vous vous souvenir? Pouvez-vous vous habiller? etc. Ce sont des petites questions auxquelles on doit répondre par oui ou par non.

Certains membres de notre collectivité sont capables de marcher sur une distance d'une cinquantaine de mètres et même sans lenteur particulière, mais c'est peut-être tout ce qu'ils seront capables de faire dans la journée. Je pense que vous avez déjà entendu l'histoire suivante. Les parents d'un enfant atteint de dystrophie musculaire nous ont dit que leur enfant continuait à marcher mais que son état se détériorait et que, par conséquent, il était plus facile pour l'enfant d'utiliser une chaise roulante, que ce serait inévitable un jour. Pour économiser de l'énergie, l'enfant utilise un fauteuil roulant pendant un certain temps et marche pendant un certain temps. Un tel enfant ne serait pas admissible selon la définition mais la famille a des frais supplémentaires liés aux soins et à l'aide qu'elle doit lui donner.

• 1550

Nous voulons donc trouver une solution pour que l'on choisisse des questions plus pertinentes et que l'on tienne compte des frais supplémentaires. Le formulaire devient de plus en plus une liste de contrôle médical plutôt qu'un formulaire permettant de déterminer si l'intéressé a des frais supplémentaires liés à son handicap qui ne sont couverts par aucun autre programme ou régime. Certains frais supplémentaires ne sont pas identifiables et ne peuvent faire l'objet d'un reçu; ce sont des frais de base. Au bureau, notre contrôleuse utilise une chaise roulante. Je stationne à deux blocs de notre édifice, dans un stationnement bon marché. Elle stationne sa voiture juste à côté de l'édifice, à l'hôtel, et paie 30 $ de plus par mois que moi pour son stationnement, parce qu'elle ne veut pas faire ces trois blocs en chaise roulante. Les personnes handicapées ont donc divers frais supplémentaires qui devraient être reconnus aux fins du crédit d'impôt pour personnes handicapées.

L'examen actuel nous préoccupe. Nous nous demandons si l'on ne perd pas l'objectif de vue. Notre scepticisme nous pousse à soupçonner que l'on resserre les règles en prévision d'une initiative plus large, dont le principal but est de réduire les coûts.

Est-ce une occasion pour nous de pousser à nouveau le ministre des Finances et l'Agence des douanes et du revenu du Canada à entamer une discussion sur un système plus équitable de compensation des frais supplémentaires qu'entraîne un handicap, par le biais du régime fiscal? Nous savons que le régime fiscal est un instrument très rigide alors que, lorsqu'il s'agit de tenir compte des besoins liés à des déficiences, il faut une certaine souplesse, il faut tenir compte des besoins personnels et trouver diverses options créatrices. On ne peut donc pas dire que le régime fiscal soit l'instrument idéal. Nous avons sans doute affaire à un système qui ne nous permettra pas d'atteindre l'objectif visé. Nous apprécions les améliorations progressives dans le traitement fiscal mais le régime fiscal n'est peut-être pas le meilleur instrument pour améliorer la situation des personnes avec déficiences.

Mon exposé est terminé. Je demanderais à Harry Beatty de donner des informations sur les questions plus techniques. Lorsque nous aurons tous fait notre exposé, on pourra passer à la période des questions.

Je vous remercie.

La présidente: Merci bien.

Harry Beatty.

M. Harry Beatty: Laurie et moi coordonnons nos activités. Je m'abstiendrai donc de parler longuement des critères fonctionnels comme «grave» et «prolongé» pour traiter d'autres aspects du crédit d'impôt pour personnes handicapées.

Il y a trois endroits de la déclaration d'impôt sur le revenu où l'on peut réclamer ce crédit. Une personne handicapée elle-même peut réclamer le crédit à la ligne 316. Une personne ayant une personne handicapée à sa charge autre qu'un conjoint ou un partenaire de même sexe peut réclamer le crédit à la ligne 318. Une personne avec un conjoint ou un partenaire handicapé, de même sexe, qui a le droit de faire une réclamation en son nom, le fait à la ligne 326.

En ce qui concerne la réclamation à la ligne 318, j'ai établi quelques-uns des facteurs dont il faut tenir compte. C'est certainement un des volets les plus déroutants du système. Je présume qu'on pourrait demander des explications à des fonctionnaires du ministère des Finances ou de l'ADRC. Je n'entrerai pas dans le menu détail, mais les règles varient selon le lien de parenté. Je crois que pour que le contribuable puisse faire la réclamation, il faut que les enfants et les petits-enfants concernés habitent sous le même toit. Si l'on a un conjoint, la situation est différente. Le fait que la personne soit à charge ou non du contribuable fait également une différence qui est probablement la condition la plus raisonnable, au même titre que celle qui concerne le revenu imposable de la personne apparentée handicapée, à l'exclusion de l'aide sociale. Je suis certain que cette condition déroute bien des personnes étant donné que d'autres réclamations pour personnes à charge incluent le revenu de l'aide sociale.

• 1555

Les règles de transfert de la réclamation d'un conjoint ou d'un partenaire de même sexe sont assez compliquées. Je crois que le terme «transfert» lui-même qui est utilisé dans les explications déroute beaucoup de personnes parce qu'il sous-entend qu'un petit enfant transférerait quelque chose au parent. Ce terme n'est, bien entendu, pas employé au sens littéral. C'est une preuve supplémentaire du manque de clarté et de transparence, pour employer le jargon technique, d'une législation comme la législation fiscale et sociale qui devrait pourtant posséder ces deux qualités.

Quelle est la valeur du crédit? Certains d'entre vous sont peut-être déjà très bien renseignés à ce sujet et je n'entrerai pas trop dans les détails. Dans le budget pour l'an 2000, si je ne m'abuse, le ministre Martin avait annoncé une augmentation de la valeur du crédit d'impôt pour personnes handicapées de 4 393 $ à 6 000 $, pour l'année fiscale 2000. Je crains que les personnes qui ne sont pas très au courant de ce genre de demande ou des questions d'impôt—je suis certain que ce n'est pas votre cas—aient l'impression que le gouvernement donne 6 000 $ aux personnes handicapées ou à leur famille. Ce n'est, bien entendu, pas le cas parce que tous les crédits d'impôt personnels non remboursables sont convertis en un crédit d'impôt fédéral de 17 p. 100. Même depuis que le montant a été porté à 6 000 $, l'économie d'impôt fédéral est au maximum de 1 020 $, si mes calculs sont exacts.

Bien entendu, ce crédit d'impôt a également une incidence sur l'impôt provincial. Selon la province, la réclamation maximale, en dollars réels, est de 1 500 $. Il s'agit toutefois d'un crédit non remboursable, ce qui signifie que, comme l'a signalé à maintes reprises le Conseil des Canadiens avec déficiences, les personnes handicapées à faible revenu et les familles ayant des personnes handicapées à charge n'en tirent aucun avantage. Même si elles arrivent à en bénéficier, la plupart des personnes handicapées ont des revenus réduits, donc c'est moins avantageux pour elles que pour d'autres contribuables.

En ce qui concerne les personnes qui ne peuvent pas faire de réclamation, j'ai déjà mentionné que ce crédit était non remboursable; d'autres témoins parleront de l'interprétation des termes «grave» et «prolongé». Je tiens à mentionner en outre la règle qui veut qu'une personne qui réclame un crédit pour frais médicaux liés au séjour dans une maison de soins infirmiers ou dans un établissement médical ou encore à des services auxiliaires dont le coût dépasse 10 000 $ perd son droit d'admissibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées. En effet, on est forcé de choisir entre les deux crédits.

Les contribuables qui dépensent plus de 10 000 $ pour des soins auxiliaires pour eux-mêmes ou pour un membre de leur famille ont un gros problème. Il semble illogique de priver ces personnes du crédit d'impôt pour personnes handicapées. Je suppose que la seule explication possible serait que les personnes concernées auraient tendance à avoir moins de dépenses liées à un handicap, ce qui est peut-être vrai en ce qui concerne les personnes placées dans une maison de soins infirmiers ou dans un établissement mais rarement en ce qui concerne les personnes qui vivent au sein de la collectivité ou avec une famille.

• 1600

J'ai vérifié le nombre de demandes de crédit d'impôt pour personnes handicapées dans la publication intitulée «Statistiques sur l'impôt des particuliers». Je ne suis pas expert en matière de statistiques mais vous pouvez, bien entendu, demander à des fonctionnaires de l'ADRC quels sont les chiffres exacts. On a reçu environ 450 000 demandes de crédit faites par des particuliers et par des membres de la famille autre que des conjoints. En raison de la façon dont les statistiques sont établies, on ne peut pas faire la distinction entre les demandes de conjoint concernant ce crédit et les crédits non liés à un handicap. Je suis certain que les fonctionnaires de l'ADRC pourraient donner ce renseignement. Pour 1999, en partant du principe qu'il n'y avait pas de changement de définition, le nombre semble avoir augmenté d'environ 8 000. Compte tenu du vieillissement de la population et de la croissance démographique, cela ne représente pratiquement aucune augmentation et cela représente même peut-être une légère diminution. Par conséquent, je ne pense pas que le nombre de demandes ait fortement augmenté.

D'après cette publication, le coût total du programme, que je n'ai pas indiqué dans le mémoire, est d'un peu moins de 2 milliards de dollars; c'est un chiffre qui semble assez élevé mais, étant donné qu'environ 15 p. 100 de la population est atteinte d'un handicap, cela ne représente pas grand-chose quand on répartit cette somme sur le nombre de personnes handicapées. Comme je l'ai déjà expliqué, le maximum, même avec l'augmentation proposée, est d'environ 1 500 $ et ce sont certainement les personnes à revenu élevé qui en bénéficient le plus.

Je crois qu'il est intéressant de signaler également les autres conséquences fiscales de l'admissibilité ou de l'inadmissibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées, parce que les mêmes critères s'appliquent à d'autres demandes de crédit d'impôt. Le montant de la demande au titre des frais de garde d'enfants est plus élevé lorsqu'il s'agit d'un enfant d'un certain âge qui est atteint d'un handicap. En gros, si l'enfant est âgé de plus de sept ans, normalement, le crédit d'impôt maximum pour frais de garde diminue, s'il n'est pas atteint d'un handicap; je crois que c'est logique, puisque cet enfant va à l'école. Il y a toutefois une exception, qui est louable, lorsque l'enfant est atteint d'un handicap mais, pour continuer d'obtenir le crédit maximum, l'enfant doit être admissible au crédit d'impôt pour personnes handicapées. Cette règle désavantage donc les familles ayant un enfant handicapé qui a par exemple besoin de services de garde et de soins prolongés sans toutefois répondre au critère de handicap «grave et prolongé».

Les adultes qui font une demande pour les dépenses en soins auxiliaires encourus au travail ou pour suivre une formation, à la ligne 215, doivent être admissibles au crédit d'impôt pour personnes handicapées et à la réclamation des frais médicaux concernant les soins auxiliaires que j'ai mentionnés tout à l'heure.

En ce qui concerne les autres réclamations, le crédit d'impôt pour personnes handicapées est un des moyens d'expliquer les résultats du concept étrange de «infirme», que je ne comprends pas très bien, étant donné qu'il n'est pas défini dans la loi. Il n'y a pas de formulaire pour cela. Je n'ai jamais bien compris de quoi il s'agissait mais il est toujours employé.

• 1605

J'ai mentionné quelques autres types de réclamations auxquelles le crédit d'impôt pour personnes handicapées est probablement la meilleure façon d'être admissible mais il existe peut-être un autre critère, à savoir les frais des transformations faites dans la maison réclamés dans le crédit pour frais médicaux. L'autre critère est, je pense, que la personne n'a pas un développement physique normal—je pense que c'est ainsi que c'est formulé.

Par conséquent, il ne s'agit pas uniquement de la valeur potentielle intrinsèque de la demande mais aussi d'admissibilité aux autres demandes. On craint que ce soit en fait une interprétation restrictive de la notion de handicap. Elle n'a pas uniquement des répercussions au niveau du régime fiscal mais aussi dans le cadre d'autres programmes, notamment des programmes provinciaux, des programmes d'organismes spéciaux et des programmes fédéraux. Par conséquent, je crois que c'est le message ou le signal de cette décision d'examiner tous les cas, de restreindre l'interprétation du terme «handicapé» ou d'exiger des preuves plus strictes. Cette décision n'a pas seulement une incidence sur la valeur intrinsèque de ces demandes mais elle peut avoir des incidences sur de futurs programmes. C'est ce qui préoccupe les membres de notre confrérie.

Je pense donc que ces critères d'admissibilité fonctionnelle ne permettent pas d'avoir des informations plus précises sur la capacité des personnes handicapées d'être indépendantes, d'être plus autonomes, de surmonter leurs handicaps, avec l'aide éventuelle de la technologie. De trop nombreux programmes, y compris celui-ci, s'empressent de supprimer l'aide dont bénéficie une personne sous prétexte qu'elle est parvenue à surmonter certains obstacles. Je crois que c'est le problème fondamental. Il n'est pas juste de pénaliser les individus ou les familles chaque fois qu'ils prennent des initiatives qui aident la personne handicapée à mener une vie plus productive.

Enfin, il y a la question des appels. Les personnes concernées ont certes le droit d'interjeter appel mais, pour la plupart des individus et des familles, c'est une lutte constante. La plupart des personnes ne comprennent pas le droit d'appel. Certaines personnes laissent passer le délai de 90 jours avant de présenter un avis d'opposition. Un des principaux inconvénients, pour les raisons auxquelles Laurie a déjà fait allusion, est que de nombreux médecins sont très réticents à s'impliquer dans un processus d'appel, parce qu'il ne s'agit plus seulement de remplir un formulaire tout simple, mais qu'il leur faudra peut-être remplir un formulaire plus étoffé, voire un rapport complet; le médecin ou tout autre professionnel de la santé est alors confronté à l'option de devoir facturer le patient alors que la valeur maximale n'est que de 1 500 $. Les psychologues ne peuvent pas demander à une personne ayant une difficulté d'apprentissage de payer 3 000 $ pour un rapport, même si cela permettrait d'établir la preuve d'admissibilité. Ça ne leur viendrait probablement pas à l'esprit.

À la Cour de l'impôt, bien que certaines personnes qui ont de la facilité à s'exprimer soient parvenues à se défendre très bien contre le gouvernement, la plupart des personnes trouvent que c'est un obstacle insurmontable et n'essaieront même pas de se défendre elles-mêmes. J'essaie de convaincre les intéressés à tenter leur chance en leur citant deux ou trois cas semblables et en leur disant de foncer, dans l'espoir qu'ils tomberont sur un bon juge. Certains juges semblent beaucoup plus enclins que d'autres à aider les appelants.

Ce sont là les commentaires que j'avais à faire. Nous avions convenu qu'Angelo prendrait la parole après moi.

La présidente: Angelo Nikias.

M. Angelo Nikias: Je suis heureux d'être à nouveau devant le sous-comité que je préfère. En effet, votre sous-comité a manifesté une volonté réelle d'aider les Canadiens handicapés à être mis sur un pied d'égalité avec les autres citoyens. La façon dont vous avez réagi à ce problème-ci en est la preuve.

• 1610

Le sujet de la discussion d'aujourd'hui a déjà été exposé par Laurie et par Harry et, pour gagner du temps, je ne répéterai pas ce qu'ils ont déjà dit. De toute façon, nous vous avons remis un mémoire.

En bref, on demande aux personnes qui reçoivent le crédit d'impôt pour personnes handicapées depuis un certain temps de refaire les démarches pour confirmer leur admissibilité. Nous estimons que c'est parfaitement inutile dans le cas des personnes aveugles et dans celui d'autres personnes ayant des handicaps permanents ou irréversibles. Je vous rappelle que les personnes qui sont entièrement aveugles ou dont le taux de vision est de 20/200 ou moins, c'est-à-dire correspond à la définition légale de la cécité, ne recouvreront probablement pas la vue. Aucun miracle ne s'est produit dans le cas de Jim Derksen ni dans le mien.

Le Dr Ralf Buhrmann, épidémiologiste et ophtalmologue au Eye Institute d'Ottawa, et le Dr Ray LeBlanc, président de la National Coalition For Vision Health, ont dit que les trois principales causes de perte de la vue sont la dégénérescence maculaire liée à l'âge (55 p. 100), la rétinopathie diabétique (8 p. 100) et le glaucome (8 p. 100). Dans tous ces cas, la perte de la vue est irréversible. Selon le Dr Buhrmann, «il est extrêmement rare que des personnes atteintes de cécité envoyées à l'Institut national canadien pour les aveugles (INCA) aient des chances de recouvrer la vue». En fait, depuis 1996, 21 seulement des 100 000 clients de l'INCA ont recouvré un taux de vision suffisant pour être considérés comme des personnes dont la vue est faible plutôt que comme des personnes officiellement aveugles. Il semble inutile et vain de demander à toutes ces personnes d'obtenir et de remplir des certificats pour confirmer leur droit au crédit d'impôt pour personnes handicapées dans le but de détecter le nombre infime de personnes qui auraient éventuellement regagné un taux de vision suffisant pour cesser d'être admissibles.

Cette opération est coûteuse tant pour les personnes concernées que pour le système des services de santé dont la situation financière est déjà très précaire. J'ai expliqué dans mon mémoire ce qu'il en coûte d'obtenir le certificat médical pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées. L'ADRC prétend que l'on peut récupérer ces frais par le biais de la déclaration d'impôt sur le revenu. On ne peut pas récupérer grand-chose. Dans la plupart des cas, on ne peut récupérer qu'environ 7 $. Ça n'en vaut guère la peine.

Les listes d'attente pour voir un ophtalmologue sont très longues en raison de la pénurie de spécialistes. Par conséquent, ce n'est pas très efficace ou utile de renvoyer chez les ophtalmologues des personnes dont l'admissibilité a déjà été reconnue.

• 1615

Nous ne désapprouvons pas que l'on exige de fournir des renseignements la première fois que l'on fait une demande de crédit d'impôt pour personnes handicapées. Il serait également raisonnable de demander des renseignements en cas de découvertes médicales qui augmenteraient les probabilités de recouvrement de la vue. Cela n'a toutefois pas été le cas depuis 20 ou 30 ans. J'ai déjà signalé que très peu de personnes, en fait 21 de nos clients, ont recouvré la vue au cours des cinq dernières années.

L'ADRC affirme qu'elle doit obtenir les renseignements requis dans le cas des personnes qui ont perdu la vue récemment et dans les cas où elle n'a pas beaucoup de renseignements. Cependant, après en avoir parlé avec des fonctionnaires de cette agence, j'ai l'impression qu'ils seraient disposés à prendre les mesures administratives nécessaires pour corriger ce problème. Je tiens à reconnaître publiquement qu'après de nombreux entretiens avec moi, ils acceptent depuis quelques années d'utiliser la carte d'identité de l'INCA comme preuve d'un taux de vision de 20/200 ou moins, étant donné que le formulaire et la carte d'identité de notre organisme sont fondés sur les mêmes critères.

Laurie a déjà parlé de la nécessité d'assouplir les critères d'admissibilité. Il est illogique de remettre l'admissibilité en question pour réduire éventuellement le nombre de personnes qui ont droit à ce crédit. À mon avis, il serait plus important et à la fois plus utile et plus approprié d'assouplir les critères d'admissibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées. Par exemple, en ce qui concerne les aveugles, les personnes qui ne remplissent pas les critères d'admissibilité actuels mais qui ont une perte de vision doivent faire des frais importants à cause de ce handicap. Un tel assouplissement a été recommandé dans le rapport intitulé La volonté d'agir. Nous estimons que le gouvernement devrait axer ses efforts là-dessus au lieu d'agir comme il l'a fait jusqu'à présent.

Nous avons cité dans notre mémoire le cas de Mme B. pour montrer que même si elle ne répond pas à strictement parler aux critères, elle a des frais supplémentaires à cause de sa perte d'acuité visuelle, qu'elle doit jusqu'à présent payer entièrement de sa propre poche. J'estime que c'est injuste. En fait, il faudrait élargir les critères d'admissibilité pour transformer ce crédit d'impôt en crédit remboursable, comme nous l'avons recommandé maintes fois, afin d'aider les Canadiens qui sont handicapés, surtout ceux et celles qui ont de faibles revenus.

Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de présenter ce mémoire. J'estime que cette réévaluation massive n'est nullement fondée pour les raisons suivantes. Nous avons obtenu l'autorisation de quatre aveugles qui reçoivent le crédit d'impôt pour personnes handicapées depuis des années, d'examiner leur dossier à l'ADRC. Nous avons remarqué que trois des quatre dossiers contenaient déjà suffisamment de renseignements, autrement dit la lettre que Laurie a mentionnée était totalement inutile dans leur cas et pourtant, elles l'ont bel et bien reçue.

• 1620

Ce qui me préoccupe encore plus—et je ne suis pas vraiment en mesure de le confirmer—c'est que cette tentative d'obtenir des renseignements supplémentaires peut être due à certaines pratiques de l'ADRC ou du gouvernement qui consistent à détruire de temps en temps les renseignements pour constater, après avoir examiné les dossiers, qu'ils étaient nécessaires. Si cela n'entraînait aucun frais pour les personnes concernées ou pour le système, on pourrait dire que c'est par souci d'économie d'espace que le gouvernement procède ainsi mais, en l'occurrence, une telle façon de procéder entraîne des coûts pour les contribuables et pour le système. Je ne pense pas que ce soit une raison valable pour demander aux intéressés de présenter à nouveau un certificat.

Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir Mme Laurin-Bowie et Mme Cole.

Mme Connie Laurin-Bowie (directrice, Politiques et programmes, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Je suis Connie Laurin-Bowie, de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire et Audrey Cole est ex-membre du conseil d'administration de l'association.

Je crois que je laisserai parler d'abord Audrey, si cela vous convient. Je voudrais toutefois vous expliquer brièvement qui nous sommes. Notre association représente les Canadiens et Canadiennes qui ont des déficiences intellectuelles et leur famille. Je vous expliquerai brièvement le contexte et parlerai de l'admissibilité de ces personnes au crédit d'impôt pour personnes handicapées. Si vous n'y voyez aucun inconvénient, je parlerai également des incidences que pourrait avoir cette formalité supplémentaire pour les familles qui sont déjà aux prises avec beaucoup de tracasseries administratives lorsqu'elles tentent d'obtenir un tant soit peu d'aide.

Allez-y, Audrey.

Mme Audrey Cole: Merci.

C'est une intervention de dernière minute et je n'ai pas eu le temps de préparer un texte à distribuer.

Bien que je sois membre et ex-membre du conseil d'administration de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire (ACIC), j'exprimerai aujourd'hui mes opinions personnelles. En effet, un des membres de ma famille est handicapé et était admissible au crédit depuis 1987, jusqu'à ce que nous recevions la lettre, la semaine dernière. C'était la première fois que je voyais cette lettre, dont d'autres personnes semblaient avoir déjà pris connaissance. Je me pose donc des questions supplémentaires à ce sujet. La lettre est arrivée jeudi dernier et j'ai immédiatement communiqué avec diverses personnes pour savoir s'il s'agissait d'une initiative générale ou si, pour quelque raison inimaginable, notre fils avait été ciblé. J'ai appris que beaucoup de personnes avaient reçu cette lettre.

Je ferai principalement des commentaires sur la lettre proprement dite puis quelques commentaires généraux au sujet d'une attitude générale assez déplorable à l'égard des personnes handicapées, dont cette lettre n'est qu'une preuve supplémentaire, et de la responsabilité des citoyens et des pouvoirs publics. Vous décèlerez sans doute un ton de colère dans mes commentaires, mais je vous assure qu'elle n'est pas feinte.

Lorsque nous avons reçu la lettre jeudi dernier, nous avons été extrêmement choqués, surtout par la phrase que Laurie a lue il y a quelques minutes:

    Après avoir examiné votre dossier, nous estimons que nous n'avons pas suffisamment de renseignements pour vous permettre de continuer à réclamer le crédit d'impôt pour 2001 et les années fiscales suivantes.

Pourquoi? Le dossier de mon fils a-t-il été détruit? Lorsqu'on a accepté de lui accorder le crédit en 1987, l'approbation a été donnée à cause de la permanence du handicap de notre fils et parce qu'en raison de la nature de ce handicap, son autonomie dans les activités courantes est restreinte de façon grave et prolongée, et qu'il a besoin de soins et d'attention. Quels renseignements supplémentaires pourrions-nous donner? L'état de notre fils n'a pas changé. Comme dans le cas de Jim Derksen, aucun miracle ne s'est produit. Notre fils n'a pas soudainement appris à parler ou à subvenir à ses besoins personnels en matière de soins corporels ou d'alimentation. Il est toujours entièrement dépendant des autres. En insinuant qu'il n'a pas fourni des renseignements suffisants, les autorités prennent une décision arbitraire et font preuve d'un manque total de tact et de politesse.

• 1625

Il me semble que les fonctionnaires de l'ADRC qui ont non seulement rédigé cette lettre mais qui en ont approuvé l'envoi ont grand besoin d'une leçon de politesse. Cette lettre est un témoignage criant du type d'attitudes qui constituent sans doute le plus grand handicap auquel doivent faire face les personnes atteintes de déficiences intellectuelles. Elle est la manifestation concrète d'attitudes que ne connaissent que trop bien des familles comme la nôtre et les personnes atteintes d'un handicap. Il semble que certaines attitudes rappellent constamment aux personnes atteintes d'un handicap, et à leur famille, l'apathie sinon le manque de respect de la société à l'égard des personnes handicapées. De telles attitudes touchent profondément les personnes concernées et leur famille.

Être parent est une fonction naturelle pour un être humain. Je suis certaine qu'il y a beaucoup de parents dans cette pièce. Nous avons tendance à aimer nos enfants avec passion. Nous luttons pour assurer leur bien-être. Ces instincts subsistent lorsqu'on a un enfant handicapé. La différence, c'est que la lutte n'a jamais de fin. En fait, nous sommes devenus parents sur le tard. Mon mari a maintenant 83 ans et j'en ai 74, et notre fils a 37 ans.

Depuis 37 ans, nous ne cessons de lutter pour absolument tous les besoins de notre fils. Nous avons dû lutter longuement et avec acharnement pour tout. On sait le genre de réputation que l'on acquiert lorsqu'on doit lutter pour quelque chose comme ça. La pire lutte est toutefois celle que l'on doit mener contre les insultes et la discrimination. En ce qui concerne ma famille, cette lettre a été considérée comme une atteinte de plus à la dignité de notre fils et de notre famille.

Ma famille accepte entièrement ses responsabilités fiscales. Je crois que nous serions très heureux de devoir payer davantage d'impôts parce que ce serait la preuve de revenus plus élevés. Nous n'avons jamais été réticents à payer notre dû. Nous estimons que c'est notre responsabilité. Quelqu'un a dit que le crédit d'impôt n'est pas très utile pour les personnes handicapées ou leur famille qui n'ont pas des revenus suffisants pour payer de l'impôt, mais ce crédit est malgré tout une bonne initiative du gouvernement, et c'est une façon de compenser le fardeau financier injuste qu'elles ont à supporter. Notre famille appréciait beaucoup ce crédit.

Je voudrais vous donner une indication des frais que nous avons. Je n'avais pas pensé que ce crédit ne représentait que 17 p. 100 des frais. Harry nous l'avait pourtant déjà expliqué de nombreuses fois. J'ai de la difficulté à remplir la formule d'impôt sur le revenu chaque année et je le fais sans trop me poser de questions. Harry a toutefois signalé que sous le nouveau régime, cela représenterait environ 1 020 $ pour une famille ayant le revenu familial qu'il a mentionné. Je me demande si l'on cesse jamais de penser à ce que cela représente. Dans le cas d'une famille de parents âgés comme nous, qui ont un enfant de 37 ans ayant besoin de soins constants, cela correspond à peu près à ce que nous coûtent, pour mon mari et moi, deux longues fins de semaine de quatre jours de congé par an maximum. Par conséquent, cela représente, comme vous pouvez le comprendre, une aide très importante. Très peu de parents âgés de 83 ans et de 74 ans avec un fils de 37 ans ont à faire ce que nous faisons avant de pouvoir songer à prendre un congé. En effet, notre fils vit toujours chez nous et nous assumons le plus gros des soins. Cela vous donne donc une idée de l'importance que ce crédit d'impôt représente pour une famille comme la nôtre.

• 1630

Ce crédit ne représente pas des sommes faramineuses pour l'État. Il ne compromet pas richesse du pays—il n'y aurait pas assez de personnes pour mettre le pays en faillite si l'on accordait un crédit semblable à tous les Canadiens. Ce crédit ne représente pas des sommes assez importantes pour que cela pose des problèmes et personnellement, je trouve inadmissible qu'on le conçoive sous cet angle. Nous avons conservé une mentalité de pauvres dans ce domaine. Étant donné la façon dont elle est formulée, on a l'impression que les auteurs de cette lettre soupçonnent les bénéficiaires de ce crédit d'impôt de fraude fiscale et qu'ils veulent par conséquent s'assurer que ce n'est pas le cas. Je trouve que c'est particulièrement choquant.

C'est aussi choquant que l'insinuation étrange qui se dégage du nouveau formulaire dont je n'ai pris connaissance que depuis jeudi. Il s'agit de la partie du formulaire indiquant qu'une incapacité de «assumer ou entreprendre des soins personnels sans surveillance constante»—ce sont les termes employés dans le formulaire—constitue une preuve que la personne est incapable de percevoir, de réfléchir et de se souvenir. Je n'arrive pas à imaginer d'où cette perception peut venir. Bien que mon fils ne soit pas capable de parler, je sais très bien qu'il a beaucoup de perceptions. Les Canadiens et Canadiennes qui ont des personnes handicapées dans leur famille pourraient très bien se passer d'affronts aussi gratuits que celui-là, surtout de la part du gouvernement.

Je reconnais qu'il faut établir des mécanismes de reddition de comptes. Je ne m'y oppose nullement, mais j'estime que cela ne devrait pas se présenter sous la forme d'une lettre comme celle-ci. Cette lettre et la politique dont elle est inspirée, qui semble être uniquement motivée par un souci d'économie, est à notre avis une atteinte inadmissible à la dignité des Canadiens et Canadiennes qui sont handicapés. Le gouvernement s'est engagé à défendre les nobles principes enchâssés dans la Charte des droits et il devrait donc avoir honte du rôle qu'il joue dans cette attaque en règle qui compromet le bien-être de citoyens qui font partie des membres les plus vulnérables et les plus défavorisés de notre société.

Voilà tout ce que j'avais à dire. Je vous remercie.

Mme Connie Laurin-Bowie: Merci, Audrey.

Je crois que c'est précisément de la colère, pour reprendre le terme utilisé par Audrey, que j'ai ressentie lorsque certains de nos membres et d'autres organismes d'aide aux personnes handicapées m'ont appris que cette lettre avait été envoyée et que nous aurions probablement l'occasion de témoigner dans le cadre des audiences tenues par votre comité. J'étais également en colère pour les raisons que d'autres témoins ont citées et aussi pour un autre motif, à savoir que nous nous efforçons depuis quelques années d'améliorer la situation et qu'il est particulièrement frustrant et révoltant d'être forcés de participer à une discussion où l'on a l'impression de devoir se justifier pour conserver les avantages minimes acquis. Je pense que la colère d'Audrey est partagée par les nombreuses familles qui sont visées par cette lettre et qui doivent lutter quotidiennement pour défendre l'aide dérisoire qu'elles reçoivent. Pour les organismes de promotion sociale comme le nôtre, c'est une amère déception de voir que le principal point de contact des Canadiens avec leur gouvernement fédéral est une lettre de Revenu Canada les avisant qu'on les soupçonne de fraude fiscale.

J'ai donc décidé de protester. Nous avons préparé à votre intention un mémoire contenant des informations précises sur le crédit d'impôt pour personnes handicapées et son incidence sur les familles et surtout sur le formulaire où il est question de réfléchir, de percevoir et de se souvenir. Je ne fais généralement pas cela. Je m'occupe de politiques et je vous présente généralement des mémoires sur des questions d'orientation mais, en préparant mon exposé, je me suis posé les questions suivantes: combien de personnes font ceci? Beaucoup de personnes choisissent un thème et font leur exposé sans préparation. J'ai réfléchi à mon exposé pendant le trajet pour venir ici, et j'avais ma carte d'embarquement en main. Mme Bennett nous a révélé son secret en ce qui concerne la préparation des discours; elle nous a dit qu'elle inscrit des notes au verso des cartes d'embarquement. J'ai donc fait la même chose et me suis dit que notre exposé devait contenir des renseignements détaillés sur ce crédit d'impôt et sur notre souhait que les critères d'admissibilité soient assouplis, ainsi que sur son incidence sur les familles, question à laquelle je reviendrai d'ailleurs pour faire le lien.

• 1635

Je reviens toujours au cas de mon amie Val, qui habite à quelques maisons de chez moi. Elle a trois garçons. Elle a mon âge. Elle a un très bon emploi comme dirigeante d'un organisme bénévole international. Son mari a un très bon emploi. Son deuxième fils, Cameron, est autiste. Il ne va pas à l'école avec le mien parce qu'en raison de son handicap, il a beaucoup de besoins et que notre école locale ne veut pas l'aider. Normalement, elle aide les jeunes, mais elle ne veut pas l'accueillir. C'est une lutte quotidienne. Cameron a divers besoins associés à des services et, depuis deux ou trois mois, il manifeste des problèmes comportementaux qui sont particulièrement pénibles pour sa famille. Il est maintenant âgé de sept ans et c'est un adorable petit garçon. Il joue, il regarde des dessins animés, il est très gentil, mais il a beaucoup de besoins.

La situation est telle que Val a dû quitter son emploi il y a un mois et demi. Elle se lève et veille à lui changer ses couches, puis elle le conduit dans son école spéciale. Une camionnette vient le chercher et elle prend cela un jour à la fois. Ses autres enfants ne peuvent pas participer à des activités extérieures parce que les parents n'ont pas d'aide supplémentaire pour s'occuper de Cameron quand ils sont là. Val a un accès restreint à quelques services communautaires mais chaque fois qu'elle demande de l'aide, on lui demande pourquoi elle ne veut pas le placer dans un établissement spécialisé.

Il est question à l'échelle nationale de créer un cadre qui permettrait aux personnes handicapées de devenir des citoyens à part entière. Si l'on continue à retirer les enfants de leur famille, lorsqu'ils seront adultes, ils ne pourront jamais bénéficier des droits civils. On grignote jour après jour la volonté des familles comme celle d'Audrey qui s'occupe de son fils depuis des années. Quand je pense à mon amie Val, dont le fils n'est âgé que de sept ans, je n'ai pas le courage de lui dire qu'elle devra lutter encore pendant des années.

Quand une famille comme celle-là reçoit une lettre du gouvernement fédéral, je décide de venir à Ottawa pour parler de toutes les initiatives importantes qu'il devrait prendre. Ces familles me demandent de réclamer l'aide, les programmes et les services dont elles ont besoin. Le gouvernement fédéral n'assume pas de tels programmes. Ceux-ci relèvent de la compétence des provinces. Je demande donc à ces familles quelles suggestions je pourrais faire au gouvernement fédéral et des personnes comme Val et d'autres me répondent immanquablement de demander pourquoi le gouvernement fédéral prend une telle initiative. Je pense que si la seule intervention fédérale en est une de Revenu Canada consistant à dresser des obstacles supplémentaires, c'est signe que nous avons un gros problème.

Je reviendrai à notre cadre stratégique et le rendrai aussi pratique que possible. Le système fiscal est un mécanisme qui permet au gouvernement d'offrir une aide restreinte aux personnes handicapées et à leur famille. On pourrait leur accorder l'aide dont elles ont besoin en assouplissant le régime fiscal de façon à compenser les frais et à octroyer de l'aide pour couvrir les frais indéfinissables. Nous en avons déjà parlé. J'ai des exemplaires du document de M. Duff que nous avons distribué l'année dernière et l'année précédente et que nous distribuerons à nouveau, étant donné que la plupart des recommandations qu'il contient n'ont pas été mises en oeuvre.

Je tiens à vous remercier pour le travail que vous avez effectué dans ce domaine. Dans le cadre des deux derniers budgets fédéraux, nous avons réalisé d'importants progrès sur le plan fiscal. Le gouvernement a d'autres options à sa disposition pour offrir une aide directe aux personnes handicapées et à leur famille, que ce soit par le biais du système d'assurance-emploi, de la pension d'invalidité du RPC ou d'autres mécanismes analogues.

Je dirais qu'au cours de la prochaine étape, le gouvernement fédéral devrait continuer à instaurer des programmes et à offrir de l'aide au développement communautaire. Nous avons dit que le gouvernement a diverses options à sa disposition pour instaurer quelques mécanismes de soutien de base dans les collectivités et permettre aux familles de mener une vie convenable et satisfaisante.

• 1640

Enfin, je dirais que le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces pour établir des mécanismes d'aide qui permettraient à ces dernières de fournir les services sur place nécessaires aux familles concernées.

Je crois donc que, d'une façon générale, il faut considérer ces trois options comme une possibilité de progrès. Je pense que les enjeux liés au crédit d'impôt pour personnes handicapées sont critiques pour attirer l'attention sur certains problèmes qu'il faut toutefois continuellement rappeler; il semble que nous en soyons réduits à lutter pour défendre les maigres avantages obtenus jusqu'à présent.

La dernière chose dont j'ai parlé à Val lorsque je lui ai dit que je venais à Ottawa, c'est des projets du gouvernement fédéral d'instaurer une stratégie nationale d'emploi pour les personnes handicapées. Je lui ai dit que j'étais sûre que cela la rassurerait. Elle a reconnu que cela la rassurerait de savoir que lorsque Cameron serait enlevé à sa famille, ce contre quoi elle continue de lutter quotidiennement, il aurait accès à une stratégie d'emploi nationale.

Ce n'est pas pour minimiser les efforts du gouvernement en ce qui concerne une stratégie de l'emploi, mais je pense qu'il faut avoir une vue d'ensemble des besoins qu'a une personne handicapée, de sa naissance à la vieillesse, et tenir compte également de ceux des membres de sa famille qui lui viennent en aide.

La présidente: Merci. Le sentiment de frustration est évident. Comme vous le savez, nous essayons de condenser les audiences pour pouvoir trouver des solutions et vous aider de notre mieux à poser des jalons.

Nous allons ouvrir la période des questions avec Mme Dalphond- Guiral.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: Je signale que du fromage et des craquelins seront servis à 17 heures pour éviter que nous ne devenions trop grognons. Nous ferons alors une pause.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je pense que le mot «colère» est insuffisant; on devrait peut-être parler de rage. Puisque ces temps-ci, on entend beaucoup parler de rage au volant, entendre les témoignages de Mme Cole, entendre ce dont vous avez parlé, entendre les trois autres intervenants excite certainement un sentiment de rage bien réel.

Quand on observe, d'un côté, ce que j'appellerai du harcèlement de la part d'une organisation qui s'appelle Revenu Canada, où les fonctionnaires font le boulot qu'on leur demande sans s'y opposer même si cela n'a pas de bon sens, quand, d'un autre côté, on voit des revenus absolument énormes s'accumuler dans la caisse de l'assurance-emploi par dizaines et dizaines de milliards, quand on voit que, hélas, les paradis fiscaux existent toujours mais certainement pas pour les parents d'enfants handicapés, il y a de quoi être en colère.

Je voudrais vous poser une question. Vous y avez fait allusion un peu plus tôt quand vous avez dit qu'il y a des coûts sociaux de rattachés aux problèmes de santé chroniques et sérieux qu'éprouve une personne et qui la handicapent lourdement. Est-ce qu'on ne pourrait pas envisager, dans tous les cas où une famille ou un proche prend en charge cette personne, qu'on lui octroie un salaire?

Je pense que le soutien qu'une personne reçoit de ses proches est nettement préférable au soutien d'une organisation, si bien intentionnée soit-elle. Je me dis que reconnaître la responsabilité assumée par les parents ou par les proches est un devoir de société.

• 1645

Nous sommes une société riche, et je me demande s'il serait pensable d'envisager l'attribution d'un salaire dans un tel cas puisque, quand les personnes sont en institution, les coûts sont énormes. Il existe sûrement des chiffres sur les coûts moyens que cela représente. Il y aurait sûrement moyen d'en arriver à une proposition que la société en général accepterait. Je pense qu'on est plutôt généreux en autant que ça ne vide pas trop nos poches. Mais, de façon générale, je pense que la société canadienne ou québécoise est plutôt généreuse.

J'aimerais connaître votre opinion là-dessus. C'est ma bonne idée de la journée. Je n'en aurai plus d'autre ensuite.

Mme Connie Laurin-Bowie: Est-ce que je peux répondre?

La présidente: Oui.

Mme Connie Laurin-Bowie: Je vais répondre en anglais parce que c'est plus facile pour moi de m'exprimer ainsi.

[Traduction]

En ce qui concerne les familles dont un membre est atteint d'un handicap, surtout si elles ont des enfants, de nombreux mécanismes ont été proposés. Certaines propositions consistent à placer l'enfant parce que l'on pense que ce serait la meilleure solution pour la famille. D'autres consistent à permettre à la mère de rester au foyer. D'autres encore recommandent la création d'une école spéciale ou d'un milieu spécial. D'après ce que nous ont dit sans exception les familles que nous avons consultées, elles veulent pouvoir mener leur vie familiale comme toutes les autres familles. Pour certaines familles, cela implique qu'il leur faudrait des ressources sur lesquelles elles auraient le contrôle pour payer l'aide à domicile au lieu que les fournisseurs de services locaux imposent les services en fonction de certains critères.

Le sujet de plaisanterie dans notre quartier est que certains enfants ont besoin d'espadrilles et le seul endroit où s'adresser pour obtenir du service est le magasin où sont les camionnettes. Nous n'avons pas besoin de camionnettes mais d'espadrilles. Je crois qu'il faut trouver un moyen de procurer aux familles les ressources nécessaires pour avoir le contrôle des services d'aide à domicile et pour pouvoir rester au foyer et mener une vie familiale comme toutes les autres familles. Je crois que c'est aussi une solution plus rentable.

Le cas de chaque famille est très différent, mais au moins une famille nous a dit que si elle avait de l'aide entre le retour de l'école jusqu'à l'heure du coucher tous les jours et pendant quelques heures la fin de semaine, cela coûterait environ 47 000 $ par an alors que le placement dans un établissement de soins résidentiels coûterait 120 000 $. Cette dernière solution n'est pas différente du placement dans une institution ni des pratiques d'autrefois.

Je crois qu'en ce qui concerne les femmes en particulier, la possibilité de toucher un salaire engendrerait d'autres problèmes. Le salaire pour dispenser des soins semble poser des problèmes dans le cas de la plupart des parents. Je crois en effet que leur seul souhait, c'est que l'on tienne compte de leurs frais supplémentaires. Ils auraient alors le choix de garder leur emploi. Je cède la parole à Audrey, si elle désire faire des commentaires à ce sujet également.

Mme Audrey Cole: Je suis entièrement d'accord. Je reste à la maison depuis 37 ans sans toucher de salaire. Nous sommes donc dans une tout autre situation que si j'avais pu continuer à occuper un emploi. Nous aurions touché deux salaires.

Ce n'aurait pas été une solution dans mon cas d'être liée par un salaire. Le fait de toucher un salaire impose des contraintes supplémentaires parce que l'on contracte une obligation à partir de ce moment-là. Ce ne serait pas une solution appropriée dans mon cas. En ce qui concerne notre famille, comme l'a mentionné Connie, la meilleure solution serait un mécanisme qui nous permette d'avoir un contrôle suffisant sur les ressources nécessaires pour subvenir aux divers besoins à mesure qu'ils se présentent, parce que les besoins changent. On ne peut pas indiquer quels seront les besoins pour les 75 prochaines années dans un formulaire. Ce n'est pas ainsi que cela se passe. À mesure que la personne handicapée grandit, se développe, apprend diverses choses et fait diverses expériences, ses besoins changent. Elle n'est pas nécessairement pour autant plus indépendante, mais il faut une certaine latitude et la seule façon de donner cette latitude, c'est de permettre aux familles d'avoir un certain contrôle sur les ressources au lieu de donner ce contrôle à un fournisseur de services. C'est là un tout autre problème en ce qui me concerne et je n'ai pas l'intention d'aborder ce sujet maintenant.

• 1650

M. Harry Beatty: Je voudrais répondre brièvement en ce qui concerne un autre aspect des observations de la députée et des commentaires d'Audrey.

Le régime fiscal est très complexe et couvre de nombreux domaines. On dirait que cette demande de crédit a été, pour une raison ou l'autre, choisie pour faire une vérification. Je ne pense pas que nous soyons au courant de toutes les initiatives de l'ADRC, mais il est évident que de nombreux types de déductions, quoique parfois artificielles, sont considérées comme de la planification fiscale et non comme de l'évasion fiscale. De nombreux riches ne paient pas beaucoup d'impôt et pourtant, l'ADRC semble avoir jeté son dévolu notamment sur ce type de demande, parmi toutes les mesures fiscales qu'elle administre, pour la soumettre à une vérification en règle et même envoyer ce qui est de toute évidence une lettre type. Certaines des personnes mentionnées par Angelo n'auraient certainement pas reçu cette lettre s'il s'était agi de plus qu'une simple révision superficielle des dossiers personnels.

Mme Connie Laurin-Bowie: Un des mécanismes fiscaux utilisés pour régler certains problèmes que j'ai mentionnés, et que vous avez d'ailleurs mentionnés également, si j'ai bien compris, est la déduction pour frais de garde d'enfants qui a été augmentée; de nombreuses familles en ont bénéficié et sont très satisfaites. Cependant, cette déduction s'adresse aux familles qui paient des frais de garde. On n'a encore pris aucune initiative pour aider les familles qui ne sont même pas admissibles à des demandes de crédit d'impôt. Je ne sais pas si d'autres personnes ont abordé la question car je suis arrivée en retard, ce dont je m'excuse.

Si vous me permettez de faire un autre commentaire, je pense que s'il est important de réfléchir à ces trois possibilités d'intervention fédérale et que si l'on arrive à persuader le gouvernement de faire du crédit d'impôt pour personnes handicapées un crédit remboursable—on peut toujours rêver—, il faudrait faire en sorte que les gouvernements provinciaux ne puissent pas déduire ce montant des prestations sociales. Pourquoi les provinces accepteraient-elles une telle initiative? Elles accepteraient si elles étaient en train de discuter d'autres types d'aide et de services avec le gouvernement fédéral. Elles accepteraient si elles savaient que le gouvernement fédéral était disposé à investir dans un système plus élaboré de programmes d'aide et de services. Elles n'accepteraient pas que la discussion porte uniquement sur les possibilités de rendre le crédit remboursable.

Je pense donc qu'il faut avoir une vue d'ensemble, même lorsqu'il s'agit d'un mécanisme précis. Je sais que je m'écarte un peu des questions, mais je pensais aux conséquences de certains de nos commentaires.

La présidente: Wendy.

Mme Wendy Lill: Je vous remercie pour vos commentaires. J'ai deux ou trois questions à poser.

Je voudrais lire une lettre que j'ai reçue et qui, à mon avis, contient des observations qui rejoignent assez les vôtres, Audrey, à quelques nuances près. Il s'agit d'un autre témoignage émouvant. Je ne lirai que deux des paragraphes de cette lettre, puis je ferai quelques commentaires. La personne qui m'a écrit a reçu cette fameuse lettre, dont j'ai un exemplaire sous la main. Je l'ai examinée et j'éprouve le même sentiment de rage que vous. La lettre que cette personne a envoyée à l'ADRC dit notamment:

    Laurel Ann a des déficiences mentales parce qu'elles est atteinte d'hyperthyroïdie. Elle est capable de s'habiller, de manger et de se laver. Elle n'est ni aveugle ni sourde. Elle est capable de travailler à temps partiel dans un poste où elle est encadrée, dans un Subway à Halifax. Elle ne peut pas vivre seule, gérer ses finances, préparer des repas, faire la lessive, faire ses courses, payer ses factures et assumer toutes les autres tâches que nous prenons pour acquis. Elle habite dans un foyer de groupe pour personnes légèrement déficientes où des services d'aide et d'encadrement sont offerts en permanence.

• 1655

    Laurel Ann est très perturbée par des lettres comme la vôtre; elle n'arrive pas à comprendre ce qu'on veut d'elle. Des lettres comme celle que vous avez envoyée le 9 octobre lui causent beaucoup de stress dont elle pourrait se passer. À l'avenir, j'apprécierais que vous m'envoyiez toute lettre qui concerne Laurel Ann.

    Mettez-vous à la place de ses parents [...] pensez-vous qu'un parent dirait que son enfant est handicapé mentalement ou intellectuellement (il n'est plus acceptable de parler d'arriération mentale), si ce n'était pas vrai? C'est la situation la plus pénible que son père et moi ayons jamais eue à affronter. Les personnes qui travaillent avec des adultes atteints de déficiences considéreront sans doute que votre lettre est une forme de harcèlement.

J'ai eu un long entretien avec cette mère. En fait, elle craint fort que si le gouvernement fédéral peut décréter que Laurel Ann n'est pas handicapée, la province ne suive son exemple et ne déforme la définition du terme «handicap». Comme nous le savons, les personnes concernées ne reçoivent qu'une aide minime.

En ce qui concerne vos commentaires sur les besoins, Connie, je dirais que nous avons besoin d'aide fiscale d'une part. Nous avons besoin d'aide par le biais de l'assurance-emploi et nous avons besoin de prestations d'invalidité du RPC. Nous avons besoin d'aide en matière d'emploi et d'aide au développement communautaire. Nous avons besoin de services de soins et de dépannage à domicile. Cette femme, Viola Huntington—elle est très heureuse que je révèle son nom—et tous les parents, comme moi, que je connais, n'ont aucune assurance qu'il y aura des emplois pour leurs enfants, des emplois intéressants. Nous n'avons aucune assurance qu'il y aura des logements communautaires comme ceux que nous connaissons et ce que nous voulons, que l'on offrira des possibilités de loisirs ou que tous les projets dont il est question en matière de droits civils se concrétiseront. Connie, vous avez dit qu'il était question d'un cadre de citoyenneté pour les personnes avec déficiences, mais on avance dans une direction diamétralement opposée; en tout cas, on ne se rapproche certainement pas de cet objectif. Cette lettre est la goutte qui fait déborder le vase.

En fait, on régresse et les personnes avec des déficiences ne sont pas considérées comme des personnes à part entière. Cette lettre n'en est qu'une preuve supplémentaire mais elle est révoltante.

Je poserai maintenant une question parce que c'est pour cela que nous sommes ici, après tout. Bill Young nous a suggéré des questions qui vont au fond des problèmes et j'aimerais vous en poser quelques-unes parce qu'elles nous permettront de recueillir des renseignements supplémentaires. Le comité se doit d'essayer de convaincre le gouvernement de renoncer à cette approche très régressive.

Je voudrais savoir si vous pensez que cette lettre a un effet discriminatoire sur un groupe déterminé de personnes handicapées—à savoir sur les personnes atteintes de déficiences intellectuelles.

Je voudrais savoir quels sont ou quels devraient être les liens entre le crédit d'impôt pour personnes handicapées et le Régime de pensions du Canada et si vous pensez que certaines personnes devraient recevoir un seul des deux.

Je voudrais savoir dans quelle mesure le traitement fiscal à accorder aux personnes handicapées contredit la lettre et l'esprit de À l'unisson et de la stratégie fédérale concernant les personnes handicapées.

M. Laurie Beachell: Je pourrais peut-être essayer de répondre à la question concernant le ciblage injuste d'une catégorie précise des membres de notre communauté. Étant donné que le gouvernement a envoyé de 75 000 à 90 000 lettres, je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense que ce sont toutes les personnes handicapées qui sont visées par le formulaire à remplir. La question «Est-ce que votre patient a la capacité de percevoir, de réfléchir et de se souvenir?» est celle qui est censée permettre de détecter les personnes qui ont des déficiences mentales, celles qui ont des déficiences psychiatriques et celles qui ont des troubles d'apprentissage ou d'autres sortes de déficiences. Je ne crois pas que ce soit suffisant. Plusieurs personnes, surtout des personnes atteintes de déficiences psychiatriques, ont dû contester la définition pour devenir admissibles.

• 1700

Ce sont des cas qui sont renvoyés à la Cour de l'impôt et un de ces cas doit bientôt être renvoyé à la Cour d'appel fédérale. Une décision favorable de la Cour de l'impôt en ce qui concerne la définition de la santé mentale est contestée par Revenu Canada. Revenu Canada fait appel de ce jugement devant la Cour fédérale d'impôt. Nous sommes donc en train d'examiner les possibilités d'intervenir dans cette affaire.

Il est manifeste que des personnes ayant des problèmes de santé mentale, des déficiences psychiatriques ou d'autres types de handicaps sont capables de réfléchir, de percevoir et de se souvenir. Quelle étiquette horrible à attacher à une personne pour décider si elle est admissible et pour reconnaître que son handicap entraîne des frais supplémentaires.

En outre, ce n'est pas la seule mesure fédérale régressive en ce qui concerne les personnes handicapées. La situation s'est améliorée progressivement pendant une trentaine d'années, mais plus depuis cinq ans. Au cours des cinq dernières années, nous n'avons perçu aucun changement positif. Au cours des années 90, nous avons lutté pour obtenir des indemnités mais, depuis quelques années, le gouvernement adopte des mesures régressives. Je voudrais vous en donner une autre preuve.

Le gouvernement du Canada a donné 130 millions de dollars à VIA Rail pour acheter de nouveaux wagons de voyageurs et VIA Rail a acheté des wagons en France, qui sont totalement inaccessibles aux handicapés. Il paraît que c'était une bonne affaire. Pourtant, plusieurs entreprises canadiennes ont une renommée internationale en matière de conception et de fabrication de wagons de voyageurs qui sont totalement accessibles aux handicapés, qui sont achetés par Amtrak et qui sont utilisés aux États-Unis à cause de la Americans with Disabilities Act alors que nous n'avons même pas profité de la technologie canadienne de la société Bombardier. Nous sommes allés acheter des wagons qui étaient mis au rancart depuis cinq ans et qui étaient destinés à la casse. Le seul autre pays qui a soumissionné pour ces wagons est le Maroc. Voilà le genre de wagons que le gouvernement du Canada a jugés suffisants pour nos besoins.

Ce sont des mesures régressives. Ce sont également des mesures régressives que le gouvernement du Canada a prises en 1998 en allongeant la période de contact avec le marché du travail nécessaire pour avoir droit aux prestations d'invalidité dans le cadre du Régime de pensions du Canada et en obligeant les intéressés à remplir un plus grand nombre de conditions pour devenir admissibles.

Je ne milite pas en faveur d'une définition précise du terme «handicap» et je laisserai à Harry et à d'autres personnes le soin de donner plus de précisions à ce sujet. Le système actuel ne sera pas efficace. Il ne faut pas lier le handicap à des critères fondés sur un diagnostic médical; il faudrait qu'il soit plutôt fondé sur les difficultés que rencontrent les personnes concernées dans leur milieu, difficultés qui changent sans cesse.

Par conséquent, je considère effectivement que nous régressons. Ces exigences supplémentaires sont une autre preuve de régression alors que nous comptions faire de nouvelles propositions. En fait, nous voulions proposer de nouvelles visions sur une certaine période; il s'agit des visions énoncées dans le cadre du projet «Vers un nouvel équilibre».

M. Angelo Nikias: Je crois que le rapport intitulé À l'unisson risque de devenir inutile et ce sera à cause de ses auteurs et de ses commanditaires, à cause des deux paliers de gouvernement. Nous nous sommes battus pour qu'il soit amélioré pendant qu'il était en cours d'élaboration. Nous l'avons appuyé parce que nous pensions que c'était un cadre intéressant qui constituait un bon point de départ et pourtant, cette initiative n'a jamais produit de résultats concrets. Que ce rapport reste pertinent ou qu'il ramasse la poussière sur les rayons de la Bibliothèque du Parlement, ou dans quelque autre lieu, cela dépend des gouvernements—dans lesquels je vous inclus.

La présidente: Harry.

M. Harry Beatty: Je crois qu'il serait bon que vous examiniez comment ce formulaire a évolué au cours des dernières années. Laurie a signalé dans son exposé liminaire que la définition indiquée dans la loi n'avait pas changé depuis une dizaine d'années. On pourrait même dire, bien entendu, que cette définition est déjà trop restrictive en soi étant donné que s'occuper de son ménage ou accomplir un travail ne sont pas considérés comme des activités courantes. Cependant, au cours des dernières années, le formulaire a été remanié de sorte que, dans la plupart des cas, ces changements font qu'un médecin a de plus en plus de réticences à signer pour appuyer la demande de son patient ou de sa patiente, même si les critères prévus dans la définition officielle n'ont pas changé; mais le médecin n'a pas lu la loi; c'est le formulaire qu'il lit.

• 1705

La preuve la plus frappante est peut-être la question suivante: «Est-ce que votre patient est capable de marcher?» On dit «sur une distance de 50 mètres en terrain plat». À ce propos, j'ai parfois dit en plaisantant, bien qu'on ne puisse pas dire que de soit une plaisanterie, que l'ADRC semble penser que la terre est plate et d'autres personnes présument que se déplacer un peu signifie monter et descendre des côtes ou monter et descendre des escaliers. Il y a quelques années, la distance qui servait de critère était de 100 mètres mais elle a été remplacée par 50 mètres. Il me semble qu'en remaniant le formulaire, le gouvernement accroît les difficultés d'admissibilité. C'est ce que j'appellerais gouverner de façon subreptice.

L'autre problème est que, du fait que le formulaire contient toutes ces questions, même si l'on accepte le principe—qu'on ne devrait pas accepter à mon avis—que le crédit doit être accordé uniquement aux personnes considérées comme gravement handicapées, il est toujours possible qu'une personne atteinte d'un handicap profond ne réponde pas à tous ces critères. Une autre question est: «Est-ce que votre patient peut percevoir, réfléchir et se souvenir?» Certaines personnes atteintes de troubles psychiatriques profonds sont capables de percevoir, de réfléchir et de se souvenir, et souvent de façon très créatrice. Je sais que des organismes qui prennent la défense de personnes ayant des problèmes de santé mentale vous en parleront.

Certaines personnes, surtout en prenant de l'âge, mais pas toujours, sont touchées par divers handicaps. Il ne s'agit pas toujours d'un problème de santé isolé mais parfois de quatre ou cinq qui ont un effet cumulatif. Autrefois, le médecin pouvait indiquer si, dans l'ensemble, il estimait que la personne était atteinte d'un handicap grave et profond; il pouvait porter un jugement global. Ce n'est plus possible depuis que ce formulaire a été remanié.

C'est donc difficile à éviter. Je pense que le but de ces lettres types réclamant des renseignements supplémentaires est d'obliger les personnes concernées à faire signer le nouveau formulaire par un médecin. La plupart des intéressés n'arriveront peut-être même pas à trouver un médecin disposé à le faire.

Mme Connie Laurin-Bowie: Puis-je faire des commentaires sur votre première question et ajouter une précision aux observations que Laurie et Harry ont faites au sujet du formulaire?

Je suppose que vous voulez savoir si certains groupes sont ciblés. Je pense qu'il est important de mettre le crédit d'impôt pour personnes handicapées en parallèle avec le crédit d'impôt pour frais médicaux. Si vous posez la question aux employés du service des politiques du ministère des Finances, ils vous diront que ces deux mécanismes vont de pair. Il s'agit de se faire rembourser des dépenses. Ce sont des dépenses pures. Le crédit d'impôt pour personnes handicapées vise à compenser des dépenses indéfinissables. En ce qui concerne les personnes atteintes de déficiences mentales et leur famille, on constate que les dépenses sont souvent liées directement aux déficiences ou que c'est du moins la perception de Revenu Canada. On est désavantagé par la façon dont ce crédit est interprété en raison de la conception qu'a Revenu Canada du handicap.

Autrement dit, les personnes atteintes de déficiences intellectuelles et leur famille ont une double contrainte. La plupart des services de soutien que reçoivent ces personnes sont très officieux; il s'agit de soutien familial, d'aide pour les opérations bancaires, etc. On ne peut pas faire de demande de crédit d'impôt pour frais médicaux pour ces services. On continue à se battre pour être admissible au crédit d'impôt pour personnes handicapées. Certains de nos membres essaient de faire adopter une règle décrétant que toutes les personnes atteintes de déficiences intellectuelles devraient être admissibles à ce crédit. Notre association a hésité à faire cette recommandation parce qu'une telle règle ne serait probablement pas avantageuse pour certains de nos membres. Je ne pense pas que ce soit une solution. Nous ne voulons pas une série de définitions différentes aux fins de ce crédit.

• 1710

La présidente: J'ai une question à poser à Harry au sujet de l'évolution du formulaire. Bill vérifiera dans les archives s'il peut trouver des preuves, mais je voudrais pouvoir envoyer la série de formulaires aux médecins qui doivent témoigner pour qu'ils puissent faire des commentaires sur les changements qui y ont été apportés et sur les probabilités qu'ils cochent la case «oui», la case «non», ou la case «peut-être». Je pense que c'est de ce genre de témoignage que nous avons besoin. Je sais ce que c'est de remplir ce genre de formulaire. On a l'impression d'accomplir une fonction quasi judiciaire—sous serment dirais-je, au cas où quelqu'un déciderait de contester le jugement du médecin.

À supposer que l'on cesse de fonder ce formulaire sur des questions d'ordre médical, seriez-vous en mesure de réfléchir au genre de questions, si vous ne l'avez déjà fait, qui seraient beaucoup plus honnêtes? En ce qui concerne un crédit d'impôt pour personnes handicapées, quelles seraient les questions honnêtes à poser? Si vous nous faisiez des suggestions, nous pourrions peut- être les soumettre aux médecins. Nous pourrions leur demander s'ils pensent que telle ou telle question serait plus appropriée que telle ou telle autre. Les personnes atteintes de fibrose kystique ont toujours pensé que respirer devrait faire partie des critères et les personnes qui ont des problèmes de santé mentale pensent que l'aspect récurrent devrait être un critère important. La semaine prochaine, nous entendrons des témoins représentatifs du type de cas que vous avez mentionnés, des personnes dont la condition a évolué.

M. Laurie Beachell: On pourrait peut-être glisser dans le formulaire une phrase commençant par «le but du crédit d'impôt pour personnes handicapées est de compenser les frais supplémentaires dus au handicap. Avez-vous des frais supplémentaires liés à votre handicap?»

La présidente: Très bien.

M. Laurie Beachell: Les membres de notre confrérie ont aussi répondu à certaines questions posées dans le cadre de l'enquête postcensale, des questions plus appropriées que celles de ce formulaire. Ces questions touchaient aux problèmes personnels, aux obstacles auxquels les personnes handicapées sont confrontées, à leurs problèmes et aux frais supplémentaires liés à leur handicap.

La présidente: Si je comprends bien, Laurie, les personnes handicapées n'ont pas été consultées au sujet de ce nouveau formulaire.

M. Laurie Beachell: Le seul organisme qui ait été consulté, à ce que je sache, est l'Association médicale canadienne. C'est du moins ce que m'a dit l'ACDR.

La présidente: Nous attendrons avec impatience la visite de ses représentants.

Wendy, aviez-vous une autre question à poser ou d'autres commentaires à faire? Sinon, je donne la parole à Tony.

Mme Wendy Lill: Il y a la question des frais supplémentaires. Il paraît évident que les intéressés encaissent et que les problèmes ne sont, de ce fait même, pas toujours visibles. Audrey, on pourrait sans doute considérer que vous n'avez pas de frais supplémentaires puisque votre fils vit chez vous. Je ne devrais peut-être pas en parler parce que je n'en suis pas absolument certaine, mais étant donné que votre fils vit avec vous, vous n'avez pas nécessairement des frais supplémentaires si ce n'est que vous n'auriez pas choisi de garder à la maison un fils de 35 ans, que vous auriez fait des choix très différents et que vous auriez eu deux revenus.

Toutes ces considérations sont très éphémères pour le fisc. Quand ce n'est pas visible, on n'en tient pas compte. On voit des milliers de familles qui continuent d'encaisser les coups sans arrêt, que ce soit pour le logement, pour les médicaments ou pour les services de dépannage à domicile. Comme vous l'avez mentionné, cela vous aiderait certainement d'être libres deux fins de semaine par mois.

Mme Audrey Cole: J'ai parlé de deux fins de semaine par an. Pensez à ce que nous coûteraient deux semaines de vacances. Si mon mari et moi voulions aller en vacances pendant deux semaines sans notre fils, où trouverions-nous l'argent nécessaire? Nous ne connaissons pas ce genre de vie. Nous n'avons pas d'aussi longs congés.

Mme Wendy Lill: Comment pourrions-nous, d'après vous, régler cette question des frais supplémentaires étant donné que tout le cadre est en train de changer? Comment faire pour que ces frais supplémentaires soient visibles? Comme on est déjà habitué à encaisser les coups, on ne s'attend plus à ce que le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial assume des responsabilités pour les personnes handicapées. Comment faire dès lors?

• 1715

Mme Connie Laurin-Bowie: On force les gens à quitter le marché du travail. Ce n'est certainement pas ainsi qu'on élargira l'assiette fiscale. De nombreuses familles indiquent qu'un des parents reste à la maison parce qu'il le faut et pas nécessairement parce qu'il faut dispenser des soins toute la journée mais parce que ces personnes doivent continuellement lutter contre tous les systèmes avec lesquels elles sont en contact et parce qu'elles n'arrivent pas à rester sur le marché du travail. On a donc coupé l'accès à des personnes qui auraient pourtant décidé de rester sur le marché du travail.

Je connais par exemple une dame qui vient de recevoir une lettre pour son fils âgé de neuf ans. Son histoire est relatée dans notre mémoire. Alors qu'elle doit déjà faire beaucoup d'efforts pour conserver son emploi, elle vient de recevoir la lettre sur le crédit d'impôt pour personnes handicapées. Les seules options qu'elle a sont de contester cette lettre ou de ne pas en tenir compte, ou alors de quitter son emploi pour passer sa vie à se battre contre Revenu Canada et d'autres organismes. Je crois donc que pour vérifier si la situation entraîne des frais supplémentaires, on pourrait notamment des questions sur les pertes de revenu.

La présidente: Madame Laurin-Bowie, compte tenu de la différence entre un objectif de politique sociale et un objectif de politique fiscale, tous les changements pour lesquels nous luttons, les possibilités, le financement, les appareils et accessoires fonctionnels, etc., créeraient en fin de compte des contribuables. Par conséquent, ne pourrait-on pas invoquer le fait qu'à cause de cette politique, on ne cesse de perdre des contribuables, étant donné que toutes ces personnes doivent quitter leur emploi pour s'occuper de cette tâche importante?

Mme Connie Laurin-Bowie: Est-ce que Sharon Hope Irwin doit comparaître?

La présidente: Nous pensions qu'elle viendrait. Nous avons reçu une lettre d'elle aujourd'hui dans laquelle elle cite trois cas.

Mme Connie Laurin-Bowie: Je pense en effet que l'Institut Roeher et SpecialLink ont fait des travaux à ce sujet. Je ne sais pas à quel titre elle a fait des études, mais elle a quelques chiffres qu'il serait probablement très utile de glisser dans un bref mémoire expliquant de façon claire que cette situation entraîne des pertes d'emplois et par conséquent, de recettes fiscales.

La présidente: Madame Cole.

Mme Audrey Cole: J'ai personnellement deux objections majeures à ce sujet. Ce qui perturbe les familles, c'est que nous connaissons nos enfants, quel que soit leur âge, en fonction de leur personnalité alors qu'on ne peut les décrire qu'en fonction d'une liste de déficiences dont la plus terrible est probablement celle qui provoquera une réaction. C'est horrible de devoir exposer son fils ou sa fille aux regards du public pour pouvoir obtenir le peu d'aide que la société daigne leur accorder. C'est profondément malsain. Alors que toutes les autres personnes peuvent vanter les prouesses de leurs enfants, même en exagérant, on ne nous permet jamais de décrire nos fils et nos filles que sous leurs angles les plus négatifs si nous voulons obtenir de l'aide. C'est un système profondément malsain.

La présidente: À propos de la question de Laurie sur le formulaire, je dirais que cela changerait, comme la plupart des besoins spéciaux.

Mme Audrey Cole: Mais ce coût est aussi une des choses les plus difficiles à évaluer. Je sais qu'au cours des 37 dernières années, cette situation a représenté un coût supplémentaire pour notre famille, mais je ne peux pas l'évaluer.

M. Laurie Beachell: C'est pourquoi deux crédits d'impôt différents sont actuellement prévus. Le crédit d'impôt pour personnes handicapées a pour objet de compenser les frais supplémentaires pour lesquels on ne peut pas présenter des reçus et qui ne sont pas identifiables à maints égards, parce qu'il s'agit notamment de la différence entre mes frais de stationnement à trois blocs de mon lieu de travail et ceux des personnes qui sont obligées de garer leur voiture dans le terrain de stationnement plut coûteux, situé à côté du bureau. Ce sont des choses aussi simples que cela; un handicap entraîne de nombreux autres types de frais supplémentaires.

Certains types de frais liés directement à un handicap permettent d'avoir des reçus. C'est le cas des aides techniques, des appareils, de l'équipement, des services de dépannage, des soins auxiliaires, des services d'interprétation, des services d'aide familiale et autres dépenses analogues. Nous luttons constamment pour pousser Revenu Canada et le ministère des Finances à allonger la liste.

• 1720

La situation devient grotesque lorsqu'il s'agit d'une personne atteinte de sclérose en plaques. Comme nous le savons, la chaleur cause des problèmes à ces personnes; il est donc logique de faire installer la climatisation pour la période des grandes chaleurs de l'été lorsqu'il s'agit d'un cas avancé de sclérose en plaques. Le fisc demande alors quels avantages les autres membres de la famille tirent de l'air climatisé pour savoir quel pourcentage du coût donnerait droit à un crédit remboursable pour la personne handicapée. La famille n'aurait probablement pas fait installer l'air climatisé si cette personne-là n'en avait pas eu besoin. Ainsi, on essaie de répartir le coût sur le nombre de membres de la famille au lieu de se demander ce qui serait le plus logique. Si l'on ne fait pas installer l'air climatisé pour cette personne, elle risque de tomber malade, donc de mobiliser un lit d'hôpital qui coûterait dix fois plus cher que si elle pouvait rester chez elle.

La présidente: Vous dites par conséquent que nous devrions être moins stricts parce que...

M. Laurie Beachell: On n'essaie pas d'en abuser.

La présidente: Bien.

M. Laurie Beachell: On ne souhaite pas s'afficher comme ayant un handicap ou un déficit ou quelque autre problème analogue. On ne veut pas être étiqueté ou devoir rendre visite à son médecin pour obtenir un certificat. Ce n'est pas un système dont on voudrait abuser.

Mme Connie Laurin-Bowie: Un autre exemple, monsieur Beachell—qui vient d'un de vos membres de je ne sais plus où—, est celui du déneigement à Montréal en hiver. Lorsqu'on se déplace en chaise roulante, il faut que quelqu'un vienne faire le déneigement et il faut payer pour ce service. Alors qu'une autre personne peut pelleter elle-même, si l'on se déplace en chaise roulante et que l'on doit aller au travail, il est probable que l'on doive payer pour ce service. Par conséquent, cela représente des frais supplémentaires liés au handicap dont on souffre. Le fisc n'acceptera jamais une déduction de ces frais sous le régime actuel.

La présidente: Harry Beatty.

M. Harry Beatty: J'aurais voulu avoir eu un contact personnel avec la personne dont je vais maintenant parler parce que je ne peux le faire que d'une façon très générale. C'est une personne qui a un très gros handicap. Cela ne fait aucun doute. Cette personne a constaté, après avoir pris un emploi à plein temps, qu'en plus de ne plus recevoir de prestations d'aide sociale, elle n'avait plus droit à certains services de santé ni à certains services d'aide aux personnes handicapées. Comme elle n'avait pas les moyens de se les payer, elle a dû se trouver un deuxième emploi. Je pense aux commentaires d'Audrey et je signale que ce ne sont pas uniquement les familles qui doivent décrire leurs membres sous un angle négatif. Cette personne, qui a deux emplois, a besoin de divers programmes et elle doit se définir comme une personne incapable pour y avoir accès.

De nombreux membres de notre collectivité ont visiblement un très vif désir de travailler. J'ai parlé à plusieurs personnes qui ont reçu cette lettre, qui ont un emploi et pour lesquelles ce crédit représente une aide importante. Ces personnes doivent maintenant faire face à ces difficultés supplémentaires et elles éprouvent le même sentiment de colère qu'Audrey, à propos de sa famille et de son fils. On a l'impression que toute l'aide qu'on reçoit du gouvernement fédéral, c'est une lettre insinuant que l'on n'est pas du tout handicapé. Pourtant, cette lettre a été adressée à des personnes auxquelles on disait depuis des années qu'elles ne pouvaient pas occuper un emploi parce qu'elles étaient handicapées. Elles ont fini par en trouver un, mais voilà qu'elles reçoivent cette lettre du gouvernement du Canada. Ce geste a une valeur symbolique. C'est un affront qui, aux yeux des intéressés, va bien au-delà des considérations strictement financières.

La présidente: Tony.

M. Tony Tirabassi: Merci, madame la présidente.

Je tiens à remercier les témoins ainsi que mes collègues qui ont eu tout le temps de poser des questions très pertinentes, analogues à celles que je voulais poser, mais c'est très bien ainsi.

• 1725

Je suis un des nouveaux députés et c'est moi qui ai voulu faire partie de ce comité-ci. Ma famille a eu la chance de n'avoir aucun membre atteint d'un handicap. Cependant, un très bon ami de la famille qui a travaillé dans une papeterie a eu un accident en 1961. Il a eu l'oeil blessé par un éclat de métal et depuis lors, il est aveugle au sens de la loi. Il a tenté l'impossible et a demandé de l'aide à l'INCA. Il a suivi des cours de formation et des cours de lecture. C'est toujours un très bon ami de la famille. Nous avons encore cassé la croûte ensemble pas plus tard que la semaine dernière. Avant que je ne sois député, j'ai eu l'occasion d'avoir comme collègue un homme qui avait deux enfants en pleine santé mais dont le troisième, Evan, est autiste. Evan est maintenant âgé de huit ans.

Ce genre de problèmes nous touchent donc de près. Une autre de mes amies qui élève seule un jeune enfant a eu un jour un accident de la route en rentrant du travail. Sa voiture a été projetée contre un arbre par une autre voiture qui l'avait frappée à l'arrière. Toutes les questions financières sont réglées, mais elle a un traumatisme crânien profond pour le reste de sa vie et doit essayer malgré tout d'élever son enfant.

J'ai donc gardé des contacts avec des personnes handicapées et elles me donnent leurs opinions. Je me suis dit que je me ferais un plaisir de les aider si mes fonctions me le permettaient.

À propos de cette lettre, par pure coïncidence, un monsieur auquel j'avais donné rendez-vous à mon bureau la semaine dernière est entré avec la lettre en question en main. Cet homme a des déficiences physiques et il m'a dit qu'il avait aussi diverses maladies mentales et que le fait de recevoir une lettre comme celle-là... Cet homme avait déjà été éconduit chez un médecin. Il se sentait très frustré. J'ai jeté un coup d'oeil sur la lettre dont j'ai justement reçu un exemplaire ici aujourd'hui. Cette lettre est effectivement très négative. Cet homme se sentait menacé en apprenant que la situation allait changer. Nous avons pu régler son cas, mais son médecin exigeait 150 $ pour remplir ce formulaire. Je croyais avoir entendu 50 $, mais il s'agissait bien de 150 $. Ce n'est pas le genre d'intervention qu'un député peut faire régulièrement, mais j'espère que mes collaborateurs pourront faire quelque chose pour convaincre ce médecin d'être plus raisonnable.

Tous ces cas-là me permettent d'avoir un bon aperçu du genre de situation que doivent supporter les personnes handicapées. Lorsque j'étais en politique municipale—et j'ai aussi travaillé pour des organismes bénévoles—si quelqu'un venait parler de ses maux devant le conseil local, on pouvait appeler immédiatement ses employés, même si aucun d'entre eux n'avait une formation médicale, pour leur demander d'appeler cette personne, de la réconforter pendant deux ou trois jours et d'examiner son problème. Nous pouvions réagir de la sorte. Dans un organisme bénévole, si l'on organisait un camp et que l'on savait d'avance que certaines personnes n'avaient pas les moyens d'y participer, on pouvait probablement aller trouver le dirigeant de l'organisme pour lui dire qu'il fallait absolument permettre à ces enfants de participer au camp, même s'il fallait forcer la main aux autres membres du conseil d'administration.

Quand on arrive ici, on croit qu'on peut toujours avoir des contacts faciles mais ça n'est pas le cas. C'est le genre de sentiment de frustration que je ressens. Je tiens à ce que vous le sachiez. J'estimais important de vous parler des contacts que j'ai eus au cours de ma carrière précédente qui me permettaient de venir en aide aux gens.

Je ne suis donc pas particulièrement heureux de voir cette lettre. J'espère que nous pourrons régler ce problème. Si vous étiez à ma place, que considéreriez-vous comme l'aide la plus efficace? Quelle serait la meilleure solution ou le minimum que l'on pourrait faire? Je sais que c'est une question piégée.

• 1730

M. Laurie Beachell: D'après notre expérience collective, il y a quelques possibilités de faire progresser notre cause. Je crois sincèrement, et c'est précisément à ce niveau-là que vous pouvez jouer un rôle important, que nous avons besoin de membres du gouvernement pour défendre notre cause dans le cadre des réunions du caucus et des réunions de comités et demander quelle incidence la politique à l'étude aura sur les personnes handicapées. Quand vous examinez un programme d'action pour les enfants et envisagez d'instaurer une prestation nationale pour enfants, tenez-vous tenu compte des enfants handicapés dans vos discussions pour vous assurer que les nouvelles politiques répondent également à leurs besoins? Nous avons besoin que des députés se fassent les champions de notre cause. Votre comité a accompli des tâches importantes et nous savons que la plupart d'entre vous ont déjà défendu notre cause individuellement. En fait, tout allait bien tant que Walter Dinsdale, Neil Young, M. Halliday, Lloyd Axworthy et d'autres députés intervenaient en faveur des personnes handicapées. Leurs interventions ont été utiles. Nous voulons donc être certains que lorsque le ministre des Transports parlera d'acheter de nouveaux wagons de voyageurs, quelqu'un lui demandera, pas seulement un membre de notre communauté, mais aussi un ou une de ses collègues du parti, si ces wagons seront accessibles aux personnes handicapées. Le ministre prendra ses engagements à ce moment-là et, par conséquent, nous n'aurons pas à déposer des plaintes ni à contester la décision une fois qu'elle a été prise. C'est le genre d'intervention qui fait progresser notre cause.

Si nous avons une priorité, c'est d'améliorer les programmes de soutien dont Audrey et sa famille ont besoin. La priorité est dans le domaine de l'aide aux personnes handicapées. C'est possible dans le contexte du rapport intitulé À l'unisson, des discussions fédérales-provinciales et de quelques initiatives nouvelles.

Vous avez eu l'occasion—et je m'écarte quelque peu du sujet de l'influence directe sur les personnes concernées—d'examiner les possibilités que l'Entente-cadre sur l'union sociale entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux fasse progresser la cause des enfants, des personnes handicapées, des pauvres, etc. C'est le mécanisme sur lequel la plupart d'entre nous comptaient beaucoup, parce que les gouvernements, y compris celui du Québec, s'étaient engagés à accorder la priorité aux enfants vivant dans la pauvreté et aux personnes handicapées. Trois ans après avoir pris cet engagement, vous avez l'occasion de faire un bilan et de voir si la situation s'est vraiment améliorée ou s'il faut en faire encore plus.

Votre frustration est la même que celle que nous éprouvons en ce qui concerne le gouvernement fédéral et n'est pas nécessairement le propre de tel ou tel organisme. Le gouvernement fédéral a délégué sa compétence dans un si grand nombre de domaines—aucune norme, rien que du financement global et le marché du travail qui relève maintenant entièrement de la compétence des provinces—qu'il n'est plus dans le coup. Comment peut-on avoir une influence sur les collectivités locales quand on n'est plus aux commandes? S'il s'agit d'une collaboration accrue entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, les citoyens canadiens se préoccupent peu de savoir qui intervient, pourvu que l'on agisse. Peu nous importe que ce soit le gouvernement de l'Alberta ou le gouvernement fédéral, mais il faut que quelqu'un nous prête main- forte pour que la situation s'améliore. C'est l'argent de nos impôts qu'un gouvernement perçoit et que l'autre dépense. Il faut donc trouver une possibilité de collaborer pour adopter une vision et des objectifs communs. Voilà ce que nous attendons du gouvernement. Le gouvernement du Canada doit avoir une vision en ce qui concerne ce programme d'action sociale.

J'ai passé deux jours à Mont-Tremblant avec 60 autres dirigeants d'organismes bénévoles à discuter d'un nouveau plan d'action de développement social au Canada et ce que nous avons trouvé le plus frustrant, ce sont les tractations entre les divers paliers de gouvernement quant à savoir qui assumera les responsabilités. Les citoyens s'en fichent pas mal. Ce que nous voulons, c'est avoir des droits de citoyenneté.

Mme Connie Laurin-Bowie: Puis-je faire trois suggestions—j'aime grouper les choses par trois?

• 1735

La première concerne ce à quoi nous travaillons et ce dont Laurie parle depuis quelques années, à savoir que nous avons besoin d'un cadre d'action qui permette de faire progresser notre cause. Il serait très intéressant de prévoir dans le prochain budget une initiative indiquant que le gouvernement fédéral collabore activement avec les provinces à l'élaboration d'un plan d'action concernant les personnes handicapées. Les fonds nécessaires au financement de ce plan pourraient être octroyés dans deux ou trois ans seulement mais le fait que ce soit prévu au budget serait en soi très intéressant pour nous car cela nous permettrait de faire progresser notre cause. C'est ma première suggestion et je crois que, dans notre milieu, on a déjà examiné les politiques sur lesquelles devrait reposer une telle stratégie.

La deuxième suggestion concerne un langage de communication. Un organisme national comme le nôtre et un député fédéral sont confrontés aux mêmes difficultés, à savoir comment transformer les travaux préparatoires en politiques concrètes, s'il convient de régler le problème le biais de la politique sur l'assurance-emploi, de celle sur les transports ou de la politique fiscale; il faut que ce soit traduit dans un langage que comprendront les membres de la collectivité, c'est-à-dire les électeurs. Nous venons de nous rendre compte de l'ampleur de ce défi. Il est non seulement important de déterminer nos objectifs stratégiques, mais il faut aussi trouver un langage de communication qui permette aux membres de la collectivité de considérer que le gouvernement fédéral et que les députés sont associés à ce dialogue. Je ne sais pas exactement quel langage conviendrait, mais je crois que celui de la citoyenneté est un langage que nous avons utilisé dans notre milieu. Je ne sais pas très bien comment traduire ce langage en quelque chose qui colle de plus près à la réalité quotidienne des membres de la collectivité, mais nous étudions la question. Je pense que le langage de communication a une importance capitale.

Je crois que vous auriez plus de facilité à élaborer ce langage si des documents comme le discours du Trône, le budget ou d'autres documents analogues contenaient des instructions indiquant que le gouvernement du Canada s'engage à essayer de résoudre les problèmes touchant les personnes handicapées et leur famille dans plusieurs domaines précis.

Enfin, à l'échelle locale, ce qu'on nous a dit, surtout les jeunes familles avec lesquelles nous collaborons, c'est qu'elles n'ont accès à absolument aucun lieu, comme un hôtel de ville, pour organiser des assemblées du type «tables rondes» pour se tenir mutuellement au courant de leurs problèmes. Elles ont un seul type de mécanisme à leur disposition; elles vont au centre récréatif ou participent au genre de camps que vous avez mentionnés, mais elles sont livrées à elles-mêmes. Elles luttent toujours seules. Elles luttent contre le crédit d'impôt pour personnes handicapées, contre l'administration locale ou le gouvernement provincial pour obtenir tel ou tel service ou contre leur commission scolaire, mais elles sont toujours seules dans leur lutte.

Il est toujours extrêmement utile qu'un député prenne l'initiative de réunir quelques-unes de ces personnes à l'échelle locale. Cela les aide à exprimer plus clairement les problèmes qui se posent localement. Cela leur donne un lieu où elles peuvent se communiquer des renseignements sur les services accessibles. C'est le genre d'initiative que les familles prennent généralement elles- mêmes mais, dans la plupart des cas, elles sont déjà tellement occupées par tous les combats qu'elles doivent mener qu'elles ont beaucoup de difficulté à prendre de telles initiatives. Plusieurs députés ont d'ailleurs pris l'initiative d'offrir de telles possibilités de se réunir qui sont extrêmement utiles. Voilà donc une initiative concrète dont les avantages ne font que commencer à se manifester.

La présidente: Angelo, puis Harry.

M. Angelo Nikias: Cette question n'a pas été abordée hier. Elle est intéressante. En ce qui concerne celles que nous avons abordées, je dirais qu'on pourrait d'abord essayer de convaincre l'ADRC de revenir sur sa décision.

Il ne faut pas perdre l'objectif principal de vue mais votre question est une source de pessimisme en ce qui me concerne étant donné que vous êtes député et moi pas. J'apprécie votre sincérité, mais je ne sais pas très bien comment vous pourriez vous y prendre pour changer la situation. Je crois que notre pays va à la dérive. Je me tourne vers les députés et les membres du parti au pouvoir pour voir s'ils sont disposés à prendre l'initiative politique de demander des comptes au gouvernement au sujet des divers rapports que nous avons élaborés ensemble. C'est là que le bât blesse. On fait de nombreux rapports mais on ne passe pas aux actes.

Je ne suis pas de nature cynique mais si...

Des voix: Oh, oh!

M. Angelo Nikias: Non. Le fait que je sois ici le prouve. Ce qui manque actuellement au Canada, c'est une politique globale concernant les personnes handicapées. Quelques initiatives isolées ont été prises ça et là, et encore, elles ne sont pas toutes positives, comme le prouve celle dont il est question aujourd'hui. Aucune politique globale n'a été établie mais un grand nombre de vagues engagements ont été pris. C'est là que réside le problème. On reste dans les généralités mais on ne s'attaque pas vraiment à des questions précises qui permettraient de joindre le geste à la parole.

• 1740

Nous n'avons même pas de cadre global. Le rapport intitulé À l'unisson que nous avons mentionné tout à l'heure pourrait servir de cadre mais il a été de toute façon mis plus au moins au rancart. Le gouvernement fédéral n'a pas adopté de stratégie globale au sujet des problèmes des personnes handicapées. On parle donc de façon très générale et on agit de façon fragmentée mais on n'adopte pas de mesures assez concrètes. Je pense que c'est cela qu'il faut changer. Nous devons cesser de parler dans le vague. Il faudrait avoir une vision et, dans le contexte de cette vision, proposer des initiatives précises, réalisables dans un délai d'un an ou deux, voire de trois à cinq ans, selon les possibilités que nous laisse la situation économique.

M. Harry Beatty: Je reviens aux commentaires que j'ai faits tout à l'heure à propos du formulaire et à d'autres sujets. J'estime qu'il est important de comparer ce que cela donne par rapport aux opinions de diverses personnes sur les déficiences. Je ne parle pas uniquement des opinions des avocats et des professionnels de la santé car bien des personnes avec des déficiences et leur famille y ont pensé pendant des années, ont vécu cette situation pendant des années, et ont des opinions très intéressantes à exprimer à ce sujet.

En ce qui concerne plus particulièrement le crédit d'impôt pour personnes handicapées, je me souviens que dans les années 90, il existait une brochure verte destinée aux médecins. Elle n'était pas parfaite et elle faisait peut-être une distinction aux mauvais endroits en ce qui concerne certaines déficiences, mais je pense que l'on avait fait davantage d'efforts pour essayer de déterminer ce qui pouvait être considéré comme un handicap profond ou grave. Alors que le médecin est en fait le protecteur légal, en plus de fournir des renseignements sur les handicaps de son patient, j'ai entendu parler de cas, comme certains d'entre vous, je présume, où les relations entre le patient et son médecin se sont détériorées à cause d'une divergence d'opinions au sujet de ce crédit d'impôt. Je vois régulièrement des personnes qui estiment qu'elles devraient être admissibles ou que leurs enfants devraient l'être mais dont le médecin refuse de remplir le formulaire. Elles ont besoin de ce médecin car ses services sont importants pour elles et, par conséquent, elles n'insistent pas. Je crois qu'il est injuste d'exiger que l'on soit légalement tributaire du jugement d'un médecin et que cela envenime les relations entre le médecin et son patient.

La présidente: Monsieur Beatty, je pense que l'on avait envisagé la même possibilité dans d'autres domaines, notamment en ce qui concerne le permis de conduire. On avait jugé que ce serait une très mauvaise idée d'exiger que le médecin de famille porte un jugement entraînant le retrait du permis de conduire. Les relations interpersonnelles facilitent parfois les choses, étant donné que c'est dans l'intérêt des personnes concernées mais, comme vous le mentionnez, elles sont parfois une source de conflits qui entraînent parfois une détérioration des soins dispensés à un patient, ce qui est tragique.

Je crois que ce rôle de protecteur des médecins est très intéressant parce que, si l'on avait un jeu complet d'outils à sa disposition, ce qui, d'après vous, manque... On prend une initiative par-ci, par-là, et on obtient finalement des résultats désastreux; la personne concernée n'arrive pas à subvenir à ses besoins à cause d'un manque d'homogénéité dans les définitions. Ce n'est pas cette fonction linéaire que représente ce formulaire. Plus je l'examine, et plus il me déplaît. Je pense que les représentants du milieu de la santé mentale nous diront la semaine prochaine que l'on oblige pratiquement les médecins à se contredire à divers endroits du formulaire.

• 1745

Je crois que la suggestion de Laurie est excellente. Vous n'êtes pas sans savoir que le gouvernement est plutôt maladroit face aux problèmes. Il est beaucoup plus efficace lorsqu'il s'agit d'appliquer des solutions. Donc, si nous pouvons proposer un texte ou une solution à ce problème, nous... Nous présumons que vous suivrez nos délibérations la semaine prochaine et la semaine suivante, quand nous questionnerons les médecins et, si vous vous rendez compte alors que vous avez d'autres renseignements à nous communiquer, je sais que vous appellerez Bill, que vous nous enverrez une lettre ou que vous ferez tout ce qu'il faut pour nous aider à régler ce problème dans le peu de temps dont nous disposons.

M. Laurie Beachell: Si les fonctionnaires du ministère des Finances et de Revenu Canada avaient consulté les représentants de notre communauté avant d'envoyer les lettres et de remanier le formulaire, au lieu de consulter uniquement l'association médicale, s'ils... Angelo est parvenu à négocier une entente avec eux au cours des derniers jours, mais c'est après que l'on ait été mis devant le fait accompli. Ces fonctionnaires auraient pu venir à l'INCA il y a trois mois pour dire qu'ils avaient besoin de renseignements supplémentaires et montrer ceux qu'ils avaient dans leurs dossiers; l'INCA leur aurait donné son opinion. Ils auraient pu également nous consulter. Ils auraient pu consulter également l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Nous sommes toujours prêts à donner notre avis.

Lorsque j'ai demandé à l'ADRC ce qu'était devenu le comité consultatif—qui a disparu vers 1996-1997—, on m'a répondu que c'était notre collectivité qui avait décidé de mettre un terme à ses activités parce qu'elle trouvait que les consultations étaient trop fréquentes. C'était à peu près à la même époque que celle où le groupe de travail Scott a été créé et c'est peut-être vrai car on nous consultait effectivement très souvent. Je ne m'en souviens pas et pourtant, je milite dans ce milieu depuis longtemps. Dans ce genre de cas, on pourrait réunir rapidement trois ou quatre membres de la collectivité qui s'y connaissent et qui pourraient suggérer une approche plus délicate à l'ADRC ou au ministère des Finances. Nous ne sommes pas contre les vérifications associées aux programmes ni contre les mécanismes de reddition de comptes qui ont pour but de s'assurer que les programmes sont efficaces, mais une lettre comme celle-ci éveille des doutes.

La présidente: J'ai deux questions à poser.

Monsieur Nikias, d'après les discussions que vous avez eues au cours des deux derniers jours, savez-vous si le ministère du Développement des ressources humaines a joué un rôle dans la décision d'envoyer les lettres, ou s'il a été consulté au sujet du formulaire relatif au crédit d'impôt pour personnes handicapées, par exemple?

M. Angelo Nikias: Je dois peser mes mots parce qu'aucun des fonctionnaires de DRHC auxquels j'ai eu affaire n'a dit être au courant de cette lettre avant que je n'en parle. C'est probablement la preuve que le gouvernement n'a pas adopté une approche ou une stratégie intégrée. Ils étaient peut-être au courant mais je l'ignore. J'ai l'impression qu'ils ne l'étaient pas. Je crois que j'étais parfois même mieux renseigné qu'eux.

M. Laurie Beachell: Lorsque je lui en ai parlé, le directeur des Politiques du Bureau de la condition des personnes handicapées m'a dit qu'il n'était pas au courant de cette affaire. Les employés du cabinet de la ministre Stewart m'ont dit qu'ils n'étaient pas au courant non plus. Les responsables des politiques sociales du Cabinet du premier ministre m'ont dit la même chose.

La présidente: J'ai deux questions à poser à Harry.

Est-ce que la Loi de l'impôt sur le revenu permet à l'ADRC de consulter DRHC au sujet des critères d'admissibilité ou de toute autre question analogue, c'est-à-dire de consulter les personnes qui sont censées être au courant de ces questions ou des conseillers en politiques?

La deuxième question est une question que je meurs d'impatience de poser depuis le début des audiences. Si l'on vous envoie une lettre signalant qu'on ne possède pas les renseignements nécessaires à votre sujet, alors que ceux-ci se trouvent dans votre dossier et que divers documents officiels peuvent le confirmer, est-ce que vous considéreriez cela comme du harcèlement? À quoi s'exposent les responsables de l'envoi d'une telle lettre?

• 1750

M. Harry Beatty: Une réponse est, bien entendu, que les fonctionnaires ont toujours prévu des clauses générales qui les mettent à l'abri de toute responsabilité. Je suppose qu'ils répondraient qu'il s'agit seulement d'un examen de dossier. Ils se justifieraient en disant que certaines personnes ne sont peut-être plus admissibles. Comme je l'ai mentionné, je crois que le but de cette initiative est d'exiger que les personnes handicapées incitent leur médecin ou un autre professionnel de la santé à remplir le nouveau formulaire plus restrictif. Je pense donc que le libellé de cette lettre est mensonger. Est-ce du harcèlement? Eh bien...

La présidente: La loi n'a pas été modifiée du tout. Les règlements n'ont pas changé non plus.

M. Harry Beatty: Si.

La présidente: Ce n'est que le formulaire qui a changé. Est-ce bien cela? Donc, la personne qui était admissible aux termes de la loi l'est toujours. C'est précisément cela qui nous intrigue.

M. Harry Beatty: Je ne pense pas que cette lettre ait été envoyée dans le but de harceler. Je dirais que le but de cette lettre est de faire diminuer le nombre de demandes. Cependant, les personnes qui la reçoivent la considèrent comme du harcèlement, s'il est évident qu'elles sont admissibles.

À propos de votre première question, je ne pense pas que les possibilités de consultation entre divers ministères ou organismes gouvernementaux soient restreintes de quelque façon que ce soit. J'ai l'impression qu'étant donné que ce sont des professionnels du milieu de la santé qui administrent ce programme, il y a un chevauchement important avec les activités des fonctionnaires de DRHC. Je ne sais pas exactement ce qui se passe en ce qui concerne le RPC. Il semble que les fonctionnaires responsables de ce régime adoptent la même attitude, même s'il ne s'agit pas à proprement parler des mêmes personnes. On dirait qu'ils ne comprennent pas la conception actuelle que l'on a des handicaps.

La présidente: Il est indiqué dans le rapport Duff que le fisc peut consulter le ministère du Développement des ressources humaines. Je suppose que ce qui nous préoccupe, c'est toujours ce manque d'homogénéité dans les définitions qui pose de nombreux problèmes.

Madame Cole, puis madame Laurin-Bowie.

Mme Audrey Cole: Bien qu'il n'y avait pas beaucoup d'informations à fournir, c'était exactement le cas en ce qui concernait mon fils, en 1987. Si ces renseignements n'étaient plus dans son dossier, pourquoi nous avait-on assuré, six ou sept mois plus tôt, quand nous avions rempli nos déclarations d'impôt, que nous n'avions plus besoin de présenter de demande? Pourquoi l'ADRC nous avait-elle assuré, il y a six mois, qu'elle possédait les renseignements nécessaires alors qu'elle affirme maintenant ne pas les avoir? C'est ce que je n'arrive pas à comprendre.

En ce qui concerne ce qu'un député pourrait faire, j'aimerais beaucoup, qu'avec l'aide de nombreux collègues, il incite le gouvernement à reconnaître que cette lettre est insultante. Elle n'a pour ainsi dire rien à voir avec le sujet. J'en suis convaincue. Si vous voulez absolument régler cette question, trouvez une autre façon de procéder. Je pense sincèrement que le gouvernement doit des excuses aux personnes concernées.

La présidente: Madame Dalphond-Guiral.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Est-ce que le comité pourrait écrire à Revenu Canada au sujet de cette lettre et lui faire part de ce qu'on a entendu aujourd'hui? Ils seront bien obligés de nous répondre. On a dégagé des interrogations très claires qui peuvent être incluses dans la lettre.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, madame la présidente. Je crois que c'est une chose à faire.

La présidente: Absolument.

[Traduction]

Ces personnes ont participé à nos audiences mais je trouve qu'il faudrait peut-être envoyer une lettre à Revenu Canada pour le mettre au courant du témoignage éloquent d'Audrey Cole et des autres témoins. J'espère que les fonctionnaires de Revenu Canada liront le hansard et qu'ils prendront des mesures en conséquence. Je suis certaine qu'ils le feront. J'espère également que d'autres personnes se chargeront de cette affaire entre-temps.

• 1755

M. Laurie Beachell: Je voudrais attirer votre attention sur une autre phase de cette lettre qui éveille nos soupçons quant aux motivations de ses auteurs.

    Nous signalons que cet examen ne concerne pas les demandes de crédit d'impôt pour personnes handicapées que nous avons approuvées pour l'an 2000 et pour les années antérieures.

En 1996 et 1997, l'examen qui avait été effectué était rétroactif et les personnes qui étaient disqualifiées ne l'étaient pas seulement pour l'année suivante, mais elles ont dû rembourser les montants qu'elles avaient reçus pour les années antérieures. Une dizaine de milliers de personnes ont été jugées inadmissibles dans le cadre de cet examen qui avait un effet rétroactif. La stratégie utilisée actuellement semble plus intelligente étant donné qu'elle consiste à exiger uniquement des renseignements supplémentaires pour rester admissible et que l'on a la garantie que, si l'on est jugé inadmissible, le fisc n'exigera pas de remboursement. Le ministère a appris en 1996 qu'il était impossible d'obtenir un remboursement. La rétroactivité des décisions avait eu des conséquences terribles pour les personnes concernées. Le ministère a donc appris une leçon politique et cette lettre en témoigne. Étant donné la façon dont elle est rédigée, les personnes concernées se disent que si elles sont considérées comme inadmissibles, le ministère n'exigera pas de remboursement pour les années antérieures mais qu'il se contentera de n'accorder aucun crédit pour l'année suivante.

La présidente: Compte tenu de tout le travail qu'une telle lettre doit représenter sur le plan administratif, pensez-vous que certaines personnes obtiennent un crédit d'impôt pour personnes handicapées alors qu'elles ne devraient normalement pas y avoir droit?

M. Laurie Beachell: Non. Nous n'en avons aucune preuve.

La présidente: Vous n'en avez donc aucune preuve. Par contre, certaines rumeurs courent au sujet des prestations d'invalidité du RPC et de certains autres programmes. Tout comme les enseignants, les autres citoyens ont tendance à commérer et à faire circuler des bruits en feignant l'indignation. Plusieurs rumeurs circulent. Personnellement, je n'en ai jamais entendu au sujet du crédit d'impôt pour personnes handicapées et c'est pourquoi je me demande si vous souhaiteriez que l'on se montre plus strict dans le cas de certaines personnes qui ne devraient pas avoir droit à ce crédit et qui vous causent des problèmes.

M. Laurie Beachell: Absolument pas.

La présidente: Bien.

M. Laurie Beachell: C'est le contraire. Nous voudrions que le nombre de personnes qui y ont droit augmente parce que nous pensons que ce programme ne couvre pas certaines personnes qui ont des déficiences et ne sont pas indemnisées du tout pour les frais supplémentaires liés à leur état. D'après les chiffres qu'a cités Harry, le nombre de demandeurs n'a pas beaucoup augmenté de 1993 à 1999.

Les personnes qui m'ont appelé au cours des dernières semaines sont des personnes qui sont atteintes d'une invalidité de longue durée, d'un handicap important et qui s'y sont adaptées, des personnes qui ont fait preuve de beaucoup de créativité et sont productives. Ce genre de contacts est une des façons de se rendre compte des frais supplémentaires. Une personne qui a reçu la lettre et qui avait un numéro de l'INCA a appelé le numéro d'appel sans frais indiqué sur la lettre pour demander quel était le but de cet examen et on lui a dit qu'il était de réduire de moitié le nombre de personnes admissibles au crédit d'impôt pour personnes handicapées.

La présidente: Le fonctionnaire qui a répondu a-t-il gardé son emploi?

M. Laurie Beachell: Je ne le sais pas. Nous n'avons pas le nom de cette personne. J'ai appelé le directeur du programme.

Je connais en outre trois personnes qui ont appelé ce numéro 1-800 pour poser des questions et présenter des doléances. J'ignore si ces personnes ont été grossières—car elles étaient fâchées—, mais elles ont dit toutes les trois que les fonctionnaires auxquels elles ont parlé ont refusé de répondre à leurs questions et leur ont même raccroché la ligne au nez.

La présidente: Il ne me reste plus qu'une question à poser au sujet de ce formulaire qui dit ceci:

    Quand a-t-on besoin du formulaire T2201? Vous devez nous dire si votre situation a changé. Par exemple, si nous vous avons signalé en 1999 que votre demande devrait être réévaluée pour l'année fiscale 2001, vous devez remplir un nouveau formulaire T2201 et l'envoyer avec votre déclaration d'impôt pour 2001.

Connaissez-vous beaucoup de personnes qui ont été averties en 1999?

• 1800

M. Laurie Beachell: Non.

La présidente: En ce qui concerne les personnes qui remplissaient ce formulaire pour la première fois?

M. Laurie Beachell: Non.

M. Angelo Nikias: Les renseignements que le ministère possède sur les personnes qui ont rempli le formulaire en 1999 doivent être de toute façon récents.

La présidente: Oui.

M. Angelo Nikias: Le ministère prétend qu'il a envoyé cette lettre parce qu'il ne possédait pas suffisamment de renseignements mais, comme je l'ai mentionné, nous avons vérifié si c'était bien le vrai motif.

La présidente: Bien.

Avez-vous une autre question à poser, Wendy?

Mme Wendy Lill: Non, je n'ai pas d'autres questions à poser. Je crois qu'on devrait manger.

La présidente: Bien.

Mme Wendy Lill: Je ne sais pas trop.

La présidente: Je crois que nous en avons entendu assez.

Mme Wendy Lill: C'est vrai, mais je ne voudrais pas...

M. Laurie Beachell: C'est très clair.

Mme Wendy Lill: On pourrait manger, puis revenir.

La présidente: Ou nous pourrions bavarder.

Mme Wendy Lill: Oui, nous pourrions bavarder.

La présidente: Nous pourrions conspirer. Levons donc la séance, mangeons et conspirons.

La séance est levée.

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