Je suis enchanté d'aborder la question de la pauvreté avec le comité, une question de la plus grande importance pour le ministère.
La performance de l'économie et du marché de travail canadiens maintient son élan en ces temps incertains. Nous vivons la deuxième période d'expansion économique en importance de notre histoire. Le taux de chômage atteint presque son plus bas niveau en 33 ans, et plus de Canadiens que jamais ont un emploi.
Toutefois, certains Canadiens ne tirent pas pleinement parti de cette prospérité et vivent dans une situation de faible revenu. Le Canada, comme la plupart des autres pays industrialisés, n'a pas de mesure officielle de la pauvreté. On utilise un ensemble de mesures pour calculer le faible revenu, soit la mesure du panier de consommation, les seuils de faible revenu et la mesure du faible revenu.
Afin de vous présenter certaines des tendances liées au faible revenu au fil du temps, je dois me servir aujourd'hui des seuils de faible revenu après impôt. RHDSC a créé la mesure du panier de consommation, mais les données sur les tendances ne couvrent que la période de 2000 à 2004. Sur l'ensemble, environ 3,3 millions de Canadiens vivaient en situation de faible revenu en 2005, selon le seuil de faible revenu après impôt et les données les plus récentes. Sur ces trois 3,1 millions de Canadiens, 790 000 étaient des enfants, 2,4 millions étaient des adultes en âge de travailler et 240 000 étaient des personnes âgées.
Certains groupes de Canadiens, dont les Autochtones, sont nettement plus susceptibles de vivre en situation de faible revenu à un moment donné et pendant une période prolongée. Dans un contexte international, le bilan du Canada sur le plan du faible revenu est comparable à celui de bon nombre de ses partenaires principaux, mais inférieur à celui des pays nordiques. Selon les données de L'OCDE de l'an 2000, les données les plus récentes disponibles aux fins de comparaison, le Canada se classe au 14e rang parmi 25 des États de l'OCDE sur le plan du faible revenu global.
RHDSC a établi plus récemment, en se basant sur des données de 2004 recueillies d'États individuels, que le Canada présente un taux de faible revenu comparable à celui de l'Irlande, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et de l'Australie, et un taux inférieur à celui des États-Unis.
Le taux de faible revenu des personnes âgées au Canada est un des plus bas de l'OCDE, et ce, de façon constante. Enfin, la recherche démontre que par rapport à la situation internationale, la société canadienne se caractérise par une mobilité intergénérationnelle appréciable, de sorte qu'une situation de faible revenu en enfance n'est pas nécessairement synonyme de faible revenu à l'âge adulte.
Je vous dirai quelques mots sur quelques tendances et défis liés de façon générale au faible revenu qu'ont fait ressortir des analyses et des recherches effectuées par des représentants de RHDSC, en vous rappelant que ces constatations ont des conséquences pour tous les ordres de gouvernement. Je vous présenterai par la suite certaines mesures fédérales de lutte contre la pauvreté.
En ce qui concerne les tendances clés en matière de faible revenu, dans le cas des adultes en âge de travailler et de leurs enfants, les taux de faible revenu ont tendance à suivre le cycle économique, bien que généralement ils accusent un certain retard. Conformément au cycle économique actuel, le taux de faible revenu pour les adultes en âge de travailler est passé d'un sommet de 15,7 p. 100 en 1996 à 11,4 p. 100 en 2005. Chez les enfants, le taux de faible revenu a chuté, passant d'un sommet de 18,6 p. 100 en 1996 à 11,7 p. 100 en 2005.
Cependant, si l'on compare les taux de faible revenu actuels à ceux de 1989, une période comparable sur le plan du progrès économique, on constate que les taux actuels sont plus ou moins les mêmes. Le taux de faible revenu chez les adultes en âge de travailler était de 9,4 p. 100 en 1989, et de 11,7 p. 100 chez les enfants. Il s'ensuit que, même si des progrès importants récents ont été réalisés pendant une plus longue période, il existe des défis à relever pour réduire les taux de faible revenu chez les membres de la population active et leurs enfants.
La décroissance du taux de faible revenu au fil des 25 dernières années au sein du segment la population des personnes âgées au Canada constitue un cas de réussite. Le taux de faible revenu des personnes âgées se situait à 6,1 p. 100 en 2005, une baisse marquée par rapport à 21,3 p. 100 en 1980. Cette décroissance est attribuable à l'évolution du RPC, du renforcement de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément du revenu garanti, ainsi que de la croissance de l'épargne privée.
En jetant un coup un regard sur l'avenir, nous constatons que même si nous avons réalisé des progrès récents appréciables dans la lutte contre la pauvreté au Canada, nous continuons à faire face à plusieurs défis interdépendants à l'échelle nationale.
Tout d'abord, il y a les travailleurs à faible revenu. Bon nombre de Canadiens participent activement au marché du travail, mais ne parviennent pas à gagner un revenu suffisant pour subvenir aux besoins de leur famille. L'analyse de RHDSC révèle qu'en 2005, 1,6 million de Canadiens vivaient au sein d'une famille de travailleurs à faible revenu. Plus de 40 p. 100 des enfants vivant en situation de faible revenu faisaient partie d'une famille de travailleurs à faible revenu.
Les travailleurs canadiens à faible revenu participent activement au marché du travail. En moyenne, ils travaillent autant d'heures que d'autres travailleurs. En plus de gagner un faible revenu, les travailleurs à faible revenu sont nettement moins susceptibles que les autres travailleurs d'avoir accès à des avantages sociaux, tels qu'une assurance-invalidité, un régime d'assurance-dentaire familial et un régime privé d'assurance.
Certains groupes sont vulnérables à la pauvreté persistante. Il importe de souligner que les personnes handicapées, les parents seuls, les immigrants récents, les Canadiens autochtones vivant hors réserve et les personnes seules entre 45 et 64 ans présentent un risque nettement plus élevé de vivre en situation de faible revenu persistant. Autrement dit, ils gagnent un revenu cumulatif sur une période de six ans qui est inférieur au seuil de faible revenu cumulatif pour la période en cause.
La recherche sur les groupes exposés a un risque de faible revenu persistant montre que les membres de ces groupes sont plus susceptibles de ne pas faire partie de la population active, d'être moins scolarisés, de constituer le seul adulte de l'unité familiale, de vivre dans une région à chômage élevé et de ne jamais avoir été marié.
Je vais maintenant vous parler du rôle du gouvernement fédéral. La complexité et l'aspect multidimensionnel de la pauvreté exigent des interventions de nature similaire pour aider les Canadiens en situation de faible revenu. Ces interventions sont des plus diversifiées et vont d'un système d'impôt progressif à un soutien direct des revenus et à des programmes et services fortement ciblés.
Le gouvernement fédéral effectue un investissement important dans des mesures pour lutter contre la pauvreté et assurer la sécurité économique des Canadiens. Le discours du Trône a précisé que le gouvernement continuera à investir dans les familles et aidera tous ceux qui cherchent à sortir des cycle vicieux de la pauvreté et de l'itinérance.
Permettez-moi de vous parler de certains des investissements du gouvernement fédéral.
Le gouvernement fédéral offre un soutien direct du revenu et un allègement fiscal aux familles. Par exemple, il verse plus de 13 milliards de dollars tous les ans au titre de prestations pour les familles avec enfants, la plus grande partie de ce montant étant destinée aux familles à revenu faible et à revenu moyen.
Ce montant comprend environ 3,7 milliards de dollars au titre du supplément de la prestation nationale pour enfants, la contribution à l'initiative fédérale-provinciale- territoriale de la Prestation nationale pour enfants. En 2004, la PNE a permis à quelque 50 000 familles comptant 125 000 enfants d'éviter de vivre en situation de faible revenu.
Grâce à la Sécurité de la vieillesse, y compris le Supplément du revenu garanti versé aux personnes âgées à faible revenu, le gouvernement verse environ 30 milliards de dollars tous les ans aux personnes âgées du Canada.
Le programme d'assurance-emploi procure un revenu d'appoint temporaire aux personnes sans emploi. Le total des prestations versées à ce titre en 2005-2006 a été de 12,68 milliards de dollars. Dans le but d'aider les travailleurs canadiens à faible revenu, le gouvernement a introduit la Prestation fiscale pour le revenu gagné en 2007. En 2008, la PFRG représentera une prestation maximale de 510 $ par an pour les particuliers et 1 010 $ par an pour les couples et parents seuls, soit un coût annuel de 550 millions de dollars.
Le gouvernement réalise un investissement de plus de 9 milliards de dollars dans une panoplie de programmes destinés aux Canadiens handicapés, notamment la prestation d'invalidité du Régime de pensions du Canada, diverses mesures fiscales telles que la prestation pour enfants handicapés et les ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées.
Votre comité le sait certainement, étant donné qu'il vient d'achever son étude sur l'employabilité, que l'amélioration des résultats sur le plan professionnel des Canadiens vulnérables est la clef de leur succès économique. Le gouvernement fédéral a mis en place plusieurs initiatives visant le marché du travail et les compétences, dont bon nombre sont destinées à aider les groupes sous-représentés sur le marché du travail. Par exemple, le budget de 2007 a mis en oeuvre une nouvelle architecture du marché du travail, prévoyant entre autres des investissements annuels de l'ordre de 500 millions de dollars sur une période de six ans, dont le but est d'élargir l'accès à la formation par le truchement d'ententes sur le marché du travail avec les provinces et les territoires.
Le Fonds d'intégration pour les personnes handicapées, de concert avec les ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées, propose d'aider les personnes handicapées à obtenir et conserver un emploi.
La Stratégie de développement des ressources humaines autochtones et le Partenariat pour les compétences et l'emploi des Autochtones, proposent d'accroître la participation des Autochtones sur le marché du travail et dans l'économie canadienne et de combler l'écart entre les niveaux d'emploi des Autochtones et d'autres Canadiens.
Compte tenu de la période actuelle qui se caractérise par un taux de chômage peu élevé et des pénuries de main-d'oeuvre, les groupes vulnérables auraient davantage de possibilités d'accroître leur participation sur le marché du travail, notamment les jeunes Autochtones de l'ouest.
Finalement, une des principales initiatives ciblées du ministère est la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, lancée en avril 2007 et assortie d'un financement de 269,6 millions de dollars sur deux ans, qui propose de réduire l'itinérance. Je tiens également à mentionner, à titre d'information, le récent communiqué budgétaire concernant la Commission de la santé mentale. Ayant reconnu l'interdépendance entre l'itinérance et les troubles de santé mentale, le budget de 2008 a annoncé un financement de l'ordre de 110 millions de dollars de la Commission de la santé mentale pour appuyer des projets pilotes axés sur la santé mentale et l'itinérance.
Bref, il est clair que la pauvreté est une question polyvalente et complexe. Par conséquent, elle exige l'implication de divers participants, à savoir le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les intervenants et le secteur privé.
Je tiens à remercier le comité de son attention. Nous sommes à votre disposition.
Merci, monsieur le président.
:
Je vais faire ma présentation en anglais, mais soyez à l'aise de poser vos questions en français ou en anglais.
[Traduction]
Je remercie les membres du comité de nous entendre aujourd'hui. J'accompagne Garnett Picot. Il est le directeur général du groupe des analyses, et il pourra vous fournir de plus amples renseignements sur les résultats des études citées, si cela vous intéresse.
Comme l'a dit M. Fedyk, le Canada n'a pas de mesure officielle de la pauvreté, et il n'existe pas de norme internationale qui permettrait de définir ou même de mesurer la pauvreté. Statistique Canada a toujours affirmé qu'il ne revenait pas à un bureau de la statistique de définir et de mesurer la pauvreté, car il risquerait de perdre sa neutralité.
Bien qu'il n'existe pas de consensus au Canada quant à la mesure de la pauvreté, au début des années 60, Statistique Canada a reconnu le besoin de représenter ce qui se passait aux échelons inférieurs de distribution du revenu. Par conséquent, nous générons des statistiques sur les seuils de faible revenu, les SFR, depuis le début des années 60.
Dans les diapositives supplémentaires de mon document, je fournis des renseignements sur les SFR et la mesure du faible revenu, ainsi que des explications sur ce que font d'autres pays pour mesure la pauvreté. En termes simples, le SFR correspond au fait de dépenser, en moyenne, 20 p. 100 de plus qu'une famille moyenne sur la nourriture, le logement et les vêtements. C'est notre méthodologie de base pour le SFR.
Nous utilisons deux types de revenus pour calculer le revenu nécessaire. Nous calculons le revenu total avant et ensuite après imposition. Nous vous suggérons d'utiliser le revenu total après imposition puisqu'il tient compte des deux mécanismes utilisés par le gouvernement pour redistribuer le revenu, à savoir les impôts et les transferts.
Nous produisons ces taux annuellement. Nous produisons également la mesure de faible revenu. La mesure de faible revenu représente la moitié du revenu médian rajusté. Cette mesure sert normalement à des comparaisons internationales. C'est une mesure relative, ayant des propriétés statistiques différentes. Ce n'est pas une mesure saillante, elle sert plutôt lorsque nous comparons le Canada à d'autres pays.
Depuis la fin des années 90, RHDSC produit une mesure de rechange par rapport à notre méthodologie actuelle utilisée pour les seuils de faible revenu. Cette mesure vise à combler deux lacunes présentes dans notre méthodologie actuelle. Elle fournit des renseignements géographiques plus détaillés, et elle représente davantage une mesure absolue du faible revenu.
Quoique cette mesure soit relativement récente, je vais vous présenter les tendances observées au moyen des seuils de faible revenu, ainsi que de la mesure du panier de consommation du faible revenu, afin de les situer dans leur contexte.
:
Si vous allez au transparent à la page 3 du document que j'ai distribué, la ligne bleue vous montre les tendances depuis 1980.
[Traduction]
Désolée, je vais continuer en anglais. J'étais passée au français.
Si nous revenons aux tendances de faible revenu depuis le début des années 80 — vous voyez en bleu le taux de faible revenu net d'impôt —, comme l'a dit M. Fedyk, vous constatez qu'il y a deux sommets après les deux récessions du début des années 80 et dans les années 90, où les taux de faible revenu ont augmenté considérablement. Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est qu'à la fin de la décennie 2000, le taux de faible revenu est maintenant revenu à peu près là où il était en 1980. Il y a plus de personnes qui sont au-dessus du seuil de faible revenu parce que la population a augmenté mais le taux est à peu près le même en 2004 qu'il était en 1980. Il y a eu une légère diminution en 2005. Nous verrons l'an prochain si la tendance se maintient.
J'ai parlé de la MPC comme étant une mesure assez nouvelle. Pour l'ensemble du Canada, si vous comparez l'évolution de la MPC de 2000 à 2004, vous voyez que le taux de faible revenu suit à peu près la même courbe légèrement descendante à partir du début des années 2000.
Si vous vous reportez maintenant à la page 4, cette stabilité apparente des taux de faible revenu cache des tendances qui sont différentes pour certains groupes d'âge. Encore là, c'est ce qu'avait souligné M. Fedyk de RHDSC. La tendance la plus marquée est la baisse importante du taux de faible revenu pour ce qui est du revenu net d'impôt des aînés de 1980 à 2005. C'est la ligne verte. Vous pouvez voir que le taux de faible revenu a baissé considérablement.
Pour la population active de 18 ans à 64 ans, il y a un léger accroissement. La tendance est à peu près la même chez les moins de 18 ans.
Ces données proviennent en fait d'une étude longitudinale, qui permet de suivre le développement au fil des ans. Nous suivons l'évolution sur six ans, et nous pouvons ainsi déterminer combien de personnes étaient au-dessus ou en deçà du seuil de faible revenu pour chacune de ces années.
Donc, si nous examinons les données des six dernières années, soit la dernière période visée, de 1999 à 2004, nous constatons, que pour chacune de ces années, 80 p. 100 des Canadiens n'étaient pas sous le seuil de faible revenu. Douze p. cent des Canadiens étaient sous le seuil de faible revenu pendant un an ou deux; 4,3 p. 100 l'ont été pendant trois ou quatre ans; et 3,7 p. 100 l'ont été pour cinq ou six ans, groupe dont on pourrait dire qu'il est frappé par la persistance du faible revenu.
Les recherches sur la question montrent — et encore là, c'est quelque chose qui a déjà été dit — que la persistance du faible revenu touche principalement cinq groupes à risque: les personnes ne vivant pas dans une famille économique et âgées entre 45 et 64 ans, les personnes avec limite d'activité, les immigrants récents, les familles monoparentales et les Autochtones hors réserve.
Puisque les données dont nous disposons actuellement proviennent de l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, je dirais que, à cause de la taille de l'échantillon, je préférerais ne pas donner de statistiques pour certains groupes. Notre recensement de la population du 1ermai comprendra des données sur le revenu provenant du recensement. Vous aurez des informations bien plus détaillées. Si cela intéresse le comité, une fois que les données auront été publiées le 1ermai, nous serions heureux de vous faire parvenir ces informations plus à jour.
Je vais m'arrêter aux tendances qui se manifestent pour deux groupes en particulier: les familles monoparentales et les immigrants récents. La ligne du haut représente la tendance pour les familles monoparentales. Ce qu'il faut retenir de ce tableau, c'est que même si les taux de faible revenu parmi les familles monoparentales ont baissé du début des années 80 jusqu'en 2005, ils demeurent considérablement plus élevés que les taux de faible revenu pour les familles biparentales avec enfants.
Le transparent suivant montre qu'il y a eu une amélioration pour les familles à faible revenu, même si le taux reste beaucoup plus élevé. Il y a toutefois un groupe, celui des immigrants récents, et plus particulièrement des immigrants arrivés dans les cinq dernières années, pour qui la situation ne s'est pas vraiment améliorée.
Ici, nous nous sommes servis d'une méthodologie un peu différente. Je n'ai pas les taux de faible revenu pour les immigrants récents, mais plutôt la position relative des taux de faible revenu des immigrants récents comparativement à la population née au Canada. À la gauche du tableau, vous pouvez voir qu'en 1980, le taux de faible revenu des immigrants arrivés au Canada dans les cinq dernières années était environ 1,4 fois celui de la population née au Canada.
Le ratio, c'est-à-dire la détérioration relative de la position des immigrants récents, montre qu'en 1995, les immigrants qui étaient arrivés au Canada dans les cinq années précédant le recensement de 1996 avaient un taux de faible revenu de 2,7 fois plus élevé que celui de la population née au Canada.
La dernière année pour laquelle nous avons des données du recensement est l'année 2000. Il y a eu une légère amélioration entre 1995 et 2000, mais si l'on en juge par les données administratives — soit une méthodologie légèrement différente —, on constate que la diminution semble être attribuable en partie aux compétences de certains des immigrants qui sont arrivés au Canada, notamment d'un groupe qui comptait un plus grand nombre d'ingénieurs et de travailleurs de la technologie de pointe. La situation s'était quelque peu améliorée entre 1995 et 2000, mais en raison du ralentissement qui a frappé le secteur de la technologie de pointe au début de 2001, le taux a de nouveau augmenté. Ainsi, la position relative des taux de faible revenu des immigrants récents montre qu'ils avaient de nouveau augmenté en 2002 pour atteindre presque les taux de 1995. La situation semble s'être améliorée au cours des deux dernières années, mais elle n'est pas encore revenue à ce qu'elle était.
J'ai parlé de la mesure du panier de consommation et du seuil de faible revenu. Si l'on devait comparer les tendances pour les enfants, les aînés et les adultes en âge de travailler selon le SFR ou selon la MPC, la plupart des tendances seraient similaires. Par contre, on obtient des niveaux différents et des tendances différentes pour ce qui est du classement par province selon qu'on utilise la première mesure ou la deuxième. Ainsi, pour 2004, qui est représentée sur le transparent 4, vous pouvez voir les barres bleues qui correspondent au faible revenu net d'impôt et les barres rouges qui correspondent à la mesure du panier de consommation. Vous pouvez voir, par exemple, que le Québec, qui a un des taux de faible revenu les plus élevés quand on utilise le SFR, a le taux le moins élevé quand on utilise la mesure du panier de consommation.
Pourquoi y a-t-il une différence aussi importante selon que l'on utilise le SFR ou la MPC pour mesurer les taux de faible revenu? C'est que les deux méthodologies sont très différentes. On n'utilise pas la même mesure du revenu pour déterminer quel est le revenu dont on a besoin. Dans un cas, on mesure le revenu net d'impôt, tandis que, dans l'autre, la MPC mesure le revenu disponible. Il y a aussi des différences fondamentales. La MPC s'apparente davantage à une mesure du coût de la vie.
Si vous vous reportez au transparent 10, la méthodologie utilisée dans le cas du SFR montre que le montant d'argent dont on a besoin est le même pour toutes les villes de 500 000 habitants. Le montant serait le même pour huit grandes villes canadiennes, y compris Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver. Dans le cas de la MPC, parce qu'il s'agit davantage d'une mesure du coût de la vie en fonction de la région géographique, on se trouve à prendre en compte le fait que loyer médian à Montréal est d'environ 5 000 $ de moins que le loyer médian à Toronto ou à Vancouver. Parce que la région géographique est un facteur, quand on fait un placement par province, le résultat est très différent selon que l'on utilise la MPC ou le SFR.
Il y a aussi d'autres différences, notamment dans la façon de prendre en compte le transport. Ainsi, les différences entre milieu rural et milieu urbain sont moindres quand on utilise la MPC que lorsqu'on utilise le SFR. La MPC part du principe que les habitants des villes se servent du transport en commun. Le transport en commun n'étant généralement pas offert en milieu rural, les taux de faible revenu en milieu rural... il faut avoir une voiture, alors les dépenses sont plus élevées. C'est pourquoi les seuils sont plus élevés, et c'est ce qui explique certaines des différences.
Pourquoi y a-t-il moins de chefs de famille monoparentale à faible revenu? Nous nous sommes posé la question, et après tant d'années nous avons remarqué que le taux d'emploi ainsi que le revenu d'emploi étaient à la hausse dans ce groupe. Pourquoi? Nous avons découvert deux facteurs. Tout d'abord, ce changement se concentrait surtout parmi les chefs de famille monoparentale âgés de plus de 40 ans, ici au Canada. Deuxièmement, les changements démographiques y ont été pour beaucoup.
Les chefs de famille monoparentale sont bien différents de ceux qui l'étaient il y a 20 ans. Ils sont mieux éduqués et ont davantage d'expérience du travail puisqu'ils sont plus âgés. Ces deux facteurs ont beaucoup contribué à la hausse du revenu et du taux d'emploi. Les personnes mieux éduquées ont tendance à chercher du travail et à le trouver, et bien sûr elles gagnent davantage d'argent. La baisse des chefs de famille monoparentale à faible revenu était en grande partie attribuable à des changements démographiques. Voilà le principal message.
Sur le plan international, le taux de revenu faible relatif du Canada se situe dans la moyenne. Nous parlons de taux de faible revenu relatifs, c'est-à-dire relativement au revenu moyen du pays. Si on le mesure de cette façon-là, qui, d'ailleurs, est la façon habituelle d'effectuer des comparaisons internationales, notre taux de revenu faible est très fréquemment inférieur à celui des États-Unis et du Royaume-Uni, mais il est beaucoup plus élevé que celui de la plupart des pays de l'Europe occidentale et certainement celui des pays nordiques. Nous nous situons au milieu.
En ce qui concerne la baisse du nombre de personnes âgées à faible revenu, comme il a été dit plus tôt, il s'agit d'une véritable réussite canadienne. Dans les années 70, nous étions parmi les pays au plus haut taux de revenu faible chez les personnes âgées, mais maintenant nous sommes à l'arrière du peloton. C'est une dimension importante.
Le troisième problème, que j'ai déjà mentionné, ce sont les familles qui demeurent pauvres d'une génération à l'autre. À la diapositive supplémentaire numéro 13, on demande ce que deviendront les fils d'un homme qui se trouvent dans le dernier quart du revenu, c'est-à-dire les vingt-cinq pour cent de la population qui gagnent le moins, lorsqu'ils deviendront adultes. Vont-ils se retrouver également dans ce dernier quart?
Notre étude a montré que ce sera effectivement le cas pour environ un tiers d'entre eux. Environ un tiers de tous les fils de pères qui se trouvent dans le dernier quart du revenu, c'est-à-dire qui grandissent dans des familles pauvres, demeureront pauvres lorsqu'ils seront adultes et commenceront à gagner de l'argent au début de la trentaine. Les autres connaîtront une ascension.
J'ai deux observations à faire. Tout d'abord, il y a davantage de mobilité en ce qui concerne la répartition du revenu que l'on aurait escompté. Deuxièmement, cette mobilité est plus prononcée au Canada qu'aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Si vous naissez dans une famille pauvre au Canada, vous avez de meilleures chances de grimper l'échelle sociale que votre confrère aux États-Unis. Notre mobilité intergénérationnelle se rapproche de celle des pays nordiques. On observe une grande mobilité dans ces pays également.
Beaucoup de mécanismes permettent l'ascension sociale. Tout d'abord, l'éducation. Il existe une grande différence entre nous et les Américains en ce qui concerne l'éducation et l'accès à celle-ci. Si un enfant grandit dans une famille pauvre au Canada, c'est-à-dire une famille se retrouvant dans ce dernier quart de la distribution du revenu, cet enfant a de bien meilleures chances de fréquenter l'université ou le collège au Canada qu'aux États-Unis. C'est peut-être l'une des raisons qui expliqueraient le facteur intergénérationnel. Les Canadiens ont davantage de chances de s'éduquer, ce qui leur permet d'accroître leur revenu.
Si l'on regarde les tranches de revenu plus élevées, les personnes provenant d'une famille aisée ont davantage de chances de fréquenter l'université aux États-Unis qu'au Canada. Dans les tranches supérieures, l'inverse est vrai. Cette tendance pourrait s'avérer importante puisque nous nous penchons sur la population à faible revenu.
Je vais m'arrêter là.
J'aimerais ajouter que Diane est notre experte en matière d'assistance sociale, dont nous n'avons pas encore parlé.
Au nom de notre président, M. John Rook, qui est à Calgary, ainsi que des membres de notre conseil, j'aimerais remercier le comité de cette occasion et je vous félicite de vos efforts visant à trouver des solutions à la tragédie que représente la pauvreté dans notre pays si riche.
Comme l'ont dit les autres, 10 minutes... Je vais devoir consacrer moi aussi deux phrases à chaque élément. Ce sont des questions complexes. Je ne vais pas vous fournir beaucoup de statistiques, quoique les nôtres sont bien connues. Vous en trouverez dans la trousse et vous en avez déjà entendu parler aujourd'hui. Je ne vais pas parler de chiffres mais, bien sûr, nous répondrons à vos questions éventuelles sur l'exposé ou sur les chiffres contenus dans la trousse bien fournie que vous avez reçue.
Je présume que vous connaissez plus ou moins l'histoire du conseil ainsi que ses publications, y compris le Profil de la pauvreté ainsi que Revenus de bien-être social, que nous publions depuis un quart de siècle déjà. Vous connaissez probablement notre rapport récent, intitulé Résoudre la pauvreté, qui vise à trouver des solutions.
Je vais donc en parler ainsi que du travail de nombreuses autres personnes et je ferai des observations sur les questions clés qui intéressent votre comité. Ce sont les cinq questions suivantes: la situation actuelle au Canada, les populations les plus à risque, les rôles du gouvernement fédéral, les mesures et les indicateurs ainsi que des moyens permettant de financer les solutions.
Tout d'abord, commençons par la situation actuelle. Comme d'autres l'ont indiqué, il faut commencer par définir ce qu'est la pauvreté. Il existe de nombreuses réponses statistiques. Je ne vais pas y toucher car d'autres l'ont déjà fait. J'aimerais cependant souligner les tendances dont ils ont parlé en ce qui concerne la différence entre le cas des personnes âgées et le reste de la population, et ce, non seulement du point de vue statistique mais également politique, car dans ce cas on peut très bien voir l'incidence de la politique sur cette population. Dans le cas d'autres populations, la tâche est beaucoup plus difficile. Nous entendons parler des sommes qui sont attribuées, mais nous ne savons pas quels sont les résultats.
Au-delà des chiffres, j'aimerais parler de l'aspect humain et des problèmes qui y sont associés. Certaines personnes ont parlé de l'ampleur de la pauvreté et de sa persistance. On s'intéresse à l'Irlande, à dire qu'ils disposent d'une mesure uniforme de la pauvreté. Divers aspects de la question ont fait l'objet de discussions. Toutes ces choses font partie de l'ensemble de la pauvreté, la misère, l'insécurité, l'inégalité, l'exclusion et même le désespoir. Je ne vais pas discuter de tous ces éléments mais je vais néanmoins vous fournir quelques scénarios à titre d'exemples. Je n'y ai pas mis d'étiquette, mais ces scénarios vous donneront une idée des vies de vraies personnes et dans quelle mesure leurs circonstances peuvent varier.
J'aimerais surtout souligner la différence entre les personnes âgées et la plupart des autres tranches de la population, non seulement en ce qui concerne le revenu, mais également la sécurité et la source du revenu et l'incidence de ces facteurs sur leur dignité et leur capacité de modifier leurs circonstances.
Une des choses qui m'ont frappée le plus dans mes lectures dernièrement, et c'est pour cela que je vous le fournis comme exemple, c'est l'inquiétude des gens à l'égard des gangs autochtones. Je l'ai lu dans plusieurs sources d'ailleurs. Ces gangs s'expliquent par des raisons très claires, que nous comprendrions si nous allions au-delà des chiffres.
Une autre partie du problème, c'est de comprendre pourquoi nous n'obtenons pas de résultats alors que nous avons tant de programmes et que nous dépensons tant d'argent. Il me semble que nous devrions concentrer nos efforts là-dessus.
En 2006, le Conseil national du bien-être social a fait circuler un questionnaire sur la pauvreté et la sécurité du revenu. Nous avons obtenu une vaste gamme de réponses indiquant que les programmes marchaient. Ce n'est pas sorcier. Il existe une gamme de programmes qui sont très importants, certains plus que d'autres. Certains programmes ne fonctionnent pas, dont l'assistance sociale qui devance tous les autres par son inefficacité. Ils se démarquent vraiment. Mais les prêts aux étudiants et l'assurance-emploi sont eux aussi des programmes qui ont une grande valeur aux yeux des Canadiens mais qui doivent vraiment être améliorés.
Outre le soutien direct du revenu, car la pauvreté vise le revenu ainsi que d'autres facteurs, il existe une gamme de programmes et de services sociaux touchant au logement, à la garde des enfants et à la rémunération. Ces programmes ont également une grande valeur mais bon nombre d'entre eux doivent être améliorés.
Pour résumer, il n'y a aucun doute que nous sommes confrontés à un problème persistant et complexe, mais nous disposons de certains éléments qui nous aideront à trouver une solution.
J'aimerais parler un peu des populations les plus à risque. Là encore, mon premier paragraphe n'est plus pertinent parce que son contenu a déjà été dit. Nous savons qui sont ces personnes, du moins statistiquement. Mais parfois, cette façon de voir les choses est un piège, car nous percevons ces personnes comme étant le problème. J'encourage donc le comité à renverser sa perspective, en se demandant quels sont les facteurs qui font que ces personnes sont à risque? La réponse est un peu différente, car elle comprend des facteurs comme le racisme et la discrimination sexuelle, la violence, le divorce, la maladie, les accidents, les salaires faibles, un manque d'éducation — nous avons déjà discuté de bon nombre de ces facteurs. Le fait d'avoir un enfant constitue un risque économique pour les femmes beaucoup plus que pour les hommes. Nous ne disposons pas d'un vrai programme qui vise à rectifier cette situation.
Il faut également se souvenir que les risques augmentent lorsqu'il y a des facteurs multiples. Ce n'est pas souvent qu'un seul facteur sera déterminant. Il est également important de reconnaître que nous tous ou presque courons les mêmes chances. Je crois que si on commence à demander à des amis ou à des parents, on comprend beaucoup mieux, parce que dans bien des cas, il s'agit d'une série d'incidents, et non pas un seul, qui ont été déterminants. À l'heure actuelle dans notre pays, on tombe rapidement dans la pauvreté et même la pauvreté profonde, car il est très facile d'être inadmissible à l'assurance-emploi. Ce qui devrait être un dernier ressort devient trop souvent le premier ressort pour de nombreuses personnes.
Nous avons parlé de tendances démographiques. Nous avons parlé de la maturation du Régime de pensions du Canada et de la Sécurité de la vieillesse, ainsi que leur importance relativement à la pauvreté chez les personnes âgées. L'autre tendance à retenir, c'est le revenu des femmes. C'est une tendance énorme, c'est un changement démographique qui est lié à d'autres programmes en matière d'équité d'emploi et de garde des enfants, deux choses qui, selon beaucoup de femmes, sont menacées actuellement. Donc, à bien des égards, les familles à deux revenus deviennent de facto le filet de sécurité sociale, et si on ne peut pas compter sur ce filet, on est très vulnérable.
J'aimerais maintenant parler des rôles du gouvernement fédéral.
Je sais que le temps file. J'ai pris plus de temps que je ne le pensais.
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D'accord. Oui, j'ai beaucoup de choses à dire, et il me semble que nous avançons lentement.
Dans son travail pour résoudre les problèmes de pauvreté, le Conseil national a souvent examiné les choses d'un point de vue d'un modèle de gouvernance, ce qui veut dire que les constatations peuvent s'appliquer à tout palier de gouvernement ou même aux collectivités. La plupart des Canadiens, lorsque nous leur parlions de ces choses — nous pensions qu'ils allaient les trouver trop ésotériques ou trop compliquées ou quelque chose comme ça —, comprennent également qu'il faut une vision... Même au niveau du ménage, lorsqu'on élève des enfants, il faut une vision de ce que l'on veut. Il faut qu'il y ait un plan pour y arriver. Il faut y dédier certaines ressources. Il faut savoir qui est responsable. Il faut faire toutes ces choses. Il faut que les gens participent. Lorsque vos enfants sont plus vieux, vous pouvez les faire participer à l'élaboration de votre plan pour leur avenir.
Toutes ces choses sont importantes, quel que soit le palier de gouvernement. Résoudre les problèmes de pauvreté, comme des gens l'ont dit, est un problème national. Il faut que le gouvernement fédéral y participe pour que ça fonctionne.
Je pense qu'il est également très important, surtout pour le gouvernement fédéral, de reconnaître que les gens qui sont déjà marginalisés doivent participer, et que l'on doit comprendre la pauvreté, comme le font la plupart des pays européens, dans le contexte d'objectifs sociaux et économiques plus vastes, et non pas comme un problème isolé.
Je veux souligner que le Canada a déjà pris des engagements quant à des instruments pour les droits de la personne, aux niveaux national et international, pour faire le travail qui doit être fait selon la plupart des porte-parole de la pauvreté. Faire preuve de leadership, c'est aussi reconnaître une bonne idée et s'en servir. C'est ce que le gouvernement fédéral a fait avec l'idée d'assurance-maladie de Tommy Douglas, mais cela ne se serait pas produit au niveau national si le gouvernement fédéral n'avait pas adopté cette idée. C'est la même chose pour le RPC. Pour être un chef de file, il ne faut pas nécessairement être le premier à présenter une bonne idée, mais l'appui et les champions importent.
Je ne parlerai pas trop non plus du rôle d'action directe joué par le gouvernement, parce que mes collègues de RHDSC en ont déjà parlé. Je pense qu'une des choses que nous devons examiner attentivement, et j'ai l'impression que certains membres du comité le font, c'est le rôle du système d'impôt sur le revenu. Il faut en parler un peu plus, et je pense que c'est ce que je vais faire dans la prochaine section.
Encore une fois, je veux souligner que le revenu importe, mais le revenu ne peut pas remplacer des services comme les soins de santé ou les garderies, tout comme les citoyens qui ne bâtiront jamais le réseau d'autoroutes. C'est extrêmement important.
Il y a de nombreux secteurs. Lorsque j'ai préparé les grandes lignes de cet exposé, je me disais, « bien, voyons voir où sont les actions directes fédérales et où sont les choses qui sont très clairement provinciales? ». Ce n'est pas clair, et ce n'est pas clair pour la plupart des Canadiens. Très franchement, la plupart des Canadiens à qui nous avons parlé nous ont dit qu'ils n'en peuvent plus de la complexité. Moins vous avez de revenus, plus c'est complexe, parce qu'il n'y a personne pour vous aider à comprendre. Tout cela est vraiment important.
On a beaucoup discuté des mesures et des indicateurs. Je pense que nous croyons que les discussions ont assez duré. Choisissons-en quelques uns. Décidons, appliquons-les, nous apprendrons en cours de route, nous nous améliorerons, et ensuite on appliquera certaines mesures officielles. Le Conseil est d'accord que ce n'est pas à Statistique Canada de jouer ce rôle; cela fait partie de notre structure de gouvernance, et c'est le gouvernement qui doit décider.
Il y aussi un rôle à jouer pour les types de rapports produits par le système d'assurance-emploi, pour savoir qui reçoit des prestations, combien reçoivent-ils, qui est admissible et qui ne l'est pas. Nous avons alors une idée des effets obtenus. Je pense qu'un système semblable dans beaucoup d'autres secteurs de programmes serait utile, ce qui m'amène à parler directement de la dernière section, le financement des solutions.
Nous encourageons les membres du comité à lire notre rapport intitulé le le coût de la pauvreté. Il y a un exemple très intéressant encore plus récent produit par Centraide de Calgary sur les coûts externes de la pauvreté, et par « externes », on entend l'argent nécessaire, non pas pour payer les prestataires de l'aide sociale, mais pour couvrir les coûts de l'augmentation du crime, des taux d'obésité, du diabète, et des problèmes en soins de santé. Ce que nous ne pouvons prévenir revient nous hanter plus tard, et je pense que parfois notre comptabilisation n'est pas assez complète.
Je veux aussi vous fournir quelques exemples qui démontrent que nous devons sortir des sentiers battus. Il y a de bons exemples de choses que nous avons déjà faites, qui ne sont pas très bien connues même si certains d'entre nous en ont entendu parler. L'une qui me frappe, c'est une étude sur les parents seuls faite par Gina Browne, à l'Université McMaster. Je pense qu'elle a constaté des taux de près de 80 p. 100, et ne me citez pas à ce sujet, de dépressions cliniques parmi un groupe de parents seuls avec lesquels elle travaillait pour un projet. Ils ont examiné quels types de solutions étaient disponibles. La plus évidente était de faire entrer ces gens dans le système de soins de santé pour qu'ils rencontrent des psychologues et des psychiatres, ce qui coûterait une fortune. Cependant, ils ont découvert que s'ils inscrivaient leur fils à un programme de football, ou leur fille à une classe de ballet, et si une autre personne s'occupait de leur enfant quelques heures par semaine, leur problème de santé mentale n'était plus un problème de santé mentale. Donc, il faut poser les bonnes questions.
Le rapport du CNBES intitulé La justice et les pauvres, je pense, est vraiment utile également. Nous ne l'avons pas apporté, parce que c'est une de nos publications le plus souvent demandée, et il nous reste très peu de copies. Le rapport démontre combien il est facile d'être incarcéré lorsque l'on est pauvre. Ensuite, on apprend des criminels qui nous entourent. Il est renversant de voir comment une telle situation perpétue le genre de choses que l'on ne veut pas, alors que la prévention nous permettrait d'économiser beaucoup d'argent.
Mon dernier exemple est une série d'exemples. Voici une publication de 1976, et donc toutes les données sont évidemment très vieilles, mais elle est intitulée Le régime caché d'assistance sociale, et le sous-titre parle du système d'impôt sur le revenu des particuliers au Canada. Le rapport démontre que l'on distribue beaucoup plus d'argent et de sécurité aux gens qui possèdent déjà beaucoup de ressources comparativement à l'argent que l'on distribue sous forme d'assistance sociale pour les Canadiens aux plus faibles revenus.
Quant au financement des solutions, il faut penser à une combinaison de choses qui comprennent une meilleure planification et une meilleure élaboration des politiques, une certaine réaffectation des ressources, et de nouveaux investissements qui offrent un bon rendement avec le temps, ce qui en réalité réduit les coûts. Un des arguments présentés par le rapport de Centraide de Calgary, c'est que quelle que soit votre opinion des causes de la pauvreté, et vous pensez peut-être qu'un grand nombre de gens ont créé leur propre malheur, le coût de la pauvreté est si élevé pour un si grand nombre de gens que trouver des solutions en vaut la peine.
C'est une question de valeurs, de vision, et de leadership. Ce dont le pays a besoin ne peut pas être accompli par les personnes, les familles, les organisations caritatives, ou les collectivités, même si toutes ces choses sont importantes. C'est la responsabilité des gouvernements démocratiques de faire en sorte que les citoyens ordinaires soient traités de façon équitable et puissent vivre décemment et dans le respect.
Merci.
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Je remercie les témoins.
Premièrement, avant de poser ma question à Sheila, de Statistique Canada, vous avez identifié beaucoup de groupes qui luttent contre la pauvreté et décrient certaines circonstances; je me demande toutefois si vous avez vérifié dans certaines collectivités. Certains groupes travaillent très bien sur le terrain et je vais vous en donner un exemple. Pathways, à Toronto, donne de bons résultats pour certains groupes précis. Beaucoup d'entre eux ne sont même pas financés par le gouvernement et je sais que dans ma propre ville, beaucoup de groupes d'intégration communautaire ne reçoivent presque pas d'argent des gouvernements; pourtant, les gens travaillent sur le terrain et déploient beaucoup d'efforts pour lutter contre la pauvreté.
Je me demande si vous êtes d'accord pour dire que ce qui manque peut-être, c'est simplement, parfois, des liens entre certains de ces groupes et le bon travail qui se fait déjà sur le terrain grâce à des gens comme vous. Vous semblez avoir les statistiques, même si vous ne nous donnez pas vraiment de chiffres; comme vous l'avez dit, vous nous décrivez des circonstances et des scénarios. On nous présente beaucoup de ces scénarios et ce que nous espérons faire, c'est une étude de la pauvreté axée sur des solutions, c'est-à-dire que nous voulons entendre des gens qui ont déjà de très bonnes solutions, mais qui veulent se faire entendre. Je pense que ce serait excellent si vous pouviez aider à cet égard, peut-être en rencontrant certains groupes et en nous aidant à coordonner les groupes qui veulent vraiment avoir l'oreille du gouvernement, qui estiment pouvoir s'attaquer à certains problèmes que vous avez décrits.
Mais le plus important, puisqu'il s'agit d'une étude sur la pauvreté, c'est que je voulais commencer notre premier... J'ai essayé d'obtenir une définition quelconque, une manière de mesurer cela. Vous avez fait preuve de beaucoup de prudence, Sylvie, en nous incitant à ne pas utiliser les SFR. Je me demande comment mesurer ce phénomène. Je ne pense pas que l'on puisse s'en tirer en établissant des groupes et des tableaux démographiques, et bien sûr, dans un pays aussi grand que le Canada, je ne pense pas que l'on puisse faire autre chose que de s'efforcer constamment de découvrir où se trouve la pauvreté chronique. Alors, quelle est la manière idéale de s'y prendre pour obtenir les meilleures résultats possible?
Je vais commencer par entendre Sylvie, et peut-être ensuite, les autres.
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Je pourrais peut-être ajouter quelque chose.
Du point de vue analytique, pour ce qui est d'essayer de discerner ce qui se passe sur le terrain, cela ne correspond pas à notre seuil officiel de pauvreté parce que nous n'allons pas choisir cela.
Comme Sylvie l'a dit, la mesure du panier de consommation, parce que c'est une mesure qui est davantage axée sur le coût de la vie, est certainement plus utile pour comparer des villes ou des provinces au Canada, par exemple, que les SFR, parce que les SFR ne tiennent pas vraiment compte des différences du coût de la vie, et c'est important. La MPC est utile de ce point de vue.
Les SFR bénéficient du fait qu'ils existent depuis longtemps. Si l'on veut savoir ce qui se passe aujourd'hui en comparaison d'il y a 20 ans, on n'a pas vraiment d'autre choix que d'utiliser les SFR.
Il y a deux autres mesures que j'examinerais. La première est la persistance des faibles revenus; c'est-à-dire qu'on peut utiliser les données longitudinales pour discerner ceux qui ont un faible revenu chronique. Beaucoup de gens compris dans les SFR, par exemple, ont peut-être un faible revenu pendant seulement quelques mois ou un an. Quels sont ceux qui ont un faible revenu pendant quatre ou cinq ans? Je mettrais catégoriquement l'accent sur les mesures de faible revenu chronique et c'est exactement ce que RHDSC a fait en identifiant ces cinq groupes.
Il y a encore une autre mesure dont nous n'avons pas du tout parlé aujourd'hui. On a parlé de la question de la mesure en évoquant le seuil de faible revenu, c'est-à-dire le seuil en deçà duquel on éprouve de graves difficultés financières. Nous n'avons pas parlé de la profondeur du faible revenu.
Si le seuil de faible revenu, à titre d'exemple, est de 20 000 $, mais que la plupart des gens pauvres gagnent 18 000 $, c'est un cas. On pourrait quand même avoir un taux de faible revenu de 10 p. 100. Mais si le seuil de faible revenu est de 20 000 $ et qu'il y a toujours 10 p. 100 de la population qui se trouve en deçà de ce seuil, mais que ces gens-là ont un revenu moyen de 10 000 $ et non pas de 18 000 $, c'est une situation très différente. Ces gens sont beaucoup plus pauvres. Si l'on parle seulement de seuils de faible revenu, cette grande pauvreté n'apparaît nulle part et l'on aura l'impression que les deux situations sont semblables; dans les deux cas, on aura un taux de SFR de 10 p. 100. Il faut donc tenir compte de l'écart ou de la profondeur du faible revenu.
Une autre raison de l'importance d'en tenir compte, c'est que beaucoup de programmes gouvernementaux, notamment l'assistance sociale, viennent augmenter le revenu. Ces gens demeurent sous le seuil, mais leur revenu augmente. Si l'on s'attarde uniquement au taux de faible revenu, on ne constate pas cette amélioration. Il faut voir la profondeur du faible revenu, ou l'écart entre le revenu de ces gens et les SFR.
C'est donc une autre mesure à laquelle j'accorderais de l'attention si j'essayais de savoir ce qui se passe exactement.
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Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un grand plaisir de partager cette information, considérant que, depuis déjà 10 ans, je dépose à la Chambre des communes un projet de loi antipauvreté. Je suis confiant que cette fois-ci sera la bonne. Je suis 123
e sur à la liste; je suis donc confiant que cette fois-ci sera la bonne.
J'ai trois questions à poser et une demande à formuler. J'aimerais que vous puissiez nous faire un tableau. Peut-être qu'il faudra mettre conjointement les statistiques et votre service. Ce tableau comprendrait deux colonnes. Mme Collin nous a déjà donné matière à réflexion, mais je pense qu'il serait intéressant que vous fassiez valoir les avantages et les désavantages de l'une et l'autre mesures. Par exemple, je sais que le conseil national utilise dans ses documents les seuils de faible revenu, mais que vous êtes très critiques par rapport à ces seuils parce qu'une mesure tient compte du revenu réel des gens et qu'une autre mesure tient compte de ce qu'il serait souhaitable que les gens aient pour satisfaire leurs besoins.
Ma position rejoint beaucoup celle de M. Gourde. Par exemple, au Québec, il y a des expériences particulières et inédites. Je remarque que les deux provinces qui ont des stratégies législatives pour lutter contre la pauvreté ont délaissé les seuils de faible revenu. Les Nations Unies critiquent, rapport après rapport, le Canada, qui est signataire des deux grands traités pour les droits économiques et les droits culturels, parce qu'il n'a pas de mesures. On aurait besoin de ce tableau qui démontrerait les avantages et désavantages, non pas sur le plan des analyses politiques, mais plutôt sur le plan effectif d'un point de vue statistique. Je pense que ce serait utile.
Deuxièmement, j'ai beaucoup aimé la phrase de Mme Sheila Regehr. Elle disait que les gens qui travaillent à la sécurité du revenu ne savent pas comment est déterminé le montant qui, pour une personne seule, est de 3 000 $ en Colombie-Britannique et de 6 000 $ au Québec, ou vice versa.
Dans un document, vous avez vous-mêmes évalué ce que ça coûterait pour sortir tous les gens de la pauvreté. Il me semble avoir lu un chiffre que j'aimerais que vous nous rappeliez. Je ne veux pas m'avancer en donnant un chiffre, même si j'en ai un à l'esprit. Je voudrais que vous le répétiez devant les membres de ce comité.
Quelle serait la solution? Par exemple, pourrait-on envisager, en ce qui concerne le Transfert social canadien du gouvernement fédéral — évidemment, c'est payé par les impôts des gens —, de rendre ce transfert conditionnel à ce qu'il soit versé spécifiquement à la sécurité du revenu? Nous sommes très jaloux des prérogatives du Québec. Quant à la question de ce qu'il faudrait fournir comme efforts pour sortir les gens du seuil de faible revenu, j'aimerais que vous nous rappeliez le chiffre et les efforts qui devraient être fournis, selon vous.
Je pose tout de suite ma deuxième question, pour ne pas avoir besoin d'y revenir. J'aimerais que vous puissiez, l'un ou l'autre, DRHC ou le conseil, y répondre. Deux provinces ont adopté des mesures législatives, et une troisième est en voie de le faire. J'aimerais que vous nous disiez où vous vous situiez face à ces mesures. J'ai cru comprendre que ce qui avait vraiment permis de sortir les gens de la pauvreté au cours des dernières années...
Le Canada a amélioré sont sort. Par exemple, dans les années 1980, quand on parlait de pauvreté, l'image qui venait à l'esprit était celle des personnes âgées. D'ailleurs, c'est ce qui se trouvait en première page du rapport du Sénat. À présent, on dit que les gens qui sont le plus en difficulté, ce sont les chefs de famille monoparentale. On dit aussi qu'au Canada, les enfants ont amélioré leur sort et qu'on le devrait beaucoup à l'initiative de la Prestation fiscale canadienne pour enfants, qui a été augmentée durant plusieurs années consécutives. J'aimerais que vous nous disiez s'il y a vraiment une corrélation entre le fait d'augmenter la Prestation fiscale nationale pour enfants et le sort bonifié des enfants.
Ce sont mes trois questions, et j'espère avoir le tableau. Je ne le veux pas d'ici la fin de nos travaux, évidemment.
Le Régime de pension du Canada, le RPC, a été présenté ce matin comme un programme que nous avons mis en place et qui a permis à tout le monde d'atteindre certains niveaux. En fait, on ne peut pas vraiment voir la différence, même si on commence à gruger tranquillement ce programme, avec le coût de la vie et s'il correspond...
Nous avions l'assurance-emploi, un programme qui faisait quelque chose de semblable, mais nous avons maintenant changé les règles, car je crois qu'on avait l'impression que le programme d'assurance-emploi était trop riche et n'incitait pas les gens à aller vraiment chercher un emploi et travailler. On avait l'impression qu'il y avait des gens qui vivaient de l'assurance-emploi plutôt que d'aller travailler.
Par ailleurs, lorsqu'on parle d'aide sociale, on pense que le piège de l'aide sociale empêche souvent tout mouvement et tout progrès. En fait, c'est la raison qu'on a invoquée par exemple pour réduire l'aide sociale en Ontario de 21,6 p. 100 en 1995.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'impact de tout cela et que vous nous disiez comment nous devrions aborder la question, et ce genre de raisonnement lorsqu'il s'agit d'assurance-emploi ou d'aide sociale.
J'ai une observation à faire au sujet de la prestation fiscale pour le revenu gagné dont on a parlé. En fait, elle ne profite qu'à un tout petit nombre de gens, car, par exemple, quelqu'un qui gagne le salaire minimum, et qui travaille à temps plein toute l'année, n'est pas admissible à cette prestation individuelle. Nous avons fait l'analyse. Une famille, un couple, qui travaille à temps plein toute l'année ne serait pas admissible non plus, de sorte qu'il y a beaucoup de gens qui vivent réellement dans la pauvreté, mais qui ne peuvent se prévaloir de cette prestation.
Quoi qu'il en soit, ce sont là quelques petites questions sur lesquelles j'aimerais avoir vos observations, particulièrement en ce qui a trait à l'idée du piège de l'aide sociale et de cette idée selon laquelle l'assurance-emploi n'incite pas les gens à vouloir aller se trouver un travail.