:
Merci. C'est une observation.
Nous nous sommes mis d'accord sur l'aperçu général fourni par les attachés de recherche. Pour l'instant, nous avons prévu quatre réunions, les trois premières devant nous permettre de faire un vaste survol de la pauvreté au Canada. Nous devions donc répondre aux questions: qui, où, quoi et pourquoi. Ensuite, la quatrième réunion devait porter sur la manière d'obtenir des mesures. Nous voulions cerner la définition de la pauvreté et en faire un survol complet.
Ensuite, nous avons convenu de passer à la deuxième partie de l'étude pour discuter des différentes stratégies de lutte contre la pauvreté au Canada et à l'étranger. Nous avons aussi convenu d'examiner comment le gouvernement fédéral pourrait contribuer à cette lutte contre la pauvreté.
Nous nous sommes écartés de notre trajectoire l'autre jour et nous n'avons pas vraiment enrichi notre vision des choses. Je crois que nous avons parlé davantage du diabète, de l'obésité et des frais pour les guichets bancaires. Nous avons parlé quasiment de tout au cours de ces trois premières réunions cruciales, sauf de la manière dont le comité pourrait identifier la pauvreté qui existe et la mesurer, pour que nous puissions ensuite trouver des moyens pour le gouvernement de contribuer à la lutte contre la pauvreté.
Revenons donc au survol général et à la manière dont nous pourrions trouver une formule ou un moyen de mesurer et de définir la pauvreté. Cela pourrait prendre du temps si nous continuons à entendre des témoins sans nous en tenir à notre plan — et nous avions pourtant un plan assez rigoureux.
Je voulais seulement faire cette observation. Peut-être faudrait-il que nous tenions des discussions plus détaillées et portant davantage sur ce que l'on peut faire et sur la manière dont les gouvernements peuvent lutter contre la pauvreté.
Je vais commencer par vous parler des banques alimentaires en répondant aux questions suivantes: qui, quoi et pourquoi? D'après notre expérience, il n'y a pas beaucoup de gens qui connaissent la réalité des banques alimentaires et qui savent qui les utilise.
L'Association canadienne des banques alimentaires a été fondée en 1986. Nous sommes une organisation nationale qui représente les associations provinciales de banques alimentaires, des centres de distribution d'aliments et les banques alimentaires au niveau fédéral. Nous distribuons des aliments donnés par de grandes entreprises dans le cadre de notre système national de partage des aliments. En 2007, nous avons distribué quelque huit millions de livres d'aliments grâce à ce système. Nous faisons aussi un sondage annuel sur la faim intitulé Bilan-faim, qui dénombre les gens qui ont reçu l'aide des banques alimentaires et recueille des données sur les caractéristiques des ménages qui ont reçu de l'aide.
Je voudrais vous donner des renseignements sur le nombre de gens qui reçoivent l'aide des banques alimentaires, sur l'ampleur de la charité alimentaire au Canada et vous parler très brièvement des limites de la capacité des banques alimentaires de répondre aux besoins d'aide alimentaire d'urgence.
Premièrement, en mars 2007, les banques alimentaires du Canada ont aidé 720 000 personnes au moins une fois. À titre de comparaison, c'est à peu près la population du Nouveau-Brunswick. Ce chiffre est en baisse par rapport au sommet de 824 000 par mois en 2005, mais c'est néanmoins 8 p. 100 de plus qu'en 1997. Le recours aux banques alimentaires n'a pas baissé en-dessous de 700 000 personnes par mois depuis 1997.
Qui sont les gens qui ont recours aux banques alimentaires? Nous savons que 19 p. 100 d'entre eux ont un emploi ou touchent des prestations d'assurance-emploi, que 51 p. 100 reçoivent de l'assistance sociale, environ 13 p. 100 reçoivent des prestations provinciales au titre du soutien du revenu pour invalidité, et environ 6 p. 100 signalent que leur principale source de revenu est une pension. Nous savons aussi qu'environ 40 p. 100 sont des enfants de moins de 18 ans. Dans certaines régions, ce chiffre atteint environ 50 p. 100, notamment au Manitoba, en Saskatchewan et dans les Territoires du Nord-Ouest; 51 p. 100 des ménages aidés par les banques alimentaires sont des familles qui comptent au moins un enfant; et environ 44 p. 100 de ces ménages sont des familles biparentales.
La situation est un peu plus complexe en région rurale, et par « rurale », je veux dire des localités de moins de 10 000 habitants. Environ la moitié des banques alimentaires dont nous connaissons l'existence sont situées dans des petites villes de cette taille. En région rurale, le pourcentage des gens qui sont clients des banques alimentaires et qui disent avoir un emploi baisse quelque peu, tandis que le pourcentage des gens qui signalent vivre d'une pension, de prestations d'invalidité et d'assurance-emploi augmente. Par conséquent, le pourcentage des gens qui touchent des prestations quelconques est un peu plus élevé en région rurale, de même que le nombre de personnes de plus de 65 ans.
La grande majorité des gens qui ont recours aux banques alimentaires vivent dans des logements locatifs, seulement 8 p. 100 d'entre eux se disant propriétaires de leur maison. Il est intéressant de constater qu'en région rurale, le pourcentage des gens qui se disent propriétaires mais qui ont quand même besoin de recourir aux banques alimentaires monte en flèche pour atteindre quelque 17 p. 100 du total.
Officiellement, il y a environ 700 banques alimentaires au Canada, dans toutes les provinces et territoires, de même que 2 900 agences affiliées, par exemple des soupes populaires, des popotes roulantes, des programmes de distribution de repas avant et après l'école, etc. À titre non officiel, il y a des dizaines et probablement des centaines de petites banques alimentaires qui servent deux, cinq, dix familles par mois dans des sous-sols d'église, des écoles et des centres communautaires.
Pour vous donner une idée de l'ampleur du phénomène des banques alimentaires au Canada, je vais vous citer quelques chiffres intéressants. En mars 2007, des bénévoles ont donné 420 000 heures de leur temps aux banques alimentaires. C'est l'équivalent de cinq employés à plein temps à chaque emplacement, et ce chiffre est pour chaque mois. Durant la même période, le personnel rémunéré a travaillé 288 000 heures, soit l'équivalent de trois employés à plein temps à chaque emplacement. Pour l'année complète 2007, les 322 banques alimentaires participant au système national de partage des aliments de l'association ont distribué plus de 125 millions de livres d'aliments.
Même si les banques alimentaires existent depuis plus de 20 ans et sont devenues très habiles dans la sollicitation et la distribution d'aliments à ceux qui en ont besoin, il n'en demeure pas moins qu'il y a des limites bien réelles à la capacité des banques alimentaires de répondre aux besoins d'aide alimentaire d'urgence. C'est l'argument central que je veux vous exposer aujourd'hui.
Un chiffre fait ressortir à mon avis les limites pour ce qui est de la capacité des banques alimentaires de répondre aux besoins: c'est la différence entre le nombre de gens qui disent ne pas avoir assez de nourriture et le nombre de ceux qui reçoivent l'aide des banques alimentaires. Nous savons, d'après l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2004, que 1,1 million de ménages canadiens comptant 2,7 millions de personnes ont signalé avoir subi une insécurité alimentaire modérée ou sévère, ce qui veut dire que ces personnes avaient fait des compromis sur la qualité ou la quantité d'aliments consommés, ou bien avaient réduit leur consommation d'aliments et perturbé leurs habitudes alimentaires. Ces 2,7 millions de personnes représentent quelque 8,8 p. 100 de la population. Je compare cela au fait que les banques alimentaires servent environ 2,2 p. 100 de la population. Autrement dit, il y a un grand nombre de gens qui ont faim et qui ne reçoivent pas l'aide des banques alimentaires.
Cela m'amène à un très bref survol de nos recommandations en matière de politiques, que nous formulons depuis bon nombre d'années dans divers contextes. Elles sont fondées sur la conviction que nous avons besoin d'un appui solide de tous les paliers de gouvernement pour résoudre les problèmes que je vous expose aujourd'hui.
Premièrement, l'ACBA souscrit aux appels en faveur d'une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté assortie d'objectifs mesurables et d'échéanciers précis. Étant donné que de nos jours, beaucoup d'emplois, beaucoup plus que dans le passé, sont temporaires, à temps partiel et sans aucun avantages sociaux, nous préconisons qu'on étende la portée et qu'on augmente les prestations de l'AE. De plus, nous recommandons fortement d'étendre l'admissibilité à la prestation fiscale pour le revenu gagné et d'en augmenter le taux. Nous souscrivons à l'objectif de porter à 5 000 $ la prestation fiscale canadienne pour enfants. Quatrièmement, nous recommandons un soutien accru et prévisible pour un système pancanadien de logements abordables. Enfin, nous recommandons un soutien accru et continu pour un système d'apprentissage précoce et de garde des enfants qui soit abordable et inclusif.
Je suis allée rapidement pour pouvoir céder la parole à mon collègue Wayne Hellquist.
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Merci, Shawn. Je pense que ces énoncés de politiques sont appuyés par l'ensemble du mouvement des banques alimentaires partout au Canada.
J'ai le plaisir de diriger la banque alimentaire de Regina, en Saskatchewan. Notre ville compte quelque 200 000 habitants et à chaque mois, nous servons jusqu'à 7 500 ou 8 000 personnes qui dépendent de la banque d'aliments pour une partie de leur nourriture.
Bien sûr, il ne faut pas perdre de vue que les banques alimentaires servent les plus pauvres d'entre les pauvres. Personne ne choisit d'être pauvre et personne ne choisit d'aller à la banque alimentaire. Les gens y vont parce que les circonstances les y obligent, parce que pour quelque raison que ce soit, ils sont incapables de nourrir leur famille ou de se nourrir eux-mêmes.
En réalité, les banques alimentaires constituent seulement une source de nourriture d'appoint en cas d'urgence. Nous n'avons certainement pas l'intention de devenir la source principale de nourriture pour toutes ces familles-là. Mais comme Shawn l'a dit, plus de 40 p. 100 des personnes aidées au Canada sont des enfants; dans notre province, c'est autour de 47 p. 100. Ce sont bien sûr des gens qui, sans qu'il y soit de leur faute, en sont réduits à dépendre d'un réseau de banques alimentaires pour répondre à leurs besoins en nourriture.
Comme on l'a dit, la faim et la pauvreté sont des éléments d'une problématique comportant de multiples dimensions et je ne crois pas que les solutions soient simples. À la banque alimentaire de Regina, nous nous efforçons d'aller au-delà de la simple fourniture d'aliments en cas d'urgence et nous offrons de la formation et de l'éducation aux gens qui font appel aux banques alimentaires. Nous croyons qu'à long terme, la meilleure solution est de s'assurer que les gens aient accès à un emploi, à une formation leur permettant d'acquérir les habiletés de base, à des cours de formation débouchant sur un emploi.
Nous venons de terminer un projet de recherche dans le cadre duquel on a examiné la possibilité que les banques alimentaires deviennent un intermédiaire pour le marché du travail. Nous croyons par ailleurs que les banques alimentaires peuvent devenir un portail unique vers d'autres agences et d'autres services dans notre collectivité, y compris l'accès à la formation et à l'emploi. Il faut assurément trouver de telles solutions novatrices, en faisant appel non seulement aux banques alimentaires, mais aussi à d'autres organisations communautaires qui peuvent à mon avis faire partie d'un réseau d'aide permettant de résoudre ce problème tenace de la faim et de la pauvreté dans nos collectivités.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je vous remercie de nous avoir invités à prendre la parole sur cette question importante.
Je voudrais d'abord nous présenter brièvement. Je m'appelle Mike Buda. Je suis directeur adjoint intérimaire chargé des politiques à la FCM. Je suis accompagné de Michel Frojmovic, de la firme Acacia Consulting. Il travaille en étroite collaboration avec la FCM à notre système de rapports sur la qualité de vie, dont nous allons vous parler dans quelques minutes.
Avant de commencer, je veux vous transmettre les excuses de notre président, Gord Steeves, qui est conseiller municipal à Winnipeg, et de notre directeur général Brock Carlton. Normalement, ils auraient témoigné devant votre comité. Ils avaient tous les deux des conflits d'horaire et nous ont demandé de témoigner en leur nom.
Comme vous le savez sûrement, les gouvernements municipaux, qui sont le palier de gouvernement de première ligne, le plus proche des citoyens, jouent un rôle crucial dans la lutte contre la pauvreté. Depuis le logement jusqu'à l'établissement des immigrants, en passant par la sécurité communautaire, les loisirs, la cohésion sociale et la vie de quartier, les municipalités sont habituellement le premier palier de gouvernement au chapitre de la lutte contre la pauvreté. Cependant, nous sommes venus ici aujourd'hui pour vous dire comment les municipalités mesurent la pauvreté. Bien sûr, nous nous ferons un plaisir de revenir devant le comité pour vous faire part de nos idées sur la manière dont le gouvernement du Canada pourrait établir un partenariat plus efficace avec les municipalités pour réduire la pauvreté et pour vous exposer nos recommandations en la matière, mais encore une fois, nous sommes ici aujourd'hui pour vous parler de la mesure de la pauvreté.
Cela dit, je vais céder la parole à mon collègue Michel qui va vous dire comment le système de rapports sur la qualité de vie de la FCM mesure la pauvreté. Et j'ajoute, car Michel est un homme très modeste, qu'il fait partie des plus éminents praticiens au Canada au chapitre de la mesure de la qualité de vie et de la pauvreté. Il est une extraordinaire ressource technique dont la FCM bénéficie depuis de nombreuses années.
Quand Michel aura fini de vous dire en quoi consiste le système de rapports sur la qualité de vie et de vous expliquer comment il fonctionne, je reprendrai la parole et vous ferai des recommandations précises sur la manière dont le gouvernement du Canada pourrait aider les municipalités à améliorer la mesure de la pauvreté. En bout de ligne, une meilleure mesure aidera les municipalités à être des partenaires plus efficaces du gouvernement fédéral dans nos efforts collectifs pour lutter contre la pauvreté dans les villes et les collectivités du Canada.
Cela dit, je cède la parole à Michel.
Merci.
Mes observations vont porter sur cette question de la mesure.
Au début de cette réunion, on a parlé de la complexité de la pauvreté et il est certain que c'est un problème auquel nous sommes confrontés, mais notre point de départ consiste à essayer de comprendre la nature du problème. Le système de rapports sur la qualité de vie existe maintenant depuis plus de dix ans. L'un de ses points forts est qu'il vise à signaler ce qui se passe à l'intérieur des limites des municipalités. Généralement, quand les données sont publiées, ce sont des chiffres nationaux ou provinciaux et quand on donne des chiffres pour les villes et les localités, souvent, ce sont plutôt des chiffres applicables aux RMR, les régions métropolitaines de recensement. Les RMR ne sont pas des villes. Elles ne sont presque jamais des villes ou des municipalités. Nous essayons donc de nous assurer de faire rapport sur ce qui se passe dans les municipalités proprement dites.
Il y a deux raisons à cela. La première est que, comme Mike l'a dit, à bien des égards, les gouvernements municipaux, qu'ils aient ou non le mandat de le faire, offrent les services de première ligne et c'est donc important que ces mêmes gouvernements municipaux sachent exactement ce qui se passe dans les limites de leur territoire. Comment les municipalités mesurent-elles la pauvreté afin de la comprendre? C'est une première raison.
L'autre raison est qu'il est également tout à fait évident, quand on mesure toute une gamme de questions au niveau municipal, que la pauvreté a un visage très différent selon l'endroit où on l'examine d'un océan à l'autre.
Ce sont donc deux raisons pour lesquelles il est important de mesurer la pauvreté au niveau municipal: parce que les gouvernements municipaux doivent comprendre ce qui se passe sur leur territoire, et parce que la pauvreté varie considérablement d'un bout à l'autre du pays, que ce soit Regina, Montréal ou Toronto.
Quand je dis qu'une RMR n'est pas une ville, prenons l'exemple de la RMR de Toronto, qui comprend en fait cinq municipalités: Peel, Halton, Durham, York et Toronto. Le visage de la pauvreté dans la région de York, par exemple, ou la région de Durham, qui comprend des villes comme Oakville et Burlington, est tout à fait différent de celui de la pauvreté à Toronto. Nous essayons donc de fractionner ces limites administratives en gouvernements municipaux. Ce n'est qu'un point de départ.
Les rapports tiennent compte d'un vaste éventail de facteurs sociaux, économiques et environnementaux. Nous avons environ 75 indicateurs, qui englobent une accumulation considérable de données sociales, économiques et environnementales. Ce sont des tendances qui se poursuivent maintenant depuis environ 15 ans, depuis 1991. Nous essayons donc d'étudier la pauvreté dans ses nombreuses dimensions.
En fait, nous n'utilisons pas non plus tout le temps le mot « pauvreté ». Nous examinons les problèmes et les tendances. Nous avons publié en 2004 ce que nous avons appelé un rapport thématique dans lequel on examine le revenu, les nécessités de subsistance et le logement. En un sens, c'était notre rapport sur la pauvreté, mais sous un autre nom.
Je vais vous parler principalement des manières dont nous traitons de la pauvreté et dont nous la mesurons. Un dernier mot toutefois sur ce système de rapports sur la qualité de vie: il est alimenté par ses membres, qui sont des gouvernements municipaux. À l'heure actuelle, il y a 22 municipalités, pour la plupart faisant partie des grandes villes du Canada. Ainsi, la Communauté métropolitaine de Québec et la Communauté métropolitaine de Montréal sont deux des principales entités quant à l'importance. Ottawa, Calgary, Edmonton — il y a 22 villes représentant environ 50 p. 100 de la population du Canada. Ce sont les membres du système. Comme le système est alimenté par ses membres, nous sommes en mesure de garantir que les données sont utilisées. Les tendances dont nous discutons ici sont vraiment utilisées par ces municipalités. Elles sont utilisées à la fois au niveau local et aussi, nous l'espérons, au niveau national pour faire rapport sur ce qui se passe au niveau local, mais dans l'ensemble du pays.
Ce rapport de 2004 faisait ressortir un certain nombre de faits saillants qu'il vaut la peine de signaler. Entre autres, on a tenté de mieux cerner le risque de se retrouver sans abri; on n'a pas vraiment tenté de dénombrer les sans-abri, mais plutôt de cerner les facteurs qui peuvent expliquer ce phénomène. Nous avons donc examiné par exemple les listes d'attente pour les logements sociaux et les taux de chômage, et le taux de familles monoparentales — à peu près sept indicateurs en tout — et nous avons essayé de comprendre, ville par ville, ce qui se passait et ce qui s'était passé au fil des années. C'est donc un exemple.
Je vais m'attarder à quatre aspects — je suppose qu'on aura la chance d'en discuter plus longuement, si les députés souhaitent des précisions — qui nous servent de repères pour mesurer la pauvreté. Je vais vous parler un peu des données, si tout le monde est d'accord.
Nous utilisons beaucoup le recensement de Statistique Canada et notamment le seuil de faible revenu, qui est bien connu. Le SFR n'est pas un indicateur de pauvreté; il donne seulement une idée de la situation d'une personne. Si un ménage a un revenu inférieur à ce montant, on considère que ses membres vivent dans la pauvreté.
Nous examinons le SFR pour chaque ville du Canada pour différents types de familles — familles monoparentales, couples avec enfants — et pour différents groupes démographiques, par exemple les communautés autochtones en milieu urbain. Il y a diverses manières d'examiner le SFR. On peut par exemple utiliser les données du recensement de Statistique Canada, ce qui peut coûter cher. Le prix a diminué un peu, mais c'est encore cher. J'y reviendrai tout à l'heure.
Nous avons donc le SFR — c'est ce qui se rapproche le plus d'un seuil de pauvreté.
Un autre moyen de mesurer la pauvreté, c'est d'utiliser les données des déclarations d'impôt, les données administratives réelles. C'est administratif en ce sens que ce n'est pas produit à des fins de programme, mais parce que tout citoyen canadien est tenu de remplir et de remettre sa déclaration d'impôt. On y trouve une foule de données riches d'information.
Nous utilisons donc ces données des déclarations d'impôt, encore une fois obtenues de Statistique Canada, pour examiner par exemple l'écart des revenus — la relation entre ceux qui ont les revenus les plus élevés et les plus bas — dans diverses localités pour déterminer si cet écart s'agrandit ou se rétrécit. C'est la pauvreté relative.
Nous utilisons aussi ces données pour mieux comprendre la pauvreté des travailleurs. Les déclarations d'impôt sur le revenu nous disent d'où les gens tirent leur argent. Touchent-ils de l'assistance sociale? Ont-ils un revenu d'emploi? Quel ratio de ce revenu ont-ils obtenu durant l'année? Cela nous aide à cerner et comprendre le phénomène de la pauvreté des gens qui travaillent.
Je reviens à la difficulté du coût. Un seul tableau riche en données peut coûter 10 000 $, ce qui est beaucoup. Mais nous investissons dans de telles données obtenues grâce aux déclarations d'impôt.
Une troisième source, que nous considérons un peu comme une valeur ajoutée dans le monde municipal, est constituée par les données administratives recueillies par les gouvernements municipaux. Si vous avez déjà inscrit vos enfants à des cours de natation, vous avez dû remplir un formulaire qui contient des données sur les loisirs. Nous utilisons ce facteur des loisirs. Mais en l'occurrence, il est plus pertinent de décrire notre compréhension du phénomène des sans-abri et des logements sociaux.
Les municipalités qui financent des refuges pour sans-abri ont accès à des données sur leur utilisation et sur le nombre de lits permanents par type de refuge. C'est ainsi que l'on peut savoir s'il y a plus de femmes célibataires ou plus de familles qui fréquentent le réseau des refuges. Les listes d'attente pour les logements sociaux nous disent combien de gens se trouvent vraiment... S'il y a 1 000 personnes sur la liste d'attente et que celle-ci s'est allongée depuis 10 ans, cela donne une idée des tendances observées dans le domaine du logement social.
Je répète que c'est complexe et qu'aucun de ces indicateurs ne donne une idée complète de la situation. Nous essayons d'en assembler plusieurs dizaines pour comprendre ce qui se passe dans le domaine de la pauvreté au niveau local. Pour recueillir ces données, nous utilisons un outil municipal de collecte de données, un sondage en ligne qui rejoint les employés municipaux.
Je vais terminer rapidement.
La dernière source, ce sont les données communautaires. À titre d'exemple, la FCM travaille localement avec les banques alimentaires et veille à compiler des données fournies par des organisations communautaires.
Ce ne sont là que quatre exemples de ce que nous faisons pour mesurer la pauvreté. Je vais céder la parole à Mike pour les 45 secondes qui restent.
Premièrement, je tiens à dire clairement que je ne suis pas ici à titre de représentante du Centre canadien de politiques alternatives. Je suis une consultante indépendante qui travaille à mon propre compte, même si, dans le cadre de mes recherches, je suis associée au Centre canadien de politiques alternatives. Cependant, je ne le représente pas aujourd'hui.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à témoigner. Je pense que vous faites du travail très important et je vous suis reconnaissante de me permettre de contribuer à vos délibérations.
Vous savez sûrement que les Nations Unies ont désigné la période de 1996 à 2007 la décennie vouée à l'élimination de la pauvreté. Des pays du monde entier mettent actuellement en oeuvre des stratégies de lutte contre la pauvreté, certains avec beaucoup de succès. Vos travaux à ce comité pourraient éventuellement déboucher sur l'élaboration de telles stratégies au Canada et je pense que c'est une perspective extrêmement passionnante.
On m'a demandé de mettre l'accent aujourd'hui sur la pauvreté parmi les femmes et c'est ce que je vais faire. Je pense qu'il est essentiel de nous pencher sur cet aspect de la pauvreté si nous voulons avoir le moindre succès pour ce qui est de réduire ou d'atténuer la pauvreté. Ce n'est peut-être pas un aspect populaire de la pauvreté dans certains milieux, parce que l'analyse sexospécifique semble passée de mode ces jours-ci. Vous vous rappelez probablement de l'époque où l'on parlait de la féminisation de la pauvreté. Cela signifiait que la pauvreté était un problème surtout pour les femmes, parce que l'inégalité qui désavantageait les femmes dans notre société et dans notre économie était un facteur qui contribuait puissamment au taux élevé de faible revenu parmi les femmes.
Il est vrai que ce n'est plus à la mode de parler de la féminisation de la pauvreté, et l'on met maintenant l'accent sur la pauvreté des enfants. Je pense que les gens s'imaginent peut-être que les femmes ont atteint l'égalité, de sorte que nous n'avons plus à nous en inquiéter, mais l'on parle beaucoup de la pauvreté des enfants. Bien sûr, la pauvreté des enfants est d'une importance vitale, puisque les enfants qui sont pauvres au début de leur vie ne seront peut-être pas en mesure d'échapper à ce piège de la pauvreté et c'est donc un très grave problème. Il faut se rappeler que les enfants sont pauvres parce que leurs parents sont pauvres, et beaucoup de ces parents sont des femmes qui élèvent seules leurs enfants.
La pauvreté des enfants, quand on la mesure d'après le seuil de faible revenu après impôt de Statistique Canada, se situe actuellement à 11,7 p. 100, et ce chiffre date de 2005. Le taux de faible revenu des femmes qui sont chefs de familles monoparentales, en utilisant la même mesure, était de 29,1 p. 100. Le taux de faible revenu pour les femmes âgées qui vivent seules était de 20,3 p. 100. Ce dernier n'avait augmenté que de trois points de pourcentage par rapport à l'année précédente. En fait, le taux de faible revenu pour les femmes âgées seules a fluctué entre 17 p. 100 et 27 p. 100 au cours des 20 dernières années, sans qu'on constate la moindre tendance à la baisse.
Nous avons bien sûr des programmes fédéraux, comme la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti, qui ont beaucoup fait pour abaisser le taux de faible revenu parmi les personnes âgées. En fait, ce taux se situe maintenant à 6,1 p. 100, en comparaison de 9,8 p. 100 en 1996. Mais si l'on applique une analyse sexospécifique à ce chiffre, la situation n'est pas aussi reluisante. En fait, le taux de faible revenu des femmes âgées est plus du double que celui des hommes âgés. En 2005, seulement 3,2 p. 100 des hommes de 65 ans et plus avaient un faible revenu, en comparaison de 8,4 p. 100 des femmes du même groupe d'âge.
Cela vous frappe peut-être que ces deux groupes de femmes qui ont des taux aussi élevés de faible revenu — les femmes chefs de familles monoparentales et les femmes âgées qui vivent seules — n'ont pas l'avantage de compter sur un conjoint ou un partenaire. Se pourrait-il que les femmes doivent compter sur le revenu d'un homme pour sortir de la pauvreté? Qu'est-il arrivé de l'indépendance financière des femmes?
Bien des gens semblent croire que la solution à la pauvreté est un emploi: si l'on pouvait seulement mettre au travail ces mères qui élèvent leurs enfants seules, elles ne seraient plus pauvres. Trouver un emploi n'est pas nécessairement la solution à la pauvreté des femmes, parce qu'il faut voir quels emplois les femmes peuvent trouver: 40 p. 100 des femmes qui ont un emploi travaillent dans le cadre de ce que l'on appelle des arrangements de travail non traditionnels. Cela comprend le travail à temps partiel, les emplois temporaires, le travail occasionnel, le travail à contrat, et le travail indépendant à son propre compte, c'est-à-dire sans avoir aucun employé, et 40 p. 100 des emplois des femmes se trouvent dans ces catégories. Seulement 29 p. 100 des emplois des hommes sont dans ces catégories.
Les emplois de ce genre sont souvent mal payés, sans aucune pension ou avantages sociaux, et la sécurité d'emploi est précaire ou nulle. Par exemple, des études canadiennes des salaires horaires montrent que les travailleurs saisonniers gagnent 28 p. 100 de moins que leurs homologues permanents, les travailleurs occasionnels gagnent 24 p. 100 de moins, et ceux qui ont été embauchés par l'entremise d'agences de placement temporaire gagnent 40 p. 100 de moins que leurs homologues.
Au cas où vous penseriez que les femmes travaillent à temps partiel parce qu'elles s'occupent de leur famille, un tiers des femmes qui travaillent et qui sont à l'âge idéal pour avoir des enfants, c'est-à-dire entre 25 et 44 ans, travaillent à temps partiel parce qu'elles n'ont pas réussi à trouver d'emplois à plein temps. Environ le même pourcentage des femmes de ce groupe d'âge travaillent à temps partiel parce qu'elles s'occupent de leurs enfants. Bien sûr, les femmes qui ont des enfants ont besoin de garderies de qualité et abordables avant même de pouvoir envisager en toute confiance de chercher un emploi, et bien souvent, un tel service n'est pas disponible.
Quand les femmes perdent leur emploi, pour la plupart, elles ne touchent pas de prestations d'assurance-emploi. Autrefois, dans les années 1980, 70 p. 100 des femmes sans emploi touchaient des prestations d'assurance-chômage. Puis, en 1996, les règles ont été changées et le programme a été rebaptisé assurance-emploi. Aujourdhui, 32 p. 100 des femmes sans emploi, en comparaison de 40 p. 100 des hommes sans emploi, touchent des prestations d'assurance-emploi, lesquelles ne remplacent que 55 p. 100 de leur rémunération habituelle. Dans certains cas, elles ne les obtiennent même pas parce qu'elles n'ont pas travaillé suffisamment d'heures au cours des 12 mois précédents pour avoir droit à des prestations. Certaines d'entre elles avaient épuisé leurs prestations avant de trouver un autre emploi. D'autres avaient quitté un emploi précédent pour des raisons qui ne sont pas acceptées par la Loi sur l'AE. Mais beaucoup d'entre elles n'avaient pas travaillé au cours des 12 mois précédents, même si elles avaient peut-être été des participantes de longue date à la main-d'oeuvre rémunérée, cotisant au programme d'AE, ce qu'elles sont maintenant tenues de faire dès le premier dollar de gain.
Le refus des prestations d'AE aux travailleuses contribue certainement à la pauvreté des femmes. Le fait que le taux de faible revenu pour les femmes chefs de familles monoparentales qui n'ont pas d'emploi est de 82 p. 100 indique bien toute l'importance de ce facteur.
Des stratégies antipauvreté pourraient s'attaquer à la pauvreté des femmes de bien des manière. Par exemple, le salaire minimum pourrait être augmenté et des normes d'emploi pourraient s'appliquer aux travailleurs temporaires et autres travailleurs occupant des emplois non traditionnels. Vous avez peut-être pris connaissance de la récente étude de la partie III du Code canadien du travail qui a été faite par le professeur Harry Arthurs. Il explique de manière très détaillée, avec des recommandations précises, comment le Code du travail pourrait s'appliquer à ces emplois non traditionnels afin d'améliorer la situation de ces travailleurs.
Au Royaume-Uni, par exemple, un élément de la stratégie antipauvreté s'appelle A New Deal for Lone Parents (Une nouvelle donne pour les parents seuls). C'est un programme spécial pour les gens qui sont parents seuls — dans presque tous les cas, ce sont des femmes — qui met l'accent sur le counselling en tête-à-tête par un conseiller personnel qui peut donner des conseils spécifiques pour aider la personne à trouver un emploi, à prendre les arrangements voulus pour la garde des enfants et à obtenir de la formation.
Bien sûr, beaucoup d'éléments des stratégies antipauvreté relèvent des compétences des provinces. Votre tâche, je le sais, est de vous occuper de ce que le gouvernement fédéral peut faire, et il peut effectivement faire bien des choses. Permettez-moi de vous en énumérer quelques-unes.
Il pourrait examiner le programme d'AE pour voir pourquoi tellement de gens se voient refuser des prestations. Les responsables du programme soutiennent que 80 p. 100 de ceux qui ont droit aux prestations d'après les règles de l'AE en reçoivent effectivement. Mais là n'est pas la question, parce que si l'on exclut tous ceux qui sont inadmissibles pour diverses raisons, et c'est ce que fait RHDSC, bien sûr que la plupart de ceux qui restent vont toucher des prestations. Ce que nous voulons savoir, c'est pourquoi les règles d'AE excluent tellement de gens au départ. Le programme d'AE pourrait être remanié, avec de nouvelles règles pour l'admissibilité et le calcul des prestations, entre autres choses. Des recommandations détaillées sont formulées dans le rapport que j'ai fait avec Kevin Hayes et qui est intitulé Les femmes et le programme d'assurance-emploi. Les recommandations qu'on y trouve sont fondées sur les recommandations de votre comité, qui a publié un rapport très complet sur l'assurance-emploi il n'y a pas très longtemps.
Le gouvernement fédéral pourrait proposer de modifier le Régime de pensions du Canada de manière à permettre une période d'absence du marché du travail pour assumer des responsabilités familiales, comme il en existe déjà une pour s'occuper des enfants, afin que les femmes — ce sont presque toujours des femmes — qui doivent prendre leur retraite anticipée d'un emploi rémunéré pour s'occuper d'un membre de la famille qui est de santé fragile, très vieux ou invalide, ne soient pas pénalisées quand vient le temps de calculer leur pension de retraite au titre du RPC.
Nous pourrions aussi réexaminer le taux combiné de la pension de vieillesse et du SRG — essentiellement notre revenu garanti pour les personnes âgées — parce que pour une personne seule, le montant maximum disponible au titre de ces deux programmes est encore inférieur au seuil de faible revenu après impôt. Un tel changement pourrait aider les femmes âgées qui vivent seules et qui ont des taux tellement élevés de faible revenu.
J'ai remis au greffier un certain nombre de renvois aux rapports que j'ai faits ces dernières années et dans lesquels je proposais diverses options pour réduire la pauvreté parmi les femmes âgées. Et je suis sûr qu'il y a beaucoup d'autres possibilités.
Je constate que mon temps est écoulé et je vous remercie beaucoup pour votre attention.
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Oui, je vous entends. Merci.
Je suis ravi de prendre la parole devant vous aujourd'hui sur cette très importante question. Comme vous le savez peut-être, j'ai fait beaucoup de recherche sur la définition et la mesure de la pauvreté depuis 15 ans et j'espère que ces travaux vont m'aider à jeter un éclairage neuf sur la problématique à laquelle vous êtes confrontés à l'heure actuelle. Permettez-moi toutefois de commencer par formuler des observations critiques.
Le 24 novembre 1989, Ed Broadbent a pris la parole à la Chambre des communes et il a prononcé un discours passionné sur la pauvreté des enfants. Je cite un passage de son discours:
Je le répète, alors que la qualité de vie en général de la plupart des Canadiens s'améliore, celle de nos enfants se détériore. Alors que la plupart d'entre nous ont davantage de moyens de se vêtir, le nombre d'enfants n'ayant pas de chaussures augmente. Pendant que nous avons de meilleurs logements, il y a littéralement des milliers d'enfants canadiens qui sont sans abri. Être un enfant pauvre, cela veut dire manger les repas distribués par les banques alimentaires et les soupes populaires. Être un enfant pauvre, cela veut dire essayer de lire, d'écrire et de réfléchir l'estomac vide. Un quart de nos enfants ont faim. C'est une tragédie nationale, une honte nationale, une tragédie et une honte auxquelles nous devons mettre fin.
À la fin de son discours et après un court débat, M. Broadbent a proposé une motion portant que le Canada mette fin à la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000. La motion a été appuyée à l'unanimité par la Chambre des communes.
Je pense que beaucoup de Canadiens se demandent ce que le Parlement a fait pour remplir l'engagement qu'il a pris de mettre fin à la pauvreté des enfants. Les parlementaires ont-ils précisé exactement à quoi ils ont résolu de mettre fin? Autrement dit, ont-ils défini soigneusement ce que l'on entendait par pauvreté des enfants? Ont-ils demandé à Statistique Canada de mesurer précisément le nombre et la proportion d'enfants pauvres au Canada et de faire un suivi au fil des années? Ont-ils fixé des objectifs précis et des échéanciers pour l'élimination de la pauvreté des enfants, afin de pouvoir vérifier si les progrès accomplis étaient conformes au plan? Et au fait, avaient-il seulement un plan quant à la manière dont ils s'y prendraient pour éliminer cette pauvreté qu'ils avaient unanimement décidé d'éliminer.
Telles seraient normalement les étapes logiques pour résoudre un problème qui perdure depuis des décennies. Ce sont des éléments essentiels de toute résolution de problèmes et c'est absolument nécessaire pour permettre la reddition de comptes.
Posons donc la question: où en sommes-nous dans la lutte contre la pauvreté des enfants? Si l'on utilise une mesure que bon nombre de parlementaires et d'intervenants dans la communauté des travailleurs sociaux préfèrent — j'ai d'ailleurs entendu ce terme utilisé plusieurs fois ce matin — nommément le seuil de faible revenu, il semble bien que non seulement la pauvreté des enfants n'a pas été éliminée, mais qu'elle a même augmenté, du moins jusqu'en 2003. Ce sont les données les plus récentes fournies par le Conseil national du bien-être social.
Que doit-on conclure de cet épisode? Je crois que les Canadiens sont en droit de croire soit que le Parlement ne prend pas au sérieux sa propre résolution unanime, que c'était une promesse creuse qui paraissait bien politiquement à l'époque, soit que le Parlement est incompétent, absolument incapable de faire des promesses réalistes et d'élaborer des plans pour atteindre un objectif. Dans un cas comme dans l'autre, le Canada fait piètre figure. L'image du Canada est ternie, aux yeux des Canadiens et aux yeux des étrangers.
Faisons un bond dans le temps, de 1989 à 1995. Un sommet mondial sur le développement social a été tenu en 1995 à Copenhague. Il était parrainé par les Nations Unies et l'une des questions clés discutées à ce sommet était la pauvreté. À la fin, deux très importantes déclarations ont été faites.
La première était que tous les pays, y compris les pays industrialisés, s'engageaient à élaborer des mesures de la pauvreté absolue et relative. Pour que tout le monde comprenne bien ces termes, je précise que « pauvreté absolue » renvoie aux privations réelles, à l'absence de certaines nécessités de subsistance. Elle est habituellement déterminée en utilisant comme étalon de mesure un panier de biens assez limité. « Pauvreté relative », par contre, renvoie à une situation d'inégalité, au fait d'avoir beaucoup moins que la plupart des autres membres de la société dans laquelle on vit, quelle que soit la situation sur le plan absolu.
Donc, pour reformuler la première déclaration du sommet parrainé par l'ONU, on déclarait que tous les pays devaient mesurer la pauvreté absolue et relative.
La deuxième déclaration était que tous les pays devaient établir des politiques nationales visant à « éliminer la pauvreté absolue d'ici une date cible devant être précisée par chaque pays en tenant compte du contexte national ».
Le Canada a été l'un des nombreux pays qui ont signé ces déclarations. La tâche qu'on s'est engagé à mener à bien à Copenhague était assez claire: élaborer des mesures de la pauvreté absolue et relative, et établir un plan précis pour mettre fin à la pauvreté absolue. Il n'y a aucune ambiguïté. Le gouvernement ne pouvait pas soutenir par la suite que ce qu'il s'était engagé à faire n'était pas clair. Il est vrai que ce n'est pas tâche facile de mettre fin à la pauvreté, mais ne serait-ce pas magnifique si nous pouvions seulement réduire considérablement le nombre de personnes qui souffrent de véritables privations?
On peut encore poser la question: qu'est-ce que le gouvernement canadien a fait pour tenir son engagement pris à Copenhague? Avons-nous élaboré une mesure de la pauvreté absolue? Avons-nous élaboré une mesure de la pauvreté relative? Avons-nous établi l'incidence de la pauvreté absolue, comme première étape d'un plan visant à éliminer cet épouvantable problème social? Avons-nous pris des mesures sérieuses pour atteindre ces objectifs très précis? Avons-nous fait quoi que ce soit?
Croyez-moi, j'ai fait des vérifications. Après de nombreux appels téléphoniques, j'ai enfin réussi à parler à des fonctionnaires qui étaient au courant des engagements de Copenhague. À l'issue de ces conversations, j'en suis venu à la conclusion que nous n'avons rien fait pour atteindre ces objectifs. Plus précisément, nous n'avons pas élaboré de mesures de la pauvreté absolue et nous n'avons assurément pas éliminé la pauvreté absolue. Et j'ai eu beau chercher, je n'ai trouvé aucune indication démontrant clairement que nous ayons réussi ne serait-ce qu'à réduire la pauvreté absolue au cours des 10 dernières années.
Nous n'avons donc même pas eu le moindre débat intelligent et d'envergure nationale sur cette question. Je pose de nouveau la question: que doivent penser les Canadiens de leurs représentants élus? Je pense que les Canadiens ont le droit d'être gênés. C'est une véritable honte.
Pourquoi les gouvernements prennent-ils de tels engagements s'ils n'ont absolument aucune intention de les tenir? Il ne s'agit pas en l'occurrence de petites questions secondaires dont personne ne va se préoccuper. Le problème auquel nous sommes confrontés, c'est celui des Canadiens qui vivent dans la pauvreté. Nous avons affaire à un grave problème social et économique.
Cela dit, nous reconnaissons que les gouvernements canadiens, aux deux paliers, ont consacré des ressources au problème. Nous avons la prestation fiscale canadienne pour enfants, programme qui a été étendu et enrichi, et d'autres changements ont été apportés pour que certaines personnes pauvres aient un peu plus d'argent, mais où est l'approche systématique au problème? Où sont les cibles, les objectifs, les échéanciers, les étalons de mesure, et la reddition de comptes? Comment pouvons-nous dépenser des milliards de dollars sans avoir une idée de ce que nous essayons de réaliser, sans même avoir les étalons de mesure nous permettant de vérifier que nous sommes sur la bonne voie? Je vous le dis franchement, je ne comprends pas comment vous réussissez à vous en tirer.
J'espère que vous allez enfin prendre le problème au sérieux et que vous allez vous attaquer à ce fléau de la pauvreté d'une manière logique et scientifique, sans plier devant des intérêts spéciaux ni rechercher les gains politiques. Je voudrais vous donner des conseils.
Commençons par la définition. Nous ne parviendrons jamais à nous mettre d'accord sur une méthode ou une autre. Certains voient la pauvreté comme une forme d'inégalité, tandis que d'autres, comme moi, voient la pauvreté comme une insuffisance. Mesurons ces deux conceptions de la pauvreté et passons à l'action. Si quelqu'un insiste pour que l'on ne mesure pas la pauvreté absolue parce que c'est « mesquin », ou parce que le Canada ne peut pas se comparer à des pays du tiers monde, j'ai des arguments à vous présenter. Allez donc demander aux objecteurs s'ils préféreraient vraiment ne pas savoir combien de leurs compatriotes ne peuvent pas se permettre les nécessités de subsistance. Demandez-leur si les Canadiens dans leur ensemble ne devraient pas le savoir. Rappelez-leur que nous nous comparons constamment aux autres pays, y compris les pays pauvres, sur le plan du PIB par habitant, des résultats de santé, de la qualité de l'environnement, etc. Pourquoi ne pas faire aussi des comparaisons au chapitre de la pauvreté absolue? Il est probable que nous avons beaucoup moins de privations que beaucoup d'autres pays, mais nous ne le saurons jamais tant que nous ne l'aurons pas mesuré.
Enfin, demandez aux objecteurs de relire le discours d'Ed Broadbent, dans lequel il a décrit la pauvreté des enfants au Canada. Il n'a pas dit qu'un quart de nos enfants souffraient d'inégalités, ou qu'ils étaient exclus du courant principal de la société; il a dit qu'ils allaient se coucher affamés et qu'ils étaient en train de dépérir. Le seul moyen de vérifier l'existence de ce type de pauvreté, celle dont parlait Ed Broadbent, est d'appliquer une mesure absolue.
Je crois que la plupart d'entre nous avons une conception absolue de la pauvreté quand nous entendons ce terme ou quand nous visualisons personnellement le problème. Je crois que nous devons connaître l'étendue de ce type de pauvreté si nous voulons tenir un débat intelligent sur les politiques voulues pour résoudre le problème. Les gens qui ont rédigé la déclaration à Copenhague — je dirais que la plupart d'entre eux faisaient partie de la communauté du bien-être social — croyaient clairement que la pauvreté absolue était suffisamment importante pour la mesurer et l'éliminer.
Ensuite, nous devons avoir une discussion intelligente au Canada sur les objectifs que nous devrions nous fixer pour chaque type de pauvreté. Je m'inquiète beaucoup plus de la pauvreté absolue que de la pauvreté relative. Je ne suis pas vraiment préoccupé par l'inégalité des revenus et de la richesse, à moins d'une situation qui résulte de l'usage de la force ou de la fraude. Cependant, il y a une foule de perspectives différentes, une foule de points de vue différents sur cette question et, à un moment donné, la discussion doit prendre fin et le gouvernement doit décider ce qu'il faut faire. Il serait souhaitable que les deux niveaux de gouvernement — fédéral et provincial — s'entendent sur ce qu'il faut faire.
Ma recommandation à ce sujet est de s'attaquer énergiquement à la pauvreté absolue. Fixez l'objectif de la réduire de moitié en 10 ans, définissez-la, mesurez-la, obtenez l'opinion d'experts sur ce qui se passe et trouvez les meilleures politiques pour l'amener au niveau correspondant à l'objectif. Prenez cet engagement et tenez-le.
Évidemment, il ne faut pas s'en tenir là. Nous voudrions que la pauvreté absolue soit complètement éliminée au Canada d'ici 20 ans. Quel accomplissement ce serait, quel modèle le Canada deviendrait alors pour d'autres pays du monde. Cependant, pour atteindre ces objectifs, il faudra surmonter un certain nombre de grandes difficultés à la fois techniques et politiques. Sur le plan technique, nous devrons vraiment étudier sérieusement les données, en particulier sur le revenu, pour en tirer des enseignements.
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Je suis content que vous nous ayez demandé de ne pas entrer dans les détails sur tous les indicateurs.
Encore une fois, ce n'est pas une tentative visant spécifiquement à mesurer la pauvreté. Ce n'est pas une solution de rechange au SFR ou à la mesure de la pauvreté fondée sur un panier de consommation, mais je reviendrai dans un instant sur cette mesure du panier de consommation.
Nous travaillons avec du personnel d'un groupe de municipalités et, grâce à leur apport, à leurs conseils, à leur compréhension de la dynamique et des problèmes de leurs municipalités respectives, nous cherchons à déterminer ce qui constituerait un éventail de problèmes pertinents à la fois pour ces municipalités-là et pour la Fédération canadienne des municipalités parce qu'ils sont d'importance nationale. Quels sont ces problèmes qui permettent de saisir le mieux ce que nous appelons la qualité de vie?
Il y a une foule d'indicateurs très divers. Nous examinons par exemple les déplacements des banlieusards. Il y a beaucoup d'indicateurs de santé; il y a des indicateurs environnementaux, et d'autres qui sont purement démographiques. Dans certains cas, on constate un lien direct avec la pauvreté. Dans d'autres, le lien est moins clair.
Nous n'essayons pas de mesurer simplement et exclusivement la pauvreté. Ce n'est pas du tout une solution de rechange; c'est un menu d'indicateurs ouverts sur une foule de problématiques. Si la pauvreté est le facteur important, eh bien nous pouvons alors certainement compter sur ce système de rapports sur la qualité de vie. Nous vous avons transmis un rapport intitulé « Rapport thématique no 1 ». Si nous avons des rapports thématiques, c'est que nous sommes en mesure de faire ressortir des thèmes différents. Il y en a eu trois depuis le premier. Nous travaillons au cinquième, qui portera sur l'immigration.
Donc, pour répondre à votre question, nous pouvons nous pencher sur la pauvreté, mais le système n'est pas conçu exclusivement pour cela.
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Je vais commencer par faire deux brèves mises en garde sur toute la question de la mesure.
Premièrement, la façon probablement la plus rentable de réduire considérablement la pauvreté absolue au Canada consiste à simplement abaisser le seuil de la pauvreté. Cela changerait complètement la situation et bien sûr, il y a beaucoup de considérations politiques qui entrent en jeu. On peut aussi consacrer un temps fou à débattre des mesures qui conviennent le mieux. Si l'on met deux personnes dans une pièce et qu'on leur dit de trouver une centaine d'indicateurs différents, elles vont le faire avec plaisir. C'est toujours très facile de trouver 100 nouvelles manières de mesurer quelque chose, et il y a aussi des tiraillements politiques énormes pour décider où l'on place ce fameux seuil.
Cela dit, je trouve que l'un des attraits de travailler avec la Fédération canadienne des municipalités est que l'on n'a pas besoin d'en arriver à une seule et unique mesure. Chacune de ces municipalités, d'une manière ou d'une autre, se débat avec sa propre réalité. L'exclusion sociale fait partie du mandat municipal depuis un certain temps, certainement depuis que je travaille à ce projet, de sorte que si l'on examine cette liste d'indicateurs, l'engagement civique, c'est-à-dire la mesure dans laquelle les gens sont impliqués dans leur communauté, est l'un des indicateurs que nous prenons en compte. On pourrait même utiliser l'exercice du droit de vote.
J'ai dit que nous sommes en train de réaliser un rapport sur l'immigration. Il y a beaucoup d'inclusion et d'exclusion sociales au Canada dans le domaine de l'immigration, en particulier dans les villes. Ce qu'on ne voit pas dans cette version-ci, parce qu'elle date de 2004, c'est une série d'indicateurs sur les loisirs.
Cette liste a été établie par un groupe d'enfants; pendant que vous parliez, je passais en revue ma liste municipale, et l'on tient compte de la participation aux programmes de natation et à une foule d'autres programmes de loisirs. La capacité des municipalités de rendre ces programmes abordables est un élément très important de l'exclusion et de l'inclusion sociales, et on utilise exactement cette terminologie; dans certains sites Web municipaux, on utilise les expressions « inclusion sociale » et « exclusion sociale ».
Maintenant que j'ai fait mes mises en garde au sujet des mesures, je vais dire à quel point il est important de ne pas parler seulement en termes de revenu. Quand on parle de pauvreté, c'est un sujet beaucoup plus vaste que le simple revenu et cette mesure est effectivement prise en compte au Canada.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture aujourd'hui, nous voulons vraiment essayer de faire le point sur ce que nous voulons vraiment faire dans ce dossier, à savoir créer un plan qui nous permettrait d'échapper à notre réputation de ne pas atteindre notre objectif qui est d'éliminer la pauvreté et les privations. Je pense donc que nous devons essayer de trouver une formule, et vous nous y avez aidés aujourd'hui.
Je m'adresse à l'Association canadienne des banques alimentaires. Vous pourriez probablement nous aider à mieux définir le problème. Nous devons connaître la durée, l'étendue et la profondeur des besoins, parce que vous parlez de besoins fondamentaux. Vous estimez donc qu'une mesure fondée sur un panier de consommation serait un élément très important et probablement le plus important.
Je dois dire que je suis d'accord avec certains témoins pour dire que nous ne pouvons pas nécessairement essayer de mesurer les inégalités; nous devons commencer à penser d'abord et avant tout aux privations. Nous savons qu'il y en a beaucoup. Cela nous a été signalé. Il y a des collectivités durement éprouvées.
Je voudrais seulement mentionner à l'intention de l'Association des banques alimentaires des propos qui ont été tenus par un autre témoin qui nous a parlé des personnes âgées et des mères et qui a dit que le taux auquel les gens sortent de la pauvreté a beaucoup augmenté à cause des augmentations du supplément de revenu garanti, et aussi, dans le cas des mères seules, grâce à l'éducation que beaucoup d'entre elles cherchent maintenant à obtenir.
Mais nous devons revenir à la question de savoir quel est le meilleur instrument de mesure. Seriez-vous d'accord pour dire que ce serait peut-être un bon point de départ de mesurer le niveau de besoin des gens qui fréquentent les banques alimentaires, ce qu'il nous serait probablement possible de mesurer?
Et peut-être que la Fédération canadienne des municipalités et Monica Townson et M. Sarlo voudraient également répondre à cela. Je pense que nous devons commencer par là. Êtes-vous d'accord?
Je songe à différents scénarios. Même les banques alimentaires sont passées des besoins de base à la formation, ce qui montre à mon avis que vous travaillez vraiment très fort pour aider ces gens-là. Nous devons donc maintenant identifier les personnes et ensuite trouver le moyen de les aider à combler leurs besoins en matière de formation. J'ai trouvé très impressionnant, et ça prouve que vous sortez déjà des sentiers battus, que vous n'essayez pas seulement de nourrir ces gens-là à la banque alimentaire, mais que vous les aidez vraiment à avoir une qualité de vie meilleure.
Nous savons que la santé mentale, les drogues et les toxicomanies ont certainement causé beaucoup de problèmes et c'est pourquoi les gens en sont là — ou c'est du moins l'une des raisons de leur situation. C'est ce que nous essayons de préciser. Pourquoi en sont-ils là et comment pouvons-nous les en faire sortir? Je dis cela parce qu'il y a aussi des riches qui utilisent les banques d'aliments, parce qu'ils ont été forcés pour une raison quelconque de quitter leur maison et leur famille et se retrouvent sans abri. Nous voulons identifier ces personnes et trouver des stratégies pour les faire sortir de la pauvreté.
Je vous invite donc à nous donner des conseils sur le meilleur moyen de constituer ce panier de biens, parce que je commence à me dire que le « faible revenu » ne suffira pas.
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J'ai dit tout à l'heure que je voulais revenir à la question de la mesure fondée sur le panier de consommation. Au début, la FCM avait élaboré ce qu'on appelait la mesure de l'abordabilité communautaire. À un moment donné, des membres d'une équipe technique se rendaient dans les magasins d'alimentation de différentes villes canadiennes pour réunir un panier de provisions. On essayait d'établir essentiellement un indice des privations.
Au début, nous avons utilisé cette mesure, mais il est apparu que c'était infaisable, que ces personnes dans les diverses municipalités ne pouvaient pas, durant leur temps libre, aller un peu partout pour établir une estimation du coût du logement et des aliments et d'autres biens. La méthodologie semblait bonne et utile, mais elle était difficile à mettre en application sur le long terme. Donc, en ce sens, il est certain qu'il faut prendre comme point de départ les besoins essentiels; dans le cas de la FCM, ces besoins essentiels varient beaucoup d'une ville à l'autre, ce qui est également vrai dans votre cas.
Votre prédécesseur, Ressources humaines et Développement Canada, avait élaboré la mesure fondée sur un panier de consommation et publié ses résultats en 2002. Nous avons utilisé cette MPC dans notre précédent rapport sur la qualité de vie, en fait dans celui de 2004. Nous avions alors fondé nos calculs sur un panier de consommation pour l'année 2000. Nous avons trouvé cela très convaincant, mais depuis, nous n'avons pas entendu parler d'un suivi, et il faut pouvoir mesurer ces éléments sur une longue durée.
Donc, d'une part, il est certain qu'il serait vraiment utile de trouver un moyen de mesurer un panier de biens de consommation, un mélange d'aliments et d'autres besoins essentiels, entre autres le logement, les vêtements et les transports, mais il est clair qu'il y a un problème de durabilité: il faut voir pendant combien de temps on peut continuer à mesurer tout cela dans différentes villes. Si l'on s'y prend bien... et chose certaine, à la FCM, nous avons justement eu la semaine dernière une réunion d'une équipe technique et nous nous sommes demandés si nous voulions recommencer cet exercice cette année, c'est-à-dire envoyer des gens un peu partout dans les magasins d'alimentation.
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Merci, monsieur le président.
Je vais poser une question d'ordre général, et je serais très heureux d'entendre l'opinion de la fédération, de M. Sarlo ou des autres témoins qui désirent s'exprimer à ce sujet.
Le gouvernement fédéral intervient présentement de plusieurs façons en matière de lutte contre la pauvreté. Pour ce qui est des Autochtones, il a une responsabilité fiduciaire, un ministère et des budgets importants. En matière de logement social, les divers gouvernements se sont désengagés. Il y a surtout des transferts de revenus aux particuliers, par l'entremise de la prestation fiscale, de la pension de vieillesse et du Supplément de revenu garanti. Il y a également les transferts aux provinces.
Compte tenu du fait que les facteurs hautement déterminants en matière de pauvreté sont beaucoup liés à la santé, l'éducation, l'aide sociale et aux méthodes d'intégration au marché du travail, est-il réaliste de penser que l'impulsion de lutter contre la pauvreté peut venir du gouvernement fédéral? Est-il réaliste de demander une stratégie nationale? Ne devrait-on pas d'ores et déjà plaider pour une bonification des transferts acheminés aux provinces, de façon à ce que celles-ci, avec l'expertise qui est la leur, puissent gagner cette bataille?
J'ouvre ici une parenthèse pour dire qu'une mesure pourrait être prise dès maintenant. Les gouvernements ont tardé à le faire. Il s'agit d'inscrire dans la Loi canadienne sur les droits de la personne qu'il est interdit d'utiliser la condition sociale comme motif de discrimination. Cette disposition aurait permis d'invalider certaines lois des libéraux et des conservateurs.
Ne croyez-vous pas que la meilleure façon de gagner la lutte contre la pauvreté est de bonifier les transferts qu'assument les provinces pour mettre en œuvre des programmes?
J'aimerais d'abord entendre la fédération, si vous le permettez, puis M. Sarlo et les autres témoins qui souhaitent s'exprimer.
Monsieur le président, c'est une question non partisane, comme on les aime.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins qui sont ici aujourd'hui. C'est très intéressant.
J'aimerais aussi féliciter l'Association canadienne des banques alimentaires. Elle est formée de personnes qui sont souvent sur la première ligne pour aider les gens qui en ont besoin, qui ont sans doute faim. Vous devez souvent travailler avec les municipalités ou des groupes communautaires qui peuvent vous fournir des locaux, ce qui permet de vous aider.
On peut dire aussi que beaucoup d'entreprises privées, et même la population canadienne, sont relativement généreuses pour ce qui est de donner de l'argent à vos groupes pour les banques alimentaires. Il demeure aussi que les municipalités doivent travailler sans doute avec le gouvernement provincial, de même qu'avec le gouvernement fédéral.
Selon vous, pour trouver une façon de déterminer le seuil de la pauvreté, pour nous aider à nous orienter, pensez-vous que le panier de consommation pourrait être une mesure équitable ou serait-ce davantage le seuil du revenu? Il faut aussi prendre en compte le fait que, dans le milieu urbain, ce n'est pas la même réalité. Le coût des logements est sans soute plus élevé qu'en milieu rural. Par contre, en milieu rural, les frais de déplacement sont plus élevés.
Le panier de consommation pourrait-il constituer une mesure plus équitable de la pauvreté?
Si vous avez autre chose à nous conseiller, j'aimerais entendre tous les témoins à ce sujet.
Je veux d'abord dire à M. Lake que je comprends les arguments qu'il a présentés ici depuis deux jours. Je ne pense pas que quiconque vit dans la pauvreté se considère comme un pauvre, mais comme M. Cuzner l'a dit mardi, nous connaissons tous quelqu'un, quelque part, qui est vraiment pauvre. C'est donc assez relatif.
Je sais que dans mon propre cas, j'ai grandi dans une famille de la classe ouvrière, une famille de sept enfants qui ne pouvait pas compter sur des avantages sociaux, mais je ne me suis pas rendu compte que j'avais des difficultés avant l'adolescence, quand mes parents ont enfin obtenu un régime d'avantages sociaux et que j'ai pu me faire soigner les dents. Dans notre famille, l'option la moins chère était de les faire extraire et après que mon frère eut perdu toutes ses dents et que j'étais en bonne voie d'en faire autant, je me suis rendu compte qu'il me fallait une autre solution. Quand on est adolescent, il n'y a rien de pire, pour l'exclusion sociale, que d'avoir de mauvaises dents.
Je voulais seulement revenir à la question de savoir ce que nous devrions mesurer. Nous avons entendu plusieurs fois ce matin l'expression nécessités de subsistance. Je pose la question: qu'est-ce que c'est que les nécessités de subsistance?
Peut-être, Monica, pourrais-je commencer par vous, pour vous donner l'occasion de répondre à la question précédente qui portait sur l'inclusion sociale.
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L'inclusion sociale ou l'exclusion sociale devrait certainement être mesurée.
Vous connaissez peut-être la définition de la pauvreté adoptée par les Nations Unies, qui est fondée sur ce qu'on appelle une définition des droits de la personne et qui consiste à dire qu'être pauvre, c'est être exclu de la société, que l'inclusion sociale est catégoriquement un problème. Nous devons donc mesurer l'exclusion sociale et non pas simplement nous attarder au revenu ou aux nécessités de la vie.
La plupart des pays d'Europe qui ont élaboré des stratégies antipauvreté globales mesurent l'exclusion sociale. L'Irlande le fait, de même que le Royaume-Uni et d'autres pays européens.
Vous connaissez peut-être la situation de l'Irlande; dans ce pays, on a dressé toute une liste d'éléments dont on dit que les gens devraient y avoir droit. Si l'on parle des nécessités de subsistance, on pourrait se pencher avec intérêt sur cette liste. On y trouve une maison chauffée, un manteau chaud, des chaussures, un rôti une fois par semaine — et autres choses du genre — la capacité d'inviter des amis à passer la nuit une fois par semaine, la capacité d'aller au cinéma une fois par semaine. Nous ne trouvons peut-être pas que ce sont des besoins fondamentaux, mais je pense que l'on pose comme hypothèse que si les gens sont privés de plus de deux de ces éléments, ils doivent être considérés socialement exclus.
Autrement dit, on examine les éléments qui sont courants dans une culture donnée et l'on dit que tout le monde devrait, dans la mesure du raisonnable, avoir ce que les autres personnes ont. Il faut donc absolument mesurer l'exclusion sociale et je pense que nous devons en tenir compte au même titre que du revenu. Il ne doit pas seulement s'agir des privations.
Il fut une époque où l'on aurait dit que d'avoir une toilette à l'extérieur, ce n'était pas un problème, mais par la suite, une toilette intérieure est devenue une nécessité. J'ai lu quelque part récemment que d'avoir un téléphone est considéré de nos jours comme une nécessité, tandis que ce ne l'était peut-être pas il y a 50 ans, et l'on laissait entendre dans cet article qu'un jour, une connexion Internet sera peut-être considérée comme un besoin de base.
Tout cela change donc avec le temps et selon la société dans laquelle on vit, mais nous devons réfléchir à tout cela, comme l'ont fait les pays qui ont du succès dans leur lutte contre la pauvreté. Pour la plupart, ils utilisent une combinaison de mesures de nécessités de subsistance ou de l'exclusion sociale et d'une mesure quelconque du revenu.