SPER Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Sous-comité de la condition des personnes handicapées du comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 20 février 2003
¿ | 0905 |
La présidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)) |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ) |
La présidente |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
La présidente |
Mme Ainsley Chapman (consultante en programmation, Société canadienne du sida) |
M. Paul Lapierre (directeur général, Société canadienne du sida) |
Mme Ainsley Chapman |
¿ | 0910 |
M. Paul Lapierre |
¿ | 0915 |
La présidente |
Mme Elisabeth Ostiguy (directrice affaires publiques, Association canadienne pour la santé mentale) |
¿ | 0920 |
La présidente |
Mme Deanna Groetzinger (vice-présidente, Communications, Société de la sclérose en plaques du Canada) |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
La présidente |
M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne) |
M. Paul Lapierre |
M. Peter Goldring |
¿ | 0940 |
Mme Ainsley Chapman |
M. Paul Lapierre |
M. Peter Goldring |
M. Paul Lapierre |
Mme Ainsley Chapman |
M. Peter Goldring |
Mme Ainsley Chapman |
M. Peter Goldring |
Mme Elisabeth Ostiguy |
M. Peter Goldring |
¿ | 0945 |
La présidente |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
¿ | 0950 |
Mme Elisabeth Ostiguy |
¿ | 0955 |
Mme Deanna Groetzinger |
La présidente |
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.) |
À | 1000 |
M. Paul Lapierre |
La présidente |
Mme Ainsley Chapman |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
À | 1005 |
Mme Elisabeth Ostiguy |
La présidente |
Mme Elisabeth Ostiguy |
La présidente |
Mme Elisabeth Ostiguy |
La présidente |
Mme Deanna Groetzinger |
À | 1010 |
Mme Ainsley Chapman |
Mme Wendy Lill |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Wendy Lill |
Mme Deanna Groetzinger |
La présidente |
Mme Deanna Groetzinger |
À | 1015 |
Mme Wendy Lill |
Mme Deanna Groetzinger |
Mme Elisabeth Ostiguy |
Mme Deanna Groetzinger |
M. Paul Lapierre |
La présidente |
À | 1020 |
Mme Ainsley Chapman |
La présidente |
M. Peter Goldring |
Mme Deanna Groetzinger |
À | 1025 |
M. Peter Goldring |
Mme Deanna Groetzinger |
M. Peter Goldring |
M. Paul Lapierre |
M. Peter Goldring |
À | 1030 |
Mme Deanna Groetzinger |
M. Peter Goldring |
Mme Elisabeth Ostiguy |
La présidente |
CANADA
Sous-comité de la condition des personnes handicapées du comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 20 février 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
La présidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)): Bonjour. Bienvenue.
Nous sommes extrêmement heureux de vous accueillir. Je ne crois pas me tromper en affirmant que toutes les préoccupations que vous nous avez exposées ont en quelque sorte précipité cette étude.
Le budget ayant été présenté, si le comité n'y voit pas d'objection, bien entendu, nous prendrons une demi-heure environ pour étudier ce qu'il nous propose au juste.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): [Note de la rédaction : inaudible]… Vous m'en voyez fort heureuse.
La présidente: Les enfants vont bien.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Eh bien...
La présidente: J'avais demandé à Bill et à Kevin de faire une analyse sommaire des éléments présents et absents du budget. Si nous y allons prestement avec les questions, je vous propose de procéder à cette partie de la séance jusqu'à 10 h 30, puis nous discuterons à huis clos des éléments du budget qui touchent la question de l'invalidité, jusqu'à 11 h.
Cela vous... D'accord.
Nous accueillons aujourd'hui les représentants de la Société canadienne du sida, de l'Association canadienne pour la santé mentale et de la Société de la sclérose en plaques.
Cet ordre de comparution vous convient-il? D'accord.
Tout d'abord, nous entendrons Paul Lapierre et Ainsley Chapman, représentants de la Société canadienne du sida.
Mme Ainsley Chapman (consultante en programmation, Société canadienne du sida): Je me présente, Ainsley Chapman. J'occupe le poste de consultante nationale en programmation au sein de la Société canadienne du sida, avec laquelle j'ai collaboré à des dossiers sur la participation à la population active et l'invalidité.
Paul.
M. Paul Lapierre (directeur général, Société canadienne du sida): Je suis directeur général de la Société canadienne du sida.
Mme Ainsley Chapman: Je vais tracer un survol rapide de la situation.
Dans notre exposé, nous décrivons le VIH comme étant une invalidité épisodique. J'aimerais expliquer brièvement ce que nous entendons par là et quelles sont les incidences dans le contexte du Programme de prestations d'invalidité du RPC.
Comment se déroule la vie d'une personne qui vit avec le VIH? Le VIH est un virus qui affaiblit le système immunitaire. Par conséquent, les personnes qui vivent avec le virus deviennent vulnérables à la maladie. Toutefois, les manifestations diffèrent d'une personne à l'autre, en fonction de nombreux facteurs—notamment, la force du système immunitaire, la force du virus lui-même, les effets secondaires…
Malheureusement, les effets secondaires du traitement actuel du VIH sont, pour bien des gens, le pire aspect de la maladie. Certains ennuis de santé associés au VIH sont visibles : la pneumonie, le cancer et d'autres maladies sont des affections très visibles liées au VIH. D'autres problèmes sont beaucoup moins évidents, plus ténus : la fatigue chronique, la diarrhée chronique, la douleur. Ces manifestations sournoises n'en ont pas moins d'impact sur la capacité à travailler et à réintégrer le marché du travail.
Pour beaucoup, il s'agit de symptômes et de maladies temporaires. Ils sont malades pendant trois, six mois, une année au plus, et ils souhaitent retourner au travail quand ils se sentent mieux. Seulement, le VIH est imprévisible. Personne ne sait quelle sera la prochaine étape, quelle nouvelle maladie surgira, quand il faudra modifier la médication, ni quels seront les effets secondaires d'un nouveau régime de traitement.
Je veux surtout vous faire saisir le caractère imprévisible du VIH. La maladie est imprévisible, tout autant que la médication et ses effets secondaires. Bref, comme la maladie est épisodique, les personnes vivant avec le VIH alternent entre les périodes où elles sont en bonne santé, les périodes où elles sont malades, puis de nouveau en santé. Le cycle—les épisodes—sont absolument imprévisibles.
Quelles sont les incidences dans le contexte du Programme de prestations d'invalidité? En raison du caractère imprévisible de la maladie, il faut énoncer des politiques souples. Nous sommes très contents des orientations actuelles. Je crois que nombre de nos commentaires et recommandations iront dans le même sens que vos travaux.
Tout d'abord, nous aimerions nous pencher sur les modifications à apporter au système pour qu'il réponde mieux aux besoins des personnes vivant avec des maladies épisodiques. Pour beaucoup de personnes vivant avec le VIH, l'admission au Programme ne pose aucun problème. Les difficultés viennent après : une fois qu'elles ont recouvré la santé, ces personnes craignent de retourner au travail pour ne pas perdre leurs prestations. Elles veulent être assurées qu'elles pourront recevoir de nouveau des prestations. Notre plus grand souhait serait que les personnes reconnues admissibles puissent demander l'interruption et le rétablissement de leurs prestations, facilement et rapidement.
Votre étude porte notamment sur les exigences d'admissibilité. À notre avis, aux fins du Programme, l'infection à VIH doit être considérée comme maladie individuelle, qui se manifeste différemment d'une personne à l'autre. Une politique à application universelle est totalement inefficace pour certains malades, même s'ils souffrent et même s'ils vivent avec la même maladie que les autres. Je reviens donc au principe de la politique souple.
Nous demandons par ailleurs que l'aptitude au travail ne soit pas mesurée uniquement sur la foi de signes physiques. D'autres facteurs psychosociaux très importants doivent être pris en compte.
L'infection à VIH est une maladie mortelle. C'est aussi une maladie stigmatisée, qui entraîne énormément de discrimination. Cette stigmatisation a fait perdre leur emploi, leur famille et leur partenaire à beaucoup de malades. Ces difficultés font aussi partie des vices cachés de la maladie, qui influent sur la capacité d'une personne à faire son travail.
Il faudrait revoir le processus de retour au travail prévu par le Programme. Nombre de facteurs étrangers à l'invalidité comptent pour beaucoup dans la détermination de l'aptitude au travail. Au nombre de ces facteurs se trouvent la discrimination, la capacité d'un milieu de travail à s'adapter à l'invalidité, des facteurs culturels et autres—la langue, la capacité de lire et d'écrire, la scolarité, les compétences, les antécédents professionnels.
Malheureusement, certains auront plus de facilité que d'autres à trouver un travail, à le garder, à retourner au travail, pour des raisons qui ne sont pas directement liées à leur maladie.
Par ailleurs, nous aimerions que le Programme prévoit des mesures de sensibilisation de la population active à l'infection à VIH et aux mesures antidiscriminatoires. Des gens perdent leur travail ou ne sont pas embauchés parce que les employeurs savent qu'ils sont séropositifs. Voilà à mes yeux un élément essentiel. Ces gens doivent certes apprendre à composer avec leur maladie, mais il faut aussi reconnaître que le climat peut les dissuader de chercher du travail.
¿ (0910)
Il faudrait en outre rallonger la période d'essai prévue par le Programme. Actuellement, la période d'essai maximale pour un retour au travail est de trois mois. Ce n'est pas suffisant pour évaluer le nouveau milieu de travail, les compétences requises, le niveau de stress généré et l'effort physique à déployer. Ce délai est trop court, particulièrement pour les personnes qui n'ont pas travaillé depuis quelques années. Actuellement, beaucoup de personnes vivant avec le VIH reçoivent des prestations d'invalidité depuis cinq à dix ans, et il est certain que leur retour au travail exigera beaucoup de formation et de réadaptation.
Les personnes qui retournent dans le marché du travail à temps partiel devraient recevoir des prestations. Beaucoup peuvent travailler 15 heures par semaine, mais pas 37 heures et demie, que ce soit à court ou à long terme. Ce serait l'occasion pour elles de réintégrer la population active et de cotiser au Programme quand elles travaillent.
Nous avons évoqué plus tôt la question du budget. Pour ce qui est des étapes suivantes et des orientations à prendre, nous savons que certaines des recommandations de notre mémoire entraîneront des coûts. Cependant, nous sommes convaincus qu'elles permettront aussi d'en récupérer. À notre avis, on ne fait pas assez de recherches pour établir de façon efficace les coûts et les bénéfices associés aux recommandations.
Nous serons heureux de proposer des projets pilotes qui permettront de mettre les recommandations à l'épreuve et d'évaluer leurs coûts et bénéfices. Conjointement avec le Groupe de travail canadien sur le VIH et la réadaptation et avec la collaboration de personnes vivant avec le VIH, la SCS serait très intéressée de travailler avec vous à la conception d'un modèle de projet pilote. N'hésitez pas à communiquer avec nous à ce sujet.
Je vais maintenant passer la parole à Paul Lapierre.
M. Paul Lapierre: Ainsley m'a demandé de faire la conclusion. Au lieu d'y aller selon la formule traditionnelle et de résumer ce qui a été dit, je vais dresser une conclusion à partir des différents messages entendus.
J'aimerais tout d'abord vous répéter à quel point nous sommes heureux de témoigner devant vous aujourd'hui. C'est un honneur si je me fie à la Déclaration d'engagement sur le VIH/sida de l'Assemblée générale de l'ONU et sur l'engagement pris par différents ministères d'unir leurs efforts sur les questions du VIH-sida. Nous tenons à souligner le travail du sous-comité, grâce auquel nous sommes ici pour vous parler du VIH et du sida.
Le VIH et le sida posent encore un problème dans notre pays puisque 50 000 Canadiens sont touchés. Il faut sans doute ajouter à ce nombre 20 000 autres personnes qui sont porteuses sans le savoir, parce qu'elles ne subissent pas les tests. Les risques d'augmentation des nouvelles infections sont énormes.
Il faut donc envisager plusieurs facettes. Nous abordons la question du VIH dans une perspective de santé, mais il faut aussi penser au volet de la sensibilisation et de l'éducation. Il est possible d'éviter le VIH. Pourtant, beaucoup y voient encore une peine capitale. Nous en sommes encore là. La réalité est toute autre pourtant : grâce à la médication, aux nouveaux traitements et à la recherche, la peine capitale n'est pas exécutée six mois après. Certains vivent de façon positive, pardonnez-moi le jeu de mots, depuis 20 ans environ. Beaucoup aimeraient retourner travailler. Ils hésitent pour des raisons de sécurité ou par crainte de perdre leur revenu. Par conséquent, nous souhaitons et nous recommandons instamment que le Programme de prestations d'invalidité du RPC gagne en souplesse afin de combler les besoins des personnes qui ont une infection à VIH et des communautés affectées.
Je terminerai par un mot de remerciement.
Je vous mets au défi de concevoir un programme adapté aux besoins des citoyens canadiens, mais je vous mets aussi au défi de réfléchir de façon créatrice. C'est la nouvelle façon d'agir maintenant.
Nous avons rencontré la ministre de la Santé en septembre, ce qui fait déjà un bout de temps. Elle nous a avoué alors que la question posait beaucoup de difficultés à son ministère. Nous le soulignons parce que, en raison de la composante sociale du VIH et du sida, il est nécessaire de faire appel à plusieurs ministères. Voilà pourquoi notre visite d'aujourd'hui nous réjouit tellement. Nous témoignerons devant le Comité de la justice dans quelques semaines, et nous nous sommes adressés au Comité des affaires autochtones la semaine dernière. Il faut renforcer le partenariat. C'est notre mission.
Une fois encore, merci.
¿ (0915)
La présidente: Merci beaucoup.
Nous cédons maintenant la parole à Elisabeth.
Mme Elisabeth Ostiguy (directrice affaires publiques, Association canadienne pour la santé mentale): Bonjour.
Je n'ai presque rien à ajouter. Je pourrais me contenter de dire « idem » après les affirmations de mes compatriotes. Cependant, au bénéfice du compte rendu, je vais partager avec vous mes réflexions.
Madame la présidente et messieurs et mesdames les membres du sous-comité, merci de me donner l'occasion, au nom de l'Association canadienne pour la santé mentale, de vous présenter nos points de vue et nos sujets de préoccupation au sujet du Programme de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada.
Je tiens tout d'abord à féliciter le sous-comité pour le travail accompli et pour son rapport final sur la question du crédit d'impôt pour personnes handicapées. Vos conclusions reflètent réellement le sentiment de la population sur la nécessité d'une réforme dans ce domaine.
En juin 2001, le comité a conclu que le Programme de prestations d'invalidité du RPC n'était pas adapté aux conditions de vie réelles de nombreuses personnes handicapées. Il ne prévoit pas de mesures humaines pour fournir un service rapide. Il ne tient pas suffisamment compte des difficultés liées aux maladies cycliques ou dégénératives, et sa façon d'envisager la maladie mentale et les handicaps est inadéquate. En s'inspirant de ses nombreuses années de travail de première ligne avec des Canadiens atteints de maladie mentale, l'ACSM affirme que cet énoncé reflète la conjoncture actuelle.
[Français]
L'un des principaux défauts du système est que les prestations d'invalidité sont liées à la capacité d'une personne de travailler. Cette politique a été formulée vers les années 1960 dans un contexte social qui ne considérait pas les personnes atteintes d'une incapacité comme membres actifs de la population active. Grâce aux récents progrès de la médecine en matière de traitement des maladies et des blessures ainsi qu'aux percées technologiques, les personnes ayant une incapacité sont de plus en plus actives au sein de la société. Elles font des études supérieures et elles travaillent.
[Traduction]
La plupart des personnes atteintes d'une maladie mentale grave sont capables de travailler jusqu'à un certain point, souvent à temps partiel et dans des conditions de travail flexibles. Or, pour être admissible aux prestations d'invalidité, une personne doit accepter d'être désignée comme définitivement inapte au travail, c'est-à-dire de se déclarer tout à fait incapable d'occuper un emploi, quel qu'il soit, d'une manière régulière.
Le Programme de prestations d'invalidité du RPC fonde l'évaluation sur la capacité fonctionnelle. Bref, c'est le principe du tout ou rien qui s'applique, ignorant à toutes fins utiles la capacité de travailler de la personne.
¿ (0920)
[Français]
Il est important de faire la différence entre inaptitude à occuper un emploi et incapacité de subvenir à ses besoins. Les personnes atteintes d'une maladie mentale grave sont parfois capables d'accomplir certaines tâches selon un horaire partiel et flexible. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'elles sont capables de subvenir à leurs besoins sans autre forme d'aide.
[Traduction]
Un Manitobain atteint d'une maladie mentale a affirmé que le PPI du RPC place les personnes dans une situation où elles doivent se dépeindre sous l'angle le plus défavorable possible, de la façon la plus négative qui soit, dans le simple but de convaincre le travailleur social qu'elles ont besoin d'aide. Tout ce système est basé sur la pathologie plutôt que sur le rétablissement.
Il est temps que le PPI du RPC reflète la réalité d'aujourd'hui et non plus celle d'il y a 30 ans, au moment de son entrée en vigueur. Il faut absolument reconnaître que les personnes atteintes d'une maladie mentale grave sont capables de travailler, à temps partiel du moins. Cela ne veut toutefois pas dire qu'elles sont nécessairement capables d'assurer leur indépendance financière, ou qu'il faut les pénaliser parce qu'elles font leur possible pour apporter une contribution positive à la société.
[Français]
Depuis l'entrée en vigueur du programme, la définition de l'invalidité ne tient pas compte du fait que les déficiences sévères peuvent être chroniques et récurrentes plutôt que permanentes. Depuis 35 ans, les clients des services de santé mentale ont dû surmonter une foule d'obstacles pour avoir droit aux prestations d'invalidité du RPC en raison de la nature cyclique, épisodique et imprévisible de leur maladie.
[Traduction]
L'invalidité étant définie comme une inaptitude permanente au travail, énormément de prestataires du Programme d'invalidité du RPC n'osent pas exercer une activité qui ressemble à un travail ni se chercher un emploi. Par exemple, ceux qui aimeraient s'inscrire à un programme de réadaptation professionnelle hésitent à s'informer par les voies normales à l'intérieur du RPC de peur de déclencher une réévaluation de leur état de santé et de risquer de perdre leurs prestations. Certains prestataires ont même été encouragés à participer à des programmes de réadaptation pour découvrir plus tard combien il leur était difficile de redevenir admissibles au programme d'invalidité du RPC. Bref, les prestataires sont pénalisés lorsqu'ils essaient d'améliorer leur sort malgré leur incapacité à exercer un travail régulier.
Selon un client de l'Alberta, les gens là-bas imaginent que le but du programme de réadaptation sert plutôt à «débarquer» des gens du programme des prestations et non pas à les aider à se réadapter au marché du travail. Comme la réadaptation et la formation ne garantissent aucun emploi aux participants, ils ne devraient donc pas perdre leurs prestations. La peur de perdre ses prestations est souvent suffisamment forte pour dissuader les clients de réintégrer le marché du travail même si leur santé s'améliore. Ils se sentent punis par le système. L'aptitude au travail, même temporaire, se traduit par la perte du filet de sécurité sociale.
Depuis l'adoption du projet de loi C-2 en janvier 1998, on constate une diminution de 50 p. 100 du nombre de demandes de prestations d'invalidité du RPC qui sont approuvées. Cette diminution semble encore plus forte chez les clients des services de santé mentale qui ont une participation limitée et sporadique au marché du travail à cause de la nature cyclique et récurrente de leur maladie.
De nombreux clients ne se rendent même pas à l'étape de la présentation d'une demande de prestations pour une foule de raisons, dont la complexité des règles; les barrières linguistiques et la peur de quitter leur appartement pour aller remplir le formulaire de demande initiale.
[Français]
Nombreux sont les médecins qui refusent de remplir les formulaires et encore plus nombreux ceux qui ne connaissent pas bien la définition de l'invalidité utilisée dans le programme de prestations d'invalidité du RPC. Il n'est pas rare qu'après avoir rempli un formulaire de demande dans le meilleur intérêt de son patient, un psychiatre apprenne que la demande de celui-ci a été rejetée à l'étape initiale.
Le programme de prestations d'invalidité du RPC s'adresse aux personnes qui souffrent d'un trouble sévère et prolongé. Au moindre doute, la demande est rejetée. Compte tenu de cette définition, le psychiatre doit savoir que pour assurer l'admissibilité de son patient, il doit établir le pronostic le plus prudent possible.
En outre, les rapports médicaux sont généralement de piètre qualité. Les médecins ne sont pas encouragés à justifier leurs conclusions ni à donner des détails sur l'état pathologique de leurs patients, ce qui pourrait éclairer les décideurs concernés.
[Traduction]
Les processus d'examen et d'appel actuels peuvent être tout aussi intimidants et déroutants. Les délais qui s'ensuivent peuvent être dévastateurs pour une personne atteinte de maladie mentale. Un homme de l'Île-du-Prince-Édouard a dû vendre sa voiture pour survivre pendant les onze mois qu'il a attendus avant de connaître l'issue de sa cause en appel.
Il faut réfléchir de façon créatrice pour concevoir un programme qui offre aux personnes atteintes d'une maladie mentale grave des mesures incitatives qui favoriseront une plus grande contribution positive à la société.
Merci de votre attention.
La présidente: Merci beaucoup.
Deanna.
Mme Deanna Groetzinger (vice-présidente, Communications, Société de la sclérose en plaques du Canada): La Société canadienne de la sclérose en plaques apprécie la possibilité qu'on lui offre de s'exprimer aujourd'hui.
Les prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada sont indispensables pour les gens souffrant de la SP. En décembre 1999, plus de 10 000 Canadiens souffrant de la SP percevaient des prestations du RPC.
La plupart de ces personnes deviennent un jour incapables d'occuper un emploi à temps complet et beaucoup deviennent totalement invalides et sont forcées de quitter le marché du travail. Selon une étude importante sur le coût de la SP au Canada, le moment du changement de la situation d'emploi survient assez rapidement après le diagnostic. La maladie progresse alors et le degré d'invalidité augmente. De fait, 25 p. 100 des personnes souffrant de la SP ont connu un changement important de leur situation d'emploi dans les 5 années suivant le diagnostic; 50 p. 100 dans les 10 années suivantes et 80 p. 100 dans les 20 années suivantes. Je souligne que l'âge moyen au diagnostic est de 30 ans.
Sur le plan de la gravité du handicap, même parmi les gens encore capables de marcher, la moitié ne travaillent pas. L'un des principaux facteurs de l'arrêt du travail dans le cas de la SP est la fatigue. La SP entraîne une sensation de fatigue envahissante et accablante, très différente de la fatigue due à un effort physique. Les médecins croient que celle-ci résulte de la présence des plaques dans le système nerveux central. Il s'agit là du symptôme le plus fréquent de la maladie, que l'on retrouve chez plus de 80 p. 100 des personnes atteintes.
Ces statistiques sont pour le moins troublantes, et beaucoup ont du mal à les comprendre. C'est pourquoi la Société canadienne de la SP a demandé à un médecin et chercheur hautement spécialisé dans le domaine d'expliquer pourquoi la SP mène si souvent à l'arrêt de travail, même pour les personnes qui n'utilisent pas de fauteuil roulant et qui semblent en parfaite santé pour l'oeil non aguerri. La Dre Luanne Metz, directrice de la clinique de SP au Foothills Hospital de Calgary, a répertorié les principaux facteurs : incapacité physique ou cognitive d'effectuer les tâches inhérentes à un travail; incapacité de réaliser le travail à un rythme et avec une capacité acceptables, souvent attribuable à la fatigue; endurance insuffisante pour effectuer le travail de façon fiable et continue, aussi attribuable en grande partie à la fatigue; enfin, activité fréquente de la SP, maladies liées et besoins de traitement qui peuvent exiger qu'on s'absente trop souvent, de sorte qu'il est difficile d'occuper un emploi.
Je vais vous donner un exemple des effets de la fatigue sur l'aptitude au travail. Un homme de Kirkland, au Québec, a dû quitter son emploi parce qu'il s'endormait continuellement au travail. Au début, cela arrivait quand il travaillait à l'ordinateur ou qu'il lisait des contrats. À la fin de son emploi, les vagues de fatigue le faisaient dormir même quand il rencontrait d'autres personnes. Voilà comment il résume la situation : «Je ne faisais rien d'autre que travailler et dormir. Je n'avais aucune énergie pour faire quoi que ce soit d'autre. Au cours des deux derniers mois, il m'est arrivé d'aller au lit sans souper parce que je n'avais pas assez d'énergie pour réchauffer mon repas dans le micro-ondes, ni pour répondre à la porte si je commandais à souper.» Il a donc fait une demande au Programme de prestations d'invalidité du RPC, et il a finalement été admis.
Malheureusement, les bénévoles et le personnel de la Société de la SP rencontrent aussi des personnes atteintes qui ont de la difficulté à obtenir des prestations d'invalidité du RPC même si leurs handicaps sont plus manifestes. Je vous cite le cas d'une femme de Calgary, en espérant que c'est un cas extrême: cette femme de 42 ans souffrant de SP progressive primaire—ce qui signifie que la maladie progresse sans répit, c'est-à-dire qu'elle ne va pas de rechute en rémission comme la plupart des malades—a soumis une demande qui a été refusée et, plus tard, son appel de même que le réexamen de la décision ont aussi mené à un refus. Elle présente de nombreux symptômes apparents et invisibles : elle se déplace en fauteuil roulant parce qu'elle ne peut pas marcher sans aide; elle est très fatiguée si elle ne dort pas de 15 à 20 heures par jour; elle a des douleurs neurologiques aiguës, pour lesquelles elle doit prendre plusieurs médicaments, qui ont aussi une incidence sur sa qualité de vie; elle ne peut supporter aucun type de lumière pour des raisons neurologiques et doit donc porter des verres spéciaux pour atténuer l'éblouissement; elle a des difficultés de déglutition et doit se nourrir de purées pour éviter de s'étouffer; elle souffre d'incontinence anale et urinaire, et son élocution est difficile. Avec l'assistance de notre chapitre, elle a finalement obtenu gain de cause au tribunal de révision. Les membres n'ont pas encore compris comment une personne si handicapée avait pu être ainsi traitée.
La Société canadienne de la SP a identifié plusieurs éléments du Programme de prestations d'invalidité du RPC qu'on pourrait améliorer au profit des gens souffrant de la sclérose en plaques et autres affections cycliques. À notre avis, ces améliorations ne représenteraient pas une dépense exorbitante pour le gouvernement canadien.
Actuellement, selon les critères d'admissibilité au PPI du RPC, la maladie doit être grave et présenter une durée prolongée, c'est-à-dire continue et indéfinie. Or, la SP est permanente et souvent aiguë. Cependant, la SP se caractérise par des périodes de rémission suivies de périodes imprévisibles où elle empire, ce qui empêche fréquemment les individus qui en souffrent non seulement d'occuper un emploi régulier, mais également d'avoir droit aux prestations d'invalidité, puisque leur état est récurrent plutôt que prolongé.
¿ (0925)
En modifiant la définition de l'invalidité pour y inclure les états cycliques, elle deviendrait plus juste pour les gens qui souffrent de maladies comme la sclérose en plaques.
On calcule les prestations d'invalidité du RPC à partir des gains et des cotisations crédités au compte RPC d'un individu et selon la période de cotisation. Cette période est importante puisqu'on divise les gains admissibles à vie par le nombre de mois de la période de cotisation.
Une modification récente—le remplacement de la règle «cinq années de cotisation sur dix» par la règle «quatre années sur six»—a fait en sorte qu'un grand nombre de personnes handicapées souffrant de la SP ont eu de la difficulté à obtenir des prestations. De plus, l'actuelle règle d'exclusion de 15 p. 100 ne couvre pas les nombreux jeunes atteints de la SP qui n'ont pu cotiser au Régime au cours des 10 années exigées. Je rappelle que si la moyenne d'âge au diagnostic est de 30 ans, il est prononcé plus tôt dans bien des cas.
La SP provoque une grande variété de symptômes invalidants tels que la fatigue intense, comme on l'a mentionné précédemment. Plusieurs personnes souffrant de la SP nous disent qu'elles sont incapables de travailler à plein temps mais qu'elles seraient en mesure d'occuper un emploi à temps partiel ou occasionnel leur rapportant plus que le minimum actuel de 3 900 $ pour un emploi à temps partiel. Elles obtiendraient ainsi un avantage évident en augmentant leur revenu et autres avantages—par exemple, en continuant de participer à la collectivité et en se sentant utiles.
Par le passé, la Société canadienne de la sclérose en plaques a critiqué les arriérés au niveau des demandes initiales de prestations d'invalidité du RPC et les délais interminables dans le traitement des appels. Le processus semble s'améliorer, mais nous continuons de le surveiller à travers les expériences de nos membres. De plus, nous ne cesserons de chercher les occasions d'informer les fonctionnaires de Développement des ressources humaines Canada, ainsi que les membres du Tribunal d'appel du RPC pour les aider à s'acquitter le mieux possible de leurs responsabilités.
Nous craignons aussi que certains programmes d'assurances privés et d'aide sociale provinciaux exigent des personnes atteintes qu'elles présentent tout d'abord une demande au Programme de prestations d'invalidité du RPC même s'il est évident que la plupart ne répondront pas aux critères d'admissibilité en vigueur. Il nous semble que cette pratique transfère au RPC des frais administratifs imposants liés aux évaluations d'invalidité.
La Société de la SP a constaté que la majorité des personnes qui vont en appel avec notre aide obtiennent finalement des prestations. Il semble que le processus d'appel permette de présenter des renseignements plus détaillés à l'évaluateur médical. Cela nous porte à croire que le système présentait dès le départ une certaine faille qui le rend inefficace, trop coûteux pour les contribuables et qu'il laisse les personnes aux prises avec un handicap sans moyen de joindre les deux bouts—Elisabeth a exposé tout à l'heure une des conséquences de cette situation.
Pour conclure, voici nos recommandations : qu'on élabore une nouvelle définition plus juste de l'invalidité afin qu'elle englobe les individus qui souffrent d'une invalidité grave, prolongée ou récurrente, y compris ceux dont la maladie est cyclique; qu'on étende la règle du 15 p. 100 d'exclusion aux personnes ayant cotisé au Régime durant au moins 5 ans, de sorte que les jeunes adultes souffrant de la SP et leur famille puissent bénéficier d'un revenu plus décent; qu'on adopte des règles plus flexibles afin de permettre aux bénéficiaires d'occuper un emploi occasionnel ou à temps partiel sans risquer de perdre leur admissibilité aux prestations; qu'on impose des délais fixes pour les demandes, les révisions et les appels. Notamment, on devrait traiter les demandes en deçà de 60 jours civils suivant leur réception et les révisions internes en deçà de 60 jours suivant la demande d'un réexamen. Je le répète, malgré une amélioration certaine, une surveillance étroite n'en demeure pas moins essentielle.
Enfin, nous recommandons qu'on remette aux fonctionnaires du RPC des renseignements et autres ressources afin qu'ils comprennent mieux la SP et la situation de ceux qui en sont atteints. La Société de la SP sera ravie de collaborer avec le gouvernement du Canada à la production de tels documents pour en assurer la précision et la pertinence. Nous avons déjà entrepris ce processus auprès de nombreux bureaux régionaux du RPC, une collaboration dont nous sommes ravis de constater les résultats positifs jusqu'ici.
La Société de la SP est aussi ravie que le sous-comité entreprenne cette étude. Il est essentiel que les personnes aux prises avec la SP perçoivent un revenu sûr et adéquat pour exercer pleinement leurs droits de citoyens canadiens et participer comme il se doit à la vie économique et sociale canadienne. Il est important que le PPI du RPC, un élément essentiel d'un tel soutien, soit aussi efficace et équitable que possible.
¿ (0930)
Nous aimerions également féliciter le sous-comité pour avoir mis sur pied le site Web et parce qu'il encourage les Canadiens à s'impliquer directement par son système de sondages en direct et de consultation électronique. Nous avons enjoint nos membres à participer en grand nombre. J'espère que vous avez été inondés par leurs réponses! Une telle approche devrait permettre aux Canadiens d'un océan à l'autre de prendre part aux travaux du sous-comité et de lui faire valoir leurs points de vue importants.
Merci pour le temps et la considération que vous nous avez accordés.
¿ (0935)
La présidente: Merci beaucoup.
Votre dernier commentaire me coupe l'herbe sous le pied! Je voulais justement faire pression sur les organisations pour qu'elles invitent leurs membres à répondre au sondage d'opinion et à nous raconter leur histoire. Si nous nous fions aux témoignages entendus ici, ce sont ces histoires qui nous permettront de saisir exactement ce que le mot équité signifie pour les Canadiens. Les sondages d'opinion ont leur importance, mais nous souhaitons vivement que vos membres nous racontent ce qu'ils vivent. C'est la meilleure arme pour forcer le changement. Encore une fois, merci beaucoup.
Monsieur Goldring.
M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente. Merci à tous nos témoins pour leurs exposés.
À la lumière de l'information reçue, j'aimerais tout d'abord rappeler que toute société compatissante doit procurer l'aide et l'assistance nécessaires à ceux qui en ont besoin. Il ne faut jamais perdre cet objectif de vue. Le principal enjeu ici semble de définir les critères d'admissibilité, ou les moyens à prendre pour les mesurer et les apprécier.
Selon ce que j'ai lu et selon ce que m'ont dit dans mon bureau des personnes qui ont soumis une demande au Programme de prestations d'invalidité du RPC, une extrême prudence sera de mise. Quand nous formulerons une définition, il faudra faire très attention de ne pas nuire à la qualité de vie des intéressés, ni à leur capacité d'entretenir des liens avec le monde du travail.
Je pense entre autres à un employé atteint de la SP qui a travaillé pour moi pendant quinze ans. J'ai vu sa santé se détériorer, mais le sel de sa vie, pour m'exprimer ainsi, sa raison d'être était de faire tout en son possible pour venir au travail. C'était sa priorité absolue. Pour lui, le travail représentait le lien avec les autres, avec la vie. Il faut absolument que notre définition ne nuise pas à de telles aspirations. Autrement dit, il ne faut pas « jeter le bébé avec l'eau du bain », pour utiliser l'expression populaire. Ne nous limitons pas à la question du gain financier. Ces personnes doivent avoir la possibilité d'entretenir des liens de qualité avec les autres.
Dans cette optique, j'aimerais poser une question concernant le VIH. Ma question pourrait s'appliquer à d'autres domaines, mais elle concerne peu la SP en raison du caractère dégénératif de la maladie. Il existe de nouveaux médicaments pour traiter le VIH, toutes sortes de nouveaux traitements sont promis qui auront une incidence directe sur la capacité de retourner au travail. Quand nous parlons d'une nouvelle définition de l'invalidité et de l'assouplissement du processus de demande de prestations, tenons-nous compte de la possibilité de certaines maladies soient réversibles grâce aux médicaments et aux méthodes modernes?
M. Paul Lapierre: Oui, nous en tenons compte. Je crois même que c'est l'ultime objectif. Notre raison d'être repose sur l'espoir d'un traitement qui guérira la maladie, sur l'invention d'un vaccin. Cependant, quand on parle de vaccins, les délais sont souvent de dix à quinze ans, c'est bien connu.
Les médicaments sont efficaces. Plus de la moitié des Canadiens vivant avec le VIH-sida suivent des traitements. Malheureusement, même si on arrive à contrôler le VIH—ce qui se traduit par une charge virale indécelable et un décompte assez élevé de la molécule CD4, aussi élevé que pour la moyenne de la population canadienne—, la toxicité élevée et les effets secondaires de certains médicaments, qui peuvent aller jusqu'à l'insuffisance hépatique, forcent les personnes infectées à réintégrer le programme d'invalidité ou à cesser de travailler.
Notre objectif suprême est que tous vivent en santé et sainement, et que tous puissent retourner au travail. Nous savons cependant que la médication n'est pas encore tout à fait au point.
M. Peter Goldring: Les personnes vivant avec le VIH ont-elles automatiquement droit à des prestations? Parmi les personnes porteuses du virus, les réactions et les réponses ne varient-elles pas énormément? Parmi les personnes qui ont reçu un diagnostic et qui reçoivent un traitement contre le VIH, combien peuvent fonctionner à peu près normalement? Comment intégrer des critères de mesure et des distinctions dans la définition de nouvelles règles sur l'admissibilité au régime de pensions? Quelle serait la meilleure définition?
Essentiellement, il s'agit de déterminer si beaucoup de personnes vivant avec le VIH qui n'ont pas de réactions aux médicaments sont tout à fait en mesure de travailler?
¿ (0940)
Mme Ainsley Chapman: Je ne crois pas pouvoir répondre à votre question si ce sont les statistiques qui vous intéressent.
Je ne sais pas si Paul…
M. Paul Lapierre: L'un des critères utilisés… La séropositivité ne donne pas automatiquement droit aux prestations. Mais quand une personne a développé le sida, ce qui constitue la phase suivante, quand elle a une maladie physique, un cancer des ganglions par exemple, alors elle remplit les conditions d'admissibilité au programme du RPC.
M. Peter Goldring: Combien de personnes sont admissibles à l'heure actuelle? Celles qui présentent ces symptômes sont-elles toutes admissibles?
M. Paul Lapierre: Le problème n'est pas là. Les personnes qui ont reçu un billet du médecin indiquant qu'elles ont développé le sida, qu'elles ne peuvent plus travailler et qu'elles doivent donc recevoir des prestations du RPC n'ont plus de problème. Ce problème existait entre le milieu des années 80 et le début des années 90, mais il est réglé si on considère que…
Jamais nos membres ou quiconque ne nous signalent des problèmes liés à l'accessibilité au système. Aujourd'hui, nous voulons vous faire comprendre surtout les difficultés vécues par les personnes qui veulent se retirer du système pour retourner travailler, à temps partiel… ou la crainte de la période d'essai de trois mois. Il arrive qu'une personne ayant retourné au travail se rende compte, après six ou neuf mois, que sa médication ne fait plus effet, qu'une autre maladie ou une autre résistance au traitement est apparue, ou que le foi est affecté. Elle est alors forcée de réintégrer le PPI du RPC, et c'est là que le cauchemar commence.
Mme Ainsley Chapman: Il faut tenir compte particulièrement du fait—bien plus que le droit à des prestations complètes, c'est la possibilité de prestations partielles qui nous intéresse—que les effets secondaires des médicaments se manifestent le matin seulement. Les gens qui souffrent de nausées et de diarrhées ne peuvent pas occuper un emploi de 9 à 5. Dans un milieu de travail idéal, les horaires de travail sont flexibles, l'environnement est aidant, il est possible d'obtenir des congés pour les visites chez le médecin, ou de commencer plus tard le matin, à 11 h plutôt qu'à 9 h, par exemple.
Le hic vient de ce que ces conditions et ce climat de travail sont loin d'être la norme. Il faut envisager le problème sous deux angles : premièrement, c'est le programme du RPC lui-même qui est en cause et, dans une visée à plus long terme, c'est tout le climat du monde du travail qu'il faudra examiner. Si les gens pouvaient bénéficier d'horaires plus souples, la dépendance au programme diminuerait.
Actuellement, c'est ce que vivent les personnes qui prennent des médicaments. Beaucoup d'entre elles ne peuvent travailler avant midi. Après, c'est tout autre chose, selon les personnes
M. Peter Goldring: Quand vous parlez d'un assouplissement du régime de pensions, faites-vous allusion à une formule 50-50? Par exemple, si une personne peut travailler la moitié du temps, devrait-elle bénéficier d'un taux de prestations de 50 p. 100 du RPC? Est-ce là ce que vous entendez par horaire variable?
Mme Ainsley Chapman: Oui, c'est une option possible.
J'aimerais que l'on puisse donner une définition exacte de l'infection à VIH, énoncer des règles précises. Malheureusement, comme nous l'avons mentionné, c'est une maladie imprévisible, qui se manifeste différemment d'une personne à l'autre. Certains peuvent travailler à temps plein après un bref épisode de la maladie; d'autres peuvent travailler à mi-temps ou à trois-quarts-temps. Il faudrait permettre à chacun de négocier les modalités qui lui conviennent au lieu de fixer des règles strictes incontournables. C'est une de nos recommandations.
M. Peter Goldring: Une telle formule conviendrait aussi pour les personnes atteintes de maladie mentale. Si une personne peut travailler à temps partiel, disons sur une base moitié-moitié, ou peu importe le pourcentage établi, on peut lui donner l'occasion de contribuer à la population active.
Mme Elisabeth Ostiguy: Cette question est importante sur deux plans : tout d'abord, ces personnes auraient la possibilité de travailler et de contribuer à la société. Vous avez cité le cas de votre employé, qui illustre très bien l'importance accordée au travail et à la présence dans le monde du travail.
À mon avis, il faut encourager tous ceux qui le peuvent à donner leur contribution. Dans le cas des personnes atteintes de maladie mentale, le bénéfice est immense si elles ont une bonne image d'elles-mêmes et si elles voient que la société reconnaît leur valeur et leur potentiel de contribution.
M. Peter Goldring: J'aimerais faire une petite observation au sujet de cet employé atteint de la SP. J'ai pu l'observer pendant de longues années, j'ai vu son état dégénérer progressivement. Il rentrait au travail, quand il venait, en marchant très lentement. À la fin, il se déplaçait en fauteuil roulant, pendant des années. Dans une telle situation, un programme souple semble s'imposer. C'est un exemple très éloquent parce que l'échelle de détérioration de ses capacités et de sa mobilité était très apparente.
Merci de nous avoir accordé votre temps.
¿ (0945)
La présidente: Merci.
Madame Dalphond-Guiral.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, madame la présidente.
Bonjour à tous les quatre. J'ai écouté vos présentations et j'ai lu en même temps, ce qui prouve qu'on peut faire deux choses à la fois. Il y a un certain nombre de choses qui m'ont étonnée, mais une en particulier. J'ai presque envie de dire qu'elle m'a scandalisée, et Dieu sait que je ne suis pas facile à scandaliser. Quand je lis que le nombre de prestataires du RPC qu'il y avait en 1980--le nombre, pas le pourcentage, le nombre--est pratiquement le même qu'actuellement, j'avoue que je trouve ça scandaleux. Je trouve ça scandaleux parce qu'on sait très bien que le nombre de personnes qui ont des limitations fonctionnelles va s'accroissant et qu'il va continuer de s'accroître. Il y a donc là quelque chose qui heurte profondément la logique. Voilà la première chose qui m'a un peu renversée.
J'ai eu l'occasion à l'automne de faire deux tournées d'une semaine au Québec et j'ai entendu une chose, particulièrement en ce qui touche la santé mentale et la sclérose en plaques. Il faut dire que ma vie antérieure fait que je suis vraiment très sensibilisée à ça. Par contre, pour tout ce qui touche au sida, c'est quelque chose qui n'est pas apparu dans les tournées que j'ai faites; je n'ai pas entendu de gens en parler. Je sais que le VIH-sida est une maladie extrêmement débilitante. Probablement que ce qui est le plus débilitant, et ce n'est pas nécessairement ce qui paraît le plus, c'est la perte d'estime de soi et l'espèce de sentiment qu'il n'y aura plus personne qui va avoir envie d'être en relation étroite avec nous. Et on sait que les relations de travail sont étroites. Je pense que peu importe le problème de santé auquel on fait face, tout cet aspect relationnel influe sur la capacité, non pas de guérir, mais de se détériorer moins vite.
J'aimerais poser une question autant aux gens qui représentent l'organisme pour la santé mentale qu'à ceux qui représentent l'organisme pour la sclérose en plaques. Avez-vous des informations quant à l'évolution de la maladie chez les gens qui travaillent? Par exemple, je sais qu'il y a des gens qui souffrent de sclérose en plaques qui ont la chance d'être dans un environnement de travail extrêmement flexible. Ils peuvent travailler parfois cinq jours par semaine et parfois seulement deux jours, et ce n'est pas une tragédie. C'est reconnu par l'entreprise et l'entreprise y trouve son compte. Je ne pense pas qu'on fasse ça par charité chrétienne.
Êtes-vous en mesure de me dire que les personnes souffrant d'un problème de santé mentale ou de sclérose en plaques--maladies dont le développement est un peu aléatoire--qui travaillent semblent avoir une évolution plus acceptable? Autrement dit, est-ce que le travail n'a pas un effet thérapeutique? Si vous avez des données à ce sujet, il est important de les faire connaître parce qu'il y a des coûts humains, mais aussi des coûts sociaux. Je pense que c'est quelque chose sur quoi il faut beaucoup miser. Autrement dit, quand on travaille, même avec un problème de santé extrêmement grave, est-ce qu'on ne va pas mieux? Au niveau du VIH-sida, vous avez probablement aussi des données là-dessus, parce qu'il y a des personnes atteintes qui réussissent à travailler. En tout cas, on a l'impression que ça ne va pas mal.
Il y a une autre chose, et c'est à Mme Ostiguy que je m'adresserai. Vous avez dit que lors de l'évaluation du premier dossier de demande au RPC, un rapport signé par un psychiatre est davantage valorisé que celui d'un médecin de famille. Je peux comprendre ça et personnellement, ça ne me scandalise pas. Par contre, on sait très bien que la maladie mentale ne frappe pas que dans les grands centres où il y a beaucoup de psychiatres. Elle frappe n'importe où et parfois, le recours à un psychiatre n'est pas du tout évident.
¿ (0950)
Il y a des infirmières spécialisées en psychiatrie qui sont d'excellentes professionnelles et qui connaissent la clientèle davantage que le psychiatre, qui est plus éparpillé. Je pense que Carolyn va être d'accord avec moi. Croyez-vous qu'on devrait reconnaître aux professionnels en soins infirmiers qui sont vraiment spécialisés en psychiatrie, qui ont une expertise, la compétence nécessaire pour compléter le premier formulaire?
Quant à la flexibilité des horaires, j'avais un sourire quand vous en avez parlé parce que je me rappelais les batailles des femmes mères de famille pour avoir des horaires flexibles. D'une certaine manière, les batailles menées par les femmes et les petits bouts qu'on a obtenus peuvent être, non pas pas un modèle, mais une aide pour les personnes qui ont des limitations fonctionnelles.
En fin de compte, je vais vous dire ce que je pense. Je pense qu'on est dans une société très riche. On est également dans une société qui peut parfois choisir de se fermer les yeux parce que c'est plus facile. Mais je crois profondément qu'il devrait y avoir un seuil minimal en deçà duquel il soit inacceptable qu'une personne se retrouve, quelle que soit la raison. Je me demande au nom de quoi on peut punir quelqu'un qui s'y retrouve. On dit parfois que la personne l'a cherché. Moi, je conduis bien vite et le jour où je prendrai le champ, les gens diront que je l'ai cherché. C'est vrai et je le sais, mais est-ce que c'est une raison suffisante pour me punir? On est encore dans un système judéo-chrétien, et la notion de punition est toujours là.
Voilà mes réflexions. La présidente est généreuse; elle ne m'a pas coupé la parole.
Mme Elisabeth Ostiguy: Dans le traitement des maladies mentales, nous avons un but. Nous aimerions qu'une personne souffrant d'une maladie mentale se fasse traiter de la même façon qu'une personne qui a le cancer. C'est une maladie. Ce n'est pas quelque chose d'inconnu ou de grossier. C'est une maladie. Trop souvent, on traite les gens qui ont une maladie mentale d'une façon discriminatoire.
Le retour au travail est une formule de succès dans le traitement d'une maladie mentale, parce qu'on rend à la personne sa dignité. On lui dit qu'elle vaut quelque chose et qu'on veut l'avoir avec nous. Très souvent, la discrimination signifie qu'une personne qui a une maladie mentale ne se fait pas visiter par sa famille et se fait mettre de côté par son employeur. Déjà, il y a un message très punitif dans la façon dont on la traite.
Je n'ai pas de chiffres devant moi, mais je vais citer un exemple. Il y a une garde-malade qui souffre d'une dépression sévère et qui ne peut pas travailler. À cause des médicaments, elle a pris beaucoup de poids et a des problèmes de respiration. Les soins et l'aide financière qu'on lui donne lui permettent d'acheter assez d'oxygène seulement pour la moitié de la semaine. C'est une femme intelligente. C'est une ressource intellectuelle que nous perdons. On en bénéficie un peu dans notre association parce qu'elle nous aide à faire avancer le dossier sur les soins à domicile, mais elle peut travailler seulement trois jours par semaine parce qu'elle n'a plus d'oxygène à la fin de ces trois jours. Après ça, la question est seulement de survivre le reste de la semaine.
Pour répondre à votre question sur les infirmières en psychiatrie, je crois qu'en général, on n'utilise pas assez les infirmières pour ce qu'elles peuvent apporter dans le système. Je crois qu'elles sont très qualifiées pour remplir les formulaires. Souvent, elles sont touchées plus personnellement par le patient et elles peuvent donc parfois mieux décrire la maladie.
¿ (0955)
[Traduction]
Mme Deanna Groetzinger: Je vais citer un exemple de la valeur thérapeutique du travail. Je crois que la majorité des personnes atteintes de la sclérose en plaques aimeraient garder un certain lien avec le monde du travail. Pour répondre à votre question, nous n'avons pas fait de collecte de données ni d'étude à ce sujet. Cependant, les témoignages que nous recevons nous fournissent beaucoup de données empiriques. Les gens veulent conserver un lien—certains travaillent à temps partiel, d'autres ont fait des démarches auprès de leur employeur, ont demandé qu'on les aide à convaincre leur employeur de l'avantage mutuel d'un horaire souple. Nous fournissons beaucoup de soutien sur cet aspect, ce qui nous permet de développer notre expertise.
Notre organisation appuie, je crois, le maintien aussi prolongé que possible du lien avec le milieu du travail. Je ne suis pas certaine des bienfaits du travail sur la condition physique, mais je peux vous assurer de son bénéfice sur la santé mentale, sur la capacité d'une personne à se considérer comme membre à part entière de la société et au sein de sa propre famille.
Pour revenir aux questions entourant le VIH-sida, il faut souligner à quel point la maladie est imprévisible et comment elle se manifeste différemment selon le sujet. Tous les programmes de prestations d'invalidité devraient suivre une approche holistique. Il est insensé de dire : « Vous avez la sclérose en plaques. Dans cinq ans, vous serez dans tel et tel état. » La plupart des personnes atteintes de SP ne travaillent pas, mais j'en connais beaucoup qui travaillent encore à temps plein ou à temps partiel. Un ancien maire de Yellowknife avait la sclérose en plaques. Je pourrais citer beaucoup d'exemples de personnes qui continuent leur activité professionnelle régulière. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que beaucoup ne peuvent pas en faire autant, et c'est sur eux qu'il faut nous concentrer.
La présidente: La semaine dernière, j'ai participé à une réunion de la table ronde sur le retour rapide au travail. Il est évident que l'environnement de travail lui-même revête une importance capitale. Soit, il peut être digne de retourner au travail, mais si l'environnement est toxique, les patients aux prises avec des affections du système immunitaire telles que le sida ou la SP risquent de devenir encore plus malades. Si on applique la politique dans son sens le plus large, il est certain que la possibilité de retourner au travail et la souplesse sont des atouts.
Dans quel sens faudra-t-il travailler avec les employeurs pour créer des conditions optimales? Il faut offrir aux personnes qui souhaitent retourner travailler un environnement qui favorise le bien-être et la dignité, pas un environnement qui risque de les rendre encore plus malades que si elles ne travaillaient pas.
Tony, je sais que vous devez retourner à la Chambre. Voulez-vous poser une brève question avant de quitter?
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente.
Tout d'abord, merci de vous être présentés aujourd'hui.
J'ai constaté que les conditions de vie des personnes handicapées que nous rencontrons dans nos bureaux varient beaucoup. Je crois que vous y avez tous fait allusion, comme d'autres témoins avant vous.
Monsieur Lapierre, vous avez dit je crois qu'il fallait réfléchir de façon créative, sortir du cadre. Cela m'amène à me demander si le PPI du RPC est le véhicule idéal pour ce qui est du remplacement partiel du revenu, selon l'intention de départ. N'existe-t-il pas un autre modèle ou un autre véhicule qui pourrait s'avérer à la fois utile et abordable?
À (1000)
M. Paul Lapierre: Très bonne question. Selon notre expérience, certaines personnes qui vivent avec le VIH-sida préféreraient la formule du «centre commercial» doté d'un point d'entrée unique où il serait possible d'obtenir toutes les réponses. Cependant, d'autres cas mettent en cause de nombreuses considérations liées à la confidentialité et aux traitements. Par conséquent, il faut adapter les diverses approches en fonction des besoins de chacun.
Nous proposons un modèle qui permettrait de réunir tous les intéressés autour d'une tribune de discussion. L'exercice d'aujourd'hui semble aller dans ce sens. Il faut favoriser les partenariats avec les employeurs, les syndicats et les écoles professionnelles.
Nous avons évoqué la question de l'estime de soi. Souvent, la signification d'un retour au travail, ou la réinsertion sociale, dépasse le simple désir d'avoir un chèque de paie. L'insertion dans un milieu à titre d'étudiant ou de bénévole peut s'avérer tout aussi efficace et saine qu'un travail rémunéré.
Quand je parle de réflexion créative, je pense à une réflexion axée sur divers modèles qui laisseront place à la créativité et qui nous permettront d'offrir des conditions de vie saines. On tiendrait compte de la santé et de la maladie, mais un environnement serait créé où la toxicité du milieu de travail ou de la médication pourraient laisser place à un cadre mental propice à un mode de vie sain.
Nous parlons trop souvent de réintégration ou de réadaptation, en nous limitant à la population active. Qu'entend-on par population active? Les bénévoles en font-ils partie? Certains membres du Conseil d'administration de la Société canadienne du sida ont cessé de travailler depuis 20 ans, mais ils sont tellement actifs que parfois j'aimerais bien ne pas avoir à travailler pour la paie et faire autant de bénévolat qu'eux.
Un ami, Bob, nous a dit : «Je suis ici aujourd'hui en raison de la souplesse du système du bénévolat. Je serais mort aujourd'hui si j'étais resté à la maison à attendre mon chèque de prestations d'invalidité mensuel. Je suis capable d'être actif.» Ainsi, le modèle du bénévolat convient à Bob.
Sarah, quant à elle, aura peut-être besoin d'un programme partiel qui lui permettra d'aller à l'école et de travailler à temps plein.
J'essaie de répondre à votre question sur les modèles. Il faut mettre l'individu au centre du modèle, faire en sorte que le modèle soit axé sur l'individu, et non sur le système.
La présidente: La population québécoise est-elle mieux servie avec la CAEC et le RRQ…? Selon votre expérience, existe-t-il un modèle plus ouvert au pays?
Mme Ainsley Chapman: Je n'ai pas suffisamment d'information, mais je ne crois pas qu'il est possible de dire qu'il s'agit d'un meilleur modèle.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci infiniment de votre visite.
Je me réjouis d'entendre vos témoignages. Vous nous proposez des recommandations extrêmement claires, concises, judicieuses, des recommandations utiles pour les gens que vous rencontrez tous les jours, qui vivent avec le VIH ou des maladies épisodiques et dégénératives.
Je n'ai pu assister à la séance… Voilà trois semaines environ, Michael Mendelson et Sherri Torjman ont témoigné devant le sous-comité. J'ai lu le compte rendu hier et j'ai été très impressionnée. J'aurais aimé assister à cette séance.
Ma question portera sur les questions soulevées lors de cette séance, des questions à large portée. On a mentionné que le Régime de pensions du Canada fonctionnait selon un mode de catégorisation binaire : chaque personne se retrouve d'un côté ou de l'autre de la clôture. Soit qu'elle est en santé, soit qu'elle ne l'est pas, auquel cas elle doit se débattre comme un diable dans l'eau bénite pour prouver qu'elle fait partie de la catégorie des malades. Mais qu'en est-il de l'état d'esprit?
Quoi qu'il en soit, l'objet du débat était le suivant : est-il possible d'offrir aux Canadiens un régime de sécurité du revenu et un système de soutien des services sans jamais utiliser le mot « invalidité » ou, à tout le moins, sans catégoriser les êtres humains, de quelque façon, selon qu'ils sont invalides ou non?
Vous avez soulevé la question de la capacité des personnes, ou de leur capacité réduite, à différents moments, à entrer en relation avec leur milieu, sur les plans économique, social ou autre. Peut-on envisager toute cette question d'une autre façon, faire pression sur les décideurs pour qu'ils revoient toute la question sous un autre angle, sans se contenter de faire de nouvelles boîtes? Je vous avouerai que nous sommes très déçus de constater que le ministère des Finances semble vouloir reculer sur la question de l'alimentation et des vêtements aux fins du crédit d'impôt pour personne handicapée.
Nous nous battons contre une montagne, mais d'autres pays—les Pays-Bas, par exemple—n'utilisent pas le modèle de l'invalidité comme fondement des programmes de soutien du revenu. Or, ces pays répondent aux besoins des personnes selon leur degré d'aptitude avec beaucoup plus de dignité que nous ne le faisons. J'apprécierais vos commentaires à cet égard.
À (1005)
Mme Elisabeth Ostiguy: J'organise présentement une exposition d'oeuvres d'art, que vous pourrez voir sur la Colline au cours de la Semaine de la santé mentale. Les oeuvres viennent de toutes les provinces et de tous les territoires, et leurs auteurs sont tous atteints d'une maladie mentale.
J'ai dû résoudre une difficulté particulièrement épineuse : quand nous demandons une bourse au Conseil des Arts du Canada pour ce genre d'événement, nous devons verser une allocation aux artistes. Nous aimerions aussi obtenir une bourse pour aider les artistes les plus talentueux à aller plus loin dans leur art. Or, ces artistes se trouvent face au dilemme suivant : si j'accepte votre argent, je risque d'avoir des difficultés avec mes prestations d'invalidité. Nous parlons ici d'une allocation de 30 $ et d'une bourse possible de quelques centaines de dollars pour aider des artistes canadiens talentueux à se perfectionner dans un domaine qui leur permet de participer de façon très positive à la société. Malheureusement, ils sont cloisonnés. Nous leur avons dit qu'ils étaient inaptes au travail. Nous leur avons dit qu'ils étaient invalides—comme vous l'avez affirmé—et qu'ils pouvaient prendre leurs prestations et s'en aller le plus loin possible hors de notre vue.
Nous avons créé des asiles virtuels. Il est inutile d'ériger des murs. Nous y arrivons très bien en versant des petits chèques tous les mois.
La présidente: Elisabeth, à ce sujet, est-ce que c'est le PPI du RPC qui est trop strict ou ne faut-il pas mettre en cause les assureurs privés, les régimes provinciaux et autres programmes du genre?
Mme Elisabeth Ostiguy: La contrainte relève en partie des provinces, et en partie du gouvernement fédéral. Il est possible de gagner un certain montant sans qu'il y ait une incidence sur les prestations versées par le fédéral, mais les choses sont très différentes pour une bourse de quelques milliers de dollars. Aussi, il faut faire très attention lorsque vient le moment de verser une contribution...
La présidente: D'après ce que je sais du RPC, des gains de 30 $ par semaine ne devraient pas vous rendre inadmissible.
Mme Elisabeth Ostiguy: C'est vrai pour le gouvernement provincial, mais la bourse la plus importante entraînerait vraiment l'exclusion du régime. Mais, c'est le contexte dans lequel ils doivent évoluer. Ils doivent sans cesse se demander: «Si je travaille, je ne dois pas gagner plus que tel montant» ou encore: «Je ne peux pas faire ça, parce que si je le fais, je perdrai mon statut d'inaptitude au travail. Et ce statut est essentiel pour préserver mon filet de sécurité sociale.»
J'ai étudié la question sous divers angles... et j'ai toujours pensé qu'une approche positive donne de bien meilleurs résultats que si l'on s'entête à dire aux gens: «Non, vous ne pouvez pas faire ça.» Je pense que l'on devrait dire plutôt: «Oui, vous pouvez faire ça, vous pouvez travailler autant que vous le voulez, que vous soyez atteint de la SP, du sida, ou que vous ayez une maladie mentale, en tant que société, nous vous encouragerons à travailler, à faire un effort pour contribuer—et soit dit en passant, nous ferons en sorte que vous puissiez compter sur ce revenu minimum afin de pouvoir survivre et nous comblerons vos gains plutôt que de soustraire une partie de vos revenus.»
La présidente: Madame Groetzinger.
Mme Deanna Groetzinger: Si je peux je permettre de répondre moi aussi, nous avons un système très morcelé et qui est une source de confusion. Je pense que la majorité d'entre nous n'en sont pas à leur première expérience autour de cette table pour venir y discuter des problèmes liés aux crédits d'impôt pour les personnes handicapées. Et pourtant, nous sommes encore là à discuter des mêmes questions, et j'ai bien l'impression que nous allons continuer à le faire durant une bonne partie de l'année. C'est vraiment un défi pour les personnes qui ont des problèmes de santé d'en arriver à comprendre le fonctionnement du système et de s'y orienter afin d'obtenir le soutien dont elles ont besoin auprès de divers professionnels de la santé et de se débrouiller dans tout ça.
Les autres membres de mon organisation et moi-même, nous nous sommes interrogés à savoir s'il n'y aurait pas un autre moyen de faire les choses. Serait-il possible d'envisager un programme plus vaste en matière de soutien du revenu? Que le mot « invalidité » entre ou non en ligne de compte fait partie du débat, mais est-ce que le régime est fondé sur les besoins? Ou encore dépend-il d'autres facteurs? Je pense que c'est une discussion qui doit avoir lieu, parce que nous sommes en train d'argumenter sur des nuances, et je ne pense pas que cela soit très utile en fin de compte.
À (1010)
Mme Ainsley Chapman: J'aimerais faire un commentaire.
Un autre défi que les requérants doivent affronter tient à la définition de ce qui est considéré comme une incapacité ou une capacité. Par exemple, un requérant peut présenter une demande en vue de recevoir les prestations d'invalidité du régime fédéral et être accepté, et il peut faire la même démarche auprès d'un programme d'assistance sociale et se faire répondre qu'il n'est pas admissible. Donc, beaucoup de personnes reçoivent des messages contradictoires comme quoi elles sont admissibles à recevoir des prestations dans le cadre d'un régime, mais elles se font dire qu'elles ne remplissent pas les critères d'invalidité pour un autre régime. Voilà un autre problème pour les personnes handicapées: elles reçoivent des messages contradictoires selon le programme auquel elles s'adressent.
Mme Wendy Lill: J'aurais une autre question au sujet du milieu de travail. Nous avons besoin de milieux de travail qui reconnaissent les diverses capacités des individus, et je me demande si ces milieux de travail existent véritablement. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Il me semble que le meilleur employeur devrait être le gouvernement fédéral...
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je ne suis pas sûre que ce soit vrai.
Mme Wendy Lill: Je ne pense pas que ce soit vrai, mais j'aimerais vous entendre dire pour quelle raison. Existe-t-il des milieux de travail dont vous pourriez nous parler—et j'aimerais vous entendre dire qu'il s'agit du BCPH, et de divers autres endroits...
Un témoin : Le ministère de la Santé.
Mme Wendy Lill : ... où des personnes atteintes de la SP, du VIH et d'une maladie mentale peuvent faire leur part dans le cadre d'un programme de partage d'emploi, où l'on a réussi à mettre cela en place ainsi que les meilleures pratiques correspondantes et où l'on peut affirmer : « Regardez tout le monde, ça fonctionne! » C'est avantageux pour tout le monde, mais cela contribue aussi à envoyer un message positif comme quoi on accepte les personnes handicapées, on leur dit qu'elles ont un rôle à jouer, et qu'elles font partie de la famille. Et voilà un message qui porte fruit et qui ne contribue pas à détruire les gens.
Mme Deanna Groetzinger: Je vais peut-être commencer et puis...
La présidente: Seulement pour renchérir sur la question de Wendy, et parce qu'elle ne peut pas le demander elle-même, est-ce que les syndicats peuvent être utiles ou au contraire mettent-ils des bâtons dans les roues pour ce qui est d'avoir une approche linéaire à cet égard, de même que les milieux de travail?
Mme Deanna Groetzinger: Je vais vous donner d'abord quelques exemples.
Au fond, vous avez tout à fait raison. Ce que nous venons d'évoquer finalement, c'est le milieu de travail idéal. C'est-à-dire que nous supposons que tous les employés sont prêts à offrir leur soutien, que l'horaire de travail est flexible, et qu'il y aussi tout un éventail de mesures mises en place, mais malheureusement, ce n'est pas le cas, et parce que je crains—et j'espère que Elizabeth sera d'accord avec moi sur ce point—que l'une des principales sources de stress dans la société est le milieu de travail.
Donc, je pense que nous nous retrouvons devant un dilemme. Mais il est bien certain—je le répète, je vous fais part de mes impressions, parce que je n'ai pas de chiffres à vous donner—que certaines personnes atteintes de la SP ont réussi à établir des relations de travail très positives avec leur employeur, y compris un horaire flexible, du travail à temps partiel et la possibilité de prendre des congés durant les périodes où elles ont des rechutes, pour pouvoir revenir ensuite.
Ce qui semble un dénominateur commun c'est le fait que la situation est peut-être plus facile dans les grandes sociétés, parce qu'elles ont un effectif plus important et que cela leur permet de faire preuve d'une certaine souplesse. Je pourrais vous citer des noms d'organisations ou de sociétés qui ont joué un rôle très positif. Par exemple, Bell Canada a adopté une attitude très positive en faisant preuve d'une certaine souplesse envers les personnes handicapées à tout le moins, et la Banque Royale est très dynamique dans ce domaine, elle aussi. Je ne vous cite que les sociétés que je connais; mais je suis sûre qu'il y en a d'autres.
Dans les plus petites organisations, on ne dispose peut-être pas toujours de la marge de manoeuvre nécessaire, aussi faudrait-il user du système alternant la carotte et le bâton pour inciter les employeurs à mettre en place ce genre de système?
D'un autre côté, je sais qu'en ce qui concerne la SP, malgré des arrangements très positifs, tôt ou tard la maladie prend le dessus, et ces arrangements finissent par ne plus suffire parce que la personne atteinte de la maladie doit quitter le marché du travail. Donc, je le répète, la souplesse est importante, tout en sachant que ces arrangements n'auront qu'une durée limitée, mais aussi que tous les milieux de travail n'offriront pas le même soutien et ne seront pas aussi compréhensifs, peu importe ce que dit la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Il y a des dynamiques en place qui peuvent se révéler problématiques.
À (1015)
Mme Wendy Lill: Je n'essaie pas de me défiler avec la question sur les syndicats. Je voudrais savoir si vous dites que l'Alliance de la Fonction publique et le SCFP, par exemple, posent des gestes progressifs dans ce domaine. Selon vous, font-ils des efforts en vue de déceler les travailleurs qui souffrent de maladies cycliques? Essaient-ils d'inclure certaines dispositions dans leurs contrats de travail, à votre connaissance, et avez-vous collaboré avec eux à cet égard?
Mme Deanna Groetzinger: Pas directement. Et j'ignore si d'autres l'ont fait.
Mme Elisabeth Ostiguy: Je ne peux pas répondre pour l'ensemble de la question, mais je peux vous dire qu'un peu partout au pays des sections ont mis au point des programmes de travail offrant certaines mesures de soutien, notamment les services d'un travailleur social qui s'occupe d'un groupe de personnes souffrant d'une maladie mentale afin de leur permettre d'occuper un emploi à temps partiel. Ce sont des efforts très sporadiques; tout dépend des priorités de chaque section. Je sais qu'il existe un programme de cet ordre à Toronto et je pourrais probablement vous donner plus de renseignements à ce sujet seulement pour vous donner une idée de leur mode de fonctionnement.
Mme Deanna Groetzinger: C'est une excellente question. Je vais pousser mes recherches.
M. Paul Lapierre: Avant de travailler pour la Société canadienne du sida, j'occupais un emploi dans un centre de santé communautaire de Winnipeg, appelé Organisme de services liés au sida. Le partenariat qui existait entre l'employeur et le SCFP afin que la convention collective soit représentative des personnes atteintes du VIH et du sida était absolument fantastique. Ces efforts étaient menés à l'échelle locale.
Étant donné que la direction et le syndicat s'entendaient sur le principe, le défi consistait à trouver du financement pour ces programmes et il fallait compter sur les crédits du gouvernement pour les financer. Donc, le défi que nous devions affronter, afin d'offrir un horaire flexible...
Deux employés qui travaillent à temps partiel représentent un plus gros investissement qu'un seul ETP, parce qu'il y a un certain chevauchement—réunions auxquelles tout le monde doit assister et ainsi de suite. Donc, il faut en arriver à augmenter le nombre de ETP pour permettre à ces gens de travailler à temps partiel et tout le reste. Nous avons dû revenir à la charge devant le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial afin d'obtenir plus de financement, et c'est alors que nous avons senti de la résistance, parce qu'il arrive souvent que les gouvernements fonctionnent en vase clos, qu'ils soient prisonniers de leurs calendriers et qu'ils appliquent des programmes restrictifs.
Je vais vous donner l'exemple du programme d'action communautaire pour le sida destiné à venir en aide à la communauté. On nous disait que le financement avait été gelé pour trois ans, et que l'on essayait de nous trouver d'autres sources. Mais afin de mettre en oeuvre un programme de partage d'emploi, nous avions besoin d'une augmentation des crédits salariaux. Aussi, les syndicats et la direction ont travaillé la main dans la main dans ces circonstances.
Les organismes communautaires pour le sida ont créé de bons modules ou cours de formation qui ont été mis en oeuvre. D'après notre expérience, lorsqu'il s'agit de Bell Canada ou de la Banque royale, c'est difficile, mais si nous nous adressons à une succursale ou à un bureau local et si nous avons la chance de tomber sur une personne dont le frère ou la soeur ont été infectés, ou un collègue immédiat, étant donné que cette personne appartient à un groupe local, elle se montrera peut-être réceptive. Elle pourrait organiser des ateliers, la semaine nationale de sensibilisation au sida.. Il est donc possible de construire quelque chose. Je pense que c'est notre rôle en tant qu'organisme de coalition pour le sida de faire en sorte que les choses bougent lorsque nous collaborons avec d'autres compagnies.
Lorsque la Société canadienne du sida a organisé une session de sensibilisation en novembre, à Calgary, l'un des mandats que nous offrions à l'hôtel consistait à donner un peu de formation sur le VIH au personnel de l'établissement. Nous insistons. Nous voulons faire affaire avec vous, mais nous ne nous contenterons pas d'investir de l'argent, nous allons vous donner de la formation, VIH 101, en termes de prévention. Cela vise à faire avancer les choses, parce que nous ne pouvons pas nous fier sur ceux que j'appelle «les grands patrons» pour faire avancer les choses. Nous devons faire en sorte qu'un changement social s'opère nous-mêmes.
Merci.
La présidente: Étant donné ce changement auquel on assiste dans la société, c'est-à-dire le fait que l'on ait de plus en plus souvent recours à la sous-traitance et ainsi de suite, est-ce que vous avez constaté que certains de vos clients ou de vos membres ont eu à vivre des situations comme d'être engagés pour six mois moins un jour afin que l'employeur n'ait pas à verser d'avantages sociaux et lorsqu'un problème survient, ils n'ont aucun recours? Avez-vous l'impression qu'il s'agit d'une tendance sociale et que nous devrions aborder la question, je veux parler du fait que des personnes sont engagées à répétition dans le cadre de contrats, et qu'étant donné qu'elles ne sont pas couvertes par un régime d'avantages sociaux, elle se retrouvent démunies lorsque surviennent des problèmes de santé.
À (1020)
Mme Ainsley Chapman: Oui, je pense qu'il s'agit d'un problème beaucoup plus vaste, et pas seulement d'une difficulté que doivent affronter les personnes handicapées. Mais dans l'ensemble...
L'un des points que nous avons fait valoir dans notre exposé est que lorsque ce régime a été instauré, en 1966, les gens pouvaient bénéficier de la sécurité d'emploi, ils occupaient des emplois permanents, et ils avaient davantage la possibilité d'épargner et de se doter d'assurances privées. Tandis que maintenant, non seulement les personnes handicapées, mais les gens en général, ont de moins en moins la possibilité d'accumuler des épargnes, de moins en moins la possibilité de se doter d'un fonds de pension par l'entremise de leur employeur, et des choses du même genre. Cette situation a une incidence sur les critères d'admissibilité, je veux parler de ceux et celles qui ne réussissent pas à remplir les exigences relatives aux dix années... ces fameuses règles.
La présidente: Monsieur Goldring.
M. Peter Goldring: Merci beaucoup, madame la présidente.
C'est un sujet très important, et à titre de députés nous avons tous et toutes reçu pas mal de gens dans nos bureaux qui venaient se plaindre qu'ils éprouvaient de la difficulté à faire évaluer leurs besoins par le RPC. Je le répète encore et encore, cette règle étalon rigide contribue à éliminer beaucoup de requérants. Cela doit être une source de déception pour vous.
Je voudrais simplement dire que le seul parti qui pourrait faire quelque chose à ce sujet à la Chambre est décidément absent de cette pièce, mise à part madame la présidente. C'est donc une grande déception, et vous devez être déçus vous aussi. Comme je l'ai déjà dit, beaucoup d'électeurs sont venus me voir à mon bureau à ce sujet.
L'arthrite est une autre maladie dégénérative, très répandue. Je le répète, il est très difficile pour certaines personnes d'obtenir des prestations d'invalidité en raison de la période de cotisation, et ce facteur est souvent le motif invoqué par les évaluateurs, même si le requérant est très visiblement handicapé par l'empiètement de cette affection dans son existence. L'arthrite est une maladie qui s'installe graduellement et bon nombre de ceux qui en souffrent ont occupé un emploi exigeant un lourd effort physique durant des années.
Quelle est votre position à ce sujet de même qu'en ce qui concerne la SP et certaines autres maladies—sur le fait que ces personnes ne peuvent plus continuer à exercer leur profession d'infirmière par exemple, ou d'enseignant dans un collège ou un emploi semblable nécessitant des capacités de mobilité physique évidentes? Existe-t-il des allocations en vue du recyclage, et pas seulement en vue d'accomplir un travail bénévole—vous avez mentionné le travail bénévole et le travail social, autrement dit des emplois non rémunérés—mais en vue de retourner sur le marché du travail?
Le système ne comporte-t-il pas des moyens de dissuasion parce qu'en règle générale ces emplois ne sont pas bien payés, et qu'en plus, ces emplois pas très rémunérateurs sont insuffisants pour remplacer les prestations du régime de pensions. Existe-t-il des incitatifs concrets pour encourager les gens à revenir sur le marché du travail, non seulement pour y recevoir un chèque de paie, mais surtout pour les effets thérapeutiques que cela comporte, à tout le moins?
Qui aimerait répondre à cette question?
Mme Deanna Groetzinger: Je vais vous donner une première réponse.
Tout particulièrement en ce qui concerne les personnes atteintes de SP, je pense que nous sommes en face d'un groupe pour lequel le plus difficile est d'exercer un emploi exigeant un effort physique. Si une personne occupait un poste dans un bureau, qui n'exige pas de grand effort physique, et qu'on lui demande de se tourner vers un emploi pour lequel elle devra déployer de grands efforts physiques, ce serait extrêmement nocif pour la plupart des personnes atteintes de SP, en particulier pour les clients qui affichent des symptômes réguliers.
En ce qui concerne la formation professionnelle, j'ai parlé à des gens qui sont passés par là et qui ont trouvé extrêmement difficile de se recycler. Étant donné que la SP est considérée comme une maladie dégénérative et qu'elle progresse avec le temps—les gens deviennent de plus en plus handicapés—on pense que ça ne vaut pas la peine d'investir dans une personne qui, d'ici cinq ans, ne pourra peut-être plus travailler de toute façon. C'est un problème réel que doivent affronter les personnes atteintes de SP, en raison du pronostic à long terme pour cette maladie.
Nous souhaiterions voir, en matière de recyclage—que les personnes qui occupent des emplois qui exigent un effort physique important—puissent être recyclées en vue d'occuper des emplois moins exigeants sur le plan physique. Mais, il y a des obstacles au recyclage, et cela seulement parce que les statistiques disent que de toute façon ces personnes seront de plus en plus handicapées, alors pourquoi investir et dépenser tout cet argent pour les recycler?
À (1025)
M. Peter Goldring: Mais, est-ce que l'un des obstacles n'est pas justement des salaires inférieurs? Beaucoup de ces emplois sont probablement des postes au bas de l'échelle, des emplois simples mais qui sont disponibles—des postes plus sédentaires que même des personnes atteintes de SP pourraient occuper, avec un minimum de formation.
Mme Deanna Groetzinger: Tout dépend du travail. Je vous le demande, encore une fois, pensez-vous à de la saisie de données à effectuer sept heures par jour? Sans doute que ce travail serait une moins grande source de stress que d'être enseignant—et probablement moins exigeant sur le plan de l'effort physique—mais aussi, beaucoup moins bien rémunéré. Je n'ai pas beaucoup entendu parler de ce genre de recyclage; j'entends plutôt dire que les gens désirent surtout occuper un emploi à temps partiel.
Si l'on fait référence aux symptômes que la plupart des personnes atteintes de SP présentent, qui sont une fatigue extrême, elles pourraient probablement occuper un emploi le matin; elles seraient déjà fatiguées en après-midi, simplement parce qu'à partir de ce moment, elles commencent à avoir besoin de repos. Je le répète, nous en revenons à la question de déterminer pour chaque personne en quoi consistent les symptômes, quel est le pronostic exact, et il faut tenir compte des symptômes tels qu'ils se présentent au moment présent.
M. Peter Goldring: Il y a eu un commentaire sur les employeurs et la difficulté d'évaluer dans quelle mesure ils seraient prêts à adopter des horaires flexibles et à accepter les personnes handicapées, et je dirais que oui, ils sont prêts à le faire.
Vous avez mentionné que le problème était de trouver du financement afin de sensibiliser ces employeurs. À mon avis, à la lumière des interactions régulières que nous avons avec des employeurs de tout le pays—parce que nous avons déjà des interactions avec eux pour parler de chômage, de l'embauche de personnes handicapées, d'emplois étudiants—ce ne serait pas tellement difficile d'apporter des précisions et de donner davantage d'information à ce sujet.
Les députés proviennent d'origine diverse. Moi, je suis issu du milieu des affaires, et je peux vous assurer que les entreprises ne pratiquent pas nécessairement la charité chrétienne, même si cela ne nuirait pas, parfois, mais qu'elles ont néanmoins une conscience et qu'elles sont des membres à part entière de la collectivité. À ce titre, je pense que dans la plupart des cas, il suffit de les rappeler à l'ordre et de les inciter à sortir des sentiers battus afin d'explorer des moyens de participer davantage.
Monsieur Lapierre, ne pensez-vous pas que nous pourrions très rapidement améliorer la sensibilisation des entreprises en investissant des sommes assez minimes?
M. Paul Lapierre: Je pense que vous avez tout à fait raison. Il faut sensibiliser davantage et je pense qu'en collaborant nous pourrions arriver à quelque chose de concret. Lorsque nous nous fixons des objectifs et que nous allons de l'avant, nous sommes à même de constater que le secteur privé a une conscience sociale. Mais, il faut aussi tenir compte de la composante actuarielle. La raison d'être des entreprises du secteur privé est de faire des profits.
C'est d'ailleurs le dilemme que nous avons avec les sociétés pharmaceutiques. Nous reconnaissons leur utilité en tant que fabricants de médicaments, mais nous leur reconnaissons aussi le droit de faire des profits. La limite entre les deux est très mince.
Mais, pour en revenir à la sensibilisation, je pense que nous pourrions obtenir des résultats concrets en mettant en oeuvre quelques programmes. Je suis tout à fait en faveur de cette approche.
M. Peter Goldring: Je pense que nous aurions tort de dire que les entreprises du secteur privé ne se préoccupent que des résultats nets. Cette affirmation va à l'encontre de la réalité, alors que l'on sait très bien que les entreprises font des dons aux oeuvres de bienfaisance, et contribuent à bien d'autres oeuvres de leur propre chef. Cette situation est très répandue.
Même si nous décidions de faire appel, si ce n'est déjà fait, à la charité chrétienne, si nous tentions de faire appel à leur générosité, je pense que nous obtiendrions des résultats surprenants. Êtes-vous au courant si quelque chose a déjà été fait en ce sens, c'est-à-dire, est-ce qu'on a sollicité les entreprises et est-ce qu'on les a incitées à réfléchir à leur contribution à cet égard?
À (1030)
Mme Deanna Groetzinger: Je peux vous dire qu'en tant qu'organisation nous collaborons avec des employeurs afin de les aider à mieux comprendre la maladie et ce qu'ils peuvent faire pour soutenir un employé atteint de la SP dans son milieu de travail.
Il est plus facile de travailler avec des entreprises qui comptent déjà un employé avec des problèmes de santé. Les choses se compliquent lorsque l'on tente de les convaincre d'engager une personne handicapée. Parce que, et je pense que vous l'avez compris, lorsque vous travaillez avec une personne, vous la connaissez, vous voulez l'aider.
Je pense que nous avons concentré nos efforts pour convaincre l'employeur de la valeur de l'employé et pour lui dire que nous avons le même objectif qui est celui de permettre à cette personne de conserver son emploi. Et je dois avouer que nous avons obtenu un certain succès dans ce genre d'intervention au fil des années.
M. Peter Goldring: Est-ce que chacun d'entre vous puisez à même le financement de vos organisations régulièrement pour mener ce genre d'exercice? Quel pourcentage de votre financement consacrez-vous à la sensibilisation des employeurs? Ne serait-il pas possible de conjuguer vos forces, de vous unir dans un objectif commun? Parce que j'imagine mal que vous puissiez avoir un impact direct sur les employeurs d'un océan à l'autre. Je suppose que somme toute vos initiatives sont menées un peu au petit bonheur.
Et pour en revenir aux syndicats, y a-t-il eu des échanges directs, comme celui d'aujourd'hui, avec des représentants des syndicats à l'échelle nationale afin de voir ce qu'ils seraient prêts à faire pour améliorer le bien-être de certaines personnes, pour voir s'il y aurait moyen de les intégrer, afin d'oublier un peu la rentabilité et de se préoccuper du respect de la dignité humaine?
Mme Elisabeth Ostiguy: Je reconnais que les entreprises ont à coeur de montrer qu'elles sont conscientes de leurs responsabilités sociales et les entreprises canadiennes jouent un rôle de premier plan pour ce qui est d'apporter une contribution positive à la société. Notre division ontarienne collabore avec un certain nombre de banques en vue d'accroître le nombre de programmes d'horaires flexibles dans ce domaine. En collaborant avec les collectivités, nous avons la responsabilité d'essayer d'influencer le milieu afin qu'il se montre aussi réceptif que possible à ce que nous tentons de faire. L'une des raisons de notre présence ici aujourd'hui est que vous avez un rôle primordial à jouer pour ce qui est d'influencer un environnement qui doit changer. Mais nous comprenons que nous avons aussi la responsabilité d'agir directement au sein des collectivités.
Je pense que nous devons essayer de changer les mentalités. Il y a quelques mois, j'assistais à un dîner organisé par notre église et j'étais assise en face d'une voisine. Je lui ai demandé : «Comment ça va?» Elle m'a répondu : «Je suis en congé d'invalidité.» J'ai demandé : «Que s'est-il passé?» Elle a répliqué : «Je suis infirmière, et mon dos a lâché. Je ne peux plus soulever de charges lourdes.» J'ai pensé que c'était une honte de se priver des services de cette personne extraordinaire alors que nous manquons de personnel pour donner des conseils en matière de nutrition aux personnes atteintes de diabète et que nous devons éduquer les gens aux conséquences de diverses maladies. Peut-être que cette personne ne peut plus faire d'effort physique, mais elle peut très certainement utiliser ses connaissances pour se rendre utile et faire de l'éducation. En tant que société, nous lui avons remis un chèque de prestations d'invalidité et nous lui avons dit de rester à la maison, sans même penser aux ressources qu'elle possède.
Je participe à cette exposition artistique parce que je veux sensibiliser le public au fait que les personnes atteintes d'une maladie mentale peuvent néanmoins être bourrées de talent et apporter leur contribution à la société canadienne. Nous allons le faire d'une manière très visuelle. Vous pourrez voir des sculptures, des photographies et des peintures. Des choses très intéressantes qui proviennent de toutes les régions du pays vont arriver chez nous au mois de mai. Nous avons organisé cette exposition pour pouvoir dire : «Voici des Canadiens qui ont une contribution à apporter à la société.» Reconnaissons que chacun a un rôle à jouer et quelque chose à donner. Nous sommes ici pour représenter nos collectivités respectives et pour affirmer que tous et chacun ont une contribution à apporter. Nous aimerions voir la mise en place d'une structure qui leur permettrait de s'exprimer.
La présidente: Je pense que nous allons devoir nous arrêter. Autrement, nous allons manquer de temps.
Il nous reste beaucoup de travail à faire. En ce qui concerne les congés de maternité, on ne peut pas dire que l'on obtienne de très bons résultats avec les employeurs. Je pense que c'est une responsabilité que nous devons assumer qui est celle de déterminer comment nous pourrions collaborer pour que le milieu de travail fasse plus de place à la famille et au bien-être.
Alors que nous nous préparons à la rédaction de notre rapport, nous apprécierions recevoir des chiffres sur les expériences que vous avez réalisées dans le cadre des projets de défense des droits des personnes qui demandent des prestations. Nous aimerions aussi entendre parler des expériences que certains de vos membres pourraient avoir vécues au sein du ministère lors de leur comparution devant les tribunaux d'appel et lors de la procédure d'appel. Certaines personnes atteintes de la SP passent beaucoup de temps dans les dédales du processus d'appel. Aussi, nous envisageons de mettre au point, avec la collaboration de la Société de la sclérose en plaques, un outil qui interviendrait dès le début du processus et permettrait de gagner du temps. Nous nous intéressons aussi beaucoup à l'interface qui existe entre les assureurs privés, les régimes provinciaux, la commission des accidents du travail et ainsi de suite.
Nous apprécierions recevoir tout commentaire additionnel ou tous les chiffres susceptibles de nous éclairer davantage. Vous pouvez les transmettre au greffier afin qu'il les intègre dans nos délibérations.
Nous allons poursuivre nos travaux à huis clos. La séance est levée.
[La séance se poursuit à huis clos]