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SPER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Sous-comité de la condition des personnes handicapées du comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 1er avril 2003




¿ 0910
V         La présidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.))
V         M. G. Peter Smith (commissaire, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse), Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV)))

¿ 0915

¿ 0920
V         Mme Anna Mallin (présidente, Loi et règlement, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV)))
V         M. G. Peter Smith
V         La présidente
V         M. G. Peter Smith
V         La présidente
V         Mme Cheryl Forchuk (présidente, Politiques de base, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV)))

¿ 0925

¿ 0930
V         La présidente
V         Mme Anna Mallin

¿ 0935
V         La présidente
V         M. G. Peter Smith
V         Mme Anna Mallin

¿ 0940
V         M. Bernie Clayman (conseiller principal, Loi et règlement, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV)))
V         La présidente
V         M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne)

¿ 0945
V         Mme Anna Mallin
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Anna Mallin
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Anna Mallin
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Anna Mallin
V         M. G. Peter Smith
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Anna Mallin
V         Mme Cheryl Forchuk
V         Mme Anna Mallin
V         Mme Cheryl Forchuk
V         La présidente
V         Mme Cheryl Forchuk

¿ 0950
V         La présidente
V         Mme Anna Mallin
V         La présidente
V         Mme Anna Mallin
V         La présidente
V         Mme Anna Mallin
V         La présidente
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Anna Mallin
V         La présidente
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)
V         Mme Cheryl Forchuk

¿ 0955
V         La présidente
V         Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax)

À 1000
V         La présidente
V         L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.)
V         La présidente
V         Mme Anna Mallin
V         M. G. Peter Smith
V         Mme Anna Mallin
V         Mme Judi Longfield
V         Mme Anna Mallin

À 1005
V         Mme Judi Longfield
V         M. G. Peter Smith
V         Mme Anna Mallin
V         Mme Judi Longfield
V         Mme Anna Mallin
V         Mme Judi Longfield
V         Mme Anna Mallin
V         Mme Judi Longfield
V         La présidente
V         Mme Anna Mallin
V         La présidente
V         M. G. Peter Smith
V         La présidente
V         M. Guy Arseneault (commissaire adjoint, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse), Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV)))

À 1010
V         La présidente
V         M. Guy Arseneault
V         M. G. Peter Smith
V         La présidente
V         Mme Maria Minna
V         M. Bernie Clayman
V         M. Guy Arseneault
V         M. Bernie Clayman

À 1015
V         Mme Maria Minna
V         Mme Anna Mallin
V         La présidente
V         M. Guy Arseneault
V         M. Bernie Clayman
V         Mme Maria Minna
V         M. Bernie Clayman
V         Mme Cheryl Forchuk
V         Mme Maria Minna
V         La présidente
V         M. Lyle Smordin (président, RPC/Assurance invalidité, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV)))

À 1020

À 1025
V         M. Chris Spiteri (conseiller principal, RPC/Assurance invalidité, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV)))

À 1030

À 1035
V         M. Lyle Smordin
V         La présidente
V         M. Lyle Smordin
V         M. Chris Spiteri
V         M. Lyle Smordin

À 1040
V         La présidente
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Lyle Smordin
V         La présidente
V         M. Chris Spiteri
V         M. Lyle Smordin
V         La présidente

À 1045
V         M. Lyle Smordin
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         La présidente
V         M. Guy Arseneault
V         M. Lyle Smordin
V         M. G. Peter Smith
V         M. G. Peter Smith
V         M. Lyle Smordin
V         M. G. Peter Smith
V         La présidente
V         Mme Maria Minna

À 1050
V         La présidente
V         M. G. Peter Smith
V         Mme Maria Minna
V         Mme Cheryl Forchuk

À 1055
V         Mme Maria Minna
V         La présidente
V         Mme Anna Mallin
V         Mme Maria Minna
V         Mme Anna Mallin
V         La présidente
V         M. G. Peter Smith
V         La présidente
V         M. G. Peter Smith

Á 1100
V         La présidente
V         M. David Baker (avocat, À titre individuel)

Á 1105

Á 1110
V         La présidente
V         M. David Baker
V         La présidente

Á 1115
V         Mme Allison Schmidt (À titre individuel)

Á 1120

Á 1125
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt

Á 1130
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente

Á 1135
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt

Á 1140
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt

Á 1145
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente

Á 1150
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt

Á 1155
V         La présidente
V         Mme Allison Schmidt
V         La présidente










CANADA

Sous-comité de la condition des personnes handicapées du comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 009 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er avril 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)): Je suis heureuse de déclarer la séance ouverte.

    Comme vous le savez, la CBC est avec nous. Voilà qui montre sans équivoque l'importance que la société et l'émission The Fifth Estate attachent à la question des pensions d'invalidité du RPC.

    Nous sommes très heureux d'avoir avec nous le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision du Régime de pensions du Canada.

    Nous allons commencer par le commissaire, à qui je vais demander de présenter les membres de son groupe. Ensuite, je pense que vous aviez une question à poser concernant notre mode de fonctionnement.

+-

    M. G. Peter Smith (commissaire, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse), Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV))): Merci, madame la présidente.

    C'est un plaisir d'être parmi vous. On pourrait dire que nous avons coopéré sans réserve avec le sous-comité dans sa tâche extrêmement importante--son travail extrêmement important--qui consiste à examiner le Programme de prestations d'invalidité (PPI) du Régime de pensions du Canada. Selon mes calculs, c'est la quatrième fois que nous comparaissons, ce qui revêt peut-être une importance particulière, étant donné que nous sommes aujourd'hui le 1eravril. Si ma chère maman était toujours parmi nous, je lui aurais téléphoné, tout fier, pour lui dire: «Eh bien, je comparais demain devant un comité de la Chambre des communes.» Elle m'aurait répondu: «D'une certaine façon, mon chéri, cela me paraît tout à fait convenir à la journée du poisson d'avril.»

    Malheureusement, elle n'est plus là pour me prendre au piège. À tous ses enfants, elle répétait: «Évite de te faire mal en te tapant dans le dos.» Elle n'aurait pas manqué de le dire cette fois-ci encore.

    J'en profite pour vous dire, à vos collègues et à vous, madame la présidente, que je suis très heureux de me joindre à vous pour la quatrième fois. Je pense que nous avons comparu pour la première fois en mai dernier: à cette occasion, nous vous avons présenté un exposé où nous vous avons donné un aperçu de nos principales activités. Nous avons ensuite participé à une table ronde des plus stimulantes. En février dernier, mon cher collègue et commissaire-adjoint, Guy Arseneault, ex-député--je le rappelle à l'intention de ceux dont la mémoire ne va pas au-delà de un ou de deux mandats--et moi nous avons présenté l'enquête sur la satisfaction des clients que nous avons menée. Il y a eu une brève discussion, et nous avons eu le plaisir de vous communiquer ces renseignements.

    Pour la première fois, nous sommes particulièrement heureux de vous présenter ceux qui, dans les faits, dirigent les audiences, en d'autres termes les personnes qui se rapprochent le plus de celles qui interjettent appel auprès de nous--nos clients, les cotisants au RPC, les citoyens canadiens et les immigrants ayant reçu le droit d'établissement. Pas besoin d'être citoyen canadien pour présenter une demande de pension au Canada; il suffit d'avoir travaillé au pays. C'est un élément très important qu'on oublie parfois.

    Étant donné que c'est la première fois que nous vous présentons ces personnes, il s'agit, du point de vue de notre petit organisme, d'une occasion historique. Je suis très heureux que nous ayons avec nous cinq évaluateurs-médiateurs communautaires en chair et en os qui vous feront rapport des consultations menées auprès de leurs collègues. Nous espérions en avoir six.

    En août dernier, nous avons demandé à trois membres de panel occupant un poste relativement élevé de présider trois groupes de travail, et ils sont ici aujourd'hui. Ce qu'ils vous présentent, ce sont les résultats, sous forme de conclusions et de recommandations, des consultations internes. Je veux dire par là qu'ils ont consulté d'autres membres de panel. Ce n'était pas des groupes de travail publics. Je suis à peu près certain qu'il ne serait pas opportun que des évaluateurs ou des membres d'organismes quasi judiciaires tiennent des audiences publiques. J'insiste sur ce point : les recommandations qu'ils vous présentent résultent des consultations menées par les groupes de travail auprès d'autres membres de panel ou tribunal. Pour le moment, on en compte environ 280 au pays, même si leur nombre change tous les jours. Certaines personnes ne se rendent compte ni de l'importance ni du nombre de nos membres de panel à temps partiel.

    Madame la présidente, puis-je vous les présenter dans l'ordre où je vous propose de les écouter? Puis-je vous proposer une question au sujet du déroulement? Vous voudrez peut-être sonder vos collègues à ce sujet.

    Nous allons d'abord entendre la présidente du groupe de travail sur les politiques de base, Mme Cheryl Forchuk, docteur en nursing et spécialiste en soins infirmiers psychiatriques. Elle siège à titre d'évaluatrice médicale dans diverses régions du sud-ouest de l'Ontario, mais particulièrement dans les comtés de Brant, Norfolk et Middlesex près de London, en Ontario. Nous allons dans une minute demander à Cheryl de faire une brève présentation liminaire.

¿  +-(0915)  

    À la suite de Cheryl, nous allons entendre une présidente. Je suis au regret de vous informer, madame la présidente, que tous les autres membres des groupes de travail présents sont des avocats. J'ignore ce que cela signifie dans le contexte du poisson d'avril.

    Des voix : Oh, oh!

M. Peter Smith : Nous allons leur laisser le soin d'expliquer de quoi il retourne. Cependant, Cheryl est tout à fait capable de leur tenir tête.

    Anna Mallin est une présidente de Toronto. Elle préside surtout dans la région de Scarborough et de North York, en somme dans cette région de Toronto. À diverses occasions, elle nous a dépanné ailleurs au pays. Elle est avocate. En dehors des activités des tribunaux, elle se spécialise notamment en droit de la nouvelle propriété intellectuelle.

Est-ce une façon juste de résumer les choses, Anna?

¿  +-(0920)  

+-

    Mme Anna Mallin (présidente, Loi et règlement, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV))): Oui.

+-

    M. G. Peter Smith: Également avec nous se trouve l'homme à la cravate de couleur plutôt rouge, l'un de nos «sénateurs». J'espère que, ici, à la Chambre des communes vous ne nous en voudrez pas de l'appeler parfois le «sénateur», parce qu'il est l'un des membres de panel les plus anciens et les plus respectés. Je veux parler de Bernie Clayman, qui siège surtout à North York. Membre de panel en poste depuis longtemps, il est une merveilleuse épine au pied de nous tous qui faisons partie du personnel en nous rappelant sans cesse à l'ordre: «Vous ne faites pas les choses comme il faut. Vous devriez plutôt faire ceci. Vous devriez nous faire parvenir ce document plus rapidement. Vous devriez informer le ministère de ceci.» Comme c'est un membre de panel chevronné, il est bon qu'il soit ici pour fournir peut-être certains conseils aux membres du comité.

    Il y a aussi deux représentants du groupe de travail sur la législation et le règlement. Le groupe de travail s'est intéressé à la législation et au règlement concernant le PPI-RPC de même qu'aux modifications qui devraient y être apportées. Les recommandations du groupe de travail répondent donc en partie à la question.

    Deux hommes représentent le troisième groupe de travail des membres de panel. Celui qui a l'air le plus distingué des deux--ce commentaire ne vise pas la barbiche toute nouvelle qu'arbore son collègue--est Lyle Smordin de Winnipeg, avocat et plaideur bien connu de Winnipeg. Également membre à temps partiel d'autres organismes quasi judiciaires, il a servi à divers titres, notamment au sein de commissions et de conseils fédéraux. Comme vous le remarquerez au moment de son exposé, il est également communicateur. Pendant ses études de droit, il a commenté sa carrière à la CBC, comme bon nombre d'étudiants le faisaient pendant l'été.

    Lyle témoignera en troisième lieu, avec l'aide de Chris Spiteri, avocat d'Ottawa et membre d'un cabinet polyvalent. Lorsqu'il ne préside pas un tribunal, activité qu'il mène de façon très compétente, à titre de président des plus sensibles et capable de compassion, il s'occupe du démarrage d'entreprise, peu importe ce que cela veut dire, et d'autres activités auxquelles s'adonnent les avocats. Je pense que c'est surtout dans le domaine de la haute technologie, mais je ne suis pas certain des détails, et d'ailleurs ce n'est pas de mes affaires.

    Voici donc les membres de panel, et il ne faut pas non plus oublier Guy Arseneault, le commissaire adjoint.

    Madame la présidente, puis-je soulever une question au sujet des deux premiers groupes de travail, d'abord les politiques de base et ensuite la législation et le règlement? Comme ils se complètent, je propose que leur porte-parole fasse leur déclaration liminaire l'un à la suite de l'autre. Ensuite, vous pouvez passer à une période de questions pour revenir enfin à l'exposé du groupe de travail sur l'assurance, dont le mandat est très étroit et relativement distinct de celui des deux autres. Mais nous nous en remettons à vous, et nous ferons comme vous l'entendez.

+-

    La présidente: C'est d'accord.

+-

    M. G. Peter Smith: La solution est-elle acceptable aux membres du comité? Merci.

    Dans ce cas, auriez-vous l'obligeance d'inviter Mme Cheryl Forchuk à prendre la parole.

+-

    La présidente: Cheryl Forchuk, la parole est à vous.

+-

    Mme Cheryl Forchuk (présidente, Politiques de base, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV))): Merci de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous.

    Dans le cadre de son examen des enjeux, notre groupe devait, du point de vue de ses recommandations, s'intéresser à quatre thèmes principaux, et je vais vous les exposer brièvement. Nous n'avons pas le temps de les présenter tous en détail, mais la question concerne l'admissibilité et, pour une bonne part, la définition d'invalidité.

    Nous avons formulé certaines recommandations au sujet du processus d'appel, des paiements de prestations, et nous avons aussi analysé le lien entre le RPC et d'autres programmes. Pour comprendre d'où viennent les recommandations, je vous invite à considérer brièvement de brèves études de cas.

    Je veux que vous vous représentiez Mary. Mary avait travaillé pendant dix ans avant de commencer à présenter des symptômes d'une maladie récurrente. Il aurait pu s'agir de paralysie cérébrale, de schizophrénie ou d'un cancer revenant avec obstination. Le résultat, c'est que, après dix années de travail, elle a pris une année de congé, puis elle est retournée au travail.

    Deux ou trois années plus tard, elle a dû prendre un nouveau congé. Au cours des années subséquentes, les périodes de bien-être sont devenues de plus en plus courtes, et les périodes de maladie, de plus en plus longues. À la fin, elle n'était plus capable de travailler. En vertu de la règle dite des quatre années sur les six dernières, elle ne serait jamais admissible. Si, en revanche, elle n'était pas retournée au travail, elle le serait. C'est à cause de la persistance dont elle a fait preuve en tentant de retourner au travail pendant ses périodes de bien-être qu'elle ne sera jamais admissible. Ce ne serait pas le cas si elle s'était abstenue de travailler pendant ces périodes.

    John effectuait un travail très dur. Il souffrait d'une maladie ou de maux de dos évolutifs. Après un congé d'invalidité à long terme de deux ans, on lui a proposé de se recycler, parce qu'il était très brillant. Pendant un an, il a tant bien que mal fréquenté l'école. Dans certains cas, il a dû suivre des cours sur Internet et, parfois, laisser une enregistreuse dans la salle de classe et demander à un camarade de la récupérer après. Quelquefois, pendant les périodes où il se sentait bien, il travaillait en dépit de capacités très variables.

    Malheureusement, John ne sera jamais admissible parce que, en retournant à l'école, il a établi une aptitude au travail. Parce que le retour au travail est intervenu après le congé de deux ans, il ne sera pas admissible. Si John n'avait pas fait preuve de tant de persistance en retournant à l'école, il aurait été admissible. Parce qu'il est retourné à l'école, il ne le sera pas.

    À l'examen de la question de l'admissibilité, on se rend compte que des maladies différentes ont des trajectoires ou des schémas différents. Certaines maladies s'aggravent peu à peu; on en est atteint, puis la situation se dégrade. Il y a certaines maladies catastrophiques; une personne travaille, forte d'un degré de bien-être donné, puis elle est frappée par une voiture ou je ne sais quoi, ou encore elle est victime d'une attaque, et paf! elle n'est plus en mesure de travailler.

    De nombreuses maladies sont épisodiques, c'est-à-dire qu'il y a des hauts et des bas. Tout au long de la maladie, il est possible que les périodes de bien-être deviennent plus courtes, tandis que les périodes de maladie s'allongent. Un certain nombre des suggestions que nous formulons visent à corriger les problèmes liés à ce troisième groupe.

    D'une certaine façon, la règle des quatre années sur les six dernières introduit une forme de discrimination systémique à l'encontre de certaines maladies. À l'examen de nos recommandations, vous vous rendrez compte que bon nombre d'entre elles visent à corriger ces problèmes.

    Nous avons formulé certaines suggestions précises à ce propos, par exemple l'adoption de quelques critères qui permettent le maintien de la règle, mais aussi la prise en compte de problèmes; si, par exemple, une personne a travaillé pendant le tiers de la période de cotisation--du début du travail jusqu'au moment de la présentation de la demande--mais pas moins de trois ans, ou si elle a accumulé dix années de travail en tout temps. Nous pensons que certaines de nos suggestions contribueraient à régler le problème des maladies épisodiques et d'autres schémas de maladie et d'invalidité.

    L'autre enjeu concerne l'«exclusion pour études», c'est-à-dire l'examen de l'exclusion au sens large, de façon à ne pas pénaliser les personnes qui tentent de retourner à l'école pour se perfectionner, voir si elles arrivent à trouver un autre emploi. En ce qui concerne l'exclusion pour les parents, l'exclusion pour élever des enfants, on exclut essentiellement les années concernées du calcul: elles ne sont donc pas comptabilisées. Si une femme ou un homme prennent un certain nombre d'années pour élever de jeunes enfants, on ne les pénalise pas pour autant au moment d'effectuer le calcul. Ce que nous proposons, c'est une forme d'exclusion analogue appliquée aux personnes qui retournent à l'école.

¿  +-(0925)  

    Une fois de plus, ce que nous voulons vraiment, c'est inciter les personnes à faire de leur mieux pour réintégrer le marché du travail, si tant est que cela soit possible, et non créer des obstacles ou des pénalités.

    Dans l'hypothèse où on introduirait une telle mesure, la question de parties d'années devient très importante parce que bon nombre de programmes scolaires débutent en septembre. Mais nous pensons que le recours à des parties d'années contribuerait également à régler des problèmes de longue date concernant l'exclusion pour élever des enfants en raison de l'utilisation des années civiles plutôt que des parties d'années. Si un enfant est né, disons, le 14 janvier, l'année tout entière est comptabilisée; ce n'est que l'année qui suit qui est exclue. À ce moment, de très nombreuses femmes réintègrent le marché du travail : essentiellement, elles perdent l'avantage offert par l'exclusion pour élever des enfants, du seul fait qu'on ne tient pas compte des parties d'années. Nous pensons donc que la prise en compte des parties d'années favoriserait non seulement l'exclusion pour études que nous proposons, mais aussi l'exclusion actuelle pour élever des enfants.

    Certaines des suggestions que nous formulons au sujet du processus d'appel en soi recoupent pour une bonne part celle que formulera Anna: je vais donc lui laisser le soin de vous les présenter.

    Nous avons quelques suggestions à formuler au sujet des paiements, la rétroactivité à compter de la date de l'invalidité, et des mesures incitatives pour les essais de retour au travail, afin d'éviter, une fois de plus, d'éviter de pénaliser les personnes qui tentent un retour au travail et qui perdent leurs prestations à cause d'une tentative avortée de retour au travail.

    Je sais que la question du crédit d'impôt pour personnes handicapées a été controversée. L'une des choses que nous avons entendues et que nous proposons, c'est que la personne admissible au RPC pour une maladie grave et prolongée devrait être automatiquement admissible au crédit d'impôt pour personnes handicapées, au lieu d'avoir à répondre à divers types de critères, de subir une autre forme d'évaluation et le passage forcé par un labyrinthe administratif de plus. Nous sommes conscients du fait qu'il s'agit d'un véritable labyrinthe. De nombreuses définitions de la notion d'«invalidité» s'appliquent: en réalité, on a affaire à une véritable courtepointe de programmes d'invalidité. Tôt ou tard, nous devrons tout intégrer, mais, entre-temps, nous pouvons à coup sûr étudier la possibilité d'assurer une certaine uniformité entre les programmes fédéraux.

    Dans le contexte de cette courtepointe, l'une de nos autres suggestions a trait--et, une fois de plus, je sais qu'il s'agit d'une question controversée du point de vue de la protection des renseignements personnels, mais je pense qu'il y a des moyens d'agir en ce sens sans s'ingérer dans la vie privée des intéressés--au fait d'établir une base de données communes au RPC et à l'a.-e., aller jusqu'à créer des champs communs dans les bases de données de façon que nous puissions effectivement suivre les tendances.

    Si nous avions une idée des cas qui passent par la base de données de l'a.-e. pour ensuite passer à celle du RPC et que nous les prenions en commun, nous serions mieux en mesure d'intervenir, pensons-nous, à un stade précoce. Par la suite, nous pourrions peut-être nous montrer plus proactifs dans certaines circonstances et peut-être même attribuer des fonds de recherche à certains secteurs. On pourrait ainsi étudier des possibilités d'interventions précoces et des stratégies qui permettent d'éviter qu'elles ne se prolongent, de façon à limiter les incohérences entre les programmes fédéraux.

    Du point de vue de certaines infrastructures, nous proposons, dans le cadre de la recommandation A20, la création d'un organisme consultatif qui, en permanence, donnerait son avis sur les politiques. Il permettrait aux divers intervenants, y compris les personnes handicapées, de se faire entendre sur le plan de la vision et de la planification. Si l'organisme en question avait accès à certaines informations, aux informations générales qui circulent, notamment par l'entremise de la base de données communes que j'ai invoquée, on serait mieux en mesure de cibler certains secteurs qui entourent les décisions stratégiques, des décisions ciblées concernant les recherches et les programmes.

    Finalement, nous soulevons la question qui a été posée au sujet d'un régime d'assurance-invalidité national. À nos yeux, il s'agit certes de la situation idéale. Nous sommes conscients du fait qu'il y a loin de la coupe aux lèvres, mais nous sommes d'avis que la concrétisation de certaines de nos propositions favoriserait l'atteinte de l'objectif ultime qui consiste à assurer un plan national d'assurance-invalidité plus cohérent.

    C'était donc quelques faits saillants de certaines des discussions que nous avons eues. Vous trouverez beaucoup plus de détails dans le rapport. Ce dernier renferme d'autres suggestions, mais je vous ai essentiellement présenté nos principales propositions.

¿  +-(0930)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Anna.

+-

    Mme Anna Mallin: Le groupe de travail sur la législation et le règlement s'est surtout intéressé au processus et à toutes les étapes par où passe un demandeur, de la demande initiale de prestations d'invalidité du RPC, au réexamen, à une audience du tribunal de révision et la Commission d'appel des pensions. Notre point de vue général, c'est qu'on pourrait raccourcir le processus, le rendre plus efficient et efficace pour le demandeur et l'appelant et plus rentable pour le contribuable.

    Aider un appelant à obtenir plus d'informations plus tôt dans le processus a été l'autre thème sous-jacent de nos discussions. À l'heure actuelle, l'appelant ne reçoit pas les motifs de la décision du ministre lui refusant des prestations d'invalidité, les motifs détaillés se rapportant au cas, avant l'audience du tribunal de révision. L'appelant ne reçoit donc que les motifs détaillés que quatre à cinq semaines avant une audience.

    Si l'examen des motifs du ministre révèle une lacune réparable dans sa preuve, l'appelant dispose de très peu de temps pour obtenir les renseignements additionnels nécessaires. À titre d'exemple, le mémoire du ministre peut faire état de l'absence d'une IRM, d'un rapport psychiatrique complet ou d'un document du genre, autant d'éléments auxquels l'appelant pourrait avoir accès, sans toutefois les avoir en main. Il n'a donc pas le temps de prendre les dispositions nécessaires. Il arrive qu'on ajourne l'audience du tribunal de révision, que l'appelant ne fournisse pas tous les renseignements voulus et qu'il doive aller jusqu'à la Commission d'appel des pensions pour faire valoir l'ensemble de son cas.

    Nous pensons qu'il serait plus sensé que le ministère encourage à fournir au demandeur les motifs détaillés se rapportant à son cas au moment du réexamen, de façon à leur donner une meilleure compréhension et une meilleure idée de la démonstration à faire devant le tribunal de révision.

    Je devrais expliquer que, dans les faits, le ministère s'est montré des plus coopératifs en fournissant les mémoires du ministre aux appelants et au tribunal en même temps que le dossier de l'audience. Auparavant, le tribunal et l'appelant n'obtenaient les documents qu'à la date de l'audience, tout juste avant cette dernière, ce qui obligeait l'appelant à s'efforcer de lire trois ou quatre pages d'un document très dense ou à tenter de le comprendre tout juste avant l'audience, sans pouvoir se faire une idée claire des lacunes de sa cause.

    Il s'est donc agi d'une énorme amélioration. Nous tenons en féliciter le ministère. Mais nous pensons qu'on pourrait encore améliorer les choses en s'assurant que cette information soit fournie à l'appelant encore plus tôt dans le processus.

    Nous pensons aussi qu'il serait utile d'encourager le ministère à obtenir plus de renseignements en incitant les évaluateurs à rencontrer l'appelante en personne. Très souvent, on a affaire à un dossier renfermant un très grand nombre d'informations médicales. Ces informations, qui expliquent pourquoi telle ou telle personne est incapable de travailler, ne vont pas de soi. Confronté à quelques diagnostics, on se demande à quoi on a affaire. Puis la personne entre dans la salle d'audience, et tout s'éclaire.

    Si quelqu'un rencontrait l'appelant face à face plus tôt au cours du processus, peut-être au stade du réexamen, on peut penser qu'un plus grand nombre de pensions d'invalidité seraient allouées au niveau ministériel et ne feraient pas l'objet d'appels. En fait, les appelants se disent en proie à une grande frustration: je n'ai jamais pu parler à personne. Comment expliquer ce qui m'arrive? Ce n'est pas dans le document. Voilà comment les choses se passent. Dans le cadre de l'une de nos principales recommandations, nous encourageons l'organisation de rencontres en personne avant l'étape du tribunal de révision, plus tôt dans le processus.

    À ce propos, nous voulons que l'information soit communiquée plus tôt. Au BCTR, on retrouve une très bonne fonction de counselling, où les intéressés obtiennent certaines informations sur le processus par où ils vont passer de même que sur ce qu'ils vont devoir faire. Nous pensons que cela pourrait fréquemment être amélioré et qu'il y aurait peut-être lieu de donner au commissaire certains outils pour améliorer la compréhension des appelants.

¿  +-(0935)  

    Nous proposons que le commissaire soit habilité à exiger des appelants un certificat de préparation montrant qu'ils ont vraiment réfléchi à tous les renseignements nécessaires au dépôt de l'appel le plus solide possible. Ont-ils, par exemple, consulté un psychiatre au cours des cinq dernières années. Y a-t-il un rapport de psychiatre dans le dossier? Un tel rapport a-t-il été déposé? Ont-ils consulté un chirurgien orthopédiste? Le dossier renferme-t-il un rapport de visite chez un chirurgien orthopédiste? Voilà le genre de listes de contrôle auxquelles nous faisons allusion, et nous pensons que le fait d'autoriser le commissaire à exiger ce genre de certificats pourrait favoriser une amélioration de ce genre.

    Si l'appelant dispose de renseignements additionnels plus tôt dans le processus, nous pensons qu'il est peut-être inutile d'avoir un deuxième niveau d'audience de novo au stade de la Commission d'appel des pensions. Parce que l'appelant n'est pas bien informé, l'étape du tribunal de révision est nécessairement celle où son cas est présenté en entier. En cas d'échec, l'appelante sait à quoi s'en tenir et sent la nécessité de demander une audience de la Commission d'appel des pensions, instance où un bon nombre d'appels sont accueillis.

    Si plus d'information était fournie plus tôt dans le système, cette étape additionnelle serait peut-être superflue, ce qui entraînerait une réduction des coûts pour le contribuable, du stress et de l'inquiétude pour les appelants, qui pourraient plus rapidement passer à autre chose.

    Notre groupe de travail a également formulé un certain nombre de recommandations techniques, et je vais en souligner quelques-unes relativement à des points où, pour des raisons techniques, nous pensons que le processus pourrait être amélioré. À titre d'exemple, il n'y a pas de mécanisme de règlement officiel qui permet au commissaire d'accepter de façon officielle un règlement intervenu entre le ministère et l'appelant.

    Imaginons par exemple qu'une audience du tribunal de révision est fixée et que, peu de temps avant, on reçoive un nouveau rapport médical qui soit absolument définitif. Il ne fait aucun doute que tel ou tel appelant n'est pas apte au travail. Le ministère est d'accord et se dit prêt à renverser sa décision initiale; il va accueillir l'appel et verser des prestations d'invalidité. Cependant, la date du début des prestations d'invalidité peut poser problème. Ainsi, il est possible que l'appelant soit d'avis que les prestations d'invalidité devraient être rétroactives au jour où il a cessé de travailler, tandis que le ministère, selon la nature du dossier, peut soutenir que la date devrait être quelque peu plus tardive, par exemple la date de l'accident de voiture qui s'est produit peu de temps après que la personne a cessé de travailler.

    À cause du caractère informel de la procédure actuelle, il est possible que l'accord entre l'appelant et le ministère achoppe pour des points de détail, et nous pensons qu'il y aurait lieu de prévoir un mécanisme favorisant l'obtention d'un règlement, au lieu d'un appel portant sur la date du début des paiements d'invalidité. Une fois de plus, nous pensons que le système pourrait être rationalisé et rendu plus efficient de la sorte.

    Il n'y a pas de mécanisme officiel de retrait d'un appel au stade d'une audience. Cela se produit quelquefois. Soudainement, une personne se sent mieux; le nouveau médicament donne de bons résultats. Il est possible qu'un appelant, pour un certain nombre de motifs, souhaite se désister au stade de l'audition, et il n'y a pas de mécanisme officiel qui le prévoit. Dans le rapport de notre groupe de travail, on retrouve un certain nombre d'autres suggestions mécaniques détaillées, que vous pourrez consulter à loisir. Si vous avez des questions à leur sujet, nous nous ferons un plaisir d'y répondre.

    C'était là les points que je souhaitais porter à l'attention des membres du sous-comité. Je vous remercie.

+-

    La présidente: Merci beaucoup. Est-ce--

+-

    M. G. Peter Smith: Je crois que M. Clayman voulait faire prendre le relais en présentant deux ou trois...

+-

    Mme Anna Mallin: Il va parler d'un sujet qui lui tient particulièrement à coeur et qui, je crois, nous tient tous particulièrement à coeur.

¿  +-(0940)  

+-

    M. Bernie Clayman (conseiller principal, Loi et règlement, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV))): Merci.

    Dans le contexte de la suggestion du groupe de travail selon laquelle l'information doit être communiquée de façon précoce, mes remarques concernent le cas des appelants qui ne parlent, ne comprennent et ne lisent ni l'une ni l'autre des langues officielles et ont reçu toute la correspondance de DRHC et tous les appels téléphoniques de DRHC dans les langues officielles seulement.

    Comme Peter l'a dit, la plupart des audiences que je préside se tiennent à North York. Comme vous le savez, madame la présidente, bon nombre d'habitants de la région ne sont pas nés au Canada et éprouvent des problèmes d'analphabétisme et d'incompréhension des langues officielles. Ils ont beau avoir travaillé toute leur vie au Canada dans des emplois manuels, par exemple à titre de couturières, d'ouvriers de la construction et d'autres métiers du genre, ils ont toujours communiqué avec leurs collègues de travail et leurs superviseurs dans leur langue maternelle.

    Malgré ce problème, DRHC ne fournit pas d'interprète jusqu'au stade du tribunal de révision. Ils ont le droit de présenter leur cas sous l'angle le plus favorable possible--vous le verrez dans le rapport de notre groupe de travail--, mais comment peuvent-ils le faire lorsqu'ils n'ont qu'une compréhension limitée de tout ce qui s'est passé jusque là? Ils ignorent probablement qu'ils doivent soumettre des rapports médicaux faisant état de la gravité de leur invalidité au moment de l'audition, des rapports médicaux faisant état de la gravité de leurs problèmes de santé au moment où ils ont pour la dernière fois satisfait aux exigences fixées pour les cotisants. Soudain, au moment où s'ouvrent devant eux les portes du tribunal de révision, voilà qu'on met à leur service un interprète capable de leur expliquer les enjeux.

    Dans un tel cas, lorsqu'il apparaît clair qu'ils ne comprennent pas les enjeux, le tribunal de révision n'a d'autre choix que d'ajourner l'audience pour leur donner la possibilité d'obtenir les preuves médicales qui, ils s'en rendent maintenant compte, sont nécessaires. Je crois savoir que le coût de l'ajournement ou de l'organisation d'un tribunal de révision est d'environ 900 $. C'est un pur gaspillage. Si les intéressés avaient été mieux préparés et comprenaient le système...

    Il nous semble--et vous le constaterez dans notre rapport--que l'accès, au besoin, à un interprète, plus tôt et tout au long du processus, constituerait une solution rentable et plus équitable pour les appelants.

    Si elles reposent sur mon expérience personnelle à North York, mes remarques s'appliquent à toutes les régions du pays où on retrouve un nombre important de néo-Canadiens ou d'immigrants.

    Je pense que la meilleure façon d'illustrer le niveau de compréhension consiste à vous relater une expérience que j'ai eue. On a fait parvenir à une appelante ce qu'on appelle le «livre bleu», où figure l'ensemble des lettres et des rapports médicaux transmis jusque là par DRHC. En même temps, elle a reçu une lettre dans laquelle on l'invitait à soumettre en trois copies tout nouveau rapport médical qu'elle souhaitait soumettre en preuve, pour fins de distribution aux membres du tribunal. Comme elle voulait s'appuyer sur les données médicales du livre bleu, elle s'est rendue chez Kinko et a fait faire trois copies du livre bleu au coût de 50 $. Absolument. C'est ce qu'elle avait compris.

    Au dernier paragraphe de la page 23, nous résumons notre position, c'est-à-dire que, au nom de l'équité et de la rentabilité dans ces secteurs, on pourrait mettre des interprètes à la disposition des appelants plus tôt dans le processus afin de leur donner une chance d'avoir gain de cause devant le tribunal.

    Je vous remercie.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant passer aux questions du comité pour les premiers témoins. Tout le monde est d'accord?

    Monsieur Merrifield, soyez le bienvenu.

+-

    M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Merci.

    Sur cette question, je suis en plein rattrapage, mais ma première question concerne le processus d'appel. Vous en avez parlé. Les rencontres face à face, si elles intervenaient plus tôt dans le processus, permettraient-elles de corriger le problème des barrières linguistiques?

¿  +-(0945)  

+-

    Mme Anna Mallin: Je dirais que oui, et j'espère qu'on encouragera les évaluateurs du ministère à se prêter à des rencontres en face à face. Si l'une ou l'autre des parties laisse entendre qu'il y a un problème de communication, on devrait, à ce stade, fournir un interprète compétent. En fait, je pense que cela serait très avantageux. Au niveau des évaluateurs, la procédure pourrait être encore plus informelle. On pourrait beaucoup mieux expliquer à quoi rime le processus.

    Alors, oui, je pense qu'il s'agirait d'un atout très précieux.

+-

    M. Rob Merrifield: En même temps, ce serait une façon de régler les deux problèmes: il ne peut y avoir de rencontres face à face que si l'obstacle linguistique est surmonté.

+-

    Mme Anna Mallin: C'est vrai. Nous sommes entièrement d'accord avec vous.

+-

    M. Rob Merrifield: Essentiellement, on ferait d'une pierre deux coups.

    L'autre chose à propos du processus d'appel... Je me posais simplement une question. Il existe trois niveaux d'appel. Pourrait-on comprimer la procédure? Ce que je me demande, c'est s'il s'agit d'un édifice branlant--

+-

    Mme Anna Mallin: C'est exactement ce que nous proposons, la compression en deux niveaux, le stade du réexamen et le stade du tribunal de révision, sans plus d'appels à la Commission d'appel des pensions. Alors, oui, c'est précisément cette forme de compression que nous proposons.

+-

    M. Rob Merrifield: On aboutirait ainsi à un système beaucoup plus rationalisé, beaucoup plus efficient... La mesure entraînerait-elle une réduction des coûts?

+-

    Mme Anna Mallin: Je crois que oui, mais il y a là un équilibre. Effectuer plus de travail dans le dossier pour étoffer les motifs précis du refus de la demande du demandeur au stade du réexamen entraînerait des coûts pour le ministère : il faudrait donc mettre davantage l'accent sur cette étape et y consacrer plus d'efforts, mais, au stade de l'appel final, on réaliserait des gains à ce chapitre. Il ne s'agit donc pas d'une économie absolue puisque plus de coûts seraient déplacés en amont du système.

+-

    M. G. Peter Smith: Madame la présidente, me permettriez-vous d'intervenir brièvement?

    La présidente et d'autres membres du comité savent que nous avons souvent mis le ministère au défi de nous mettre à la porte. En nous mettant à la porte, ils mettraient la CAP à la porte.

+-

    M. Rob Merrifield: J'ai une autre question. À titre de membre de panel, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous renversez un si grand nombre de décisions de DRHC relativement à l'octroi d'une pension d'invalidité à une personne ayant déjà essuyé un refus de la part du ministère?

+-

    Mme Anna Mallin: Oui, nous pensons que le ministère était dans l'erreur.

+-

    Mme Cheryl Forchuk: Puis-je répondre à la question?

+-

    Mme Anna Mallin: Oui.

+-

    Mme Cheryl Forchuk: Assez souvent, à l'examen préalable du cahier où figurent tous les rapports médicaux, il m'arrive de me dire que je comprends pourquoi le ministère a rejeté la demande parce que la preuve qu'on lui a soumise, c'est-à-dire les rapports médicaux en question, renferment d'énormes trous. Souvent, on n'y retrouve absolument rien au sujet de la question d'employabilité. C'est l'un des aspects sur lesquels nous insistons dans notre rapport : la définition devrait permettre d'établir si la personne est ou non en mesure d'occuper un emploi régulier et rémunérateur. Pourtant, il arrive souvent que les rapports médicaux soient muets sur ce point. À la vue du demandeur, les faits sautent aux yeux, et on peut poser des questions très précises au sujet de l'employabilité.

    Ce que nous proposons, c'est que le ministère bénéficie de certains des avantages d'une rencontre en personne et que, à l'intérieur des rapports en question, on se penche sur des questions précises relatives à l'employabilité. Même si nous sommes en désaccord, nous avons affaire à une preuve tout à fait différente le moment venu de prendre une décision. Nous entendons la personne et nous avons les données médicales en main, tandis que, en vertu du système actuel, le ministère ne dispose que de documents sur papier. Si, en fait, nous nous fondions sur les mêmes documents, nous lui donnerions peut-être raison. Nous en arriverions peut-être à la même conclusion, très souvent sans doute. Mais nous avons le bénéfice de cette information additionnelle.

+-

    La présidente: Êtes-vous en train de nous dire qu'on ne pose pas les bonnes questions dans les formulaires médicaux ou que le ministère ne possède pas l'expertise voulue pour prendre des décisions médicales concernant l'employabilité compte tenu de l'information médicale fournie par ses propres médecins?

+-

    Mme Cheryl Forchuk: Ce que je dis, c'est que l'information fournie par le client tend à se concentrer sur l'historique médical, sans que la question de l'employabilité soit abordée. Il est possible que l'employabilité des intéressés n'ait pas fait l'objet d'une évaluation particulière. On aura beau leur avoir posé des questions, il est possible qu'ils n'en aient pas saisi les tenants et aboutissants. Si vous demandez à la personne moyenne ce qu'est une maladie grave et prolongée, elle aura tendance à penser à la maladie, et non à la définition de la loi, laquelle entretient des liens avec la notion d'employabilité. L'information est donc très différente. Grâce à la rencontre en face à face, nous avons l'avantage de voir la personne, tandis que le ministère n'a sous les yeux que des documents sur papier. Nous prenons la décision sur la foi d'éléments différents.

¿  +-(0950)  

+-

    La présidente: Madame Mallin.

+-

    Mme Anna Mallin: J'ajouterais que c'est comme la différence entre le diagnostic et l'aptitude d'une personne au travail. En vertu du diagnostic, on désigne une maladie; il ne vous dit rien des effets de la maladie en question. En fait, l'une de nos autres recommandations consiste à inciter le ministère à faire beaucoup plus au chapitre de la prestation d'information sur l'évaluation des capacités fonctionnelles, des aptitudes fonctionnelles, etc. Nous avons besoin de plus d'information portant sur la capacité d'une personne de fonctionner, par opposition au diagnostic de la maladie.

+-

    La présidente: Est-ce un problème de sensibilisation des médecins à--

+-

    Mme Anna Mallin: Non. Le médecin a pour tâche d'établir un diagnostic, de traiter le patient et de donner un pronostic.

    Si la personne souffre d'une sciatique, par exemple, le médecin n'a pas pour tâche d'établir si elle peut agir comme couturière. Le médecin n'effectue pas de tests permettant d'établir les capacités fonctionnelles de telle ou telle personne. Est-elle en mesure de soulever un poids de dix livres? Peut-elle marcher sur une distance d'un demi-mille? Est-elle en mesure de se pencher pour ramasser un objet? Ce n'est pas son travail. C'est le travail du responsable de l'administration d'un test d'aptitudes fonctionnelles.

+-

    La présidente: Des représentants de l'Association médicale nous ont dit qu'un grand nombre de médecins se sentent très mal à l'aise à l'idée d'effectuer une évaluation d'employabilité, de la même façon que nous n'aimons pas retirer le permis de conduire d'une personne. En ce qui concerne la relation continue entre un médecin et son patient, certains d'entre nous sommes d'avis que, à la question de savoir si telle ou telle personne est ou non en mesure de travailler, nous pourrions répondre par oui ou par non. L'enjeu qui préoccupe les membres du comité est de savoir si on devrait ou non nous poser la question.

+-

    Mme Anna Mallin: Je pense qu'on ne devrait pas nécessairement poser la question aux médecins. C'est à une personne possédant une expertise différente qu'il appartient d'évaluer les capacités physiques d'un individu.

+-

    La présidente: Monsieur Merrifield.

+-

    M. Rob Merrifield: Lorsqu'on est appelé à prendre des décisions de ce genre, il me semble qu'on devrait avoir en main le plus de renseignements possible avant de se prononcer. C'est, me semble-t-il, toute l'idée.

+-

    Mme Anna Mallin: En fait, c'est la fonction du tribunal de prendre une décision au sujet de l'aptitude au travail.

+-

    La présidente: Madame Dalphond-Guiral.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, madame la présidente.

    Je suis très contente que vous soyez ici tous les sept. C'est un gros groupe, mais la chose qui me rend le plus heureuse, c'est de savoir qu'il y a une infirmière parmi vous. Et là, je prêche pour ma paroisse, parce que j'ai été dans cette confrérie pendant très longtemps. Je pense qu'autant en politique que quand il s'agit de porter un jugement sur des gens, le regard des infirmières est teinté d'empathie, et c'est probablement la chose la plus importante. Donc, je suis très contente de vous saluer, particulièrement madame Forchuk.

    Parmi les éléments qui étaient particulièrement étudiés, vous avez parlé de l'admissibilité, bien sûr, et de la fameuse définition.

    Ça fait un bail que je siège au comité; je suis presque la doyenne. Je suis comme monsieur; on est arrivés ensemble. Le problème de la définition a toujours été un énorme problème parce que c'est une définition cadre, et quand les définitions changent pour la même personne, ça devient extrêmement difficile, et on se retrouve, par exemple, avec des gens qui reçoivent la rente d'invalidité mais qui ne sont pas admissibles aux crédits d'impôt, ce qui est une aberration.

    Actuellement, on est en train de faire un gros brassage d'idées. Selon vous, est-il pensable que des experts, des gens compétents, le corps médical, les personnes qui sont très près des gens qui vivent avec une situation de handicap important, en arrivent à une définition intelligente? Moi, je pense que c'est la première chose qu'il faut faire.

    Je vous ai entendue parler de Mary qui n'était pas admissible parce que, catastrophe, elle était courageuse. C'est une aberration de notre système que de punir les gens qui sont courageux au lieu de les soutenir. Alors, je me dis qu'il y a vraiment tout un problème de valeurs. Je sais que je suis peut-être théorique, mais c'est ce qui m'interpelle le plus, moi.

    Alors voilà, la parole est à vous.

[Traduction]

+-

    Mme Cheryl Forchuk: Oui, je pense qu'il s'agit d'un enjeu critique du point de vue de la définition,et c'est pourquoi j'ai fait expressément référence au cas de Mary. De toute évidence, son cas combine des caractéristiques de quelques personnes que nous avons vues.

    Je devrais dire un mot au sujet de mon intérêt personnel, de la façon dont j'ai été, au départ, associée aux panels. Peter Smith a fait état de mes antécédents dans le domaine de la santé mentale. Il y a un certain nombre d'années, j'agissais comme superviseure de la santé publique dans le cadre d'un programme de santé mentale de la région de Hamilton. Nous avions affaire à un grand nombre de personnes atteintes d'une maladie mentale de longue date. Souvent, la pauvreté et le fait qu'elles ne recevaient pas des niveaux de service adéquats comptaient parmi les principaux problèmes auxquels ces personnes étaient confrontées.

    Nous avons passé tous les cas en revue pour tenter de trouver de nouveaux moyens d'assurer un soutien financier adéquat aux intéressés. Les personnes comme Mary en particulier avaient travaillé pendant un certain nombre d'années parce que les maladies en question sont lentes et intermittentes. L'une des choses qui m'ont étonnée, c'est que nous parvenions rarement à faire établir l'admissibilité de telles personnes au RPC, malgré des années d'emploi. Souvent, nous nous adressions au programme provincial, où s'appliquait une définition différente. Les intéressés étaient admissibles ou non. Ce sont certaines de ces discussions qui, en réalité, m'ont amenée à demander à mon député pourquoi ces personnes n'étaient jamais admissibles même si elles avaient cotisé pendant un certain nombre d'années et étaient manifestement invalides--du moins selon ma compréhension des choses.

    C'est quelques années plus tard qu'on m'a demandé si je souhaitais être membre des tribunaux de révision. Je me suis dit que le moment était venu d'agir ou de me taire. Lorsque, plus tard, on m'a demandé de présider le comité des politiques de base, j'ai évidemment apporté ce préjugé avec moi.

    En ce qui concerne la définition de la notion d'invalidité, je pense qu'on doit tenir compte des différentes trajectoires de maladie que j'ai évoquées. La définition doit tenir compte de la question des maladies épisodiques, et bon nombre d'entre elles le sont. Certaines personnes courageuses continueront de travailler en dépit d'une maladie évolutive; elles iront à l'école et tenteront de réintégrer le marché du travail. En vertu du système actuel, on met l'accent sur cette évolution en tant que modèle, non seulement du point de vue de la définition de maladie «grave et prolongée», parce qu'il arrive que le phénomène se produise dans le cadre de maladies graves et prolongées, mais aussi celui de l'absence d'interruption jusqu'à la date de l'invalidité. La personne qui a eu une période de rémission sort perdante. Il faut que l'invalidité soit continue.

    Pour que les personnes travaillent pendant les périodes où elles se sentent bien, ce qui optimise les avantages pour leur santé et leur dignité, nous devons également miser sur un mécanisme en vertu duquel ils peuvent, pendant les périodes de maladie, recommencer rapidement à toucher des prestations d'invalidité, sans se buter à ce genre d'écueils.

    À notre avis, la définition devrait combiner l'idée de maladies épisodiques à celle de maladies graves et prolongées. L'examen des définitions--le problème ne se pose pas qu'au Canada, et nous avons examiné des définitions en vigueur dans des pays des quatre coins du monde--, nous nous sommes rendu compte que la notion de maladie «épisodique» fait partie de nombreuses définitions. Il s'agit à coup sûr de l'un des éléments dont nous devons tenir compte.

    Je suis certaine que de nombreuses personnes, sachant que la notion de maladie épisodique est exclue, ne font pas preuve d'autant de courage et ne tentent même pas d'effectuer un retour au travail par crainte de porter atteinte à leur stabilité financière. Ne porte-t-on pas préjudice à la santé d'une personne en la privant de tout espoir?

    C'est pourtant ce que nous faisons en vertu de ce seul modèle. Nous plaçons les intéressés dans une situation très difficile parce que nous les privons... en cas d'échec, ils perdent beaucoup au chapitre de la stabilité financière. Bon nombre d'entre eux refusent même d'essayer.

    L'inclusion d'une telle notion, pensons-nous, viendrait en aide à de nombreuses personnes. Je veux parler de toute la question des maladies épisodiques. Nous proposerons ici des façons précises d'y parvenir au moyen de suggestions de moindre envergure. L'idée plus générale est la suivante : admettons que l'invalidité ne se résume pas toujours à une évolution progressive ni à un événement catastrophique. Parfois, il s'agit d'un processus qui a des hauts et des bas, lesquels ne correspondent pas au modèle bien net qui prévoit quatre années de cotisations sur les six dernières.

¿  +-(0955)  

+-

    La présidente: Merci.

    Judi.

+-

    Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax): Merci. Je tiens à vous remercier tous d'être venus, et je vous sais gré de votre expertise.

    Lorsque j'ai constitué mon bureau et me suis mise à l'écoute de mes commettants, l'une des choses que j'ai remarquées plutôt rapidement, c'est que presque toutes les demandes initiales avaient été rejetées. Ce que j'ai du mal à m'expliquer, c'est pourquoi, au niveau de la procédure de demande initiale, on ne semble pas fournir une liste de contrôle des éléments nécessaires, par exemple l'évaluation de la capacité fonctionnelle, afin d'indiquer clairement aux demandeurs le genre de renseignements requis.

    Souvent, ils viennent nous voir. Après avoir pris connaissance du dossier, des documents fournis, comme vous venez de le dire, on leur fait admettre qu'ils auraient eux aussi, sur la foi des documents en question, rejeté la demande. Je leur demande où est ceci et où est cela. Ils me répondent qu'ils ne savaient pas que les documents en question étaient requis. Personne ne leur en avait parlé. Ils semblent passer par une succession de lettres, sans que personne leur dise que, si seulement ils avaient fourni ce...

    Ce que je voudrais savoir, c'est s'il serait possible de préparer une liste de contrôle, de façon que même les membres de mon personnel, lorsqu'ils aident des gens à préparer ces demandes initiales, soient en mesure de défendre leurs intérêts et de leur dire de ne pas oublier telle ou telle chose. Je veux savoir à qui il revient d'évaluer la capacité fonctionnelle et comment aiguiller un commettant qui se prépare à présenter une demande vers l'information initiale dont il a besoin, dans l'espoir d'obtenir une réponse favorable à la demande initiale.

    Avec votre permission, je vais regrouper toutes mes questions pour ensuite vous laisser le temps de répondre.

    Je m'inquiète aussi de la perspective de la rationalisation si on ne renforce pas les deux autres niveaux, qu'on ne leur donne pas plus de mordant. Ce que je veux éviter, c'est une rationalisation qui ne viserait qu'à accélérer les choses et déboucherait, au bout du compte, sur un rejet. Je rends bien compte du fait que ce n'est souvent qu'au stade de la Commission d'appel des pensions que les intéressés obtiennent un règlement satisfaisant. Je ne tiens pas à vous mettre à la porte trop rapidement. Je préfère attendre que les deux autres niveaux soient prêts à fonctionner comme il se doit.

    De la même façon, j'aimerais savoir combien de temps prend le traitement d'une demande si tout se passe parfaitement du point de vue de la demande initiale, du réexamen, du tribunal de révision et de la Commission d'appel des pensions. Puis, pourriez-vous dire un mot de la question de la rétroactivité?

À  +-(1000)  

+-

    La présidente: Avec votre permission, je vais vous interrompre un instant en qualité de présidente. Je pense que nous sommes sur le point de perdre M. Merrifield. Nous devons simplement adopter rapidement le budget avant de perdre le quorum. Ainsi, après l'excellent groupe de témoins que nous accueillons aujourd'hui, nous pourrons en inviter d'autres la semaine prochaine et la semaine suivante.

+-

    L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Je propose l'adoption du budget.

    (La motion est adoptée)

+-

    La présidente: Merci beaucoup. Nous formons un petit comité parfait.

    Des voix: Oh, oh!

    La présidente: La parole est à vous.

+-

    Mme Anna Mallin: Vous allez peut-être devoir nous rappeler chacune des parties de votre question. En ce qui concerne la durée, peut-être Peter pourrait-il nous donner un coup de main. Je crois savoir que la durée moyenne de traitement, du dépôt de la demande initiale jusqu'à la Commission d'appel des pensions, oscille entre un an et demi et trois ans. Est-ce une approximation exacte?

+-

    M. G. Peter Smith: Des améliorations ont été récemment apportées. Malgré tout, la situation n'est toujours pas idéale. Depuis que nous avons supprimé l'arriéré, nous avons réduit de façon assez radicale notre délai d'exécution. Ce que nous entendons aujourd'hui de la part des appelants, c'est qu'ils ne tiennent pas à aller aussi vite que nous le voulons. Fait intéressant, il s'agit d'un reversement de situation par rapport à la situation observée il y a trois ans.

+-

    Mme Anna Mallin: Permettez-nous d'expliquer pourquoi. Il faut beaucoup de temps pour obtenir les rapports des spécialistes. Les demandeurs ne sont peut-être pas en mesure de réunir rapidement les renseignements médicaux requis: nous voulons donc éviter de les pousser avant qu'ils ne soient prêts.

+-

    Mme Judi Longfield: Voilà qui nous ramène à la première question que j'ai posée: comment s'assurer que la demande initiale renferme tous les documents nécessaires?

+-

    Mme Anna Mallin: Avec votre permission, je vais répondre à la question.

    D'abord et avant tout, le tribunal de révision et le BCTR ne peuvent pas grand-chose à ce propos. On doit peut-être inciter le ministère à fournir plus de renseignements dans ses formulaires, etc.

    L'une des choses que nous pouvons faire--et cela fait partie de nos recommandations--, c'est proposer qu'une liste de contrôle soit affichée dans le site Web du BCTR, qu'on prépare un guide à l'intention des représentants des appelants pour les aider à se préparer et à réunir les renseignements voulus et, oui, faire en sorte que l'information soit la plus complète possible. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Bien entendu, les membres du personnel des députés auraient une meilleure idée de ce qu'il faut faire pour conseiller les clients. L'information serait accessible si elle était versée dans des sites Web.

    Vous aviez d'autres questions.

À  +-(1005)  

+-

    Mme Judi Longfield: Je m'inquiétais de la rationalisation--pas de la rationalisation en soi, mais de la nécessité de consolider les étapes du réexamen et du tribunal de révision--, et je pense que la réponse réside en partie dans l'établissement de la liste de contrôle pertinente, ce qui permettrait de combler les lacunes avant le dépôt de la demande, de façon qu'on ait la possibilité...

+-

    M. G. Peter Smith: Puis-je revenir brièvement, madame la présidente, sur l'observation très perspicace de Mme Longfield selon laquelle il ne s'agit pas de rationaliser simplement pour rationaliser.

    Certains ont proposé, en contradiction peut-être avec les recommandations du groupe de travail d'Anna, l'établissement de deux points de décision. Le recours à un dossier complet constitué par le ministère et un appel complet représente peut-être une approche plus radicale dont il a été question. Il faudrait pour ce faire comprimer deux étapes de la procédure ministérielle en une seule, où le dossier serait «complet». C'est ainsi qu'on s'exprime au ministère.

    On peut imaginer que nous nous retrouverions avec un nombre nettement réduit d'appels de novo, ce qui aurait pour effet de ramener la CAP à une activité dont elle s'acquitte extrêmement bien--les questions de droit seulement. Elle pourrait entendre des appels sur des questions d'équité, d'application régulière de la loi et ainsi de suite. La proposition va un cran plus loin que celle d'Anna et de son groupe de travail. Je sais qu'ils ont discuté d'options différentes--

    

+-

    Mme Anna Mallin: Nous ne nous y opposons pas. Seulement, nous avons jugé que ce n'était pas l'option la plus viable.

+-

    Mme Judi Longfield: Ma dernière question est la suivante: «qui est en mesure d'effectuer l'évaluation de la capacité fonctionnelle?» Où s'adresser?

+-

    Mme Anna Mallin: Cette évaluation devrait se faire au niveau ministériel parce que c'est là qu'on voit la personne en premier et qu'on peut miser sur les ressources des sociétés et des groupes qui effectuent des évaluations de la capacité fonctionnelle. Il y a des entreprises extérieures qui ont justement pour fonction d'évaluer les gens. J'ai toute une série de descriptions de travail. L'intéressé est-il capable d'agir comme commissaire de bord sur un bateau, commis des postes, ingénieur en informatique--ce genre d'évaluations.

+-

    Mme Judi Longfield: Recommanderiez-vous que la demande initiale comprenne ce genre d'évaluation de la capacité fonctionnelle?

+-

    Mme Anna Mallin: Non, parce que c'est très coûteux et qu'il est trop complexe et trop coûteux de demander au demandeur de s'en occuper lui-même. Il n'y parviendrait probablement pas.

    De nombreuses demandes sont rejetées pour des motifs purement techniques--les demandeurs ne répondent pas aux exigences touchant les cotisations ou travaillaient au moment du dépôt de la demande. Il y a une série de facteurs qui font que des demandes doivent être rejetées au tout début de la procédure de demande, sans que les choses aillent plus loin. C'est l'une des raisons qui font que nous sommes favorables au maintien du réexamen de la demande initiale. Parmi tous les cas reçus, un bon nombre de demandes sont rejetées à ce stade pour de très bonnes raisons techniques.

    Je précise cependant que nous n'avons pas de statistiques en main. Les membres de notre personnel n'ont pas réussi, par exemple, à obtenir d'informations sur le nombre de demandes initiales, le nombre de celles qui sont accueillies ou rejetées, le nombre de demandes rejetées qui passent au stade du réexamen, etc., ni sur ce qui se passe aux différentes étapes du système. Nous n'avons tout simplement pas ces données en main.

+-

    Mme Judi Longfield: Madame la présidente, je vais demander si nous pourrions obtenir ces renseignements. Je pense qu'ils seraient extrêmement précieux.

+-

    La présidente: En fait, je pense qu'ils figurent dans le site Web du comité.

+-

    Mme Anna Mallin: Vraiment? Je ne les ai pas vus.

+-

    La présidente: Les données semblent cohérentes. Le pourcentage de rejet se situe à environ 53 p. 100.

+-

    M. G. Peter Smith: Si vous le voulez, madame la présidente, nous avons certaines données récentes à vous fournir. Mais nous allons devoir vérifier.

    Je sais que le ministère a eu l'amabilité de nous fournir régulièrement les données concernant les quatre étapes. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas vous les communiquer, à moins que certains problèmes se posent à court terme.

+-

    La présidente: C'est la première question que j'ai posée à l'occasion d'une rencontre avec les représentants de DRHC puisque, même à titre de médecin, je partageais le point de vue de Mme Longfield selon lequel 100 p. 100 des demandes étaient rejetées. Je pense que ma première question se formulait à peu près comme suit : 100 p. 100 des demandes sont-elles rejetées, ou est-ce seulement une impression?

+-

    M. Guy Arseneault (commissaire adjoint, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse), Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV))): Je pense, madame la présidente, je le précise aux fins du compte rendu, qu'environ 40 p. 100 des demandes sont approuvées au stade initial--

À  +-(1010)  

+-

    La présidente: Oui.

+-

    M. Guy Arseneault: …et 28 p. 100 de plus au stade du réexamen.

+-

    M. G. Peter Smith: Il semble relativement logique, madame la présidente, que ceux qui ont obtenu gain de cause ne se présentent généralement pas en larmes au bureau de leur député. L'échantillon que vous avez est en quelque sorte déformé.

+-

    La présidente: Je songeais plutôt à tous ces gens qui, au sortir de mon cabinet avec un document portant ma précieuse signature, essuyaient un refus dans 60 p. 100 des cas.

    Des voix: Oh, oh!

    La présidente: Madame Minna.

    

    

+-

    Mme Maria Minna: Merci, madame la présidente.

    J'ai trois questions à poser.

    Jusqu'à un certain point, j'ai une impression de déjà vu. Longtemps avant de devenir député, je me suis intéressée aux programmes d'établissement des immigrants--je ne sais plus il y a combien de temps, peut-être une trentaine d'années. Les questions qui se posent aujourd'hui ne sont pas différentes de celles qui se posaient à l'époque. C'est plutôt triste, étant donné les dernières données de Statistique Canada relativement à la situation qui règne aujourd'hui à Toronto du point de vue du nombre de... Je cite Toronto en exemple, mais la situation en vigueur dans cette ville ne reflète pas nécessairement celle de la totalité du pays. À Toronto, 60 p. 100 ou plus des habitants sont nés à l'extérieur du Canada. Les besoins sont donc importants.

    Je me souviens d'avoir entendu des arguments et des discussions portant sur l'a.-e., le RPC et je ne sais quoi d'autre à propos de la prestation de services d'interprétation aux immigrants qui présentent une demande de service. On me répète sans cesse que nous sommes uniquement tenus de fournir les services dans les deux langues officielles, merci beaucoup et au revoir.

    Je suis heureuse que vous ayez soulevé cette question. Elle est à l'origine d'une injustice dans le système, laquelle se révèle coûteuse au bout du compte, étant donné que les intéressés doivent retenir les services d'avocats. Parmi les gens qui viennent à mon bureau, nous sommes en mesure d'aider ceux qui parlent ma langue et deux ou trois autres langues parlées par des membres de mon personnel. Habituellement, ces gens se sont adressés à un cabinet d'avocats, où ils ont dépensé 5 000 ou 10 000 $. C'est un peu comme les conseillers en immigration. Pour faire traduire des documents qui ne sont pas du tout compliqués, on retient les services de conseillers et de je ne sais qui, ou on s'adresse à des compagnies d'assurance, qui ne connaissent rien aux détails techniques et qui risquent de fournir des renseignements erronés. Au moment où ils arrivent à mon bureau, la situation est catastrophique. Quand ils arrivent chez vous, je soupçonne donc qu'ils sont en piteux état.

    Monsieur Clayman, peut-être pourriez-vous me dire par où vous commencez dans le dossier d'interprétation. Je suis une personne qui ne possède pas les capacités linguistiques requises. Que faites-vous exactement pour moi à partir du moment où je présente une demande, même s'il ne s'agit que de l'information susceptible de me permettre de commencer mes démarches?

+-

    M. Bernie Clayman: Vous êtes confrontée à deux problèmes. De toute évidence, nous ne pouvons pas avoir un interprète en résidence dans tous les bureaux du pays pour toutes les langues qui existent. C'est la première considération.

    Si l'objectif consiste peut-être à assurer des services d'interprétation le plus rapidement possible, je précise, pour revenir un instant en arrière, que des services d'interprétation sont offerts sur demande pour l'audition du tribunal de révision. Il me semble que le ministère admet cette incompréhension en offrant les services d'un interprète à ce stade-là. Dès qu'on demande la présence d'un interprète à l'audition du tribunal de révision, il me semble qu'on devrait sonner l'alarme et que les services d'interprétation devraient être assurés à tout le moins à partir du moment de la demande. Ce n'est pas ce qui se produit. Le cas échéant, au moment du dépôt du mémoire du ministre, c'est-à-dire les explications du ministre concernant l'accueil de la demande, auraient dû être traduites pour eux, peut-être avec 30 jours d'avance, pour que les intéressés se procurent des rapports médicaux à jour, compte tenu de leur compréhension de la situation. À notre avis, les services d'interprétation devraient être assurés au plus tard à partir de la demande de tels services en prévision de l'audition du tribunal de révision. Le plus tôt, nous semble-t-il--et c'est ce que le groupe de travail a indiqué dans son rapport--, c'est au stade du counselling.

    Guy, quand le counselling débute-t-il par rapport à l'audition?

+-

    M. Guy Arseneault: Le contact s'établit au moment de la réception du livre bleu, et par la suite la communication est constante.

+-

    M. Bernie Clayman: C'est donc cinq à six semaines avant l'audition du tribunal de révision. De toute évidence, le counselling devrait s'effectuer dans une langue compréhensible.

    D'un point de vue pratique, je ne vois pas comment on peut offrir des services d'interprétation dans des régions du pays où on n'en a pas besoin, sauf de loin en loin. Je ne sais pas comment on pourrait régler ce problème.

À  +-(1015)  

+-

    Mme Maria Minna: À titre d'exemple, je pourrais citer le cas de l'organisme au sein duquel je travaille à titre de bénévole. Il offre des services dans 42 langues. Il s'agit simplement d'un organisme sans but lucratif, et non d'un organisme gouvernemental. Il a un budget beaucoup plus petit que tout organisme gouvernemental, et pourtant il assure des services dans 42 langues.

    Je ne cite qu'un exemple tiré d'une ville. Il y en a de nombreux autres ailleurs au pays, à Vancouver, à Montréal--et j'en passe.

    De toute évidence, vous pourriez formuler une recommandation et, pour ma part, je l'approuverais certainement. Pourquoi le ministère ne conclut-il pas un accord d'achat de services auprès d'un de ces organismes, de façon que les demandeurs puissent obtenir des services d'interprétation au stade de la préparation des documents, même avant le début du traitement de leur demande? Ce faisant, on les aiderait à comprendre la procédure et leurs obligations, leurs responsabilités et je ne sais trop quoi. Les interprètes les aideraient non pas à obtenir des prestations médicales, mais bien à comprendre tout au moins leurs obligations, dès le départ.

    Encore une fois, c'est une pratique qui existe depuis des décennies. Le gouvernement du Canada, relativement au RPC, à l'a.-e. et au SRG de façon générale, et je ne sais quoi... je m'éloigne un peu du sujet, mais c'est une autre des raisons qui font que le Supplément de revenu garanti est sous-utilisé, comme nous le savons tous. Cependant, les divers ministères ont refusé de participer à un régime d'achat de services, résisté à l'idée de travailler en partenariat avec des organismes du domaine, qui travaillent tout le temps auprès de ces personnes. Je me demande si ce ne serait pas une meilleure façon de commencer, de manière à assurer un continuum.

+-

    Mme Anna Mallin: Si je peux me permettre de répondre, je serais entièrement d'accord avec vous. J'espère que nous et peut-être aussi le ministère réussirons un jour à afficher dans le site Web du BCTR des documents présentés dans des langues diverses, lesquels pourront venir en aide aux défenseurs des droits et aux interprètes tout autant qu'aux appelants en leur fournissant des explications. Je pense qu'il s'agit d'une excellente suggestion.

+-

    La présidente: Monsieur Arseneault.

+-

    M. Guy Arseneault: Si vous me permettez une brève intervention, je pense que c'est une excellente idée. En fait, nous étudions nous-mêmes certaines idées de ce genre relativement à des groupes communautaires, à la collecte d'informations les concernant, afin de déterminer ce qui est disponible.

    En fait, les services de défense des intérêts et de counselling pourraient même franchir un pas de plus. À titre de conseillers, nous ne sommes pas autorisés à fournir des renseignements sur la façon de procéder. Nous ne pouvons que donner des renseignements sur le processus en soi. Nous devons faire preuve d'indépendance et d'une très grande neutralité, par opposition à certains groupes communautaires, qui pourraient effectivement donner un coup de main et contribuer jusqu'à un certain point à la constitution des dossiers. Il y a des personnes qui ne sont pas admissibles et qui ne le seront jamais; elles devraient être mises au courant longtemps d'avance, et peut-être quelqu'un devrait-il s'en charger. Nous ne pouvons pas le faire. Nous devons les admettre au tribunal.

+-

    M. Bernie Clayman: Je tiens à établir clairement que c'est le ministère qui traite avec les demandeurs à cette étape précoce, et non le tribunal de révision.

+-

    Mme Maria Minna: Je comprends.

+-

    M. Bernie Clayman: D'accord. Nous ne sommes donc confrontés à ce problème qu'au moment de notre entrée en scène, mais nous proposons un changement de la procédure au niveau ministériel pour que le service d'interprétation soit offert plus tôt.

+-

    Mme Cheryl Forchuk: Je tenais simplement à répéter que, à mon avis, l'élément de notre recommandation concernant une rencontre en face à face tôt au début du processus revêt une très grande importance. Même si des renseignements sont offerts sur le Web ou traduits, 25 p. 100 des personnes avec qui je travaille, les personnes atteintes d'une maladie mentale chronique, par exemple, n'ont pas accès à un téléphone, et encore moins à un site Web. La solution dont elles ont besoin, c'est une personne à qui parler.

+-

    Mme Maria Minna: J'ai seulement une question.

+-

    La présidente: Nous devrions peut-être d'abord entendre le témoignage de M. Smordin et faire un autre tour de table.

+-

    M. Lyle Smordin (président, RPC/Assurance invalidité, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV))): Merci, madame la présidente.

    Tout d'abord, je tiens à vous dire que je suis heureux d'être ici et de vous faire part de nos expériences. C'est une occasion fantastique de se faire entendre et, au nom des membres de mon propre groupe de travail, qui y ont travaillé pendant de longues heures et fait preuve d'une grande diligence, je vous remercie de cette occasion. Mon exposé rassemble les points saillants des idées et débats de notre comité au cours d'un certain nombre de mois, de plusieurs rencontres et de nombreuses téléconférences interurbaines.

    J'aimerais commencer par mettre la table en parlant de la relation entre le RPC et les prestations d'invalidité offertes par les compagnies d'assurance privées. En effet, pour mettre la table, nous devons examiner ce que font les employés lorsqu'ils joignent les rangs d'une entreprise. Ils adhèrent à un régime d'assurance offrant une couverture générale, ainsi que les soins dentaires, les lunettes, l'assurance-vie et l'invalidité à long et à court terme. Même si l'employeur verse une contribution, une part importante de la cotisation est assumée par les employés, surtout lorsqu'il s'agit d'invalidité à long terme. Ils se trouvent à financer l'invalidité à long terme. S'ils devenaient invalides, ils s'attendraient à toucher la prestation non imposable pour laquelle ils ont versé de l'argent au fil des années de travail.

    Maintenant, qu'est-ce qui se produit lorsqu'ils deviennent invalides? Premièrement, en ce qui concerne l'invalidité à court terme, il est question d'être invalide pendant une brève période. On tombe, on se blesse, on a un accident, et on touche une prime d'invalidité à court terme. Ensuite, bien sûr, les prestations d'invalidité à long terme commenceraient lorsque l'invalidité à court terme prend fin. Nous devons examiner les deux ensembles de critères différents appliqués par le RPC et les assureurs privés.

    En général, les assureurs privés estiment que vous êtes invalide si vous ne pouvez effectuer votre travail à environ 60 p. 100--je cite l'un de ces régimes. C'est leur critère. Ensuite, la deuxième étape consiste à dire: «vous devriez présenter une demande de prestations du RPC». Notre étude ne nous a pas permis de trouver à quel endroit il est écrit que le RPC devrait être le premier payeur, mais la compagnie d'assurance dit à ses clients «Nous croyons que vous devriez présenter une demande.»

    Le problème tient à l'un des critères: 60 p. 100 de ce que vous faites actuellement au travail, ou, selon la loi régissant le RPC, vous avez une invalidité physique ou mentale grave et prolongée qui vous rend incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Vous pouvez toucher 1 000 $ par année à titre de gardien de parc de stationnement à temps partiel. Il s'agit d'un critère très sévère et beaucoup plus rigoureux. Alors cela constitue un problème.

    Revenons maintenant à l'entente--tout ceci est dans notre mémoire--, l'employé n'a la possibilité ni de s'abstenir, ni même d'exercer ce dont nous avons parlé, un consentement éclairé. Les employés se rendent au travail; ils ne croient pas qu'ils deviendront invalides. Ils s'intéressent davantage aux lunettes et aux médicaments pour la famille, et ils ne se préoccupent pas vraiment de l'incidence de cet aspect.

    Ensuite, ils reçoivent une lettre de la compagnie d'assurance disant qu'elle a reçu une copie de la lettre de déclaration de l'employé du Régime de pensions du Canada. La compagnie dit qu'elle a reçu des instructions et--«encourage», le mot est faible--recommande à l'employé d'interjeter appel: «Les instructions pour l'appel figurent dans la lettre, alors vous feriez mieux de vous y mettre.» On dit ensuite, et je cite: «Si nous ne recevons aucune nouvelle de votre part au cours des trois prochains mois concernant le statut de votre appel, nous estimerons les prestations d'invalidité du RPC auxquelles vous pourriez être admissible et nous les déduirons de vos prestations d'invalidité actuelles.» Ne perdons pas de vue que les prestations du RPC sont imposables, alors que les prestations privées ne le sont pas. Ainsi, les employés qui ne font rien seront perdants.

À  +-(1020)  

    Une autre compagnie d'assurance estime qu'il incombe à l'appelant de réduire au minimum les pertes en déployant tous les efforts raisonnables pour demander et obtenir des prestations d'invalidité du RPC. En passant, cela suppose au moins d'aller jusqu'au tribunal de révision. Si M. Untel ne donne pas suite à sa demande, le montant de sa pension sera réduit, car il n'aura pas versé de cotisations au fonds depuis plusieurs années. La compagnie d'assurance va le pénaliser. L'entente qu'ils ont signée prévoit que si l'employé ne respecte pas les modalités de l'entente, il accepte que la compagnie d'assurance a le droit de retenir ou de réduire le montant des prestations jusqu'à l'écoulement du montant des prestations du RPC auxquelles il aurait peut-être droit. La compagnie d'assurance déduira cette somme avant même que la demande de l'appelant soit rejetée.

Et ça ne finit plus. Mais ces exemples sont tirés de lettres envoyées directement aux appelants, où on leur dit: Nous vous recommandons d'interjeter appel; mais si vous ne le faites pas, vous êtes cuit, car nous allons vous exclure.

    Alors, en quoi cela a-t-il des répercussions sur l'appelant? Il y a des répercussions parce que si l'appel est accueilli par le tribunal de révision, l'appelant obtient une prestation du RPC, qui est imposable, et le reste n'est pas imposable. L'appelant paie des impôts sur quelque chose qu'il ne croyait pas devoir payer lorsqu'il a versé ses primes, de nombreuses années auparavant.

    Par contre, nous avons beaucoup parlé du temps qu'on met pour en arriver à ce stade, et de ce qui se produit lorsque le tribunal dit: Eh bien, je suppose que vous êtes invalide, et nous déterminons que votre invalidité a commencé à partir de votre période minimum d'admissibilité--tout doit fonctionner sur le plan technique, mais je n'ai pas besoin de m'étendre sur le sujet--juillet 1999. Presque trois ans se sont écoulés depuis juillet 1999.

    Ce qui se produit, pour une raison très pratique, c'est que DRHC émet directement à la compagnie d'assurance un chèque correspondant à la cession de prestations, pour, disons, 24 000 $. Cela se produit en novembre. La personne qui touche ces prestations lit son courrier en février--n'oubliez pas qu'elle a touché des prestations non imposables pendant toutes ces années--et trouve un formulaire T4 du Régime de pensions du Canada pour 24 000 $, et cela s'ajoute à son revenu imposable, ce qu'elle estime ne pas avoir touché. C'est la compagnie d'assurance qui l'a reçu.

    L'une de nos principales recommandations consiste à rendre cette situation fiscalement neutre. Autrement dit, cette somme forfaitaire devrait au moins être étalée sur quelques années, et, certainement, les compagnies d'assurance devraient uniquement recevoir le montant net après impôt. Une telle situation constitue une épreuve énorme pour une personne qui souffre déjà en raison d'une invalidité.

    J'inviterais M. Spiteri à présenter quelques commentaires concernant sa participation aux activités de notre comité.

À  +-(1025)  

+-

    M. Chris Spiteri (conseiller principal, RPC/Assurance invalidité, Bureau du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse (RPC/SV))): Je dirais, à la lumière de notre examen de cette situation et de la façon dont les principes du premier payeur avec l'assureur ont été adoptés dans les années 90, je crois que les artisans des lois ont vraiment agi de bonne foi. Je crois qu'ils ont agi au mieux des intérêts du demandeur invalide. Le problème, c'est que cet enjeu est lié à l'argent, et qu'il s'agit de sommes considérables pour l'assureur.

    Quand j'ai commencé à faire cela, il y a quelques années, le principal problème qui m'a frappé tenait au fait que les assureurs, en poussant les assurés, les bénéficiaires de prestations d'invalidité, à présenter une demande au RPC, orientaient des gens vers un processus auquel ils avaient tout simplement pas leur place. Ils n'étaient tout simplement pas admissibles aux prestations du RPC.

    Comme on vous l'a dit précédemment, le RPC prévoit que votre état doit être si grave que vous êtes régulièrement incapable de détenir une occupation. En vertu des régimes d'assurance privés, on estime généralement que votre état doit vous empêcher de détenir une occupation à l'égard de laquelle vous avez toutes les compétences requises. Il s'agit de deux critères très, très différents.

    Ainsi, j'ai vu un certain nombre de personnes--dont un grand nombre n'avait pas terminé leurs études secondaires-se retrouver dans une situation très difficile, où elles devaient défendre leur cause, et elles n'auraient pas dû être là.

    À l'époque, j'ai parlé à un collègue professionnel de l'assurance, et je lui ai demandé: «Pourquoi faites-vous cela? Cela n'a pas de sens.» Il m'a répondu: «Eh bien, si nous ne le faisons pas à tout le monde, il faudra augmenter les primes. Nous dépendons de l'argent provenant du RPC.»

    C'est à ce moment-là que j'ai compris que le principal enjeu était l'argent. Tout revient à cela. Pour la compagnie d'assurance, les paiements du RPC, qui compensent les prestations d'invalidité privées qu'elle verse, sont en quelque sorte un boni.

    Cela m'amène à la deuxième question--laquelle a été mentionnée par M. Smordin--, c'est-à-dire l'assuré qui cède aux pressions de l'assureur privé et se présente devant le comité. Que lui arrive-t-il? Le système que nous avons a créé des catégories de personnes, et ce sont ces catégories de personnes qui créent des iniquités fondamentales. Essentiellement, dans pratiquement tous les cas où une personne touche des prestations d'invalidité d'un assureur privé, ces personnes sont perdantes lorsque leur demande de prestations du Régime de pensions du Canada est acceptée. Ils gagnent, mais ils sont perdants.

    Il s'agit des catégories de personnes suivantes.

    La première catégorie, qu'on pourrait qualifier de gagnante, est constituée de personnes qui touchent uniquement des prestations d'invalidité à long terme d'un régime d'assurances privé. Il s'agit de personnes qui ont cotisé à un régime d'assurances collectif. Elles ont commencé par toucher des prestations d'invalidité à court terme et ont passé aux prestations d'invalidité à long terme après deux ans.

    À titre d'exemple, supposons qu'une personne touche mensuellement 1 500 $ de prestations d'invalidité privées, donc non imposables. Cette personne ne reçoit pas de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Elle aurait de longues démarches à faire. On aurait exercé des pressions afin qu'elle présente une demande. Elle aurait pu présenter une demande. Elle aurait pu se rendre jusqu'au comité et essuyer un refus. Alors, c'est 1 500 $ par mois, en franchises d'impôt.

    La deuxième catégorie de personnes satisfait exactement aux mêmes exigences. Il pourrait même s'agir d'une personne se retrouvant dans le même état. Ce sont des personnes qui ont versé des cotisations à un régime d'assurance collectif. Elles ont commencé par toucher des prestations d'invalidité à court terme, et ont ensuite passé à l'invalidité à long terme. Elles touchent 1 500 $ par mois, en franchise d'impôt. Elles cèdent aux pressions de l'assureur, présentent une demande de prestations du RPC, interjettent appel de la décision, et leur appel est accueilli.

    Par conséquent--je répète que les montants que j'utilise sont fictifs--, si une personne reçoit 750 $ du Régime de pensions du Canada à titre de prestations d'invalidité, cette somme serait appliquée aux 1 500 $ qu'elle recevait de l'assureur privé. Ainsi, l'assureur privé paie 750 $, et le RPC paie 750 $. On pourrait affirmer--et comme je l'ai déjà dit, je crois que l'intention était très bonne--que ce bénéficiaire touche 1 500 $. Mais ce n'est pas 1 500 $, car les 750 $ versés par le RPC sont imposables. Alors, quel que soit le montant obtenu... supposons un taux d'imposition de 26 p. 100. À titre d'exemple, disons qu'il s'agit de 1 350 $ ou de 1 400 $. On se retrouve avec deux catégories de personnes qui ont versé des cotisations en vue de recevoir des prestations d'invalidité privées et qui reçoivent un montant très différent.

À  +-(1030)  

    J'ajouterais même que, bien sûr, cela ne se produit pas. Une seule personne paiera des impôts, et c'est le bénéficiaire. Mais l'assureur tire un avantage bien réel de la situation. Il ne paie plus 1 500 $; il reçoit une prestation de 750 $ par mois, mais, évidemment, il ne paie aucun impôt sur cette somme. C'est la personne handicapée, celle qui a le plus besoin d'argent, qui finit par assumer la conséquence fiscale.

    Alors je qualifierais cette catégorie de personnes, la catégorie B, comme les grands perdants. Ils gagnent, mais ils perdent.

    Ce n'est pas vraiment lié à la question qui nous occupe, mais, en plus de tout cela, les personnes qui touchent de l'aide sociale, une indemnité d'accident du travail ou des prestations d'invalidité provinciales font aussi partie de cette catégorie des perdants, car lorsqu'on approuve leur demande de prestations du RPC, elles se retrouvent dans une situation où elles perdent d'autres prestations prévues par les régimes provinciaux, car on applique les prestations du RPC au montant de la prestation d'invalidité provinciale ou de l'indemnité d'accident du travail. Elles pourraient, par exemple, perdre leur carte de paiement de médicaments, et c'est une perte importante pour une personne dont les revenus sont limités.

    La troisième catégorie de personnes, bien sûr, est constituée de personnes qui demandent tout simplement des prestations du RPC, qui ne sont pas admissibles à des prestations d'invalidité privées. Elles touchent des prestations d'invalidité du RPC, lesquelles sont imposables.

    Voilà donc nos trois catégories de personnes. Aux fins de nos discussions, ce sont les deux premières catégories qui nous préoccupent le plus, car il s'agit de personnes qui versent à la fois des cotisations au Régime de pensions du Canada et à un régime d'assurance privé, et pourtant on crée deux catégories, dont une qui obtient moins d'argent en raison de l'application des prestations du RPC au montant des prestations privées.

    Il est intéressant de signaler que, de notre point de vue--et je crois que nous l'avons tous constaté ici--, il est extrêmement frustrant de voir ces gens se présenter devant le comité et n'avoir aucune idée des répercussions d'une décision positive du tribunal de révision. Ils ne savent tout simplement pas que, finalement, ils seront pénalisés ou qu'ils devront assumer des conséquences fiscales qui ne leur étaient pas imposées avant l'audience.

    Il ne faut pas perdre de vue qu'un grand nombre de ces personnes ne sont pas très instruites. Elles n'ont pas terminé des études secondaires. Elles ne connaissent pas bien le système. Elles ne connaissent pas bien les règles qui régissent l'assurance et l'aide sociale. Elles sont, bien sûr, malades. Ces personnes sont frappées d'incapacité, elles ont peur, et elles n'ont pas beaucoup d'argent. Elles ont subi des pressions de leur assureur, pour qu'elles se présentent devant le tribunal, et c'est un processus intimidant pour nombre d'entre elles. Malgré toutes nos tentatives pour rendre le processus moins intimidant, il l'est toujours. Ces personnes ignorent l'incidence fiscale, et c'est pourquoi, finalement, je dis qu'elles semblent parfois être gagnantes, mais elles se retrouvent perdantes, car elles touchent moins d'argent.

    Merci.

À  +-(1035)  

+-

    M. Lyle Smordin: Laissez-moi résumer brièvement les recommandations que nous formulons.

    Premièrement, nous demandons que--

+-

    La présidente: Monsieur Smordin, avant que vous ne fassiez cela, j'aimerais vous signaler que vous avez uniquement parlé des assureurs privés. Votre comité s'est-il penché sur les assureurs publics, comme les régimes d'indemnisation des accidents du travail et l'aide sociale? Il y a certainement d'autres personnes qui subissent les pressions d'assureurs publics pour qu'elles interjettent appel.

+-

    M. Lyle Smordin: Oui, il y en a.

    Nous n'avons pas examiné cette question, car nous avons constaté que l'examen de la relation entre les compagnies d'assurance et le RPC est si complexe que nous n'avons pas été en mesure de passer à cet autre aspect.

    Par ailleurs, bien sûr, il s'agit d'un enjeu fédéral. Lorsqu'on parle d'indemnisation des accidentés du travail, il faut se pencher sur la situation particulière d'une province donnée. Cela aurait exigé plusieurs années de travail, et nous savions qu'il fallait nous dépêcher de préparer une présentation pour votre comité. Alors c'est de votre faute. Vous vouliez connaître notre point de vue.

    Mais sérieusement--

+-

    M. Chris Spiteri: Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose aussi?

    Il y a des différences. On m'a informé, hier seulement, que les prestations du Régime de pensions du Canada ne sont pas appliquées aux prestations d'indemnisation des accidentés du travail en Alberta. Il y a donc un problème global de compatibilité entre la législation provinciale et la législation fédérale, puisque, dans ce cas, cette relation avec l'assureur privé découle donc non pas de la législation, mais bien d'un arrangement entre l'industrie de l'assurance et DRHC au début des années 90.

+-

    M. Lyle Smordin: Il s'agissait d'une entente, en passant. Nous recommandons que cette entente soit annulée par le gouvernement fédéral, qui a le pouvoir de le faire. Au début des années 90, il a conclu avec 36 compagnies d'assurance un contrat qui leur permettait de faire cela. Ensuite, bien sûr, la loi est permissive, car elle prévoit qu'on «peut» être un administrateur, ou que le gouvernement «peut», en vertu de l'article 65... C'est aussi un problème.

    Alors nous disons qu'il faut revoir cette entente et envisager la possibilité de l'annuler par souci d'équité. Il faut examiner pourquoi le RPC est considéré comme le premier payeur, alors que, bien sûr, nous estimons qu'il ne devrait pas l'être. Il faut examiner la cession rétroactive des prestations d'invalidité, que le bénéficiaire non informé doit signer, et lui fournir un conseiller juridique indépendant au moment de signer les ententes.

    J'ai parlé de la réduction et de cet autre aspect auparavant, mais l'autre enjeu concerne le coût de l'appel. Comme l'ont précisé mes collègues, des gens qui... Cela ne signifie pas qu'une personne ne parle pas l'une des langues officielles. Nous voyons beaucoup de gens qui ont fait une cinquième ou une sixième année, et qui ne comprennent ni les explications du médecin ni les lettres du RPC. Ils se présentent devant le comité sans être bien informés. Ils devraient avoir accès à un conseiller juridique ou à un représentant. Ils ont été forcés par une compagnie d'assurance... allons, faisons payer les compagnies d'assurance. Laissons la compagnie d'assurance financer l'embauche d'un conseiller ou d'un représentant pour l'appel. Je sais que vous accueillerez plus tard une représentante compétente qui prend part à des appels; elle n'est pas conseillère juridique, mais elle est plutôt efficace à cet égard.

    Il y a un autre aspect qui nous préoccupe grandement. N'oubliez pas que--si vous le permettez, je mets mon chapeau d'avocat une dernière fois--, les contrats signés par les compagnies d'assurance et leurs bénéficiaires sont fondés sur «la plus entière bonne foi»; il ne suffit pas simplement de «signer ici». Ils doivent faire preuve d'une honnêteté ou d'une confiance absolue, et nous estimons qu'il s'agit encore là d'une chose qui fait défaut dans le système.

    Avez-vous des questions?

À  +-(1040)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Madame Dalphond-Guiral.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, madame la présidente.

    Il ne m'arrive pas souvent d'être scandalisée, mais je dois avouer que la situation qui permet à des assureurs privés de récupérer de l'argent sur le dos de toutes les personnes handicapées qui n'ont pas eu la chance de contribuer à un système privé est carrément indécente. Alors, j'ose espérer que c'est une situation qui va changer, parce qu'il y a sûrement moyen d'empêcher cela. Ça n'a pas de bon sens.

    J'aimerais vous poser une question sur un sujet qui n'a pas été abordé ou que je n'ai pas entendu. Lorsqu'on est reconnu comme une personne invalide ayant droit à des prestations, il y a un certain contrôle. J'aimerais savoir quelle est la fréquence des contrôles. Je me rappelle des situations où c'était à tous les six mois, et ça devenait une horreur. Je me rappelle même avoir déjà dit à un neurologue que je pouvais compléter les papiers moi-même, qu'il n'avait qu'à m'en signer d'avance. C'est ridicule.

    Il y a certaines situations où, en effet, il est logique d'avoir un contrôle, pour des pathologies qui peuvent aller en s'améliorant, mais il y en a un très grand nombre dont on sait que ça n'ira pas en s'améliorant. Donc, pourquoi avoir ces espèces d'obligations où il faut compléter des papiers pour ne pas perdre ses prestations? Ça n'a pas de bon sens.

[Traduction]

+-

    M. Lyle Smordin: Je sais que les compagnies d'assurance privées appliquent des règles très rigoureuses aux gens. J'ai vu des cas où les compagnies d'assurance privées, outre le RPC, ont dit à quelqu'un qui touchait des prestations d'invalidité à long terme: «Vous savez, ça fait longtemps. Votre blessure n'était pas si grave. Vous êtes tombé lorsque vous étiez assis à votre bureau ou quelque chose s'est produit. Nous aimerions que vous consultiez de nouveau un médecin.» Ensuite, ils ont dit «Désolé, vous n'êtes plus admissible, au revoir.» Nous croyons que vous pouvez retourner au travail; soit vous simulez votre maladie, soit vous ne vous donnez pas la peine de retourner au travail.

    Je crois savoir que le ministère responsable du RPC a aussi la capacité de revoir le dossier d'une personne, mais je n'ai entendu parler que d'une seule situation où cela s'est produit, et je faisais partie du comité de révision; l'un des voisins, qui ne s'entendait pas bien avec l'intéressé, l'a dénoncé. Il a dit: «Je sais que cet homme touche des prestations du RPC, mais, bon Dieu, il vient tout juste de bâtir une clôture et de refaire sa toiture. Il ne devrait pas recevoir des prestations d'invalidité.» On lui a retiré ses prestations d'invalidité, et il a présenté une nouvelle demande au tribunal de révision dont je faisais partie.

    J'espère que cela répond à votre question.

+-

    La présidente: Maria avait une question, mais ai-je bien compris que vous avez l'impression que le comité de révision effectue une partie du travail d'évaluation qui serait normalement effectué par une compagnie d'assurance? Alors vous êtes en quelque sorte une aubaine pour les compagnies d'assurance.

+-

    M. Chris Spiteri: Pas nous, mais le ministère, ou l'ensemble de la structure du RPC est un boni pour l'industrie de l'assurance. Si on change le système et que les compagnies d'assurance ne jouissent plus de la déduction, elles menaceront d'augmenter les primes.

+-

    M. Lyle Smordin: C'est la seule voie qui s'offre à elles. Comme vous voyez, elles forcent les gens à en appeler--des gens qui satisfont peut-être à leurs critères d'invalidité, mais pas aux critères du RPC.

    Mais elles peuvent aussi se venger en déclarant: Eh bien, si vous faites cela, nous allons tout simplement augmenter les primes, et les gens ne seront plus en mesure de payer leur police d'assurance-invalidité.

+-

    La présidente: Alors, qu'est-ce que le gouvernement avait à tirer de cette entente? Deuxièmement, en ce qui concerne la renonciation qu'on demande aux employés de signer, l'employeur s'en tire-t-il indemne, même si c'est lui qui a choisi le régime?

À  +-(1045)  

+-

    M. Lyle Smordin: Oui, c'est l'aspect qui, selon nous, devrait être examiné. L'employeur a conclu une entente. Franchement, cela ne faisait aucune différence; ils ne se souciaient pas vraiment de l'invalidité. Par exemple : comparez le nombre de membres de votre régime qui se rendent chez le dentiste au nombre de personnes qui deviennent invalides. La différence est astronomique--85 p. 100 ou 90 p. 100 des membres vont chez le dentiste, se procurent des lunettes, et tirent probablement avantage d'autres services. Mais seulement 1 p. 100 des membres deviennent handicapés. Ainsi, pour l'employeur, cette partie du régime n'est pas vraiment importante.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je veux tout simplement m'excuser de devoir partir. Il y a des gens qui prétendent que les parlementaires ne travaillent pas. Vous avez la preuve que ce n'est pas vrai puisque j'ai un autre comité à 11 h, et c'est le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Je suis sûre que vous comprendrez que c'est également un comité important. Alors, à la prochaine.

+-

    La présidente: À la prochaine.

[Traduction]

+-

    M. Guy Arseneault: Je crois qu'il est important de répondre à la question sur les motifs du gouvernement pour conclure cette entente, et d'entendre le point de vue des compagnies d'assurance. Dans le passé, les compagnies d'assurance attendaient qu'un appelant obtienne une décision du RPC pour payer. Du côté des assureurs, on justifiait cette méthode en disant: «Eh bien, nous allons le payer, mais vous devez nous rembourser.» Et le gouvernement disait la même chose. Je crois qu'il serait juste de revoir cet aspect aussi.

+-

    M. Lyle Smordin: M. Arseneault a raison. En principe, c'était une bonne idée, mais ils n'ont pas tenu compte de la différence entre une somme imposable et une somme non imposable.

+-

    M. G. Peter Smith: Histoire d'établir le contexte financier dans lequel tout cela s'inscrit, le ministère nous a fourni—et nous avons effectué nos propres calculs, de concert avec l'actuaire du RPC—les montants qui sont en souffrance après l'octroi de prestations par un tribunal de révision, ce que M. Smordin et Chris ont décrit. C'est une question relativement peu importante, mais il s'agit des paiements prétendus rétroactifs prévus en vertu d'une modification apportée à la Loi sur le Régime de pensions du Canada par le gouvernement précédent. Ces arriérés s'élevaient à environ 60 millions de dollars les deux dernières années. C'est une forme de déduction, si vous voulez ou c'est le chèque rétroactif.

    Le vrai argent, si vous permettez l'expression, prend la forme de déductions mensuelles, ce qui n'est pas prévu dans la loi. Ni le régime de pensions du Canada ni le gouvernement ne s'interpose à cet égard.

    Ai-je bien résumé la situation?

    Une voix: Oui.

+-

    M. G. Peter Smith: Notre estimation de la valeur annuelle pour les fournisseurs d'assurance-invalidité est d'environ 500 millions de dollars--et il pourrait s'agir de 800 millions de dollars. J'ai soumis ces chiffres à divers intervenants dans le système, et personne ne les a niés, mais personne ne les a confirmés non plus. Histoire d'avoir les bons chiffres, si cela est possible, j'écrirai bientôt à l'actuaire en chef, qui a déjà confirmé notre estimation de 60 millions de dollars pour les prétendus paiements rétroactifs... pour voir si, d'une façon ou d'une autre, le bureau de l'actuaire en chef et notre bureau pourrions aller au fond des choses et déterminer ce qui constitue un avantage virtuel. Nous pourrions peut-être utiliser ce terme. Je ne sais pas si Lyle ou Chris accepterait qu'on utilise ce terme. Il s'agit d'un avantage virtuel, car l'assureur déduit cette somme du chèque mensuel de prestations d'invalidité qu'il émet.

+-

    M. Lyle Smordin: Nous vivons dans un monde virtuel, alors nous utilisons le mot «virtuel».

+-

    M. G. Peter Smith: Je croyais que cela serait utile, tout comme le point soulevé par Guy. Absolument, en 1991, on affirmait que ces clients seraient abandonnés s'il n'y avait pas une forme de compensation. Certains disent que c'est ce que les assureurs ont déclaré à l'époque. Alors, le gouvernement précédent--en pleine récession, ne l'oublions pas, au début des années 90--s'est dit: «Mon Dieu, nous ne pouvons nous permettre un tel tumulte dans les régimes d'assurance collective, alors nous allons laisser faire.»

    Je continuerai de chercher des réponses, y compris auprès des ministres conservateurs de l'époque, mais je n'ai pas réussi à les avoir au téléphone pour poser la question: «Que diable s'est-il passé?»

+-

    La présidente: Malheureusement, je dois passer aux questions. Je crois que Maria a peut-être une question.

+-

    Mme Maria Minna: J'ai une brève question, puisque j'étais en attente.

    Premièrement, je suis horrifiée par ce que je viens d'entendre concernant l'assurance. Essentiellement, le RPC subventionne les compagnies d'assurance.

    Un témoin: Tout à fait.

    Mme Maria Minna: Et les bénéficiaires paient des impôts, de sorte que tout le monde perd, sauf la compagnie d'assurance. C'est de toute évidence une situation dégoûtante.

    Ma vision, aussi naïve soit-elle, est que si je suis une employée et que je verse des cotisations dans un régime d'assurance privé, avec l'employeur ou par moi-même; il s'agit d'un régime distinct du RPC, auquel je contribue aussi, et les deux ne devraient pas se chevaucher. Je devrais recevoir de l'argent des deux régimes sans être pénalisée par l'un ou l'autre. J'ai payé les deux. Ils appliquent des critères différents, et maintenant il y a cette entente privée entre le gouvernement et les compagnies d'assurance pour--pardonnez mon langage--me fourrer. C'est dégoûtant.

    Je tiens à ce que cela figure dans le compte rendu, car, avant de devenir députée, j'ai travaillé pendant des années avec des personnes touchant des indemnisations des accidentés du travail, et j'ai vu comment on déduit toute autre somme afin de toujours réduire au maximum les prestations d'invalidité, du moins en Ontario--je parle de l'Ontario--, et ensuite on conseille aux gens de présenter une demande de RPC, etc.

    Mais dans le cas qui nous occupe, il s'agit d'un vol pur et simple. Il faudrait changer cela. Je crois, madame la présidente, que nous devons vraiment analyser cela en profondeur et formuler une solide recommandation. Je ne suis même pas certaine que ce soit moral, encore moins légal, et il faudrait changer cela. C'est ma réaction à cette situation.

À  +-(1050)  

+-

    La présidente: J'ai l'impression, Maria, que nous devrions demander aux témoins ici présents s'il y a des questions que nous devrions poser aux témoins de l'industrie de l'assurance, qui suivront. Par la suite, je suis certaine que MM. Young et Kerr seraient heureux de fournir au comité une série de questions si vous croyez qu'il est nécessaire d'obtenir des précisions.

+-

    M. G. Peter Smith: Ont-ils accepté de témoigner? Je crois que ce serait très important.

+-

    Mme Maria Minna: J'ai une dernière question qui se détache du sujet actuel, car celui-ci, je le comprends. C'est clair.

    J'aimerais revenir à la discussion précédente, c'est-à-dire la fonctionnalité du régime d'assurance-invalidité et de l'obtention... L'un des principaux problèmes, à l'époque où je m'attachais à l'indemnisation des accidentés du travail, tenait à l'utilisation d'un modèle médical, c'est-à-dire que le médecin dirait : «Vous avez un problème de dos, limitez-vous à des travaux légers.» Et je ne sais pas comment vous interpréteriez l'expression «invalidité longue et prolongée», mais c'est aussi assez grave.

    À quel stade une personne peut-elle, au moins après la première demande, avoir accès à un ergothérapeute ou à d'autres services? Parce que c'est différent pour tout le monde. Vous pouvez avoir des maux de dos, et on vous dira que vous êtes capable d'effectuer certains travaux, que vous pouvez toucher le salaire minimum ou quelque chose comme cela. C'est peut-être facile, mais même si on ne fait que pousser un balai, il est possible qu'on ne puisse le faire qu'à raison d'une heure à la fois, et que l'on doive prendre une pause. Combien d'employeurs vous embaucheraient dans ces conditions?

    Ma question est la suivante : je vois dans le RPC, ainsi que dans la CAT, le même type de malaise, où la connaissance réelle de ce que le corps, ou l'esprit, ou ce que l'invalidité est vraiment capable de faire... Et je songe à certains types de maladies d'origine chimique, dont certaines ne sont pas encore reconnues. La fibromyosite en est un exemple, ainsi que certaines maladies chroniques, etc. Il y a certains autres domaines qui n'ont même pas été abordés. Y a-t-il une communication entre votre échelon et le ministère afin de trouver un moyen de commencer à vraiment aider les demandeurs, et de doter le ministère d'experts chargés de procéder à une évaluation convenable fondée non seulement sur le modèle médical, mais aussi sur des handicaps réels, cela dit avec tout le respect que je dois aux médecins ici présents? Ils ont tendance à se demander si la personne concernée est en mesure d'effectuer des travaux pouvant aller de moyens à légers. Dites-moi ce que cela signifie. J'ai tout vu au cours de mes 20 années dans le domaine, et je sais où sont les pièges.

+-

    Mme Cheryl Forchuk: Je crois qu'il faut mettre l'accent sur la fonction, comme nous l'avons dit, et je crois que nous devons formuler des recommandations concernant l'importance de la rencontre personnelle et de l'interrogation, ainsi que sur l'importance de s'assurer que la personne comprend d'emblée le processus et les enjeux.

    De plus, même à l'égard d'un problème médical donné, on peut obtenir l'opinion de trois spécialistes différents; bien que l'opinion de chacun ne permet pas de conclure qu'il y a invalidité, c'est lorsqu'on tient compte de toutes ces opinions qu'on peut déterminer qu'une personne ne peut travailler. Ainsi, même si le rapport d'un médecin parle d'une affection «légère», c'est la combinaison des opinions qui l'emportera.

    Le type de questions sur lequel nous mettons souvent l'accent au tribunal s'attache beaucoup à la fonction. Quelles sont les répercussions quotidiennes de votre état? Quelles activités pouvez-vous toujours faire? Je crois que le ministère pourrait aussi poser certaines de ces questions s'il tenait des rencontres personnelles initiales afin d'évaluer les répercussions réelles d'une affection sur les activités quotidiennes d'une personne. Et je crois que c'est le type d'information qui... Si des gens se présentent à votre bureau de comté et s'affairent à obtenir ces rapports médicaux, je suggérerais aussi à ces personnes de cibler, dans leurs lettres et leurs explications, les répercussions de leur état au quotidien, car c'est le type d'information qu'on envisage lorsqu'on évalue les capacités.

    À moins d'avoir les moyens de choisir l'option très coûteuse, qui sera nécessaire pour certaines personnes, qui consiste à obtenir une évaluation complète de la capacité, au cours de laquelle on mesure le poids que la personne peut lever, la durée de l'effort et la période maximale au cours de laquelle la personne peut rester assise ou debout, il faudra, à l'étape initiale, fournir des renseignements concernant la capacité et le fonctionnement.

À  +-(1055)  

+-

    Mme Maria Minna: Anna, avez-vous quelque chose à dire?

+-

    La présidente: Anna, vous pouvez y aller.

+-

    Mme Anna Mallin: La décision dans l'affaire Villani aide beaucoup les tribunaux de révision : plutôt que d'insister pour savoir si la personne est capable de travailler, on se demande si la personne est employable? Compte tenu de ce que nous avons entendu, sommes-nous d'avis que, dans le vrai monde, un employeur engagerait quelqu'un qui, par exemple, doit consulter son spécialiste du diabète toutes les deux semaines, a des problèmes de phlébite et doit consulter un spécialiste des phlébites toutes les semaines, doit aller chez le physiothérapeute trois jours...

    Nous constatons que la décision rendue et les consignes données ont été extrêmement utiles, nous ayant permis de--

+-

    Mme Maria Minna: En fin de compte, il s'agit de savoir à qui il appartient... [Note de la rédaction: inaudible]

+-

    Mme Anna Mallin: Oui, c'est bien cela. Cela réduit au minimum le nombre d'appels.

+-

    La présidente: Je ne saurais trop vous remercier. Je crois que nous aurions voulu rester là toute la journée à vous écouter nous faire part du dur travail accompli par vos sous-comités, mais, de même, en vous écoutant, je crois que chacun voit que vous avez de la compassion et que vous avez fait votre travail de façon merveilleuse... Je crois que n'importe qui parmi nous aurait été à l'aise en portant sa cause en appel devant vous, et nous croyons que cela est bon. Merci beaucoup.

    Nous sommes un peu pris du point de vue du temps, maintenant, pour ce qui est du prochain groupe de témoins. Il nous faut les amener à la table le plus rapidement possible, car nous--

+-

    M. G. Peter Smith: Pendant qu'ils font cela, madame la présidente, puis-je prendre un instant pour saluer notre personnel dans l'auditoire.

+-

    La présidente: Certainement. Dans la mesure où votre groupe se lève et quitte la table pendant que vous parlez.

+-

    M. G. Peter Smith: Les trois avocates qui ont appuyé les groupes d'étude sont Tina Head, Chantal Proulx et Caroline Rutter, qui sera une maman bientôt, et l'autre responsable de haut rang qui nous a prêté main-forte est Hélène Racine. J'aimerais les remercier d'avoir prêté assistance aux groupes d'étude. On peut voir à quel point M. Arseneault est fier de ces gens et la raison pour laquelle il l'est.

Á  +-(1100)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup. C'est merveilleux; merci beaucoup.

    Il y aura des allées et venues dans tout le comité du patrimoine; vous allez peut-être donc vouloir partir le bal, David: je sais que vous devez vous en aller à un moment donné, puis Allison pourra prendre le relais, si cela vous convient.

+-

    M. David Baker (avocat, À titre individuel): Je vais me présenter brièvement: je m'appelle David Baker. Je travaille depuis 20 ans comme directeur de l'ARCH, ou Centre de la défense des personnes handicapées. J'exerce également le droit à titre privé à Toronto.

    Je vais essayer de ne pas m'éparpiller. Ma tâche devient plus simple du fait que ma collègue, ici, connaît extrêmement bien le domaine; je suis sûr qu'elle saura bien prendre les choses en main une fois que j'aurai quitté. De même, je suis conscient d'un exposé qui vous a été présenté, c'était le 12 février, je crois, par le groupe de travail chargé de l'invalidité du RPC au réseau des cliniques de l'Ontario.

    Je pourrais peut-être commencer en disant que cela ne me pose absolument aucune difficulté d'appuyer chacune des recommandations qui se trouvent dans le rapport en question, conçu à votre intention, mais j'aimerais attirer particulièrement votre attention sur un fait, car il me paraît pertinent, étant donné notre sujet d'étude, soit la recommandation (t) touchant les périodes de cotisation, soit que, dans le cas de personnes qui ont cotisé au régime pendant 15 ans, la période de cotisation ne devrait pas servir de justification pour priver la personne du droit de toucher des prestations du RPC; la recommandation (u), où il est question particulièrement des soignants, et dont j'ai traité; et la recommandation (v), où il est question des déficiences intermittentes ou chroniques et récurrentes--et il y a là, visiblement, une discrimination massive à l'endroit des personnes ayant de telles déficiences, et particulièrement les personnes souffrant d'une déficience affective, et ces gens-là forment un groupe qui souffre énormément des dispositions d'exclusion à cet égard--puis, enfin, la question de l'impact des périodes de cotisation sur la réadaptation. Voilà des recommandations qui me semblent être de la plus haute importance. 

    La question à laquelle je voulais m'attarder est celle des soignants non rémunérés, des personnes qui s'occupent d'une personne handicapée--habituellement, il s'agit d'un parent, mais pas toujours. Comme vous le savez probablement, dans le Régime de pensions du Canada, depuis 1972, il y a une disposition d'exclusion qui s'applique aux personnes qui s'occupent d'enfants ayant moins de sept ans. Le nombre d'enfants ne fait l'objet d'aucune limite à cet égard, de sorte qu'il peut y avoir, dans les faits, une absence assez importante de la part d'un conjoint, sinon des deux, par intermittence, toutes les fois où un enfant naît dans la famille. Les responsables traitent le dossier et prennent les mesures d'office, à l'insu des gens dans la plupart des cas, à leur avantage.

    En 1972, il y a eu toute une lutte dont l'enjeu consistait à déterminer si cela était suffisant. La province de l'Ontario, par exemple, a fait savoir que le gouvernement aurait dû aller plus loin en offrant la possibilité à toutes les personnes qui s'occupent de quelqu'un d'autre sans être rémunérées. Le Congrès du travail du Canada a exprimé son accord. Le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme l'a fait aussi. Nombre de groupes de femmes se sont précipités pour appuyer cette position.

    Nous sommes chargés d'une affaire en ce moment au tribunal de révision. Je ne suis pas là pour discuter des mérites de l'affaire en cause; je suis là, de fait, pour parler de la politique qui sous-tend l'absence d'une disposition visant les soignants membres des groupes dont j'ai fait mention, c'est-à-dire les personnes qui s'occupent de parents âgés, ou encore de fils ou de filles ayant une déficience, en particulier.

    Ce que j'aimerais faire, dans la mesure où mon mémoire a été remis à tous, c'est de souligner simplement les points que je fais valoir en me reportant d'abord à la page 8. Essentiellement, ce que j'essaie de faire, dans le mémoire, c'est démontrer que, dans le cas des gens qui reçoivent des soins en établissement, il existe des subventions très importantes du côté du réseau provincial de la santé aussi bien que du régime fiscal fédéral, mais que, dans le cas des personnes qui reçoivent des soins dans la collectivité, il n'y a pratiquement aucune subvention, ou encore, là où les subventions existent, elles sont nettement insuffisantes et elles placent dans une situation particulièrement difficile les soignants en question.

Á  +-(1105)  

    Dans le mémoire, je mentionne une entente fédérale-provinciale récente portant sur la santé. Je fais allusion en particulier aux dispositions relatives aux soins à domicile qui s'y trouvent. J'exprime ma frustration et ma déception à propos du fait que les dispositions en question et les annonces des autorités concernant les soignants, dans le cadre de l'assurance-emploi, portent essentiellement sur ce que j'appelle les soins de transition, ou ce qui se fait au moment où les gens passent de l'hôpital à la maison, et les soins palliatifs, qui sont prodigués à la fin de la vie d'une personne. Par contre, les autorités ne prévoient pratiquement rien pour les soignants qui s'occupent en permanence d'un parent. Dans de nombreux cas, ce sont des soins qui sont prodigués d'année en année, sans reconnaissance financière aucune.

    Ma conclusion, c'est que les nouvelles mesures fédérales vont avoir pour effet de faire sortir plus rapidement des établissements de soins aigus les gens malades et de faire augmenter le nombre de personnes qui meurent à domicile. Ce sont là deux objectifs tout à fait louables, étant donné que c'est la volonté à la fois des personnes soignées et des personnes qui les soignent. Je signale que si les objectifs en question sont atteints, et nous nous y attendons, il y aura pour le gouvernement fédéral et pour les administrations provinciales--qui contribuent aux coûts des soins de santé--d'énormes économies. Mais je signale en même temps que les changements en question vont imposer des exigences et un fardeau plus lourds aux soignants, qui, malheureusement, ne sont pas reconnus.

    Le débat sur ces questions n'a pas vraiment commencé au pays. C'est très malheureux, et cela fait que nous sommes en retard sur la plupart des autres pays industrialisés. Nous avons une population vieillissante. En même temps, plus que jamais, les femmes choisissent de travailler en dehors de la maison; d'où proviendront donc ces soignants? Comment allons-nous faire pour répondre aux besoins des gens?

    Je crains que nous n'en ayons pas fait assez pour reconnaître les besoins des soignants non rémunérés, en particulier. J'ai parlé de l'histoire de l'absence d'une disposition d'exclusion pour les soignants. Quant à la recommandation selon laquelle il devrait y avoir une disposition d'exclusion qui s'applique aux soignants, permettez-moi de dire que nous avons maintenant l'appui officiel du Congrès du travail du Canada, du Conseil des Canadiens avec déficiences, de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, de l'Older Women's Network et de l'Association canadienne des individus retraités. La Coalition canadienne des aidantes et aidants naturels nous appuie en principe. Son conseil d'administration se réunira en fin de semaine pour le faire officiellement. Le 10 avril, il y aura une réunion des groupes nationaux de personnes âgées ou, selon une recommandation qui a été formulée, tous s'y mettront pour appuyer ce changement.

    Quant à savoir où nous en sommes en ce moment et la raison pour laquelle j'ai cru que c'était une bonne idée de venir parler au comité de cette question, j'ai reçu un message du sous-ministre adjoint de Développement des ressources humaines Canada disant que les responsables du ministère sont en train de réviser leur position sur la question et qu'ils n'énonceront pas officiellement la position du gouvernement avant le 21 avril. Je ne m'attends pas vraiment à ce que votre rapport soit publié d'ici ce temps-là, mais je signale tout de même que la position du gouvernement n'est pas encore fixée. J'espère que le gouvernement va réviser sa position en ce qui concerne la nécessité et l'à-propos d'une disposition d'exclusion pour soignants.

    Pour parler du cas particulier de la femme que je représente, disons qu'elle a quitté le marché du travail après s'être mariée à une période tardive. N'ayant pas d'enfants elle-même, elle s'est occupée du fils de son mari pendant six mois, celui-ci se mourant d'un cancer des reins. S'il n'avait pas été à la maison, il aurait été dans un établissement de soins aigus. Pendant six ans et demi, elle s'est occupée de sa mère, qui se mourait du diabète et d'autres complications. Encore une fois, elle était tout au moins admissible pour ce qui touche les soins chroniques, sinon plus. Tous les jours où elle s'occupait de son beau-fils ou de sa mère, elle permettait au gouvernement d'épargner entre 600 $ et 1 500 $. Elle administrait des soins très lourds. Elle apportait manifestement une contribution importante au bien-être de ses parents, mais aussi à celui de la collectivité dans son ensemble. Pour sa peine, elle a vu sa pension du RPC réduite de 20 p. 100 au total. Elle est devenue handicapée du fait de s'être occupée de sa mère et n'était pas admissible aux prestations d'invalidité du RPC.

    Cela se rapporte donc certainement au travail que vous faites pour déterminer s'il faut faire un lien entre l'exclusion et les périodes d'admissibilité. Voilà une question que, je l'espère, votre comité prendra en considération.

Á  +-(1110)  

    Encore une fois, si elle prodiguait des soins à un enfant de moins de sept ans, sa pension ne serait pas réduite du tout. Elle ne serait pas déclarée non admissible aux prestations d'invalidité du RPC, et sa situation dans la vie serait nettement différente.

    Dans mon mémoire, je souligne que les choses se font très différemment dans d'autres pays, particulièrement dans les pays d'Europe, bien qu'il y ait plusieurs États américains qui fassent cela aussi. J'ai des renseignements sur le cas particulier du Rhode Island. Ma soeur, qui a deux filles polyhandicapées de plus de 21 ans, a immigré en Angleterre parce que les services ici ne sont pas adéquats. J'éprouve une certaine frustration à savoir que je n'ai pu lui venir en aide.

    Je crois que cela montre vraiment là où nous en sommes, pour ce qui est des soignants au Canada. Nous n'avons pas commencé à prendre la question au sérieux. Tout de même, nous parlons d'accroître le nombre de personnes qui quittent l'hôpital plus rapidement, qui sont plus gravement malades et qui sont laissées entre les mains de soignants à domicile. J'espère que le comité va tout au moins se pencher sur cet aspect de la question.

    J'essaie de traiter d'autres questions dans mon mémoire. J'aborderai d'autres questions auprès d'autres personnes, plus tard aujourd'hui.

    Peut-être devrais-je m'arrêter là. Je serai heureux de répondre à toute question que vous aurez.

+-

    La présidente: J'ai une petite question. Est-ce qu'il faut que cela se trouve dans une loi, ou encore peut-on mettre cela dans le règlement? Les provinces doivent-elles être d'accord?

+-

    M. David Baker: Les provinces n'ont pas à être d'accord avec cette situation particulière. Le témoin précédent provenait du tribunal de révision, là où la question se décide actuellement. Si le gouvernement devait adopter un décret, cela pourrait se faire sans discussion ou entente fédérale-provinciale. Cela prendrait simplement la forme d'une modification du Régime de pensions du Canada, car il s'agit de discrimination. J'ai dit que je n'étais pas là pour discuter des aspects du régime qui sont discriminatoires. Mais ce serait là le mécanisme par lequel il pourrait être modifié le 21 mai. C'est pourquoi ces groupes coopèrent en vue de pousser le gouvernement à agir.

+-

    La présidente: Je sais que vous devez vous en aller, Maria. Il y a tous ces comités qui se réunissent à 11 h. Nous sommes reconnaissants du fait que vous ayez même pu être présente. Merci de votre apport.

    Nous écouterons Allison, puis David sera toujours là.

Á  +-(1115)  

+-

    Mme Allison Schmidt (À titre individuel): J'aimerais vous remercier de me permettre de présenter un exposé aujourd'hui. Malheureusement, je n'ai pas d'exemplaire de mon mémoire qui soit tapé à la machine, car mon ordinateur portable, inscrit comme bagage fragile par Air Canada, n'a pas survécu au voyage fait depuis Regina.

    J'ai eu l'occasion d'examiner les mémoires déjà adressés au comité par d'autres témoins, et je suis d'accord avec les recommandations qui ont été formulées.

    J'aimerais utiliser le temps qui m'est alloué pour essayer de donner au comité une idée des expériences personnelles que j'ai pu vivre en rapport avec les divers processus d'appel liés au Régime de pensions du Canada. J'ai beaucoup réfléchi à ce que je voulais dire aujourd'hui et, à l'instar d'un certain psychologue qui fait rage à la télévision, je n'ai pas l'intention de mâcher mes mots. J'espère que le comité entendra bien ce que j'ai à dire et comprendra que chaque fois qu'une demande ou un appel est rejeté, il y a un être humain qui se trouve aux prises avec une expérience souvent négative qui transforme sa vie.

    Cela dit, je ne sais pas si le groupe sait comment je me suis rendue là. En Saskatchewan, j'ai travaillé pour un cabinet d'avocats qui poursuivait des compagnies d'assurances en rapport avec des prétentions faites de mauvaise foi. Après avoir examiné de nombreux dossiers, j'ai commencé à remarquer qu'un grand nombre des personnes touchées se voyaient refuser des prestations d'invalidité du RPC. C'était en 1997. À mon avis, nombre des refus étaient attribuables au fait que les formules de demande ne comprenaient pas tous les renseignements voulus, sinon à un manque de renseignements médicaux. J'ai aussi remarqué qu'un grand nombre de personnes essuient un refus simplement parce qu'elles n'étaient pas suffisamment renseignées sur le régime lui-même.

    Après avoir essayé de façon répétée d'obtenir des renseignements de DRHC et après avoir vécu la frustration que peut susciter une telle entreprise chez une personne libre de tout handicap, j'ai cru que les personnes handicapées avaient besoin de quelqu'un pour les défendre et les aider à vaincre toutes ces lourdes formalités. Le 15 mars 1998, j'ai donc ouvert la Disability Claims Advocacy Clinic. Voilà qu'aujourd'hui j'entame ma sixième année à cet égard. Cela me frappe de savoir aujourd'hui à quel point j'étais naïve à l'époque, quand j'ai quitté le cabinet d'avocats et que je me suis lancée dans ce périple. Ce qui me frappe aussi, c'est le côté incrusté et systémique des refus qu'opposent toujours les évaluateurs de DRHC aux demandeurs.

    J'ai eu l'avantage de pouvoir assister à la table ronde organisée ici en mai 2002 en compagnie du sous-comité; j'en suis sortie découragée à bien des égards. J'étais d'avis qu'on pouvait bien débattre ad nauseam de la définition d'invalidité, mais que cela ne change rien au fait que quelque 60 p. 100 des personnes qui demandent des prestations d'invalidé du RPC essuient un refus.

    Je ne savais pas très bien comment faire comprendre au sous-comité la frustration que je ressentais personnellement à avoir à traiter avec le système, et les éléments de frustration à cet égard ont été nombreux, et je le dis sans vouloir donner l'impression que je suis aigrie. J'ai donc cru qu'il vaudrait mieux donner l'exemple d'un client que j'ai aidé à traverser la grande mer de la bureaucratie.

    Le dossier Foster est le plus ancien que j'aie. J'ai rencontré Foster à l'automne 1999. Sa femme a communiqué avec moi pour me demander de l'aide en rapport avec une demande de prestations d'invalidité. Foster, responsable de l'entretien d'un immeuble d'habitation à Regina, avait subi deux attaques, de sorte qu'il n'était plus apte à concurrencer d'autres candidats pour un travail. Foster était prêt à voir sa demande refusée, son médecin lui ayant dit que presque tout le monde se voyait refuser les prestations d'invalidité la première fois. Quelque cinq mois plus tard, cette prévision s'est réalisée. Foster a reçu ce que j'appelle le refus habituel : il ne pouvait pas exercer son métier à lui, mais, selon les renseignements dans son dossier, il pouvait faire un travail léger convenant à son état et à ses limites, à titre régulier.

    Nous avons porté l'affaire en appel pour faire réexaminer le dossier, et j'ai préparé un long document pour expliquer pourquoi il devait être admissible aux prestations, si on se fiait aux lignes directrices sur le règlement des litiges du RPC. Trois mois se sont écoulés, puis nous avons été informés du fait que la demande de réexamen de Foster ne valait pas. Le ministère a reconnu que Foster avait des limites, mais que, à partir d'un rapport médical affirmant qu'il était probablement capable d'occuper un emploi sédentaire n'exigeant pas une grande dextérité manuelle et étant donné qu'il pouvait s'occuper de lui-même, vivre sa vie de manière autonome et conduire une automobile, on a déterminé qu'il était capable de faire un travail quelconque. Foster a pris la décision avec philosophie, étant peu enclin à croire que sa démarche porterait fruit.

    Environ 12 mois après avoir présenté une demande, Foster et sa femme ont été obligés de déclarer faillite. La femme de Foster était handicapée, étant atteinte gravement de diabète et de complications liées à son état; les deux vivaient de la prestation d'invalidité de la dame, en se contentant du strict minimum vital.

Á  +-(1120)  

    En août 2000, l'appel a été accueilli par le commissaire; en mars 2001, nous nous sommes présentés à un tribunal de révision. Je connaissais Foster depuis 18 mois; j'avais remarqué chez lui qu'il éprouvait des difficultés touchant les processus cognitifs, et notamment, pour le cas le plus grave, sa mémoire. Sa femme avait décrit à mon intention son changement de personnalité et la dépression qui commençait à s'installer chez lui. Malheureusement, le tribunal de révision a refusé de lui accorder des prestations, car aucun élément de preuve objectif ne permettait de confirmer son déclin cognitif.

    Je savais que, pour confirmer l'état de Foster, il fallait une évaluation neuropsychologique. J'ai rencontré le médecin de famille de Foster, et nous avons pris les dispositions voulues pour qu'il subisse une évaluation initiale à notre établissement local de réadaptation. Foster a attendu presque six mois pour obtenir la consultation voulue, seulement pour se faire dire qu'une demande d'évaluation neuropsychologique d'une tierce partie coûte 1 000 $, ce qui était visiblement hors d'atteinte pour un homme sans moyens financiers. Foster m'a dit d'abandonner. Selon lui, il était inutile d'aller de l'avant avec l'appel.

    Après quelques appels téléphoniques avec son médecin, on a pu s'organiser pour que Foster subisse un dépistage cognitif chez un ergothérapeute. Le rapport étant prêt en janvier 2002, Foster et moi avons pu en discuter alors avec son médecin de famille. Selon le rapport, Foster avait de la difficulté à créer des souvenirs nouveaux, son degré de dextérité dans les deux mains était inférieur à la moyenne, et la force dans sa main droite était inadéquate, bien que limite. Foster était incapable d'assimiler des instructions verbales, et la frustration qu'il éprouvait devant ses capacités réduites le faisait fondre en larmes. L'impression générale, c'est qu'il y avait atteinte significative de la mémoire de Foster et que, pour cela, il fallait mettre en place des éléments de soutien pour s'assurer que son problème ne s'aggrave pas davantage.

    Vingt-deux jours après la fin de sa PMA, le physiatre de Foster a écrit une lettre pour demander au médecin de famille de renvoyer Foster à un neurologue, dont la tâche consisterait à s'assurer qu'aucun processus neurologique sous-jacent n'était à l'origine du déclin cognitif de l'homme. Dans l'intervalle, j'ai retiré la demande en autorisation d'appel et demandé, en invoquant le paragraphe 84(2), une audience auprès du BCRT, à laquelle j'ai présenté les faits nouveaux que représentaient les nouveaux rapports médicaux.

    En réaction à l'appel, le ministre a affirmé qu'aucun fait nouveau n'avait été présenté et que l'avis de l'ergothérapeute à propos de l'état cognitif de Foster était assimilable à de la conjecture, car il avait employé un outil de dépistage limité et que, de fait, Foster avait refusé de se prêter à une évaluation de la part d'un neuropsychologue qualifié. Les responsables d'un examen de son dossier ont également rejeté son appel, en affirmant qu'ils n'étaient pas convaincus qu'il y ait des faits nouveaux. Encore une fois, Foster m'a demandé d'abandonner, mais, ayant travaillé pendant trois ans et sachant que Foster était handicapé, j'ai demandé une rencontre personnelle.

    Foster avait cotisé au RPC pendant 32 ans. Il ne semblait pas correct que le système ait mis en faillite un homme de cet âge. J'ai donc demandé à Foster que l'on essaie à nouveau l'audience prévue au paragraphe 84(2), cette fois en personne. Cette fois, j'étais armée du rapport d'un neurologue, selon lequel Foster souffrait de démence par infarctus multiples; le physiatre avec qui j'avais communiqué a également pu dire au ministère que Foster avait subi d'autres attaques depuis sa dernière évaluation et que, selon les résultats physiques, il y avait «progression» de la faiblesse, une hypertonie spastique et une détérioration des capacités cognitives et physiques. Le spécialiste a affirmé que Foster n'était pas employable.

    Encore une fois, le ministre a refusé de renverser sa décision, affirmant que ce n'est que récemment que Foster était devenu inemployable et qu'il avait refusé une évaluation neuropsychologique.

    Foster était abattu. Il m'a dit qu'il en avait assez. Il ne voulait plus rien savoir. Il allait avoir 60 ans ce mois-là; il m'a dit que, après trois années de pauvreté, il allait toucher ses prestations de retraite anticipée. J'ai supplié Foster de comparaître à nouveau devant la commission.

    Je savais que la seule façon de garantir la démarche était d'obtenir de la part d'un neuropsychologue une évaluation de l'état de Foster. J'ai pris les dispositions pour que l'on procède à cette évaluation, dont j'ai assumé moi-même les frais. Selon les constations et recommandations du neuropsychologue, Foster souffrait--en ce qui concerne l'apprentissage verbal, la fluidité verbale, le traitement d'information et la motricité fine--d'un grave déficit cognitif correspondant aux cas types de démence. Les déficits dont souffrait Foster feraient qu'il serait difficile pour lui de composer avec des situations nouvelles ou normales, et Foster ne pouvait assumer une formation ou un emploi «compétitif».

    Le 10 février 2003, Foster a été informé du fait que le tribunal de révision acceptait son appel. À ce jour, le ministère ne lui a toujours pas signifié à quel moment les prestations vont commencer à être versées.

Á  +-(1125)  

    La situation individuelle de Foster est unique, mais la démarche qu'il a vécue est en quelque sorte la norme. L'exemple de Foster fait ressortir le nombre des obstacles auxquels font face ceux qui vont en appel. Cela comprend le temps qu'il a fallu pour traiter la demande de Foster; à ce jour, il n'a pas reçu de prestations; les processus d'appel intrinsèquement compliqués et bouleversants qui, souvent, poussent l'appelant à abandonner; la mentalité antagoniste bien enracinée chez les évaluateurs de DRHC; et les obstacles à l'accès aux rapports médicaux nécessaires. Il s'agit de rapports ultraspécialisés dont les coûts sont prohibitifs. L'obtention de preuves médicales de base pose également un défi; il faut obtenir le soutien du médecin de famille et rallier les gens à la cause du processus d'appel. Forcer les demandeurs à faire faillite est inacceptable. Former les gens comme Foster est également inacceptable.

    Depuis cinq ans, j'ai récupéré presque un million de dollars en paiements rétroactifs à l'intention de personnes qui s'étaient vu refuser des prestations de la part de DRHC. Le plus souvent, les décisions sont ainsi renversées à l'étape du tribunal de révision. Je peux compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où le ministère a renversé sa décision. D'après mon expérience, le ministère change son fusil d'épaule quand je menace d'exposer aux médias la situation du client ou d'écrire à la ministre elle-même, directement.

    On m'a dit récemment que les approbations ne font l'objet d'aucun quota, mais je conteste cette affirmation. Sinon, pourquoi des gens qui, visiblement, répondent aux critères énoncés, essuient-ils des refus répétés? J'aimerais bien obtenir la réponse à cette question. Pourquoi est-ce si difficile d'obtenir une prestation à laquelle on a droit?

    Je sais c'est une question avec laquelle les députés sont constamment aux prises. J'ai vu les statistiques et j'ai entendu tous les discours tenus à propos de la rigueur des critères--je suis d'accord pour dire qu'il faut que ce soit rigoureux--, mais pourquoi la définition est-elle appliquée avec si peu de rigueur et pourquoi les refus sont-ils si nombreux?

    Mon travail me fait voyager partout au pays. Souvent, je reçois dix appels téléphoniques par jour de la part de gens qui ont essuyé un refus. Les bureaucrates de DRHC laissent entendre que j'exploite la situation des personnes handicapées.Je crois qu'on a essayé de dire que j'embarque les gens dans une galère pour que cela me donne plus d'argent, à moi, au bout du compte. À cela je réponds: je ne me suis pas réveillée tout bêtement un matin pour dire, voilà, je vais exploiter les personnes handicapées. Si les critères législatifs étaient appliqués correctement et que le processus n'était pas si intimidant, le travail qu'accomplissent les gens comme moi ne serait peut-être pas si nécessaire.

    J'ai encore beaucoup de choses à dire, mais le temps passe; je vais donc m'arrêter là et laisser au comité le soin de me demander ce qu'il veut savoir.

+-

    La présidente: Allison, merci beaucoup d'être venue, et merci de tout le travail que vous avez accompli.

    Visiblement, vous êtes en train de décrire un phénomène que vous considérez comme systémique, qui se situe dans une «culture» et qui n'est pas forcément l'objet d'une consigne écrite. Si vous aviez à rédiger notre rapport, que diriez-vous?

+-

    Mme Allison Schmidt: Je dirais: pourquoi est-il nécessaire de refuser la demande d'un si grand nombre? Je dirais certainement qu'il faut être rigoureux et qu'il faut accorder une attention particulière à la manière d'attribuer les prestations d'invalidité, mais, tous les jours, j'ai affaire à des rapports qui disent clairement qu'un client ou un appelant est handicapé; néanmoins, la décision n'est pas renversée. Je me suis engueulée très, très souvent avec les évaluateurs, leur disant qu'il leur fallait lire le dossier.

    À propos justement du dossier, je crois que le groupe a formulé un point très intéressant.

    J'ai passé quelque temps à faire des recherches sur les prestations d'invalidité du RPC en invoquant la Loi sur l'accès à l'information; des 469 dossiers reçus en un mois dans la région du Manitoba et de la Saskatchewan, 389 ont fait l'objet d'un refus; 357 l'ont été sans qu'il y ait un approfondissement quelconque--aucun appel téléphonique, aucun rapport médical, rien. Les statistiques sont là, je les ai dans mon bureau, si vous voulez les voir.

    Je vous le demande : comment cela se peut-il? Comment peut-on simplement prendre l'estampille et faire suivre le dossier?

+-

    La présidente: Dans ce que le commissaire a décrit comme étant un dossier complet...Vous dites que les dossiers ne sont pas complets.

+-

    Mme Allison Schmidt: Non.

+-

    La présidente: J'imagine que, d'après ce que nous avons entendu ce matin...Croyez-vous qu'un dossier complet, à votre avis, supposerait une rencontre en personne?

+-

    Mme Allison Schmidt: J'hésite pour ce qui est des rencontres en personne. Premièrement, souvent, je vois les feuilles d'observation qui se trouvent dans le dossier. L'évaluateur dira : alors, comment vous sentez-vous aujourd'hui? Eh bien, je ne me sens pas trop mal. Avez-vous pu aller faire vos emplettes? Oui. Êtes-vous capable de conduire une voiture? Bien sûr. Qu'est-ce que dit votre médecin? Eh bien, je n'en suis pas vraiment sûr. Croyez-vous que vous pourriez travailler? Eh bien, cela dépend de la journée, cela dépend de la manière dont je me sens. Alors, la lettre de refus dit: vous avez dit que vous pouvez travailler.

    J'hésiterais donc grandement à dire que les gens devraient être présents à la rencontre en question, sans quelque indication des critères d'évaluation du RPC. La moitié du temps, les gens ne savent même pas ce que leur médecin a dit. Ils n'en savent rien jusqu'à l'obtention du dossier bleu.

Á  +-(1130)  

+-

    La présidente: Qui sont les évaluateurs et quelles sont leurs compétences?

+-

    Mme Allison Schmidt: Je crois que ce sont des infirmières licenciées. Certaines d'entre elles ont un diplôme universitaire.

    J'ai une formation en psychologie. Dans le domaine de la santé mentale, le besoin à l'égard de personnes qui défendent la cause des patients est énorme. Le mois dernier, j'ai eu affaire à une femme qui était schizophrène. Elle avait 57 ans, je crois,et elle ne pouvait assister à l'audience parce que des extra-terrestres allaient la cueillir là. Son psychiatre m'a dit que, d'aucune façon, cette femme ne pouvait assister à cette audience.

    Une dame autochtone habitant Meadow Lake, en Saskatchewan, prenait des médicaments depuis 20 ans. Enfin, j'ai transmis l'avis du ministre au psychiatre et je lui ai dit: qu'est-ce que vous en pensez? Selon cet avis, la femme pouvait s'occuper d'elle-même; elle avait essayé de fréquenter l'école, mais cela durait quatre semaines chaque fois; dans les notes cliniques, elle disait qu'elle se sentait bien. Voilà les trois raisons mentionnées pour justifier le refus de lui accorder des prestations d'invalidité.

    La psychiatre m'a écrit une lettre pour dire qu'elle croyait que cet avis était ridicule et que d'aucune façon cette femme ne pouvait travailler. Elle s'appelait Flo. J'étais en Saskatchewan, à Moose Jaw, à l'audience du tribunal de révision. J'ai téléphoné à Nancy Lawand et j'ai dit, Nancy, vous êtes complètement dans le champ dans cette affaire. L'audience avait lieu à Cold Lake, en Alberta. Il me faudrait huit heures de route pour aller assister à cette audience, au nom de cette dame.

    Le ministère m'a demandé si je pouvais faire cela par téléphone. J'ai dit: non, je ne peux le faire par téléphone; la femme a une maladie mentale, et ce sont ces gens qui ont le plus besoin d'aide. Entre les audiences du tribunal de révision, deux heures avant que je ne parte, j'ai reçu un appel téléphonique du ministère; la personne m'a dit que la décision dans le dossier avait été renversée. C'est probablement la cinquième fois en cinq ans. C'est un peu ahurissant, n'est-ce pas?

+-

    La présidente: Oui.

    Visiblement, il y a des cas où les fonctionnaires ne comprennent tout simplement pas, par exemple pour savoir s'il s'agit de schizophrénie et ainsi de suite. On ne peut envoyer quelqu'un à une audience sans préparation. Les avocats n'envoient pas leurs témoins en cour sans faire une petite répétition, pour ainsi dire. C'est le genre de travail que vous faites.

    À part vous, qui fait ce travail? Y a-t-il une recommandation à laquelle vous vous attendriez de notre part, pour que nous aidions les Canadiens qui n'habitent pas près de chez vous--une ressource?

+-

    Mme Allison Schmidt: À part moi, il y a la B.C. Coalition, à Vancouver. Il y a diverses organisations communautaires qui font un certain travail là-dessus. Il y a les adjoints de circonscription des députés. Mais je crois que les gens ne sont pas très nombreux à avoir fait comme moi et consacré beaucoup de temps à cette affaire. Il y a peut-être quelques personnes qui font ce travail-là dans l'Est. Je sais qu'il y a une femme qui s'occupe de choses précises comme les polytoxicosensibilités, mais de façon générale.

+-

    La présidente: Il y a deux choses à dire. La souplesse, la réintégration, toutes ces choses nous préoccupaient. Vous êtes en train de dire qu'on ne règle pas convenablement certains des cas tout à fait simples.

+-

    Mme Allison Schmidt: Le numéro du dossier de Foster est 0099. Je travaille actuellement au dossier 0260. Je vous le dirai catégoriquement : il y a des dossiers que je pourrais donner à n'importe quel idiot dans la rue et il pourrait s'y retrouver.

+-

    La présidente: Pour ce qui est des autres mesures de soutien que nous devrions offrir, est-ce que les adjoints de député devraient être mieux formés à cet égard? Est-ce un travail qu'il convient de leur confier? Les omnipraticiens devraient-ils être mieux formés à cet égard? Où, ailleurs, pourrions-nous trouver les ressources nécessaires pour que les gens obtiennent ce dont ils ont besoin, ou, sinon, est-ce au ministère lui-même que réside le problème?

Á  +-(1135)  

+-

    Mme Allison Schmidt: Si le ministère continue à débouter, proportionnellement, le nombre de demandeurs qu'il déboute—de façon injuste, à mon avis—alors les appelants devraient avoir un recours quelconque pour obtenir l'aide qu'il leur faut afin de monter leur dossier, de réunir les éléments d'un appel, de comprendre la loi.

    J'ai eu affaire à une femme qui avait été encornée par une vache—de fait, c'était l'une des premières fois que le tribunal m'a fait fondre en larmes, j'étais tellement frustrée. Le responsable du ministère a affirmé qu'elle avait travaillé après sa PMA. Elle avait eu des attaques dévastatrices et était devenue démente. Elle ne pouvait plus réfléchir.

    Le ministère a dit: «Cette femme a travaillé après sa PMA.» Comme vous le savez, si vous vous montrez à travailler après la dernière date de qualification... Elle a travaillé pendant 22 heures et a gagné 200 ou 250 $. Ce n'est pas du travail, d'après les critères qu'ils sont censés appliquer quand ils évaluent les demandes, ce qui, je crois, n'est jamais fait. Je crois qu'ils ne respectent pas du tout les lignes directrices sur le règlement des demandes. Jusqu'à l'affaire Villani c. Canada, il n'était pas du tout possible de faire valoir l'expérience personnelle. Ils disent bien qu'ils respectent les lignes directrices, mais je ne suis pas d'accord avec eux.

    J'ai eu l'avantage de travailler sur la première ligne. Les gens viennent me voir à mon bureau. J'écoute leur histoire. Je sais ce qu'ils ont vécu. Je rencontre leur médecin. Je parle à leur famille. J'essaie de m'organiser pour que l'on évalue leurs capacités fonctionnelles.

    Voilà un autre aspect qui me pose des problèmes. Les évaluations des capacités fonctionnelles, qui s'échelonnent sur quatre heures, ont lieu en une seule journée. L'état de la personne n'est pas jaugé d'un jour à l'autre.

+-

    La présidente: Parfois, ils sont assez vieux jeu, n'est-ce pas?

+-

    Mme Allison Schmidt: Franchement, si vous traitez avec un gouvernement auquel vous envoyez votre facture et que vous aimez bien que la facture soit réglée, allez-vous... C'est comme mordre la main qui vous nourrit. Je trouve que, souvent...

+-

    La présidente: Les médecins évaluateurs indépendants.

+-

    Mme Allison Schmidt: Oui.

+-

    La présidente: S'ils laissent passer trop de gens, selon vous, ils vont perdre le contrat.

+-

    Mme Allison Schmidt: Bien sûr qu'ils perdraient le contrat.

    Dans le cas de Foster, le physiatre qui a rédigé les lettres en question a souvent été engagé par DRHC pour réaliser les examens médicaux indépendants en question. J'obtenais ses rapports, je lisais ce qu'il disait, je voyais que la demande était refusée, et j'envoyais l'avis de refus et la lettre au médecin et je disais: Regardez, voici ce qu'ils font; qu'en pensez-vous? Ce n'est probablement pas éthique, mais...

Á  +-(1140)  

+-

    La présidente: Croyez-vous que les médecins de famille pourraient jouer un rôle plus grand dans l'affaire, ou encore sont-ils trop occupés?

+-

    Mme Allison Schmidt: Je dirais que, le plus souvent, il est merveilleux de travailler avec les médecins de famille qui appuient l'appelant. Ils prennent le temps de me rencontrer, pour que je leur explique la situation à laquelle l'appelant fait face et leur pose certaines questions: croyez-vous que cet appelant pourrait travailler régulièrement, et sinon, pourquoi pas?

    Certains médecins sont bons; certains médecins sont mauvais. En milieu rural, certains médecins n'ont pas le temps même de voir les patients qu'ils doivent voir. Certains médecins d'autres pays croient peut-être que la personne handicapée, c'est quelqu'un qui est en fauteuil roulant. Toute la panoplie d'attitudes est là. Tout de même, le plus souvent, je peux dire que j'ai droit à un excellent soutien de la part des médecins, car, le plus souvent, les appelants sont dignes de foi dans leur rapport. ils connaissent la personne depuis 20 ans.

+-

    La présidente: Est-ce que cela s'applique aussi aux spécialistes?

+-

    Mme Allison Schmidt: C'est constant; quelqu'un qui souffre d'arthrite peut consulter le même spécialiste pendant des années. Par contre, les spécialistes produisent des rapports sur leur spécialité; un spécialiste peut donc dire : à cette heure particulière de cette journée particulière, l'appelant peut se pencher et se toucher les orteils. Le médecin de famille a un contact plus direct, d'une journée à l'autre.

    Quand la personne prend de la morphine et est tellement droguée qu'il est impossible de conduire un véhicule, comment diable les responsables gouvernementaux croient-ils qu'elle peut travailler? Et cela aussi, ça arrive tout le temps.

+-

    La présidente: Je me rappelle cela. Je me rappelle aussi les spécialistes qui m'ont dit des choses comme: cela n'a rien à voir avec l'accident, si la douleur arrive trois jours plus tard, même s'ils savent que vous aviez de la difficulté à marcher et que, bien entendu, l'autre hanche vous faisait souffrir aussi. Il semble y avoir parfois une approche très linéaire, dans certains rapports de consultation, où il s'agit de voir dans quel camp vous vous situez, avant d'entrer dans le bureau.

    Allez-vous voir les gens chez eux?

+-

    Mme Allison Schmidt: Oui, je le fais. Je vois les gens à l'hôpital. Je suis allée voir une dame du nom de Pat, la semaine dernière. Elle a probablement 350 lb en trop, mais son coeur est défaillant. Elle a eu un pontage gastrique à l'âge de, je ne sais pas, 21 ans, et elle a perdu 200 lb. Cela a été un échec. Elle a repris tout ce poids. Maintenant, elle arrive à peine à marcher la distance d'un pâté de maisons, mais le responsable gouvernemental l'a dit : elle est obèse et c'est un refus; si elle perdait du poids, tout irait bien. Le fait qu'elle ne puisse faire la moitié d'un pâté de maisons à pied n'a rien à voir avec la chose.

    Elle avait très peur d'assister à la séance du tribunal de révision car elle croyait qu'on la jugeait. C'est peut-être la même chose que dans le cas des gens qui ont fumé toute leur vie ou qui ont peut-être eu des problèmes avec l'alcool, des sévices autoinfligés, des problèmes de personnalité. Les gens ne comprennent pas cela.

+-

    La présidente: Visiblement, ce qu'on me dit, c'est qu'il y a un certain taux de refus qui est justifié par des documents que vous ne comprenez pas. Selon vous, si les gens avaient mieux lu le document, il n'y aurait pas eu de refus.

    Visiblement, c'est parfois incomplet, et il faudrait alors le retourner, donc le dossier incomplet représente un autre problème. De même, vous croyez qu'il y a un problème d'attitude au ministère, une «culture» du refus.

    Quelle a été votre expérience en ce qui concerne les membres des commissions de révision?

+-

    Mme Allison Schmidt: Globalement, cela a été très positif. Je remercie le ciel qu'il y a M. Smith et la commission, car, sans eux, je crois que beaucoup de gens n'auraient rien.

    Il y a une chanson qui dit que tout le monde a une histoire à raconter. Tout le monde a vraiment une histoire à raconter, et si les gens prenaient le temps d'écouter cette histoire, et de regarder les documents fournis à l'appui, le taux d'approbation serait plus élevé. Par contre, si ce sont les restrictions budgétaires, si ce sont les compressions qui touchent le régime... je sais que Laurie Beachell est venue ici et a dit qu'il y aurait des compressions de l'ordre de 1 milliard de dollars dans le cas des prestations d'invalidité, d'ici 2005. Si les problèmes fondamentaux se rapportent aux coûts, alors il importe peu de dire comment on définit la chose; on n'aura pas le taux d'approbation qui correspond au bien-fondé des demandes.

+-

    La présidente: Ce que d'autres témoins nous ont dit, mais pas vous, c'est que, selon certaines personnes, si la formule était plus souple, moins arbitraire, les gens qui souffrent d'une affection cyclique pourraient essayer de travailler et, pour ce qui est de l'estime de soi, il y a une collaboration qui fait qu'on préfère que les gens travaillent quand ils se portent bien, mais qu'ils ne travaillent pas quand ils ont de la difficulté. Êtes-vous d'accord avec cela?

+-

    Mme Allison Schmidt: Je crois que les gens qui souffrent d'affections cycliques, de manière générale, ne répondent pas aux critères invoqués ci-dessus en ce qui concerne l'occupation véritablement rémunératrice. La personne peut travailler pendant deux ou trois mois, pendant quatre mois, et peut gagner 5 000 $. Le critère de l'occupation véritablement rémunératrice n'est pas là.

+-

    La présidente: Est-ce un bon critère, à votre avis?

+-

    Mme Allison Schmidt: Je crois que c'est l'année...

+-

    La présidente: Mais croyez-vous que cela convient?

+-

    Mme Allison Schmidt: Je présume qu'il faut faire une ligne de démarcation quelque part, mais je peux vous dire, honnêtement, je suis sûre à 100 p. 100, sans aucune hésitation, que toutes ces lignes directrices sur l'évaluation médicale ne sont pas respectées--elles ne le sont pas. Je peux vous montrer des dossiers de réexamen qui ne font qu'une page. Je peux vous montrer des rapports médicaux qui disent : le patient se porte bien aujourd'hui, mais pour ce qui est du travail, je ne crois pas qu'il soit possible qu'il entreprenne un travail quelconque, et l'évaluateur oublie le paragraphe entier pour ne retenir que «le patient se porte bien aujourd'hui».

Á  +-(1145)  

+-

    La présidente: Avez-vous quelque chose à dire à propos du chevauchement en ce qui concerne les compagnies d'assurance?

+-

    Mme Allison Schmidt: C'est une question très compliquée; c'est un obstacle qui empêche les gens d'obtenir que quelqu'un les défende. Comme vous le savez, mes honoraires sont rattachés aux paiements rétroactifs. Je propose donc un tarif fixe aux demandeurs qui sont soumis à cette démarche, mais ils ressentent beaucoup de pression. Ils ont peur. Ils ont peur que leurs prestations soient annulées s'ils ne passent pas au travers. Souvent, ils ne sont pas vraiment admissibles à la démarche, et ils perdent en vue de gagner. Ils bousillent l'appel.

    Je crois qu'il est injuste d'inclure la prestation fiscale pour enfants handicapés. Je crois que la compagnie d'assurance ne devrait pas avoir le droit de faire cela. Jamais, jamais je ne prends quoi que ce soit qui appartient aux enfants.

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    La présidente: Revenez juste à ce que vous avez dit quand vous avez dit qu'ils bousillent la prestation.

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    Mme Allison Schmidt: Ils bousillent l'appel.

+-

    La présidente: Ils bousillent l'appel. C'est parce que leur situation financière est meilleure s'ils n'obtiennent pas les prestations du RPC?

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    Mme Allison Schmidt: C'est cela, et cela a des conséquences pour eux plus tard, je crois. Je ne suis pas un expert en la matière, mais, si je comprends bien, toutes les années où les personnes ne cotisent rien ont un effet une fois que les gens ont 65 ans; la pension de vieillesse est donc réduite.

+-

    La présidente: Dans le dernier panel... le principe du premier payeur, ou quelque entente qu'il puisse y avoir, est tel que certains clients sont plus mal pris s'ils touchent ce qu'ils ont mis dans le Régime de pensions du Canada pendant toutes ces années-là.

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    Mme Allison Schmidt: Oui. Les gens souscrivent une assurance collective à long terme en cas d'invalidité, et ils cotisent au RPC; néanmoins, ils ne profitent pas des deux. Oui, ils sont plus mal pris qu'avant, mais ils subissent des pressions.

    L'an dernier, à Saskatoon, j'ai aidé un type à organiser son appel; une fois que nous avons obtenu une décision favorable de la part du tribunal de révision, la compagnie d'assurance m'a téléphoné de manière répétée, de semaine en semaine. Quand l'argent va-t-il arriver? À quoi s'élève sa prestation. À la fin, on me harcelait.

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    La présidente: Le cas des assureurs publics est-il meilleur?

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    Mme Allison Schmidt: J'ai un problème de ce côté-là aussi.

    Je crois que c'était en 1998 ou en 1999. Le ministère a annoncé cette merveilleuse entente sur la mise en commun des renseignements avec les commissions provinciales d'accident du travail. Les responsables de l'indemnisation des accidents du travail, d'après mon expérience, n'iront pas affirmer catégoriquement qu'un employé est incapable de faire un travail quelconque. Cela voudrait dire qu'ils devraient le rémunérer jusqu'à l'âge de 65 ans. Alors, tout ce qu'ils font, c'est de brouiller les dossiers, car ils ont leurs propres établissements de réadaptation à qui ils envoient des clients.

    Je ne crois pas que ce soit une question utile; cela sert souvent de justification pour refuser la demande au RPC. Ce que je fais valoir au RPC, au tribunal de révision, et c'est quelque chose que j'ai appris à l'université, c'est qu'il faut toujours prendre en considération la source.

+-

    La présidente: Combien coûte un appel?

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    Mme Allison Schmidt: L'argent pour les services?

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    La présidente: Mon impression, c'est que le ministère utilisait assez souvent le pourcentage de gens qui portent leur cause en appel comme «bulletin» pour savoir si les gens décidaient de ne pas en appeler parce qu'ils savaient qu'ils ne méritaient pas la prestation. D'après mon expérience, il arrive que les gens n'aillent pas en appel parce qu'ils sont trop malades, parce qu'ils n'ont pas les moyens de se faire défendre ou parce qu'ils viennent d'un pays où «non» veut dire «non». Voyez-vous des gens dans cette situation? On dirait que Foster, au bout de deux ou trois fois, ne pouvait tout simplement plus continuer.

+-

    Mme Allison Schmidt: Foster a été bouleversé plus d'une fois.

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    La présidente: Alors, avec ou sans vos services à vous, quel serait le coût?

Á  +-(1150)  

+-

    Mme Allison Schmidt: Le coût sans mes services? Évidemment, les gens ne vont pas obtenir les prestations auxquelles ils ont droit. Le plus souvent, les gens qui viennent me voir sont des gens peu instruits, des gens ayant une scolarité faible, des gens qui ne parlent pas très bien la langue—et c'est un très grand obstacle—des gens membres des comités des Premières nations, des gens qui ont une maladie mentale, des gens que m'ont envoyés les responsables des bureaux des députés, des gens qu'un médecin m'a envoyés. Je prends souvent la parole devant des gens des diverses organisations simplement pour donner des renseignements; cela comprend des travailleurs sociaux oeuvrant dans le milieu médical, des omnipraticiens. Le coût correspond à un pourcentage des paiements rétroactifs. En règle générale, cela donne environ 3 000 $, selon le montant de…

+-

    La présidente: Est-ce que cette formule de paiement signifie que... Vous êtes aussi honnête avec eux s'ils sont suffisamment intégrés au marché du travail. Vous leur dites directement que, d'aucune façon, vous n'allez...

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    Mme Allison Schmidt: Oui. Je ne vais pas perdre mon temps. J'essaie de conclure un accord qui fait que, s'ils gagnent, je suis payée.

+-

    La présidente: Vous acceptez donc de travailler pour eux seulement si vous croyez qu'il est possible qu'ils gagnent.

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    Mme Allison Schmidt: Tout à fait. J'examine donc avec diligence tous les dossiers qui me sont confiés avant d'accepter d'aller de l'avant. Parfois, il faut gratter un peu, parler vraiment aux gens. Parfois, c'est pour moi une question d'instinct.

+-

    La présidente: Nous vous sommes très reconnaissants d'être venue ici aujourd'hui pour faire inscrire tout cela au compte rendu. Si, entre aujourd'hui et le moment de rédiger le rapport, vous pensez à des choses qui, selon vous, devraient absolument figurer dans le rapport, n'hésitez pas à communiquer avec nous et à nous le signaler si nous pouvons faire autre chose.

    En tant que comité, nous essayons de trouver certaines des solutions à court terme que nous pourrions adopter, en rapport avec certains des facteurs clés dont on nous a fait part--la souplesse, les critères et tout le reste. De même, à long terme, à quoi ressemblerait une société si les gens n'étaient pas soumis à toutes ces formalités et si on s'occupait des gens pendant les années d'aptitude et d'inaptitude au travail? Si vous avez donc quelque chose dans l'une ou l'autre de ces catégories... car, nous le savons, ce sont les gens dans les tranchées qui ont les solutions et les observations.

    Une bonne part de ce que vous avez dit est reflétée dans les propos que nous avons recueillis grâce à la consultation électronique et à nos entretiens avec les Canadiens. Je crois qu'il y a environ 1 500 personnes qui ont pris le temps voulu pour faire connaître leurs points de vue.

    De toute manière, nous vous remercions d'être venue.

+-

    Mme Allison Schmidt: Y a-t-il eu des rapports favorables?

+-

    La présidente: De fait, je ne le sais pas.

    J'ai une autre petite question à poser.

    La semaine dernière, Wolfgang a suggéré--et, encore une fois, c'était un groupe de témoins qui a passé avant--l'établissement d'une base de données commune au régime d'assurance-emploi et au RPC. Je crois que Wolfgang a dit que ce serait presque que comme un système d'alerte rapide. S'il y a des gens qui doivent épuiser leurs prestations d'assurance-emploi avant de pouvoir présenter une demande, et vous pouvez leur dire dès le jour de l'accident ou le jour de l'attaque que ce sera quelqu'un qui, un jour, aura besoin de prestations du RPC, ou qui devrait présenter une demande, est-ce là une chose qui, à votre avis, devrait bénéficier d'une approche plus cohérente?

+-

    Mme Allison Schmidt: Je présume que ce serait une bonne idée, mais toute l'histoire de l'a.-e.-RPC me pose certaines difficultés. Souvent, les gens vont prendre les prestations d'assurance-emploi pendant 15 semaines puis, voyant que cela est épuisé, ils commencent à toucher les prestations régulières parce qu'ils ont besoin d'argent. Alors, au moment même où ils se déclarent prêts et disponibles à travailler, ils demandent une prestation d'invalidité du Régime de pensions du Canada et déclarent qu'ils sont incapables de travailler. Les gens font donc tout ce qu'il faut pour nourrir leur famille ou leurs enfants.

+-

    La présidente: Est-ce que vous voulez dire qu'ils touchent des prestations d'aide sociale régulièrement?

+-

    Mme Allison Schmidt: Ils acceptent de toucher des prestations d'emploi régulières parce qu'ils ont besoin d'argent. Et quand ils arrivent chez moi, et que je monte leur dossier et que je vois qu'ils ont touché des prestations d'assurance-emploi régulières, je leur dis--

+-

    La présidente: Pourquoi avez-vous fait cela?

+-

    Mme Allison Schmidt: Et ils disent: eh bien, il fallait que je paie les factures.

    L'instinct de survie est un truc fondamental. Nous faisons ce qu'il faut pour survivre.

Á  -(1155)  

+-

    La présidente: Eh bien, merci beaucoup.

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    Mme Allison Schmidt: Il n'y a pas de quoi.

-

    La présidente: Je tiens à remercier toutes les personnes à l'arrière, aussi.

    Merci et la séance est levée.