:
Merci, monsieur le président.
J'ai été ministre de la Défense nationale du 6 février 2006 au 14 août 2007. Durant cette période, j'avais pour priorité de mettre en oeuvre la nouvelle politique de défense du gouvernement, en particulier à l'égard de l'équipement et de l'infrastructure. Avec l'appui de mes collègues du Cabinet, j'ai été en mesure d'accroître le financement à un niveau sans précédent dans l'histoire du Canada pour commencer à remettre sur pied nos forces maritimes, terrestres et aériennes. Ce financement a permis l'acquisition notamment d'équipement de transport aérien tactique et stratégique, d'hélicoptères de moyen à gros tonnage, de chars d'assaut, d'obusiers, de véhicules de combat blindés, de camions blindés, de véhicules de neutralisation sur les routes des dispositifs explosifs improvisés, d'équipement personnel, de patrouilleurs pour l'Arctique et de navires de soutien interarmées. Nous avons aussi pu mettre à niveau nos véhicules blindés de transport de troupes, les frégates, les sous-marins et l'infrastructure.
Lorsque j'étais ministre de la Défense nationale, les opérations militaires en Afghanistan étaient extrêmement intenses. Peu de temps après avoir accepté la responsabilité de la province de Kandahar, les Talibans ont mis à l'épreuve notre armée en essayant d'encercler la ville de Kandahar. Leurs combattants s'étaient rassemblés dans la région pour mener des attaques de style classique. Nos soldats ont réussi à contrer toutes leurs attaques. Les Talibans ont essuyé de très lourdes pertes et ont appris qu'ils ne pouvaient affronter les Canadiens dans des combats directs et espérer gagner. Ils ont dû abandonner leur objectif de s'emparer de la ville de Kandahar et se sont contentés de harceler nos troupes au moyen d'engins explosifs improvisés et d'attaques suicides à la bombe.
En soutien aux soldats déployés, notre gouvernement a accéléré l'expédition d'équipement et a fourni de nouveaux moyens pour aider à lutter contre l'insurrection. Pendant que je m'efforçais de rebâtir les Forces canadiennes, on m'informait quotidiennement sur les opérations courantes et les données de renseignements. D'ordinaire, les éléments portant sur l'Afghanistan étaient en tête de liste. Autrement dit, on m'informait de ce qui se passait, de ce qui était planifié et du fait que nous ayons ou non des détenus. En ce qui a trait aux détenus, on m'informait habituellement de leur état de santé, en précisant s'ils recevaient ou non des soins médicaux, et de la durée prévue de leur détention. Si je ne m'abuse, l'OTAN avait demandé que nous transférions les détenus aux autorités afghanes dans les 96 heures suivant leur capture, sous réserve de besoins médicaux particuliers.
Nos soldats prennent en charge les détenus de la capture jusqu'au moment du transfèrement du lieu de détention à Kandahar aux autorités afghanes. Pendant tout le temps de mon mandat, je ne me rappelle pas avoir été informé d'un seul cas de maltraitance ou de torture de prisonniers par des membres des Forces canadiennes ni de sévices infligés à des détenus remis aux autorités afghanes.
Les membres des Forces canadiennes sont professionnels et ont un comportement irréprochable. Les opérations militaires sont régies par les règles de la guerre, et chaque soldat a reçu l'ordre de traiter tous les détenus selon les standards de dignité humaine établis dans la Convention de Genève. Je suis scandalisé que des députés de l'opposition reviennent constamment à la charge à la Chambre des communes pour dénoncer un soi-disant camouflage d'abus et de torture. En somme, selon eux, le gouvernement et les Forces canadiennes seraient de mèche pour maltraiter et torturer des prisonniers. Pour que cette allégation, si fausse soit-elle, soit possible, il faudrait que huit échelons de l'armée aient été impliqués au cours de trois à quatre rotations. Cela comprend des milliers de personnes. Il s'agirait du camouflage le plus élaboré jamais vu et cette idée même dépasse l'entendement. L'opposition peut ne pas être d'accord avec la façon dont nous menons cette guerre, c'est son droit, mais accuser le gouvernement ainsi que toute la hiérarchie militaire de camouflage, c'est irresponsable.
Lorsque j'étais ministre, j'ai rendu visite aux troupes à quatre reprises en Afghanistan. À ma troisième visite, je me suis rendu dans la prison afghane de Kandahar. J'étais accompagné de quelques militaires et civils canadiens, dont un employé du Service correctionnel du Canada. Dans cette prison, il y avait trois catégories de prisonniers: politiques, criminels et jeunes;
La première fois que j'y ai mis les pieds, j'ai eu l'impression de voyager dans le temps. Les caniveaux de pierre le long de l'entrée principale me rappelaient l'époque médiévale. J'ai demandé de voir des cellules au hasard. Il y avait plusieurs prisonniers par cellule, et celles-ci étaient crasseuses. J'ai visité les unités destinées aux prisonniers politiques et criminels. J'ai aussi demandé à voir les locaux des gardiens qui, à ma grande surprise, n'étaient pas mieux, sauf qu'il n'y avait pas de verrous sur les portes. Personne, parmi les Canadiens qui m'accompagnaient ou les détenus, n'a formulé d'accusations de mauvais traitements ou de torture. En fait, durant mes quatre visites à Kandahar et mes trois visites à Kaboul, personne, à ce que je me souvienne, parmi les militaires ou les civils, n'a fait allusion à des mauvais traitements ou de la torture chez les prisonniers. Et je n'ai aucun souvenir, pendant tout le temps où j'ai été ministre, d'avoir lu de la correspondance provenant de M. Colvin.
Je suis très fier de ce que notre gouvernement a réalisé pendant que j'étais ministre de la Défense nationale, et c'était un honneur de diriger le ministère qui compte sur des hommes et des femmes en uniforme tout à fait remarquables ainsi que des fonctionnaires dévoués.
La performance de nos troupes en Afghanistan a été magnifique. Nos soldats ont repoussé les Talibans et perturbé leurs activités depuis leur arrivée dans la province en 2006. Ils ont contribué aux efforts d'assistance et de reconstruction dans les collectivités locales et ont entraîné et encadré de très nombreux soldats afghans.
Il ne fait aucun doute que nous avons la meilleure armée au monde, grâce à chacun de nos soldats. Parce qu'ils se sont consacrés avec tant de bravoure et de volonté à la mission, ils ont essuyé beaucoup de pertes. Ils continuent de répondre à toutes les attentes du pays, et je les remercie du sacrifice qu'ils font pour nous.
Enfin, j'ajouterais en tant que membre actuel du gouvernement et ancien ministre de la Défense nationale que je suis fier de ce que nous avons fait et de ce que nous continuons de réaliser en Afghanistan. De plus, les opérations militaires en Afghanistan ont été réalisées dans le respect du droit international et il n'y a pas la moindre preuve de l'implication de nos troupes dans des incidents de mauvais traitement ou de torture de détenus, ni aucune preuve que nous ayons avalisé les sévices présumément infligés par les autorités afghanes. Je ne me rappelle aucunement, en tant que ministre, avoir été informé de l'implication de nos troupes dans des cas de mauvais traitement ou de torture de détenus. J'estime que les allégations de camouflage par le gouvernement et l'armée des prétendus cas de mauvais traitement et de torture de détenus talibans constituent la forme de politique la plus mesquine qui soit.
Merci beaucoup.
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Merci monsieur le président.
Chers collègues, je suis heureux d'être présent aujourd'hui avec mes collègues, le ministre Cannon et le ministre O'Connor, pour aborder un aspect fort important de la mission canadienne en Afghanistan.
J'ai été nommé ministre de la Défense nationale en août 2007. Mon prédécesseur était le ministre O'Connor. Auparavant, j'ai été ministre des Affaires étrangères. Je suis allé en Afghanistan à neuf reprises, et ma visite la plus récente remonte au week-end du Jour du Souvenir. J'étais fier de m'y trouver en présence des familles de soldats tombés au combat.
Tout d'abord, je tiens à mettre deux choses au clair.
La torture est un acte odieux qui ne doit jamais être toléré. Non seulement c'est contraire au droit international, mais également à nos propres valeurs canadiennes qui sont le reflet d'une société libre et démocratique. Que cela soit clair: le gouvernement ne s'est jamais fait complice d'actes de torture ni de toute autre violation du droit international en exposant délibérément des prisonniers — prisonniers talibans — détenus par les Forces canadiennes à des mauvais traitements. Nous n'avons jamais fermé les yeux. La divulgation de renseignements à ce comité est conforme au droit canadien et est exempte de toute ingérence politique.
Monsieur le président, j'affirme catégoriquement et en bonne conscience que nos militaires, diplomates, agents de développement, policiers et agents correctionnels ont agi et continuent d'agir en respectant des normes professionnelles et d'éthique très élevées dans des circonstances fort exigeantes. Comme l'a dit le ministre O'Connor, la mission était difficile et dangereuse, et elle continue de l'être.
Ceci étant dit, je me dois d'exprimer ma fierté, non seulement en tant que politicien, mais en tant que Canadien, car je suis associé aux hommes et aux femmes en uniforme et aux diplomates qui continuent de réaliser un travail extraordinaire dans le cadre de cette mission, de même que dans d'autres missions aux quatre coins du monde.
Monsieur le président, je suis fier également du fait que dans le cadre de mes deux mandats, j'ai eu l'occasion de voir en personne les efforts hors du commun qui sont déployés par ces Canadiens remarquables. En Afghanistan, nous déployons des efforts unifiés à l'échelle pangouvernementale afin d'atteindre l'objectif global défini dans le mandat donné par le Conseil de sécurité des Nations Unies lors de l'établissement de la mission: établir sécurité, stabilité et prospérité et ainsi faire naître l'espoir pour le peuple afghan.
Nous sommes dans ce pays sur invitation du gouvernement de l'Afghanistan. Une soixantaine de pays y sont présents, dont 40 apportent une contribution militaire. Depuis fin 2005, le Canada est présent dans l'une des régions les plus dangereuses de l'Afghanistan, c'est-à-dire la province de Kandahar. Nous sommes constamment confrontés à des actes de violence, des attaques et à des insurgés impitoyables qui tuent des Afghans, des Canadiens et des citoyens des pays alliés qui participent aussi à la mission internationale.
[Français]
Monsieur le président, cette mission est aussi complexe que difficile. Nous sommes engagés dans un conflit armé et nous collaborons avec nos partenaires afin d'établir les conditions nécessaires pour permettre aux Afghans de reconstruire le pays et d'exercer pleinement leur souveraineté.
Cela oblige donc les militaires canadiens à patrouiller dans les zones rurales, les montagnes, les rues de la ville de Kandahar et les villages de la province de Kandahar. Nous accomplissons ces tâches afin de faciliter notre travail en matière de développement et de gouvernance, et d'assurer la sécurité des Canadiens qui contribuent à la reconstruction de l'Afghanistan.
Durant leur mission, les Forces canadiennes, tout comme les forces armées des autres pays de la coalition, détiennent des prisonniers. Il s'agit d'une réalité propre à tout conflit armé.
Dans le cadre de notre effort pangouvernemental, étant donné leur importance, les politiques et pratiques relatives à cette question continuent d'attirer l'attention et sont constamment scrutées de près.
[Traduction]
Monsieur le président, je commencerai par l'essentiel.
Les opérations et pratiques militaires du Canada reposent sur l'engagement de ce dernier à respecter le droit international, y compris le droit des conflits armés, également appelé le droit international humanitaire. Cela comprend, bien sûr, la Convention de Genève. Tous les militaires canadiens déployés en mission connaissent bien les obligations et les cadres législatifs fondamentaux à respecter dans le cadre de leurs opérations. Cela fait partie de leur formation de base.
Je tiens à affirmer clairement, monsieur le président et chers collègues, que lorsque des membres de notre personnel dans le théâtre des opérations — militaires, diplomatiques ou autres — ont soulevé des préoccupations, nous avons pris les mesures qui s'imposaient. Cela fait partie de notre travail, de nos attentes et de la chaîne de commandement sur le terrain. Cela est conforme aux valeurs à l'éthique, à l'engagement et au professionnalisme qui caractérisent la mission du Canada et le travail des Canadiens qui y prennent part.
Monsieur le président, vous avez entendu parler des questions ardues que nous avons dû régler au début de notre déploiement dans Kandahar. Malgré les dangers et défis à relever au départ, les Canadiens présents sur le terrain ont assumé leurs nombreuses responsabilités en collaboration avec les nouvelles institutions afghanes et leurs acteurs. Cela consistait également à assumer leurs obligations et à répondre aux attentes en ce qui a trait aux prisonniers talibans.
Les soldats et civils canadiens ont accompli un excellent travail dans le cadre de l'entente initiale de 2005 conclue entre l'ancien gouvernement libéral et le gouvernement afghan au sujet des prisonniers talibans. Ils ont agi conformément aux obligations juridiques du Canada. En outre, le Canada a obtenu de la part des hautes instances du gouvernement afghan, dans le cadre de sa collaboration continue avec ces dernières, depuis le président jusqu'aux représentants locaux, la garantie que les détenus transférés par les Forces canadiennes seraient traités humainement.
Néanmoins, la situation sur le terrain a évolué, et elle continue d'évoluer. Les militaires et civils canadiens sur le terrain ainsi que le personnel à Ottawa ont reçu des renseignements en provenance d'une vaste gamme de sources: de représentants canadiens, de pays alliés, de représentants des médias intégrés, d'organisations internationales et autres. Nous avons examiné minutieusement ces renseignements et nous en sommes servis pour trouver des moyens d'améliorer l'entente conclue avec le gouvernement afghan. C'est pourquoi nous avons agi de manière décisive.
En mai 2007, une entente supplémentaire a été conclue avec le gouvernement afghan et signée par notre ambassadeur de l'époque, Arif Lalani. Nous avons négocié cette entente supplémentaire parce qu'à l'instar de nos partenaires étrangers, nous nous préoccupions des conditions de détention en Afghanistan. Cette entente supplémentaire tablait sur les leçons que nous avions tirées en 2006-2007 et reflétait l'évolution de la situation sur le terrain ainsi que l'information reçue de diverses sources. Elle visait à améliorer la capacité du Canada à assumer ses obligations et à aider le gouvernement afghan à assumer les siennes. L'Afghanistan est un pays souverain.
Monsieur le président, cette entente a instauré de nouvelles dispositions, notamment l'octroi aux représentants du Canada du libre accès aux détenus transférés par les Forces canadiennes; des mesures nous permettant de surveiller plus facilement les conditions de détention et le bien-être des détenus que le Canada transfère dans des établissements de détention afghans; une disposition précisant que les prisonniers transférés par le Canada seraient détenus dans un nombre limité d'établissements; un renforcement du rôle de la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan, ce qui comprend le libre accès aux détenus transférés par le Canada; la réaffirmation du droit du Comité international de la Croix-Rouge d'avoir libre accès aux personnes détenues lors d'un conflit armé en vertu du droit international.
Le Canada a alloué des ressources concrètes au sein des établissements de détention afghans pour aider les Afghans à acquérir les capacités dont ils ont besoin pour assumer leurs responsabilités au sein du système. Nous en faisons un objectif fondamental à atteindre dans le cadre des efforts que nous déployons pour aider les Afghans à rétablir leur système juridique. Et nous demeurons vigilants. Nous avons pris les allégations de mauvais traitement très au sérieux, et monsieur le président, nous avons pris les mesures qui s'imposaient, autant sur le champ de bataille que dans Kandahar et à Kaboul avec le gouvernement de l'Afghanistan. Par exemple, nous communiquons directement avec les représentants du gouvernement afghans, à tous les échelons et jusqu'au président, lorsque des préoccupations sont soulevées. Nous nous efforçons assidûment d'informer les autorités afghanes des attentes du Canada quant à leurs responsabilités et au traitement des prisonniers talibans que le Canada leur transfère.
Il ne faut pas oublier que nous nous trouvons dans un pays souverain et que nous y sommes sur invitation du gouvernement. Nous y sommes pour fournir soutien, entraînement, encadrement et effort de reconstruction et non pas pour remplacer les autorités souveraines du gouvernement afghan. En accélérant le renforcement des capacités afghanes, nous accélérons également notre retour au pays.
Il importe de souligner que le Canada n'est pas seul à cet égard. Ses alliés et partenaires au sein de la Force internationale d'assistance à la sécurité travaillent également dans le respect de la souveraineté du gouvernement afghan. Cela s'inscrit dans l'esprit du mandat des Nations Unies et du Pacte pour l'Afghanistan, qui définit, avec la communauté internationale, les objectifs et priorités du gouvernement afghan en matière d'aide internationale. Cela ne signifie toutefois pas que nous manquons d'esprit critique et que nous sommes peu exigeants, au contraire. Nous faisons en effet preuve d'un esprit critique et faisons valoir nos exigences, mais en faisant preuve de respect. Nous sommes en Afghanistan après tout, et c'est un pays souverain. Cela signifie que nous devons nous fier sur le gouvernement afghan pour qu'il remplisse ses engagements, et que nous devons travailler avec les Afghans pour leur donner les moyens d'agir de la sorte. Nous avons l'obligation et la responsabilité de nous assurer de ne transférer aucun détenu dans des établissements où nous savons qu'ils seraient maltraités. Et c'est ce que nous avons fait, monsieur le président.
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Je disais que le gouvernement a l'obligation et la responsabilité de veiller à ne transférer aucun détenu, aucun prisonnier taliban, dans des établissements où il court de graves risques d'être maltraité. À cette fin, nous avons amélioré l'accès au lieu de détention. Jusqu'à ce jour, nous avons effectué plus de 180 visites dans les centres de détention afghans. Nous avons commencé à encadrer le personnel qui y travaille, à la fois les agents de police et les gardes qui travaillent dans les centres eux-mêmes. Nous avons investi des millions de dollars dans le système carcéral et dans les établissements eux-mêmes. Nous avons également amélioré les voies de communication avec des organismes internationaux tels que la Croix-Rouge.
Lorsque je parle de responsabilité, je le fais de manière inclusive, soit en englobant tous les représentants du gouvernement. Bien que le commandant de la Force opérationnelle interarmées en Afghanistan prenne la décision finale de transférer ou non des détenus, dans chaque cas, sa décision est prise après que toutes les circonstances ont été examinées en détail, notamment selon les renseignements découlant de la surveillance et des analyses effectuées par les diplomates du ministère des Affaires étrangères. Ni les Forces canadiennes ni le commandant ne prennent de décision avant d'avoir bien pris connaissance de la situation.
[Français]
Monsieur le président, je terminerai en abordant brièvement deux questions que les membres du comité ont soulevées.
Premièrement, je sais qu'il existe certaines préoccupations quant à la divulgation de renseignements au comité dans le cadre de ses travaux sur le transfert de détenus.
Cependant, je me dois de souligner que le gouvernement a l'obligation fondamentale de veiller à ce que la vie des civils et militaires canadiens ne soit pas mise davantage en danger en raison de la divulgation de renseignements qui pourraient poser des risques sur le plan de la sécurité opérationnelle. Nous devons également préserver la relation que nous entretenons avec nos partenaires en Afghanistan, qui nous aident énormément dans le cadre de notre mission.
[Traduction]
Monsieur le président, pour éviter une situation qui risquerait de mettre des vies en danger, des spécialistes des divers ministères concernés examinent minutieusement tous les documents afin d'en relever les renseignements sensibles susceptibles de mettre en danger les soldats et les autres membres du personnel déployés en Afghanistan. Il s'agit d'une procédure bien établie au sein du gouvernement du Canada et elle est exempte de toute ingérence politique. Je dois ajouter qu'elle est de plus assujettie à l'examen de la Cour fédérale.
Chers collègues, avant de conclure, j'aimerais aborder une autre question, l'allégation voulant que j'ai férocement attaqué un diplomate en public. Bien entendu, c'est tout à fait faux. Je n'ai diffamé personne ni n'ai porté atteinte au caractère ou à l'intégrité de quiconque. J'ai simplement souligné un fait qu'au moins sept autres témoins ont constaté, à savoir qu'on manque de preuve pour étayer certaines allégations. J'ai délibérément nuancé mes propos en précisant qu'ils ne visant pas une personne en particulier. Je n'ai pas fait d'allusions personnelles et n'ai jamais utilisé l'expression « dupes des talibans », bien que les médias, tant électroniques qu'écrits, me l'aient attribuée des douzaines de fois. Cela explique peut-être pourquoi certains diplomates se sont imaginés à tort que j'ai attaqué quelqu'un et ont donc réagi en s'en prenant à moi.
En dernier lieu, chers collègues, j'aimerais vous parler de l'enquête publique réclamée par certains dans ce dossier. Selon mes renseignements, trois enquêtes portant précisément sur cette question ont déjà été menées ou le sont actuellement. Premièrement, les Forces canadiennes ont formé une commission d'enquête chargée d'enquêter sur le traitement des personnes qu'elles ont capturées en avril 2006. Cette commission a conclu que tous les membres des Forces canadiennes, sans exception, ont traité leurs prisonniers de façon professionnelle et humaine, et que tous les actes qu'ils ont posés dans le cadre de leurs interactions avec ces prisonniers respectaient les directives en vigueur au moment de leur capture et étaient dans tous les cas irréprochables.
En deuxième lieu, la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire enquête actuellement sur le transfert des détenus. Toutefois, le président, agissant en toute indépendance du gouvernement, a décidé de suspendre les travaux de la commission et tente d'obtenir l'autorisation d'en appeler du jugement de la Cour fédérale qui a établi son mandat. Cependant, la semaine dernière, la Cour d'appel fédérale a rejeté la requête en autorisation d'appel en condamnant la CEPPM aux dépens et confirmant que la nature et la portée du mandat de la commission demeurent limitées. Monsieur le président, étant donné le rejet de cet appel, à mon avis, la commission pourrait très bientôt reprendre son enquête.
Bien entendu, votre comité poursuit ses travaux, et je vois d'un oeil favorable votre décision d'étudier cette question. Le gouvernement appuie en outre pleinement les travaux du comité, comme le prouve aujourd'hui la présence de trois ministres, qui sont disposés à répondre à vos questions. De plus, vous avez fait l'audition de 11 autres témoins, y compris les hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et des militaires, dont la plupart avaient été étroitement associés à la mission en Afghanistan. Monsieur le président, je vous assure que le gouvernement continuera à collaborer pleinement avec le comité dans ce dossier.
Si vous me permettez maintenant de conclure, chers collègues, je vous rappellerai la façon dont la situation a évolué sur le terrain et les ajustements que nous apportons constamment, de concert avec nos partenaires étrangers, pour nous assurer de prendre les décisions qui conviennent en ce qui concerne l'établissement de la sécurité, le développement et la gouvernance lorsqu'on traite des transferts de prisonniers talibans.
Nous n'avons jamais nié nourrir des préoccupations au sujet des conditions faites aux détenus dans les établissements afghans. En fait, à partir de 2006 et jusqu'à ce jour, notre gouvernement et des hauts fonctionnaires se sont constamment employés à améliorer le système et à faire en sorte que les établissements soient davantage en mesure de bien faire leur travail. Nous réévaluons sans cesse notre façon de faire en consultation avec nos alliés et bien sûr avec les autorités afghanes.
Monsieur le président, le Canada dispose actuellement d'une procédure de transfert des détenus rigoureuse et exhaustive, et ainsi que vous l'avez entendu de la part de nombreux témoins, y compris Mme Linda Garwood-Filbert des Services correctionnels du Canada, nous poursuivrons nos efforts dans ce dossier. Cette procédure est conforme à celle de nos alliés et à ce que nous tentons de réaliser avec le gouvernement afghan relativement au respect de sa souveraineté, au développement de ses capacités à gouverner lui-même son pays et à l'amélioration du respect des droits humains.
L'équipe du Canada en Afghanistan réalise un travail remarquable dans des circonstances extrêmement difficiles et parfois terrifiantes. Nous connaissons tous le tribut élevé que nos soldats et leurs familles ont dû payer dans le cadre de cette mission, monsieur le président. Pourtant, ils continuent à faire leur travail de manière exceptionnelle et, à mon avis, ils sont l'incarnation même de la classe sur la ligne de feu.
Monsieur le président et chers collègues, le gouvernement du Canada prend ses responsabilités très au sérieux au sujet du traitement des détenus afghans. Qu'on ne s'y trompe pas: le travail effectué par les Forces canadiennes a été caractérisé par la dignité et l'intégrité, et je suis extrêmement fier d'y être associé.
Chers collègues, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
Lorsque j'ai entrepris mes fonctions de ministre des Affaires étrangères le 30 octobre 2008, les hauts fonctionnaires du ministère m'ont informé d'une série d'enjeux liés à mon portefeuille. Cela comprenait: des relations bilatérales avec la communauté internationale, en particulier avec les États-Unis; les questions multilatérales telles que la crise économique, le désarmement, les droits de la personne et, particulièrement, le terrorisme; des forums internationaux tels que le Commonwealth, la Francophonie, l'OTAN, les Nations Unis et le G8; le dossier de l'Arctique; les États fragiles; la gestion des questions consulaires; et, bien sûr, notre priorité, le mission canadienne en Afghanistan, incluant la situation relative aux prisonniers.
Depuis, j'ai été régulièrement informé sur les diverses questions, comme il se doit.
À votre invitation, je résumerai de façon particulière aujourd'hui notre politique et son application du transfert aux autorités afghanes de prisonniers rassemblés au cours d'opérations militaires. Je répondrai bien volontiers à vos questions par la suite.
Je veux d'emblée rappeler que le Canada est en Afghanistan pour aider les Afghans à reconstruire leur pays et à en faire une société stable, démocratique et autonome. Nous y sommes, en compagnie de plus de 60 autres États et organismes internationaux, à la demande du gouvernement afghan dans le cadre d'une mission pilotée par l'OTAN, conformément à un mandat de l'ONU.
L'objectif du Canada est de promouvoir six priorités ciblées qui cadrent avec le Pacte pour l'Afghanistan, une entente de cinq ans qui a été ratifiée par la communauté internationale et le gouvernement de l'Afghanistan au début de 2006.
[Traduction]
Vous n'ignorez pas que le gouvernement du Canada publie des rapports trimestriels sur notre engagement en Afghanistan. Le sixième d'entre eux paraîtra cette semaine, et j'invite les députés et tous les Canadiens à consulter ces documents. Ils y verront que des progrès considérables ont été réalisés par rapport à certaines préoccupations fondamentales, grâce au dévouement, au courage et au professionnalisme de nos soldats, de nos diplomates et de nos fonctionnaires.
[Français]
En abordant la question du transfert de prisonniers par le Canada aux autorités afghanes, j'estime que je dois aussi commencer par rappeler la nature du travail qu'accomplissent nos représentants canadiens, civils et militaires, déployés en Afghanistan. Ces personnes travaillent, jour après jour, dans un pays aux prises avec une insurrection armée particulièrement dangereuse et poursuivent les objectifs de la mission canadienne avec un professionnalisme et un dévouement dont nous pouvons tous être extrêmement fiers.
Comme je l'ai affirmé à la Chambre des commune la semaine dernière, « [i]ls sont la gloire de leur génération comme l'ont été à une époque les héros de Vimy, de Dieppe et de tant d'autres théâtres de guerre où les armes ont défendu nos valeurs et nos libertés. Ces hommes et ces femmes mettent leur vie en danger pour assurer un meilleur avenir à un pays qui tente de repousser la menace du totalitarisme, du sectarisme et de l'extrémisme ».
[Traduction]
À ceux qui sont obsédés par le bien-être de personnes dont on soupçonne qu'elles sont nos ennemis dans ce conflit, je tiens à rappeler que nos hommes et nos femmes en uniforme mettent souvent leur propre vie en péril en s'efforçant de les traiter de la manière la plus équitable et humaine possible.
J'invite aussi les membres du comité à réfléchir aux paroles prononcées par M. David Mulroney devant vous, et je cite:
Nous n'avions pas le moindre doute que les détenus capturés par les Forces canadiennes représentaient une véritable menace pour les Afghans, et qui plus est, dans certains cas, avaient du sang canadien sur les mains.
[Français]
En ce qui a trait spécifiquement au transfert des prisonniers talibans, il est important de rappeler que ceux-ci ont d'abord été transférés aux autorités afghanes en vertu d'un accord conclu entre les gouvernements canadien et afghan en décembre 2005.
Comme vous le savez tous, il y a plus de deux ans et demi, nous avons conclu un arrangement supplémentaire avec l'Afghanistan pour remplacer cet arrangement inadéquat sur le transfert des prisonniers dont nous avions hérité du précédent gouvernement.
Depuis le début de notre engagement, le Canada a toujours insisté auprès des autorités afghanes sur la nécessité de traiter les prisonniers selon les règles du droit international. J'ai moi-même soulevé la question de l'importance du respect des droits de la personne lors de mes rencontres avec le président Karzaï et avec le ministre afghan des Affaires étrangères, M. Spanta.
Pouvons-nous, cependant, assumer la responsabilité de tout ce qui se passe dans les prisons afghanes, entre Afghans? Bien sûr que non.
La mission que nous avons acceptée — notre gouvernement et celui qui l'a précédé — n'est pas la surveillance intégrale et permanente des systèmes judiciaire et carcéral de l'Afghanistan. Je souligne cependant que là où il n'y avait rien de prévu auparavant, notre gouvernement investit maintenant dans des programmes de développement des secteurs policier, judiciaire et correctionnel pour améliorer la capacité du gouvernement afghan dans ces domaines.
L'entente supplémentaire que notre gouvernement a mise en place a permis d'instaurer un mécanisme de surveillance et de suivi qui assure la protection des droits de la personne des prisonniers transférés par le Canada et est considérée comme un modèle à suivre.
Cette entente prévoit que les représentants canadiens aient un droit d'accès sans restriction à ces prisonniers, comme l'a mentionné mon collègue le , M. MacKay.
Cela nous a permis d'effectuer près de 200 visites, depuis notre nouvelle entente, pour vérifier que les prisonniers transférés soient traités en accord avec nos valeurs et nos principes, et en accord avec le droit international.
Si lors de ces visites les officiels canadiens reçoivent des allégations de mauvais traitements, le Canada prévient aussitôt le Comité international de la Croix-Rouge et la Commission indépendante des droits de la personne de l'Afghanistan, en fonction de leur mandat, et soulève la question auprès des plus hautes autorités gouvernementales afghanes pour obtenir une enquête en bonne et due forme.
[Traduction]
Rappelons-nous les propos de Linda Garwood-Filbert, fonctionnaire des Services correctionnels du Canada depuis 28 ans et qui a effectué près de 50 visites dans les prisons afghanes, dont bon nombre sans préavis: « Pour ma part, je n'ai jamais observé le moindre signe de sévices physiques ou de torture. »
Y a-t-il eu des allégations de torture? Bien sûr, et cela ne devrait pas nous étonner si nous nous reportons à n'importe lequel des manuels d'al-Qaïda, et particulièrement à celui qu'a découvert la police britannique lors d'une descente au domicile d'un membre d'al-Qaïda et qu'on a montré plus tôt cette année lors d'un procès pour attentat terroriste tenu à New York. Au chapitre 18, on peut lire les deux premières recommandations faites aux membres d'al-Qaïda fait prisonniers, qui se lisent comme suit, et je cite: (1) « Au début du procès, une fois de plus, les frères doivent insister pour prouver devant le juge que la sécurité d'État (les enquêteurs) les a torturés » et (2) « En prison, plaignez-vous de mauvais traitements. »
Monsieur le président, si l'on me demandait de choisir entre le témoignage d'un haut fonctionnaire des Services correctionnels du Canada et celui d'un agent tacticien d'al-Qaïda, je choisirais celui des services correctionnels 10 fois sur 10.
Nous ne nous contentons pas de surveiller et de suivre les prisonniers talibans que nous avons capturés parce qu'ils représentent une menace immédiate pour nos hommes et nos femmes sous les drapeaux, mais nous avons aussi mis sur pied des programmes de renforcement des capacités de manière à améliorer les conditions de tous les détenus. Nous offrons des services de formation et d'encadrement aux agents correctionnels afghans ainsi qu'aux cadres supérieurs. Depuis 2006, nous avons affecté 7,7 millions de dollars à des projets de réforme des services correctionnels en Afghanistan.
Pendant la visite que j'ai effectuée en Afghanistan en compagnie du ministre Day en mars dernier, nous avons observé en personne les conditions de détention dans la prison Sarposa et ce qui se passe dans un centre de formation de la Police nationale afghane et avons donc été en mesure d'observer des réalisations concrètes. Nous avons aussi profité de l'occasion pour annoncer une subvention de 21 millions de dollars destinée à renforcer l'état de droit en se concentrant sur les services policiers.
En conclusion, monsieur le président et chers collègues, à ceux qui déploient des efforts très vigoureux afin de trouver de quoi reprocher aux hommes et aux femmes qui défendent la liberté, la justice et la sécurité dans le lieu le plus dangereux de notre planète, je dirai que personne ne pourrait faire mieux. Je rappelle à votre comité que tout ce que ces hommes et ces femmes espèrent en retour est de bénéficier de l'encouragement et du respect de leurs compatriotes canadiens.
Je vous remercie.
D'entrée de jeu, je précise que ce qui est en cause ici, ce ne sont pas les faits et gestes de nos hommes et femmes sur le terrain, mais ceux de ce gouvernement ou ses omissions.
En second lieu, puisque le ministre veut citer un témoignage, il pourrait s'arrêter à celui du général Natynczyk aujourd'hui et à sa mention d'un fil électrique tressé qu'on a découvert lors de l'arrêt des transferts de prisonniers. J'aimerais simplement qu'on reste sur le plan concret plutôt que de discourir.
Ma question s'adresse au ministre de la Défense. Que l'on cite l'ONU, le Département d'État des États-Unis, nos propres rapports canadiens sur les droits de la personne, la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan, Human Rights Watch ou Amnistie internationale, nous disposons d’un ensemble de preuves probant et établissant que le transfert de prisonniers dans des prisons afghanes représentait de sérieux risques de torture. Monsieur, vous avez affirmé à maintes reprises qu'il n'y a pas l'ombre d'une preuve de torture et le premier ministre lui-même l’a dit.
Ma question porte sur nos obligations internationales. Je ne parle pas ici de nos effectifs sur le terrain, des militaires, de nos hommes et de nos femmes. Non, il s’agit de la responsabilité civile. Le pouvoir civil a des responsabilités. Or, lorsque vous saviez qu’il existait des preuves convaincantes, mais que vous en niiez la réalité, vous avez permis que se poursuivent les transferts aux autorités afghanes de prisonniers capturés par les Canadiens, ce malgré le risque sérieux de torture que cela représentait.
Monsieur le ministre, à mon avis, vous êtes donc accusé devant le tribunal de l'opinion publique d'avoir fermé les yeux sur les faits, de vous être volontairement aveuglé à leur sujet. Or, nul n'est censé ignorer les faits. Il n'est pas besoin d'avoir une connaissance directe de cas de torture; devant un tribunal international, on peut présenter des preuves indirectes. Je vous demande donc de vous démettre de vos fonctions et de nous dire simplement si vous ne compromettez pas la sécurité de nos hommes et de nos femmes en permettant que continuent les transferts de prisonniers au risque que ces derniers soient torturés?
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais d'abord dire que nous du gouvernement n'avons jamais nié que les prisons d'Afghanistan et la situation des prisonniers étaient préoccupantes. Nous avions bel et bien des préoccupations d'ordre général, dont nous avons d'ailleurs fait part à d'autres pays, en nous fondant, bien sûr, sur diverses sources, y compris certaines que M. Dosanjh a citées — des organismes internationaux, d'autres pays, certainement nos hommes et nos femmes sur le terrain, le ministère des Affaires étrangères et nos militaires. Par conséquent, depuis que notre première entente de transfert a été conclue, nous avons recueilli ces renseignements et avons décidé des moyens à prendre pour mettre fin aux carences observées dans cette situation et dont notre gouvernement avait héritée.
L'entente relative au transfert était manifestement insatisfaisante parce qu'elle ne donnait pas suffisamment accès aux représentants canadiens — c'est-à-dire qu'elle ne leur permettait pas de se rendre dans les prisons à des fins de suivi. Par conséquent, en tant que ministre de la Défense nationale... Ainsi que l'ont déjà précisé d'autres ministres, nous avons agi. Nous avons agi en nous appuyant sur des renseignements et des conseils qui nous sont parvenus de diverses sources, dont les nôtres, et ainsi que cela a déjà été noté, nous avons présenté des rapports. Le ministère des Affaires étrangères soumet des rapports annuels sur les droits de la personne. Nous étions donc conscients, douloureusement conscients des vastes améliorations qu'il fallait apporter aux centres de détention afghans.
Au sujet des allégations précises, et ici je me rends bien compte que mon collègue veut brouiller les cartes et faire croire d'une manière ou d'une autre que j'ai nié être préoccupé au sujet de la condition générale des prisons afghanes — lorsqu'elles ont été faites au sujet des prisonniers dont nous avions la garde, nous avons agi. Les commandants sur le terrain ont pris la décision d'arrêter ces transferts.
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Je me contenterai de poser la question suivante: monsieur, vous avez affirmé qu'on doit disposer d'allégations précises. Or, le droit international est très clair. On a besoin d'une preuve circonstancielle, mais non d'une connaissance directe de cas de torture. De nombreuses sources faisaient état de la torture infligée dans les prisons afghanes. N'importe quel enfant de là-bas était au courant. Tous les rapports, tant nationaux qu'internationaux, en faisaient état.
Monsieur le ministre, vous continuez à livrer des prisonniers à la torture au nom du Canada. Or, il importe que vous le sachiez, il n'est pas besoin de disposer d'allégations précises.
Vous affirmez qu'il suffit de s'en remettre à la commission d'enquête pour étudier des cas individuels, à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire.
D'abord, vous avez contrecarré le travail de cet organisme par entrave à la justice. Et cette commission ne peut suffire, car l'enquête qu'elle effectue est très circonscrite, tout au moins sa première enquête. Vous avez aussi nui au travail de notre comité, mon ami, en ne permettant pas qu'on lui donne un accès approprié et sans entrave à tous les documents pertinents.
En fin de compte, reconnaîtrez-vous avoir permis que nos prisonniers courent le risque d'être torturés, compte tenu des nombreuses preuves convaincantes établissant qu'il y avait de la torture et que, partant, il y aurait lieu de tenir une enquête publique pour tirer les choses au clair, rétablir la réputation du Canada sur le plan international et protéger nos hommes et nos femmes en Afghanistan?
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Merci, monsieur le président.
Je vais répondre à ces allégations extravagantes, d'après lesquelles moi-même ou d'autres ministres de notre gouvernement participerions sciemment à une manoeuvre ou à une collusion pour livrer quelqu'un à la torture. Une telle allégation dépasse les bornes, est fausse, incendiaire et injurieuse de la part d'un collègue ministre, de quelqu'un qui a fait partie d'un gouvernement et qui devrait donc être plus éclairé. J'ajoute qu'il fait partie du Barreau, est avocat comme moi et qu'il doit donc savoir qu'on fonde ses actes sur les éléments de preuve dont on a connaissance.
Permettez-moi donc de répondre à certaines de ces allégations outrancières.
Il a été dit que j'ai personnellement refusé de fournir des documents et que je me suis ingéré dans le cours des choses ou que j'ai intimidé des témoins. Encore une fois, tout cela est sans fondement, dénué de preuve. Telle a cependant été la manoeuvre choisie ici, soit de lancer le plus de saletés possible à la face du gouvernement.
Pour ce qui est de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, il s'agit d'un organisme indépendant. Son président a décidé de suspendre ses audiences et de s'adresser à la Cour fédérale pour contester le fait que le gouvernement avait collaboré avec la commission dans les limites de son mandat. La Cour a confirmé et réaffirmé le mandat de la commission. Je le répète, cet organisme est tout à fait indépendant.
En ce qui a trait aux documents, j'en ai parlé tout à l'heure. Les documents en question sont passés au crible par des avocats du gouvernement agissant toutefois en toute indépendance, sans ingérence politique. Ils font l'objet d'un examen attentif afin précisément d'éviter le risque de communiquer des renseignements susceptibles de mettre en danger la vie de nos soldats, de nuire à nos opérations et de compromettre les renseignements fournis par d'autres gouvernements ou d'autres organismes et qui l'ont été sous réserve qu'ils ne soient pas divulgués.
Il ne s'agit là que de quelques-unes des contradictions et des faussetés entendues dans la bouche de ce membre de votre comité.
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Quand j'étais ministre de la Défense nationale, ainsi que je l'ai précisé dans ma déclaration liminaire, tous les jours que j'étais au bureau — et c'était vraiment tous les jours — on me donnait un briefing sur les opérations et sur les renseignements de sécurité. Lorsque nous avions des prisonniers sous notre garde, on me disait combien il y en avait, dans quel état ils se trouvaient, s'ils étaient prêts à être transférés, et cetera. Je m'efforçais de rester le plus possible au courant de ce qui se passait en Afghanistan.
Il est question de l'entente de 2005, qui, je crois, a été conclue en décembre de cette année-là. Nous sommes arrivés au pouvoir le 6 février 2006. Nous avons donc hérité de cette entente de transfert, et il nous a fallu quelque temps pour cerner les points à améliorer et pour voir si c'était possible. Nous avons comparé cette entente à d'autres. Vous vous souviendrez que, pendant assez longtemps, j'ai affirmé dans l'enceinte du Parlement que la Croix-Rouge nous aviserait de ce qui se passait.
À la longue, après quelque 10 ou 11 mois, la Croix-Rouge nous a dit que tel n'était pas le cas, et je me suis donc excusé. J'avais cependant tenu le Parlement au courant sur la foi de renseignements que j'avais reçus à l'époque. Je n'avais rien inventé. Je ne disposais pas d'un service de renseignements de sécurité à moi seul, installé dans mon propre bureau; je devais accepter ce que me disaient mes hauts fonctionnaires.
Une fois que nous avons découvert que la Croix-Rouge ne nous tenait pas au courant de la condition des détenus, nous nous sommes tournés vers la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan. Celle-ci nous a affirmé effectuer ce genre de travail mais aussi qu'elle se trouvait dans une situation plutôt précaire. Tenant donc compte de la situation de la Croix-Rouge et de celle des droits de la personne, nous avons estimé qu'il fallait améliorer l'entente, ce qui fut fait à la fin de mon mandat. La nouvelle entente, signée en 2007, nous donnait un droit de visite dans les prisons afghanes.
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Monsieur le président, une brève remarque, si vous permettez. Pour poursuivre dans la foulée du ministre O'Connor, quelque temps après l'entrée en vigueur de la nouvelle entente, certains membres de votre comité ont dit publiquement qu'il ne se passait rien. Je crois qu'on a parlé d'un trou noir; or, c'est absolument faux. Permettez-moi ici de reprendre les propos de Mme Colleen Swords, haut fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères.
Au début de 2006, comme vient de le préciser le ministre O'Connor, le ministère des Affaires étrangères s'est rendu compte que le Comité international de la Croix-Rouge avait des préoccupations au sujet des avis de transfert des prisonniers. On a agi en gardant cela à l'esprit. En octobre, le ministère des Affaires étrangères a commandé un rapport aux Services correctionnels du Canada au sujet des moyens dont disposaient les Afghans; par conséquent, des visites de prison avaient bel et bien lieu. Des agents canadiens des Services correctionnels du Canada s'étaient déployés dans les prisons afin de voir ce qui devrait être fait.
Nous n'étions donc pas inactifs; nous agissions. Rendu en février 2007, le gouvernement du Canada comptait des experts sur le terrain chargés d'examiner comment renforcer les compétences et les moyens des services afghans. Ces activités d'encadrement et de formation ont été confiées aux Services correctionnels du Canada, qui les ont offerts aux policiers et aux gardiens de prison afghans.
Toujours en février 2007, il y a eu un échange de lettres, un partenariat entre le gouvernement du Canada et la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan. Les négociations en ce sens se sont conclues la même année, et en vertu de l'entente à laquelle on est arrivé, il a été entendu qu'on aviserait le partenaire du transfert de nos prisonniers vers les prisons afghanes.
En avril de la même année, à la suite d'un article paru dans le Globe and Mail, des représentants canadiens ont participé à certaines réunions mettant en présence des porte-parole afghans ainsi que des représentants de la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan. Toutes ces activités ont abouti à la signature d'une nouvelle entente de transfert. Bon nombre de fonctionnaires se sont activés et ont ainsi réussi à améliorer l'entente de transfert précédente, ce qui a donné aux agents canadiens de meilleur droit de visite dans les prisons afghanes.
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Monsieur le président, je veux d'abord dire que je ne suis pas satisfait de la façon dont le comité se déroule. On a beaucoup de questions à poser, et les ministres vont s'en aller sous peu.
Aussi, j'invite mes amis journalistes qui sont dans la salle à venir retransmettre les questions que j'aurais à poser plus tard aux ministres. J'espère que ces derniers pourront y répondre par votre entremise, parce qu'on n'a pas le temps de le faire ici, comme vous le voyez.
Mme Lalonde vous interroge sur votre responsabilité de savoir; moi, j'aimerais vous interroger sur votre responsabilité ministérielle. Vous n'en avez pas parlé. Vous dites seulement, monsieur le , que « nous devons nous fier » à votre document, « nous devons travailler », « nous en avons l'obligation ».
Lorsque je dis « nous », monsieur le président, je parle de façon inclusive, soit en incluant tous les représentants du gouvernement. Où est la responsabilité ministérielle de ces trois ministres, monsieur le président?
Pourtant, ils décident parfois d'intimider les témoins. Écoutez bien, monsieur le , ce qu'a dit M. Shawn Barber à M. Colvin:
Le gouvernement du Canada ne partage pas l'avis du légiste sur l'application des lois aux travaux parlementaires et nous comptons qu'en votre qualité de fonctionnaire vous vous conformerez à l'interprétation du gouvernement du Canada.
Il y a pire:
Si des membres du Comité expriment des motifs de préoccupation, ces motifs devraient être renvoyés au conseiller juridique du gouvernement.